Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mises au point au sujet d'un vote

Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité

Mme Nadège Havet

M. Pierre Médevielle

M. Didier Mandelli

M. Ronan Dantec

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Stéphane Demilly

Accueil d'une délégation de Mongolie

Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés (Suite)

M. Henri Cabanel

M. Joël Bigot

Modernisation de la régulation du marché de l'art (Deuxième lecture)

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission des lois

M. Franck Menonville

M. Jean-Baptiste Blanc

M. Guy Benarroche

M. Pierre Ouzoulias

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Bernard Fialaire

M. Jean-Pierre Sueur

M. Julien Bargeton

Discussion des articles

Bilan de la politique éducative française

M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports

Mme Annick Petrus

Mme Monique de Marco

Mme Céline Brulin

Mme Annick Billon

M. Bernard Fialaire

M. Jacques-Bernard Magner

M. Julien Bargeton

M. Franck Menonville

Mme Catherine Belrhiti

Mme Sonia de La Provôté

Mme Sylvie Robert

Mme Béatrice Gosselin

M. Jacques-Bernard Magner

M. Édouard Courtial

M. Olivier Rietmann

M. Jean-Raymond Hugonet

M. Gérard Longuet

Innovation en santé

Discussion générale

Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles

Discussion générale (Suite)

M. Thomas Dossus

Mme Laurence Cohen

Mme Nadia Sollogoub

Mme Véronique Guillotin

Mme Émilienne Poumirol

M. Martin Lévrier

Mme Vanina Paoli-Gagin

Mme Florence Lassarade

Mme Jocelyne Guidez

M. Bruno Belin

M. Guillaume Chevrollier

Discussion des articles

ARTICLE 3

ARTICLE 5

ARTICLE 6

ARTICLE 9

ARTICLE 10

Article 11

APRÈS L'ARTICLE 12

ARTICLE 13

ARTICLE 14

APRÈS L'ARTICLE 15

ARTICLE 16

M. Thomas Dossus

APRÈS L'ARTICLE 16

APRÈS L'ARTICLE 17 (supprimé)

ARTICLE 20

ARTICLE 22

Interventions sur l'ensemble

Mme Laurence Cohen

Mme Émilienne Poumirol

Ordre du jour du mercredi 23 février 2022




SÉANCE

du mardi 22 février 2022

61e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Claude Tissot, Mme Marie Mercier.

La séance est ouverte à 15 h 15.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Jean-Pierre Sueur.  - Comme annoncé hier, le groupe SER souhaitait voter dans sa totalité « pour » lors du scrutin sur l'ensemble du projet de loi ratifiant l'ordonnance relative à la fonction publique communale en Polynésie française.

M. Pierre Médevielle.  - Lors du scrutin public n°108, l'ensemble du groupe INDEP souhaitait voter pour.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officifigureront dans l'analyse politique du scrutin.

Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à permettre l'implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés, présentée par M. Didier Mandelli et plusieurs de ses collègues.

La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

M. Jean-Claude Anglars, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP) L'article 102 de la loi Climat, introduit au Sénat en première lecture, a été censuré par le Conseil constitutionnel. Cette proposition de loi de Didier Mandelli vise donc à faire enfin aboutir une demande consensuelle formulée de longue date par les élus du littoral, freinés par la loi Littoral de 1986, qui n'autorise les constructions nouvelles qu'à proximité des agglomérations et villages existants. Des dérogations ont été autorisées pour les activités marines, agricoles et forestières, mais rien n'a été prévu pour le photovoltaïque, que le juge administratif considère comme de l'urbanisation.

De nombreuses communes littorales se trouvent dans une impasse juridique, comme l'Île d'Yeu, que nous avons visitée le 3 février avec M. Mandelli. Elle porte depuis plus de dix ans un projet photovoltaïque sur une ancienne décharge, afin de ne pas empiéter sur des surfaces naturelles, mais se heurte à l'application de la loi Littoral.

À l'heure où la France affirme ses ambitions écologiques, avec l'objectif de 40 % d'énergies renouvelables dans notre mix énergétique d'ici 2030 - objectif que la loi Climat entend décliner au niveau régional - il est essentiel que chaque territoire exploite tout son potentiel. Le problème est accentué dans les régions insulaires, où l'approvisionnement en énergies fossiles peut être instable et coûteux. En outre, les communes littorales comprennent parfois des territoires situés loin des côtes, surtout dans les outre-mer.

Dès 2015, le législateur a assoupli la loi Littoral pour les éoliennes. Il faut faire de même pour le photovoltaïque.

Cette proposition de loi encadre la dérogation à la loi Littoral en la limitant aux friches, selon une liste fixée par décret. Les projets seront autorisés au cas par cas par l'autorité compétente de l'État, après étude d'incidence. La commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS) sera consultée. En outre, la commission a prévu la consultation du Conservatoire du littoral pour l'établissement de la liste des friches concernées et précisé le champ de l'étude d'incidence.

Le recensement des friches n'a pas encore débuté, mais une vingtaine de sites seraient concernés.

Notre commission approuve pleinement cette proposition de loi. Certains auraient souhaité aller plus loin, mais c'est une première étape.

Ce texte doit aller au terme de la navette. Malheureusement, il ne sera pas à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant la suspension des travaux. Son adoption aurait pourtant été une simple formalité. Un examen éclair aurait été possible en faisant preuve de volontarisme politique, madame la ministre, avec la procédure accélérée. Espérons que ce sera le cas lors de la prochaine législature.

Mettons nos actes en cohérence avec nos ambitions énergétiques et aidons le solaire à trouver sa place. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et INDEP)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État, chargée de la biodiversité .  - Je remercie M. Mandelli de cette proposition de loi. Nous avons tous à coeur de développer le photovoltaïque, dans le respect de la loi Littoral.

Cette disposition, introduite dans la loi Climat par l'amendement de M. Mandelli, a été censurée par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif.

La loi Littoral de 1986 concerne plus de 1 200 communes en bordure de mer, de lac, d'estuaire ou de delta. Elle est historique et le Gouvernement y est très attaché. Toute dérogation doit être évaluée. C'est le cas ici, et cette proposition de loi remplit un devoir de prudence.

Le développement des énergies renouvelables est impératif. Si nous souhaitons sortir des énergies fossiles -  qui représentent encore deux tiers de notre consommation d'électricité  - et renforcer notre autonomie énergétique, nous devons nous appuyer sur les trois piliers que sont la sobriété, les énergies renouvelables et le nucléaire. Il faut donc développer le photovoltaïque.

Nous avons lancé des appels d'offres pour des centrales, dont le cahier des charges a été validé par la Commission européenne à l'été 2021 pour les cinq premières années de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2028.

Nous avons également étendu l'arrêté tarifaire à plus de projets photovoltaïques sur bâtiment, afin de monter des projets plus rapidement.

Ces mesures portent leurs fruits : le niveau de raccordement atteint des records. Sur un parc photovoltaïque total de 13 gigawatts, on comptait plus de 2 gigawatts de raccordements supplémentaires l'an dernier, soit l'équivalent de deux réacteurs nucléaires !

L'effort doit encore être amplifié. Le parc photovoltaïque devra présenter, en 2050, un potentiel de 100 gigawatts. Cela passe par la mobilisation du foncier sur les bâtiments, avec l'identification de sites par les services de l'État, et au sol, sur des terrains déjà artificialisés. Les appels d'offres prévoient une bonification pour les projets sur friches.

Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) a établi une liste de 874 friches potentielles, pour 7 800 mégawatts, qui sera publiée très prochainement. Tous les acteurs, notamment les collectivités territoriales, pourront se saisir de ces opportunités.

Cette proposition de loi est cohérente avec le grand effort national de déploiement de panneaux photovoltaïques et notre souci de préserver la cohérence du territoire tout en améliorant notre mix énergétique. Elle limite la dérogation aux sites dégradés, dans le cadre d'une liste limitative et uniquement pour le solaire.

Nous encourageons l'installation des panneaux sur les toitures.

Notre priorité est la valorisation des friches, afin de lutter contre l'artificialisation des sols. Au total, le Fonds friches aura été doté de 750 millions d'euros, dont 100 millions d'euros pour l'année 2022.

Cette proposition de loi respecte pleinement la lettre et l'esprit de la loi Littoral. Il ne s'agira que d'installations exceptionnelles, autorisées après avis de la CDNPS et seulement dans le cas où ce projet serait plus bénéfique qu'une renaturation. Nous espérons un décret déterminant une vingtaine de sites possibles dès 2022.

Cette proposition de loi est exigeante et protectrice. Le Gouvernement y est pleinement favorable. Je remercie Didier Mandelli. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Éric Gold applaudit également.)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Henri Cabanel applaudit également.) Le RDPI soutient pleinement ce texte. Quelque 115 communes sur les 277 de mon département, qui compte 1 250 kilomètres de côtes, sont littorales.

Cette proposition de loi reprend une disposition de la loi Climat, censurée en tant que cavalier législatif. Son article unique vient confirmer la volonté du législateur, mais cette fois, le véhicule législatif est adapté.

Depuis 1986, les constructions nouvelles dans les communes littorales ne peuvent être réalisées qu'en continuité urbaine. La jurisprudence est claire : ces dispositions s'appliquent aux parcs photovoltaïques. Des dérogations sont prévues pour les cultures marines et les activités agricoles et forestières et, depuis 2015, les éoliennes. Mais les tentatives d'inclure les panneaux solaires ont échoué.

Or certaines communes insulaires sont totalement dépendantes des énergies fossiles. Il y a conflit entre la norme d'il y a quarante ans et nos objectifs environnementaux d'aujourd'hui. Une nouvelle dérogation à la loi Littoral serait donc une avancée souhaitable et légitime. À Fouesnant dans le Finistère, il est impossible d'installer des panneaux sur une ancienne décharge, mais la terre ne peut être rendue à l'agriculture.

Des garde-fous doivent néanmoins être prévus et tel est bien le cas.

On voit bien combien il est compliqué de proposer à nos administrés un aménagement équilibré.

Malgré l'attachement des élus, la loi Littoral est perçue comme trop rigide, de surcroît interprétée strictement par le juge. Elle a empêché le bétonnage de nos côtes, mais elle crée des tensions localement. En 2014, le rapport de nos collègues Odette Herviaux et Jean Bizet jugeait son application abstraite, instable et hétérogène.

Offrons un cadre juridique adapté aux enjeux contemporains : nous avons besoin d'antennes pour améliorer la desserte numérique, d'habitations pour nos agriculteurs à proximité de leurs cultures, de combler les dents creuses dans nos villages littoraux. Ces sujets doivent être abordés avec pragmatisme.

Je salue la politique volontariste du Gouvernement qui encourage les reconversions des friches : 750 millions d'euros ont déjà été engagés avec succès. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Pascal Martin applaudit également.) Cette proposition de loi doit beaucoup à l'impulsion du Sénat : je salue son auteur et son rapporteur.

Il y a urgence pour nos territoires soumis à la loi Littoral. La dérogation proposée est acceptable, car strictement encadrée.

Il s'agit de développer le solaire tout en limitant l'artificialisation des sols. L'installation de panneaux solaires sera désormais autorisée sur des friches préalablement identifiées. Je connais l'engagement du Gouvernement sur ce sujet, avec plusieurs gigawatts supplémentaires à la clé.

En installant du photovoltaïque sur des sites dégradés, on contribue à atteindre les objectifs environnementaux tout en préservant nos sols. Dans la région toulousaine, j'ai rendu visite hier à un acteur local qui porte un projet ambitieux : produire de l'énergie renouvelable sur des sols qui continueront à être cultivés. Il faut lever les obstacles administratifs et clarifier le cadre juridique, car l'agrivoltaïsme est synonyme d'espoir pour notre mix énergétique et nos agriculteurs.

L'ambition, l'innovation, la recherche et les moyens adéquats sont les clés de nos ambitions énergétiques et agricoles.

Cette proposition de loi s'inscrit dans cette démarche. L'étude d'incidence sera garante de la qualité du projet, qui devra être sans impact sur la salubrité publique, tout en respectant l'environnement.

Membre du conseil d'administration du Conservatoire du littoral, je me réjouis que celui-ci soit consulté.

Ce texte a déjà fait l'objet d'un accord avec l'Assemblée nationale et reflète la demande des territoires et des citoyens qui y vivent. Le groupe INDEP le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et au banc des commissions ; M. Ludovic Haye et Mme Annick Billon applaudissent également.)

M. Didier Mandelli .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.) Enfin ! Il y a quelques années, j'ai été alerté par le maire de l'Île d'Yeu, qui ne réussissait pas à concrétiser un projet de parc photovoltaïque sur ancien site d'enfouissement -  qui aurait pourtant couvert 35 % des besoins en électricité de sa commune.

L'obstacle est connu : la loi Littoral, à laquelle nous sommes certes attachés, mais selon laquelle le photovoltaïque est une extension de l'urbanisation. Dès 2017, j'ai donc alerté le Gouvernement.

Cela fait plus de dix ans que des maires, dont celui de l'Ile d'Yeu, ne peuvent concrétiser leurs projets. Une vingtaine de sites pourraient être concernés, ce qu'a confirmé la ministre.

Le sujet a d'abord été abordé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, puis dans celle sur l'économie bleue, dans la proposition de loi relative au développement durable des territoires ruraux et enfin dans la loi Climat. Enfin, nous avions un accord avec l'Assemblée ; hélas le Conseil constitutionnel a estimé qu'il s'agissait d'un cavalier législatif, ce que je ne comprends pas.

Je remercie le rapporteur pour son travail et sa venue en Vendée.

Le texte ajuste la loi Littoral à nos objectifs environnementaux. Il a été voté à l'unanimité en commission, à l'issue de la procédure de législation en commission, car c'est une mesure de bon sens. Je salue l'accord du Gouvernement porté par Emmanuelle Wargon en commission et par vous, madame Abba, ici. J'appelle à sa large adoption et à son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Nadège Havet applaudit également.)

M. Ronan Dantec .  - Le groupe GEST avait soutenu ce dispositif dans la loi Climat, tout en veillant à ce que toute dérogation à la loi Littoral soit strictement limitée. Le travail en commission mixte paritaire a introduit des garanties : autorisation à titre exceptionnel ; avis de la CDNPS ; étude d'incidence ; obligation pour l'implantation de panneaux photovoltaïques de présenter un bénéfice supérieur à la renaturation de la friche.

Le dispositif ayant été censuré comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel, la proposition de loi apporte de nouvelles garanties. Elle va dans le bon sens et nous saluons le travail de la commission.

Le GEST a proposé que l'étude d'incidence mentionne que le projet ne porte pas atteinte à la biodiversité, ce qui répond à vos préoccupations, madame la ministre. (Mme la ministre le confirme.) La consultation du Conservatoire du littoral est aussi bienvenue.

Les collectivités territoriales pourront ainsi sortir d'une impasse juridique, dans un cadre qui demeure protecteur. L'impact sera cependant limité à une vingtaine de sites.

La France accuse un lourd retard dans les énergies renouvelables : selon Eurostat, nous sommes le seul pays européen à manquer notre objectif de 23 % d'énergies renouvelables en consommation finale d'électricité en 2020, en dépit d'un très fort potentiel. Si nous voulons la neutralité carbone en 2050 et tenir l'objectif européen Fit for 55, il faut accélérer. Le volontarisme auquel j'appelle va au-delà de la simple inscription du texte à l'Assemblée nationale, monsieur le rapporteur !

N'oublions pas que c'est d'abord l'éolien terrestre, moins coûteux et plus facile à installer, qui offre le meilleur retour sur investissement. Monsieur le rapporteur, si l'on veut mettre les actes en cohérence avec nos ambitions, il faut étendre l'assouplissement à l'éolien, clé de notre indépendance énergétique dans un contexte de fortes tensions internationales.

Mme Marie-Claude Varaillas .  - L'adaptation de la loi Littoral à la réalité de nos territoires est une question récurrente et légitime. Pour autant, le groupe CRCE est très attaché à l'acquis que représente cette loi pour la préservation de l'environnement et des paysages. Elle est malheureusement trop souvent remise en cause pour de mauvaises raisons.

La dérogation prévue par le texte n'est pas à la main des élus, mais autorisée par le préfet, après avis de la CDNPS, et encadrée par une étude d'incidence. La liste de friches concernées sera fixée par décret.

Le texte a favorablement évolué en commission, avec une extension de l'étude d'incidence à la biodiversité et la consultation du Conservatoire du littoral pour établir la liste des friches, notamment. Nous regrettons cependant que l'avis du maire ou du président de l'EPCI concerné ne soit pas sollicité.

Nous considérons que la place du solaire dans notre mix énergétique doit être défendue : elle n'est pour l'heure pas acceptée à moins de 100 mètres de l'eau et soumise au principe de continuité urbaine prévu par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme - jurisprudence confirmée par la cour administrative d'appel de Marseille sur le projet de parc photovoltaïque « Soleil participatif du Narbonnais ».

Cette proposition de loi est bienvenue pour implanter des parcs photovoltaïques sur des sites impropres à l'agriculture comme des anciennes carrières ou décharges. Le terme de friche est trop large : il faudrait cibler les terrains pollués et friches industrielles, et donner la priorité aux installations sur des bâtiments et des espaces anthropisés : l'installation en zone littorale doit rester exceptionnelle.

Par ailleurs, les élus locaux doivent être mieux associés. Le schéma de cohérence territoriale (SCoT) et le plan local d'urbanisme (PLU) devront intégrer le développement du photovoltaïque.

Enfin, il conviendrait de développer les énergies renouvelables en les plaçant sous l'entière maîtrise publique alors que le secteur est actuellement très morcelé. Nous avons besoin d'un véritable plan de développement et d'aménagement du territoire.

Cela étant, le CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Stéphane Demilly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi répond à une demande de longue date des élus des communes littorales, dont l'aménagement est strictement encadré par la loi Littoral, qui ne prévoit pas de dérogation pour l'énergie solaire. Cette proposition de loi y remédie.

Entamant son troisième mois de présidence de l'Union européenne, la France doit montrer l'exemple : faisons du local le vecteur de la transition énergétique !

La consommation d'énergies fossiles est la principale cause du dérèglement climatique et est à l'origine de désastres tels que marées noires et explosions de plateformes pétrolières. Je pense à celle de Deepwater, en 2010, dans le Golfe du Mexique et ses 678 000 tonnes de brut dégagées. La soif d'or noir des pays développés et la demande croissante des pays émergents est à l'origine de tensions internationales.

Bref, nous avons tout à perdre à ne pas soutenir les énergies renouvelables. Cette proposition de loi est une évidence, mais j'aurais souhaité aller plus loin en autorisant les panneaux solaires le long des routes ; Denise Saint-Pé voulait favoriser leur installation en montagne et Évelyne Perrot en bordure de plan et de cours d'eau.

Cette proposition de loi est un premier pas vers plus de souplesse. Annick Billon se réjouit de cette initiative favorable au projet de la commune de l'Île d'Yeu qu'elle a défendu auprès du préfet.

Le groupe UC votera cette proposition de loi. Nous ne sommes pas toujours d'accord sur l'hydrogène, l'éolien, la biomasse ou le nucléaire, mais nous avançons à petits pas. Comme le disait Jean-Louis Borloo, il faut un bouquet de solutions pour remplacer l'énergie fossile. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission)

Accueil d'une délégation de Mongolie

Mme la présidente.  - (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.) Je suis heureuse de saluer en votre nom, la présence dans la tribune d'honneur, d'une délégation parlementaire du Grand Khoural de Mongolie, conduite par le Président du groupe d'amitié Mongolie-France, M. Chinburen Jigjidsuren.

La délégation est accompagnée par notre collègue Philippe Mouiller, qui préside le groupe d'amitié France-Mongolie.

Cette visite s'inscrit dans le prolongement du récent déplacement d'une délégation du groupe d'amitié en Mongolie, en septembre dernier, auquel j'ai eu l'honneur de participer.

Nous avions reçu un accueil chaleureux de M. Chinburen et du Général Sergelen Tsedev, qui l'accompagne.

Cette visite est l'occasion de renforcer encore nos liens, d'identifier de nouveaux champs de coopération interparlementaire. Elle permettra aussi de nouer des contacts économiques avec des entreprises françaises en particulier dans les domaines de la sécurité civile et des transports.

Un déplacement est prévu à Lyon et en Savoie, axé sur la coopération médicale, avec la visite du Centre de lutte contre le cancer Léon Bérard.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à la délégation du Grand Khoural, la plus cordiale bienvenue et un fructueux séjour. (Applaudissements)

Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés (Suite)

M. Henri Cabanel .  - Si la loi Littoral du 3 janvier 1986, adoptée à l'unanimité, fait l'objet de débats, son bilan, plus de trente ans après son adoption, est très positif. Elle a freiné la bétonisation et la dispersion des constructions sur le littoral. C'est pourquoi il faut bien peser toute modification de ses équilibres.

Le principe de continuité des nouvelles constructions a conduit le législateur à prévoir des dérogations pour éviter que le foncier ne soit entièrement gelé, notamment pour la production d'énergies renouvelables, qui nécessite de la superficie.

Nous l'avions évoqué lors de l'examen de la proposition de résolution sur l'agrivoltaïsme : à mon sens, les centrales au sol devraient être exceptionnelles, privilégions l'implantation de panneaux sur les toits des bâtiments et gardons-nous de promoteurs peu soucieux de la vocation agricole des sols.

L'installation de panneaux solaires sur des sites dégradés - notion préférable à celle de friche - ne pose pas de difficulté. Le terrain agricole ne devrait pas être considéré comme une friche, la priorité étant l'installation sur des sites déjà artificialisés.

Faut-il installer des parcs photovoltaïques sur le littoral ? Pas sûr. Mais si cela contribue à améliorer l'acceptabilité de ces projets, pourquoi pas ?

Le recours à la procédure normale d'examen nous aurait donné du recul, alors que la législation en commission nous impose d'accepter certaines modifications. Pourtant, rien ne servait de courir : la proposition de loi ne sera pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale avant la suspension des travaux parlementaires...

Nous nous contenterons des garde-fous tendant à prévenir les conflits d'usage : régime d'autorisation, avis de la commission départementale, étude d'incidence, liste des friches envisagées.

Une telle dérogation peut s'entendre dans la mesure où les éoliennes, dont l'impact paysager est plus important, bénéficient déjà d'une même souplesse.

Le recours aux friches pour tout projet d'intérêt général est souhaitable, mais seuls 8 % des sites évoqués par l'Ademe dans son rapport de 2019 se trouvent dans des communes littorales. Le projet évoqué sur l'Île d'Yeu contribuera à son autosuffisance énergétique : nous y sommes favorables.

Bien que ce texte ne change pas la donne en matière de diversification de notre mix énergétique, le groupe RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Nadège Havet applaudit également.)

M. Joël Bigot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Cette nouvelle dérogation à la grande loi Littoral, similaire à celle prévue pour l'éolien, était presque passée inaperçue dans la loi Climat. Elle s'inscrit dans la continuité des travaux de la commission d'enquête sur la pollution des sols, portée par le groupe SER : nous y sommes favorables.

Je me réjouis de l'adoption de notre amendement sur le Conservatoire du littoral : cette concertation obligatoire sera un garde-fou plus efficace que l'étude d'incidence réalisée par le maître d'ouvrage.

En revanche, je regrette le rejet de notre amendement sur la validation du projet d'implantation par les acteurs de la démocratie locale : certes, l'accord du maire sera nécessaire, mais le vote de la commune ou de l'EPCI concerné aurait renforcé l'acceptabilité des projets, à l'heure où la démocratie représentative souffre d'une réelle désaffection.

Ce dispositif diffère de la disposition prévue par le code de l'urbanisme s'agissant des éoliennes.

Nonobstant cette remarque de bon sens, le groupe SER votera ce texte qui répond aux attentes de nombreux territoires, notamment insulaires.

Sur le principe de continuité des constructions, la jurisprudence administrative est constante. J'y ai été confronté lorsque j'étais maire des Ponts-de-Cé dans le Maine-et-Loire, ayant dû attendre six ans l'autorisation de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour construire une centrale solaire sur une ancienne décharge, alors que le site n'était même pas situé en zone littorale.

Triste bilan, alors que la France est en retard s'agissant des énergies renouvelables...

Je regrette l'absence d'étude d'impact et aimerais, madame la ministre, connaître le nombre exact de sites envisagés et leur localisation.

Malgré les réserves évoquées, ne boudons pas notre plaisir et votons cette avancée. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État.  - La liste de 874 sites est générale et non spécifique au littoral. S'agissant de ce texte, nous identifions vingt sites possibles. Ce travail est à poursuivre.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Modernisation de la régulation du marché de l'art (Deuxième lecture)

Discussion générale

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à moderniser la régulation du marché de l'art.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - La proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art, présentée il y a deux ans, termine son long mais fructueux parcours parlementaire. Je salue ceux qui ont favorisé l'émergence d'un consensus au-delà des clivages politiques : Mmes Belloubet et Morin-Desailly, le président Buffet, Mmes Deromedi et Belrhiti notamment, ainsi que le député Maillard.

Ce texte est le fruit d'une concertation et d'une co-construction avec les professionnels du secteur et le Conseil des ventes volontaires (CVV), que je salue.

Ce texte, qui dessine l'avenir de la profession d'opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, répond aux préoccupations exprimées dans le rapport de Mme Chaubon et M. de Lamaze. Il permettra aux opérateurs de ventes volontaires de retrouver leur dénomination historique : celle de commissaire-priseur.

Il améliore la gouvernance et la régulation de la profession autour d'une nouvelle autorité de régulation, aux compétences élargies : le Conseil des maisons de vente. Sa composition, objet de discussions nourries, est équilibrée : les membres de la profession y seront majoritaires mais son président sera nommé par le Garde des sceaux parmi les personnalités qualifiées. Ce ne sera pas un syndicat ni un ordre professionnel mais bien un organe régulateur.

Le régime disciplinaire est également renforcé, gage de crédibilité pour le marché des ventes volontaires. Le sujet m'est cher : la loi du 22 décembre 2021 a procédé à la modernisation de la déontologie et de la discipline des professions du droit.

La profession sortira renforcée de cette réforme, qui lui ouvre de nouveaux domaines d'intervention, comme les inventaires fiscaux ou la vente de biens incorporels.

Le marché des ventes volontaires est une composante essentielle du marché de l'art français. Il faut soutenir son développement.

Je me réjouis qu'ait été réglée la question de la poursuite d'activité après le 1er juillet 2022 de la quarantaine d'huissiers de justice qui réalisent des ventes volontaires dans leur office.

Enfin, je salue le travail de la commission des lois qui a adopté conforme le texte de l'Assemblée nationale, après des échanges nourris.

Le Gouvernement se félicite de l'accord trouvé sur un sujet si important. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.)

Mme Catherine Belrhiti, rapporteure de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plus de deux ans après sa première lecture par le Sénat, cette proposition de loi de notre collègue Catherine Morin-Desailly arrive au terme de son parcours parlementaire.

Grâce à elle, un vent nouveau de liberté soufflera sur un secteur d'activité qui participe au rayonnement culturel de la France.

Ce texte modernise la régulation du secteur des ventes aux enchères, activité dans laquelle la France n'occupe plus que le quatrième rang mondial derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, alors qu'elle était en tête dans les années 1950. Mais ce recul n'est pas inéluctable, pour peu que nous sachions accompagner la profession.

Le secteur a été progressivement libéralisé depuis les années 2000 sous l'effet du droit européen, tout en restant réglementé. Or une législation inutilement restrictive freine sa modernisation.

Le CVV, à la gestion dispendieuse, n'a pas donné satisfaction ; il exercerait un contrôle inutilement tatillon, sans pour autant prévenir les scandales. Du reste, la mission de contrôle des obligations en matière de lutte contre le blanchiment et de financement du terrorisme lui a été retirée au profit de la direction générale des douanes et de la commission nationale des sanctions.

Une telle autorité de régulation propre au secteur des ventes aux enchères n'existe dans aucun autre pays d'Europe. Bien sûr, des contrôles sont nécessaires pour éviter les fraudes, mais ils pourraient relever de services ministériels tels que la direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cependant, cette solution ne fait pas consensus.

Aussi, ce texte crée, en lieu et place du CVV, un Conseil des maisons de ventes, instance de régulation mais aussi de promotion, d'information et de règlement amiable des différends. Son collège serait constitué majoritairement de représentants élus par les professionnels. Les députés ont souhaité que son président soit choisi parmi les membres nommés ; notre commission n'a pas remis ce choix en cause.

Le pouvoir disciplinaire sera confié à une commission des sanctions indépendante du collège. Sur ce point, je me réjouis que les députés aient rejoint la position du Sénat.

La proposition de loi a également été enrichie du travail de Mme Deromedi, alors rapporteure de la commission des lois. L'article 3 étend aux meubles incorporels le régime légal des ventes aux enchères, ce qui répond au développement fulgurant du marché des non fungible tokens, les NFT. Récemment une oeuvre entièrement numérique de l'artiste Beeple a été vendue 69 millions de dollars chez Christie's à New York, sous forme de NFT ; la législation française ne l'aurait pas permis.

Grâce à cet apport majeur du Sénat, nos maisons de vente vont pouvoir aborder de nouveaux marchés, appelés à se développer avec l'essor de l'économie de l'immatériel.

Les opérateurs de ventes volontaires pourront aussi se charger des inventaires fiscaux lors de successions et des ventes judiciaires.

Le formalisme sera allégé lors des ventes de gré à gré.

Enfin, pour garantir une concurrence équitable, nous souhaitions soumettre les notaires à l'obligation de constituer une société ad hoc lorsqu'ils procèdent à des ventes de meubles aux enchères. Il est regrettable que l'Assemblée nationale n'ait pas conservé cette disposition sur laquelle l'Autorité de la concurrence nous avait alertés.

Ce texte va néanmoins dans le bon sens ; c'est pourquoi la commission des lois recommande son adoption sans modification. Enfin, que les collègues d'Alsace-Moselle ne s'inquiètent pas : il ne remet nullement en cause les spécificités du droit local. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Julien Bargeton applaudit également.)

M. Franck Menonville .  - Nous examinons cette proposition de loi plus de deux ans après son adoption en première lecture.

Depuis le XVIe siècle, la France occupe une place particulière dans le paysage mondial des ventes aux enchères ; alors qu'elle concentrait 60 % du marché à la fin des années 1950, elle n'en représente plus que 6 %, et se situe désormais au quatrième rang mondial. Le secteur des ventes volontaires aux enchères publiques a été libéralisé à compter des lois du 10 juillet 2000, avec la fin du monopole des commissaires-priseurs, et du 20 juillet 2011, faisant suite à la directive Services. Pour autant, le retard du marché français persiste.

Cette proposition de loi ambitionne de redynamiser le secteur. Elle réforme sa régulation en modifiant la dénomination, les missions et la composition de l'actuel CVV. Les professionnels y seront désormais majoritaires.

Le Sénat a enrichi le texte et un consensus a été trouvé avec l'Assemblée nationale, permettant de proposer un vote conforme.

Ce texte donnera un nouveau souffle aux maisons de vente françaises et à la profession de commissaire-priseur face à la compétition internationale. Le groupe INDEP le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi de Mme Morin-Desailly fait son retour au Sénat plus de deux ans après la première lecture. Adopté par l'Assemblée nationale le 9 février, ce texte méritait un débat de fond au vu de l'état du marché français de l'art.

La place française a perdu son rang face aux États-Unis et à la Chine. La France reste leader dans certains domaines comme le design, les manuscrits et les arts premiers, mais elle est un acteur secondaire sur les marchés les plus porteurs.

Le produit des ventes aux enchères publiques en France a toutefois atteint 4 milliards d'euros en 2021, soit une augmentation de 40 %, ce qui confirme sa quatrième place sur le marché mondial. Nos maisons de vente opèrent une sortie de crise spectaculaire dont nous devons nous féliciter.

Ce dynamisme doit nous inciter à donner un souffle nouveau à la profession, en préservant les conditions de l'excellence française. L'existence d'une autorité de régulation prémunit contre les fraudes.

L'article premier transforme le CVV en Conseil des maisons de ventes et modifie sa composition. Les représentants des professionnels - trois issus d'Île-de-France et trois d'autres régions - occuperont six sièges sur onze face aux personnalités nommées par les ministres de la justice, de la culture et du commerce.

Cette composition rapproche le Conseil d'un ordre professionnel, sans compter que la présence majoritaire des professionnels empêche tout pouvoir disciplinaire et pose la question de la confidentialité.

Redoutant d'être en contradiction avec le droit européen, vous avez créé un nouvel organe distinct, la commission des sanctions, qui exercera le pouvoir disciplinaire. Espérons que cela créera un avantage comparatif dans un marché très concurrentiel.

L'article 5 fusionne en un corps unique les huissiers avec les commissaires-priseurs chargés des ventes judiciaires. Ceux qui ont réalisé au moins 24 ventes sur trois années consécutives seront dispensés de formation et d'examen. Cela créera une situation très concurrentielle, qui ne sera pas sans conséquences dans nos territoires.

Il serait présomptueux de penser que ce texte adapte véritablement le marché de l'art français aux grands défis que sont l'internationalisation, la concentration du marché et la numérisation, mais c'est un premier pas, qui en appelle d'autres. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - Les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques concernent principalement des oeuvres d'art, mais aussi des machines industrielles ou des animaux. Notre assemblée travaille depuis 2018 sur l'attractivité du marché de l'art, devenu très concurrentiel et international. En la matière, le déclin de la France s'est précipité - elle représentait 60 % du marché dans les années 1960, contre 6 % aujourd'hui - et nos opérateurs ont dû affronter l'émergence de l'e-commerce.

Le rapport Chaubon - de Lamaze, remis à la garde des Sceaux en 2018, comporte 48 propositions, dont sept sur la rénovation du Conseil des ventes volontaires. C'est l'objet principal de ce texte, dont le grand mérite est de renforcer la présence des professionnels au sein du Conseil. Il permet un droit de regard du Conseil sur l'activité internationale sur notre territoire via un certificat d'aptitude.

Nous saluons le transfert du pouvoir disciplinaire au tribunal judiciaire de Paris, car la justice ordinale conduit trop souvent aux dérives de l'entre-soi.

Saluons également le transfert des missions de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme à la direction générale des douanes.

Le rétablissement d'une concurrence équitable entre notaires et autres vendeurs et l'instauration d'une formation continue pour les commissaires-priseurs sont également de bonnes mesures.

Reste la problématique des ventes non régulées en ligne...

Si ce texte apporte une réponse avant tout technique à un libéralisme excessif, il faut aussi développer l'accompagnement à la création et le travail des artistes alors que le secteur de la culture a été impacté par la pandémie. Or le marché de l'art ne peut vivre que grâce à un vivier bouillonnant de talents !

Le GEST votera ce texte, au vu des équilibres trouvés. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Catherine Morin-Desailly applaudit également.)

M. Pierre Ouzoulias .  - La loi du 10 juillet 2000 a abrogé le monopole des commissaires-priseurs. Celle du 20 juillet 2011 a réformé le courtage aux enchères en créant un Conseil des ventes volontaires. Le commissaire-priseur est de moins en moins un officier ministériel chargé d'une mission de service public. Faut-il continuer à encadrer les ventes volontaires ? Autrement dit, la fin d'une profession réglementée doit-elle entraîner la libéralisation du secteur ?

Depuis la loi du 10 juillet 2000, le marché de l'art s'est profondément transformé. Trois grandes maisons de vente s'approprient plus de la moitié du volume des ventes et les vieilles maisons françaises ont de plus en plus de mal à résister.

Cette proposition de loi, inspirée par les rapports soulignant la perte d'influence de la place de Paris, s'attache à corriger le mode de fonctionnement et les attributions du Conseil des ventes volontaires. Mme Morin-Desailly souhaite que le CVV rénové soit « au service d'une profession portant un niveau élevé d'exigence de probité et d'expertise » ; je la rejoins.

L'attractivité du marché parisien serait mieux défendue s'il bénéficiait de la même dérégulation que ses concurrents étrangers ? Je suis convaincu du contraire.

Nous venons de voter la restitution par la ville de Sannois d'un tableau de Maurice Utrilllo aux ayants droit de Georges Bernheim, spolié par l'organisation nazie Rosenberg. Le vendeur refuse toute indemnisation. Comme l'a dénoncé Sébastien Meurant, il n'est pas acceptable qu'une maison internationale dégage ainsi sa responsabilité.

L'an dernier, soixante oeuvres d'Afrique et d'Océanie de la collection de Michel Périnet ont été dispersées par Christie's pour plus de 60 millions d'euros, alors que les conditions d'acquisition de certaines d'entre elles n'étaient pas établies. Les musées doivent restituer des oeuvres mais ces maisons de vente pourraient s'affranchir de vérifications indispensables sur les provenances ?

À tout le moins, la France doit ratifier la convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés, signée à Rome le 24 juin 1995. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, et sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Je suis heureuse que le Sénat examine en deuxième lecture ma proposition de loi visant à moderniser la régulation du marché de l'art.

En mars 2018, notre Haute Assemblée s'était saisie de ce sujet, inquiète de la perte de compétitivité de la France sur ce secteur. Notre commission de la culture avait travaillé avec la commission des lois, repérant des blocages fiscaux, réglementaires ou administratifs.

Les réformes opérées par les lois de 2000 et 2011 pour se mettre en conformité avec le droit européen n'ont pas eu les effets escomptés, malgré une hausse du volume des ventes. Les professionnels devaient affronter à la fois une concurrence croissante et la conséquence de la réforme des commissaires de justice.

Il fallait concilier liberté accrue et maintien d'une régulation, gage de crédibilité et de probité.

La réforme du CVV a bénéficié de mes échanges nourris avec Mme Chambon et M. de Lamaze. La composition, les missions et la dénomination du Conseil évoluent. D'aucuns s'interrogent sur le mélange des professionnels et des magistrats, mais c'est ce modèle, recherchant l'équilibre entre caractère professionnel et de régulation, qui a été choisi pour toutes les réformes des professions réglementées.

L'examen de ce texte par l'Assemblée nationale a été retardé à cause de la crise sanitaire. Nous n'avons eu de cesse, avec Sylvain Maillard, rapporteur de l'Assemblée nationale, de solliciter le Gouvernement pour son inscription à l'ordre du jour. Nous y sommes enfin. Nous avons abouti à une rédaction satisfaisante pour tous, à l'issue d'échanges avec l'Assemblée et la Chancellerie.

L'essentiel du texte issu du Sénat reste inchangé, à l'exception du mode de désignation du président du nouveau Conseil.

Les autorités de régulation et le maillage territorial sont sauvegardés.

La fonction disciplinaire est assurée par un organe indépendant au sein du Conseil des maisons de vente : j'y suis attachée. Cela permet le recours à la médiation.

Grâce au Sénat, les personnes habilitées à diriger les ventes volontaires retrouveront le beau titre de commissaire-priseur.

Cette réforme n'est pas une révolution, mais elle donne un nouveau souffle aux maisons de ventes françaises en les armant mieux face à la compétition internationale, au défi de la numérisation et des risques de concentration du marché.

Je déplore que la compétitivité de la France ait reculé, mais elle dispose encore d'atouts considérables sur le marché de l'art, grâce à son patrimoine, à la qualité de ses professionnels et à l'ancrage territorial des sociétés de vente volontaire. Restons optimistes !

Je remercie les présidents Bas et Buffet, ainsi que nos rapporteurs successifs, de même que Nicole Belloubet, toujours à l'écoute.

Nous comptons sur vous, monsieur le garde des Sceaux, pour la suite. Je m'inquiète en effet de l'opposition de l'actuel président du CVV, qui a inscrit un vote sur le texte à son ordre du jour, avant de le retirer. Ses démarches sont déplacées. Les décisions appartiennent au Gouvernement et au Parlement, d'autant que les deux chambres ont voté ce texte à l'unanimité !

Nous espérons une parution de la loi dans les meilleurs délais.

Sans surprise, le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Fialaire .  - La France, hier principale place du marché de l'art, serait déclassée. Selon les classements, elle se maintient néanmoins à la quatrième ou à la sixième place. Ce peut être le signe d'une vitalité à saluer, malgré la place prise par New-York, Pékin et Londres.

En 2019, le Rabbit de Jeff Koons, vendu 91 millions de dollars, a dopé à lui seul le marché américain. Mais en volume, la France vendait autant de lots que l'Oncle Sam. C'est un indice tout aussi important que la valeur, qui tient à des transactions parfois folles - sans même parler des scandales entourant certaines grosses transactions.

La France conserve ses atouts majeurs : longue histoire, patrimoine riche et solide, politique muséale qui participe à l'attractivité du marché de l'art, au point que les commissaires-priseurs se définissent comme des passeurs d'histoire.

Cette proposition de loi concerne en particulier le secteur des ventes volontaires aux enchères publiques. En première lecture, le RDSE avait approuvé ce texte. Un équilibre a été trouvé avec les députés pour redonner du souffle au Conseil des maisons de vente. Une majorité de professionnels, plus de diversité territoriale, un pouvoir disciplinaire exercé par un organe distinct : cela va dans le bon sens.

Le RDSE se range à l'avis de la commission des lois sur le nouveau statut de commissaire de justice.

Je veux évoquer un autre volet des politiques de soutien au marché de l'art : la fiscalité, outil intéressant à condition d'en mesurer l'impact concret et d'éviter les effets d'aubaine.

Il a manqué un débat sur les NFT, les certificats de propriété des oeuvres numériques, alors que cette loi en facilite les enchères. Quel apport à l'humanité des produits de la blockchain et de l'économie immatérielle ? Cette économie du vide doit nous alerter. Conscients des limites planétaires, allons-nous créer de la richesse pour créer de la richesse, sans prêter attention aux conséquences sur la planète ?

Prêtant la Joconde aux États-Unis en 1963, Georges Pompidou affirmait que la possession de chefs-d'oeuvre imposait de grands devoirs.

L'amélioration des outils de vente aux enchères en fait partie, car c'est une vitrine du rayonnement culturel de la France.

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) L'art et l'argent, vaste sujet. On pourrait même dire : l'art, l'argent, le pouvoir. Combien de peuples, de cultures, de civilisations spoliées au fil du temps ? Combien d'artistes qui ont vécu dans la misère et dont les oeuvres donnent lieu à des gains pléthoriques ?

Il y a là matière à vaste réflexion, comme disait Pierre Ouzoulias.

M. Pierre Ouzoulias.  - Merci !

M. Jean-Pierre Sueur.  - En attendant, Mme Morin-Desailly nous présente un texte qui, dit-elle, n'est pas une révolution. Il faut toujours préférer les réformistes qui réforment aux révolutionnaires qui ne font pas la révolution ! (Sourires ; M. le garde des Sceaux approuve.)

Alors que le marché de l'art français ne représente plus que 6 % du marché mondial, ce texte utile transforme le CVV en un Conseil des maisons de ventes composé majoritairement de représentants élus de la profession. L'Assemblée nationale a préféré que son président soit choisi parmi les membres nommés, pour maintenir l'équilibre entre le renforcement de la présence des professionnels et la préservation de sa fonction de régulation, et éviter toute confusion avec un ordre professionnel. Il est vrai que le président assumera une fonction régalienne, au nom de l'État, en matière de régulation.

Il est apparu préférable à notre commission, et elle a eu raison, de proposer une adoption conforme plutôt que de renvoyer à une prochaine lecture qui n'aurait sans doute jamais eu lieu.

Citons aussi l'amendement de notre groupe qui autorise les opérateurs de vente volontaires à réaliser les inventaires fiscaux lors d'une succession. C'était l'une des recommandations du rapport Chambon-Lamaze.

Enfin, j'avais suggéré de substituer à l'expression « opérateur de ventes volontaires », quelque peu technocratique, le terme de « personne », au sens d'une personne physique - en somme, un être humain - ou morale. Mais l'Assemblée nationale n'a pas été sensible à ma sémantique humaniste - je le rappelle pour l'histoire...

Nous revenons donc au titre de commissaire-priseur à l'article 2, qui prévoit une obligation de formation professionnelle permanente pour ces personnes.

Au total, ce texte est positif. Nous aurions, certes, pu chicaner sur certains points ; mais nous suivrons Catherine Morin-Desailly pour que cette réforme utile aboutisse. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Catherine Morin-Desailly et M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Merci !

M. Julien Bargeton .  - Ce secteur est confronté à deux défis : internationalisation et essor non régulé des ventes en ligne. S'y ajoute la double nécessité d'accroître le maillage territorial et de lutter contre les fraudes, dols et manipulations.

« La forme, c'est le fond qui remonte à la surface », a dit Victor Hugo, notre illustre prédécesseur. Ce texte l'illustre bien, car la qualité de son contenu est la traduction du processus suivi : une initiative sénatoriale enrichie par l'Assemblée nationale, pour finir par un vote conforme. Je suis fier que la Haute Assemblée s'apprête à adopter un tel texte.

Je salue le travail de Mme Morin-Desailly, ainsi que celui de Sylvain Maillard, mon collègue parisien, qui s'est investi notamment sur la formation continue des commissaires-priseurs. La concurrence que ceux-ci rencontrent ne vient pas forcément de l'étranger, mais plutôt d'internet - pour le dire vite, du Bon Coin. La formation continue est à cet égard un enjeu essentiel.

Comme sénateur de Paris, je suis particulièrement sensible à l'attractivité de notre capitale. De ce point de vue, l'allègement des formalités pour les ventes de gré à gré et l'accès partiel des ressortissants européens au marché de l'art français sont des facteurs de modernisation utiles.

Ce texte fait partie d'une longue série de propositions de loi adoptées en cette fin de quinquennat, au Sénat comme à l'Assemblée nationale. L'aboutissement d'un aussi grand nombre d'initiatives parlementaires mérite d'être souligné.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier A demeure supprimé.

L'article premier B est adopté.

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté

L'article 4 est adopté

L'article 5 est adopté

L'article 6 est adopté.

L'article 9 est adopté.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et du RDPI ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.

Bilan de la politique éducative française

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat visant à dresser un bilan de la politique éducative française, à la demande du groupe Les Républicains.

M. Max Brisson, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon applaudit également.) Je remercie mon groupe et son président, Bruno Retailleau, d'avoir inscrit ce débat à notre ordre du jour.

Fait rare, monsieur le ministre, vous êtes titulaire de votre portefeuille depuis cinq ans. Cinq ans qui vous ont permis d'engager de nombreuses réformes : scolarité obligatoire à 3 ans, priorité au primaire, réforme du baccalauréat, revalorisation du métier de professeur.

Votre volonté réformatrice est indéniable. Mais l'école se porte-elle mieux aujourd'hui qu'il y a cinq ans ? C'est la seule question qui vaille...

Je tenterai d'y répondre à travers quatre axes : transmission des savoirs fondamentaux, fluidité des parcours entre les enseignements scolaire et supérieur, regard de la société sur les professeurs et autonomie des établissements.

En 2017, vous aviez annoncé une priorité pour l'école primaire, afin que tous les élèves sachent lire, écrire et compter à l'entrée en sixième. Or, en septembre dernier, 28 % des élèves n'avaient pas une compréhension suffisante en mathématiques...

Plus généralement, la lourde tendance à la chute de notre système éducatif dans les classements internationaux n'a pas été inversée. Pis, vos mesures ont aggravé notre déclassement, notamment en mathématiques.

Certes, 450 000 élèves scolarisés en zones REP ou REP+ bénéficient chaque année du dédoublement. Mais l'effet de cette mesure, faible en français mais conforme aux attentes en mathématiques en cours préparatoire, est non significatif en cours élémentaire, d'après les propres évaluations de votre ministère.

Vous n'avez pas inversé la tendance lourde à une transmission de plus en plus aléatoire des savoirs fondamentaux, en particulier pour les élèves des quartiers les plus défavorisés.

La réforme du baccalauréat était supposée fluidifier les parcours entre l'enseignement scolaire et le supérieur. Mais les modalités d'organisation restent compliquées, et professeurs comme parents dénoncent une course permanente à l'évaluation. Le très grand nombre de spécialités creuse les inégalités entre petits et grands lycées. (M. Jacques-Bernard Magner approuve.) Quant aux élèves, peu ou mal conseillés, ils se perdent dans des appariements sans cohérence avec les attendus du supérieur.

Celui-ci ne s'est que fort peu adapté à la réforme du baccalauréat, suscitant bien des angoisses chez les lycéens. Dans ces conditions, on peut douter qu'une meilleure articulation lycée-licence se dessine vraiment...

Au surplus, le baccalauréat à la carte a mis en difficulté l'enseignement des mathématiques : 31 % des élèves du lycée général ne le suivent plus, avec un écart garçons-filles indigne de notre pays.

Par ailleurs, l'école est moins respectée. D'après le sondage commandé par le Sénat à l'occasion de l'Agora de l'éducation, 65 % des Français et 80 % des enseignants eux-mêmes sont pessimistes sur l'avenir de l'école... Dans le pays où Victor Hugo comparait les maîtres à des « jardiniers en intelligence humaine », les professeurs de collège ne sont plus que 7 % à juger leur profession appréciée !

De fait, la revalorisation salariale s'est perdue dans le saupoudrage, et le professeur-bashing pousse de plus en plus d'enseignants au départ. Les plus jeunes rechignent à exercer dans les quartiers difficiles, où la progression de la violence n'a pas été enrayée et où s'exercent des pressions communautaires croissantes.

Enfin, la verticalité de votre pilotage est contestée par les syndicats et les personnels.

Vous disiez vouloir plus d'autonomie pour les équipes éducatives ? Seulement 2 % des décisions sont prises par les établissements en autonomie totale, d'après la Cour des comptes... Et les discours prescriptifs, circulaires et foires aux questions, dont les réponses sont autant de directives de la rue de Grenelle, n'ont jamais été si nombreux. Vous n'avez pas su ou pas pu desserrer l'étau qui étouffe le dernier système éducatif centralisé et bureaucratisé d'Europe !

Sans conteste, vos réformes partaient d'intentions le plus souvent louables. Mais les résultats sont bien insuffisants au regard de la crise de notre école, dont les modes de fonctionnement inexorablement s'essoufflent.

Sans doute la crise sanitaire a-t-elle largement perturbé votre action.

M. Julien Bargeton.  - C'est certain...

M. Max Brisson.  - Reste qu'il est bien difficile de dire aujourd'hui que l'école se porte mieux qu'il y a cinq ans. Et ce n'est pas l'engagement des professeurs qui est en cause.

Comme d'autres avant vous, vous avez, au nom de l'égalitarisme, privilégié le saupoudrage et bridé les initiatives. Il faut au contraire plus de liberté pour les établissements et une nouvelle conception du métier de professeur et de sa place dans la société. Faute de marges de manoeuvre politiques, vous vous êtes enlisé.

Puisse ce débat nécessaire mettre en lumière les lacunes de notre système éducatif, mais aussi ses atouts et les raisons d'espérer dans l'avenir de l'école ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Annick Billon et M. Franck Menonville applaudissent également.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports .  - Je me félicite de ce débat : il m'offre l'occasion non seulement de répondre point par point au réquisitoire de M. Brisson, mais aussi de dresser le bilan de l'action menée depuis cinq ans, en dégageant des perspectives dans le contexte d'une campagne présidentielle où, je n'en doute pas, des propositions seront avancées.

Merci de l'avoir souligné : cinq ans d'action continue, c'est un record dans l'histoire de la République.

À mon arrivée, le ministère de l'éducation nationale était marqué par l'instabilité. Les politiques menées, que j'assume parfaitement, l'ont été de façon suivie pendant cinq ans. Auparavant, on disait que c'était impossible...

Des sillons ont ainsi été creusés. En matière éducative, il faut semer des graines. Nous ne sommes peut-être pas à l'heure des moissons, mais en tout cas des bourgeons.

Lors d'une récente séance de questions d'actualité, M. Brisson a fait référence aux classements internationaux. Le dernier classement PISA date de 2018.

À mon arrivée, en effet, la situation n'était pas bonne : la réforme du baccalauréat était attendue depuis vingt ans, le niveau en mathématiques faible. Seulement 50 % des élèves de terminale S poursuivaient des études scientifiques : désormais, ils sont 80 % !

À mon arrivée, c'était le règne du « pas de vagues » : on ne parlait pas des atteintes à la laïcité, des violences, du harcèlement. J'ai lancé une révolution copernicienne, avec le signalement systématique.

À mon arrivée, la rémunération des enseignants n'était pas à la hauteur de leurs missions. Certes, beaucoup reste à faire, mais des revalorisations sont intervenues.

La politique d'éducation prioritaire a été lancée dans les années quatre-vingt ; celle de l'école inclusive a été engagée par Jacques Chirac. Je ne fais pas, moi, de procès manichéens. Toujours est-il que, en 2017, la situation était difficile et les changements à mener, nombreux.

Aucune majorité n'a autant agi (murmures sur les travées du groupe Les Républicains), notamment pour réduire les inégalités et élever le niveau général.

Non, monsieur Brisson, le niveau général n'a pas baissé en cinq ans. Les évaluations nationales montrent des progrès. Ce sont des chiffres attestés ! Cherchez-vous à démoraliser le pays avec des données fausses ?

Bien sûr, certains élèves n'ont toujours pas des savoirs fondamentaux consolidés. La route est longue, d'autant que nous avons traversé une crise sanitaire inédite.

À cet égard, nous sommes un des rares pays à avoir amélioré le niveau de ses élèves de primaire pendant la pandémie. L'Unesco a salué l'action menée pendant cette période en matière scolaire. (M. Julien Bargeton s'en félicite.) Je n'aurai pas la cruauté de rappeler les propos de certains leaders politiques m'invitant à fermer les écoles...

Oui, en dépit de la crise sanitaire, le niveau en primaire a progressé !

Vous avez parlé de verticalité. Il fallait bien, pendant la pandémie, une unité de commandement. Voyez la situation en Allemagne... Soyons collectivement fiers du succès de la politique menée. Je n'ignore pas que nous sommes en campagne (protestations sur les travées du groupe Les Républicains), mais on ne devrait pas, parce qu'on est opposant, s'opposer à cette évidence. (M. Julien Bargeton acquiesce.)

En dépit de la virulence de M. Brisson, nous avons progressé grâce à des réformes structurelles -  qu'il a d'ailleurs souvent saluées.

M. Jacques-Bernard Magner.  - En effet !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - La critique est aisée, mais l'art difficile.

Mme Catherine Belrhiti.  - On ne vous a pas attaqué !

M. Julien Bargeton.  - Si !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je répète que nous avons réalisé des progrès, parfois inédits.

Mme la présidente.  - Monsieur le ministre, il vous faut conclure.

M. Max Brisson.  - Au lieu de vous énerver, vous auriez dû nous répondre...

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je pensais disposer d'un temps supérieur. Je poursuivrai ma réponse dans le débat.

Mme Catherine Belrhiti.  - La discipline vaut pour tous !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Oui, de 2017 à 2022, notre école a progressé ! (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Max Brisson.  - Tout va bien...

M. Laurent Burgoa.  - Trois minutes de dépassement ! (Assentiment sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Annick Petrus .  - (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) À Saint-Martin, la langue vernaculaire et maternelle, parlée par la très grande majorité de la population, est un créole de base anglophone, l'anglais saint-martinois.

À l'école publique, les cours sont dispensés en français, mais de nombreux élèves ne parlent que le créole haïtien ou l'espagnol. Les classes sont très hétérogènes, ce qui rend l'enseignement compliqué.

Conscients des enjeux, les services de l'éducation nationale autorisent un enseignement bilingue. Dans le premier degré, il bénéficie à 546 élèves, dans 30 classes ; au collège, à 186 jeunes, dans huit classes. Les résultats des évaluations sont encourageants.

Des formations de français en langue étrangère ont été proposées à 200 enseignants via le Centre national d'enseignement à distance en 2016 et 2017.

Ces initiatives portent leurs fruits et doivent être renforcées pour lutter contre l'échec scolaire. Mais il faut aller plus loin en généralisant l'enseignement bilingue sur tout le territoire de Saint-Martin. La collectivité s'est prononcée en ce sens à l'unanimité. Pouvons-nous compter sur le soutien de l'État ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - L'enseignement bilingue en outre-mer est un sujet majeur ; comme ancien recteur de Guyane, j'y suis particulièrement sensible. Il ne s'agit pas d'une difficulté, mais d'une richesse.

Les élèves doivent être fiers de leur langue maternelle, levier pour maîtriser le français. La langue de l'enseignement est le français, ce qui est logique et souhaitable pour l'avenir des enfants.

J'ai évoqué ce sujet à Saint-Martin, où je me suis rendu avec le Président de la République après le passage de l'ouragan Irma. Nous sommes très ouverts à de nouveaux développements du bilinguisme, sur la base de l'évaluation des expériences en cours, nécessaire pour prévenir les mesures contre-productives.

Mme Monique de Marco .  - Je vais me livrer à un exercice peu commun : relayer une alerte du Medef... (Sourires)

Il s'agit de l'évaporation de notre élite d'ingénieurs, notamment féminine. À cet égard, votre réforme du lycée a eu des conséquences fâcheuses. Les mathématiques sont devenues une option suivie par 37 % des élèves seulement, alors que la France est déjà à l'avant-dernière place dans l'OCDE pour le niveau en mathématiques.

M. Julien Bargeton.  - C'est une donnée ancienne !

Mme Monique de Marco.  - Nous risquons une pénurie d'ingénieurs, notamment en informatique.

Après des années d'efforts en faveur de l'équilibre garçons-filles dans les filières scientifiques, le ratio s'est écroulé en deux ans. Les stéréotypes reviennent en force. L'égalité entre les femmes et les hommes était pourtant supposée être la grande cause du quinquennat...

Allez-vous augmenter le nombre des conseillers d'orientation et revenir sur votre réforme qui creuse les inégalités sociales et de genre ?

M. Jacques-Bernard Magner.  - Très bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je vais vous rassurer et, à travers vous, le Medef... (Sourires)

Beaucoup d'inexactitudes sont relayées sur ce sujet, ce qui a suscité l'inquiétude.

Nous devons à la fois élever le niveau général en mathématiques et favoriser l'excellence et l'élargissement de notre élite scientifique.

Les élèves de sixième ont progressé en mathématiques. Nos programmes de lycée sont également plus exigeants. En terminale, les élèves de spécialités suivent neuf heures de cours, contre huit auparavant, et plus de 80 % d'entre eux poursuivent des études scientifiques, soit bien plus qu'auparavant.

Nous sommes passés de 25 % à 26 % de filles dans la voie qu'on appelait autrefois maths sups ; ce n'est pas une augmentation très forte, mais ce n'est certes pas une baisse. Il y a même 60 % de filles en mathématiques complémentaires.

Attention aux fake news sur le sujet. (Mme Monique de Marco proteste.) Le niveau en mathématiques s'améliore au lycée. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) J'ai lancé une concertation pour faire encore mieux.

M. Max Brisson.  - Décidément, c'est un festival d'autosatisfaction !

Mme Céline Brulin .  - Il y aurait beaucoup à dire sur votre bilan, mais je souhaite vous interroger sur la prochaine rentrée.

Hors REP, les dédoublements ont surchargé les classes. Comment allez-vous tenir votre promesse qu'aucune classe ne compte plus de 24 élèves ?

Les suppressions de poste menacent les dispositifs d'inclusion. Une nouvelle offensive est menée pour fusionner les écoles rurales, faisant primer la gestion comptable sur l'exigence de proximité.

Pourquoi ne pas appliquer la règle de non-fermeture d'école sans l'accord du maire dans les petites communes ? Allez-vous entendre tous ceux qui refusent de voir l'école rayée de nos villages ?

Il faut plus de moyens financiers et humains, notamment pour les remplacements. Allez-vous ouvrir davantage de postes au concours ?

Enfin, nous manquons cruellement d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Ces personnels au statut précaire ont été transférés aux collectivités territoriales, mais l'État s'engage-t-il à prendre en charge la totalité de leur rémunération ?

M. Pierre Ouzoulias.  - Très bien !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Le budget de l'éducation nationale a augmenté de 13 % au cours du quinquennat, ce qui est inédit. Au primaire, 11 000 postes ont été créés, alors que le nombre d'élèves a baissé de 280 000. Le taux d'encadrement s'est amélioré à chaque rentrée dans chaque département.

Nous avons concentré les efforts sur l'enseignement prioritaire, mais pas au détriment des autres zones. L'écart entre les plus défavorisés et le reste de la population s'est réduit de 13 à 7 points. Je défie quiconque de me citer de meilleurs résultats en matière d'éducation prioritaire...

Nous consacrons 3,5 milliards d'euros à l'éducation inclusive, un budget en hausse de 65 %. Beaucoup reste à faire pour les AESH, mais tout de même : nous sommes passés de 70 000 agents en contrat aidé à 125 000 en CDD ou en CDI... C'est le jour et la nuit !

M. Julien Bargeton.  - Tout à fait !

Mme Céline Brulin.  - C'était à craindre : le débat demandé par le groupe Les Républicains offre au ministre l'occasion d'un exercice d'autosatisfaction. C'est à se demander pourquoi toute la communauté éducative se mobilise contre la politique menée. La vérité des prix, monsieur le ministre, c'est le ressenti dans le pays. À situation exceptionnelle, il faut des moyens exceptionnels ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Si vous attendez de moi que je sois d'accord avec chacun d'entre vous... (Protestations sur diverses travées)

Mme Catherine Belrhiti.  - C'est un débat !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - J'entends défendre pied à pied mon bilan face à tous ceux qui, à droite et à gauche, veulent le dévaloriser.

M. Max Brisson.  - C'est inacceptable !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Dans ce cas, vous n'avez qu'à débattre sans moi.

Mme Céline Brulin.  - J'ai posé des questions concrètes. Moins de 24 élèves par classe, nous n'y arriverons pas.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Si !

Mme Céline Brulin.  - Cessez votre autosatisfaction et entendez qu'il faut davantage de moyens ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Mme Annick Billon .  - Je remercie M. Brisson d'avoir suscité ce débat.

La France occupe l'avant-dernière place dans l'OCDE pour les mathématiques, avec un faible taux de féminisation. La réforme de 2019 a entraîné une chute du nombre d'heures de cours de mathématiques en première et en terminale. Le Gouvernement vient de lancer une consultation pour revoir sa copie, mais c'est pour le moins tardif...

Par ailleurs, la Cour des comptes a indiqué il y a un an que 65 % des proviseurs et 85 % des professeurs principaux n'avaient reçu aucune formation spécifique en matière d'orientation.

Quelles garanties concrètes pouvez-vous apporter pour l'avenir de l'enseignement des mathématiques et l'amélioration de l'orientation de nos jeunes ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Sur l'enseignement des mathématiques, des données circulent qui ne sont pas exactes.

Je le répète, nous faisons un meilleur usage des heures de mathématiques, puisque 80 % des élèves ayant choisi cette spécialité au lycée poursuivent des études supérieures scientifiques. Plus de 60 % des lycéens choisissent cette spécialité, dont un grand nombre de filles. Le prétendu effondrement à 10 %, évoqué sur un grand média, est totalement fantaisiste.

Si je ne fais pas de concertation, on me reproche d'être vertical ; si j'en fais une, de reculer... Je lance une concertation pour préparer l'avenir en toute lucidité.

Nous avons beaucoup oeuvré pour l'orientation, avec plus de quarante heures par an, en partenariat avec les régions. L'articulation de la réforme du baccalauréat et de Parcoursup introduit de nouvelles logiques qui revalorisent le baccalauréat et améliorent la réussite dans l'enseignement supérieur.

Mme Annick Billon.  - Il faut donner les mêmes chances aux filles et aux garçons d'accéder aux filières scientifiques. Il faut aussi davantage de moyens pour l'orientation, à tous les niveaux.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Nous avons confié cette compétence aux régions. Nous travaillons en étroite relation avec elles pour les accompagner.

L'informatique est devenue une véritable discipline au lycée, avec 18 % des filles, alors qu'il n'y a que 5 % d'informaticiennes actuellement.

Mme Annick Billon.  - Les moyens doivent être renforcés pour une orientation éclairée des élèves. La réforme du baccalauréat a complexifié l'orientation, alors que le choix des spécialités est déterminant pour la suite des études.

M. Bernard Fialaire .  - Un mois après l'Agora de l'éducation qui s'est tenue au Sénat, ce débat, pour lequel je remercie le groupe Les Républicains, traduit une préoccupation partagée.

L'éducation nationale devrait être une priorité nationale. Mais les classements internationaux montrent nos insuffisances en lecture et en mathématiques, malgré les moyens mis en oeuvre. Les inégalités se creusent, et les enseignants restent insuffisamment rémunérés.

Beaucoup a été entrepris, mais il faut penser les liens entre les trois mondes que sont l'école, la famille et la rue.

Il faut aussi mieux prendre en compte la dimension de la santé, à la fois physique, psychique et sociale. La médecine scolaire doit se rapprocher de la PMI. En particulier, le dépistage des handicaps doit être amélioré.

Les différents acteurs doivent agir de manière coordonnée pour assurer une prise en charge globale des enfants, condition de leur équilibre et de leur réussite.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Vous avez raison de faire le distinguo entre ce qui relève du noyau dur de l'instruction et tous les autres enjeux, plutôt éducatifs. Je n'ai jamais opposé instruction publique et éducation nationale.

Je suis à la tête d'un ministère de l'Éducation nationale, de la jeunesse et des sports  - preuve que nous nous sommes intéressés au périscolaire, mais aussi aux facteurs extrascolaires de la réussite, comme avec les cités éducatives.

Nous devons considérer l'angle social. Notre bilan est considérable. Certes, beaucoup reste à faire, notamment sur la santé scolaire ; je pense aux relations entre les assistantes scolaires de l'Éducation nationale et celle des départements.

Mais des progrès importants ont été réalisés, avec le plan Mercredi et les Vacances apprenantes. Oui, nous devons avoir une vision globale, en particulier dans les territoires les plus défavorisés.

M. Jacques-Bernard Magner .  - Le décret Peillon de 2013 sur les rythmes scolaires prévoit neuf demi-journées par semaine, chacune d'entre elle ne devant pas dépasser 3 h 30, avec 1 h 30 de pause méridienne au minimum.

Mais la dérogation est devenue la règle et 88 % des écoles pratiquent quatre journées de six heures, en fonction des contraintes et préférences des adultes, en totale inadéquation avec les besoins des enfants. Les études des chronobiologistes montrent pourtant que cette organisation entraîne une baisse d'attention des enfants, surtout chez les moins favorisés.

Les apprentissages se font mieux en matinée ; en supprimer une par semaine, soit 36 par an, est dommageable.

Nous sommes entre le quinzième et le vingt-et-unième rang au classement PISA. La France a l'un des nombres de jours d'école les plus faibles et l'un des nombres d'heures par jour les plus élevés. Vous étiez brièvement revenus sur la réforme de 2008 en introduisant une neuvième demi-journée, mais l'expérience a été trop brève.

Les égoïsmes autour de l'école et dans l'école auront bientôt raison de la cinquième matinée. Ajoutons à cela la disparition de l'éducation physique et sportive, conséquence d'une concentration excessive sur les apprentissages de base.

N'est-il pas temps de rouvrir le dossier des rythmes scolaires ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Si nos arguments paraissent parfois contradictoires, c'est que la majorité présidentielle est dans la recherche d'équilibre et de sagesse, face à des oppositions qui s'affrontent.

M. Max Brisson.  - Tout va bien, alors !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Nous avons conservé la semaine de cinq jours là où les acteurs la jugeaient pertinente. Certaines communes notamment rurales estimaient qu'imposer une semaine de cinq jours était problématique.

Pour autant, il faut rester humble face à la question des rythmes scolaires, pour laquelle chaque cas d'espèce est particulier.

Il n'y a pas que le temps scolaire, mais aussi le périscolaire et l'extrascolaire. On peut apprendre autrement à l'école, mais aussi en dehors de l'école. Les vacances sont fondamentales pour s'épanouir mais sont aussi l'occasion d'apprendre.

Les grandes vacances sont le moment où les inégalités se creusent. Je ne suis pas certain qu'il faille les réduire pour autant, mais il y a sans doute un champ fertile pour les plus défavorisés, par exemple avec les vacances apprenantes, plus fertiles en tout cas qu'une énième réforme des rythmes scolaires.

M. Julien Bargeton .  - Monsieur le ministre, vous avez dit votre attachement aux 54 internats d'excellence. Quelque 1 500 places doivent être ouvertes dans le cadre du plan de relance. Où en êtes-vous ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Ce sujet est fondamental. Les majorités précédentes ont cherché à développer les internats, qui connaissent une croissance sans précédent. Le premier internat d'excellence, celui de Sourdun, a pleinement atteint ses objectifs initiaux : grâce à lui, de nombreux élèves issus de territoires défavorisés sont devenus ingénieurs ou étudiants en médecine.

Nous consacrons 50 millions d'euros du plan de relance à la construction de 253 internats supplémentaires. Au total, 307 internats, accueillant 30 000 élèves, mailleront le territoire.

L'internat offre un cadre plus rigoureux à l'élève, mais aussi des éléments d'épanouissement, sport ou culture. C'est aussi l'occasion de revitaliser des territoires, notamment ruraux.

C'est l'une des plus grandes politiques sociales que l'Éducation nationale puisse mener.

Notre objectif est dépassé : 307 internats d'excellence seront ouverts à la rentrée prochaine.

M. Julien Bargeton.  - Je me satisfais du doublement des REP et REP+ à Paris, dans les 18e, 19e et 20e arrondissements notamment. Cette année, dans ces quartiers populaires, pour la première fois depuis longtemps, les enfants savaient lire, écrire, compter à Noël. Les enseignants constatent une nette élévation du niveau. J'en suis heureux, particulièrement dans le 20e arrondissement.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Ce sujet est essentiel : si c'est possible dans telle ou telle école, c'est que c'est possible partout.

Le Graal que recherchent tous les pays, c'est d'abolir le différentiel de niveau entre les 20 % les plus défavorisés et le reste de la population. Quand on abolit cet écart, on réussit quelque chose hors du commun.

Le dédoublement n'est pas la seule clé. Il y a aussi un changement de méthode pédagogique, que je constate sur le terrain. L'acquisition des savoirs fondamentaux s'accroît dans notre pays.

M. Max Brisson.  - Mais les écarts continuent de se creuser ! (M. le ministre le conteste.)

M. Franck Menonville .  - L'Éducation nationale est le premier poste budgétaire de l'État, avec 110 milliards d'euros. Or dans les classements PISA et OCDE, nous sommes vingt-troisième en lecture et le niveau s'effondre en histoire-géographie ou en langues vivantes.

La France est en dessous de la moyenne européenne en mathématiques. (M. Max Brisson le confirme.)

Les réformes se sont succédé à un rythme soutenu. Mais leur avons-nous laissé le temps de se déployer ?

Le métier d'enseignant est de moins en moins attractif. Le mauvais rendement des concours, entre manque de candidats et démissions, le révèle.

Octroyer davantage de liberté pédagogique et de flexibilité accroîtrait l'attractivité des métiers. C'est le fondement du système éducatif des pays nordiques, où les classes sont moins nombreuses. Cela a fait ses preuves.

Quelles sont vos marges de manoeuvre ? Pourquoi ne pas s'inspirer du modèle nordique, qui fonctionne ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je salue votre question qui fait souffler un vent d'optimisme sur nos débats.

Oui, notre école a des faiblesses, mais il y a bel et bien eu des progrès. Avoir eu cinq ans devant nous nous a permis d'éviter les zigzags que vous évoquez.

Les plans Français et Mathématiques, le dédoublement des classes, les évaluations de début d'année - qui ont révélé une progression sur 26 des 32 items testés - ont participé d'une politique cohérente.

Nous avons eu une politique de formation ambitieuse des professeurs. Nous nous sommes inspirés du Québec et des pays scandinaves pour éviter la verticalité en partant des besoins exprimés par les professeurs. Nous devons trouver l'équilibre entre unité et liberté des acteurs.

M. Max Brisson.  - La Cour des comptes dit le contraire. Et les Français aussi.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Vous avez la volonté de tout peindre en gris, mais vous n'avez pas toute la vérité.

M. Julien Bargeton.  - Un peu de nuances !

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous assistons à une crise des vocations des enseignants. Comment offrir à nos enfants un enseignement adapté et de qualité si le métier n'attire plus ? Pas moins de 238 postes de Capes externe n'ont pas trouvé preneur et 1 648 enseignants ont rompu leur contrat.

Comment en sommes-nous arrivés là ? La question des salaires est importante. De 1 600 euros nets en début de carrière, le salaire des enseignants est, après quinze ans, inférieur de 15 % à la moyenne de l'OCDE.

Les conditions de travail ne motivent pas les futurs enseignants, qui ne se sentent pas soutenus par leur hiérarchie. Il faut y ajouter le recul du respect des enfants, des parents plus revendicatifs et des protocoles sanitaires ubuesques. Comment le Gouvernement compte-t-il réagir ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Votre discours aurait pu être tenu en 2017. Nous faisons tous partie du problème et de la solution. Mais les discours que nous prononçons ont leur importance. Je ne dis pas que tout va bien, mais si un futur professeur vous entend, cela ne le motive guère à devenir professeur !

Mme Catherine Belrhiti.  - Je vous décris la situation actuelle ! (M. Max Brisson approuve.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Je ne dis pas que tout va bien mais nous avons obtenu des progrès. Vous avez fait référence au salaire, problème bien réel. Le salaire des jeunes professeurs a été revalorisé. Le premier salaire est passé à 1 860 euros, sans parler de certaines primes. Vous avez mentionné 1 600 euros : ce montant est obsolète.

Monsieur Brisson parlait de problème d'attractivité dans sa vindicte. (Marques d'ironie à droite et au centre) La promesse du Président de la République était de 3 000 euros de prime annuelle en REP et elle a été tenue. Cela concerne 50 000 personnes.

J'ai commencé à mettre en oeuvre les douze engagements du Grenelle de l'éducation. Il faut continuer à creuser les sillons et, au-delà du salaire, revaloriser les conditions de travail.

M. Max Brisson.  - Plus de 1 600 démissions !

Mme Catherine Belrhiti.  - Ce que je vous fais remonter, ce sont les remarques du terrain. Je ne le fais pas par plaisir, ayant été moi-même enseignante.

Je vous avais demandé d'écrire que les parents ne doivent pas s'immiscer dans la pédagogie des professeurs, vous avez écrit qu'il fallait « respecter les professeurs ». Je ne comprends pas le lien !

Je préside la commission des lycées du Grand Est, et on me parle de parents qui écrivent aux professeurs pour leur dicter ce qu'ils doivent dire en cours. C'est intolérable ! Allez-vous prendre des mesures fortes pour améliorer la vie des professeurs au quotidien ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - J'ai toujours eu des propos très clairs pour défendre les professeurs. L'article premier de la loi pour une École de la confiance condamne toute violence des parents à l'encontre des professeurs. Tout fait signalé fait l'objet de poursuites. Je regrette comme vous l'accroissement de l'agressivité. Montrons l'exemple en faisant preuve de nuance, de subtilité et de dialogue dans le débat public.

Le respect des professeurs est global : les textes sont là.

Sur l'immixtion dans la pédagogie, vous avez raison, mais je ne vois pas quelle règle pourrait interdire à quelqu'un de dire quelque chose à quelqu'un d'autre. Le principe de liberté pédagogique du professeur s'applique.

Mme Catherine Belrhiti.  - Je veux que ce soit écrit, pour que ce soit respecté.

Mme Sonia de La Provôté .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'expérimentation en cours des contrats locaux d'accompagnement et des territoires éducatifs ruraux a deux objectifs : améliorer les dispositifs existants et prendre davantage en compte les inégalités territoriales.

Depuis la rentrée 2021, 172 écoles, collèges, lycées des académies de Nantes, Lille et Marseille sont concernés. La progressivité dans l'allocation des moyens a été introduite.

Le rapport de nos collègues Lafon et Roux d'octobre 2019, au nom de la mission d'information sur les nouveaux territoires d'éducation, préconisait une meilleure équité territoriale, pour que l'éducation prioritaire ne s'arrête pas à la couronne des villes.

L'objectif est la réussite par des moyens différenciés.

Après six mois, l'expérimentation devait être élargie si elle était concluante. A-t-on des retours d'évaluation ? La question des moyens devait être évaluée, mais par qui ?

Où en est-on dans le déploiement des territoires éducatifs ruraux ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Les territoires ruraux ont pu se sentir les oubliés des politiques d'éducation prioritaire. Nous sommes le premier Gouvernement à avoir mené des politiques d'éducation prioritaire rurales, M. Magner le sait.

Il y avait 23 territoires pilotes dans l'expérimentation, soit 24 000 élèves de primaire et 16 000 lycéens, au sein de 155 écoles, 27 collèges et 20 lycées.

Nous passons de trois à sept académies. Plus de 60 territoires sont engagés dans la contractualisation, pour nouer des alliances éducatives. L'objectif est, comme pour les cités éducatives, d'avoir un impact sur les facteurs extrascolaires de la réussite.

Nous soutenons les territoires éducatifs ruraux, en lien avec les internats d'excellence et l'extension des cordées de la réussite aux territoires ruraux.

Nous voyons donc apparaître les premiers bourgeons de notre politique d'éducation prioritaire rurale.

Mme Sylvie Robert .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La réforme du bac a fait chuter la proportion des lycéens étudiant les mathématiques ; en parallèle, 37 % des élèves les choisissent en spécialité. En d'autres termes, au lycée, l'apprentissage des mathématiques est à double vitesse, accentuant les inégalités sociales et de genre : les filles, qui représentaient 47,7 % des effectifs en filière S en 2021, ne sont plus que 39,8 % à avoir choisi la spécialité maths, moins qu'en 1994.

Les instituts de recherche et les professeurs de mathématiques dénoncent ce décrochage.

L'accès aux filières scientifiques, économiques et numériques de France 2030, qui concentrent la majorité des investissements, pose question. Il manque 5 000 ingénieurs par an.

L'inadéquation de la formation et des besoins est une question politique, tout comme la lutte contre les idées reçues.

Vous avez récemment lancé un comité de consultation, selon lequel certains aménagements sont envisageables dès la rentrée prochaine, quand d'autres doivent attendre 2023. Quels sont-ils ? Comment renforcer les mathématiques ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe SER)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - La concertation a débuté ; tous les chiffres seront sur la table, mais je vous en donne déjà certains. En 2021, 64,1 % des élèves de première générale, soit 252 233 élèves, ont choisi l'enseignement des mathématiques, dont 55 % de filles : c'est donc tout sauf un effondrement.

L'option mathématiques complémentaires, en terminale, est prise à plus de 60 % par des filles. Certes, le taux n'est que de 39 % pour l'enseignement de spécialité, mais, comme précédemment, il y a plus de garçons en physique-chimie et plus de filles en sciences de la vie et de la terre (SVT).

Comment encourager les filles à se tourner vers les enseignements scientifiques ? C'est la vraie question.

Non, il n'y a pas d'effondrement : le programme est plus exigeant, avec plus d'heures et plus d'élèves poursuivant les mathématiques dans le supérieur. Sur ce plan, notre objectif est tenu. Mais pour les filles, nous partons d'une situation insatisfaisante, surtout s'agissant de la continuité avec le supérieur. Par ailleurs, la discipline numérique et sciences de l'informatique a été choisie par 18 % des filles cette année contre 10 % l'an dernier : c'est un mieux, même si nous devons encore progresser.

Mme Béatrice Gosselin .  - Pour sécuriser le saut vers Parcoursup, les élèves doivent s'appuyer sur les conseils des professeurs principaux. L'accompagnement à l'orientation est devenu une priorité. Sur le papier, 54 heures annuelles en seconde, première et terminale sont prévues pour élaborer le projet de formation, mais elles ne sont pas financées : les établissements doivent puiser dans leurs marges horaires. De plus, l'absence de cadrage conduit à une grande hétérogénéité entre établissements. Les professeurs principaux considèrent qu'ils supportent une lourde responsabilité, d'autant que la réforme du lycée a compliqué la donne en brisant les classes.

En outre, la crise sanitaire a transformé les salons de l'orientation en visites virtuelles.

Que faites-vous pour que les lycéens ne manquent pas d'ambition pour leur avenir ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - La question de l'orientation est importante.

La réforme du lycée change les choses et, comme toujours, soulève des questions. Rien n'a changé en vingt ans et tout le monde jugeait, il y a cinq ans, que le lycée était à bout de souffle. Faisant mentir les prédictions, une majorité des lycéens préfèrent cette réforme, ils me le confirmaient encore hier.

Nous attaquons les difficultés d'orientation à la racine. Auparavant, l'heure de vérité n'arrivait qu'à la fin de la première année d'enseignement supérieur, avec un taux d'échec de 60 %  - le scandale français ! Ce taux baisse pour la première fois cette année, car les élèves sont mieux orientés.

Toute réforme suscite des interrogations. Mais je suis fier de l'innovation ayant consisté à nommer deux professeurs principaux en terminale. Nous comptons sur eux en matière d'orientation, pour aider les élèves et leurs familles. La responsabilisation permet l'orientation ; je pense au rôle des régions en la matière.

Certes, la crise sanitaire a freiné certaines évolutions, mais la base est posée.

M. Jacques-Bernard Magner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) En 2021, les salaires des enseignants, malgré un rattrapage amorcé en 2015, restent inférieurs de 15 % à la moyenne des 38 pays de l'OCDE.

Les primes diverses -  d'attractivité, d'équipement informatique, d'éducation prioritaire, les indemnités de directeur d'école  - ne constituent pas une vraie revalorisation, même si ces mesures issues du Grenelle constituent une avancée appréciable. Il faudrait revoir le point d'indice dans un contexte inflationniste, mais le Gouvernement s'y refuse. La conséquence en est la perte d'attractivité du métier.

Alors que les AESH accomplissent des missions essentielles pour l'école inclusive, la rentrée 2021 marque un progrès avec une nouvelle grille et un avancement automatique, mais une grille reconnaissant réellement leur professionnalisation se fait attendre, sans compter qu'un temps partiel leur est souvent imposé.

Que ferez-vous pour une vraie revalorisation de ces métiers ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Merci d'avoir énuméré les primes que nous avons mises en place. Ne vous en déplaise, c'est un progrès ceux qui les touchent, d'autant qu'avant ce rattrapage, les professeurs touchaient moins de primes que les autres fonctionnaires.

Certaines, comme la prime informatique sont universelles, d'autres, comme la prime REP+ sont ciblées. Cette dernière, de 3 000 euros annuels, a stabilisé les enseignants dans ces établissements. Idem pour la prime de directeur d'école, de 600 euros par an.

Par rapport à 2017, un directeur en REP+ gagne désormais 3 000 euros de prime REP+, 600 euros de prime de directeur, sa prime informatique est passée de 150 à 200 euros, il bénéficie des classes dédoublées et de davantage d'AESH : la situation n'est pas idéale mais on ne peut pas dire qu'il ne s'est rien passé.

Il faut faire plus et mieux pour les AESH, mais celle que j'ai rencontrée hier à Marseille a reconnu que sa situation s'était améliorée : elle était en contrat aidé il y a quatre ans, elle est désormais en CDI ; son contrat est passé de vingt à trente heures ; son salaire dépasse les 1 000 euros. Il y a bien des améliorations.

En 2022, 150 millions d'euros sont consacrés à la revalorisation des AESH : 112 millions d'euros pour la grille, 24 millions d'euros pour la protection sociale et 12 millions d'euros pour la prime inflation. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Édouard Courtial .  - L'école de la République est la promesse d'un avenir meilleur, par le savoir et l'égalité des chances.

Ma proposition de loi de 2018 tendait à créer des REP ruraux, car l'école rurale est, elle aussi, confrontée à des défis que les conventions ruralité ne suffisent pas à résoudre. Chaque année, les investissements des communes n'empêchent pas les fermetures de classe. Chaque année, je dialogue avec le rectorat pour le faire revenir sur des décisions parfois incompréhensibles. Comment comprendre qu'en ville, des classes soient dédoublées, et qu'à quelques kilomètres de là, à la campagne, des classes soient fermées ?

L'État manque à sa parole, puisqu'il était entendu qu'aucune classe ne devait fermer sans l'accord du maire.

C'est fondamental pour notre avenir : voulons-nous des centres urbains entourés de déserts ruraux, ou bien préserver nos territoires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Depuis cinq ans, près de 12 000 postes ont été créés, malgré 280 000 élèves en moins, souvent en milieu rural. L'école rurale, que je défends, fait souvent mieux réussir ses élèves que l'école urbaine, c'est pourquoi nous nous sommes engagés à ne jamais fermer une école sans l'avis du maire -  s'agissant des fermetures de classes, l'engagement ne valait que pour une rentrée.

Les mesures en faveur des REP ne se font pas au détriment du monde rural, où le taux d'encadrement est très favorable.

Soyons volontaristes, sans opposer rural et urbain. A fortiori dans un contexte de réinstallation dans les territoires ruraux, il faut revaloriser l'image du village. Les contrats départementaux de ruralité concernent 67 départements de France : ils permettent de maintenir des classes et créer une nouvelle attractivité pour une renaissance des villages.

M. Max Brisson.  - Les maires ruraux constatent le contraire !

M. Olivier Rietmann .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En avril 2021, j'interrogeais Nathalie Elimas sur l'avenir de l'école dite du socle.

Elle me répondait que le taux d'élèves ayant une maîtrise insuffisante ou fragile des acquis diminue tant en français qu'en mathématiques, que la difficulté scolaire tout au long du parcours des élèves est bien prise en charge, que les résultats au brevet s'améliorent depuis trois ans, que les élèves semblent mieux comprendre et vivre les transitions inhérentes au parcours scolaire. 

Forte de ce diagnostic optimiste, l'expérimentation menée à Jussey s'est poursuivie et entre dans sa quatrième année. Ses résultats restent prometteurs, avec des chances de réussite optimisées, de la petite section de maternelle à la troisième.

L'heure du bilan est venue. Quand et comment prévoyez-vous de consacrer les écoles du socle ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Ces cinq années n'ont pas été un long fleuve tranquille et tout n'a pas été possible. Nous avons envisagé de consacrer l'école du socle via les établissements publics d'enseignement primaire (EPEP). L'idée de joindre école et collège peut être bonne, a fortiori en milieu rural, pour atteindre une masse critique.

Le cadre juridique actuel permet l'expérimentation. Il y a pourtant eu des oppositions, y compris ici. Peut-être les esprits mûriront-ils ? Faut-il systématiser les dispositifs de ce type ? Pas forcément, mais encourageons-les dès lors qu'il y a un consensus local.

Notre pays réussira sur le plan scolaire en créant des consensus politiques.

Je constate sur le terrain de nombreux liens entre écoles et collèges. Je vois beaucoup de classes et d'écoles qui vont bien, de professeurs investis. Attention aux discours que nous tenons : heureusement, les choses vont bien dans beaucoup d'endroits ! Je vous remercie d'avoir souligné ce succès. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Olivier Rietmann.  - Vous parlez de consensus local. J'étais maire de Jussey quand cette école s'est installée. Nous étions trois à y croire : le principal du collège, la directrice de l'école et moi - c'est tout ! Je suis même devenu la bête noire des syndicats de Haute-Saône en voulant créer cette école. Il a fallu du courage !

Cette école est intéressante pour réduire les écarts scolaires : étendons-la ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Notre rapporteur Max Brisson a résumé la situation : le bilan est sévère. Mais je refuse de voir notre pays condamné au déclin. Il nous manque une stratégie globale et de long terme.

Les travaux du centre de recherche politique de Sciences Po montrent que le manque de confiance des Français s'explique par la faillite de la méritocratie. La moitié des différences de croissance entre pays s'explique par le différentiel d'enseignement en mathématiques et en sciences : Cédric Villani est intarissable sur le sujet, souffrez que je préfère son analyse à la vôtre en ce domaine !

Vous avez mis en place une ou deux réformes iconiques, mais sans grande portée.

M. Julien Bargeton.  - C'est caricatural !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Nous partageons ici cette analyse. Les sénateurs seraient-ils tous fous ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Ils exagèrent souvent !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Quelle est votre stratégie face à ce phénomène ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - L'histoire jugera.

Toute personne de bonne foi sait que j'ai trouvé une situation peu reluisante en 2017 et que j'ai une stratégie cohérente. Les chiffres montrent l'augmentation du niveau à l'école primaire.

M. Max Brisson.  - C'est faux !

M. Julien Bargeton.  - Écoutons-nous !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Voulez-vous un débat ? Si vous continuez de m'interrompre ainsi, j'arrête ici mon intervention. (M. le ministre se rassoit.)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Vous n'êtes pas le pire des ministres.

M. Julien Bargeton.  - Qu'est-ce que ce serait !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Mais vous avez affirmé que nous ne connaissions rien au terrain. C'est faux, un point c'est tout.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre.  - Madame la présidente, je souhaite répondre sans être interrompu. Oui, monsieur Hugonet, ma stratégie est claire : élever le niveau et lutter contre les inégalités. Oui, ces chiffres existent.

Oui, le collège connait des limites et la réforme du lycée ne donne pas tous ses fruits, mais on avance. Ne cherchons pas de vaines polémiques.

Je ne dis pas que tout va bien, mais en cinq ans nous avons augmenté le budget de plus de 13 %, avec de premiers résultats constatables en français et en maths. Je le rappelle : 26 items sur 32. Malgré les oppositions, nous n'avons pas fermé les écoles. Je prends rendez-vous avec vous : l'Histoire jugera.

Nous n'allons pas rougir de faire progresser nos écoliers en pleine crise sanitaire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Martin Lévrier.  - Bravo !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Vous avez observé, monsieur le ministre, que l'école en musique était un échec. Elle est impraticable : un tambourin et un pipeau dans la cour de récréation ne suffisent pas. Ce qui compte, ce sont les personnels payés par les communes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Julien Bargeton proteste.)

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce sujet est fondamental pour l'avenir de notre pays : l'école est en effet le pilier de la République.

Je remercie le groupe Les Républicains d'avoir ouvert ce débat.

Depuis longtemps rapporteur spécial pour l'enseignement scolaire, je ne dispose pour présenter ce budget que de six minutes pour 60 milliards d'euros, soit une minute pour 10 milliards... (Sourires)

Je vous ai connu recteur de Créteil, monsieur le ministre, et j'avais apprécié votre implication. La pratique du suffrage universel vous aurait cependant durci le cuir face à certaines piques... (Sourires)

Ce débat est frustrant car nous ne pouvons aller au bout des chiffres. Voyez l'immense malentendu sur les mathématiques qu'il convient d'éclaircir. Une chose est sûre : le nombre de candidats au concours de professeur des écoles est trop faible et ils sont plus littéraires que scientifiques. On peut se jeter des chiffres à la figure, mais nul ne souhaite transformer le dialogue en affrontement.

Des élections présidentielles, j'en ai traversé cinq ou six ; la France continue d'exister après ! L'éducation nationale est un paquebot de très haute mer dont les corrections de caps sont lentes et difficiles.

Oui, le budget de l'éducation nationale a augmenté de 13 %, mais 60 % de cette hausse est due au glissement vieillissement technicité (GVT) et au parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR), qui profite davantage aux anciens professeurs. Vous avez essayé de changer les choses et c'est pourquoi j'ai voté votre budget, mais il faut reconnaître que vous avez hérité d'un ministère pesant.

Monsieur le ministre, vous manquez d'alliés pour mener à bien vos réformes. Appuyez-vous sur vos partenaires naturels, les collectivités locales ! Le budget de Mme Gourault ne consacre que 33 euros par an et par élève pour les cités éducatives. Cela ne va pas renverser la table !

Vous annoncez des orientations qui peinent à se traduire dans les faits, car les changements sont quasi impossibles dans ce grand ministère ; l'école du socle en est un bon exemple.

En réalité, vous avez passé un excellent moment avec nous, (on s'amuse) car nous sommes passionnés d'éducation.

Prenez en considération les partenaires que sont les collectivités locales, les employeurs et les parents - car c'est bien la famille qui est le premier éducateur. Un gouvernement qui les ignore passe à côté des réalités ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Innovation en santé

Discussion générale

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'innovation en santé, présentée par Mmes Catherine Deroche, Annie Delmont-Koropoulis et plusieurs de leurs collègues.

Mme Catherine Deroche, auteure de la proposition de loi .  - Malgré les qualités de la recherche française en santé, nos instituts et nos entreprises accusent un retard par rapport à nos voisins.

La France a sous-estimé certaines tendances lourdes, comme l'effacement des frontières entre recherche fondamentale et recherche clinique et appliquée. Elle doit prendre le virage des biotechnologies et relocaliser ses capacités de production des principes actifs.

Les difficultés de production d'un vaccin national contre le Covid sont symptomatiques de cette nouvelle donne. Or il en va de l'accès des patients aux thérapies les plus susceptibles de les soigner.

Cette proposition de loi technique, issue de textes distincts d'Annie Delmont-Koropoulis et de moi-même de 2019 et de 2020, peut constituer une avancée en matière de souveraineté sanitaire, de développement de la médecine personnalisée et apporter des solutions concrètes pour fluidifier les procédures d'évaluation des recherches.

L'accès précoce aux médicaments innovants est une préoccupation ancienne de notre commission ; la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) avait publié en 2018 un rapport de 2018 que j'avais cosginé avec Yves Daudigny et Véronique Guillotin.

Le rapport Delmont-Koropoulis-Guillotin sur le Conseil stratégique des industries de santé pour 2021 (CSIS) a formulé des recommandations, dont certaines ont été suivies par le Gouvernement ou sont en passe de l'être, comme la création d'une agence de l'innovation en santé.

Les dysfonctionnements sont connus. Ainsi les comités de protection des personnes (CPP), surchargés, doivent être renforcés. L'article 6 propose d'externaliser les dossiers de recherche non-interventionnelle, en forte croissance, vers d'autres acteurs. Il est complété par les articles 4, 5, 8 et 9, notamment pour éviter les conflits d'intérêts au sein des CPP, avec la création d'un déontologue dédié.

L'autre enjeu du texte est de faciliter l'accès des patients à l'innovation. Le forfait diagnostic cancer à l'article 14 et le critère de valeur thérapeutique prévu à l'article 16 ont pour but d'y contribuer.

Citons aussi l'organisation du transport sanitaire des enfants vers des centres de pathologies rares ainsi que le développement des essais cliniques en ambulatoire.

Il est également prévu de développer la médecine personnalisée et de faciliter l'accès aux données de santé en vie réelle, tout en l'encadrant et en sécurisant leur stockage au niveau européen. C'est indispensable pour renforcer la confiance de nos concitoyens.

Notre commission lancera prochainement une mission sur le sujet. Quid, monsieur le ministre, du contrat de prestation conclu en avril 2020 avec Microsoft et d'une solution alternative européenne pour gérer les données personnelles de santé ? La situation actuelle demeure bancale.

Cette proposition de loi présente des mesures variées et cohérentes pour améliorer l'innovation en santé. Je salue le travail de notre rapporteure qui a largement consulté et proposé des solutions audacieuses.

Je vous propose d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)

M. René-Paul Savary.  - Très bien !

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - La présidente Deroche l'a dit : ce texte reprend certaines de nos propositions de loi de 2019 et de 2020 et s'appuie sur les travaux de la commission.

J'ai auditionné près de 60 personnes - spécialistes du médicament, de traitements innovants, autorités de régulation, entrepreneurs de la biotech, acteurs de l'action éthique de la recherche, entre autres. Il s'agit d'un sujet important pour les patients mais aussi du rang de la France en la matière.

Le texte traite d'abord du système d'évaluation éthique des recherches. Les CPP sont mal équipés pour absorber leur charge de travail : la commission vous propose d'y remédier. L'article 3 rattache ces comités à un CHU ; la commission y a ajouté les établissements de santé publics et privés, comme les centres de lutte contre le cancer. Des CPP pourront aussi être spécialisés en pédiatrie et en maladies rares.

L'article 8 valorise le travail en CPP dans la carrière universitaire, pour les rendre plus attractifs. L'article 6 allège leur charge de travail. En effet, plus d'un tiers des demandes d'évaluation portent sur des recherches non interventionnelles, dites RIPH3, sans risque pour la personne humaine. Leur nombre ayant vocation à croître, nous proposions, avec Véronique Guillotin, de transférer ces dossiers à un comité d'éthique spécialisé, mais les auditions m'ont conduit à reconsidérer la question en raison du volume d'activité attendu et du risque de conflits d'intérêts.

La proposition du député Isaac-Sibille lors de la dernière loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), visant à créer des comités d'éthique locaux, me laisse aussi sceptique. Finalement, la commission a suivi ma proposition de faire appel aux comités d'éthique de la recherche (CER), aujourd'hui consultatifs et logés dans les universités. Si des membres de CER peuvent parfois être membres de CPP, les deux mondes s'ignorent largement. Pour autant, une convergence serait souhaitable sur les recherches sans risque pour les personnes.

Il faudra certes porter les CER au niveau des compétences nécessaires. L'article 9 définit la base légale. L'article 4 constitue un référentiel commun, prévoit un annuaire des experts mobilisables et crée un déontologue chargé des conflits d'intérêts.

L'article premier précise les essais cliniques ambulatoires et le recours à la télémédecine, tout en tâchant de remédier au problème du transport des enfants atteints de pathologies rares vers des centres spécialisés.

En second lieu, ce texte traite de la recherche en matière de médecine personnalisée. L'article 11 prévoit que la recherche publique contribue au renforcement de la souveraineté sanitaire et de la qualité de vie. Améliorer la prise en charge passe par la médecine personnalisée, qui adapte les thérapies aux spécificités du patient.

Le troisième volet du texte facilite l'accès du patient à l'innovation. L'article 14 améliore le diagnostic des cancers, actuellement dépendant d'une enveloppe fermée dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) qui ne prend pas en compte les dernières innovations. Il s'agit donc de prendre en charge, forfaitairement, les marqueurs biologiques des nouveaux cancers diagnostiqués chez des patients. L'article 15 renforce les missions de la Haute autorité de santé (HAS) en la matière et assouplit son fonctionnement.

Les articles 16 et 18 favorisent l'accès des patients aux médicaments innovants. Alors que le service médical rendu (SMR) est difficile à mesurer, le Comité économique des produits de santé (CEPS) pourra fonder le prix des médicaments sur la valeur thérapeutique relative qui sera soumise à des réévaluations périodiques selon les données de vie réelle.

Enfin, la dernière partie du texte porte sur les données de santé. Les titulaires d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) peuvent avoir besoin des données de santé du Système national des données de santé (SNDS) : l'article 20 encadre cet accès, conditionné à une étude annuelle et à un protocole de recherche.

Les articles 21 et 22 garantissent l'usage des données de santé des citoyens-patients : les mutuelles complémentaires ne pourront les utiliser pour l'évaluation des risques et elles devront être stockées selon des modalités relevant de la juridiction de l'Union européenne. Certes, il n'existe pas encore d'alternative à Microsoft Azure, mais il faut y travailler.

Je salue l'ouverture de l'espace numérique de santé, qui améliore la coordination entre médecins de santé publique et spécialistes.

Puisse ce texte être amélioré par la navette et profiter à notre recherche et à notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État, chargé de l'enfance et des familles .  - (MMartin Lévrier applaudit) Cette proposition de loi veut renforcer les conditions d'accès aux thérapies innovantes et renforcer le volet éthique de la recherche. Nous partageons ces objectifs et je salue le travail mené par la commission sur les trois volets du texte.

Le Gouvernement, dans le plan France innovation santé 2030, vise à augmenter le nombre d'essais cliniques en réduisant les délais d'autorisation tout en maintenant un haut niveau de qualité éthique et méthodologique. Les moyens des CPP ont ainsi été accrus de 5 millions d'euros pour l'évaluation des produits de santé, pour mieux recruter, pour revaloriser les indemnités et pour proposer de nouvelles formations. Les pratiques des comités ont en outre été harmonisées.

Ces réformes sont rendues nécessaires par l'évolution de la réglementation européenne, selon laquelle le silence des comités vaut désormais approbation. Il convient donc de s'assurer que les délais sont respectés. C'est le cas de plus de 99 % des 351 projets de recherche sur les médicaments. Les 39 CPP ne pourront cependant pas toujours rendre des avis en temps et en heure. Il faut donc élargir le vivier de recrutement des volontaires. À terme, il sera indispensable de confier les missions d'évaluation des recherches non-interventionnelles à d'autres acteurs.

Sur proposition de M. Isaac-Sibille, la LFSS pour 2022 est parvenue à un juste équilibre en confiant l'évaluation des recherches non interventionnelles à des comités d'éthique locaux.

Je salue d'autres dispositions de la proposition de loi, notamment sur la recherche en ambulatoire et la valorisation de l'activité des rapporteurs de projets de recherche dans leurs carrières.

Nous sommes plus réservés sur votre proposition d'évaluation systématique des projets de recherche impliquant la personne humaine ne poursuivant pas de finalité biologique.

S'agissant de l'accès à l'innovation touchant les produits de santé, le texte soulève des questions majeures. Bien souvent, des données prometteuses ne peuvent être traitées à temps.

Avec la réforme de l'accès précoce aux médicaments de juillet dernier, le Gouvernement a prévu des mesures dérogatoires plus fréquentes. Grâce à ce nouveau dispositif, les patients français ont bénéficié avant nos voisins d'un traitement contre le Covid ; nous sommes pour l'heure les seuls à le proposer en Europe. Idem pour un traitement contre le cancer du sein métastatique : en novembre 2021, les Françaises ont été les premières en Europe à y accéder.

Le plan France innovation santé 2030 porte également des mesures ambitieuses, notamment en matière de financement de traitements innovants pour les hôpitaux. Le dispositif d'accès direct permet la prise en charge anticipée de certains médicaments pendant un an.

Le Premier ministre a annoncé la création d'une agence de l'innovation en santé qui dotera la France d'une stratégie et d'objectifs. Elle proposera aussi un guichet unique aux porteurs d'innovations. Son directeur est en cours de recrutement, elle sera opérationnelle au cours du premier semestre.

La santé numérique sera dotée de 650 millions d'euros dans le cadre du plan France innovation 2030. Elle contribue à l'amélioration des prises en charge, notamment depuis la crise sanitaire, durant laquelle nous sommes passés de 10 000 à un million de téléconsultations par semaine.

En février, nous avons lancé Mon espace santé, sorte de carnet de santé numérique. J'invite chacun, au-delà de cette enceinte, à l'utiliser. Les données sont hébergées en France.

Le Ségur de la santé numérique sécurise l'échange de données entre les professionnels de santé. Plus de 2 milliards d'euros seront engagés à cet effet.

En outre, la loi de financement pour 2022 prévoit le remboursement de la télésurveillance par l'assurance maladie. L'architecture de ce dispositif est en cours d'élaboration.

Fin 2020, nous avons également créé Paris santé campus, lieu de recherche mais aussi de formation dans le domaine de la santé numérique.

Le SNDS couvre le système de données en vie réelle. Certes, le développement du numérique en santé pose la question de la sécurité d'hébergement des données. Nous partageons vos préoccupations, mais nous travaillons à des solutions sécurisées pouvant être utilisées par le Health data hub (HDH), déjà approuvées par la CNIL.

Nous partageons les objectifs de ce texte et avons déjà entrepris de nombreuses actions dans plusieurs domaines.

Je salue le travail de la rapporteure, mené en partie avec l'appui des services du ministère, mais nous préférons stabiliser les récentes réformes avant de modifier à nouveau notre système.

Cette proposition de loi est toutefois l'occasion de discuter de ces questions cruciales. (MM. Martin Lévrier et Bruno Belin applaudissent.)

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Discussion générale (Suite)

M. Thomas Dossus .  - Quel est l'intérêt de ce texte ?

D'abord, un constat : la France perd sa place dans la production de thérapies innovantes. Ni Sanofi, ni la recherche publique française, cruellement sous-financée, n'ont su développer de solutions vaccinales aussi rapidement que dans d'autres pays, mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg.

La France n'est plus à la pointe de l'innovation mais grâce à la crise sanitaire, le Gouvernement prend enfin la recherche médicale au sérieux -  il était temps  - en investissant 7 milliards d'euros issus du plan France 2030 dans les biotechnologies.

L'innovation médicale devient un enjeu de compétition économique plus qu'un enjeu de santé, celle-ci ne devenant qu'un objectif parmi d'autres. Est-ce le modèle qui sous-tend cette proposition de loi ?

Le patient devient l'agent de sa propre santé et le médecin un technicien, dans un cadre institutionnel guidé par la performance économique et administrative, qui s'éloigne de la logique de soin.

Cela dit, la médecine personnalisée et les biotechnologies sont prometteuses, et laissent espérer des progrès décisifs contre le diabète, certains cancers et les maladies génétiques rares. Comment faire advenir ces avancées vertueuses ?

Acheter des résultats rapides en investissant massivement dans quelques superstars est un leurre : la recherche est un travail de longue haleine, mais elle est chroniquement sous-financée. La France y consacre 2,2 % de son PIB, contre 3,1 % en Allemagne et 2,8 % aux États-Unis.

La recherche est affaire de coopération : pour être efficace, il nous faut coordonner nos plans d'action avec nos voisins européens.

Nous sommes attachés à la notion clé de démocratie sanitaire : le citoyen et la société civile doivent participer aux décisions, dont la transparence est essentielle. Le risque est que la technicisation fasse perdre confiance aux citoyens dans le bien-fondé des décisions prises. Nous proposerons des amendements sur ce point.

Cette proposition de loi technique comporte des avancées indéniables, notamment la sécurisation des données de santé et l'encadrement du Health Data Hub. Réserver l'hébergement des données à des acteurs européens assure une protection des données individuelles.

Cette proposition de loi laisse espérer l'accès à des traitements innovants : le GEST la votera.

Mme Laurence Cohen .  - Le Président de la République a lancé, en juin 2021, un plan Innovation santé 2030 : 7 milliards d'euros seront investis en cinq ans, dont un milliard d'euros financé par le budget de l'assurance maladie. Ce plan d'investissement intervient alors que la pandémie a révélé les fragilités de notre industrie pharmaceutique.

Sanofi, incapable de développer un vaccin, a encore supprimé 364 postes en recherche et développement (R&D) en janvier 2022 tout en versant des sommes pharaoniques à ses actionnaires. Pourtant, Jean Castex a chargé son président, Olivier Bogillot, de diriger le comité de suivi du plan Innovation santé 2030 !

Les logiques de rentabilité de l'industrie pharmaceutique viennent à contresens de la santé, alors même que les grands laboratoires sont redevables des aides financières publiques.

Cette proposition de loi, qui reprend les recommandations de deux rapports de la commission des affaires sociales de juin 2018 et de juin 2021, relaie les exigences du LEEM, syndicat des entreprises du médicament, pour réduire les délais, les contrôles et maximiser les profits. (Mme Catherine Deroche, présidente de la commission, le conteste vivement.)

Je rappelle que l'innovation en santé n'existe pas : l'Agence européenne des médicaments (AEM) précise bien qu'innovant ne veut rien dire de plus que nouveau. Pourtant, l'innovation sert de prétexte à des prix toujours plus élevés, dont la société civile française dénonce l'opacité et les répercussions sur l'assurance maladie. Elle se mobilise aussi pour l'accès de toutes et tous aux progrès thérapeutiques, alors que les besoins des personnes atteintes de maladies orphelines ou en échec de traitement demeurent insatisfaits.

Les médicaments apportant une véritable amélioration sont bien moins nombreux que les nouveaux médicaments : sur 58 médicaments anticancéreux mis sur le marché entre 1995 et 2013, les plus récents n'augmentent pas la durée de survie mais leur prix a augmenté de 12 %, dépassant 200 000 dollars !

Au nom de l'innovation, les industriels prétendent réduire toujours plus les délais d'évaluation des médicaments. Or, la dérogation au tirage au sort prévue à l'article 3 risque de créer des conflits d'intérêts. Et ils oublient la partie la plus longue du processus : les négociations tarifaires entre les laboratoires et le Comité économique des produits de santé (CEPS). Enfin, les autorisations temporaires d'utilisation (ATU) existent depuis 1994.

Par ailleurs, le critère de la valeur thérapeutique relative existe déjà sous l'appellation de contrats de performance -  dont la Cour des comptes dressait un bilan accablant en 2017.

Il est urgent de retrouver la maîtrise publique du médicament et de socialiser tout ou partie des firmes de Big Pharma, afin de créer un pôle public du médicament, comme nous le proposions dans notre proposition de loi, hélas rejetée par le Sénat en décembre 2020.

Le CRCE votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Nadia Sollogoub .  - Je ne suis ni médecin ni chercheur : mon atterrissage a été brutal en abordant cette proposition de loi. Perdue au milieu des acronymes, j'ai repensé à cette phrase de Barjavel : « Tant qu'on a essayé de combattre la peste avec des mots latins, elle a tranquillement dévoré l'humanité. »

J'ai vite compris que pour retrouver son rang dans le développement et la production de thérapies innovantes, la France devrait fluidifier et simplifier l'écosystème de la recherche en santé.

La crise sanitaire a été un accélérateur d'innovation mais aussi un révélateur des failles.

L'article premier de la proposition de loi autorise les essais cliniques à domicile. L'évaluation de l'éthique des recherches est au coeur de cette proposition de loi : les CPP deviennent des comités d'éthique de la recherche et de la protection des personnes avec l'article 2. Leur rattachement à un CHU vise à rétablir la continuité entre recherche fondamentale et recherche clinique, tout en valorisant les missions de ceux qui s'y investissent.

Le délai médian des autorisations d'essais cliniques s'établit à 77 jours sur les trois premiers mois de 2021. Les 39 CPP ne peuvent, faute de moyens, absorber la charge de travail : la proposition de loi ouvre des pistes pour y remédier, ce qui est essentiel.

En tant que béotienne, je résume les enjeux : 77 jours c'est long voire vital -  je pense à Camille qui a tant attendu une thérapie expérimentale de la dernière chance. La crise sanitaire nous a fait mesurer l'importance de chaque jour qui passe. Enfin, les groupes pharmaceutiques privilégieront les pays aux délais les plus courts pour les essais cliniques.

L'UC soutient ces dispositions qui visent à améliorer la souveraineté et la sécurité sanitaires. Il faut faire sauter des tuyauteries pour sortir du carcan administratif. Avec amertume, je conclus comme Camus : « La seule façon de mettre les gens ensemble, c'est encore de leur envoyer la peste. » (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Véronique Guillotin .  - Cette proposition de loi s'attaque à des sujets qui ont des conséquences sur la vie et la santé de beaucoup de Français. L'autorisation temporaire d'utilisation (ATU) a permis, dès les années 1990, un accès large et rapide à de nouveaux médicaments, avant l'AMM.

Pour autant, il reste bien du chemin à parcourir pour conforter l'attractivité internationale de la France sur une scène internationale de plus en plus concurrentielle.

Cette proposition de loi s'appuie sur deux rapports de notre commission des affaires sociales ; je salue le travail, difficile et technique, de notre rapporteure.

Nous soutenons l'esprit du texte, enrichi en commission. Son article premier facilite le déploiement d'essais cliniques en ambulatoire, à domicile et en télémédecine.

Les CPP seront renommés en CERPP, pour mieux rendre compte de leur mission. Le texte leur octroie plus de moyens, précise les modalités de contrôle par les ARS et renforce l'attractivité des fonctions de membre des CERPP. L'élargissement de leur rattachement à tout type d'établissement de santé répond à la demande des centres de lutte contre le cancer.

L'article 6, plus épineux, tend à répondre à l'engorgement des CPP par les projets de recherches impliquant la personne humaine (RIPH). La solution de la rapporteure de faire appel aux comités d'éthique, est une réponse souple et adaptée.

Le forfait de caractérisation d'un cancer prévu à l'article 14 fera l'objet de trois de mes amendements. En effet, la prise en charge du cancer est très variable d'un établissement à l'autre. Pour être efficient, ce forfait doit être assez souple pour être utilisable à différents moments du parcours de soins, et le cas de la récidive doit être précisé.

Les articles 16 et 18 viennent simplifier la fixation du prix du médicament : si l'amélioration du service médical rendu est difficile à mesurer, c'est le critère de valeur thérapeutique relative qui en fondera le prix. Les données en vie réelle seront mieux prises en compte.

Enfin, le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), créé en 2015, doit être réformé. Depuis 2018, les tests génétiques sont remboursés à l'établissement via une enveloppe fermée. Or, le nombre de tests augmente : cela devient un casse-tête financier pour les établissements, dont seulement 47 % des coûts sont remboursés. Il faut y remédier.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Très bien.

Mme Émilienne Poumirol .  - Au vu du titre de cette proposition de loi et du travail approfondi qui l'a précédé, j'ai un sentiment d'inachevé. À l'époque de la santé globale, on s'attend à traiter de médecine personnalisée, mais aussi préventive, prédictive et participative, sans oublier la santé environnementale.

Or ce texte est centré sur l'innovation médicamenteuse : rien sur la recherche fondamentale publique, pourtant capitale comme le montre le développement rapide des vaccins ARN lors de la crise sanitaire.

Je relève aussi que l'accès aux médicaments innovants est modifié à chaque PLFSS : l'accès précoce a été réformé en 2020, le dispositif expérimental d'accès direct a été adopté l'an dernier.

La majorité sénatoriale, prompte à défendre la prévisibilité fiscale pour les entreprises, ajoute sa pierre à cette instabilité législative. Or dans le domaine des biotechs, on a surtout affaire à des start-up et des PME qui ont besoin de visibilité.

Le texte rénove le fonctionnement des CPP. Leur dimension éthique est affirmée : c'est un élément positif, tout comme le portail unique de soumission des projets de recherche. La liste d'experts répond à la demande des associations de patients.

En revanche, le rattachement des CPP à un CHU remet en cause leur indépendance, à laquelle nous sommes très attachés.

C'est avant tout la question des moyens des CPP qui pose problème, le bénévolat de leurs membres limitant leur disponibilité.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a augmenté la contribution sur le chiffre d'affaires des laboratoires, au bénéfice des CPP. Nous ne disposons pas encore de bilan.

La prise en compte de la valeur thérapeutique relative dans la fixation du prix des médicaments dits innovants est une demande récurrente de l'industrie du médicament. Vous connaissez l'attachement du groupe SER à la transparence du prix du médicament, qui doit être équilibré entre bénéfice pour la santé, coût pour la protection sociale et enjeu industriel. Nous proposerons des amendements en ce sens à l'article 16.

Enfin, le texte aborde le sujet de la plateforme des données en santé, le HDH. C'est bien de la gouvernance éthique de nos données de santé qu'il s'agit. Or, les conditions actuelles de stockage risquent d'obérer son acceptabilité sociale, et le Gouvernement lui-même a dû mettre un coup d'arrêt à son déploiement. Nous souscrivons à l'objectif de sécurisation du stockage en réservant l'hébergement et la gestion à des opérateurs européens.

Enfin, les travaux de la mission d'information sur la sécurité sociale écologique du XXIe siècle révèlent la nécessité de mieux prendre en compte la prévention. Construit après la Seconde guerre mondiale, notre système de santé est centré sur le traitement de la maladie et oublie les déterminants sociaux et environnementaux de l'état de santé. Il s'est détourné de la définition de la santé de l'OMS non comme absence de maladie mais comme état de bien-être physique, mental et social.

Il faut sortir de notre modèle uniquement curatif et s'intéresser à la prévention et à l'éducation à la santé. Le texte évoque sans la développer la notion d'exposome, sachant que les facteurs environnementaux seraient à l'origine de plus de 70 % des maladies non transmissibles. L'ensemble des facteurs externes, qu'ils s'additionnent ou se compensent, doit être pris en compte, afin de favoriser une prise en charge précoce.

La question de la transversalité, du décloisonnement entre santé humaine, environnementale et animale, développé par le concept One Health, est posée. Il faut s'interroger sur la place de la santé dans les politiques publiques sectorielles et installer une coordination entre ministères de la santé, de la transition écologique et de l'agriculture.

La position du SER sur l'ensemble du texte dépendra du sort réservé à ses amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Alain Milon.  - Chantage !

M. Martin Lévrier .  - Des premières découvertes de Pasteur au coeur Carmat, produit dans les Yvelines, la France ouvre régulièrement la voie pour mieux soigner. Je salue la mémoire de François Gros, co-découvreur de l'ADN messager. (Mme Catherine Deroche, présidente de la commission, approuve.)

Pour autant, la crise sanitaire a mis en lumière certaines de nos faiblesses dans le domaine de la santé.

La commission des affaires sociales a lancé en juin dernier une mission flash pour dresser le bilan des mesures du 8e CSIS et préparer le suivant en identifiant les freins à l'innovation en santé et à l'accès aux thérapies innovantes.

Le 25 novembre 2021, cette proposition de loi qui lui fait suite a été déposée. Ses vingt-trois articles visent à soutenir et favoriser l'innovation, dans le prolongement du plan Innovation santé 2030 et ses 7 milliards d'euros d'investissements, dont 1 milliard pour la recherche biomédicale, 800 millions d'euros pour les biothérapies innovantes, 650 millions d'euros pour la santé numérique, 3,5 milliards d'euros pour le soutien à l'industrialisation des produits de santé sur le territoire français et la création d'une agence d'innovation en santé.

Renforcer la souveraineté française en accompagnant les biotechs, faire de la recherche un objectif prioritaire, lever les freins à l'accès précoce aux médicaments et traitements innovants, passer de la médecine curative à la médecine prédictive en valorisant les données de santé, anticiper les maladies infectieuses émergentes : voilà les étapes à franchir pour rester un pays pionnier en santé public.

À cet égard, les dispositions de la proposition de loi sont bienvenues, notamment sur les CPP. Je pense à l'article 10 bis qui reprend une disposition que notre groupe avait tenté d'introduire dans la loi bioéthique.

Grâce au travail remarquable de la rapporteure, le texte a été amélioré, mais certaines limites demeurent comme les missions de veille et de prospective données à la HAS sur les traitements innovants, missions qui relèveront plutôt de la future agence de l'innovation en santé.

De même, le sujet de l'hébergement des données de santé au niveau européen est en passe d'être réglé, et d'autres mesures seront prochainement prises au niveau européen.

Nous nous interrogeons donc sur la temporalité du texte et nous nous abstiendrons, en espérant que la navette l'enrichira.

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - Le 22 février 1942, Stefan Zweig mettait fin à ses jours à Petrópolis : l'auteur du Monde d'hier ne supportait plus le spectacle d'une Europe en guerre. Quelques années plus tard, il aurait sûrement adhéré au grand projet européen de paix, de tolérance et de prospérité.

Quatre-vingts ans après, la crise sanitaire a bouleversé le cours de l'histoire, dans une mesure que nous ignorons encore.

La France doit retrouver sa souveraineté sanitaire en se réindustrialisant, après des années mortifères de « tous cols blancs » et de « bac pour tous », qui ont abouti à une France sans usine, dépendante de l'étranger.

Sûrs de notre supériorité, nous refusions de regarder la réalité en face. La prise de conscience au printemps 2020 n'en fut que plus brutale. Nous avions abandonné des pans entiers de l'appareil productif, nous ne pouvions produire ni masques, ni médicaments. L'incapacité du pays de Pasteur à produire un vaccin a acté notre déclassement.

Pour revenir à la pointe de l'innovation en santé, nous devons réussir à convertir nos savoirs fondamentaux en solutions industrielles.

Je salue cette proposition de loi, mais je doute que la réorganisation des CPP constitue une priorité en la matière. Il est plus urgent, à mon sens, de faire émerger un écosystème favorisant l'innovation, de faire collaborer acteurs publics et privés, de faire évoluer les modèles financiers, de renouer avec le temps long de la recherche. Cela ne signifie pas un allongement des procédures, bien au contraire : il faut leur faciliter, en préservant la sécurité, l'accès au marché.

Aussi, je me réjouis de l'assouplissement de l'accès aux données de santé. L'utilisation des données en vie réelle permettra de basculer une partie des délais de la R&D sur l'aval de la mise sur le marché. Il s'agit d'articuler deux impératifs de l'innovation : nécessité du temps long et amélioration par l'itération continue.

Cette évolution ouvre d'autres champs d'investigation, comme celui de la protection des données ou du suivi en vie réelle des effets des médicaments. Je proposerai des amendements en ce sens.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Mmes Nadia Sollogoub et Véronique Guillotin applaudissent.)

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi s'inscrit dans le prolongement des recommandations de la commission des affaires sociales pour améliorer l'évaluation éthique de la recherche en santé et l'accès aux thérapies innovantes.

La crise sanitaire, et notamment l'absence d'un vaccin national, a été révélatrice de notre déclassement en matière de recherche médicale et d'innovation : en nombre de publications, la France est passée de la cinquième place en 2000 à la dixième en 2019.

Depuis 2011, les crédits publics pour la recherche ont baissé de 28 %, mais l'approche budgétaire n'explique pas tout. Il manque une coordination entre la dynamique de nos entreprises en santé et la capacité du système de soins à accompagner l'innovation. Celle-ci ne peut se concevoir qu'en replaçant le patient au coeur du dispositif.

C'est l'objectif de l'article premier qui favorise le développement des essais cliniques en ambulatoire et à domicile, ainsi que la désignation par les promoteurs d'investigateurs par territoire.

L'article 2 renomme les CPP pour intégrer la notion d'éthique ; l'article 3 les rattache à un centre hospitalier universitaire pour garantir leurs moyens. Certains seront spécialisés en pédiatrie et en maladies rares.

Les articles 11 à 13 font de la médecine personnalisée un objectif commun aux politiques de recherche et de santé publique. L'article 14 propose un dispositif original de prise en charge du diagnostic de cancers.

La dernière partie du texte a trait aux données de santé, enjeu majeur d'évaluation des médicaments dont elles permettent le suivi en vie réelle. Leur exploitation doit être sécurisée. Or le Gouvernement a confié, sans appel d'offres, l'hébergement du Health Data Hub à une plateforme de Microsoft, soumise au Cloud Act américain. Les articles 21 et 22 renforcent opportunément les garanties des patients sur l'usage de leurs données personnelles de santé.

Au total, ce texte comporte des avancées majeures pour l'innovation en santé, l'accès aux traitements innovants et la protection des données. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi s'inscrit dans le prolongement des travaux menés par la commission des affaires sociales depuis 2018. Je salue l'engagement de Mmes  Deroche, Delmont-Koropoulis et Guillotin sur un sujet complexe - l'enchaînement des acronymes en témoigne...

Ce texte technique simplifie les procédures d'accès aux médicaments innovants, afin de remédier au retard français en la matière.

Il renforce aussi l'évaluation éthique de la recherche et facilite l'accès aux thérapies innovantes, ainsi que les essais cliniques.

L'adaptation des actions de prévention et des traitements aux spécificités des patients est bienvenue, en cohérence avec la stratégie européenne de recherche et d'innovation. Nous saluons l'introduction dans le code de la santé publique de la notion de médecine personnalisée.

Le prix du médicament prendra en compte sa valeur thérapeutique relative dans le cadre d'une expérimentation de cinq ans, sous le contrôle de la HAS.

L'accès aux données en vie réelle, essentielles pour juger de l'efficacité des traitements, sera assoupli, tout en restant conditionné. Notre rapporteur a veillé à ce dernier point. Les garanties sur l'usage et le stockage des données des citoyens-patients ont été renforcées.

Cette proposition de loi va dans le bon sens ; le groupe UC la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE)

M. Bruno Belin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise sanitaire a révélé que la santé est, plus que jamais, le premier sujet de préoccupation et d'actualité, peut-être aussi de discrimination.

M. Taquet a parlé de la téléconsultation, mais il n'y a pas plus injuste ! Faut-il encore que la fibre arrive, que les équipements existent, que l'effort de formation soit assuré...

La crise a révélé certains manquements, comme l'insuffisance de produits pourtant élémentaires comme la bétaméthasone ou même l'aspirine. Elle a révélé aussi un manque de moyens humains ; rien ne remplacera l'écoute et l'humain dans le diagnostic. Où en sommes-nous en matière de démographie médicale ?

L'innovation, ce serait de plafonner les installations de médecins dans les zones surdotées. Les moyens réglementaires existent.

L'innovation, ce serait aussi d'autoriser le renouvellement automatique de certains traitements ou de mobiliser le personnel soignant des armées dans les zones en carence.*

L'innovation, ce serait de publier - enfin ! - le décret portant sur le stage des internes en milieu rural.

Tout n'a pas été mal géré dans cette crise, mais il faut du courage et de l'audace pour répondre aux demandes des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Chevrollier , rapporteur.  - Je salue le travail de Mmes Deroche et Delmont-Koropoulis sur ce texte issu du rapport d'information de la commission des affaires sociales de 2018 sur le CSIS. Nos collègues y faisaient le constat du déclassement de la France en matière d'innovation.

Un effort massif s'impose pour assurer notre souveraineté sanitaire. Il faut soutenir davantage l'appareil industriel et renforcer les financements de la recherche, pour rejoindre les standards internationaux.

La proposition de loi rénove le volet éthique et facilite l'accès aux traitements innovants. Elle renforce aussi les garanties en matière d'usage des données de santé.

Ce texte va dans le bon sens. En particulier, les mesures relatives à l'espace numérique de santé favoriseront la prévention, la qualité et la coordination des soins.

L'article 21 interdit l'usage des données de santé par les complémentaires aux fins d'évaluation des risques. Il a été amélioré par la commission.

L'article 22 traite du stockage des données. Il n'existe pas de solution souveraine alternative à Microsoft Azure. Les données sont certes stockées en France, mais le conseil de la CNAM vient de réclamer un appel d'offres sur l'hébergement des données. Le Gouvernement a suspendu la demande d'autorisation à la CNIL, pour éviter un désaveu sur ce sujet sensible en pleine campagne présidentielle...

Le Conseil d'État a reconnu, dans une ordonnance du 13 octobre 2020, un risque de transfert de données vers les États-Unis, compte tenu de la soumission de Microsoft au droit américain. La CNIL partage cette inquiétude.

Le Gouvernement doit être précis sur cet enjeu de souveraineté !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Émilienne Poumirol.  - L'équilibre actuel en matière d'évaluation éthique de la recherche nous paraît satisfaisant. Spécialiser certains CPP et les rattacher à un CHU romprait cet équilibre issu de la loi Jardé et menacerait l'indépendance de ces comités.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Cette spécialisation est souhaitée par les chercheurs en pédiatrie et en maladies rares. Elle servira la bonne évaluation des projets dans ces domaines pointus, sans remettre en cause le principe du tirage au sort.

En outre, l'article L.1123-1 du code de la santé publique garantit l'indépendance des CPP, financés par une dotation d'État. En pratique, certains sont déjà hébergés par des établissements privés, comme le centre Léon Bérard de Lyon, sans incidence sur leur indépendance.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie.  - Avis favorable.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Nous voterons cet amendement. Certes, le rattachement des CPP aux CHU est une réalité pour beaucoup, mais sa généralisation pose question. L'audit de 2004 de l'IGAS a montré que l'indépendance reposait sur la prévention des conflits d'intérêts. Or l'adossement augmente les risques. Nous relayons à cet égard les craintes des associations d'usagers.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

Alinéa 6, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Ces évaluations ont lieu tous les deux ans.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - L'article 5 renvoie à un décret la détermination du rythme des évaluations des CPP. Nous proposons de fixer par la loi ce délai à deux ans : c'est suffisamment long pour laisser le temps aux comités de produire des résultats et suffisamment court pour entretenir la dynamique d'évaluation.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Pourquoi deux ans ? Et pourquoi figer ce délai dans la loi ? Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°17 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

de situation d'urgence ou de menace sanitaire grave nécessitant la mise en oeuvre sans délai d'une recherche

par les mots :

d'état d'urgence sanitaire défini à l'article L. 3131-12

Mme Émilienne Poumirol.  - La procédure dérogatoire accélérée de désignation d'un CPP par le ministre de la santé, dite fast track, est attentatoire à l'indépendance de ces instances. Elle doit être strictement circonscrite aux situations d'état d'urgence sanitaire.

En commission, la rapporteure nous a opposé que nous aurions perdu trop de temps pour les essais cliniques dans le cadre de la pandémie. Cet argument n'est pas recevable pour l'avenir.

L'état d'urgence sanitaire est désormais inscrit dans le code de la santé publique, et le Parlement a prouvé qu'il pouvait légiférer dans des délais très contraints.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Je partage votre intention de circonscrire les dérogations, mais calquer la procédure de fast track sur l'état d'urgence sanitaire n'est pas souhaitable. Le temps scientifique diffère du temps politique, et les besoins peuvent précéder la déclaration de l'état d'urgence. Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°31 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Alinéas 2 à 8

Supprimer ces alinéas.

II. - Alinéa 12

Supprimer les mots :

du présent chapitre,

Mme Émilienne Poumirol.  - Il ne nous paraît pas nécessaire de soumettre les recherches en sciences humaines portant sur le domaine de la santé à l'évaluation des comités d'évaluation éthique de la recherche. Cela risquerait de porter atteinte à la liberté de la recherche.

M. le président.  - Amendement n°18 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

Alinéa 4, première phrase

Remplacer le mot :

fait

par les mots :

peut faire

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - L'article 9 prévoyait que les recherches conduites dans le domaine de la sante? ne visant pas à développer les connaissances biologiques ou médicales pourraient faire l'objet d'une évaluation éthique. La commission a rendu cette évaluation obligatoire. Nous proposons d'en rétablir le caractère facultatif, pour simplifier la procédure.

M. le président.  - Amendement n°19 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

oeuvre

insérer les mots :

et à la demande du ou des investigateurs

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Cet amendement précise que la procédure d'évaluation se fait à l'initiative du porteur de projet.

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

I.  -  Alinéa 5

Supprimer les mots :

scientifique et

II.  -  Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Il ne paraît pas pertinent que le Comité d'évaluation éthique de la recherche évalue la qualité scientifique d'un projet de recherche. Il doit se concentrer sur la dimension éthique.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Les amendements nos28, 18 rectifié ter et 19 rectifié ter suppriment une disposition utile : la soumission des projets de recherche en santé hors loi Jardé aux comités d'évaluation éthique de la recherche. Ces recherches sont un angle mort de l'encadrement de la recherche sur la personne humaine, malgré des risques éthiques. Leur encadrement fera aussi monter les CER en compétences, ce qui profitera à tout le système d'évaluation.

En outre, l'avis d'un CER est de plus en plus souvent demandé pour publier dans une revue scientifique. Cet avis restera consultatif.

La commission est donc défavorable à ces trois amendements.

Quant à l'amendement n°20 rectifié ter, il allège l'évaluation des recherches en santé par les CER. Or la pertinence scientifique et la qualification de l'investigateur sont importantes pour garantir la rigueur des recherches. Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - La capacité d'une recherche à produire des données robustes apportant un supplément de connaissances est une condition de son caractère éthiquement acceptable. De plus, la vérification par un tiers de l'aptitude de l'investigateur est indispensable. Avis défavorable.

Mme Émilienne Poumirol.  - Pourquoi des recherches non médicales, en sociologie par exemple, devraient-elles être soumises à cette évaluation ? À la limite, c'est dangereux.

L'amendement n°28 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos18 rectifié ter, 19 rectifié ter et 20 rectifié ter.

L'article 9 est adopté.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Supprimer cet article.

Mme Émilienne Poumirol.  - La possibilité de recourir aux chèques emplois services est inutile. Les CPP, qui disposent d'un trésorier-payeur national, n'en sont pas demandeurs. De plus, le dispositif ne nous paraît pas viable.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - La mesure prévue par l'article a été proposée par l'Igas et le Contrôle général économique et financier. Les CPP n'y sont pas hostiles ; ils ont simplement fait observer que la création d'un agent comptable unique avait résolu certaines difficultés.

Mais il semble que la rédaction de l'article soit techniquement moins aboutie que nous le pensions initialement. Le bénéfice du CESU ne peut être étendu aux services publics. Avis favorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Sagesse.

L'amendement n°30 est adopté et l'article 10 est supprimé.

L'article 10 bis est adopté.

Article 11

M. le président.  - Amendement n°21 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

, tant en matière de recherche fondamentale que de développement industriel

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Le renforcement de notre souveraineté doit porter sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Nous concentrons trop souvent nos efforts sur la seule recherche fondamentale, alors que les applications industrielles sont essentielles.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Amendement satisfait par l'article L. 112-1 du code de la recherche, modifié par le présent article 11. Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°21 rectifié ter est retiré.

L'article 11 est adopté, ainsi que l'article 12.

APRÈS L'ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du 2° de l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, les mots : «, à l'exception des produits de thérapies génique ou cellulaire, » sont supprimés.

Mme Laurence Cohen.  - Le prix élevé des thérapies géniques aggrave notre dépendance vis-à-vis de certaines firmes qui disposent de droits exclusifs, alors qu'elles ont bénéficié de fonds publics.

Cette proposition de loi est censée favoriser l'innovation. Les thérapies géniques ou cellulaires en sont une. Chiche ! Autorisons les hôpitaux publics à produire de telles thérapies.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - En effet, exclure les thérapies géniques des préparations hospitalières ne semble plus d'actualité. Sans souscrire à l'idée d'un pôle public du médicament, la commission est favorable à cet amendement.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable. La thérapie génique ne relève pas du régime des préparations hospitalières. L'ANSM doit se prononcer pour en assurer la qualité.

Mme Émilienne Poumirol.  - Le groupe SER votera cet amendement pour renforcer les capacités publiques de production.

L'amendement n°36 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

I.  -  Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

et à la télémédecine

II.  -  Alinéa 2

Après le mot :

personnalisée

insérer les mots : 

et de la télémédecine

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Cet amendement ajoute à la notion de médecine personnalisée celle de télémédecine, puissant levier pour lutter contre les déserts médicaux et les difficultés d'accès aux soins.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - On s'éloigne de l'objectif du texte. Nous sommes aux limites de l'irrecevabilité... Au reste, en matière de télémédecine, c'est moins la recherche qui pose problème que la mise en oeuvre concrète. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°22 rectifié ter est retiré.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement identique n°12 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Guérini et Roux.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article L. 1111-13-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 8° Ses résultats de dépistage par tests de biologie moléculaire, avec son accord. » ;

2° À la première phrase du III, la référence : « 7° » est remplacée par la référence : « 8° ».

Mme Véronique Guillotin.  - Les tests de dépistage de biologie moléculaire permettent aux patients atteints de cancer de connaître leur profil génétique et mutationnel et de bénéficier de thérapies ciblées.

Or les médecins ont parfois du mal à récupérer les résultats. Les patients n'y ont que rarement accès, les résultats étant généralement adressés directement au médecin prescripteur. Cet amendement les rend facilement consultables sur l'espace numérique de santé.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par Mmes Lassarade et Deseyne, MM. Milon, Savary, Burgoa, Paccaud et Karoutchi, Mmes Garriaud-Maylam et Jacques, MM. Joyandet, Sol, Lefèvre, Gremillet, Longuet et D. Laurent, Mmes Gruny et M. Mercier, MM. Laménie et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Belin, Mme Gosselin et M. Bonhomme.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.... - L'article L. 1111-13-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 8° Ses résultats de dépistage par tests de biologie moléculaire. » ;

2° À la première phrase du III, la référence : « 7° » est remplacée par la référence : « 8° ».

Mme Florence Lassarade.  - Les patients sont les premiers propriétaires de leurs données de santé, selon l'article L.1111-13-1 du code de la santé publique. Cette disposition leur offrira un meilleur suivi.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - L'idée est intéressante, mais je préfère l'amendement n°16, qui évite une précision inutile. Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°12 rectifié à son profit.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Ces amendements sont satisfaits : avis défavorable.

Mme Véronique Guillotin.  - Je rectifie mon amendement pour le rendre identique à l'amendement n°16.

M. le président.  - Il devient l'amendement n°12 rectifié bis.

Mme Émilienne Poumirol.  - S'agissant de la création d'un forfait de caractérisation du cancer, nous savons que l'enveloppe fermée de l'Ondam, lorsqu'elle est consommée, empêche de procéder à certains diagnostics. Pourquoi le budget afférent dépend-il des ARS et pas du ministère ? Comment les ARS le fixeront-elles ?

M. René-Paul Savary.  - Bonne question !

Les amendements identiques nos12 rectifié bis et 16 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Artano, Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Fialaire, Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

et en cas de rechute ou de récidive d'un précédent cancer

Mme Véronique Guillotin.  - Cet amendement propose que le forfait de caractérisation d'un cancer puisse également être utilisé en cas de rechute ou de récidive d'un précédent cancer.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac, Fialaire, Gold et Guiol, Mme Pantel, MM. Requier, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Guérini et Roux.

Alinéa 5

Après le mot :

forfait

insérer les mots :

, qui peut être utilisé à tout moment du parcours du patient,

Mme Véronique Guillotin.  - Cet amendement propose quant à lui que le forfait de caractérisation d'un cancer puisse être utilisé à des moments différents du parcours du patient à partir du diagnostic.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Si l'amendement n°15 rectifié n'a pas été déclaré irrecevable, c'est qu'il a été interprété comme entrant dans le périmètre du dispositif. Avis favorable.

L'amendement n°14 rectifié me semble moins utile. Retrait ou avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable à ces amendements. Le Gouvernement soutient le plan France médecine génomique dans le domaine du soin et de la recherche.

Des travaux sont également en cours dans le cadre du plan Innovation santé 2030. Cette approche globale nous semble plus pertinente.

Enfin, madame Poumirol, l'Ondam dispose déjà d'une enveloppe pour les tests. Les ARS ne sont pas impliquées.

L'amendement n°15 rectifié est adopté.

L'amendement n°14 rectifié est retiré.

L'article 14, modifié, est adopté.

L'article 15 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Milon.

Après l'article 15

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 11° de l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Élaborer un état des lieux de l'ensemble des mécanismes d'accès dérogatoire et temporaire pour les produits de santé innovants et procéder à une évaluation annuelle de leur modalité d'utilisation. Elle propose des mesures de simplification et d'amélioration de ces mécanismes afin de favoriser leur utilisation et leur impact sur le système de santé et la santé de la population ; ».

M. Alain Milon.  - Cet amendement charge la HAS de dresser un inventaire des mécanismes d'accès précoce en France pour les produits de santé innovants. Ce recensement pourrait donner lieu à une évaluation annuelle de leurs modalités d'utilisation, en collaboration avec l'Agence de l'innovation en santé.

Cela contribuerait à pallier le manque d'information disponible et permettrait de garantir un suivi annuel.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Une telle mission n'apparaît pas utile. Les informations sont suffisantes et la HAS oriente les industriels vers les différents dispositifs, avec plusieurs rencontres pour les accès précoces et pour le prédépôt.

Le forfait innovation a été simplifié en 2020 et un dispositif dérogatoire créé en 2021. La HAS publiera les bilans prévus par la loi dans son prochain rapport d'activité. Retrait ou avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°6 est retiré.

ARTICLE 16

M. Thomas Dossus .  - Cet article, qui répond à une demande des industriels du médicament, a été pointé du doigt par l'Observatoire du médicament. La notion de valeur thérapeutique relative inquiète et laissera plus de marges de manoeuvre aux laboratoires pour demander des prix exorbitants.

La crise a montré combien les citoyens avaient besoin de transparence en la matière. Le GEST a donc déposé des amendements en ce sens.

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Laurence Cohen.  - Les contrats de performance proposés existent déjà mais sont très peu utilisés dans la pratique. La Cour des comptes en dressait un bilan accablant en 2017.

Ce dispositif accentue le déséquilibre entre l'assurance maladie et le CEPS en matière d'évaluation de l'efficacité d'un médicament, avec des tarifs très élevés non renégociables. Je pense à un traitement contre l'hépatite C, facturé 40 000 euros pour un coût de production de 265 euros. Rappelons en outre que nombre de ces innovations ont bénéficié d'un financement public.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Ce dispositif concerne de petites cohortes de patients, comme ceux atteints de cancers pédiatriques, pas l'hépatite C.

L'article 16 propose un nouvel indicateur pour fixer le prix d'un médicament innovant. Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis favorable. Les laboratoires peuvent avoir un accès précoce au marché et avoir un contact en amont avec la HAS. Il est en outre complexe d'envisager une convention sans données cliniques.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mmes Lassarade et Deseyne, MM. Milon, Savary, Burgoa, Paccaud et Karoutchi, Mmes Garriaud-Maylam et Jacques, MM. Joyandet, Lefèvre, Gremillet, Longuet et D. Laurent, Mme Gruny, M. Panunzi, Mme M. Mercier, MM. Laménie et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Belin, Mme Gosselin et M. Bonhomme.

Rédiger ainsi cet article :

Par dérogation au I de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, l'État peut autoriser le comité économique des produits de santé, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, dans l'attente de données cliniques suffisantes et pertinentes pour l'évaluation de l'amélioration du service médical rendu par un médicament répondant à un besoin thérapeutique majeur au regard des alternatives existantes, à fixer le prix de ce médicament en tenant compte d'une évaluation de l'amélioration du service médical rendu conditionnelle dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. 

Une convention fixe les conditions de réévaluation périodique, dans un délai maximal de deux ans, de cette amélioration du service médical rendu conditionnelle et du prix du médicament ainsi que les conditions de remboursement à la caisse nationale d'assurance maladie par l'entreprise qui exploite le médicament de tout ou partie de la différence entre les montants remboursés et les montants qui auraient résulté de l'application du prix révisé. 

L'inscription du médicament sur les listes mentionnées aux articles L. 162-17 et L. 162-22-7 du même code est conditionnée à la présentation par l'entreprise qui exploite le médicament de données cliniques et de vie réelle permettant de procéder, sur la base de données cliniques suffisantes et pertinentes, à l'évaluation de son amélioration du service médical rendu. 

Au cours de la cinquième année de l'expérimentation, le ministre chargé de la santé présente au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation menée au titre du présent article.

Mme Florence Lassarade.  - Un nombre croissant de médicaments représentant des innovations de rupture obtiennent une AMM de l'AEM sur la base de données incomplètes du fait de leur enregistrement précoce ou de données qui ne pourront être obtenues qu'en vie réelle. Or lors de l'évaluation de l'amélioration du service médical rendu (ASMR), la HAS se prononce sur les données constatées, d'où un niveau d'ASMR dégradé, révisé lors de l'obtention des données définitives. Ce processus en deux temps freine l'accès au traitement. D'où la proposition de créer une ASMR conditionnelle.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - La notion de valeur thérapeutique relative est utilisée depuis 2013. Elle a été reprise par le rapport Polton de 2015, le rapport Daudigny - Barbier de 2016 et celui que j'ai commis avec Véronique Guillotin en 2018.

Elle a tout son sens pour les médicaments très innovants, même s'il apparaît difficile de la caractériser. Il faut y travailler et la HAS propose déjà des points de réflexion. Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°4 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°23 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot : 

dix

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - L'article 16 prévoit, à titre expérimental pour une durée de cinq ans, la possibilité de fixer le prix d'un médicament en tenant compte de sa valeur thérapeutique relative.

Cet amendement allonge la durée maximale de cette expérimentation à dix ans.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Une durée de cinq ans nous semble suffisante. Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°23 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

cinq ans,

insérer les mots : 

des investissements réels au titre de la recherche et développement et du financement public de cette recherche ainsi que 

M. Thomas Dossus.  - La transparence du prix des médicaments ainsi que la prise en compte des investissements publics dans la fixation de ces prix sont des enjeux majeurs de la démocratie sanitaire.

De nombreux médicaments innovants ont bénéficié d'investissements publics ou des résultats d'une recherche publique. Or certains ont vu leur prix augmenter de 200 %. Des associations comme Aides demandent plus de transparence dans la détermination des prix.

Cet amendement ajoute les investissements réels au titre de la R&D et du financement public de la recherche aux critères de fixation du prix des médicaments sur lesquels s'appuie le CEPS pour la durée expérimentale de cinq ans.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Poumirol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2, première phrase

Après le mot :

relative,

insérer les mots :

de son coût réel de production et des investissements publics en recherche et développement dont il a bénéficié,

Mme Émilienne Poumirol.  - L'introduction du critère de valeur thérapeutique relative dans la fixation du prix des médicaments dits innovants est une demande récurrente de l'industrie biomédicale que la majorité sénatoriale cherche depuis de nombreuses années à satisfaire.

Il convient, dans le cadre de l'expérimentation proposée, de définir un cadre de fixation du prix le plus équilibré possible entre valorisation pour l'industriel et charge pour la sécurité sociale.

Le prix doit également prendre en compte le coût réel de production du médicament et les investissements publics en R&D dont il a bénéficié.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Le CEPS dispose déjà des informations communiquées par les industriels. Cela étant, la qualification du financement public est parfois difficile. Quid du téléthon et des rachats d'innovations par exemple ? Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Ces données ne changeraient rien à l'intérêt thérapeutique des médicaments. Cela risque même d'être contreproductif. (M. Thomas Dossus proteste.) Avis défavorable.

L'amendement n°32 n'est pas adopté non plus que l'amendement n°29.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces données sont rendues publiques par la Haute Autorité de santé.

M. Guy Benarroche.  - Les données sur la valeur thérapeutique des médicaments sont une avancée, la réévaluation périodique aussi. Mais l'enjeu majeur est la qualité des bases de données : les rendre publiques facilitera le travail journalistique et scientifique de contre-expertise de la société civile.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Je doute que la défiance à l'égard de la HAS renforce la confiance, et qu'il faille confier la contre-expertise scientifique à la société civile. Mieux vaut s'assurer que la HAS aura bien les moyens d'exercer sa mission.

M. Guy Benarroche.  - Ce n'est pas incompatible !

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié bis, présenté par Mmes M. Vogel et Poncet Monge, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, MM. Parigi et Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Sur la même durée expérimentale de cinq ans prévue à l'alinéa précédent, un collège composé de cinq personnalités qualifiées indépendantes est intégré à la composition du comité économique des produits de santé et participe aux décisions relatives à la fixation des prix des médicaments et produits de santé. Les membres de ce collège ne sont pas rémunérés. Les modalités de désignation de ses membres et les prérogatives de ce collège sont définies par décret. »

M. Guillaume Gontard.  - Cet amendement vise à intégrer, au sein du CEPS, un collège de cinq personnalités qualifiées indépendantes représentant la société civile organisée. Des associations comme Aides, Médecins du monde ou Prescrire pourraient ainsi compléter l'expertise institutionnelle. Ces personnalités ne devront avoir aucun lien avec les entreprises pharmaceutiques.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - L'amendement ne précise pas les modalités d'intégration de ces personnalités qualifiées. Le dispositif semble peu abouti. De plus, cette proposition de loi n'a pas pour but de toucher à tout l'édifice de régulation du médicament. Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°35 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 16

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Savary et Milon, Mmes Imbert et Lassarade, MM. Bazin et Belin, Mme Berthet, MM. Bonhomme, Bonne, Bouchet, Brisson, Burgoa, Charon, Chatillon et Daubresse, Mmes Férat et Garriaud-Maylam, M. Genet, Mmes F. Gerbaud et Gosselin, M. Gremillet, Mmes Gruny et Joseph, MM. Laménie, D. Laurent et Lefèvre, Mme M. Mercier, MM. Mouiller, Perrin et Piednoir, Mme Richer et MM. Rietmann, Saury, Segouin, Sol et Somon.

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 5121-12-1-2 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 5121-12-1-... ainsi rédigé :

« Art. L. 5121-12-1-.... - I.  -  En dehors des situations mentionnées aux articles L. 5121-8, L. 5121-9-1 et L. 5121-12, un médicament d'innovation thérapeutique peut, à titre exceptionnel et de manière temporaire et nominative, être mis à disposition à un stade précoce de développement pour des patients incurables demandeurs, dès l'issue de la phase I des essais cliniques, dans le cadre d'une utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament, non investigatrice et ne se substituant pas aux essais cliniques, et au terme d'une procédure déclarative, dès lors que les conditions suivantes sont réunies :

« 1° Différer le traitement exposerait le patient à des conséquences graves, dégradantes ou invalidantes ;

« 2° Il n'existe pas, pour la pathologie dont souffre le patient, d'alternative thérapeutique appropriée et le patient n'est pas susceptible d'être inclus dans un essai clinique, notamment pour des raisons géographiques, de calendrier de l'essai ou de non-satisfaction des critères d'inclusion.

« II.  -  Les sociétés estimant pouvoir mettre à disposition une molécule dans le cadre d'une utilisation testimoniale éclairée et surveillée s'identifient préalablement, ainsi que leur produit, dans un registre public tenu par l'agence mentionnée à l'article L. 5311-1. Cette inscription ne vaut pas engagement de la société concernée à fournir son produit dans le cadre de cette utilisation mais seulement à accepter de recevoir et d'examiner des demandes en ce sens. La société concernée peut se désinscrire à tout moment.

« L'identification, à travers ce registre, des molécules susceptibles de faire l'objet d'une utilisation testimoniale éclairée et surveillée permet d'assurer également une information de tous sur les traitements potentiellement disponibles. 

« Les conditions d'élaboration de ce registre et les données renseignées sont précisées par décret.

« III.  -  L'utilisation du médicament dans le cadre d'une utilisation testimoniale éclairée et surveillée est placée sous le contrôle d'une personne responsable, résidant en France et rattachée à l'opérateur titulaire des droits sur le médicament, réunissant les compétences médicales et pharmaceutiques appropriées.

« IV.  -  Le patient demandeur, assisté de son médecin prescripteur, soumet au titulaire des droits sur le médicament une demande de communication d'information des données portant sur le médicament. Le titulaire des droits peut, sans motif, s'y opposer. Dans le cas contraire, il sollicite expressément un comité indépendant, institué dans des conditions déterminées par décret. Le comité fournit au patient volontaire et à son médecin la preuve de l'existence d'éléments scientifiques, pré-cliniques ou cliniques, démontrant le potentiel intérêt thérapeutique chez l'homme et permettant de présumer sa sécurité.

« Le patient demandeur ou, en cas d'incapacité, son représentant légal, est assisté par son médecin pour prendre la pleine mesure de ces informations, le cas échéant à l'aide de la personne de confiance mentionnée à l'article L. 1111-6. Le patient demandeur ou, en cas d'incapacité, son représentant légal, prend une pleine connaissance du risque thérapeutique potentiellement associé à l'utilisation du médicament.

« Le patient demandeur, assisté de son médecin traitant, après avoir reçu les éléments sollicités mentionnés au premier alinéa du présent IV, dans les conditions prévues au paragraphe précédent, soumet une demande pour une utilisation testimoniale éclairée et surveillée auprès du titulaire des droits sur le médicament. Il exprime de manière expresse assumer entièrement le risque dont il a pris connaissance et décharger tous les tiers de toute responsabilité liée à cette décision.

« Le titulaire des droits transmet sans délai cette demande à la personne responsable mentionnée au III.

« La personne responsable mentionnée au III ou la société titulaire des droits peut, au regard de sa connaissance intime de la molécule, s'opposer, sans avoir à motiver sa décision, à la demande d'utilisation testimoniale. En l'absence de réponse de la société titulaire des droits dans le mois à compter de la réception de la demande, celle-ci est réputée refusée.

« V.  -  En cas d'acceptation par la société titulaire des droits, l'utilisation du médicament fait l'objet, dans des conditions précisées par décret, d'une déclaration préalable auprès de l'agence mentionnée à l'article L. 5311-1, adressée par le patient et visée par son médecin prescripteur. 

« L'utilisation du médicament fait l'objet d'une surveillance médicale étroite dans des conditions définies par l'opérateur titulaire des droits sur le médicament et validées par le comité indépendant mentionné au premier alinéa du IV.

« VI.  -  L'utilisation du médicament est possible pour une durée limitée, éventuellement renouvelable sur demande du patient, assisté de son médecin prescripteur, dans les mêmes conditions que la demande initiale.

« La durée d'utilisation du traitement ne peut excéder celle autorisée par les essais pré-cliniques de toxicité de long terme déjà effectués sur le produit. Elle peut être, le cas échéant, réévaluée à l'aune des données collectées sur la molécule.

« Le patient, assisté de son médecin, peut à tout moment et sous sa seule responsabilité interrompre l'utilisation testimoniale éclairée et surveillée.

« La personne responsable mentionnée au III ou la société titulaire des droits peut également, dans des conditions définies par décret, interrompre l'utilisation testimoniale éclairée et surveillée.

« VII.  -  L'opérateur titulaire des droits sur le médicament dépose chaque année auprès de l'agence mentionnée à l'article L. 5311-1 et du comité indépendant mentionné au premier alinéa du IV un bilan de l'état d'avancement du développement de son médicament et des données collectées à partir des patients ayant reçu le produit de manière testimoniale, dans des conditions définies par décret.

« L'ensemble des données attachées à la molécule sous-utilisation testimoniale éclairée et surveillée, données existantes en amont de cette utilisation ou issues de cette utilisation, restent la propriété pleine, entière et exclusive du titulaire des droits sur le médicament.

« Dans des conditions définies par décret, l'agence mentionnée à l'article L. 5311-1 peut interdire l'utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament si les conditions prévues pour une telle utilisation ne sont pas remplies ou pour des motifs de santé publique.

« VIII.  -  L'utilisation testimoniale éclairée et surveillée du médicament cesse de produire ses effets dès lors que le médicament obtient, dans l'indication concernée, soit une autorisation de mise sur le marché, soit une autorisation temporaire d'utilisation mentionnée à l'article L. 5121-12. Il peut également y être mis fin à tout moment, soit par l'agence mentionnée à l'article L. 5311-1, soit par la société titulaire des droits, notamment en cas d'impossibilité matérielle de fourniture ou de remise en cause du bénéfice prévisible du médicament au regard des informations disponibles.

« IX.  -  Un décret précise les conditions dans lesquelles est assurée la protection des données personnelles dont le traitement est rendu nécessaire dans le cadre de l'application du présent article. »

M. René-Paul Savary.  - Cet amendement, déjà présenté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, crée une nouvelle ATU éclairée et surveillée.

La recherche en matière de troubles cognitifs prend du temps. Il faut quinze ans pour qu'une molécule passe de la paillasse des laboratoires aux étagères des pharmacies. Il faut donc créer un droit à essayer. Cette utilisation testimoniale relève de la responsabilité du malade qui, par instinct de survie, peut prendre le risque de suivre un traitement pas complètement éprouvé. Il doit être conscient des risques et accompagné pendant son traitement. Cela diffère de l'usage compassionnel.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Ce mécanisme est une proposition d'espoir ; il semble suffisamment encadré.

À l'opposé du suicide assisté, qui reçoit un soutien croissant, on a ici une demande de prolongation de la vie du malade. Avis favorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Avis défavorable. Les recherches sur les personnes humaines sont protectrices pour des raisons éthiques. La recherche ne doit pas être confondue avec le soin.

Le dispositif proposé ne répond pas à un besoin non couvert par les usages compassionnels.

M. René-Paul Savary.  - Vos arguments ne changent pas ! On préfère laisser mourir les gens ? Les molécules existent, mais on n'arrive pas à les mettre sur le marché. Il faut une voie nouvelle pour les milliers de personnes qui souffrent de troubles cognitifs ? Cela coûte très cher à la société.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Un pognon de dingue !

M. René-Paul Savary.  - Leur choix de tester un traitement pour leur survie pourra aussi servir à la recherche. Cette disposition est particulièrement éthique et peut être utile à beaucoup. Il faut aller dans cette voie qui existe dans d'autres pays.

Mme Émilienne Poumirol.  - Les médecins rencontrent des cas de conscience difficiles. Pour autant, l'accès précoce voté en loi de financement pour 2021 et l'accès direct en loi de financement pour 2022 vont dans ce sens. On ajoute ici au mille-feuilles que déplore à juste titre M. Milon...

M. Alain Milon.  - Cela fait cinq ans que nous présentons cet amendement en PLFSS. Le problème est celui des patients en fin de soins habituels. Nous n'avons pas le droit de refuser cette chance à quelqu'un qui arrive au bout de ce qu'on peut faire...

L'amendement n°1 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

APRÈS L'ARTICLE 17 (supprimé)

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Milon.

Après l'article 17

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Après l'article L. 165-1-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 165-1-5-... ainsi rédigé :

« Art. L. 165-1-5-.... - I.  -  Un produit mentionné aux articles L. 5211-1 ou L. 5221-1 du code de la santé publique, dont le caractère innovant justifie un usage préliminaire au sein des établissements de santé mentionnés aux a, b, c et d de l'article L. 162-22-6 du présent code, peut faire l'objet d'un financement au titre de la dotation prévue à l'article L. 162-22-13. Le produit doit disposer d'un marquage ? CE ? et ne fait l'objet d'aucune autre prise en charge au titre des articles L. 165-1, L. 165-1-1 et L. 165-1-5.

« II.  -  Les établissements bénéficiant du financement mentionné au I répondent aux critères d'encadrement fixés par décret en application de l'article L. 1151-1 du code de la santé publique.

« III.  -  Le financement mentionné au I est conditionné à la collecte et au partage par l'établissement, de données sur l'utilisation du dispositif médical et de l'acte associé, ainsi que sur leur impact en vie réelle. Ces données peuvent être utilisées dans le cadre d'une procédure d'inscription du produit sur la liste mentionnée à l'article L. 165-1 du présent code ainsi que, le cas échéant, dans le cadre de la tarification de l'acte associé à son utilisation, lorsque la demande d'inscription est déposée dans un délai de cinq ans à compter de l'octroi du financement prévu au I. »

II.- Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État.

M. Alain Milon.  - L'accès à un dispositif médical innovant est théoriquement possible dès que le marquage CE est obtenu. Sa prise en charge par l'assurance-maladie n'intervient toutefois qu'après évaluation par la HAS et inscription sur la liste des produits et prestations remboursables (LPP) ou financement dans le cadre d'un groupe homogène de séjours (GHS).

Or les délais d'évaluation et d'inscription ne sont pas compatibles avec l'accès précoce. Dans le cas d'une valve cardiaque, il y a urgence !

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Le forfait innovation permet déjà des prises en charge dérogatoires, conditionnées à une étude clinique du demandeur confirmant ses effets pour la santé.

Le dispositif a été simplifié et rénové en 2020.

Plusieurs programmes de recherche hospitaliers facilitent déjà l'accès à l'innovation. Avis défavorable.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Les articles 18, 18 bis, et 19 sont successivement adoptés.

ARTICLE 20

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - La validation du protocole de recherche par le Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES) restreint l'ouverture du SNDS en alourdissant les procédures administratives d'accès. Elle nuit ainsi à l'objectif poursuivi par le SNDS.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Avis défavorable. S'ils doivent déjà remplir des conditions particulières liées au RGPD, il n'y a pas de dispositions juridiques visant à obtenir un retour des industriels s'agissant de l'accès au SNDS. Or c'est précisément l'objet de l'article 20. L'accès au SNDS nécessite en effet des garanties.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°24 rectifié ter est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mmes Lassarade et Deseyne, MM. Milon, Savary, Burgoa, Paccaud et Karoutchi, Mmes Garriaud-Maylam et Jacques, MM. Joyandet, Sol, Lefèvre, Gremillet, Longuet et D. Laurent, Mme Gruny, M. Panunzi, Mme M. Mercier, MM. Laménie et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Belin, Mme Gosselin et M. Bonhomme.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Après le 8° de l'article L. 1462-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° De mettre à jour trimestriellement les données du système national des données de santé mentionné à l'article L. 1461-1. »

Mme Florence Lassarade.  - En 2019, la loi relative à l'organisation et la transformation du système de santé a conduit à la création de la Health Data Hub.

Le décret du 29 juin 2021 relatif au traitement de données à caractère personnel prévoit les modalités de gouvernance et de fonctionnement du SNDS : le Health Data Hub est ainsi co-responsable du traitement du SNDS au même titre que la CNAM.

Afin d'optimiser les projets de recherche, les chercheurs recommandent de mettre à jour les bases de données disponibles pour mieux rendre compte de l'état de santé des Français et de leurs besoins médicaux.

Cet amendement propose de mettre à jour trimestriellement, et non plus annuellement, la base principale du SNDS.

M. le président.  - Amendement identique n°13 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Bilhac, Fialaire, Gold, Guiol, Requier, Artano, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Pantel et M. Roux.

Mme Véronique Guillotin.  - Défendu.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Avis défavorable. Déjà, ces amendements sont de nature réglementaire.

S'agissant du SNDS, les données ambulatoires sont mises à jour tous les mois et les données hospitalières sont consolidées tous les mois sur une base annuelle, plus fiable pour les chercheurs. Avec le fast track, ces derniers peuvent toutefois fonder leurs travaux sur des données trimestrielles.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

Les amendements identiques nos3 et 13 rectifié sont retirés.

L'article 20 est adopté, ainsi que l'article 21.

ARTICLE 22

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié ter, présenté par Mme Paoli-Gagin, M. Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Menonville, Capus et A. Marc.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

L'hébergement et la gestion

par les mots :

L'hébergement, la gestion et la protection

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Cet amendement renforce la souveraineté du Health Data Hub en intégrant la protection des données dans la liste des prérogatives attribuées à des acteurs européens. Cet ajout garantirait la maîtrise du stockage des données de bout en bout et favoriserait le développement d'acteurs européens de la cybersécurité.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure.  - Avis défavorable. L'article 22 tire les conséquences des avis de la CNIL à la suite de la remise en cause de l'accord Privacy Shield conclu avec les États-Unis. Le RGPD offre des garanties de protection parmi les plus élevées au monde. L'amendement est donc sans objet.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Même avis.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Je le retire. C'est la Bérézina ! (Sourires)

L'amendement n°26 rectifié ter est retiré.

L'article 22 est adopté, ainsi que l'article 23.

Interventions sur l'ensemble

Mme Laurence Cohen .  - Je réaffirme certains propos évoqués lors de la discussion générale.

Je regrette que cette proposition de loi ne soit pas l'occasion de contrebalancer le pouvoir des industriels du médicament, dont certains fixent des prix exorbitants en toute opacité. C'est à nos yeux une urgence absolue, surtout à la lumière de la crise sanitaire.

Le pôle public du médicament que nous proposons va en ce sens. Je regrette le poids des positions du LEEM, chez certains de nos collègues...

Le Gouvernement a besoin de contre-pouvoir pour que sa politique ne soit pas dictée par ces considérations.

Mme Émilienne Poumirol .  - Le groupe SER regrette certaines dispositions du texte. Le rattachement des CPP aux CHU remet en cause leur indépendance : l'INCa nous a mis en garde sur l'appropriation des ressources des CPP par les CHU.

Comme le disait Laurence Cohen, la question du prix des médicaments est centrale : le texte ne va pas assez loin sur ce point.

Enfin, la soumission des recherches en sciences humaines aux CER risque de remettre la liberté de la recherche en cause.

Nous nous abstiendrons.

La proposition de loi est adoptée.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission.  - Je remercie ceux qui ont voté ce texte, aboutissement d'un long travail.

On peut être défavorable au pôle public du médicament sans être à la solde des laboratoires.

Avec Véronique Guillotin et auparavant Yves Daudigny, notre boussole a toujours été l'intérêt des patients, pas celui des laboratoires. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC : Mmes Véronique Guillotin et Vanina Paoli-Gagin applaudissent également.)

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 23 février 2022, à 15 heures.

La séance est levée à minuit.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 23 février 2022

Séance publique

À 15 heures, à 16 h 30, de 18 h 30 à 20 heures, puis de 21 h 30 à minuit

Présidence :

M. Gérard Larcher, président

Mme Valérie Létard, vice-présidente

Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sur cette déclaration, en application de l'article 50?1 de la Constitution, relative à l'engagement de la France au Sahel (demande du Gouvernement)

3. Proposition de loi visant à créer une garantie à l'emploi pour les chômeurs de longue durée, dans des activités utiles à la reconstruction écologique et au développement du lien social, présentée par M. Patrick KANNER et plusieurs de ses collègues (n°337, 2021-2022)

4. Proposition de loi visant à maintenir le versement de l'allocation de soutien familial en cas de nouvelle relation amoureuse du parent bénéficiaire, présentée par Mme Laurence ROSSIGNOL et plusieurs de ses collègues (n°64, 2021-2022)