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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Communication du Président du Sénat sur la situation en Ukraine

M. Gérard Larcher, président du Sénat

M. Patrick Kanner

Mme Nathalie Goulet

M. Roger Karoutchi

M. Alain Richard

Rapport annuel de la Cour des comptes

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales

M. Christian Bilhac

M. Rémi Féraud

M. Didier Rambaud

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Vincent Segouin

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Éric Bocquet

M. Vincent Capo-Canellas

Mme Isabelle Briquet

M. Stéphane Sautarel

M. Vincent Delahaye

Mme Christine Lavarde

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

Choix du nom issu de la filiation (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois

Mme Esther Benbassa

M. Hussein Bourgi

Mme Nadège Havet

M. Joël Guerriau

Modification de l'ordre du jour

Choix du nom issu de la filiation (Nouvelle lecture - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Catherine Di Folco

M. Guy Benarroche

Mme Éliane Assassi

Mme Dominique Vérien

Mme Guylène Pantel

Question préalable

Mme Marie Mercier, rapporteur

Monde combattant (Deuxième lecture)

Discussion générale

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Victoire Jasmin

M. Martin Lévrier

M. Jean-Louis Lagourgue

M. Marc Laménie

M. Guy Benarroche

M. Fabien Gay

Mme Brigitte Devésa

M. Jean-Claude Requier

Mme Isabelle Raimond-Pavero

Discussion de l'article unique

Certification de cybersécurité des plateformes numériques (Deuxième lecture)

Discussion générale

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques

M. Ludovic Haye

M. Joël Guerriau

M. Cyril Pellevat

M. Daniel Salmon

M. Fabien Gay

Mme Amel Gacquerre

M. Jean-Claude Requier

M. Christian Redon-Sarrazy

Discussion des articles

Intervention sur l'ensemble

M. Laurent Lafon

Outils de gestion des risques climatiques en agriculture (Conclusions de la CMP)

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat de la CMP

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

M. Franck Menonville

M. Laurent Somon

M. Daniel Salmon

M. Fabien Gay

M. Pierre Louault

Mme Maryse Carrère

M. Denis Bouad

M. Bernard Buis

Contrôle parental sur internet (Conclusions de la CMP)

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat de la CMP

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques

M. Laurent Somon

M. Thomas Dossus

M. Fabien Gay

Mme Amel Gacquerre

Mme Maryse Carrère

M. Christian Redon-Sarrazy

Mme Marie Evrard

M. Franck Menonville

Ordre du jour du vendredi 25 février 2022




SÉANCE

du jeudi 24 février 2022

63e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : Mme Corinne Imbert, M. Dominique Théophile.

La séance est ouverte à 10 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Communication du Président du Sénat sur la situation en Ukraine

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - Avant que nous abordions l'objet de notre séance, permettez-moi de rappeler dans quelles circonstances nous nous réunissons ce matin.

Tôt ce matin, l'armée russe a engagé une intervention militaire d'envergure sur tout le territoire ukrainien, au mépris de l'intégrité et de la souveraineté de ce pays.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite condamner avec la plus grande solennité cet acte de guerre intolérable qui met en péril la sécurité de notre continent et exprimer notre solidarité au peuple ukrainien injustement agressé.

Je m'entretiendrai dans la journée avec le Président de la Rada pour l'assurer, lui et ses collègues, du soutien de notre assemblée. Demain, nous pourrons aborder ce grave sujet avec les plus de 230 collègues parlementaires attendus pour la conférence réunie au Sénat dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne (PFUE).

M. Patrick Kanner .  - En arrivant ce matin salle des Conférences, j'ai vu tous ces drapeaux européens, synonymes d'une paix retrouvée après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, la paix en Europe, la paix dans le monde est menacée ; des actes de guerre inqualifiables ont été perpétrés par M. Poutine, qui a envahi le territoire souverain de l'Ukraine depuis la Russie et la Biélorussie. La situation internationale nous oblige à envisager des initiatives au niveau du Parlement. J'ai demandé au Premier ministre d'avancer de 24 heures le comité de liaison parlementaire qui était prévu demain après-midi ; de même, en écho aux propos de Valérie Rabault à l'Assemblée nationale, je souhaite que l'exécutif organise très vite un débat devant le Parlement, qui doit être informé de la situation.

Mme Nathalie Goulet .  - Je souscris à ce qui vient d'être dit. L'organisation d'un débat me semble une évidence. Je note aussi que nous sommes parfois naïfs. Vous avez été très impliqué au moment de la première crise ukrainienne, monsieur le Président, en déléguant notre collègue Hervé Maurey. Mais les accords de Minsk n'ont pas été respectés. En toute hypothèse, rien ne justifie la violence : je ne défends pas l'indéfendable...

M. Bernard Jomier.  - Ah !

Mme Nathalie Goulet.  - Je dis simplement que notre devoir est aussi d'assurer l'exécution des accords. Je souscris à la demande du président Kanner qu'un débat soit organisé.

M. Roger Karoutchi .  - Hier, lors des questions d'actualité au Gouvernement, j'ai souligné que, face aux régimes totalitaires, les démocraties paraissaient bien faibles. Démonstration en a été faite dans la nuit. Il faut avant tout avoir une pensée pour les Ukrainiens. Quelles que soient nos positions politiques, et même en période de campagne électorale, l'unité est nécessaire ; monsieur le Président, vous avez un rôle tout particulier dans la construction de cette unité. Par définition, le Président de la République doit être à l'écoute de l'ensemble du Parlement. Que chacun garde à l'esprit que quand il y a des milliers de morts, on ne se divise pas.

M. Alain Richard .  - Comme mes collègues, je plaide pour l'unité du pays devant cette guerre et cette agression. Il est souhaitable que le comité de liaison se réunisse dès maintenant ; en revanche, il est préférable d'attendre la semaine prochaine pour organiser un premier débat éclairé, au cours duquel notre pays exprimera sa position, en lien avec notre responsabilité européenne et notre engagement dans une alliance défensive.

M. le président.  - Vous avez entendu la tonalité de mon intervention. En lien avec l'exécutif, le président du Sénat et le président de la commission des affaires étrangères doivent jouer leur rôle. Nous allons vivre demain une journée particulière. Je n'imagine pas autre chose que l'unité de notre Nation dans un moment comme celui-ci. Je veux dire notre solidarité au peuple ukrainien. Je pense aussi à ce que nous avaient dit les présidents des parlements des États baltes et à notre déplacement en Lituanie en décembre 2021. Les drapeaux évoqués par M. Kanner ne sont pas une simple addition : ils forment un message que chacun doit entendre.

Rapport annuel de la Cour des comptes

M. Gérard Larcher, président du Sénat.  - L'ordre du jour appelle le débat à la suite du dépôt du rapport public annuel de la Cour des comptes.

Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des comptes, ainsi que Mme la rapporteure générale près la Cour des comptes.

(M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, prend place au banc du Gouvernement, ainsi que Mme Carine Camby, rapporteure générale près la Cour des comptes.)

Même dans ces circonstances, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, c'est avec un grand plaisir que nous vous accueillons ce matin à l'occasion du dépôt du rapport public annuel de la Cour. Au nom du Sénat tout entier, je vous remercie pour votre présence.

Cet exercice constitue un moment d'échange privilégié et très attendu. Comme vous le savez, le Sénat attache une grande importance à la mission d'assistance du Parlement que notre Constitution confie à la Cour des comptes.

Pour la troisième année consécutive, comme nous y autorise la loi organique relative aux lois de finances, le dépôt de votre rapport donnera lieu à un débat au cours duquel tous les groupes politiques pourront s'exprimer. J'insiste sur ce point car c'est bien ainsi que notre contrôle démocratique doit s'exercer, dans le respect du pluralisme.

Cette année, votre rapport est consacré à la gestion de la crise sanitaire et aux actions mises en oeuvre pour lutter contre ses conséquences économiques et sociales.

Nous sommes, vous le dites vous-même, à un moment charnière pour nos finances publiques et notre modèle de croissance économique. Après le très fort recul de 2020, notre économie a rebondi en 2021 et a retrouvé à la fin de l'année dernière un niveau comparable à celui d'avant la crise. Il nous faut maintenant reprendre un chemin de croissance dynamique.

Mais cette crise et l'ampleur inédite des moyens déployés pour y faire face laisseront une empreinte profonde et durable sur le déficit et la dette publics. Cette situation appelle des efforts importants de redressement afin d'assurer la soutenabilité de nos finances publiques.

La pandémie a montré la grande réactivité et l'extraordinaire capacité de mobilisation de nos services publics ainsi que d'un grand nombre de secteurs d'activité. Mais elle a aussi révélé des vulnérabilités et des risques de dépendance forte vis-à-vis de l'extérieur, par exemple concernant notre capacité à fabriquer - et même à concevoir - des produits de santé. Enfin, elle a mis en lumière certaines faiblesses structurelles de notre modèle socio-économique.

Nous sommes impatients de vous entendre présenter vos analyses sur l'ensemble de ces sujets et vos propositions pour les temps à venir. Vos éclairages nous seront précieux.

Monsieur le président, je vous invite maintenant à rejoindre la tribune.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes .  - Permettez-moi d'abord de m'associer à l'émotion unanime du Sénat devant la guerre qui frappe notre continent, et d'exprimer ma préoccupation concernant l'unité de l'Union européenne, à laquelle j'ai consacré une large partie de ma vie. L'unité, c'est aussi celle des institutions ; or la Cour est une institution de la République qui contrôle aussi les ministères régaliens. Nous sommes pleinement impliqués dans ce moment.

Merci pour l'accueil réservé à la Cour ; vous savez mon attachement aux liens qui l'unissent au Sénat. J'étais hier devant votre commission des affaires sociales pour une passionnante audition sur les Ehpad.

Ce rapport public annuel est le fruit d'un travail collectif accompli pendant une année charnière dans la lutte contre la pandémie. Dix-neuf chapitres thématiques le composent, précédés d'un chapitre introductif relatif aux finances publiques. Il ne s'agit pas seulement d'analyser nos comportements dans l'urgence, mais d'apprécier en profondeur notre résilience, notre capacité à remédier aux faiblesses structurelles que la crise a révélées ou accentuées.

Face à la pandémie, les moyens publics déployés ont été d'une ampleur inédite. Si cette action était nécessaire pour préserver l'activité et nourrir la croissance à venir, elle pèsera durablement sur le déficit et la dette publics. Le nécessaire redressement des finances publiques exigera des efforts sans précédent de maîtrise de nos dépenses.

La reprise forte en 2021 s'accompagne d'un déficit élevé : 8,2 points de PIB, 7 points selon les dernières déclarations du Gouvernement, soit le double de son niveau d'avant crise. Quant à la dette publique, à 113 points de PIB, elle dépasse de 16 points son niveau de 2019.

Les dépenses publiques, 59,8% du PIB en 2021, en représenteront 55,7 % en 2022, soit deux points de plus qu'en 2019. Nous constatons depuis le début du siècle un effet de cliquet : les dépenses baissent après chaque crise, mais sans jamais revenir à leur niveau antérieur. Autant que les mesures de soutien, de nouvelles dépenses pérennes viennent dégrader nos comptes.

La hausse des recettes, portée par le rebond de l'activité en 2021, a été freinée par d'importantes baisses d'impôts en 2021 et 2022. Les prélèvements obligatoires augmentent respectivement de 5,1 et 4,6 %, soit moins que l'activité économique ; le taux de prélèvement obligatoire passe de 44,5 % du PIB en 2020 à 43,8 % en 2021 et 43,4 % en 2022.

Nous assisterons à un retour à la normale de la croissance, après le rattrapage de 2021. Elle sera encore de 4 % en 2022 mais devrait tomber à 1,6 % en 2023. Un ralentissement risquerait de fragiliser la confiance des investisseurs en aggravant la dette. Celle-ci est parfaitement soutenable, notre signature est forte, mais nos efforts pour la réduire seront observés : c'est une question de souveraineté.

Quelles pistes proposons-nous face à ce défi ? Le « quoi qu'il en coûte » était nécessaire dans une situation exceptionnelle, mais il faut maintenant traiter ses conséquences et nous réformer profondément.

La loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et la loi relative au Haut Conseil des finances publiques parachèvent notre constitution financière, je m'en réjouis.

Mais le travail n'est pas fini ; des réformes d'envergure doivent être entreprises : retraite, assurance maladie, politique de l'emploi, minima sociaux, politique du logement. Au niveau européen, le cadre de gouvernance des finances publiques doit être réformé avant la levée de la clause dérogatoire prévue en 2023. Il faudra rétablir des règles - pas les mêmes sans doute ; privilégier une approche pragmatique, par exemple en déterminant un taux d'endettement en fonction de la situation macroéconomique de chaque pays. Mais nous ne serons pas pour autant dispensés d'efforts.

Ce constat rapide posé, nous avons choisi de traiter de sujets sectoriels importants.

En dépit d'une anticipation insuffisante, nos services publics ont été globalement réactifs pour préserver le tissu économique. Ce rapport est aussi un coup de chapeau donné au secteur public. Malgré les contraintes, les acteurs publics ont su se mobiliser rapidement et moderniser leur fonctionnement.

La direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) ont su gérer le travail à distance et numériser leurs procédures. Et ce, alors que seuls 27 % des agents de la DGDDI et 17 % des agents de la DGFiP étaient équipés d'ordinateurs portables en mars 2020. Entre cette date et juin 2021, ce taux a été porté à 81 %.

L'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse ont aussi été particulièrement réactives, alors qu'elles étaient peu préparées. La continuité du service a été assurée au prix d'une adaptation du fonctionnement, en milieu ouvert comme en milieu fermé. Nous émettons toutefois une importante réserve concernant la vaccination des détenus et du personnel pénitentiaire, qui n'a pas été considérée, à tort, comme prioritaire par le Gouvernement.

L'État a joué un rôle clé dans le soutien aux secteurs les plus affectés par la crise. Avec les prêts garantis par l'État (PGE), la France a mis en place des ponts de liquidité pour les entreprises à hauteur de 120,8 milliards d'euros. Le bon calibrage des PGE a été favorisé par une collaboration étroite entre les entreprises, l'administration et Bpifrance.

L'État est intervenu directement dans des secteurs spécifiques comme le secteur sportif, à hauteur de 20 milliards d'euros.

Des mesures fiscales exceptionnelles ont été mises en place pour soutenir la trésorerie des entreprises.

L'État a su assurer la fourniture de biens et services de première nécessité, tels que l'électricité et les transports. Saluons la belle coopération entre acteurs publics et privés sur l'électricité : prolongation de la trêve hivernale et soutien à EDF à hauteur de 960 millions d'euros.

Autre secteur clé : les transports. L'enquête de la Cour sur les transports collectifs en Île-de-France a montré que l'offre a été maintenue largement au-dessus de la fréquentation pour assurer le transport des salariés de première ligne dans le respect de la distanciation physique. Les très grosses pertes subies par la SNCF et la RATP ont été opportunément compensées par l'État.

C'est cette présence positive de l'État qui a permis de faire face à l'épidémie. L'État ne peut pas tout, mais dans des périodes dramatiques, il peut beaucoup.

En miroir de ces réussites, le rapport public annuel revient sur des dysfonctionnements. Tout n'a pas été parfait, nous le savons. Le ciblage a souvent été insuffisant, avec pour conséquence une moindre efficacité.

Le plan « Un jeune, une solution » s'est ainsi traduit par une expansion des moyens sur tout le territoire, y compris là où l'emploi des jeunes ne semblait guère dégradé.

Il y a des lacunes dans le pilotage de la politique du travail, avec une multiplication des opérations et une dissémination des financements.

Un mauvais calibrage peut aussi être dû à un manque de connaissance du terrain. Le soutien à la vie étudiante a été tardif, faute de données sur la population étudiante. Les politiques ont été fléchées vers les publics connus tels que les boursiers, laissant dans l'ombre de nombreux étudiants dont nous avons découvert la précarité.

Les chambres régionales des comptes mettent en lumière la difficile articulation des interventions des acteurs publics nationaux et locaux. L'exemple de l'Occitanie est de ce point de vue éclairant. Sur le terrain, l'effort de rationalisation est largement resté lettre morte. Dans les Hauts-de-France, la délégation de service public a dysfonctionné, les autorités accédant trop souvent aux demandes des délégataires sans contrôler leur bien-fondé.

Nous déplorons en outre que les aides accordées n'aient pas été assorties de précautions suffisantes pour éviter les effets d'aubaine et les fraudes. (Mme Catherine Di Folco renchérit.)

Mme Nathalie Goulet.  - Bravo !

M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes.  - S'agissant des PGE, les risques d'optimisation doivent être contrés et le pilotage amélioré.

Les aides au monde sportif n'ont fait l'objet d'aucun contrôle. Il faut un véritable contrôle de gestion et d'audit au sein des fédérations.

L'État a agi avec volontarisme pendant la crise, parfois avec brio, parfois moins. Churchill disait : « Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise ». Retenons cette leçon !

Enfin, notre système productif et notre modèle social souffrent de faiblesses structurelles que la crise a renforcées.

Les chaînes d'approvisionnement en produits de santé ont été mises à mal par la hausse brutale des besoins en médicaments et en masques. Les pénuries de médicaments ont exposé au grand jour notre dépendance aux importations. Il y va de notre souveraineté économique.

Il n'y a pas eu de pénurie alimentaire, malgré quelques paniques, mais les circuits de proximité sont insuffisamment développés : nous importons 53 % des fruits que nous consommons !

Notre modèle social, éprouvé, a résisté, mais il doit être consolidé. J'ai une pensée pour les 600 000 résidents de nos Ehpad. La pandémie y a causé 34 000 décès, soit 36 % des décès dus au Covid.

La Cour s'est penchée sur les problèmes de ces établissements, sur lesquels votre assemblée a beaucoup travaillé. Nous continuerons à apporter un éclairage spécifique sur l'évolution nécessaire de ce modèle. Il faudra aussi s'interroger sur la part respective des établissements et des familles : il n'y a que 100 000 résidents en Ehpad en Italie, contre 600 000 en France.

La transition écologique ne doit pas être oubliée. Un exemple : le modèle économique des stations de moyenne montagne des Pyrénées-Atlantiques n'est pas soutenable : d'ici vingt ans, il n'y en aura plus qu'une à bénéficier d'un enneigement naturel acceptable. Il faut agir dès maintenant pour faire de la France un territoire durable et résilient.

Nous devons aller vers des énergies davantage décarbonées.

Le rapport public annuel illustre les difficultés et les réalités du terrain.

Lorsqu'on aborde la crise sanitaire, il n'y a pas de petit sujet. Ce rapport dresse un tableau objectif de la France en sortie de crise, avec ses atouts et ses lacunes.

Nous espérons que 2022 marquera la fin du Covid-19. Nous devons nous adapter. C'est la nature de l'homme d'affronter les changements et les difficultés.

Jaurès disait : « il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, une confiance inébranlable dans l'avenir. » N'y voyez aucune nostalgie politique (M. Bernard Jomier ironise) mais un hommage à un grand penseur. Faisons advenir l'avenir !

J'aurai plaisir à vous revoir tout au long de l'année. Vous pouvez toujours compter sur la Cour et sur moi-même.

Monsieur le président, en application de l'article L. 143-6 du code des juridictions financières, j'ai l'honneur de vous remettre le rapport. (M. le Premier président de la Cour des comptes remet un exemplaire du rapport à M. le Président du Sénat ; applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit également.) La remise du rapport public annuel est un moment important, symbolisant l'assistance de la Cour des comptes au Parlement - laquelle prend bien d'autres formes. Chaque année, la commission des finances mène des contrôles budgétaires dont certains s'appuient sur les travaux de la Cour. Hier encore, la commission a entendu les magistrats de la Cour sur les mesures de soutien à l'industrie aéronautique. La qualité de leur enquête, qui incluait des cahiers territoriaux, a été saluée.

Nous entendrons à nouveau la Cour début mars sur le plan de relance, puis avant l'été sur les dépenses de l'État outre-mer. Nous attendons en septembre 2022 les résultats de l'enquête sur les scénarios de financement des collectivités territoriales.

Ce rapport public annuel dépeint une situation des finances publiques bien connue. Si nous sommes dans cette situation, c'est pour partie en raison de la crise sanitaire. Le fonds de solidarité et les mesures de soutien et de relance, pour 60 milliards d'euros en 2020 et 90 milliards d'euros en 2021, étaient nécessaires. Pour autant, nos finances publiques subissent également les conséquences des allégements de fiscalité, la perte durable de recettes dépassant 50 milliards d'euros. C'est exactement la somme que nous demande la commission Arthuis pour ramener le déficit à 3 % du PIB.

Sans cette érosion des recettes, notre dette aurait été inférieure de 6 points de PIB - soit 160 milliards d'euros, tout de même.

Les effets prétendument positifs de la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ou de la suppression des impôts de production ne sont pas ou peu documentés.

J'entends la petite musique qui appelle à la maîtrise des dépenses publiques. Certains souhaitent même baisser encore les prélèvements obligatoires par des réformes structurelles dont on peine à saisir les contours.

Je suis attentif aux risques qui pèsent sur la soutenabilité de notre dette, mais notre principal objectif doit être de soutenir la croissance, le pouvoir d'achat des ménages et l'investissement. Une baisse des dépenses publiques aurait un effet très négatif sur notre économie.

Le rapport public annuel comporte des insertions thématiques qui font souvent écho aux observations des rapporteurs spéciaux.

Comme Vanina Paoli-Gagin, la Cour souligne que la pandémie a révélé une précarité ignorée des étudiants, notamment des non boursiers. Les mesures d'urgence ont été mal ciblées : le repas à un euro initialement réservé aux boursiers n'a été généralisé que fin janvier 2021. L'État doit améliorer sa connaissance pour être plus efficace.

La Cour évoque aussi les dysfonctionnements du plan « Un jeune, une solution », qui a certes substitué des CDI ou des contrats longs à des contrats courts, mais a eu un faible impact sur le taux d'emploi des jeunes. Une profusion de mesures ont été déployées, mais de façon insuffisamment coordonnée. Comme l'ont souligné Jean-François Husson et les rapporteurs spéciaux Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian, le contrat d'engagement qui remplace la garantie jeunes contribue à rationaliser cette politique, mais son introduction par voie d'amendement, sans étude d'impact ni débat parlementaire, reste entourée de fortes incertitudes.

S'agissant des grands aéroports français, la Cour pointe les limites d'un modèle reposant sur des prévisions de forte croissance du trafic. Cela rejoint le diagnostic de Vincent Capo-Canellas, qui relève l'impasse du modèle actuel des missions de sécurité et de sûreté aéroportuaire, assis sur une taxe affectée dont le faible rendement peut menacer l'équilibre financier des aéroports. Les avances remboursables ne font que repousser le problème. L'État devrait assumer les missions régaliennes sous forme de subventions.

Selon la Cour des comptes, les PGE sont un outil « simple, souple, rapide et massif ». Leur coût final est incertain et dépendra de la situation financière des entreprises.

Notre commission a commandé à l'Institut des politiques publiques une étude qui a mis en évidence le risque d'optimisation inhérent aux PGE. J'espérais que la Cour présenterait des éléments nouveaux.

Dans un titre spécifique, la Cour souligne la complexité du suivi des reports fiscaux et aménagements dits de bienveillance. Les reports d'échéance fiscale ont fait l'objet de faibles conditionnalités : absence de filiales dans un paradis fiscal, non-versement de dividendes. Mais il faudrait contrôler que ces conditions ont bel et bien été remplies. (Applaudissements sur plusieurs travées)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.) Dans le contexte actuel, les préconisations de la Cour prennent un relief particulier.

Malgré le fort rebond de l'économie française, notre pays était entré dans la crise avec un des plus forts déficits et n'en sortira pas en meilleure posture.

Les comptes de la sécurité sociale n'étaient pas revenus à l'équilibre lorsque la pandémie a éclaté et les perspectives sont inquiétantes.

Le 26 janvier dernier, Olivier Véran a estimé que les déficits cumulés des comptes sociaux pourraient dépasser les 300 milliards d'euros sur la décennie 2020-2030, soit 30 milliards par an. Cela dépasserait de 200 milliards d'euros le plafond du transfert à la Cades post - 2019. On comprend mieux le refus obstiné du Gouvernement d'inclure une règle d'or des comptes sociaux dans notre ordre juridique... Nous en reparlerons le 15 mars avec le ministre des comptes publics.

Vous avez rappelé les tensions importantes ces dernières années sur les médicaments et les dispositifs médicaux. Nous avons tous en tête la pénurie de masques et les craintes sur le curare et le paracétamol. Le Sénat avait alerté en 2018 sur la recrudescence des ruptures de stock de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, qui risquent de déstabiliser notre système de soin et révèlent une perte de souveraineté sanitaire préoccupante.

Les obligations accrues des industriels dans ce domaine et la modification de la procédure de détermination des prix pour inciter au maintien de la production de médicaments anciens sont utiles mais insuffisantes. La Cour préconise de donner un rôle plus actif à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Le Sénat y souscrit, mais il est aussi impératif de soutenir la relocalisation en France et en Europe.

Le rapport consacre également des développements aux personnes hébergées en Ehpad. Impossible de ne pas s'y arrêter, après l'émotion légitime suscitée par l'ouvrage de Victor Castanet. Notre commission a créé une mission d'information dotée des pouvoirs d'une commission d'enquête sur ce sujet. Elle a reçu hier une étude de la Cour qui pointe le lourd bilan humain de la pandémie en Ehpad. Ce bilan n'est pas imputable à leur seule vulnérabilité, mais aussi au taux d'encadrement.

Nous travaillons de façon approfondie sur l'autonomie; et avons demandé à la Cour deux études sur ce sujet.

Les Ehpad les plus touchés sont ceux dont le taux d'encadrement infirmier et médical est le plus bas.

Les Ehpad privés commerciaux ont été significativement plus touchés que les autres structures lors de la deuxième vague de l'épidémie. Il ne s'agit pas de jeter l'opprobre sur tout un secteur, mais de souligner la convergence des analyses : la question du taux d'encadrement et du personnel est cruciale.

Les cycles de travail et la formation doivent aussi être revus. Nous serons attentifs à la mise en place de solutions nouvelles.

La Cour souligne que le plan « Un jeune, une solution », initialement doté de 6,5 milliards d'euros, aura coûté plus de 10 milliards d'euros, dont 6 milliards pour les seules aides à l'embauche. L'emploi des jeunes a été préservé, leur taux de chômage a baissé tout comme la part de jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation.

Toutefois, le rapport est très réservé sur l'impact du plan « Un jeune, une solution ». Il montre qu'un changement d'échelle de la garantie jeunes fait perdre de sa substance au dispositif, déjà fragile en temps normal : moins de 20 % de sorties en emploi.

Cela doit nous inciter à la vigilance. Le nouveau contrat d'engagement jeune, qui cible 400 000 jeunes, ne devra pas être dilué dans une forme de RSA jeune. Il faut s'interroger sur la pertinence de ces outils comme réponse conjoncturelle à la crise et évaluer leur valeur ajoutée en termes d'insertion.

Merci au Premier président de la Cour des comptes pour la qualité de ses travaux. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe SER)

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le rapport public annuel tire le bilan de la crise et de ses conséquences budgétaires, économiques et sociales. J'en partage les constats, pas forcément les préconisations. Depuis des décennies, on rabote, on rabote, tandis que le déficit public et la balance commerciale ne cessent de se dégrader.

Je déplore la brièveté du délai entre la remise du rapport et ce débat.

Notre déficit s'est considérablement aggravé, mais le chômage baisse, l'économie repart, le plan de relance a irrigué l'économie et la maintient à flot. Malgré des fermetures prolongées, les aides ont assuré la pérennité des entreprises. Mais, selon la Cour, elles n'ont pas été assorties de précautions suffisantes. Les contreparties n'existent pas réellement ; 33 % des bénéficiaires avaient peu ou pas mobilisé leur PGE et 24 % n'en ont dépensé qu'une faible part. Le Gouvernement doit éviter que cet argent ne se perde !

Le rapport s'attarde sur les collectivités territoriales d'Occitanie en soulignant le manque d'efficacité du soutien aux entreprises de la région et des départements, du fait de l'aide nationale. La multiplication des dispositifs a été peu propice à l'efficience, mais il ne faut pas oublier le caractère inédit de la situation. On ne peut blâmer la région des erreurs qui ont été commises. Ainsi, le soutien à l'aéronautique était nécessaire car ce secteur emploie 75 000 personnes en Occitanie. L'inaction aurait été une faute de la part de nos élus.

Une solution serait d'aller plus loin dans la décentralisation afin que nos collectivités territoriales puissent mieux soutenir les entreprises.

Le plan de relance a aussi considérablement alourdi l'endettement, ce qui ne laisse pas de m'inquiéter. La Cour des comptes préconise d'augmenter le prix de certains services aux particuliers ; mais il faut aussi s'attaquer à la réduction des déficits.

Il ne faut pas dépenser moins, mais mieux : un euro dépensé doit être un euro utile. À l'image des fuites dans les canalisations, les dépenses publiques se perdent en frais généraux. C'est pourquoi je préconise une règle d'or. Dépenser mieux signifie utiliser l'argent public pour atteindre le but recherché - soigner, instruire - et non financer une myriade de structures administratives.

La Cour chiffrera-t-elle un jour toutes ces dépenses paperassières qui nous paralysent ? Il nous faut moderniser nos administrations, décentraliser encore et encore, réindustrialiser la France pour améliorer notre balance commerciale. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le rapport public de la Cour présente des éléments sectoriels très intéressants. Je centrerai mon propos sur l'approche générale des finances publiques. Je partage l'avis de la Cour : la persistance d'un déficit structurel n'est pas viable, même si un redressement trop brutal des finances publiques après le « quoi qu'il en coûte » n'est pas souhaitable - c'est l'une des leçons de 2008.

Les hypothèses du Gouvernement se sont avérées si pessimistes qu'un déficit élevé, mais moins pire que prévu, est présenté comme une bonne nouvelle. Ce procédé est trompeur pour les citoyens comme pour le Parlement.

Il faut dépenser mieux ; mais est-ce toujours possible en dépensant moins comme le préconise la Cour ? Pour l'école, l'hôpital, les grands services publics, il est permis d'en douter.

L'érosion des recettes publiques inquiète. La question budgétaire ne peut faire abstraction de la capacité contributive des entreprises et des plus riches de nos concitoyens quand on voit l'aggravation des inégalités, l'explosion des profits et la baisse des impôts de production sans aucune conditionnalité. Il faut mesurer l'utilité de chaque niche fiscale qui grève nos comptes publics. À titre d'exemple, la réforme en profondeur du crédit d'impôt recherche s'impose.

La question des droits de succession revient sur le devant de la scène, c'est heureux : il s'agit d'endiguer la reproduction des inégalités de patrimoine.

Pendant cinq ans, le Gouvernement s'est entêté dans une politique de l'offre. Ajoutée à la pandémie, le résultat est là : déficit de cinq points du PIB et dette de 113,5 %. La pandémie y est pour beaucoup, mais la situation était déjà très dégradée avant la crise, le ruissellement étant resté un mythe. Il faut en finir avec le « en même temps » budgétaire qui reporte l'effort sur les générations futures. Les choix courageux ne doivent pas se limiter aux dépenses. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

M. Didier Rambaud .  - Depuis 190 ans, la Cour des comptes remet chaque année son rapport public annuel, rendez-vous incontournable de notre vie démocratique et vigie financière de l'état de nos administrations. La Cour n'hésite pas à pointer les faiblesses de l'action publique, afin d'orienter l'État et les gouvernements qui se succèdent vers une meilleure efficacité des politiques publiques. Je rappelais l'an dernier les deux axes du travail de la Cour, qui saluait la réactivité inédite de nombreuses administrations publiques mais qui rappelait aussi de nombreux manquements. Cette année, son rapport présente des constats sans appel.

Il s'agit non seulement d'évaluer notre action dans l'urgence, mais d'apprécier notre résilience et notre capacité à remédier aux faiblesses structurelles que la crise a révélées ou accentuées.

Chaque crise crée un effet de cliquet sur les dépenses publiques ; à l'issue de la crise, les dépenses structurelles s'établissent à un niveau plus élevé qu'avant. C'était déjà le cas sous la présidence Sarkozy. Cela appelle une réponse structurelle : nous devons réformer l'État pour libérer pendant les phases de croissance des marges de manoeuvre budgétaires à utiliser en temps de crise, le tout sans menacer l'équilibre du système. Bruno Le Maire l'a rappelé devant notre commission des finances il y a quelques jours : retraite, assurance maladie, politique de l'emploi, il nous faut agir dans divers domaines comme nous y invite la Cour.

Les problèmes structurels dont nous souffrons trouvent leur origine dans des décennies d'incuries. Nous ne pouvions régler ces questions pendant la crise.

J'évoquerai les aides au secteur sportif et aux stations de moyenne montagne, qui me tiennent particulièrement à coeur.

Le secteur sportif souffre de longue date de son éclatement et de la multiplication des interlocuteurs institutionnels. Dans ce domaine, il nous faudra construire des outils de suivi au plus près l'action publique, pour plus de lisibilité. Le contrôle et l'évaluation des politiques publiques font partie de notre mission de parlementaires.

Quant aux stations de moyenne montagne, la crise a agi comme un révélateur de leur fragilité grandissante. Nous devons réinventer leur modèle économique et accompagner leur transformation. C'est toute l'ambition du plan Avenir montagne.

Un mot sur la gestion de crise dans les Ehpad : faiblesse de l'encadrement, vétusté des équipements, les lacunes sont nombreuses. Avec 14,3 milliards d'euros pour les personnes âgées cette année, l'effort de l'État est considérable, mais insuffisant. Il faut mieux piloter ce secteur laissé trop longtemps loin du contrôle de l'État, comme l'atteste le scandale Orpéa. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - Aujourd'hui, nos regards sont tournés vers l'Ukraine et le Mali. Nous en oublierions presque qu'une pandémie bouleverse le monde depuis deux ans ; ce rapport public annuel rappelle douloureusement son impact sur nos finances publiques.

Tous les indicateurs ont été lourdement éprouvés par la crise. Le déficit, à 130 milliards d'euros, est deux fois plus élevé qu'en 2019, le taux d'endettement se stabilise à plus de 15 points au-dessus du niveau de 2019. Notre pays demeure le champion des prélèvements obligatoires et de la dépense publique. La France mettra des décennies à effacer de ses comptes les séquelles de la pandémie : nous paierons longtemps les mesures d'urgence. Le désendettement de l'État doit donc devenir une priorité politique ; il y va de notre souveraineté.

Hausse des dépenses, baisse des recettes ; ce scénario se répète à l'envi.

Les aéroports ont été fragilisés avec le coup d'arrêt brutal du trafic aérien. Leurs recettes se sont effondrées, et avec elles, les marges d'exploitation. Le soutien de l'État a été total, mais des plans d'économie ont été nécessaires. Le rapport met en évidence les limites du financement par la taxe d'aéroport des missions de sécurité et de sûreté. C'est d'autant plus grave que la santé financière des aéroports révèle le dynamisme de certains territoires : à La Réunion, l'aéroport Roland-Garros est un poumon économique. Notre île pourra-t-elle renouer des liens économiques et sociaux que la crise sanitaire a menacé de délier ? Notre groupe est convaincu qu'il faut revenir à la bonne gestion financière d'avant crise, mais pas au détriment de la croissance économique.

M. Vincent Segouin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie la Cour pour ce rapport éclairant. Si l'activité économique de la France a dépassé son niveau d'avant crise, le déficit structurel est sans précédent et la dette publique s'élève à 113,5 % du PIB, conséquence de la baisse des recettes et de la hausse des dépenses. Au sein de la zone euro, nous faisons figure de mauvais élève. L'Allemagne, elle, affiche une dette à 80 % de son PIB et un déficit structurel à 3 %.

Le Gouvernement a pour objectif de ramener le déficit sous la barre des 3 % de PIB, mais seulement en 2027. Trois voies existent pour conserver notre crédibilité : augmenter les prélèvements obligatoires, réduire les dépenses publiques, augmenter la croissance via la création de richesse. C'est là notre planche de salut ; le meilleur indicateur est la balance commerciale, dont votre rapport ne dit mot.

La France doit faire du mérite et du travail une priorité et cesser la politique mortifère de la désindustrialisation. Le déficit de la balance commerciale est un point noir ; Bruno Le Maire l'a corrélé au prix de l'énergie sans évoquer la politique énergétique désastreuse du Gouvernement, illustrée par la fermeture de Fessenheim. (M. André Reichardt s'en désole.) Nous avons cessé d'investir ; que de temps et d'argent perdus ! Cette politique à court terme ne sert pas les Français mais des intérêts électoraux.

Le pouvoir d'achat est défendu au détriment du travail et du mérite : 17 % des jeunes ne sont ni en emploi, ni en études. Ils oublient qu'il faut travailler pour produire. (Mme Monique Lubin s'exclame.) Je m'inquiète pour notre avenir. Nos entreprises délocalisent ou se font racheter pour produire à bas coût à l'étranger. Nous continuons à les handicaper par un excès de normes et de surtranspositions.

Le Gouvernement répète qu'il a baissé les prélèvements obligatoires dans des proportions inédites depuis le début de la Ve République. Mais cette baisse n'a de sens que si les dépenses publiques sont réduites en même temps. Or cela n'a jamais été le cas, bien au contraire : 560 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, dont 165 milliards seulement sont liés au Covid !

La Cour préconise de réduire les dépenses publiques de 9 milliards supplémentaires par an. Pour cela, il faut réformer, mais ce n'est pas le fort de ce Gouvernement ; souvenez-vous des retraites ! Le Gouvernement ne pense qu'à court terme et renvoie les mesures impopulaires à ses successeurs.

Quant à la croissance, elle reste inférieure à la décroissance provoquée par le Covid. Et nous ignorons encore les effets de l'influence de l'Allemagne au sein de la BCE sur la hausse des taux d'intérêt, qui fera augmenter la dépense publique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Au nom du GEST, nous voulons témoigner notre plein soutien et notre solidarité avec le peuple ukrainien victime de l'invasion russe.

Merci pour ce rapport public annuel. Nous ne méconnaissons pas l'importance de la question des finances publiques au lendemain de la crise.

Mais, comme l'a dit Claude Raynal, la situation serait bien différente si nous n'avions pas réduit les recettes fiscales au cours de ce quinquennat de 50 milliards d'euros !

Alors que la France affiche un taux de pauvreté inédit depuis 1979, selon l'Insee, je ne comprends pas les cinq priorités de redressement proposées par la Cour - assurance maladie, retraites, minima sociaux, politique de l'emploi, politique du logement - qui ne visent que les travailleurs, les pauvres et les demandeurs d'emploi. N'y a-t-il pas d'autres marges de manoeuvre ? Il faut en effet lutter contre le changement climatique en veillant toujours à la justice sociale.

Ces cinq dernières années, le Gouvernement a réduit les impôts des 1 % les plus riches et appauvri les plus pauvres de nos concitoyens. On a donné carte blanche aux plus « climaticides ». Oui, il y a d'autres options que de réduire les dépenses sociales : à quand une grande réforme fiscale avec un impôt climatique sur la fortune, une réforme de l'impôt sur le revenu favorable aux ménages modestes et qui demanderait davantage aux 10 % des ménages les plus aisés ?

Nous devrions être plus vigilants sur les dizaines de milliards d'euros hors crise -  on parle de 140 milliards d'euros annuels  - donnés aux entreprises sans que leur efficacité sur l'emploi ou sur le réchauffement climatique ne soit démontrée. Des subventions, des aides de décarbonation existent, mais combien de milliards donnés sans aucune exigence sociale ou environnementale ?

Le Gouvernement arrose le sable alors que nous devrions songer aux transitions à mener. Ces cinq pistes de redressement interrogent car nous devrions tout faire pour raffermir la cohésion par la justice sociale.

Lors de l'audition de Bruno Le Maire, je lui ai demandé où se feraient les coupes budgétaires ; il a répondu par la dématérialisation des services publics (Mme Monique Lubin le déplore). Or, l'illectronisme ne fait qu'accroître la fracture sociale. Il s'agit de fausses économies ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Éric Bocquet .  - Je me concentrerai sur la dette publique, devenue la clé de voûte de l'architecture budgétaire de la France ; gare à ceux qui s'affranchiraient des contraintes qu'elle génère ! Le 12 avril 2020, le FMI avait trouvé naturel que les gouvernements adoptent la stratégie du « quoi qu'il en coûte », à condition de bien conserver les factures...

Ce relâchement budgétaire fut une parenthèse. Les financiers estiment que la dette doit retrouver sa fonction de contrôle des peuples impécunieux et des États dispendieux.

En novembre 2019, lors du débat budgétaire, le ministre nous rappelait qu'avec un ratio de dette de 98,4 %, nous étions au bord de l'apocalypse. Six mois plus tard, nous avions atteint les 117 %. En 2004, François Bayrou disait : « S'il s'agissait d'une entreprise, la France serait au bord du dépôt de bilan ». La dette atteignait alors 66 % du PIB ... En 2007, Ségolène Royal jugeait elle aussi la dette publique insoutenable - elle était de 64,6 %. Nous en sommes à 115 %. Toutes les règles ont explosé ces deux dernières années.

Les marchés financiers qui nous prêtent devraient s'inquiéter, mais il n'en est rien. La France a emprunté 260 milliards d'euros en 2020, autant en 2021 et devrait en faire de même cette année. On nous expliquait pourtant il y a deux ans qu'il n'y avait pas d'argent magique...

France Trésor, le 21 février 2022, rappelait que le taux était de - 0,68 % pour les bons du Trésor à trois mois et de - 0,30 % pour les obligations à terme (OAT).

Quel étrange paradoxe entre l'inquiétude orchestrée et la quiétude des marchés financiers. Ces derniers sont-ils fous, incompétents, ou devenus philanthropes ? Sont-ils touchés par la grâce ? Je ne retiendrai aucune de ces trois options.

Le 20 janvier 2021, Anthony Requin, directeur général de l'Agence France Trésor, disait : « la France a un très bon crédit auprès des investisseurs. La dette française est une valeur refuge, un coffre-fort qu'elle fait payer. Un coffre-fort, ça se loue. Les investisseurs nous confient leurs liquidités. Le coffre-fort, c'est la signature de l'État ».

La Cour des comptes estime qu'il faudrait plus de 9 milliards d'euros d'économies supplémentaires par an pour tenir la trajectoire du Gouvernement.

La Grèce, en 2010, a subi une purge budgétaire insupportable ; aujourd'hui, son ratio de dette est passé de 147,5 à 206,3 % du PIB. Cela fait réfléchir...

Jean-Pierre Raffarin, le 16 juillet 2011 estimait que, l'élection présidentielle ne dépend plus seulement des électeurs, mais aussi des prêteurs. Le sujet de la dette publique est bien une question éminemment politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Vincent Capo-Canellas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier président, je vous donne acte de votre constance. En juin 2021, vous aviez estimé que la soutenabilité de la dette publique constituerait un enjeu de souveraineté. Vous allez plus loin aujourd'hui, à juste titre. La dette publique s'est accrue de 560 milliards d'euros et son poids s'alourdit de 16 points.

La dégradation des finances publiques nous préoccupe. Vous livrez un chiffre : 9 milliards d'euros d'économies annuelles pour parvenir seulement à respecter l'objectif du Gouvernement. Encore s'agit-il d'une économie rapportée à la croissance des dépenses avant la crise...

La Cour estime qu'il faudra réviser la trajectoire des finances publiques en prenant en compte la crise sanitaire mais aussi les règles européennes, qui sont en cours d'évolution. Cette incertitude doit nous garder de tout laxisme.

Je vous invite à rappeler dès le début du prochain quinquennat les priorités à respecter.

Le groupe UC ne remet pas en cause le « quoi qu'il en coûte » mais il pèsera lourdement sur la dette et présente désormais un caractère structurel.

L'argent magique n'existe pas et les fonds devront être remboursés. La France doit assurer la soutenabilité de sa dette pour garantir sa souveraineté et sa crédibilité. La crise a mis en lumière la fragilité structurelle de son système productif et de son modèle social.

Le groupe UC s'associe aux recommandations de la Cour.

La Cour s'est penchée plus spécifiquement sur le financement des aéroports. Elle estime que la pandémie a mis fin à cinquante ans de croissance du trafic ; que l'État a tardé à prendre en compte ces difficultés financières ; que le modèle économique et les systèmes de régulation doivent être repensés. Nous sommes d'accord avec le président Raynal sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MM. Marc Laménie et Alain Richard applaudissent également.)

Mme Isabelle Briquet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce rendez-vous, s'il est traditionnel, n'en est pas moins essentiel. C'est l'occasion de dresser un premier bilan des dispositifs mis en place pendant la crise sanitaire et d'ouvrir des perspectives à la veille d'une échéance électorale majeure.

L'augmentation des dépenses pèse naturellement sur les finances publiques. Le redressement des comptes ne saurait toutefois s'entendre sous le seul prisme de la réduction de la dépense. Toutes les dépenses ne se valent pas. Certaines sont indispensables pour préserver le tissu économique et social et préparer l'avenir.

Impossible de ne pas évoquer les recettes, fort allégées par les baisses d'impôts en cette fin de quinquennat.

Si le « quoi qu'il en coûte » a porté ses fruits à court terme, le Gouvernement a manqué de célérité et d'ambition sur la jeunesse. Le plan « Un jeune, une solution », qui devait être doté de 6,5 milliards mais dont le coût avoisinera les 10 milliards, n'a pas eu d'équivalent dans les pays comparables à la France. Pour autant, la Cour regrette le manque d'efficacité au regard des moyens mobilisés. Les mesures les plus coûteuses sont celles qui ont eu le moins de portée, comme les trois primes à l'embauche, qui représentent 70 % des montants engagés.

La Cour souligne un manque d'adéquation aux besoins des jeunes concernés et aux réalités territoriales. Le ciblage des dispositifs a été contre-productif pour les publics les plus éloignés des structures d'insertion. L'allocation jeunesse que nous proposions en janvier 2021 aurait été plus pertinente...

La crise sanitaire a affecté le quotidien des étudiants. Les files d'attente devant les banques alimentaires symbolisent crûment la précarité de nos jeunes. La Cour juge sévèrement la politique de soutien à la vie étudiante, pointant la méconnaissance de la situation de la part du ministère.

Nos voisins européens, plus réactifs, ont versé des aides aux étudiants les plus vulnérables dès le début de l'été 2020. En France, il a fallu attendre six mois de plus. Certains dispositifs n'ont pas atteint leur cible, comme l'aide à la perte d'emploi de 200 euros, qui n'a bénéficié qu'à 23 500 jeunes sur les 500 000 potentiellement concernés, en raison de critères trop restrictifs.

Nous ne partageons pas toutes les recommandations de la Cour, notamment sur les réformes structurelles, mais celles sur la jeunesse méritent toute notre attention. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE, MM. Marc Laménie et Christian Bilhac applaudissent également.)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme chaque année, la présentation de ce rapport est un moment important de notre démocratie. Personne ou presque ne s'inquiète de la situation de nos finances publiques. Pourtant, le rapport de la Cour des comptes illustre le déclassement de la France, devenue un facteur de risque pour la cohésion de la zone euro.

La Cour prône une grande rigueur pour ramener le PIB sous les 3 %. Mais ce n'est pas l'orientation du Gouvernement, qui refuse une règle d'or budgétaire.

On ne peut plus répondre à un problème ou à l'inflation par des chèques. Ce rapport lance un avertissement à tous les candidats à l'Élysée. Il faudrait 9 milliards d'euros d'économies supplémentaires par rapport à la trajectoire d'avant-crise pour redresser les comptes.

Or si l'Allemagne a rappelé son attachement au pacte de stabilité, la France n'enverra sa copie qu'après les élections... L'écart persistant avec nos partenaires impliquera plus d'efforts de redressement à partir 2023 -  le mur de la dette approche, avec une hausse inéluctable des taux. Nous sommes ce matin des lanceurs d'alerte. Hélas, le « quoi qu'il en coûte » et les bruits des bottes nous rendent inaudibles...

Cette année, le niveau de dépense publique s'établit à 55,7 % du PIB ; les dépenses hors crise augmentent de 11 milliards d'euros en 2021 et de 8 milliards en 2022, ce qui place la France parmi les cancres de la zone euro, de ceux dont le ratio de dette et le déficit structurel sont le plus élevés.

La France est en plein déclassement. Malgré le dopage à la dépense publique, nos politiques publiques sont trop souvent erratiques et inefficaces, même sur des sujets prévisibles comme le vieillissement de la population, comme en témoigne le traitement réservé aux Ehpad.

Déclassement, dépassement, redressement sont des mots trop peu présents dans le débat public.

La crise a pourtant montré qu'en sortant des carcans, nos services publics savent répondre aux besoins.

À nous de réformer un modèle aujourd'hui dépassé et inefficace. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Le rapport public annuel est excellent. (Sourires et marques d'approbation) Il dresse un constat juste et accablant pour le Gouvernement. Il alerte sur le grand déclassement de notre pays, encore aggravé par la gestion de la crise sanitaire. Les dépenses, y compris pérennes, ont continué d'augmenter fortement. La baisse de recettes n'a pas été compensée par de la création de richesse mais financée à crédit.

Notre pays fait clairement partie du Club Med des pays du sud de l'Europe à la situation budgétaire catastrophique. Nous sommes très loin du club des pays sérieux, où, curieusement, la croissance est plus forte, le chômage moindre, le commerce extérieur en bien meilleure santé. Il n'y a pas de secret...

Le rapport pointe la vulnérabilité de notre pays dans la production de produits de santé. Nous avons reculé à la sixième place, quand nos voisins progressaient, Allemagne, Suisse, Italie, Irlande. Nous n'avons pas été capables de produire un vaccin contre le coronavirus.

Là comme ailleurs, le diagnostic et les solutions sont connus mais nous ne les mettons pas en oeuvre.

Toute l'économie française décline. Le déficit commercial est de 85 milliards d'euros. On annonce 100 milliards d'euros pour 2022.

Hors luxe, beaucoup de nos fleurons industriels sont en difficulté : l'automobile -  la France n'a jamais produit aussi peu de voitures...

M. Éric Bocquet.  - Elles sont produites en Chine !

M. Vincent Delahaye.  - ... mais aussi l'agroalimentaire, le nucléaire, dans lequel nous n'avons pas assez investi (Mme Brigitte Devésa approuve), au point que nous importons de l'électricité issue du charbon.

M. Gérard Longuet.  - Exact !

M. Vincent Delahaye.  - La réindustrialisation ne doit plus être un slogan mais une réalité. Il faut cesser de distribuer des chèques aux électeurs, sans création de richesse, et rendre le travail, la création et l'innovation plus attractifs. Toute baisse d'impôt doit être gagée sur une diminution de la dépense.

Je suis en désaccord sur un point avec la Cour : il ne faut plus parler de « maîtrise » de la dépense mais bien de « réduction ». Nous avons de la marge !

M. Éric Bocquet.  - Où ça ?

M. Vincent Delahaye.  - Félicitations, monsieur le Premier président, pour vos recommandations sur la lutte contre la fraude.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Vincent Delahaye.  - Inflation, hausse des taux d'intérêt, facture énergétique : les prévisions du Gouvernement devraient intégrer les dangers pointés par la Cour des comptes. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2017, le candidat Macron promettait d'investir dans l'avenir en facilitant la vie des étudiants et en réformant des bourses. Cinq ans plus tard, la crise a révélé la précarité de certaines catégories d'étudiants, les non-boursiers notamment. Les mesures de soutien ont perdu en efficacité car le ministère manque de données pour les définir correctement.

La Cour des comptes regrette que la refonte des bourses qu'elle préconisait en 2015 n'ait pas eu lieu et formule de nombreuses critiques.

Selon un syndicat étudiant, rien n'a été fait sur le sujet depuis cinq ans alors que le Gouvernement ne cesse d'en parler. Frédérique Vidal a osé dire que le Gouvernement était « prêt conceptuellement » à revoir le système d'attribution mais que rien ne serait prêt avant la fin du quinquennat. Nous revoilà en 2017 !

Quant au plan « Un jeune, une solution », il coûtera 10 milliards d'euros. En juillet dernier, Élisabeth Borne en fêtait le premier anniversaire, estimant qu'il avait porté ses fruits. Or selon la Cour des comptes, ses mesures n'ont pas eu d'impact réel sur l'emploi des jeunes ; la forte progression des contrats l'apprentissage a essentiellement profité aux étudiants les plus diplômés qui n'ont pas de difficultés à s'insérer et la hausse des CDI et CDD a été compensée par la baisse de l'intérim : il n'y a pas eu création d'emplois nouveaux.

Les dispositifs consacrés aux publics les plus fragiles, les NEET, ainsi que les parcours emploi compétences, n'ont pas atteint leur cible.

Notons que la garantie jeunes a été supprimée avant même d'être évaluée.

Sans transition, j'en viens aux personnes âgées. La Cour des comptes regrette que les réformes structurelles nécessaires pour une meilleure prise en charge médicale en Ehpad n'aient pas été engagées, malgré un soutien financier considérable. Il eût fallu agir sur les conditions de travail des personnels, mieux articuler Ehpad et filières de soins, fixer un cadre national précis pour conditionner l'attribution de concours financiers à la réalisation d'investissement dans les Ehpad.

On lit en filigrane dans le rapport la critique du renoncement du Gouvernement à présenter une loi sur le grand âge et l'autonomie, annoncée en 2018, qualifiée par Édouard Philippe de « marqueur social », et pourtant définitivement enterrée en 2021. Des apports financiers, même importants, ne créent pas un projet de société.

Ce rapport ouvre des perspectives de meilleure efficacité de la dépense publique : soyez-en remercié, monsieur le Premier président. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes .  - Je vous remercie pour votre participation à ce débat. Que le Sénat organise un tel débat plutôt que de réagir à chaud permet d'aller au fond des sujets. La diversité des points de vue exprimés reflète vos convictions et engagements politiques.

S'agissant des finances publiques, la position de la Cour ne doit pas être caricaturée. Nous sortons d'une crise économique de grande ampleur, liée à la crise sanitaire, avec des finances publiques très dégradées. Elles l'étaient déjà avant la crise. C'est un sujet avec lequel nous avons rendez-vous.

La Cour ne fait pas de la dette un totem ou un tabou, ne prône ni l'austérité, ni le retour à l'ordre ancien, ni un ordre nouveau. Elle souligne des problèmes objectifs qui justifient une stratégie de finances publiques qui marche sur ses deux pieds. Il faut davantage de croissance, et partant, des investissements car nous avons des retards à combler, une place à tenir, une compétitivité à consolider. Hier, devant votre commission des affaires sociales, je soulignais qu'il y aurait des dépenses à réaliser dans les Ehpad.

Mais il faut traiter aussi la pente de notre dette, ce qui passe par une maîtrise de la dépense publique. Il y a des secteurs sur lesquels nous dépensons beaucoup plus que nos partenaires européens pour une performance inférieure : on peut dépenser mieux et dépenser moins.

Les marchés regarderont la façon dont nous traiterons cette question : la dette publique ne sera pas annulée, mais elle peut être bien gérée.

Je salue l'excellence de notre coopération avec le Sénat. Des rapports nous ont été demandés par la commission des finances sur divers sujets, tels que le financement des collectivités territoriales ou l'adaptation du parc nucléaire, et par la commission des affaires sociales, sur Santé publique France ou le 100 % Santé. La présentation, en juin, du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques sera l'occasion de faire le point en nous projetant dans une nouvelle mandature.

Nous travaillerons à l'avenir sur beaucoup de questions qui intéressent la Haute Assemblée. Le thème de notre rapport public annuel pour 2023 a été arrêté : il portera sur l'organisation territoriale.

Je me réjouis de l'accord en CMP sur la loi 3DS, qui permettra aux chambres régionales des comptes de procéder à l'évaluation des politiques publiques locales. C'est un véritable changement de culture.

J'aurai plaisir à revenir souvent devant vous pour éclairer le débat public par des éléments chiffrés, objectifs, des analyses, réfutables bien sûr, mais qui visent à mieux gérer la dépense publique, ce qui demeure un impératif catégorique. (Applaudissements sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE et du GEST)

M. le président.  - Merci. Huissiers, veuillez reconduire M. le Premier président de la Cour des comptes.

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Choix du nom issu de la filiation (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative au choix du nom issu de la filiation.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Ce débat, qui se tient dans des circonstances particulières, devrait voir l'adoption de la motion, déposée par votre commission des lois, tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation.

Je le regrette amèrement pour les Françaises et les Français qui espèrent en ce texte. Ils sont des milliers à connaître la difficulté, parfois la souffrance, de supporter leur nom davantage que de le porter. Il ne tenait qu'à vous d'apaiser leurs souffrances en adoptant cette réforme équilibrée et de bon sens.

Je le regrette pour les mères forcées de justifier à tout bout de champ que leur enfant est bien le leur, pour ceux qui traînent leur nom comme un boulet.

À gauche comme à droite, des efforts ont été accomplis pour atteindre un compromis. Hélas, le processus législatif s'est heurté au front du conservatisme. Après l'échec de la CMP, l'Assemblée nationale a donc rétabli l'ossature de son texte.

Son rapporteur avait pourtant répondu aux inquiétudes du Sénat, en particulier à travers le délai de réflexion d'un mois prévu avant le changement à l'état civil. Mais cela n'a pas suffi, et la majorité sénatoriale refuse aujourd'hui le débat. À la vérité, elle refuse de voir que la société évolue et que la loi civile doit s'adapter.

À ceux qui s'arc-boutent, je dis qu'ils font fausse route ; à ceux qui attendent cette réforme, qu'ils peuvent compter sur ma détermination. Oui, n'en déplaise aux esprits chagrins, j'approuve totalement cette réforme de simplification et de justice !

J'ai une affection spéciale pour le Sénat, dont le regard permet le plus souvent de mieux tendre vers l'intérêt général. J'ai apprécié de travailler avec vous, sénatrices et sénateurs de tous les bords. Je salue en particulier la commission des lois et son président.

Eussé-je eu un quelconque doute sur l'utilité du bicamérisme, ces deux années à vos côtés l'auraient à coup sûr dissipé.

Mme Catherine Di Folco.  - Très bien !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Nous avons réalisé ensemble de belles avancées, sur l'initiative du Gouvernement ou du Sénat. Je pense notamment à la loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention et à la loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste, initiées respectivement par M. Buffet et Mme Billon.

Je regrette donc l'issue défavorable de la commission mixte paritaire. Il y a des trains qu'on rate et des trains qu'on refuse de prendre. Je suis triste que vous ne soyez pas montés à bord de cette réforme de bon sens.

Cet après-midi même, je serai à l'Assemblée nationale pour l'adoption définitive de ce texte, une oeuvre utile et une oeuvre juste. J'affirme, sans forfanterie, que l'avenir nous donnera raison.

Mme Marie Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Dominique Vérien applaudit également.) Nous sommes appelés à nous prononcer en nouvelle lecture sur la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation, après l'échec de la CMP.

Important par les principes qu'il met en jeu comme par les conséquences qu'il peut entraîner sur la vie de nombre de nos concitoyens, ce texte a été examiné en toute fin de session, avec une célérité qui ne me paraît pas justifiée.

Nous avons toutefois réussi à mener des travaux sérieux, en faisant appel à l'expertise de nombreux professionnels. Ce sont leurs analyses qui ont fondé notre position, pas des partis pris idéologiques.

Le Sénat n'a pas été hostile à ce texte. Nous sommes conscients de la nécessité de simplifier les démarches de changement de nom pour répondre à certaines situations problématiques. Nous avons convergé avec l'Assemblée nationale sur certains points -  ce que les députés ont semblé oublier.

Plus précisément, nous avons accepté une souplesse accrue sur le nom d'usage, pour apporter une réponse rapide aux majeurs qui souffrent du nom qu'ils portent. Nous avons accepté aussi une procédure simplifiée en cas de choix d'un nom issu de sa filiation. Enfin, nous étions d'accord pour redonner aux adultes le même choix que celui des parents à la naissance de leur enfant.

Par ailleurs, le Sénat a adopté conforme l'article 2 bis, pour que la juridiction se prononce sur un changement de nom du mineur en cas de retrait de l'autorité parentale, et l'article 3, qui supprime l'intervention du tuteur en cas de changement de prénom d'un majeur protégé.

Restaient deux points de divergence, sur la situation des mineurs et le rôle des communes, suffisamment importants pour faire obstacle à un accord.

Un enfant ne fait pas de différence entre un nom d'usage et un nom de famille. Dès lors, l'article premier présente un défaut de conception, puisqu'il repose sur l'idée qu'il serait légitime de changer le nom d'un enfant pour faciliter la vie quotidienne d'un parent ou restaurer l'égalité parentale. Nous avons été soucieux de ne pas perturber l'enfant dans la construction de son identité et sa vie sociale.

Nous n'avons pas accepté non plus la solution proposée par les députés pour répondre à la demande de simplification formulée par le collectif « Porte mon nom ». En effet, ce système pourrait créer des situations instables dans lesquelles un enfant serait nommé différemment chez son père et chez sa mère.

Quant à la procédure de changement de nom simplifiée prévue à l'article 2, ses effets sur les mineurs n'ont pas été suffisamment expertisés.

S'agissant des communes, nous ne voulons pas que la simplification du fonctionnement du ministère de la justice se fasse au détriment des services d'état civil des mairies. La procédure proposée semble avoir été conçue de façon opportuniste, après l'abandon d'un projet de numérisation et compte tenu des retards accumulés.

En première lecture, nous avons proposé une procédure toujours centralisée auprès du ministère, mais simplifiée -  un arrêté aurait suffi  - , en prévoyant des garanties, dont une période de réflexion de trois mois.

Les députés ont rétabli leur dispositif initial, prévoyant certes un délai de réflexion, mais d'un mois seulement, ce qui est insuffisant.

En somme, l'Assemblée nationale a repris peu ou prou son texte de première lecture Ce n'est pas une surprise : après l'examen au Sénat, les députés avaient parlé de détricotage, sans relever les avancées votées par notre assemblée. Je dirais plutôt que nous nous sommes livrés à un reprisage : pour le dire dans un langage fleuri, nous avons tenté de faire une robe de bal d'un sac de pommes de terre... (Sourires)

Notre position a été caricaturée, et le refus de mieux prendre en compte l'intérêt de l'enfant et de renoncer au transfert de tâche supplémentaire aux communes a conduit au blocage. C'est pourquoi la commission vous proposera d'adopter une motion tendant à opposer au texte la question préalable.

Derrière moi, les statues de grands législateurs nous surplombent. À les considérer, ma pensée vagabonde. Et je pense à Antoine Blanc de Saint-Bonnet, qui écrivait en 1845 : « On aime les événements ; cependant, au milieu des choses qui passent, on devrait songer aux lois qui restent. » (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Joël Guerriau applaudit également.)

Mme Esther Benbassa .  - Tout le monde n'a pas la chance de s'appeler Dupond et de naître en Normandie. (Sourires sur certaines travées) Laissez-moi vous raconter mon histoire.

Née à Istanbul, je suis arrivée en France en 1972. Au moment de ma naturalisation, je n'ai pu produire que les documents remis par Israël, où j'avais vécu sept ans. Les erreurs de transcription et de traduction aidant, je me suis un temps appelée « Benbassat ».

Des années durant, je me suis battue pour porter un nom et un prénom qui soient vraiment les miens. Mais le désordre n'a fait que s'aggraver.

Je me suis crue sauvée en arrachant un certificat de naissance à la Turquie. Las ! En turc, je me nomme « Ester Benbasa ». Mes nom et prénom continuèrent ainsi de varier selon les documents. Ceux que vous me connaissez n'ont longtemps été que de plume...

En 2014, je décidai d'être moi-même une fois pour toutes. Mais pour m'appeler Esther - avec un « h », comme chez Racine - Benbassa - seule graphie qui fasse sonner mon nom correctement pour les francophones -, il me fallut demander un changement de nom, qu'enfin j'obtins en 2016. Je ne suis donc l'Esther Benbassa que vous connaissez que depuis cinq ans et demi, après près d'un demi-siècle d'errances onomastiques.

Les motivations qui conduisent à vouloir changer de nom sont nombreuses et touchent toujours à l'intime. Pensons à celles et ceux qui ont été victimes d'inceste ou abandonnés ; aux mères seules qui doivent sans cesse prouver leur lien de filiation.

Simplifier et faciliter : voilà ce que nous aurions dû faire, de concert avec l'Assemblée nationale. Je regrette le choix de la majorité sénatoriale de nous priver d'un débat attendu et utile. Je voterai contre la motion.

M. Hussein Bourgi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le groupe SER regrette l'échec de la CMP, mais il était prévisible, le Sénat ayant vidé la proposition de loi de sa substance.

Comme le garde des Sceaux, je déplore l'absence de compromis sur un tel sujet. Mais Patrick Vignal, l'auteur du texte, ne pouvait tout simplement pas renoncer à l'essence même de son initiative. Or la majorité sénatoriale a opposé un refus de principe.

Nul pourtant ne conteste l'utilité d'une réforme attendue par des milliers de nos concitoyens. C'est un texte de liberté, qui n'impose rien à personne.

Il s'agit de donner aux mères la place qui leur revient dans le nom de leur enfant, particulièrement dans les familles monoparentales, et de soulager la souffrance de nos concitoyens contraints de porter le nom d'un parent violent. Cette proposition de loi représente un espoir pour ceux qui portent le même nom qu'un terroriste, un violeur en série ou un assassin tristement célèbre. Elle simplifie des procédures dont la durée et le coût représentent souvent des freins.

Je peine donc à comprendre la majorité sénatoriale, qui a vu dans ce texte un énième coup porté au modèle familial traditionnel. (Mme le rapporteur le conteste.) Pourtant, nulle intention d'invisibiliser les pères. Il s'agit d'embrasser la diversité des situations familiales.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale allait dans la bonne direction, et nous aurions dû l'enrichir. Il aurait été de bon ton que l'ultime CMP du quinquennat se termine dans la concorde. Hélas, la position de la majorité sénatoriale risque de réduire l'influence de notre assemblée.

Je salue néanmoins notre rapporteur, Marie Mercier, qui a beaucoup travaillé, comme plusieurs d'entre nous, pour améliorer cette proposition de loi.

Ce qui me chagrine le plus, c'est que nos concitoyens qui attendent cette loi puissent penser, à tort ou à raison, que le Sénat a été insensible à leur souffrance. Oui, cela me chagrine pour nous tous. Mais je ne doute pas que nos collègues députés adopteront un texte répondant aux attentes.

À l'occasion de ma dernière intervention du quinquennat, je salue l'ensemble de nos collègues, les services du ministère et les collaborateurs de M. le garde des Sceaux. Depuis mon arrivée au Sénat, voilà dix-huit mois, je me suis plus souvent retrouvé à vos côtés que face à vous. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Nadège Havet .  - La proposition de loi de Patrick Vignal a été adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture à une large majorité.

Elle facilite le changement de nom, qui est possible mais difficile, coûteux et aléatoire. La procédure sera simplifiée, sous la forme d'une démarche en ligne. Tout majeur pourra également ajouter à son nom celui de son deuxième parent.

Cette proposition de loi facilite aussi la vie des parents dont l'enfant ne porte que le nom de l'autre parent. Certaines mères sont contraintes de présenter systématiquement le livret de famille pour prouver leur filiation dans des démarches banales.

Le texte a été substantiellement modifié par le Sénat, qui a supprimé la faculté de substituer le nom d'un parent à celui de l'autre comme nom d'usage et rétabli l'accord de l'autre parent pour adjoindre un autre nom au nom d'usage de l'enfant.

L'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, rétabli son texte initial, acceptant toutefois un délai de réflexion d'un mois après réception de la demande, conformément au voeu du Sénat.

Nous soutenons le texte des députés et voterons contre la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Michelle Meunier applaudit également.)

M. Joël Guerriau .  - Nous regrettons l'échec de la CMP, alors que nos deux chambres partagent le constat d'une procédure de changement de nom trop complexe.

Le nom de famille est parfois un héritage trop lourd à porter. Certains renvoient à des violences ou des abus. D'autres prêtent à rire, mais ne font même plus sourire ceux qui les portent.

La proposition de loi simplifie la procédure de changement, qui suppose pour l'heure un décret. La commission des lois partageait cet objectif, mais entendait maintenir la solennité de la démarche. Il ne s'agit certes pas d'un acte anodin, mais rien ne permet de craindre que nos concitoyens se saisiront de cette opportunité à mauvais escient.

Les points de convergence étaient nombreux. (Mme le rapporteur le confirme.) Je regrette d'autant plus l'échec de la CMP.

Il est opportun de décentraliser la procédure : gérée par le ministère de la justice, elle peut durer jusqu'à sept ans. Mais il faudra donner aux services d'état civil municipaux les moyens dont ils ont besoin.

Modification de l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Je vous informe que le Sénat tiendra séance demain, vendredi 25 février, à quatorze heures trente, pour entendre un message du Président de la République, en application de l'article 18 de la Constitution. Ce message ne sera suivi d'aucun débat.

Par ailleurs, une déclaration, suivie d'un débat, aura lieu la semaine prochaine en application de l'article 50-1 de la Constitution, à la demande du Gouvernement. La Conférence des présidents se réunira le mardi 1er mars, à quatorze heures, pour en fixer les modalités.

Choix du nom issu de la filiation (Nouvelle lecture - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Catherine Di Folco .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous légiférons sur une matière grave, intime et complexe. Toucher au nom, c'est toucher à un marqueur essentiel de l'identification d'une personne, de son histoire et de sa descendance.

Le nom évolue, reflétant les évolutions de nos vies - naissances, mariages, ruptures, décès. Le droit des personnes ne doit être modifié que prudemment, quelles que soient les douleurs vécues - des douleurs que nous comprenons, monsieur Bourgi.

Il convient d'assouplir notre droit dans certaines circonstances. Mais on ne peut changer nos règles communes sur de tels sujets dans la précipitation ou l'émotion. À cet égard, je regrette les conditions d'examen de ce texte.

Nous avons recherché un équilibre entre la stabilité du nom et les libertés individuelles, avec pour seul guide l'intérêt supérieur de l'enfant. Je salue le travail mené par notre rapporteur.

Nous avons suivi le Gouvernement s'agissant de l'adjonction unilatérale du nom, mais aussi à l'article 2, sous réserve de ne pas banaliser la procédure, car changer de nom n'est pas anodin.

La procédure actuelle est certes dysfonctionnelle et lourde. Mais nous regrettons que le texte transfère cette responsabilité aux mairies. Nous aurions préféré un arrêté ministériel.

Les divergences profondes avec le Gouvernement et Assemblée nationale sur la situation des mineurs et la décentralisation de la procédure ont conduit à l'échec de la CMP. Nous regrettons, monsieur le ministre, qu'aucun pas n'ait été fait en direction du Sénat. Vous souhaitiez un texte consensuel et progressiste : il n'y a eu de consensus qu'avec votre majorité et, au bout du compte, le texte a été bien peu enrichi.

Constatant qu'il n'y a plus lieu de poursuivre le débat, le groupe Les Républicains votera la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - Il me paraît impossible de monter à cette tribune sans condamner l'agression insoutenable de la Russie contre l'Ukraine. La France et l'Europe doivent agir vite et fermement contre Vladimir Poutine.

Je salue le travail de notre rapporteur sur ce texte, qui, comme ma collègue Mélanie Vogel l'a souligné en première lecture, s'inscrit dans le combat féministe contre des dominations qui, on le sait, ne s'estompent pas d'elles-mêmes.

Il était une occasion de rendre la loi plus juste. Contraindre les femmes à renoncer à leur nom revient à les invisibiliser. Changer de nom devrait être une simple formalité.

Hélas, la majorité sénatoriale refuse la substitution du nom d'usage, l'adjonction unilatérale du nom de l'autre parent, la procédure simplifiée en mairie.

Décentraliser la procédure désorganiserait les services municipaux ? Il y a près de 35 000 communes, et seulement 4 000 personnes ont demandé à changer de nom en 2020... On est loin d'une submersion !

Les mères célibataires doivent sans cesse prouver que leur enfant est le leur, pour l'inscrire au judo ou prendre l'avion. Là encore, la majorité sénatoriale refuse d'examiner le problème de fond : l'invisibilisation des femmes.

Favorables à ce texte, nous voterons contre la motion.

Mme Éliane Assassi .  - Les divergences entre l'Assemblée nationale et le Sénat ont conduit à l'échec de la CMP. Les jugeant insolubles, la commission a déposé une motion tendant à opposer la question préalable. Nous voterons contre cette motion, car nous étions favorables au texte initial.

Nous déplorons l'absence d'étude d'impact sur ce texte, mais les revendications des 40 000 signataires de la pétition dont ce texte est issu doivent être entendues.

Un nom, en effet, ce n'est pas rien - je vous fais grâce de mon histoire personnelle, car ce n'est pas le lieu. Notre nom nous caractérise comme personne, membre d'une famille, d'une généalogie, d'une histoire. On peut en être fier ou en rougir. Parfois, il relève d'un traumatisme : certains noms sont comme une ombre sur le quotidien.

Le changement de nom est possible, sur justification. Il convient de simplifier la procédure.

Le texte prend en compte l'intérêt supérieur de l'enfant en facilitant le double nom et en évitant que des combats judiciaires soient engagés.

L'argument de la charge supplémentaire pour les mairies ne tient pas, car c'est de toute manière l'officier d'état civil qui porte les changements sur les actes dont disposent les mairies.

Les souffrances à l'origine d'une telle démarche s'inscrivent souvent dans un contexte d'inégalité entre les femmes et les hommes. Les mères ne transmettent pas leur nom à ceux à qui elles donnent la vie. Quant aux pères, nombre d'entre eux restent, parfois bien malgré eux, ancrés dans des archétypes patriarcaux. Cette forme d'invisibilisation des femmes devrait être révolue !

Nous avons bon espoir que l'Assemblée nationale adopte dans sa version initiale ce texte de liberté, dont le caractère progressiste est évident.

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Laure Darcos applaudit également.) Cette proposition de loi est attendue par nombre de nos concitoyens, désireux de changer de nom, pour de multiples raisons.

Il faut, en effet, simplifier la procédure, mais nous ne sommes pas d'accord sur la méthode proposée par les députés, s'agissant notamment de la substitution du nom d'usage pour les mineurs.

La position du Sénat est plus mesurée que celle de l'Assemblée nationale sur le changement de nom de famille. Par ailleurs, les députés veulent transférer la charge de la procédure sur les communes. Un accompagnement financier est-il prévu ?

L'informatisation du traitement des dossiers n'est toujours pas d'actualité au ministère ; en 2018, la Défenseure des droits le déplorait déjà.

Je ne puis que regretter une occasion manquée au regard du travail de notre rapporteur et du peu de différences de fond entre nos positions respectives. Mais pour qu'une négociation ait lieu, il faut que les deux parties y soient ouvertes...

Le groupe UC votera la question préalable. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Guylène Pantel .  - Derrière un nom se noue l'intimité des familles, souvent heureuse mais parfois dramatique. On pense à ceux qui sont obligés de porter le nom d'un parent absent ou maltraitant.

Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut changer de nom de famille, mais la procédure est longue et complexe. Les règles sont plus souples pour le nom d'usage.

Je ne vois aucune raison de ne pas assouplir le droit en vigueur en supprimant l'obligation d'intérêt légitime. Nous soulagerions ainsi bien des souffrances.

Ce texte défend les enfants et nous regrettons sur ce sujet la position de la majorité sénatoriale, pourtant prompte à invoquer l'intérêt supérieur de l'enfant. Oui, il faut garantir aux mineurs un cadre stable, mais ce texte ne retire rien à personne, comme mon collègue Henri Cabanel l'a souligné en première lecture.

Nous ne voterons donc pas la motion déposée par la commission, d'autant que, par principe, nous sommes attachés à ce que les débats puissent se tenir.

La discussion générale close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par Mme M. Mercier, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi n°529 (2021-2022), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative au choix du nom issu de la filiation.

Mme Marie Mercier, rapporteur .  - J'ai largement expliqué les raisons qui ont motivé le dépôt de cette motion. Il s'agit de prendre acte de la situation de blocage dans laquelle nous nous trouvons, malgré les avancées obtenues par le Sénat.

Je regrette les conditions d'examen de ce texte et l'échec de la CMP. Nous n'irons pas au bal, faute de jolie robe, et vous danserez sans nous... (Sourires)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je suis défavorable à cette motion et fort marri d'avoir à danser seul, hypothèse à laquelle je n'aurais jamais songé... (Nouveaux sourires)

M. Philippe Bas.  - Nous avons avec l'Assemblée nationale un désaccord de méthode, qui ne justifie aucun anathème - mais vous vous êtes rattrapé à la fin de votre propos, monsieur le garde des Sceaux, ce dont je vous remercie.

Si la Chancellerie y mettait les moyens, elle pourrait simplifier et accélérer les changements de nom. Mais l'habitude déplorable a été prise, notamment au ministère de la Justice, de vouloir modifier la loi quand l'administration n'est plus capable d'assurer correctement un service public.

Je ne partage pas le postulat étrange selon lequel un changement de nom pourrait effacer un traumatisme profond. Dans la plupart des cas, l'effet placebo ne tiendra pas lieu de thérapie.

Au surplus, ce type de proposition de loi ne prend en compte qu'une partie des personnes qu'il convient de protéger. Je pense aux enfants, pour lesquels un changement de nom peut être perturbant. La convenance des mères est une chose ; mais il y a aussi la protection des plus vulnérables, et c'est de ce côté que je me tiens.

La modernité n'est pas plus une vertu que la fidélité à des principes fondamentaux. Monsieur le garde des Sceaux, vous avez agi trop vite et de manière trop simpliste ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - L'heure n'est pas à la polémique.

M. Philippe Bas.  - Alors, pourquoi me répondez-vous ?

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - J'ai souvent eu l'honneur de vous répondre sans polémiquer. Il m'est même arrivé de vous complimenter - sans doute pas de manière assez appuyée, puisque vous l'avez oublié...

La procédure actuelle est longue et coûteuse. Il faut prendre un avocat et se justifier auprès de l'administration. D'où cette loi de simplification et de liberté. Par les temps qui courent, on a rarement affaire à un tel texte.

Vous dites que je me suis rattrapé. En réalité, je n'ai pas eu à me forcer pour dire l'affection que j'ai pour le Sénat.

Il y a ceux qui souhaitent avancer sur ce texte et ceux qui auront freiné des quatre fers. Il y a les forces vives, qui s'adaptent à la famille moderne et ceux qui ont une conception traditionnelle, et même traditionaliste, de la famille.

Je maintiens que nous avons manqué une occasion de faire oeuvre utile - ce n'est pas une bien grande polémique.

À la demande de la commission des lois, la motion tendant à opposer la question préalable est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°116 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 333
Pour l'adoption 203
Contre 130

Le Sénat a adopté.

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - J'ai cru comprendre que le bal allait bientôt s'arrêter. Je redis que sur le fond nous sommes d'accord sur l'objet du texte ; nous avons simplement un désaccord de méthode. Dont acte.

Merci au garde des Sceaux pour la qualité du dialogue entre la commission des lois du Sénat et la Chancellerie. Le dialogue est permanent et de qualité; je pense à l'initiative d'Annick Billon, qui a abouti à une avancée réelle, ou au texte sur la dignité en prison. Quand on fait preuve d'un peu de bonne volonté, on obtient des résultats ! (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Monde combattant (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, relative au monde combattant à la demande du groupe UC.

Discussion générale

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, chargée de la mémoire et des anciens combattants .  - Ce jour n'est pas comme les autres pour la France et pour l'Europe ; je voudrais commencer par assurer le peuple ukrainien de tout mon soutien et de toute ma solidarité.

Il n'est personne ici qui ignore l'engagement de nos soldats, d'hier et d'aujourd'hui. Aucun sénateur ne mésestime ce que la France doit au monde combattant, celui d'hier, celui d'aujourd'hui, celui de demain. Au-delà de nos appartenances partisanes, des échéances prochaines, de divergences nécessaires au débat public, tous ici présents avons à coeur la reconnaissance mémorielle. Nous tenons au soutien apporté par la Nation aux anciens combattants ainsi qu'à la grande diversité des ressortissants de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG).

Nous sommes résolument attachés à maintenir le monde combattant comme lien essentiel armée-Nation. Il ne doit cesser de faire écho chez tous les Français. C'est le sens de cette proposition de loi à un moment clé de l'histoire du monde combattant. Alors que le dernier compagnon de la Libération s'est éteint, alors que les derniers déportés et résistants nous quittent, alors que les combattants de la guerre d'Algérie approchent des 80 ans, alors que le monde combattant, qui rassemble tout de même 2 millions de personnes, change de visage avec l'émergence de nouveaux profils de ressortissants, de nouvelles habitudes et de nouvelles attentes, j'ai veillé à ce que la maison des combattants demeure l'opérateur principal du monde des armées, un relais entre le monde combattant la société civile et les pouvoirs publics. Je remercie chaleureusement les équipes de l'Office ; elles accomplissent un travail remarquable, au service de toutes les générations du feu, des pupilles de la Nation, des victimes du terrorisme, de nos blessés.

Changer le nom d'une institution plus que centenaire, ce n'est pas que symbolique : la terminologie est toujours un message. L'ONACVG vivra ; la Nation restera mobilisée pour accompagner et soutenir ceux qui servent sous les drapeaux. La solidarité restera l'essence même de l'Office. Je partage votre volonté, madame la rapporteure, et la rédaction adoptée par les parlementaires ainsi que la date d'entrée en vigueur choisie. Longue vie à l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), si vous en décidez ce soir.

Nous avons oeuvré pour le maintien d'un service de qualité de l'Office, pour sa transition numérique, pour l'amélioration de ses relations avec ses ressortissants, pour le renforcement de sa présence au sein des régiments, dans les espaces Atlas. Nous avons sécurisé son action sociale propre dans la durée, en la professionnalisant davantage. Nous avons consolidé la solidarité et affermi la solidarité au bénéfice de tous les ressortissants, tout en maintenant le maillage départemental. Cet engagement, nous l'avons tenu. Le lien humain et la proximité sont essentiels.

Nous avons confié à l'Office un rôle d'opérateur de mémoire et de transmission citoyenne, au coeur des territoires, veillant à la valorisation des nécropoles et des dix hauts lieux de la mémoire nationale. Son sillon est celui de la transmission de proximité.

Je veux vous remercier pour la hauteur de vue de tous les débats que nous avons eus depuis cinq ans. Nous partageons une ambition collective pour faire vivre la mémoire, et nous avons un engagement commun en faveur de la reconnaissance, de l'attention et du respect que la Nation doit au monde combattant. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe SER, ainsi qu'au banc de la commission)

Mme Jocelyne Guidez, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissement au centre et à droite ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.) Je rejoins vos propos sur l'Ukraine, madame la ministre. Ma proposition de loi a été adoptée par le Sénat le 9 mars 2021. Aujourd'hui la commission en souhaite l'adoption conforme.

Le texte modifie, à compter du 1er janvier 2023, la dénomination de l'ONAVG, pour en faire l'ONaCVG, afin de prendre en compte l'évolution du profil des ressortissants de l'Office, au nombre d'un million. La génération actuelle va s'éteindre progressivement. Lui succède une quatrième génération du feu. Ces hommes et, de plus en plus, ces femmes qui reviennent des théâtres d'opérations extérieures peuvent être âgés de 20 ans ; leurs besoins sont très différents de ceux des précédentes générations : ils doivent être accompagnés dans des projets de reconversion professionnelle ou de mobilité géographique. Les missions d'accompagnement liées à la perte d'autonomie et aux invalides de guerre, elles, diminuent, au profit de ces nouveaux programmes d'accompagnement. Il est donc nécessaire de mettre le nom de l'Office en cohérence avec l'évolution de ses missions et de ses usagers.

La quatrième génération du feu aspire à être davantage reconnue ; cette proposition de loi y contribuera. Le changement de nom ne modifie ni les missions, ni l'organisation caractérisée par un maillage territorial dense. En somme, ce texte ne modifie que la désignation de l'Office, pour l'adapter à la réalité du monde combattant et aux évolutions à l'oeuvre.

L'examen en première lecture à l'Assemblée nationale a complété la rédaction par deux amendements de coordination.

Le Conseil d'État a souligné que l'organisation de l'Office n'est pas tout à fait conforme aux règles de bonne gouvernance des établissements publics, puisqu'il est présidé aujourd'hui par le ministre. Il y a là un risque d'inconstitutionnalité. Cet établissement doit disposer d'une autonomie vis-à-vis de son autorité de tutelle, à savoir le ministère des armées. Nous devrons trouver prochainement les moyens de sécuriser juridiquement les règles de gouvernance de l'Office.

Je propose que nous adoptions cette proposition de loi sans modifications ; ainsi l'ONaCVG pourra développer ses actions de reconnaissance et d'accompagnement à l'égard du monde combattant.

Merci à vous, madame la ministre chargée de la mémoire... « et des combattants », devrais-je dire pour respecter l'esprit de ce texte ! Vous avez fait de la jeunesse un axe prioritaire de votre action et avez contribué à ancrer dans cette dernière les valeurs de solidarité et de mémoire, ainsi que l'amour de la patrie. Vous m'avez remis à Brétigny le grade de commandant de la citoyenneté; je vous en remercie.

Je suis auditrice à l'Institut des hautes études de défense nationale, aux côtés de jeunes colonels qui attendent avec impatience la promulgation de cette loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDPI ; Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit également.)

Mme Victoire Jasmin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Dans le contexte actuel de grande tension militaire aux portes de l'Europe, je salue le courage patriotique de ceux qui se battent pour la France. Je remercie Jocelyne Guidez pour ce texte que j'ai eu plaisir à cosigner, ainsi que Gisèle Jourda. C'est l'occasion de rappeler l'impérieuse nécessité d'honorer, en dehors même des commémorations officielles, la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés pour la France. L'action de Jean-Marc Todeschini comme Secrétaire d'État est également à saluer : il a contribué à une sanctuarisation des droits de tous les anciens combattants. C'est cette même logique de reconnaissance qui préside à la présentation de ce texte, qui modifie l'appellation de l'ONACVG à compter du 1er janvier 2023 pour en faire l'ONaCVG. La modification sémantique symbolise notre attachement à cet opérateur public centenaire et la prise en considération des mutations du monde combattant.

Nous demeurons opposés à toute tentative de régionalisation de l'Office. Depuis 2018, j'ai rencontré toutes les associations d'anciens combattants de Guadeloupe : la demande de proximité est bien réelle, en outre-mer en particulier. De nombreux ultramarins ont été mobilisés sur les champs de bataille, ainsi M. Octave Perrette, qui vit toujours, bon pied bon oeil à 105 ans. Sa famille souhaite un geste fort dans sa commune, mais on lui oppose qu'il vit dans l'Hexagone. Je pense aussi à Loïc Liber, l'une des victimes de Mohamed Merah à Montauban, tétraplégique, isolé ici, et qui souhaite rentrer chez nous : il faudrait faire le nécessaire ! Allons donc au-delà de ce qui se fait actuellement!

Le groupe SER votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc de la commission)

M. Martin Lévrier .  - Nous examinons ce texte dans un moment très particulier. Je m'associe aux propos de la ministre sur l'Ukraine.

L'histoire du monde combattant est celle de la France. Elle a forgé une part de notre identité collective. Alors que nous débattons, des militaires sont engagés sur des théâtres extérieurs. Je les salue. Je salue aussi la mémoire d'Alexandre Martin mort il y a un mois, à 24 ans, dans une attaque au mortier contre la principale base de l'opération Barkhane, près de Gao.

Nous soutenons l'initiative de Jocelyne Guidez de renommer l'ONACVG en ONaCVG. C'est un trait d'union entre anciens et actuels combattants. Nous partageons l'enjeu de la reconnaissance et de la transmission de la mémoire. Je ne puis imaginer qu'une fin heureuse pour ce texte, qui s'accorde à toutes les mesures prises durant ce quinquennat : plan Ambition armées-jeunesse, revalorisation d'ampleur des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant en loi de finances pour 2022, hausse des crédits pour la Journée défense et citoyenneté au sein du programme 169, service militaire volontaire, attribution de la carte de combattant aux soldats déployés en Algérie entre juillet 1962 et juillet 1964, extension de la reconnaissance des conjoints survivants des grands invalides de guerre,...

Madame la ministre, vous avez répondu à nombre de demandes anciennes des associations.

Nous sommes profondément attachés à ceux qui ont porté et portent encore nos armes. Nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-Louis Lagourgue .  - Nos forces armées sont engagées au Sahel. Elles constituent la seule armée complète en Europe. Ces hommes et ces femmes protègent notre territoire et les intérêts de notre pays au péril de leur vie.

La proposition de loi dépasse le changement de dénomination de l'ONAVGV. Cet office centenaire accompagne les anciens combattants et leurs familles. Il a évolué en même temps que le monde combattant. Nous entrons dans une nouvelle phase de sa transformation. La reconnaissance, la réparation, la solidarité et la mémoire sont au coeur de sa mission. Je salue son travail sur tout le territoire, au plus près de nos concitoyens.

Le changement de nom n'est pas symbolique. Il préserve la sonorité du sigle mais correspond aux attentes nouvelles. Ce texte équilibré devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2023.

Les débats ont été constructifs. La paix n'est jamais acquise, les tensions internationales s'exacerbent, il nous faut pouvoir compter sur la volonté d'action de nos soldats. Nous devons donner à l'Office les moyens suffisants de mener ses missions, notamment pour accompagner le retour des combattants à la vie civile.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et au banc de la commission ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission) Je salue le travail de Jocelyne Guidez sur ce texte et m'associe aux propos de la ministre en soutien au peuple ukrainien.

Hier avait lieu un débat relatif à l'engagement de la France au Sahel. Les notions de respect et de mémoire ont été évoquées, en hommage à nos soldats tués en opération.

Nous soutiendrons la proposition de loi.

Fin janvier, nous avons examiné le projet de loi de reconnaissance des harkis, dont les articles 3 et 4 chargent l'ONACVG de l'instruction des dossiers. Cela illustre le rôle important de cet office.

L'ONACVG mène un important travail de mémoire. Il soutient l'engagement des jeunes, avec les Bleuets de France ou le concours national de la résistance et de la déportation.

Je vous remercie, madame la ministre, de nous recevoir régulièrement avec Jocelyne Guidez pour évoquer le budget consacré aux anciens combattants, d'un peu moins de 2 milliards d'euros. Les deux opérateurs principaux sont l'ONAC et les Invalides. Je regrette la baisse régulière des effectifs de l'office, de 1 636 ETP en 2016 à 805 aujourd'hui. Il compte 104 services déconcentrés sur tout le territoire, ainsi qu'en Algérie et au Maroc, et mène un important travail social.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi en faveur du monde combattant, en insistant sur le rôle de relais que l'Office joue sur le terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI, ainsi qu'au banc de la commission ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

M. Guy Benarroche .  - Je suis obligé d'évoquer l'Ukraine : j'espère que le Gouvernement saura faire preuve de solidarité avec l'Ukraine et de fermeté avec Poutine. Mobilisons-nous pour défendre l'Ukraine, et donc l'Europe.

Ni la nature ni l'objectif de la proposition de loi n'ont été modifiés par les députés, qui n'y ont apporté que des modifications techniques. Comme en première lecture, le GEST la votera.

L'ONAC doit refléter une image fidèle de toutes celles et de tous ceux qui combattent. Tant d'éligibles ne font pas la demande de la carte d'ancien combattant... L'Office renvoie une image dépassée. Et les associations d'anciens combattants peinent à fédérer les jeunes générations.

De fait, le monde combattant change de visage : il est plus jeune, plus féminisé, diversifié. Les plus jeunes ont un rapport exclusivement professionnel à leur service. Il est entièrement légitime que le nom de l'office reflète ce changement; c'est pourquoi le GEST l'accueille favorablement, comme un encouragement à une réflexion sur le futur de la politique à l'égard du monde combattant.

L'entretien de la mémoire des anciens combattants doit s'accompagner d'une réponse aux besoins de la nouvelle génération, à son retour à la vie civile ou à sa reconversion professionnelle.

Tout en comprenant l'attachement au sigle actuel, nous regrettons l'abandon de la dénomination qui faisait référence au « monde combattant » : la faible visibilité des femmes dans l'armée se perpétue... Nous avons pourtant la quatrième armée la plus féminisée au monde - même si, pacifiste, j'hésite à m'en réjouir.

Malgré cette réserve sémantique, et pour assurer une adoption rapide, nous n'avons pas déposé d'amendement. Et nous voterons la proposition de loi. (Applaudissements au banc de la commission ; M. Laurent Lafon applaudit également.)

M. Fabien Gay .  - Cette proposition de loi modifie le nom de l'ONACVG, afin de tenir compte des évolutions du monde combattant. Les menaces sur l'Ukraine, à laquelle nous adressons notre soutien, en illustrent l'actualité.

Le 9 février 2022, le Sénat a adopté la loi de reconnaissance des harkis et des rapatriés d'Algérie. Alors que nous commémorerons le 19 mars la fin de la guerre d'Algérie, il faut poursuivre le travail de recherche et de mémoire, sur la colonisation et sur la guerre d'Algérie.

Les associations souhaitaient moderniser l'ONACVG afin d'attirer les jeunes, qui ne se reconnaissent guère dans l'ancien opérateur. Il devient ainsi l'Office national des combattants et des victimes de guerre, ONaCVG.

Ce changement ne se limite pas à une question sémantique.

Il est impératif d'améliorer la prise en charge des combattants blessés et victimes de psycho traumatismes. Il faut aussi soutenir l'accompagnement social et culturel des anciens combattants. L'association républicaine des anciens combattants, créée par Henri Barbusse et Paul Vaillant Couturier en 1917 pour mener des actions culturelles, connaît des difficultés financières. Elle doit être soutenue.

Les associations d'anciens combattants ne sont pas seulement des porte-drapeaux lors des cérémonies, mais des acteurs de la paix et de la citoyenneté. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes SER et Les Républicains, ainsi qu'au banc de la commission)

Mme Brigitte Devésa .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En ce jour où l'Ukraine s'est réveillée sous les bruits sourds de la guerre, et où celle-ci frappe aux portes de l'Europe, je pense à nos soldats, à nos héros. J'adresse le salut de la patrie au peuple ukrainien.

Cette proposition de loi qui modifie le nom de l'ONACVG et en fait l'ONaCVG a été construite avec les associations du monde combattant. La modification de l'intitulé n'est pas seulement un symbole. Les jeunes combattants doivent pouvoir se sentir associés à l'Office, qui délivre la carte de combattant après un minimum de quatre mois de service, soit une campagne d'Opex. Ils doivent pouvoir être accompagnés dès leur première mission.

La France doit s'occuper de tous ceux qui ont choisi le métier des armes ou ont été appelés sous les drapeaux, dans les conflits passés, mais aussi à présent dans le cadre des Opex - la quatrième génération du feu.

Il y a 36 000 titulaires de la carte du combattant chez les anciens d'Algérie, dont les plus jeunes ont 80 ans. Ceux qui oeuvrent au Sahel sont à la fois nos sentinelles et nos boucliers, comme l'a dit le Président de la République.

La carte du combattant compte 1 million de titulaires, chiffre qui va malheureusement décroissant : ils sont environ 30 000 à ne pas la demander.

La proposition de loi ne modifie en rien les missions de l'Office. En complémentarité avec le ministère des Armées, il accompagne le retour à la vie civile.

L'appellation active de combattant sensibilisera, je l'espère, les jeunes générations au devoir de mémoire. La mémoire des actions de nos militaires, parfois au péril de leur vie, constitue une composante importante de notre sentiment partagé d'appartenance à la Nation.

Cette proposition de loi est plus que symbolique, mais elle a la force du symbole. Elle amorce une évolution nécessaire de la politique en faveur du monde combattant et modifie le regard de la société.

Le Gouvernement voulait déposer un amendement - irrecevable - sur les modalités de nomination du président du conseil d'administration de l'Office. Il faudra y revenir à la faveur d'un autre texte, pour que le président du conseil d'administration soit nommé en Conseil des ministres, à l'instar du directeur général. Il y va de l'indépendance de l'opérateur et le soutien du groupe UC vous sera acquis.

Je salue le travail des députés qui nous renvoient un texte amélioré. Nous le voterons. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur quelques travées des groupes SER et Les Républicains, ainsi qu'au banc de la commission)

M. Jean-Claude Requier .  - Ceux de 14, de 39-45, d'Indochine, d'Algérie, tous font la fierté de notre pays, sans oublier les forces supplétives dont nous avons parlé en examinant un texte portant reconnaissance de l'engagement des harkis. Leur sacrifice justifie les hommages et les attentions.

L'État développe une politique ambitieuse fondée sur la mémoire et la réparation. Cette politique est régulièrement enrichie au Sénat, car nous recevons de nombreux témoignages de combattants sur nos territoires.

Ce texte qui modifie l'appellation de l'ONACVG recueille l'approbation du RDSE. Les combattants d'aujourd'hui seront les anciens de demain. Ceux qui se sont engagés dans les grandes guerres et les guerres d'indépendance disparaissent, mais cela ne doit pas conduire à l'oubli : la politique de mémoire doit contribuer à la conscience et l'engagement de nos jeunes.

L'image du soldat change. Plus de 27 000 cartes ont été attribuées aux anciens d'Afghanistan. Je salue aussi nos militaires déployés au Sahel : ils ont remporté des succès opérationnels. Je rends hommage aux 53 morts pour la France.

Au sein des nouvelles générations de combattants, on le sait, il y a plus de femmes et plus d'actifs, moins d'invalides de guerre, ce qui modifie les besoins auxquels doit répondre l'Office. Membre de la commission des finances, je salue leur prise en compte dans le nouveau contrat d'objectifs et de performance 2020-2025.

Au-delà du changement de nom, cette instance symbolise la France, la patrie et la République. (Applaudissements)

Mme Isabelle Raimond-Pavero .  - La présente proposition de loi va bien au-delà du seul changement de dénomination de l'ONACVG. Elle nous invite à une réflexion plus globale sur le monde combattant.

Je salue la mémoire de ceux qui ont sacrifié leur vie pour la France. Mes pensées vont également à nos soldats et à leurs familles, qui oeuvrent pour notre sécurité, la défense de nos valeurs et la paix, en ces temps graves de troubles et de tensions : je m'associe à la solidarité exprimée envers le peuple ukrainien.

Je tiens aussi à rendre hommage aux associations d'anciens combattants, qui ont construit un socle mémoriel pour tous nos citoyens depuis des décennies, en particulier les jeunes.

Cette proposition de loi témoigne de l'évolution de l'état du monde et de notre société. La paix, précieuse, n'est jamais acquise. N'oublions jamais que l'Union européenne, c'est l'Europe de la paix.

Ce texte offre une meilleure reconnaissance aux différentes générations de combattants. Un travail de rapprochement entre les institutions et les associations doit être mené.

Le rôle de l'Office est essentiel. Il a évolué au fil du temps. En 1935, la fusion de plusieurs opérateurs a donné naissance au premier office national, qui prend son nom actuel après la Seconde Guerre mondiale.

Il intervient auprès des combattants et de ceux qui sont affectés par la guerre - veuves, blessés, pupilles de la Nation. Sa modernisation se poursuit et son budget devra rester à la hauteur de ses missions.

Cette proposition de loi est une initiative bienvenue pour une meilleure reconnaissance de nos combattants. Le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

L'article unique est adopté.

En conséquence, la proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Certification de cybersécurité des plateformes numériques (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, pour la mise en place d'une certification de cybersécurité des plateformes numériques destinée au grand public, à la demande du groupe UC.

Discussion générale

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Les deux chambres ont enrichi et adopté en première lecture cette proposition de loi du sénateur Lafon, déposée le 15 juillet 2020.

La menace cyber va croissant, les attaquants redoublant d'imagination contre les citoyens, les entreprises, les administrations, les établissements de santé, sous diverses formes. Ces derniers mois, les tentatives d'arnaques au compte formation ont ainsi explosé.

Les risques sont cependant mieux connus, grâce à de vastes campagnes d'information. Nous avons adopté des réflexes d'hygiène numérique en matière de lutte contre le risque cyber.

Je salue le travail de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) et des équipes de cybermalveillance.gouv.fr, qui luttent quotidiennement contre ces menaces.

La lutte contre ce phénomène appelle une réponse systémique européenne et un changement des usages.

C'est le sens des travaux engagés au niveau européen pour l'adaptation de notre cadre réglementaire, dans la droite ligne du Règlement général sur la protection des données (RGPD). Nous soutenons notamment une révision ambitieuse de la directive Network and Information Security (NIS).

Il faut également poursuivre l'information des consommateurs pour modifier les comportements. Cela a fonctionné en matière d'alimentation avec le Nutriscore et nous pouvons nous en inspirer. Les conditions générales d'utilisation contiennent de nombreuses informations pour un consommateur avisé, mais elles semblent peu exploitables pour le plus grand nombre. Nous devons aller vers plus de transparence. La cybersécurité souffre d'une image de science froide, seulement accessible aux initiés : il faut rendre le sujet plus accessible.

Je réitère le soutien du Gouvernement à cette proposition de loi, qui a quelque peu évolué depuis son dépôt, au gré d'aménagements constructifs. Il reviendra à l'exécutif de préciser plusieurs éléments ; nous nous y emploierons.

La direction prise est la bonne : plus grande information du consommateur, plus grande transparence de cette information. Les bases d'un cercle vertueux sont ainsi posées. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Laurent Lafon et Pierre Louault applaudissent également.)

Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure de la commission des affaires économiques .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La commission a adopté à l'unanimité ce texte de création d'un cyberscore visant à informer les consommateurs sur la sécurité des solutions numériques qu'ils utilisent. L'enjeu est de taille.

Le rapport Meurant-Cardon indique que 43 % des entreprises françaises ont connu un problème de cybersécurité en 2020, que 16 % des cyberattaques ont menacé la survie des entreprises concernées et que les attaques au rançongiciel ont été multipliées par quatre en un an.

Quant au rapport Babary-Gatel, il a montré que 30 % des collectivités territoriales en ont été victimes en 2020, mais que peu ont pris des mesures.

Entreprises et collectivités territoriales sont désormais mieux informées, mais l'information des consommateurs demeure insuffisante, à l'heure où nous utilisons de plus en plus de solutions numériques pour le travail et les loisirs, sans être toujours très précautionneux. Les attaques et incidents sont de plus en plus fréquents ; nos habitudes, elles, n'évoluent pas en conséquence.

L'article premier porte sur le périmètre du texte. Nous avions souhaité inclure les plateformes numériques les plus utilisées, ainsi que les logiciels de visioconférence. Finalement, l'Assemblée nationale a retenu la notion d'opérateurs, à laquelle les logiciels de messagerie instantanée et de visioconférence ont été ajoutés.

Un deuxième enjeu concerne la nature du dispositif ; le Sénat souhaitant qu'il ne soit ni trop coûteux ni trop contraignant pour les PME. Un équilibre a été trouvé avec un audit de cybersécurité réalisé par des prestataires agréés par l'Anssi.

Enfin, le contenu de l'audit sera défini par arrêté ministériel. Il portera sur la sécurisation, mais aussi la localisation, des données ; nous y sommes favorables, car une localisation européenne offre des garanties supérieures de sécurité en matière juridique notamment.

Mais la localisation ne peut être le seul critère. Il convient également d'examiner les standards de stockage des données. La Commission européenne doit attester que le niveau de protection est le même dans tous les États membres. Une telle décision d'adéquation vis-à-vis des États-Unis a été récemment invalidée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt Privacy Shield. C'est crucial : des données peuvent se trouver sur des serveurs et dans des centres de données localisés dans l'Union européenne, mais hébergés par des logiciels de cloud américain... C'est la limite du label cloud de confiance.

Le dernier point concerne l'information du consommateur et la présentation du dispositif, qui devra être claire et lisible, avec un système de couleurs.

Nous avions supprimé l'article 2 relatif aux règles applicables à la commande publique et l'Assemblée nationale nous a suivis, ce qui permet de recentrer le texte sur l'information du consommateur.

Enfin, le délai d'entrée en vigueur est fixé au 1er octobre 2023, ce qui nous semble cohérent au regard du temps nécessaire à la conduite des audits.

Nous souhaitons être associés aux consultations qui précéderont l'élaboration des mesures réglementaires.

Ce texte a été soumis à la Commission européenne : ses remarques pourront être prises en compte dans le cadre des textes réglementaires.

Les modifications votées par l'Assemblée nationale vont dans le bon sens. Aussi, nous vous proposons d'adopter ce texte conforme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, au banc de la commission et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Ludovic Haye .  - Ce début d'année constitue une nouvelle étape dans l'utilisation d'internet dont l'ONU veut garantir le droit. Mais il représente aussi une menace, économique et de sécurité. Souvenons-nous de la panne généralisée de Facebook, Instagram et WhatsApp le 4 octobre 2021, avec une perte d'un demi-million de dollars par heure...

Les cyberattaques ne cessent d'augmenter et le traçage des auteurs demeure difficile. En 2021, la liste des établissements de santé visés par des rançongiciels n'a cessé de s'allonger.

Les pouvoirs publics doivent se mobiliser davantage. Le Gouvernement s'est fixé des objectifs ambitieux et y consacrera 720 millions d'euros de financement public d'ici 2025, pour faire émerger trois licornes françaises et stimuler la recherche.

Le campus cyber inauguré le 15 février dernier rassemble des acteurs publics et des entreprises de la cybersécurité. Plus de 1 600 personnes devraient y travailler à terme : salariés d'entreprises, agents de l'Anssi, policiers, gendarmes...

La cybersécurité constitue une priorité de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (PFUE) ; je pense notamment à la révision ambitieuse de la directive NIS.

Cette proposition de loi concerne les opérateurs de plateformes, de messagerie et de visioconférence. Elle porte aussi sur la localisation et le stockage des données, avec un objectif de transparence. Au même titre que le nutriscore, le cyberscore permettra aux citoyens de savoir comment sont protégées leurs données personnelles.

Nous soutenons ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission)

M. Joël Guerriau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Pierre Louault applaudit également.) Une part toujours plus importante de nos vies se déroule en ligne et la pandémie a renforcé ce phénomène. Les services se dématérialisent de plus en plus et le contact humain se réduit. Quelle entreprise peut se passer d'internet aujourd'hui ?

Cette évolution présente de nombreux avantages, mais n'est pas sans risques : les attaques se multiplient, paralysant entreprises, hôpitaux, particuliers. Dernier exemple en date, l'attaque contre Transavia, dont les données ont été piratées.

Nous devons protéger nos données. Le RGPD garantit une protection juridique, mais non technique. C'est à ce besoin que répond le présent texte.

Il s'agit d'évaluer le niveau technique de cybersécurité des sites auxquels nous avons recours, grâce à un audit qui permettra d'éclairer le consommateur. L'Anssi a un rôle d'expertise, mais aussi de pédagogie à jouer. Faisons des entreprises les acteurs de leur propre sécurité en ligne. Il s'agit d'une étape cruciale : la faille de sécurité se situe souvent entre la chaise et le clavier ; nos concitoyens doivent devenir plus exigeants.

Dans cette perspective, ce texte représente un réel progrès. Notre souveraineté est aussi numérique : nos données seront d'autant mieux protégées qu'elles seront hébergées sur notre sol et soumises à nos tribunaux, en dépit de la mainmise américaine.

Ce texte renforce la sécurité de nos compatriotes ; notre groupe votera en faveur de son adoption. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC, ainsi qu'au banc de la commission)

M. Cyril Pellevat .  - Cette proposition de loi créant un certificat de sécurité pour les plateformes grand public traite d'un sujet capital. Si le RGPD est une immense avancée en matière de protection des données, encore faut-il que les utilisateurs soient protégés des actes malveillants. Pas plus tard que le mois dernier, une grande ville de Haute-Savoie a vu ses services informatiques paralysés pendant plusieurs semaines. Un grand nombre de personnes sont conscientes de cette menace grandissante, mais cette prise de conscience demeure insuffisante. Nombre d'entreprises ont recours à des plateformes non sécurisées qui les exposent à des risques. C'est le manque d'information qui est en cause, d'autant qu'il n'existe aucune obligation de certification.

Le législateur se devait de combler ces lacunes. Je remercie Laurent Lafon pour son initiative qui améliorera l'information des utilisateurs de plateformes et sécurisera les services des acteurs publics via la mise en place d'un cyberscore. Si je peux comprendre pourquoi le Gouvernement et la commission ont supprimé l'obligation de certification, lui substituant une auto-évaluation des acteurs, il sera nécessaire de donner des moyens de contrôle aux services de l'État.

J'insiste sur la nécessité de garantir la prise en compte des enjeux de cybersécurité par les acteurs publics : l'État doit montrer l'exemple. Nous devons aussi améliorer les pratiques des entreprises : un crédit d'impôt à la numérisation des entreprises pourrait être un outil pertinent.

Mon groupe votera pour cette proposition de loi qui représente indéniablement une avancée, mais j'invite à pousser plus loin la réflexion. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Daniel Salmon .  - La problématique de l'exploitation des données personnelles par les plateformes est un sujet majeur. Elle touche aux questions de transparence et de souveraineté numérique. Nous saluons donc cette initiative.

Si l'évolution des technologies favorise une expansion bienvenue du télétravail, la cybersécurité est trop sous-estimée. Nous devons continuer de sensibiliser citoyens, entreprises, collectivités territoriales et pouvoirs publics, qui sont vulnérables aux cyberattaques.

D'après l'Anssi, le nombre de cyberattaques a été multiplié par quatre en 2020; la question de la sécurité des systèmes est donc primordiale. Cette proposition de loi est un pas supplémentaire vers plus de transparence et de droits pour les internautes, après le RGPD et le Cybersecurity Act.

Nous soutenons la mise en place d'un cyberscore, clair et compréhensible.

Je m'interroge néanmoins sur la portée du texte, limitée aux services numériques les plus utilisés selon un seuil fixé par décret. Pour garantir une réelle efficacité, ce décret devra s'ajuster au mieux à la réalité des entreprises. Si la commission et l'Assemblée nationale ont justifié cet aménagement par la nécessité de ne pas contraindre exagérément les petites entreprises, celles-ci ont au contraire tout à gagner d'un dispositif renforcé.

Nous saluons l'élargissement du périmètre de l'article premier aux systèmes de messagerie instantanée, l'agrément des prestataires par l'Anssi ainsi que la prise en compte de la localisation des données.

Nous regrettons cependant que le texte renvoie des points essentiels au pouvoir réglementaire, lui laissant une très large marge d'appréciation : le Parlement devra demeurer vigilant.

Une première pierre est posée avec cette contribution au renforcement de la sécurité des données de nos concitoyens. Nous voterons pour. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission)

M. Fabien Gay .  - (Applaudissements au banc de la commission) Cette proposition de loi est bienvenue. Aucune disposition ne garantit l'information du consommateur quant à la sécurité de la solution numérique qu'il utilise. C'est donc une avancée vers plus de transparence et plus de droits pour les internautes.

C'est essentiel pour l'économie, mais aussi pour la démocratie ; les enjeux de cybersécurité doivent être rendus plus transparents face à l'hégémonie des Gafam.

Les cyberattaques se multiplient contre les établissements de santé - à Dax, Villefranche-sur-Saône ou Rouen -, les PME, les collectivités territoriales ; un travail de sensibilisation doit donc être entrepris.

Aussi la mise en place d'un cyberscore, sur le modèle du nutriscore, est-elle une bonne chose.

Autre point positif : le système d'auto-évaluation des entreprises concernées. Une contrainte plus lourde a été retenue par l'Assemblée nationale : un audit de sécurité devra être réalisé par un prestataire agréé par l'Anssi et aura trait non seulement à la sécurité, mais à la localisation des données, qui n'est pas, tant s'en faut, un sous-critère. Cette localisation est en effet un enjeu de souveraineté technologique majeur. Il est anormal que 90 % de nos données soient hébergées aux États-Unis. Nous devons remédier au manque incroyable de data centers en Europe et relocaliser nos données comme nous relocalisons notre industrie.

C'est pourquoi, malgré un champ limité, cette proposition de loi pose un jalon utile dans une prise de conscience collective. Une campagne de communication sur l'intérêt de cet outil sera nécessaire. Nous voterons pour cette proposition de loi. (Applaudissements au banc de la commission ; MMLudovic Haye et Laurent Lafon applaudissent également.)

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission) L'usage du numérique fait partie de notre quotidien, dans la sphère privée, professionnelle ou publique : impossible de faire sans. Cette révolution est porteuse de nombreuses opportunités.

Des risques existent néanmoins ; notre devoir de législateur est de nous en préoccuper. La pandémie a accéléré la numérisation de nos usages, y compris l'entretien du lien social. Près de 50 % de la population mondiale utilise aujourd'hui les réseaux sociaux et malgré une médiatisation croissante des malwares, la culture du numérique et de ses dangers est loin d'être ancrée. Du côté des entreprises et des administrations, on se préoccupe de plus en plus des enjeux de cybersécurité, porteurs de risques économiques : pas moins de 88 % des organisations du secteur public ont subi au moins une cyberattaque ayant causé des dégâts au cours des deux dernières années.

Les risques sont réels aussi pour le grand public. Faire de la pédagogie, rappeler que la cybersécurité est l'affaire de tous, est un enjeu citoyen. Si 96 % des Français se disent conscients des risques que leur fait courir l'usage du numérique, ils reconnaissent ne pas l'avoir intégré à leurs usages. La méfiance est pourtant de mise dès qu'il s'agit de télécharger des contenus ou de participer à une visioconférence. La sécurité des données est essentielle; les usagers ont besoin de solutions simples et accessibles, or aucune disposition ne garantit aujourd'hui l'information du consommateur.

La proposition de loi vise à mettre en place une certification de sécurité pour les plateformes numériques, sur le modèle du Nutriscore. Cet outil doit être simple et lisible; un système d'information coloriel semble donc le plus adapté. L'enjeu est de construire un monde numérique plus sûr.

Cette problématique doit être abordée à l'échelle européenne. Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures comptez-vous défendre en matière de sécurité numérique dans le cadre de la PFUE ?

Je salue la rapporteure Loisier, ainsi que Laurent Lafon qui a déposé ce texte il y a plus d'un an et demi. Il est grand temps que cette proposition de loi soit votée et mise en oeuvre ; le groupe UC votera pour. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission ; M. Laurent Somon applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements au banc de la commission ; M. Pierre Louault applaudit également.) Ce texte s'inscrit dans une série de travaux réalisés sur le numérique, comme la proposition de loi sur le libre choix du consommateur dans le cyberespace, celle relative au statut des travailleurs des plateformes numériques, ou encore la mission d'information sur la lutte contre l'illectronisme créée à l'initiative de mon groupe.

La cybersécurité est un enjeu de longue date, dont la pandémie a renforcé la prégnance. On déplore un retard français en matière de culture de cybersécurité, comme l'a rappelé récemment le directeur de l'Anssi. Face aux risques de cyberattaques, nous sommes tous vulnérables. La majorité du Sénat s'est donc montrée favorable à l'adoption de la proposition de loi par un vote conforme.

Le contenu du texte a quelque peu évolué par rapport à sa version initiale - inclusion des services de messagerie instantanée, compétence de l'Anssi à l'égard des prestataires, inclusion de la localisation des données parmi les critères de sécurité. La création du cyberscore, outil pédagogique, est une bonne chose, même si, comme son équivalent alimentaire, le Nutriscore, il peut cacher des situations hétéroclites. Le renvoi à des seuils à définir par décret doit nous inciter à la vigilance. Cette proposition de loi, pour utile qu'elle soit, n'est qu'un début : son entrée en vigueur ne se fera qu'au second semestre 2023.

Notre groupe votera pour son adoption tout en gardant à l'esprit les défis à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur quelques travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc de la commission) Ces dernières années, plusieurs affaires ont secoué le monde de l'industrie numérique. Le stockage des données dans le cyberespace nous expose à des attaques qui se sont multipliées à un rythme exponentiel. Les acteurs de ce marché développent de nouveaux usages basés sur le calcul algorithmique, encouragés par un modèle économique complexe : on parle désormais de data lakes - lacs de données - et non plus de bases de données. La crise a amplifié ce phénomène ; la dématérialisation de notre société s'est amplifiée, tandis que la relation de confiance se dégradait entre citoyens et géants du numérique.

En 2018, le RGPD a constitué une avancée majeure, avec toutefois des failles manifestes. Devant la Commission supérieure du numérique et des postes, les experts ont fait part de leurs inquiétudes : les cybercriminels se sont professionnalisés et mondialisés ; leur capacité à nuire s'est développée plus rapidement que notre capacité à nous protéger. Les événements tragiques à l'Est - que je condamne, en apportant mon soutien au peuple ukrainien - montrent que les cyberattaques sont soit le préalable soit le complément de tentatives de stabilisation de gouvernements.

Il faut lancer une campagne de sensibilisation massive sur les risques encourus dans l'espace numérique, comme l'a montré la commission d'enquête sur la souveraineté numérique présidée par Franck Montaugé : dans un univers numérique marqué par une forte asymétrie entre ceux qui contrôlent les algorithmes et ceux qui utilisent les plateformes, il reste encore beaucoup à faire pour garantir le respect des droits des particuliers. C'est essentiel dans notre démocratie.

La mise en place du cyberscore sensibilisera massivement la population. Veillons à ce que l'essor du numérique soit source d'émancipation et non d'aliénation.

Le groupe SER votera cette proposition de loi qui marque un premier pas dans notre prise de conscience collective. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc de la commission)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté, ainsi que l'article 3.

Intervention sur l'ensemble

M. Laurent Lafon .  - Je remercie le ministre pour sa coopération très utile. La rapporteure a considérablement enrichi ce texte. Je la remercie très sincèrement, ainsi que la présidente de la commission des affaires économiques, qui a permis l'examen selon la procédure de législation en commission pour qu'il soit adopté rapidement.

Cette proposition de loi est une étape. Elle sort la question de la cybersécurité du cercle des spécialistes. Elle sensibilise les uns et les autres. La cybersécurité est aussi un enjeu économique : en soutenant cette proposition de loi, nous soutenons les entreprises françaises qui travaillent dans ce secteur.

Espérons que l'état d'esprit de coopération qui a présidé à l'examen du texte perdure dans la rédaction du décret. Continuons à travailler ensemble. (Applaudissements au banc de la commission)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.

Outils de gestion des risques climatiques en agriculture (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Lutter contre les pertes de récolte a toujours été très important au cours de notre histoire, car elles ont toujours été synonymes de famine et d'appauvrissement des agriculteurs. Ils ont lutté contre ce fléau en stockant du fourrage, en inventant l'irrigation ou le drainage. Plus récemment, ils ont combattu la grêle par des filets et le gel par des tours.

Ce sujet nous imposait d'éviter la politique politicienne. J'ai travaillé à modifier ce projet de loi pour en faire un vrai projet de loi d'orientation budgétaire. Nous voulions en effet graver dans le marbre le montant de 600 millions d'euros plusieurs fois annoncé par le ministre l'agriculture et le Président de la République.

Nous voulions davantage de prévention, avec la possibilité de baisser le prix des assurances et de moduler la dotation jeune agriculteur (DJA).

Nous voulions plus de garanties avec la reconnaissance des particularités de la polyculture-élevage, et la fin des injustices du système indiciel. Nous voulions que l'agriculteur puisse choisir soit la moyenne olympique soit la moyenne triennale glissante - n'est-ce pas, monsieur Buis ? (M. Bernard Buis opine du chef.) Nous voulions un pool d'assureurs garantissant la liberté commerciale, avec une caisse centrale de réassurance à sa juste place.

Nous voulions enfin davantage de lisibilité et de transparence, grâce au rôle accru du comité chargé de l'orientation et du développement des assurances récoltes (Codar), qui suggérera des taux au ministre de l'agriculture applicables pendant trois ans.

Nous voulons ainsi garantir la confiance. Disons-le solennellement : ces taux nous obligent. Qui accepterait de voir anéantie la totalité de son travail ? Nous avons inscrit ces taux ensemble. Sinon, la CMP n'aurait pas été conclusive. Il faut qu'ils soient respectés.

Michel Dantin avait voulu les préciser dans le règlement Omnibus.

Ils sont connus, mais je les rappelle une nouvelle fois : 20 % de franchise, 70 % de subvention, 30 % d'intervention pour les surfaces peu assurées et 50 % pour les autres.

Nous avons trouvé un accord en CMP. La confiance ne s'invente pas. Elle se mérite, et elle passe par le respect de l'écrit. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et SER)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Nous aboutissons sur l'une des réformes les plus structurantes pour le monde agricole. C'est le dernier texte que je défends devant vous : je remercie donc tous les sénateurs pour leur investissement, en particulier le rapporteur Laurent Duplomb.

Nous n'avons pas toujours été d'accord mais nous avons su collectivement trouver les bonnes réponses.

Je remercie également la présidente de la commission des affaires économiques, devant qui j'ai eu l'occasion de défendre trois projets de loi et deux propositions de loi en tant que ministre de l'Agriculture - et toutes ont bénéficié d'un accord en CMP.

Merci au Sénat d'avoir dépassé tout clivage dans le sens de l'intérêt général.

Les sénateurs étaient pleinement conscients de la nécessité d'avancer sur l'assurance récolte depuis plusieurs années. Vous étiez tous d'accord sur le fait que le statu quo devenait intenable. Les rapports sénatoriaux le mettaient en avant.

Ne rien changer allait à l'encontre de notre souveraineté agricole et alimentaire.

Il fallait refonder l'assurance récolte pour les décennies à venir, pour garantir la solidité de notre agriculture face aux défis climatiques - cette épée de Damoclès au-dessus de la tête des agriculteurs.

Ce projet de loi est issu d'une très large concertation. Un groupe de travail présidé par le député Frédéric Descrozaille a travaillé d'arrache-pied.

Nous nous sommes appuyés sur plusieurs principes ; d'abord, la solidarité nationale, désormais inscrite directement dans la loi, conformément à la volonté du Sénat. La couverture des risques climatiques est portée à 600 millions d'euros et devient universelle.

Ensuite, l'universalité : quelle que soit la culture, l'accessibilité à l'assurance multirisque climatique est assurée, alors qu'elle ne couvre actuellement que 18 % des surfaces. Nous avons voulu aller au bout d'Omnibus et un pool de mutualisation des risques sera créé. La transparence de la construction des prix est accrue - j'y tenais tout particulièrement.

Ce projet de loi a été accompagné tout au long par les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat. Je salue à cet égard l'opiniâtreté de Laurent Duplomb.

Le texte issu de la CMP maintient l'architecture du projet de loi : premier étage relevant de l'agriculteur, deuxième étage relevant de l'assureur et troisième étage relevant de l'État.

Ce projet de loi pose les fondations de la maison. Ce texte est extrêmement encourageant. Il fera date pour les années à venir.

La principale politique agricole espagnole est fondée sur l'assurance climatique. Dorénavant, nous bénéficierons d'un dispositif similaire. C'est une très belle avancée.

Je remercie tous ceux qui ont participé à ces travaux, notamment les services administratifs.

Cette réforme historique est le fruit d'un travail parlementaire nourri et constructif. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes Les Républicains et UC)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissement au banc de la commission ; M. Pierre Louault applaudit également.) Depuis 1970, 11 000 catastrophes naturelles ont été recensées dans le monde. Selon l'ONU, les catastrophes climatiques ont été multipliées par cinq en cinquante ans. Elles auront coûté 2 milliards d'euros à l'agriculture française ces dernières années.

Ce projet de loi était extrêmement attendu par les acteurs du monde agricole. Je félicite la commission et son rapporteur pour leur travail. Je remercie le ministre pour sa constance et son implication.

Ce projet de loi a été conçu au plus près des acteurs du milieu, pour répondre à leurs besoins. Il refonde toute la politique assurantielle et de gestion des risques. Il prend en compte les différents risques climatiques auxquels sont soumis les agriculteurs. Il fallait renouveler les outils dont nous disposons, souvent inadaptés et inopérants face à la fréquence des aléas climatiques et à leur violence croissante. Les agriculteurs n'étaient pas assez couverts. Seules 18 % des surfaces étaient assurées.

Les différences entre filières sont notables : dans l'arboriculture, seuls 6 % sont assurés.

Les offres assurantielles devraient être plus incitatives. Des freins devraient être levés grâce à la minoration de la prime.

Le soutien européen est pérennisé et maximisé. Les taux les plus favorables prévus par Omnibus ont été garantis. Le taux de franchise a été fixé à 20 %, la subvention européenne à 70 % et l'État interviendra dès 30 % de pertes.

La solidarité nationale passera de 300 à 600 millions d'euros par an en moyenne.

La plus grande avancée est la mutualisation des risques. Je salue la création du pool d'assureurs, qui proposera un produit plus homogène, pour une offre plus attractive davantage adaptée aux risques auxquels les agriculteurs sont confrontés.

Un flou demeure toutefois sur le financement de la réforme. Tout est renvoyé au projet de loi de finances pour 2023 et à des dispositions réglementaires.

Tout ne peut reposer sur l'attractivité des assurances. La technicité, la recherche, l'innovation, l'évolution des pratiques, une meilleure gestion de l'eau et des stocks doivent aussi entrer en ligne de compte.

Le groupe INDEP votera avec enthousiasme ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc de la commission)

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se réjouit de l'accord trouvé entre députés et sénateurs pour réformer un système à bout de souffle. Des pans entiers de notre agriculture sont actuellement laissés sans solution, car ils ne sont pas éligibles, comme la viticulture.

La fréquence et l'intensité des aléas climatiques augmentent. Nous avons tous en tête le gel du printemps 2021 pour lequel l'État a dû débloquer un milliard d'euros et rendre éligible la vigne.

Ce texte constitue une véritable loi de programmation de l'assurance récolte.

Je salue le travail de la présidente de la commission des affaires économiques et du rapporteur Duplomb, qui ont donné corps à ce projet de loi à l'architecture initialement imprécise.

La France avait jusque-là sous-transposé le droit européen, concernant Omnibus. Ce ne sera plus le cas.

Le budget annuel de 600 millions d'euros devait initialement être défini par voie réglementaire, ce qui aurait privé les acteurs de visibilité.

Le choix de la moyenne la plus avantageuse pour le calcul des indemnités et les critères de surface doivent être salués.

Je salue aussi le travail des rapporteurs pour avis Patrice Joly et Claude Nougein.

Après avoir obtenu des garanties, le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Bravo !

M. Daniel Salmon .  - (Mme la présidente de la commission applaudit.) C'est désormais reconnu par tous : le changement climatique génère des risques de plus en plus nombreux, de plus en plus forts, avec des conséquences dramatiques pour notre agriculture et notre souveraineté alimentaire. Le statu quo n'est pas tenable.

Pour autant, nous réfutons le choix de faire appel au secteur assurantiel privé, avec un encadrement insuffisant, comme en témoignent les récentes augmentations de tarifs. Ce choix est inefficace. Les incitations à la transition agroécologique dans les récents plans et choix budgétaires sont trop faibles, notamment en faveur de l'agroforesterie et de la conservation de la vie des sols, alors que ces pratiques protègent pourtant des risques climatiques. La priorité est donnée à la Haute valeur environnementale, au détriment du bio.

Ce texte est rejeté par les acteurs de l'agroécologie, comme le collectif pour une autre politique agricole commune.

Comme dans votre lutte contre la grippe aviaire, vous agissez contre les acteurs de l'agriculture durable.

Ce choix, en plus d'être inefficace, s'avère inéquitable.

Nombre de secteurs ne peuvent s'assurer et ne bénéficieront que d'une indemnisation au rabais. Les exploitations les moins en difficulté seront les plus aidées. Certes, cela relève de la législation européenne, mais le Gouvernement n'a rien fait pour la faire évoluer. Nous devons agir contre des dispositions européennes qui nous imposent de moins bien protéger certaines activités comme le maraîchage, les prairies ou l'arboriculture.

Des avancées doivent toutefois être saluées comme le déclenchement de la solidarité nationale à compter de 30 % de pertes pour les secteurs peu assurés, ou le projet de réforme de la moyenne olympique.

Nous regrettons que notre proposition de création d'un acteur mutuel solidaire n'ait même pas pu être discutée.

Les agriculteurs restent les grands perdants de la chaîne de valeur.

Nous nous opposons enfin à la modulation de la DJA, grave erreur alors qu'il convient d'inciter à l'installation de jeunes agriculteurs.

Le GEST s'opposera au texte. Si le rapporteur est tenace, nous sommes constants ! (Mme la présidente de la commission rit de bon coeur.)

M. Fabien Gay .  - (Applaudissements au banc de la commission) Attendez d'entendre ce que je vais dire !

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - J'applaudis l'homme, non ce qu'il va dire !

M. Fabien Gay.  - La protection des agriculteurs contre les risques climatiques est cruciale. Mais ce texte ne répond pas aux besoins, car il fait le choix de la protection assurantielle privée, qui ne fonctionne pas.

Malgré la hausse des subventions de l'État et de l'Union européenne ces quinze dernières années, le recours à l'assurance récolte reste minoritaire.

L'augmentation de l'aide de l'État à l'assurance risque de se faire au détriment d'autres politiques d'aide.

M. Laurent Duplomb, rapporteur.  - C'est donc pour cela que vous vous y opposez !

M. Fabien Gay.  - Nous estimons que vous allez priver des agriculteurs du dispositif des calamités agricoles, alors que ceux qui n'auront pas souscrit d'assurance ne seront plus indemnisés par l'État qu'en cas de pertes exceptionnelles.

L'article 3 ter minore l'aide à l'installation pour les agriculteurs qui n'auraient pas souscrit d'assurance, alors qu'il est urgent de promouvoir l'installation des jeunes.

On aimerait croire avec vous que les assureurs seront vertueux, mais les tarifs continuent à augmenter. Ce fut le cas en novembre dernier pour Groupama et Pacifica, qui les ont augmentés de 10 à 25 %, et cela ne risque pas de baisser, comme l'a récemment évoqué Groupama. Les garanties des productions non assurables feront en outre l'objet d'un traitement à part, mais nous n'en avons pas le détail. Le risque est grand que votre système abandonne des pans entiers de l'agriculture française. Nous nous opposons à la gouvernance prévue, qui laisse trop de place aux assureurs.

Il faut un régime public, solidaire et mutualisé. Nous voterons contre les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST)

M. Pierre Louault .  - L'assurance récolte est un sujet ancien. Depuis cinq ou six ans, les gouvernements ne savent plus comment résoudre les difficultés des agriculteurs privés de récolte. L'épisode de gel de 2021 a accéléré les réflexions. Le statu quo ne pouvait durer. Des engagements fermes ont été pris par le Gouvernement au sujet de l'assurance récolte : tout le monde parle des 600 millions d'euros promis par le Président de la République et le ministre de l'agriculture. Ce sera une vraie solidarité nationale.

J'ai entendu ceux qui ne veulent pas laisser le secteur privé agir seul. Mais les deux derniers assureurs présents sur le marché assurantiel agricole sont des groupes mutualistes; comment ne pas les soutenir ?

Je salue la ténacité de Laurent Duplomb, son esprit de paysan - j'ai le même, je peux en parler - grâce auquel il a obtenu que des chiffres soient gravés dans le marbre.

L'État apporte, avec ce texte, une réponse efficace, appuyée sur le financement des assurés, des assurances, de l'État et de l'Union européenne.

Le régime actuel des calamités agricoles, datant de 1964, était dépassé.

Le nouveau dispositif apporte des garanties claires, notamment en termes de financement, sans compter que la réassurance peut prendre le relais.

Le fait d'avoir inscrit les taux de 20 % et 70 % est également une avancée importante.

Le Comité national de gestion des risques agricoles permet la concertation entre les parties prenantes et permettra si besoin l'évolution des systèmes d'assurance. Le Codar y veillera également.

Nous votons une grande avancée, mais Il faudra rester vigilant pour que l'assurance récolte soit la plus basse possible et que le nombre d'agriculteurs assurés soit le plus élevé possible.

Le groupe UC votera ce texte.

Je souhaite, enfin, monsieur le ministre, rendre hommage au travail que vous avez accompli au service des agriculteurs.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Attention au temps de parole du Gouvernement !

M. Pierre Louault.  - Par votre tempérament attentif, votre ouverture d'esprit, vous aurez su redonner confiance aux agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDSE et du RDPI)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) On attend beaucoup de l'agriculture, à lire le code rural : entre autres, souveraineté alimentaire, mais aussi transition écologique et vitalité des territoires...

On ne peut demander aux agriculteurs de remplir des missions d'intérêt général sans les faire bénéficier de la solidarité nationale en cas de calamité climatique.

Sur un sujet que mon groupe suit de longue date - je pense à la proposition de résolution de 2020 - je soutiens donc cette réforme nécessaire face à l'urgence que constitue le réchauffement climatique et à l'insuffisance du taux de couverture assurantiel des exploitations.

Le prix des primes est un frein à l'assurance ; un effort de soutien était attendu. Aussi, je salue le choix du taux maximal autorisé par le règlement Omnibus - que d'autres pays pratiquent déjà.

Il est difficile d'accepter que des agriculteurs assurés soient moins bien indemnisés ; ce texte remédie à cette injustice.

Le RDSE est majoritairement favorable à l'assurance récolte obligatoire, comme l'avait rappelé Henri Cabanel. Sans mutualisation des moyens, l'assurance à un taux raisonnable restera inaccessible à une majorité d'agriculteurs.

Il faut enfin réformer la règle de la moyenne olympique fixée par l'Union européenne sur la base de règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) datant de 1994, alors que les risques climatiques étaient moins fréquents : cela tend à minorer l'indemnisation.

D'ici trois ans, il faudra aussi faire un bilan du taux de pénétration de l'assurance récolte, afin de corriger les faiblesses du nouveau système.

Nous voterons ce texte : les revenus agricoles sont la condition du maintien de notre rang comme grande nation agricole. (Applaudissements sur les travées du RDSE, des groupes SER et UC, ainsi qu'au banc de la commission)

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les agriculteurs gardois ont connu trois sinistres en cinq ans. Face au changement climatique, notre fonctionnement actuel, basé sur une articulation peu lisible entre régime des calamités agricoles et assurance privée, ne permet plus de sécuriser notre agriculture.

De nombreuses exploitations ne disposent d'aucune assurance.

Les agriculteurs nourrissent les Français. Alors que 55 % des agriculteurs français ont plus de 50 ans et que notre excédent commercial diminue, c'est la question de notre souveraineté alimentaire qui est posée.

Une réforme de l'assurance récolte était urgente et nous la réclamions depuis plusieurs années. Ce texte va dans le bon sens ; nous veillerons à son application concrète.

La création d'un pool d'assureurs mutualise les risques. L'application maximale du règlement Omnibus est un préalable pour renforcer l'attractivité des contrats d'assurance. Il faudra aussi avancer sur la réforme de la moyenne olympique.

L'architecture à trois étages doit nous conduire vers un système universel ; mais nous n'avons aucune visibilité quant à l'offre assurantielle qui sera proposée aux agriculteurs. Aucune filière ne doit être laissée de côté. Vous avez choisi de confier cette responsabilité à la prochaine majorité...

Le Sénat a amélioré le texte ; j'en remercie M. Duplomb.

L'universalité du système dépendra de la part de la solidarité nationale ; 600 millions d'euros devraient y être consacrés. L'inscription des seuils par le rapporteur a donné du corps à cette loi d'orientation et sécurisé les agriculteurs français. Les chiffres sont le nerf de la guerre !

La confiance doit s'installer dans la durée. Or les agriculteurs sont encore dans le flou s'agissant de l'indemnisation du gel de 2021.

Bercy doit entendre que notre agriculture a besoin de la solidarité nationale.

Le travail du Sénat au cours de la navette aura montré toute son utilité. Le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC, ainsi qu'au banc de la commission)

M. Bernard Buis .  - Ma dernière intervention de la quinzième législature sera donc pour ce texte. Et quel texte ! Il bouleverse en profondeur l'assurance récolte, une réforme très attendue. À quelque chose malheur est bon : l'épisode de gel historique de 2021 aura fait converger les acteurs, qui ont mis les bouchées doubles.

Je vous salue, monsieur le ministre, qui avez été le chef d'orchestre passionné et volontariste de cette réforme et en avez accéléré l'adoption.

Je salue aussi le député Frédéric Descrozaille, rapporteur de l'Assemblée nationale, qui n'a pas compté ses heures, ainsi que Laurent Duplomb, pour son esprit de conciliation.

Il aurait été tentant de renverser la table par calcul politique ; il n'en fut rien et chacun peut être satisfait des conclusions de la CMP. C'est un bel exemple d'une unité réfléchie entre des adversaires politiques qui se respectent. Ce n'était pas gagné d'avance - l'article 17 a surpris tout le monde. Mais les éléments chiffrés qui y sont gravés dans le marbre renforcent la réforme.

Les acteurs devront poursuivre les négociations au sein du Codar. Il reste en effet beaucoup à faire, notamment en matière de tarifs des assurances. Faisons leur confiance ; nous nous retrouverons lors de l'examen de la prochaine loi de finances pour concrétiser les présents engagements.

Alors, ne boudons pas notre plaisir. Soyons fiers de ce texte fondateur, et de ce quinquennat qui a su réparer notre agriculture. Votons-le et rendez-vous au Salon de l'agriculture ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE, sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu'au banc de la commission)

Le projet de loi est définitivement adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Contrôle parental sur internet (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à encourager l'usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France et permettant d'accéder à internet.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat de la CMP .  - Le 17 février 2022, la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et la commission des affaires économiques du Sénat sont parvenues à un accord unanime sur cette proposition de loi visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet. Merci au député Bruno Studer pour nos échanges constructifs. Nous souhaitons tous une protection renforcée de la présence en ligne de nos enfants et adolescents, dont la vie est de plus en plus virtuelle.

La feuille de route a été tenue ; les apports du Sénat ont tous été conservés. Le texte issu de la CMP est mesuré, il aidera les familles sans s'immiscer excessivement dans la relation intime entre parents et enfants.

Ce texte cible les principaux appareils connectés utilisés de nos jours, neufs ou reconditionnés. Il comporte plusieurs avancées pour améliorer la protection de nos enfants sur internet.

Nous avons ainsi élargi le périmètre des contenus susceptibles de faire l'objet d'un contrôle parental. Nous avons également renforcé la protection des données personnelles des mineurs, sujet absent du texte initial mais pourtant central car nos enfants naviguent de plus en plus jeunes de façon autonome sur internet, sans être toujours conscient de ce qu'ils acceptent. Je me réjouis que ces deux dispositions importantes soient restées inchangées.

Ce texte prend aussi en compte les évolutions à anticiper sur le plan de la législation européenne.

Gardons à l'esprit que le contrôle parental est une fonctionnalité logicielle, non un composant électronique. Nous avons donc souhaité que la responsabilité de chaque acteur soit identifiée, sans privilégier un modèle économique plutôt qu'un autre.

Le Sénat a répondu aux craintes exprimées sur la commercialisation du matériel sans système d'exploitation. La rédaction retenue évite tout effet de bord indésiré. La désinstallation doit être gratuite pour l'utilisateur quand elle est techniquement possible. Nous avons trouvé un équilibre entre protection des droits et prise en compte des besoins des acteurs économiques ; les précisions apportées en CMP étaient nécessaires.

L'article 3 bis demeure aussi inchangé. Il conditionne l'entrée en vigueur du texte à la réponse de la Commission européenne quant à sa conformité au droit européen. Nous appelons désormais le Gouvernement à nous informer des éventuelles remarques de la Commission européenne à la suite de cette nouvelle notification. Cette précaution était essentielle; nous pouvons ainsi légiférer sereinement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Cédric O, secrétaire d'État, chargé de la transition numérique et des communications électroniques .  - Merci à tous les sénateurs et députés grâce auxquels un équilibre a pu être trouvé. Comme Adrien Taquet l'a souligné à l'Assemblée nationale, la protection de l'enfance est un continuum dont les activités en ligne ne forment qu'une partie, certes, mais de plus en plus importante.

Les parents ont une place centrale dans cette affaire ; ils seront désormais mieux équipés pour accompagner la vie en ligne de leurs enfants. Ils pourront ou non activer le contrôle parental, ce choix étant désormais rendu explicite.

Le Président de la République avait mis l'accent sur l'importance d'un meilleur usage des systèmes de contrôle parental ; cette nouvelle obligation s'inscrit dans cette perspective.

Cette proposition de loi s'inscrit dans une politique globale de protection de l'enfance en ligne, qui comprend aussi la lutte contre le cyberharcèlement ou l'exposition à la pornographie en ligne. L'Arcom peut faire fermer les sites pornographiques qui ne vérifient pas suffisamment l'âge des internautes. La France mène en outre en ce moment même les négociations européennes sur le Digital Services Act en trilogue.

Le Gouvernement s'engage avec constance et détermination dans la protection des enfants et adolescents dans leur vie numérique, sachant qu'un parent sur trois n'a pas connaissance de l'existence d'outils de contrôle numérique alors que trois sur quatre adhèrent à cet usage. Ils sont donc demandeurs !

Les améliorations de la navette sont salutaires ; vous avez introduit dans le texte diverses précisions bienvenues, concernant les terminaux reconditionnés ou vendus sans système d'exploitation notamment. Ce texte est équilibré et ambitieux.

Il fournira aussi aux parents l'occasion d'engager une discussion avec leurs enfants sur les usages numériques et leurs dangers ; c'était la volonté de Bruno Studer lors du dépôt de cette proposition de loi. Il est crucial de mettre à la disposition des parents des ressources en faveur d'un usage positif et raisonné des outils numériques, afin qu'ils puissent jouer leur rôle d'éducateurs éclairés.

Cette proposition de loi est en complète cohérence avec l'action du Gouvernement. Merci encore pour votre engagement en faveur la protection de l'enfance en ligne. J'espère que nous pourrons poursuivre ce combat.

M. Laurent Somon .  - (Applaudissements au banc de la commission ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.) La protection des mineurs sur internet est un sujet de société. Les mineurs sont des utilisateurs naturels et intensifs du numérique et des nouvelles technologiques.

Dans une étude de 2020, la CNIL a dégagé deux grandes tendances : le souhait des mineurs de gagner en autonomie sur internet et la volonté de renforcer leur protection en ligne. Elle rappelle que 82% des 10-14 ans et 95 % des 15-17 ans naviguent sur internet sans leurs parents. La première inscription sur un réseau social se fait en moyenne à 8 ans et demi. Or les risques sont multiples, du cyberharcèlement à l'exposition à des contenus haineux, violents ou pornographiques. Un tiers des enfants de 12 ans ont déjà été exposés à de la pornographie, souvent involontairement.

Le système de contrôle parental est la solution privilégiée par les parents ; mais 57 % d'entre eux déclarent ne pas avoir activé un tel outil. Quand ils l'installent, c'est sur un seul appareil, alors que les jeunes en utilisent en moyenne quatre par jour. C'est dire la nécessité d'agir.

Ce texte est opportun mais son ambition était initialement limitée.

Inscrire dans la loi l'obligation d'équiper les moyens d'accès à internet d'un système de contrôle parental aisément utilisable protégera les mineurs. Je me réjouis que le texte issu de la CMP reprenne les acquis votés par le Sénat, qui a musclé la proposition de loi.

Le Sénat a notamment responsabilisé tous les acteurs, fabricants, fournisseurs de systèmes d'exploitation et distributeurs, et sécurisé juridiquement le texte, qui devra être de nouveau notifié à la Commission européenne. Le Sénat a en outre évité tout effet de bord concernant les appareils vendus sans système d'exploitation.

Ce texte constitue une réelle avancée ; le groupe Les Républicains votera pour. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc de la commission ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Thomas Dossus .  - La proposition de loi est au carrefour de différents sujets d'importance : le libre accès à l'internet, la protection des enfants, la liberté des choix éducatifs ou encore la protection des données. Son principal objet est de prévoir un dispositif de contrôle parental pré-installé sur les terminaux. La plupart des détails sont renvoyés à un décret en Conseil d'État, mais je me réjouis des précisions introduites au cours de la navette, notamment sur la protection des données personnelles -  sujet loin d'être anecdotique vu la voracité des Gafam en la matière.

Je me réjouis également que nos amendements concernant les terminaux vendus sans système d'exploitation aient été finalement retenus ; il s'agit certes d'un marché de niche, mais crucial pour un grand nombre d'utilisateurs attachés aux libertés publiques.

La possibilité de désinstaller le contrôle parental si l'on n'en a pas l'usage est opportune, car il consomme de la mémoire et use l'appareil. Or l'impact environnemental de nos pratiques numériques, avec l'utilisation indécente de matières premières rares, est lourd. Tout ce qui contribue à prolonger la durée de vie de nos terminaux est bienvenu.

Il faut parler aussi d'éducation au numérique : c'est la mère de toutes les batailles. L'innovation forcément vertueuse des licornes est un mythe. Savoir utiliser internet, déconstruire le fonctionnement des algorithmes, lutter contre la désinformation : tout cela s'apprend, y compris à l'école. Ce que nous voulons, c'est une éducation populaire au numérique.

M. Fabien Gay .  - Après la proposition de loi sur la cybersécurité, nous abordons un sujet complémentaire qui illustre la part croissante d'internet dans notre quotidien, toujours plus précocement. Le contrôle parental n'est pas une solution miracle mais contribue à limiter le risque d'exposition des plus jeunes à des contenus inappropriés, voire dangereux. Trop de parents sont démunis ; 45 % seulement des 6-10 ans sont protégés par un dispositif de contrôle parental, et encore, pas sur tous les appareils qu'ils utilisent.

Ce texte est donc un élément important d'une politique de prévention des usages d'internet et des écrans. Le texte issu de la CMP est équilibré : l'information des parents est confortée, le système de contrôle n'est pas automatique et peut être désinstallé. Les ajouts du Sénat ont été conservés, la responsabilisation de chaque acteur est renforcée.

Certes, certaines fonctionnalités intrusives tendent à faire du contrôle parental un outil de surveillance, au risque d'altérer la relation de confiance entre parents et enfants. Les mineurs ne sont toutefois pas des utilisateurs comme les autres : plus ils sont jeunes, plus ils doivent être protégés et informés devant la multiplication des contenus dangereux aux effets délétères. Le modèle économique d'internet reposant sur la rétention de l'attention, la publicité, donc l'audience, conduit à rendre accessible de tels contenus de façon gratuite. Il faut protéger les mineurs d'une exposition trop importante aux écrans, addictive. Il y a là une question sociétale, mais aussi de santé publique.

Le Sénat a insisté sur la nécessité de protéger les données personnelles des mineurs, sujet central vu les techniques de marketing féroces qui les ciblent.

La loi ne réglera pas tout : la prévention en milieu scolaire est indispensable, et il faut un accompagnement global des usages numériques. Mais le présent texte est équilibré ; nous le voterons, en saluant le travail de la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et au banc de la commission ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Amel Gacquerre .  - L'équilibre trouvé et validé en CMP reprend les principaux apports du Sénat ; je m'en félicite. Jeune sénatrice, c'est ma première expérience de chef de file pour le groupe UC, sur un sujet qui dépasse les clivages partisans. Je remercie en particulier Sylviane Noël d'avoir porté nos réflexions communes.

Je citerai quelques apports substantiels du Sénat : interdiction d'utiliser les données personnelles des mineurs à des fins commerciales ; lutte contre la surexposition précoce des enfants aux écrans, grâce à un amendement de Catherine Morin-Desailly ; possibilité d'acheter un terminal nu, vendu sans système d'exploitation ; responsabilité du revendeur de matériel d'occasion.

Une réflexion sur l'effet néfaste de l'exposition des tout-petits aux outils connectés s'impose. Selon la pédiatre Anne-Lise Ducanda, « quand un écran s'allume, un enfant s'éteint ». Le cerveau privé des bonnes stimulations peine à créer les bonnes connexions. Faute d'interactions humaines, de plus en plus d'enfants souffrent de troubles de l'attention, de l'oralité, de la motricité, de retards cognitifs. Les pédopsychiatres tirent la sonnette d'alarme. Ce texte est donc essentiel, mais il nous faut encore réfléchir à des mesures d'accompagnement.

La pédagogie auprès des enfants est essentielle ; il faut développer leur sens critique dès le plus jeune âge. Pour cela, l'école est le lieu opportun. Il faut généraliser le permis internet expérimenté en CM2, sensibiliser les enfants face aux nouvelles technologies évolutives comme les robots et l'intelligence artificielle.

Nous devrons évaluer les conséquences de l'article 2 pour l'Agence nationale des fréquences.

Enfin, la question de la protection des enfants doit aussi se poser au niveau européen via l'harmonisation de ce type de mesures. Un sujet de plus pour la PFUE !

Le groupe UC se félicite toutefois du pas franchi et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE.) Concilier neutralité du web et protection des mineurs, tel était l'objectif de cette proposition de loi. J'avais insisté en première lecture sur la forte présence des 11-14 ans sur internet et sur les dangers réels qu'ils y encourent, avec la généralisation de la prostitution sur les réseaux sociaux notamment. Nous dénonçons ce phénomène depuis des années sans trouver de solution miracle.

Le droit ne peut pas tout : la lutte contre les dérives n'est possible qu'en accordant davantage de moyens à la sensibilisation des parents et des enfants.

Nous sommes convaincus de la nécessité d'obliger les fabricants à installer le contrôle parental sur les appareils. La CMP a conservé l'essentiel des apports du Sénat, sur la protection des données personnelles des mineurs notamment.

L'accessibilité du dispositif est la condition de sa réussite : la gratuité prévue à l'article 3 est donc bienvenue.

Il s'agit en définitive d'un texte équilibré qui responsabilise chaque acteur tout en garantissant les droits des consommateurs.

Il nous restera à attendre la réponse de la Commission européenne sur la conformité du texte au droit européen.

Nous devons nous mobiliser pour lutter contre l'effet des contenus haineux et des fake news sur les plus jeunes. Cette proposition de loi ne règlera pas tout, mais c'est un pas. Le groupe RDSE la votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie l'auteur de cette proposition de loi particulièrement pertinente au regard des évolutions technologiques. Alors que 92 % des 12-17 ans ont un téléphone portable, seuls 46 % des parents ont installé un système de contrôle parental. S'il ne doit pas se substituer à une conversation avec ses enfants, le contrôle parental reste un moyen de protéger ceux-ci d'une exposition à des contenus dérangeants, violents ou malveillants.

La proposition de loi cible une grande diversité d'appareils d'accès à internet : smartphones, tablettes, ordinateurs, consoles de jeux ou objets connectés, et inclut les appareils reconditionnés.

La commercialisation des appareils sans système d'exploitation a été clarifiée : elle demeure possible. La désinstallation du dispositif de contrôle parental l'est aussi. Il fallait trouver un équilibre entre contraintes des acteurs économiques et droits des utilisateurs. Cette désinstallation devra être gratuite lorsqu'elle sera techniquement possible.

Si le fabricant est le fournisseur du système d'exploitation, l'installation du contrôle parental lui incombe. Dans le cas contraire, c'est le tiers responsable de l'installation qui s'en charge.

Le Sénat a souhaité que les fabricants contribuent à la diffusion de l'information sur les dangers de l'exposition précoce aux écrans. L'obligation est modérée, mais utile, et n'est pas incompatible avec le droit de l'Union européenne.

Le Sénat a également renforcé la protection des données personnelles des mineurs, qui ne sont pas toujours conscients de ce qu'ils acceptent.

Enfin, l'entrée en vigueur du texte est conditionnée à sa validation par la Commission européenne, à laquelle il sera à nouveau notifié.

Le groupe SER se félicite de l'issue de cette proposition de loi et la votera. (Applaudissements)

Mme Marie Evrard .  - Nous nous retrouvons, prêts à apposer notre sceau sur ce texte. Il y a urgence. Les enfants passent 4 h 11 en moyenne devant les écrans, bien plus que le temps recommandé. Ils ont le temps de voir beaucoup de choses ! Y compris des contenus qui portent atteinte à leur intégrité. La toile est pleine de contenus dangereux -  j'ai une pensée au passage pour les travaux de Laetitia Avia.

Ce texte peut s'assimiler à une clé transmise aux parents. La proposition de loi apporte des réponses salutaires.

Les apports du Sénat ont été nombreux et bénéfiques. Je salue le travail de la rapporteure, dans un temps particulièrement contraint.

La mise à disposition du contrôle parental concerne tous les terminaux, y compris les télévisions connectées, les consoles de jeux et les appareils reconditionnés -  une belle avancée de la majorité à l'Assemblée nationale. Tous les systèmes d'exploitation seront concernés.

Les fournisseurs de systèmes d'exploitation seront responsabilisés. Un magasin ne pourra vendre un appareil sans cette fonctionnalité, mais, précision importante, le dispositif ne s'appliquera pas aux ordinateurs vendus sans système d'exploitation. Il n'aurait pas fallu signer la fin des ordinateurs vendus nus.

Nous nous assurons par ailleurs de la compatibilité de la proposition de loi avec le droit communautaire en la notifiant de nouveau à la Commission européenne, gage de sécurité juridique.

L'activation par défaut du contrôle parental n'a pas été retenue ; elle aurait restreint l'accès à internet par défaut.

Le RDPI salue l'atterrissage en douceur de cette proposition de loi, qui ne remplacera toutefois jamais le rôle des parents dans l'accompagnement des enfants. (Applaudissements sur les travées du RDSE et au banc de la commission ; M. Franck Menonville et Mme Amel Gacquerre applaudissent également.)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et au banc de la commission ; Mme Amel Gacquerre applaudit également.) L'accord trouvé en CMP est le fruit d'une conviction commune : il est indispensable de protéger nos jeunes face aux dangers du numérique.

Après la proposition de loi renforçant la cybersécurité des Français, ce texte s'inscrit dans la même dynamique, en préservant les jeunes internautes de contenus pouvant nuire à leur épanouissement. En moyenne, les enfants possèdent un smartphone dès 10 ans ; c'est une porte d'accès facile au vaste espace d'internet et à des contenus qui ne leur sont pas destinés. Un tiers des enfants de 12 ans ont déjà été exposés à la pornographie, ce qui peut avoir de graves conséquences sur leur vie affective et sexuelle future.

Il existe d'autres menaces, telles que le cyberharcèlement, de plus en plus répandu chez les mineurs, notamment par le prisme des réseaux sociaux. Près de 20 % des 8-18 ans ont déjà été confrontés au harcèlement sur les réseaux sociaux, où la première inscription se fait à 8 ans en moyenne.

En 2021, 82 % des 10-14 ans surfaient sur internet sans leurs parents. D'où la nécessité impérieuse de mieux former les parents.

Cette proposition de loi imposera l'installation du contrôle parental sur tous les équipements reliés à internet, y compris d'occasion. Les parents pourront ainsi mieux protéger leurs enfants : à eux de l'activer.

Le texte précise en outre que les données personnelles recueillies ne pourront pas être exploitées commercialement.

C'est une étape supplémentaire visant à faire d'internet un espace civilisé et régulé. D'autres lois, notamment européennes, sont en cours d'élaboration ; ce travail est indispensable pour garantir la liberté et la sécurité de nos concitoyens dans le cyberespace.

Le groupe INDEP est très attaché à ce qu'internet soit soumis aux mêmes règles que les autres espaces de notre République. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements au banc de la commission et sur les travées du RDSE)

La proposition de loi est définitivement adoptée.

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Il s'agit pour notre commission du dernier texte de la session. Merci à tous pour la qualité de nos débats, et au Gouvernement, malgré nos divergences. Nous prônons toujours un dialogue constructif dans le sens de l'intérêt général. Merci enfin à la présidence et au personnel du Sénat. (Applaudissements)

Mme la présidente.  - La présidence s'associe à ces remerciements.

Prochaine séance demain, vendredi 25 février 2022, à 9 h 30.

La séance est levée à 19 h 20.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du vendredi 25 février 2022

Séance publique

À 9 h 30 et à 14 h 30

Présidence :

Mme Pascale Gruny, vice-président

M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires :

Mme Victore Jasmin - M. Jacques Grosperrin

1. Proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, présentée par M. Philippe Bonnecarrère (texte de la commission, n°496, 2021-2022) et proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19, présentée par M. Philippe Bonnecarrère (texte de la commission, n°497, 2021-2022) (demande du groupe UC)

2. Lecture d'un message du Président de la République en application de l'article 18, alinéa 1, de la Constitution

3. Suite de la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de covid-19, présentée par M. Philippe Bonnecarrère (texte de la commission, n°496, 2021-2022) et de la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19, présentée par M. Philippe Bonnecarrère (texte de la commission, n°497, 2021-2022) (demande du groupe UC)