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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19 - Conditions sanitaires d'organisation des élections législatives

Discussion générale commune

M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la proposition de loi organique et de la proposition de loi ordinaire

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté

M. Guy Benarroche

Mme Cécile Cukierman

Mme Dominique Vérien

Mme Maryse Carrère

Mme Esther Benbassa

M. Jean-Pierre Sueur

M. Alain Richard

M. Pierre-Jean Verzelen

Mme Agnès Canayer

M. Édouard Courtial

Discussion des articles de la proposition de loi organique

ARTICLE 3

Intervention sur l'ensemble

M. Guy Benarroche

Discussion des articles de la proposition de loi

ARTICLE 2

APRÈS L'ARTICLE 2

Interventions sur l'ensemble

M. Guy Benarroche

M. Jean-Claude Requier

Inscription à l'ordre du jour

Lecture d'un message du Président de la République en application de l'article 18-1 de la Constitution

M. Gérard Larcher, président du Sénat

Annexe au compte rendu de la séance du 25 février 2022

Ordre du jour du mardi 1er mars 2022




SÉANCE

du vendredi 25 février 2022

64e séance de la session ordinaire 2021-2022

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : Mme Victoire Jasmin, M. Jacques Grosperrin

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19 - Conditions sanitaires d'organisation des élections législatives

Mme le président.  - Notre séance se tient aujourd'hui selon les mêmes règles que dans l'hémicycle.

L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique visant à garantir la qualité du débat démocratique et à améliorer les conditions sanitaires d'organisation de l'élection présidentielle dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19, et de la proposition de loi visant à améliorer les conditions sanitaires d'organisation des élections législatives dans le contexte lié à l'épidémie de Covid-19, présentées par M. Philippe Bonnecarrère.

Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Philippe Bonnecarrère, auteur de la proposition de loi organique et de la proposition de loi ordinaire .  - La vie démocratique continue. Nous sommes ce matin en salle Médicis, lieu inhabituel, pour examiner ces deux textes.

L'Histoire peut être dramatique. Je suis gêné d'aborder un sujet qui est l'apanage de régimes démocratiques alors qu'en Europe, des hommes meurent sous les obus. Les Ukrainiens ne doivent pas devenir les Sudètes de 2022.

Les dispositions proposées ne modifient pas substantiellement nos règles électorales. Elles ne visent qu'à en adapter certaines au contexte sanitaire : double procuration, assouplissement des procurations à domicile, possibilité d'ouverture de bureaux de vote supplémentaires par les préfets et renforcement de la couverture de la campagne présidentielle par les médias audiovisuels. Ces textes concernent tant l'élection présidentielle que les élections législatives, qui sont bien sûr liées.

Je remercie Nadine Bellurot pour son travail de rapporteure : elle a notamment amélioré la rédaction de l'article premier de la proposition de loi organique.

Vous connaissez les mesures que je propose : elles ont été utilisées pour les élections municipales de 2020 et territoriales de 2021. Le Gouvernement n'a rien prévu de tel à la fin de l'année 2021, et n'a pas souhaité le succès des textes que je présente en refusant d'en accélérer l'examen.

Le sort de ces textes est donc scellé, ce qui simplifie d'une certaine manière notre débat, réduit à un seul sujet, le pluralisme. Refuser l'accès au débat audiovisuel et au vote est une mauvaise manière de l'exécutif, décidée pour de mauvaises raisons.

L'exécutif affirme que l'examen de la loi du 29 mars 2021 a déjà permis d'avoir ce débat : c'est inexact. Je vous rappelle votre déclaration d'alors, madame la ministre, selon laquelle nous devions renouer avec une forme de normalité démocratique et nous projeter dans un avenir sans crise sanitaire puisque, grâce à la médecine, elle serait derrière nous en 2022.

On nous oppose aussi qu'on ne peut changer les règles d'un scrutin dans les six mois qui précèdent, ce qui est inexact pour des opérations techniques, comme le montre la loi du 22 juin 2020 concernant les municipales du 28 juin, ou celle du 22 février 2021 pour les départementales et les régionales des 20 et 27 juin 2021.

Par ailleurs, le président du Conseil constitutionnel nous a indiqué que le ministre de l'Intérieur lui avait rendu visite le 11 janvier pour examiner de nouvelles mesures d'organisation rendues nécessaires par la crise sanitaire. Nous ne connaîtrons jamais ces mesures, le Gouvernement n'ayant pas répondu à nos sollicitations. Cela ne relève pas non plus du comité Combrexelle, qui n'interfère pas avec les règles constitutionnelles.

On nous dit enfin que le répertoire électoral unique ne permettrait qu'une seule procuration : je laisse chacun apprécier la pertinence de cette raison.

Je ne prétends pas que ces propositions de loi répondront à la fatigue démocratique : nous souhaitons simplement contribuer, humblement, à un meilleur accès aux bureaux de vote et faire face au risque sanitaire. Nul n'a à gagner à une pandémie démocratique.

Je vous ai donné quatre preuves de l'insincérité des arguments qui nous sont opposés. J'en ajoute une dernière : s'il ne faut pas prendre de décision exceptionnelle, alors il n'y a plus motif à maintenir l'état d'urgence.

Le Premier ministre appelle à un débat digne. Il convient pour cela qu'il y ait un débat, avant chaque tour de l'élection. Ce ne sera pas le cas, et c'est volontaire ; tel est le sujet soulevé par la commission des lois et Mme la rapporteure. Ce texte est un appel au pluralisme et, modestement, à une lecture plus équilibrée de nos institutions.

J'ai commencé mon propos par la défense du pluralisme : je le conclus en rappelant le long combat du Sénat pour un meilleur équilibre des pouvoirs, en alertant sur l'exercice d'un pouvoir surplombant tous les autres. Je vous remercie pour votre soutien.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure de la commission des lois .  - Le contexte est en effet particulier : un conflit majeur a éclaté au coeur de l'Europe. Mais la force de notre République est de poursuivre le débat démocratique malgré la situation internationale.

Philippe Bonnecarrère, que je remercie, nous présente une initiative indispensable à l'approche d'élections capitales. Ces deux textes répondent à un pouvoir exécutif qui choisit, de manière peu compréhensible, de ne pas aborder la question de la crise sanitaire en ne prévoyant aucune mesure d'adaptation des scrutins.

Ce manque d'anticipation est d'autant moins compréhensible que le Gouvernement prolonge, par ailleurs, le passe sanitaire, signe de circonstances incertaines.

La persistance de l'épidémie fait peser un risque sur la participation des électeurs et la sécurité sanitaire des organisateurs des élections. Les questions de l'impact de l'épidémie sur la campagne et de sa couverture audiovisuelle doivent aussi être posées. La commission des lois souscrit aux objectifs des deux textes.

Les mesures communes aux deux textes ont déjà été adoptées par le Parlement et mises en oeuvre pour les derniers scrutins, démontrant leur efficacité. Ainsi des procurations, avec la double procuration prévue pour les municipales et reconduite pour les élections territoriales, facilitant la recherche de mandataires pour les électeurs ne pouvant se déplacer.

On nous oppose que le répertoire territorial unique, entré en vigueur en janvier, serait calibré pour une seule procuration, choix étrange et démontrant un manque d'anticipation dans ce contexte pandémique. La double procuration est une mesure de bon sens.

Quant à la procuration à domicile, ses modalités sont très encadrées. L'électeur doit attester sur l'honneur qu'il ne peut se déplacer au commissariat ou au tribunal. Nous proposons de reprendre le dispositif adopté pour les élections de 2020 et de 2021 pour le retrait à domicile de la procuration. Cela aidera à combattre l'abstention.

Par ailleurs, nous proposons que le préfet puisse augmenter le nombre de bureaux de vote. Cette mesure avait été adoptée par la commission des lois en octobre 2020 en vue des élections de mars 2021 ; elle n'avait pas été retenue par l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, le code électoral oblige les préfets à arrêter la liste des bureaux de vote au plus tard de 31 août de l'année précédant l'élection.

J'en viens à la proposition de loi organique, qui s'intéresse à la couverture audiovisuelle de la campagne présidentielle.

La campagne se décline en trois temps. Du 1er janvier au 7 mars, les médias doivent respecter un principe d'équité dans le traitement des temps de parole accordés aux candidats déclarés ou présumés. Du 8 au 27 mars, la période est dite d'équité renforcée pour les temps de parole accordés aux candidats officiels. Enfin, pendant toute la période de la campagne officielle, les médias doivent respecter un principe d'égalité stricte des temps de parole entre les candidats.

La proposition de loi organique imposait aux médias relevant de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de consacrer quatre heures par semaine à la présidentielle. La commission a considéré que la bonne information des électeurs était particulièrement importante, d'autant plus que les candidats ne sont pas tous déclarés.

Nous avons préféré substituer à cette obligation celle, pour les candidats, de débattre avant le premier tour, sous le contrôle de l'Arcom. Cela garantira la qualité du débat démocratique alors que le temps est très raccourci pour ce rendez-vous démocratique essentiel.

Ces deux textes sont bienvenus pour prévenir le risque d'abstention. C'est pourquoi je vous propose de les adopter dans la rédaction issue de nos travaux. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée, chargée de la citoyenneté .  - Avant d'engager l'examen de ces propositions de loi, dernières de la XVe législature, je remercie la Haute Assemblée pour ces cinq années de travail commun. Nous nous sommes souvent opposés, mais avons parfois fait un chemin commun, toujours dans le respect des convictions des uns et des autres. Je sais votre engagement pour le bien du pays et le salue.

Ces deux propositions de loi modifient des règles applicables à la présidentielle et aux législatives. Je partage vos objectifs, mais pas les moyens envisagés et j'ai déjà pu m'exprimer devant votre commission des lois : l'avis du Gouvernement reste défavorable.

Nous vous rejoignons sur l'objectif de favoriser la participation et de sécuriser l'élection.

Le Gouvernement a déjà mis en oeuvre de nombreuses mesures pour le bon déroulement des scrutins : les campagnes dans la presse magazine pour l'inscription sur les listes en attestent, avec 1 525 827 nouvelles inscriptions sur les listes électorales en quelques mois.

Ces propositions de loi nous semblent inopportunes. Le ministre de l'Intérieur ne souhaite pas modifier les règles d'une élection à quelques semaines de sa tenue, sauf urgence absolue. La situation sanitaire de ce mois de février diffère, heureusement, de celle qui entourait les scrutins de 2020 et 2021, grâce à la responsabilité collective des Français et à la vaccination.

L'application de protocoles sanitaires appropriés garantira le bon fonctionnement de la campagne et du scrutin.

Le Premier ministre a par ailleurs mis en place un comité de liaison, présidé par Jean-Denis Combrexelle, qui réunit les administrations, les candidats et les chefs des formations politiques, et apporte des réponses à diverses situations, par exemple sur les protocoles à respecter lors des meetings politiques.

Dans ce contexte, la double procuration ne nous semble pas nécessaire, et le Sénat ne l'avait d'ailleurs pas proposée lors du projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République en janvier 2021. En outre, le retour d'expérience n'incite pas à la pérenniser : seuls 8 % des mandataires y ont eu recours lors des derniers scrutins.

Je souligne les efforts du Gouvernement pour simplifier la procuration : le site maprocuration.fr permet depuis 2021 de la rédiger très rapidement, et le répertoire électoral unique permet de donner procuration à un électeur domicilié dans une autre commune, ce qui facilite la recherche d'un mandataire. Enfin, chacun peut demander, sans justification médicale, la venue d'un professionnel à domicile pour établir la procuration. Ces avancées sont déjà pleinement applicables ; elles répondent aux préoccupations soulevées par l'auteur de ces textes.

Sur la modification du périmètre des bureaux de vote, je rappelle que les préfets et les maires sont sensibilisés à la nécessité de choisir des bureaux de vote garantissant la santé des électeurs. Cela a permis le bon déroulement des scrutins locaux, alors que les bureaux de vote étaient dédoublés à l'occasion des scrutins départementaux et régionaux. Les bureaux disposeront en outre d'un équipement sanitaire. Modifier le nombre de bureaux de vote à ce stade de l'année pourrait par ailleurs être source de confusion. La plateforme elections.interieur.gouv.fr permet de retrouver facilement les informations sur son bureau de vote.

Enfin, l'obligation d'un débat entre candidats à la présidentielle doit s'inscrire dans une réflexion plus globale, que la proximité de l'élection ne permet pas.

Le Parlement pourra y revenir, s'il le souhaite, lors de la prochaine législature.

Je rappelle notre détermination à organiser le mieux possible les prochaines élections. Il est de notre devoir commun d'inciter tous les électeurs à se rendre aux urnes : c'est le sens de la campagne de communication du Gouvernement qui rappelle les modalités et l'importance du vote, droit civique mais aussi citoyen.

Pour conclure, j'exprime ma solidarité à ceux qui vivent sous les bombes en Ukraine. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Guy Benarroche .  - Ces textes, les derniers avant la suspension de nos travaux, concernent l'organisation des élections - mais n'ont aucune possibilité d'être adoptés. Ils nous invitent néanmoins à nous interroger sur l'état de notre démocratie parlementaire. Alors que la crise en Europe n'incite pas aux effets de tribune, rappelons le joyau qu'est la démocratie : la paix est un bien précieux.

Les questions d'organisation liées à la pandémie avaient conduit à modifier les règles électorales ; ces textes s'en inspirent. L'abstention nous oblige : elle est particulièrement élevée chez les 18-30 ans, ce qui conduit à leur sous-représentation dans l'expression des préférences collectives. Chez les 25- 44 ans, les diplômés sont 90 % à être inscrits sur les listes électorales, contre 60% pour les non-diplômés.

Cela ne signifie pas que les Français ne s'intéressent plus à la vie publique ; il n'y a pas d'apathie politique, pétitions et manifestations en attestent. Mais il faut repenser notre système électoral. Abaisser le droit de vote à 16 ans permettrait à plus de jeunes de s'engager en politique alors qu'ils seront les premiers concernés par l'absence de mesures prises sur la dette et sur l'environnement. Le Sénat veut que les adolescents de 16 ans soient responsables pénalement de leurs actes. Ils ont le droit de détenir un fusil de chasse : pourquoi pas un bulletin de vote ?

Les écologistes sont conscients des demandes de nos concitoyens en matière d'ordre démocratique local : comptabilisation du vote blanc et proportionnelle aux législatives. Les promesses du candidat Macron en 2017 n'ont pas été tenues.

Il faut décorréler, enfin, l'élection présidentielle des législatives. La volonté d'asservissement du pouvoir législatif par l'exécutif transforme le Parlement en chambre d'enregistrement. La multiplication des ordonnances en témoigne. Outre les mesures de gestion de la crise sanitaire, des décisions importantes sont prises sans débat, sur le nucléaire par exemple. Oui, il y a bien une crise démocratique, exacerbée par l'exercice solitaire du pouvoir.

Non seulement les décisions se prennent ailleurs, mais les votes des élus n'ont plus d'influence sur la vie des Français. Sans changement profond, la défiance et le désenchantement ira croissant.

Nous voterons contre ces deux textes qui apportent, trop tard, des solutions peu efficaces.

Mme Cécile Cukierman .  - Séance bien singulière au vu de l'actualité internationale. La démocratie est une des armes indispensables pour maintenir la paix. Séance singulière également quant à la forme, ici, en salle Médicis. Mais c'est la force de notre engagement qui compte, plus que le lieu où nous écrivons la loi.

Il s'agit d'alimenter la réflexion sur l'abstention, qui devient un mode d'expression à part entière pour nombre de nos concitoyens. Nous devons combattre ce phénomène : notre ambition doit être de faire commun, de faire République ensemble.

Ces propositions de loi ne se veulent pas l'alpha et l'oméga de la vie démocratique. Le quinquennat, l'inversion du calendrier électoral qui fait des législatives le troisième tour de la présidentielle et l'hyper-présidentialisation compliquent la lecture du débat démocratique.

Le président sortant n'est toujours pas candidat alors qu'il pourrait l'être, à en croire le nombre de ses parrainages.

Mais alors, comment organiser le débat démocratique au plus près de nos concitoyens ? La lutte contre l'abstention dépend avant tout de notre capacité à donner à voir la diversité des programmes des différents candidats, sans se focaliser sur un ou deux d'entre eux comme le font certaines chaînes d'information, peu avares de caricatures.

La question de la place des médias et des sondages est donc posée, d'autant qu'ils structurent l'opinion et donc le vote avant même de s'intéresser à ce que fera, ou ne fera pas, le futur président.

Nous n'avons pas d'opposition de principe aux dispositions proposées qui nourrissent ce débat. On parle beaucoup de ce qu'il faudrait faire avant l'élection, mais, une fois celle-ci passée, on passe à autre chose. Au lendemain de cette séquence électorale, il nous faudra mener une réflexion de fond pour faciliter le débat démocratique et l'exercice du vote. Nous nous abstiendrons sur ces deux textes.

Mme Dominique Vérien .  - La crise sanitaire pèse depuis deux ans sur notre vie quotidienne. Nous avons su nous adapter, évoluer, au gré des vagues, pour mener une vie la plus normale possible.

Malheureusement, notre vie politique n'a pas su se doter des outils pour surmonter cette crise. La pandémie aurait dû être l'occasion de moderniser notre vie publique, comme en matière de travail ou de déplacement. En l'espèce, la crise sanitaire est venue renforcer la maladie de notre démocratie : abstention, défiance envers les élus. La remise en cause du système des parrainages en est la dernière manifestation.

Peut-on accepter que la crise sanitaire perturbe ce temps fort de notre vie démocratique ? Que se passera-t-il en cas de nouveau pic épidémique ? Une forte abstention favorise les projets illégitimes, qui fragiliseraient encore plus un système déjà contesté. Si ce virus nous a appris une chose, c'est l'imprévisibilité. Il faut donc sauvegarder tant la campagne que l'élection elle-même. De ce point de vue, les mesures proposées par Philippe Bonnecarrère sont de bon sens et ont déjà été éprouvées à l'occasion d'autres élections.

Nous devons tirer les leçons du report précipité des municipales en juin 2021, afin de parer à toute éventualité. Je salue donc ces textes et déplore que le Gouvernement ait choisi de les enterrer en refusant d'engager la procédure accélérée.

Ces mesures sont aussi à même d'améliorer notre vie démocratique. L'assouplissement des règles relatives à la procuration est utile, non seulement pour protéger les plus fragiles dans un contexte sanitaire incertain, mais aussi pour prévenir l'abstention. Les Français ne comprennent plus la lourdeur des procédures qui régissent la procuration, alors que la plupart des démarches administratives peuvent désormais se faire sur un smartphone depuis chez soi.

Il ne s'agit pas de désacraliser le vote, qui doit conserver une charge symbolique forte, mais de l'adapter à notre époque : l'abstention des moins de 25 ans a dépassé les 80 % aux dernières élections municipales.

Le principe de responsabilité a conduit certains candidats à limiter les rassemblements ; mais les Français doivent avoir accès au programme de chaque candidat pour faire un choix éclairé.

En conséquence, au regard de ses apports en matière de protection de la sécurité des Français et d'amélioration de notre vie démocratique, nous voterons ce texte.

Mme Maryse Carrère .  - D'ici quelques minutes, nous suspendrons nos travaux. Ce débat est donc l'occasion d'une rétrospective. En juin 2020, à la fin du confinement, la courbe épidémique avait chuté, mais nous avions tout de même pris des mesures de précaution pour le deuxième tour des élections municipales. En juin 2021, un nouvel espoir, le vaccin arrive, mais nous avions voté un texte pour adapter les modalités des scrutins départementaux et régionaux. En revanche, début 2022, plus rien ! Les va-et-vient de l'épidémie incitent pourtant à la prudence. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas souhaité reprendre la précaution peu coûteuse proposée par M. Bonnecarrère ?

Notre groupe est favorable à l'esprit de ce texte, qui a été amélioré par la commission. Nous ne voyons pas d'objection sur les procurations, même si nous avons toujours un doute sur l'élargissement aux électeurs d'une autre commune.

Un point nous a alertés : l'augmentation du nombre de bureaux de vote à l'initiative du préfet. Nous souhaitons, avec Christian Bilhac, que les maires soient à l'origine de ces mesures qui les concernent directement. Ce sont eux qui connaissent le mieux les moyens humains et matériels dont ils disposent : les préfets ne doivent pas pouvoir les leur imposer.

Il demeure que nous touchons, par des mesures apparemment techniques, à des problèmes profonds. Nous devons faciliter l'exercice des droits civiques et répondre à la crise de la citoyenneté. L'abstention lors des derniers scrutins fut préoccupante : les prochains mois diront si cette tendance se poursuit.

Le professeur Bruno Daugeron l'a bien dit : les files d'attente ne sont plus devant les bureaux de vote mais devant les centres commerciaux et les cinémas, où l'imaginaire social est mobilisé et suscité. Les citoyens ont perdu le sentiment que le vote influerait sur leurs modes de vie, alors même que les sujets politiques passionnent. Devant cet écart, nous devons traiter les sujets de fond ; je pense au travail d'Henri Cabanel au sein de la mission d'information, portée par le groupe RDSE, sur la redynamisation de la culture citoyenne. J'espère que la prochaine campagne sera à la hauteur des enjeux.

Sous réserve de l'adoption de ses amendements, notre groupe votera ces deux propositions de loi.

Mme Esther Benbassa .  - Je commencerai par souligner la solennité du moment, avec cette guerre en Ukraine. Alors que le Gouvernement s'apprête à lever une grande partie des mesures sanitaires d'ici au 15 mars, la situation épidémique demeure fragile. Nous avons raison de préférer la prudence à la fausse certitude : il ne faut pas reproduire l'erreur de 2020. L'abstention a atteint le taux record de 66,6 % : cela ne peut s'expliquer par le seul désintérêt des Français pour la politique.

Ces propositions entendent pallier ces difficultés. La double procuration et l'assouplissement des conditions de leur établissement à domicile sont une adaptation importante au regard de la crise. Je me réjouis de la disposition permettant l'organisation d'au moins un débat entre l'ensemble des candidats avant le premier tour.

Certaines personnalités politiques considèrent que le temps qui leur est consacré dans les médias conditionne leur succès ou leur échec ; ils n'ont pas tout à fait tort... Le rôle des médias audiovisuels à travers la sélection de leurs invités est fondamental. J'ai donné mon parrainage à Hélène Thouy, candidate du parti animaliste. Considérée comme une « petite candidate », elle n'est pas traitée comme les autres, alors qu'elle mérite toute sa place dans l'espace audiovisuel. Les médias façonnent la vie politique ; donnons donc la possibilité à tous les candidats, petits comme grands, de participer au débat public.

La situation actuelle nous montre à quel point il importe de se battre pour la liberté et pour la démocratie.

M. Jean-Pierre Sueur .  - C'est donc la guerre, toujours recommencée... Nous avons été nombreux à croire que la chute du mur de Berlin ouvrirait une ère d'extension continue de la démocratie sur notre planète. Malheureusement, tel n'est pas le cas. Il est certes paradoxal de tenir ce débat en cette période grave. Parler de la démocratie, c'est ce qui nous réunit.

Plus paradoxal encore est de débattre tout en sachant que ce qui sera éventuellement voté n'aura, ne pourra avoir aucun effet, dès lors que cette séance est la dernière du calendrier et qu'il n'est pas prévu que l'Assemblée nationale soit saisie de ces textes.

Dans ce contexte, cher Philippe Bonnecarrère, je salue votre travail. L'autre jour, nous parlions, entre autres sujets, des oeuvres d'art ; cela nous rappelle que les chefs-d'oeuvre peuvent être beaux et inutiles. C'est le cas ici.

Il eût été préférable de présenter ces mesures il y a un an, lorsque nous discutions des textes relatifs aux élections à venir ; le délai eût été suffisant pour que cela servît à quelque chose...

Pour ce qui est des médias audiovisuels, l'idée d'accorder quatre heures chaque semaine au débat est intéressante, comme celle d'organiser un débat entre tous les candidats. Mais le système existant prévoit déjà une phase préliminaire, actuellement en cours, une phase intermédiaire, qui débutera le 7 mars, avant la phase de la campagne officielle. Le processus est en marche ; difficile de changer la règle du jeu en cours de partie, surtout si le texte n'a aucune chance d'être adopté.

Nous comprenons que la double procuration ait été proposée pour les élections précédentes, mais nous persistons à penser qu'elle favorise les pressions sur les personnes.

Nous avons émis de nombreuses propositions pour susciter la réflexion, en particulier sur le vote par correspondance. Le risque de fraude, dénoncé en 1975 par Pierre Joxe, n'est plus d'actualité : la proposition de loi de M. Kerrouche apportait toutes les garanties de sécurité. De nombreux pays ont adopté le vote par correspondance ; d'autres organisent le vote sur plusieurs jours, sans difficulté.

Sur les parrainages, question qui occupe les médias de façon croissante à mesure que l'échéance se rapproche, nous proposons un système mixte -  dont il eût fallu discuter il y a un an.

L'idée d'un dédoublement des bureaux de vote est intéressante, mais comment le mettre en oeuvre à quelques semaines du scrutin ? Le travail qui incomberait aux mairies semble beaucoup trop important.

Vos idées sont intéressantes, votre intention est louable, mais la possibilité de mise en oeuvre fait défaut. « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux »... Ne souhaitant pas décourager votre réflexion, nous nous abstiendrons.

M. Alain Richard .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Je salue à mon tour l'intention et l'inspiration de ces deux propositions de loi ; mais nous n'y adhérerons pas.

Nous avons déjà légiféré sur les obligations des médias, qui relèvent d'une instance indépendante. Stimuler la présence des candidats me semble donc superfétatoire : il suffit d'allumer un écran pour constater que la campagne électorale est intensément couverte, sans atteinte flagrante au pluralisme. Inutile de changer la loi votée il y a deux ans.

La modification des périmètres des bureaux de vote serait difficile en pratique. Le nombre limité de bâtiment publics en ville y fait obstacle, d'autant que les électeurs réguliers ont leurs habitudes : ils ne doivent pas découvrir en arrivant au bureau de vote qu'ils n'y sont plus inscrits.

Quant au dispositif de double procuration, il fut voté dans un contexte exceptionnel de réticence des électeurs à se déplacer. Le contexte ne sera pas le même au printemps. Lors de l'élection présidentielle de 2017, plus de 3,5 millions de procurations avaient été établies : il n'y a pas un déficit de mandataires. Au demeurant, le répertoire électoral unique s'appliquera dès le 1er janvier 2022 et permettra de confier sa procuration à un électeur résidant dans une autre commune. Le dispositif actuel me semble donc suffisant.

D'autant que la procuration n'est pas la modalité idéale d'exercice du droit de vote au regard des exigences de secret et de liberté. C'est parfois l'occasion de manipulations, voire d'industrialisation de certaines opérations de vote. La double procuration risquerait d'ouvrir la vanne à des opérations peu honorables.

Sur aucun de ces points la proposition de loi n'apporte d'avantage décisif : nous ne la voterons donc pas. (M. Julien Bargeton applaudit.)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - Le 14 mars 2020, veille des élections municipales, le Premier ministre Édouard Philippe annonçait la fermeture des bars, restaurants, discothèques. Deux jours plus tard, le Président de la République annonçait le confinement. Le taux de participation au premier tour des municipales fut de 45 %, contre 65 % six ans avant. Les départementales et régionales 2021 ont, quant à elles, affiché le taux record d'abstention de 66 %.

Le travail des soignants, les gestes barrières et une politique de vaccination volontariste laissent espérer le retour à une vie normale. Néanmoins, le Covid sera toujours là pour les prochaines élections : je remercie donc Philippe Bonnecarrère pour ses propositions, qui arrivent cependant très tardivement.

Le texte comporte plusieurs dispositions intéressantes : double procuration, assouplissement de la procuration à domicile, possibilité de création de nouveaux bureaux de vote -  difficile à mettre en oeuvre  - , organisation de débats dans les médias.

Vous proposiez initialement quatre heures de débats par semaine ; c'est une ambition mesurée, au regard de l'importante couverture médiatique de la présidentielle. Nous sommes cependant réservés sur l'obligation faite à tous les candidats à débattre ensemble : au vu de leur nombre, j'ai un doute sur la clarté et l'utilité d'un tel débat pour les téléspectateurs.

Il faut encourager l'accès au vote. Celui-ci n'est pas le seul moyen d'expression, à côté des réseaux sociaux et des chaînes d'information en continu qui donnent de l'ampleur au moindre mouvement d'humeur. À quelques semaines du scrutin majeur, la campagne ne semble pas avoir vraiment démarré dans de nombreux esprits - les législatives, elles, sont à des années-lumière...

Le fond du sujet, c'est la participation. La politique intéresse, mais les Français s'interrogent sur son utilité. Mais nous devons nous prémunir contre une forme de résignation à l'égard de l'action publique.

Comme mes collègues, j'ai une pensée pour les Ukrainiens. Nous avons la chance d'être en France, d'être en démocratie, et d'avoir ce type de débats.

Mme Agnès Canayer .  - Nous sommes nombreux à le dire : les conditions de notre débat sont particulières, et la situation troublée en Europe rappelle l'importance de la démocratie.

En outre, la fin de session parlementaire signifie que ces textes ne prospèreront pas.

Pour autant, la proposition de loi tient compte des dysfonctionnements observés lors des derniers scrutins et propose des solutions pragmatiques. Je salue le travail de la rapporteure, qui tend à nous préparer à l'impréparable.

Je salue également l'engagement des élus locaux et des bénévoles, assesseurs et présidents, qui donnent de leur temps pour tenir les bureaux de vote et faire des scrutins électoraux une réussite. Ils doivent être accompagnés par des consignes claires et anticipées du ministère de l'Intérieur.

Les dernières élections ont démontré notre capacité à nous adapter à la crise sanitaire : il faut en tirer les leçons, comme celles des dysfonctionnements, particulièrement dans la distribution de la propagande.

La double procuration a fait ses preuves, le répertoire électoral unique la rendra possible dans un cadre sécurisé. Elle doit amplifier la possibilité donnée de recourir à un mandataire d'autres communes. Le manque d'anticipation de l'État et les considérations techniques ne doivent pas conditionner la démocratie.

Le vote doit être éclairé, et l'information des électeurs est essentielle. Le Gouvernement a tenu compte des conclusions de notre commission d'enquête sur la distribution de la propagande, dont les modalités ont contribué à éloigner des électeurs de l'élection. Certaines de vos propositions semblent répondre à ce problème, mais il faut rester vigilant, surtout face à la dégradation de nos services postaux.

Le changement d'adresse, associé à une radiation et à une réinscription même au sein d'une même commune, est un enjeu crucial : sept millions d'électeurs sont mal inscrits. Le QR code des nouvelles cartes d'électeurs ne résoudra pas tout.

En période Covid, il faut limiter les contacts, et le non-acheminement des cartes de vote compliquera le travail des assesseurs.

Je vous parlerai enfin d'un sujet qui me tient à coeur : les machines à voter. Sous moratoire depuis 2008, elles permettent pourtant de limiter les contacts physiques et la manipulation et éviteraient le dédoublement des bureaux de vote. Près de soixante-dix communes en font usage à chaque élection sans qu'aucun problème ne soit jamais relevé.

Contrairement au vote en ligne, vulnérable aux cyberattaques, l'utilisation des machines à voter est exempte de tels risques, comme l'a montré le rapport de Mme Deromedi et M. Détraigne. J'espère que leur statut sera revu rapidement. Au Havre ou à Boulogne-Billancourt, leur renouvellement est bloqué. Madame la ministre, il est temps de lever ces restrictions.

Le groupe Les Républicains votera pour ces textes de bon sens et pragmatiques, opportuns puisque nous n'avons pas de certitudes sur la situation à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.)

M. Édouard Courtial .  - En préambule, à mon tour d'exprimer ma solidarité avec le peuple ukrainien.

Une abstention de 66,7 %, c'est le record absolu atteint lors des dernières élections territoriales. Il y va de la crédibilité de notre démocratie. Si le vote est un droit, le législateur doit en faciliter l'exercice.

C'est l'objet des deux textes présentés par Philippe Bonnecarrère. À quelques mois des élections présidentielles et législatives, il faut tirer les leçons des scrutins de 2020 et 2021.

Si le premier tour des municipales s'est tenu à la date prévue du 15 mars 2020, le second tour a été repoussé au 28 juin, assorti de mesures éphémères d'adaptation à la situation sanitaire.

Ainsi, le droit à la double procuration avait été consacré à titre provisoire par la loi, avec un assouplissement de la procuration à domicile ; des équipements de protection avaient été distribués aux assesseurs et présidents de bureaux de vote. Ces adaptations ont été reconduites pour les départementales et régionales de 2021.

Deux évolutions sont définitives. Ainsi, un électeur pourra désormais donner procuration à un mandataire d'une autre commune, l'ensemble des informations afférentes étant centralisées dans le répertoire électoral unique. C'est à saluer. De même, le décret du 22 décembre 2021 assouplit la procuration à domicile. C'est utile, mais insuffisant au regard des enjeux sanitaires et démocratiques.

La démarche du Gouvernement est ambivalente : s'il prend des mesures provisoires, il refuse d'ouvrir le débat législatif et n'a pas pris la mesure du risque que ferait peser la persistance de l'épidémie de Covid-19 sur la participation aux prochains scrutins, comme sur la sécurité sanitaire de ceux qui contribueront à son organisation.

La commission des lois du Sénat souscrit sans réserve à la double procuration, au dédoublement des bureaux de vote et aux obligations faites aux médias audiovisuels.

Ces propositions de loi reprennent largement des mesures que nous proposions dès juin 2020. Les services du ministère de l'Intérieur, auditionnés par la commission, opposaient à la double procuration des difficultés techniques - incompréhensible manque d'anticipation.

Seule une approche volontariste du Gouvernement aurait permis à ces textes d'aboutir. Nous avons dû attendre la semaine sénatoriale de la fin février pour l'inscrire à l'ordre du jour. C'est l'occasion de débattre, alors que les prochaines élections devront réconcilier les Français avec les institutions, leurs représentants et avec la parole publique - qui trop souvent se dérobe alors qu'elle engage.

En 2017, la participation était de 79 % à la présidentielle et de 46,9 % aux législatives : madame la ministre, nous devons faire mieux. Les Français doivent faire nation plutôt que de rester une somme d'individualités.

La discussion générale est close.

Discussion des articles de la proposition de loi organique

Les articles premier et 2 sont successivement adoptés.

ARTICLE 3

Mme le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mme Guillotin, MM. Guiol, Requier, Roux et Guérini, Mme Pantel et M. Artano.

Alinéa 3

1° Après le mot :

peut

insérer les mots :

, à la demande du maire de la commune,

2° Remplacer les mots :

les communes du département

par les mots :

la commune

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement subordonne la décision du préfet de créer de nouveaux bureaux de vote à une demande du maire, qui ne doit pas se voir imposer des conditions matérielles auxquelles il ne pourrait satisfaire.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Utile précision : il faut agir au plus près des territoires. Avis favorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°1 rectifié ter est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

Intervention sur l'ensemble

M. Guy Benarroche .  - Mon explication vaudra pour les deux textes. Les plus désespérés sont certes les chants les plus beaux, comme le rappelait Jean-Pierre Sueur, mais l'inutilité d'adopter un texte qui ne s'appliquera jamais est manifeste. Nous sommes en outre en désaccord avec les dispositions proposées en matière de procuration. Notre groupe ne prendra pas part à ce vote inutile.

La proposition de loi organique, modifiée, est mise aux voix par scrutin public ordinaire de droit.

La séance est suspendue quelques instants.

Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°117 :

Nombre de votants 321
Nombre de suffrages exprimés 240
Pour l'adoption 216
Contre   24

Le Sénat a adopté.

Discussion des articles de la proposition de loi

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

Mme le président.  - Amendement n°2 rectifié ter, présenté par MM. Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire et Gold, Mme Guillotin, MM. Guiol, Requier, Roux et Guérini, Mme Pantel et M. Artano.

Alinéa 2

1° Après le mot :

peut

insérer les mots :

, à la demande du maire de la commune,

2° Remplacer les mots :

les communes du département

par les mots :

la commune

M. Jean-Claude Requier.  - Défendu.

Mme Nadine Bellurot, rapporteure.  - Favorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié ter est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

L'amendement n°1 rectifié bis n'est pas défendu.

Interventions sur l'ensemble

M. Guy Benarroche .  - Nous avons voté par bulletins ; je tenais donc simplement à m'assurer que la position de mon groupe est bien « ne prend pas part au vote ».

Mme le président.  - Je vous rassure sur ce point, cher collègue.

M. Jean-Claude Requier .  - Merci à Mme la rapporteure et à Philippe Bonnecarrère, que je connais depuis notre temps passé ensemble au conseil régional de Midi-Pyrénées, et dont j'apprécie la compétence et la rigueur. Nos amendements ayant été adoptés, nous voterons ce texte. Nous siégeons aujourd'hui au sous-sol du Sénat ; espérons que ce texte, lui, ne restera pas trop longtemps au sous-sol de la loi et qu'il prospérera !

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

Inscription à l'ordre du jour

Mme le président.  - Par lettre en date du jeudi 24 février, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du mardi 1er mars d'une déclaration, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la décision de la Russie de faire la guerre à l'Ukraine.

La séance du 1er mars serait en conséquence, en accord avec le Gouvernement, requalifiée comme séance gouvernementale.

Ce débat pourrait avoir lieu à partir de 19 heures.

Il en est ainsi décidé.

La séance est suspendue à 11 h 10.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Lecture d'un message du Président de la République en application de l'article 18-1 de la Constitution

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - En application de l'article 18, alinéa 1, de la Constitution, j'ai reçu de Monsieur le Président de la République un message dont je vais maintenant vous donner lecture. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent, ainsi que les membres du Gouvernement.)

« Face à l'évolution de la situation en Ukraine, j'ai souhaité m'adresser ce jour au Parlement.

« Vous comprendrez que ma première pensée, dans les heures tragiques que nous vivons, va au peuple et aux autorités ukrainiens. Je salue le courage dont ils font preuve pour résister aux offensives militaires massives de la Russie, ainsi que leur détermination à défendre leur souveraineté et leur liberté. Rien n'a été ni ne sera négligé pour leur venir en aide. Nous leur devons soutien et solidarité. Toutes les dispositions sont également prises pour assurer la protection de nos compatriotes en Ukraine. La Nation, par ma voix, salue celles et ceux qui continuent d'assurer, en dépit du danger, notre représentation diplomatique et notre soutien à l'Ukraine.

« La crise actuelle, vous le savez, est née de la décision planifiée, décidée puis organisée par la Russie d'envahir l'Ukraine. L'enchaînement des faits au cours des dernières semaines est clair et sans appel : l'accumulation de forces militaires russes aux frontières russes et biélorusses de l'Ukraine, la recrudescence brutale du nombre de violations du cessez-le-feu et les provocations sur la ligne de contact dans l'Est de l'Ukraine, l'annonce par la Russie de la reconnaissance unilatérale et illégale de l'indépendance des deux Républiques autoproclamées de Donetsk et de Louhansk en bafouant explicitement les accords de Minsk de février 2015, la décision d'envoyer dans les territoires tenus par les séparatistes des forces armées russes pour une prétendue mission de maintien de la paix, puis le déclenchement le 24 février 2022 d'une attaque armée de grande intensité contre l'Ukraine.

« Avec nos partenaires européens et nos alliés, nous avions anticipé cette possibilité funeste d'une guerre sur le continent. Nous avons par conséquent tout mis en oeuvre pour éviter l'escalade et oeuvrer à résoudre la crise par le dialogue. En étroite coordination avec l'Ukraine, nos partenaires européens et nos alliés, nous avons poursuivi le dialogue exigeant engagé depuis plusieurs années avec la Russie car nous savions que personne sur notre continent n'avait rien à gagner à l'escalade. Nous avons fait des propositions sérieuses et agi sans relâche pour mettre en place les conditions de ce dialogue, avec l'Allemagne dans le cadre du Format Normandie, ainsi qu'avec nos alliés et partenaires sur les garanties de sécurité sur le continent européen.

« Nous constatons aujourd'hui que la Russie, tournant le dos à ses engagements et à la voie diplomatique, fait le choix de la confrontation déstabilisatrice pour l'ensemble du continent. Par ses décisions unilatérales et ses actions militaires, la Russie contrevient à ses engagements internationaux et remet en cause le principe cardinal du respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États, le fondement même de l'ordre européen et international.

« Dans ce contexte, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et au titre de sa présidence en exercice du Conseil de l'Union européen, le devoir de la France est triple : d'abord, ne rien céder sur les principes fondamentaux de la paix et de la sécurité collective, en sanctionnant fermement leur violation. C'est ce que le Conseil européen a acté hier par une série de sanctions inédites touchant la Russie et la Biélorussie. Les sanctions concerneront également des personnalités russes, y compris les plus hauts dirigeants de la Fédération de Russie. Ensuite, il nous faut agir en solidarité et en soutien au peuple et aux autorités ukrainiens. Nous accorderons ainsi une aide budgétaire supplémentaire de 300 millions d'euros. Nous sommes également en contact avec les autorités ukrainiennes pour leur fournir le matériel défensif dont elles ont besoin. Enfin, nous devons assurer l'unité avec nos partenaires européens et nos alliés pour protéger notre souveraineté, notre sécurité et nos démocraties. À cet égard, nous prendrons des engagements supplémentaires dans le cadre de l'OTAN afin de protéger le sol de nos alliés baltes et roumains et nous renforcerons la lutte contre les manipulations de l'information et les attaques cyber pour nous protéger contre les ingérences étrangères.

« La guerre en Ukraine marque un tournant géopolitique et historique majeur du XXIe siècle, et fait courir le risque d'un retour des empires et des conflits de frontières. Cette crise majeure aura des conséquences sur nos vies, notre économie et notre sécurité. Les sanctions ont un impact dans la durée, elles ne sont jamais sans conséquences, y compris pour nous, mais nous l'assumons car c'est de la défense de nos valeurs dont il s'agit. Nous prendrons à cet égard toutes les décisions nécessaires afin de protéger nos compatriotes et nos entreprises. Cette épreuve vient confirmer à chacun que notre Europe n'est pas une union de consommateurs mais bien ce projet politique de citoyens attachés à des valeurs et principes communs. C'est à ce titre que l'Union européenne doit pleinement devenir une puissance, plus souveraine en matière énergétique, technologique et militaire.

« Je sais qu'au-delà des divergences qui vous opposent légitimement et qui garantissent la vitalité de notre démocratie, le Parlement saura répondre dans l'unité autour des principes fondamentaux inscrits dans notre Constitution : la souveraineté, la liberté et le respect du droit international.

« Vive la République !

« Vive la France ! »

Le Sénat donne acte au Président de la République de son message, qui sera imprimé et distribué.

J'ajoute que ce matin, lors de la Conférence interparlementaire sur la politique étrangère, de sécurité et de défense commune réunie au Sénat dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, les commissions des affaires étrangères et de la défense des vingt-sept États membres et du Parlement européen ont adopté par consensus une déclaration condamnant l'agression russe et appelant à apporter un soutien sans faille au peuple ukrainien.

Dans cet hémicycle, la démocratie européenne s'est exprimée d'une seule voix. Cette déclaration sera annexée au procès-verbal de notre séance.

Prochaine séance, mardi 1er mars 2022, à 19 heures.

La séance est levée à 14 h 45.

Annexe au compte rendu de la séance du 25 février 2022

Déclaration adoptée par consensus lors de la XXe Conférence interparlementaire, réunie au Sénat, sur la politique étrangère, de sécurité et de défense commune

Nous, représentant les Commissions des Affaires étrangères et de la Défense de l'ensemble des Parlements nationaux de l'Union européenne et du Parlement européen,

1. Condamnons avec la plus grande fermeté l'agression militaire russe en Ukraine, en violation flagrante des principes reconnus par la communauté internationale et des engagements contractés par la Russie.

2. Exprimons notre solidarité la plus absolue avec les autorités légitimes de l'Ukraine et le Peuple ukrainien.

3. Affirmons avec force notre soutien à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues.

4. Appelons la Fédération de Russie à un retrait immédiat et sans conditions de ses forces militaires déployées en Ukraine.

5. Condamnons le blanc-seing donné par le Parlement russe à l'invasion de l'Ukraine et l'instrumentalisation de l'institution parlementaire à des fins de conquêtes territoriales.

6. Appelons les instances parlementaires des organisations multilatérales à condamner l'invasion de l'Ukraine et les agissements de la Fédération de Russie.

7. Soulignons la responsabilité des dirigeants de la Fédération de Russie quant au déclenchement et aux conséquences de ce conflit.

8. Appelons l'Union européenne à des sanctions politiques, économiques, commerciales et financières d'une ampleur inédite à l'encontre de la Fédération de Russie, applicables sans délais et établies en coordination avec nos partenaires et nos alliés.

9. Demandons à l'Union européenne d'apporter un soutien massif et sans faille au gouvernement et au Peuple de l'Ukraine, en mobilisant l'ensemble des moyens nécessaires, notamment économiques et humanitaires, et à se coordonner avec ses partenaires et alliés pour amplifier ce soutien, tout en saluant la rapidité avec laquelle un prêt d'1,2 milliard d'euros a été récemment adopté par l'Union européenne en faveur de l'Ukraine.

10. Souhaitons que l'Union européenne s'organise dans les plus brefs délais pour accueillir dans les meilleures conditions les réfugiés ukrainiens que cette guerre risque de provoquer.

11. Exprimons, dans ce contexte, notre unité, notre attachement indéfectible aux valeurs européennes communes et notre détermination à renforcer la solidarité à l'égard des États membres situés aux frontières extérieures de l'Union.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 1er mars 2022

Séance publique

À 19 heures

Présidence :

M. Gérard Larcher, président

Secrétaires :

Mme Esther Benbassa - M. Pierre Cuypers

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la décision de la Russie de faire la guerre à l'Ukraine