Déclaration du Gouvernement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

Madame la Première ministre, nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat pour votre première intervention en cette qualité. Je vous souhaite pleine réussite dans vos fonctions. Je salue les membres de votre Gouvernement présents, dont certains connaissent déjà cette maison... J'adresse un salut particulier au nouveau ministre chargé des relations avec le Parlement.

Je vous ai proposé par courrier une évolution des relations entre l'exécutif et le Parlement, afin de concrétiser la nouvelle méthode annoncée par le Président de la République. Je compte que vous prendrez en considération attentive ces propositions. Nous aurons l'occasion d'échanger à cet égard.

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Voilà quelques heures, j'ai prononcé devant l'Assemblée nationale la déclaration de politique générale de mon Gouvernement. Par respect pour nos institutions, attachement au bicamérisme et engagement pour nos territoires, j'ai souhaité m'adresser également à vous.

De mes années au service de l'État, dont cinq comme membre du Gouvernement, et de mes premières semaines comme Première ministre, j'ai tiré une conviction qui n'a cessé de se renforcer : je n'imagine pas la République sans le Sénat. (Applaudissements et exclamations amusées sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)

M. le président.  - Poursuivez ainsi... (L'amusement redouble ; Mme la Première ministre rit.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Vous êtes les relais des préoccupations des Français, la voix des élus locaux et des territoires et la force d'équilibre et d'apaisement de nos institutions.

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Dans les urnes, les Français nous ont appelés à trouver des solutions communes pour répondre ensemble aux défis qu'ils affrontent. Ils nous demandent des débats francs mais respectueux, des propositions fortes et des compromis. Ils exigent de l'action et, d'abord, de l'écoute.

Bâtir des solutions ensemble en écoutant les propositions de tous, en s'appuyant sur nos territoires et en restant fidèles à nos valeurs : telle est de longue date la méthode du Sénat. Nous devons nous inspirer de votre expérience et de vos pratiques. (Applaudissements et exclamations amusées sur toutes les travées, à l'exception de celles du groupe CRCE)

M. Jean-François Husson.  - Il va falloir tenir la distance !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - À l'heure où notre histoire politique s'apprête à connaître une nouvelle étape, nous avons plus que jamais besoin de vous. (Exclamations amusées sur de nombreuses travées)

Je m'adresse à vous avec responsabilité et humilité.

Responsabilité, car nous sortons d'années éprouvantes, pendant lesquelles les Français ont fait preuve de caractère et de volonté. Grâce à eux, notre pays a tenu. Je salue mes deux prédécesseurs immédiats, Édouard Philippe et Jean Castex, deux hommes d'État qui ont traversé les difficultés avec force et droiture ; ils sont des exemples. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe INDEP ; M. Pierre Médevielle applaudit également.)

Responsabilité, aussi, car nous connaissons les défis qui se présentent.

L'invasion de l'Ukraine nous rappelle douloureusement que la paix est fragile. Je vous sais très attentif, monsieur le président du Sénat, à la situation dans ce pays, où vous vous rendrez dans quelques heures. Cette guerre a des conséquences concrètes : l'inflation, notamment dans le domaine de l'énergie, pèse sur le pouvoir d'achat des Français, et les perspectives économiques s'assombrissent.

Par ailleurs, l'épidémie de Covid-19 n'a peut-être pas dit son dernier mot. Le réchauffement climatique devient toujours plus inéluctable. L'insécurité gâche encore le quotidien d'un trop grand nombre de nos concitoyens. Les inégalités territoriales menacent le pacte républicain.

Dans ce contexte, nous avons la responsabilité d'agir ; nous le devons aux Français, et mon Gouvernement s'y emploiera avec force.

Ces dernières semaines, les Français se sont exprimés par quatre fois. Ils ont reconduit le Président de la République, puis élu à l'Assemblée nationale une majorité relative. Dans le verdict des urnes, nous entendons la volonté d'un dialogue accru et de constructions communes ; il exprime aussi des inquiétudes, des peurs et des colères. Dans l'abstention trop forte, nous devinons de la défiance, parfois de la résignation.

Nombre de Français n'ont plus confiance dans la politique et dans nos institutions pour changer concrètement leur quotidien. Nous devons leur répondre par une action résolue et des résultats qui se voient.

Sans doute faudra-t-il aussi des changements institutionnels. Mais on ne modifie pas nos institutions sans consensus. Le Sénat sera pleinement associé aux réflexions. Sous l'égide du Président de la République, une commission transpartisane sera instituée à la rentrée.

Pour répondre au message des Français, il nous faut changer certaines pratiques. Bâtir des compromis n'est pas se renier : c'est construire autour de ce que nous avons en commun ; c'est assumer les clivages et les désaccords, mais refuser les postures. En cela, le Sénat a été précurseur.

Mon Gouvernement partage avec vous bon nombre de priorités et même, sans aucun doute, de solutions.

Dans certains domaines, au-delà de ce que la Constitution prévoit, le travail parlementaire pourra commencer dans cet hémicycle : le Sénat pourra ainsi pleinement agir comme force de coconstruction. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Emmanuel Capus.  - Excellente idée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Pour répondre au message des Français, il faut donner la parole à tous. Mon Gouvernement consultera les corps intermédiaires et les forces vives de notre pays. Nous mènerons chaque réforme en liaison avec les partenaires sociaux et serons à l'écoute des aspirations et idées de tous nos compatriotes.

Surtout, nous agirons en liaison étroite avec les élus locaux : premiers interlocuteurs des Français et meilleurs connaisseurs de leur territoire, ils sont les visages du courage et de l'engagement. En première ligne face aux urgences, ils sont bien souvent des précurseurs, comme en matière de mobilités ou de transition écologique. Dans la crise sanitaire, ils ont, une fois de plus, répondu présent pour expliquer, alerter et accompagner.

Pour chaque projet, mon Gouvernement écoutera et associera les élus locaux ; nous nous inspirerons de leurs actions et de leurs idées.

Parce qu'ils ont besoin de visibilité et de stabilité, les compétences des collectivités territoriales ne seront pas bouleversées. Nous définirons avec les élus locaux un agenda territorial, en cherchant un accord sur des objectifs et des moyens. Ils doivent aussi avoir du poids : le conseiller territorial peut être l'occasion de renforcer la complémentarité entre départements et régions. (Applaudissements sur des travées du RDPI et sur quelques travées des groupeUC et Les Républicains)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Nous lancerons des consultations approfondies sur ce sujet l'année prochaine.

Les territoires doivent pouvoir prendre les décisions adaptées au contexte local. Pour répondre au message des Français, il faut des solutions au plus près du terrain.

Ces cinq dernières années, nous avons fait des premiers pas : plus de 2 000 maisons France Services ont vu le jour. Pas un Français ne doit être éloigné de plus de trente minutes d'une telle structure. Nous avons avancé aussi dans le déploiement de notre couverture haut débit. Nous avons investi pour revitaliser nos centres-villes et nos bourgs. Nous avons ouvert la voie à la différenciation.

En Corse, le cycle de discussions avec les élus et les forces vives sera relancé dans les prochains jours. Nous sommes prêts à aborder tous les sujets, y compris institutionnels, de manière transparente et dans un esprit constructif et responsable. Mais ne cédons pas à la facilité : trouvons au cas par cas des solutions concrètes.

Je vous propose une méthode d'action pour les années qui viennent. Il est temps de rendre son sens au mot « égalité » : trop longtemps, nous avons cru qu'il signifiait qu'une règle unique, dictée depuis Paris, devait s'appliquer uniformément partout... (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

L'égalité réelle n'est pas un carcan : elle consiste à trouver les solutions adaptées pour atteindre des ambitions communes. Qui peut croire que les enjeux de santé sont les mêmes dans le centre de Lyon et dans les banlieues de Pointe-à-Pitre ? Que les écoliers font face aux mêmes défis dans les quartiers nord de Marseille et les villages du Calvados ? La justice territoriale, ce sont des solutions différenciées.

Nous travaillerons en association avec les élus, les habitants et les associations ; avec eux, nous dresserons les constats, trouverons des solutions et donnerons des moyens.

Je tiens à adresser un message particulier à nos compatriotes des outre-mer, quelques jours après l'appel de Fort-de-France, un nouveau signal d'alarme.

Les outre-mer, ce sont une jeunesse prête à s'engager, des trésors de biodiversité, des places fortes de notre souveraineté. La promesse républicaine doit y être tenue. Avec les collectivités ultramarines, nous agirons pour la présence des services publics, contre la vie chère, pour le développement et contre la délinquance et l'immigration illégale.

Le quinquennat qui s'ouvre sera aussi l'occasion d'une nouvelle étape dans notre histoire républicaine avec la Nouvelle-Calédonie. J'y prendrai toute ma part.

J'ai confiance en nous, mesdames, messieurs les sénateurs, et je suis déterminée. Je connais la volonté constante du Sénat d'agir au service de la France, des territoires et des Français. Mon Gouvernement la partage. Alors, autour du projet du Président de la République, dialoguons et construisons ensemble les réponses aux urgences et aux défis qui nous font face.

Le premier défi qu'il nous faut relever est celui du pouvoir d'achat.

Depuis l'automne dernier, de nombreuses mesures ont été prises pour limiter la hausse du prix de l'électricité, du gaz et de l'essence. L'inflation dans notre pays est la plus faible de la zone euro. Mais nos concitoyens ressentent chaque jour les effets de la guerre sur les prix.

Dès demain, mon Gouvernement présentera en Conseil des ministres des textes d'urgence et des mesures concrètes, rapidement efficaces. Nous entendons prolonger le bouclier tarifaire des ménages sur le gaz et l'électricité, baisser les charges des indépendants, tripler le plafond de la prime de pouvoir d'achat et mettre en place une aide pour ceux qui doivent se rendre au travail en voiture.

Nous revaloriserons les pensions et augmenterons les prestations sociales. Les bourses étudiantes sur critères sociaux seront revalorisées. Quant au point d'indice, il sera dégelé dans les trois versants de la fonction publique ; nous discuterons ensemble des moyens d'accompagner les collectivités territoriales.

Ces mesures sont notre base de travail, mais nous serons à votre écoute, et vous pourrez les amender lors du travail parlementaire. (Marques d'ironie à droite)

M. Jean-François Husson.  - Trop aimable !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Trois principes devront guider notre action.

D'abord, la responsabilité environnementale : il nous faudra systématiquement mesurer l'impact sur l'environnement des mesures envisagées.

M. Guy Benarroche.  - Tiens donc !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - La responsabilité budgétaire, ensuite - beaucoup dans cet hémicycle y tiennent, à raison : après avoir protégé les Français pendant la crise, nous devons retrouver des perspectives claires pour l'amélioration des comptes publics. C'est une nécessité pour continuer à financer notre modèle social en même temps qu'un impératif de souveraineté.

En 2026, nous devrons commencer à réduire la dette.

M. Jean-François Husson.  - C'est trop tard !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - En 2027, nous devrons ramener le déficit sous les 3 % du PIB. Je souhaite que nous travaillions ensemble à atteindre ces objectifs. Nous vous proposons de le faire grâce à une croissance forte et durable, créatrice d'emplois ; grâce à des réformes essentielles, à la lutte contre la fraude et à la modernisation de l'État.

Notre troisième principe est le respect de l'engagement pris par le Président de la République de ne pas augmenter les impôts. Au cours du précédent quinquennat, les impôts des Français et des entreprises ont baissé de plus de 50 milliards d'euros. Nous proposerons dès cet été la suppression de la redevance audiovisuelle, parallèlement à une réforme de l'audiovisuel public qui garantira à celui-ci indépendance et des moyens durables.

Ce combat pour le pouvoir d'achat, nous ne le mènerons pas seuls : les entreprises qui dégagent des marges devront aussi prendre leurs responsabilités.

Notre deuxième défi est de bâtir ensemble la société du plein-emploi.

J'en suis convaincue, c'est par le plein-emploi et le bon emploi que nous changerons notre rapport au travail. Lors du précédent quinquennat, nous avons transformé en profondeur le marché du travail, encouragé l'apprentissage et mis en place le plan « 1 jeune, 1 solution », ainsi que le Contrat d'Engagement Jeune. Résultat : le chômage est au plus bas depuis quinze ans -  quarante ans pour les jeunes. Le plein-emploi est à portée de main ! En sortant du chômage de masse, nous redonnerons du pouvoir de négociation aux salariés : les employeurs devront améliorer les conditions de travail et augmenter les salaires.

Ensemble, jetons toutes nos forces dans cette bataille ! Nous devrons ramener vers l'emploi les plus éloignés du marché du travail, poursuivre notre action envers les jeunes et assurer l'insertion des bénéficiaires du RSA en améliorant l'équilibre droits-devoirs.

Il nous faut aussi mieux accompagner les chômeurs. État, régions et départements agissent trop souvent en ordre dispersé. Pour unir nos forces, nous transformerons Pôle emploi en France Travail. (Exclamations sur de nombreuses travées)

Le plein-emploi passe aussi par une meilleure orientation et la formation tout au long de la vie, alors que nous devrons, dans les prochaines années, former un million de jeunes aux métiers d'avenir, notamment dans le numérique et la transition écologique.

Le plein-emploi, c'est aussi la garantie de pouvoir continuer à financer notre modèle social. Paradoxalement, il est à la fois l'un des plus généreux et l'un de ceux où l'on travaille le moins longtemps : on part à la retraite plus tard dans la totalité des autres pays européens. Pour pérenniser notre système par répartition et financer de nouveaux progrès sociaux, nous devrons, oui, travailler progressivement un peu plus longtemps. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Pierre Louault.  - Très bien !

M. Pascal Savoldelli.  - Jusqu'à 65 ans ! Cartes sur table !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Notre réforme ne sera pas uniforme : elle tiendra compte des carrières longues, de la pénibilité et de l'emploi des seniors. Nous la mènerons en concertation étroite avec les partenaires sociaux et vous y associerons le plus en amont possible.

Ensuite, je vous propose d'apporter des réponses radicales à l'urgence écologique. Devant ce défi, nous devons sortir de la querelle entre les radicaux et les pragmatiques. Il nous faut nous adapter et bâtir une écologie de progrès. La révolution écologique sera source d'innovations, de filières nouvelles et d'emplois d'avenir.

Nous avons déjà réalisé des avancées significatives, mais, pour atteindre la neutralité carbone en 2050, notre action doit être encore plus résolue et organisée.

Dès septembre, les concertations seront lancées en vue d'une loi d'orientation énergie-climat. Chargée de la planification écologique par le Président de la République, j'adresserai à chaque ministère une feuille de route climatique, avec des objectifs à atteindre. Nous définirons avec toutes les filières des objectifs de réduction d'émissions, ainsi qu'un calendrier et des moyens pour les respecter.

Les collectivités territoriales sont au coeur de notre transition écologique. Nous avancerons avec les élus locaux, qui, bien souvent, ont été précurseurs. C'est pourquoi nous avons créé un ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Nous avons les moyens d'être la première grande Nation à sortir des énergies fossiles, grâce à un mix plus équilibré autour des énergies renouvelables et du nucléaire.

Nous avons besoin de piloter parfaitement notre transition énergétique : c'est pourquoi l'État entend détenir 100 % du capital d'EDF, qui pourra ainsi mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux.

Nous réaliserons la transition énergétique aussi en consommant moins.

Nous devons nous préparer à toutes les décisions possibles de la Russie : si nous sommes moins exposés que d'autres pays, ces décisions nous affecteraient néanmoins. Nous avons les moyens de tenir, mais il faudra agir.

Plus largement, nous devons décarboner tous les pans de notre économie et de notre vie. Dans l'industrie, nous nous appuierons sur les 50 milliards d'euros de France 2030. Nous rénoverons 700 000 logements par an, prolongeant ainsi les succès du précédent quinquennat.

Où qu'il habite, chacun doit avoir accès à un moyen de transport propre. En matière de ferroviaire, nous poursuivrons les investissements de ces dernières années pour les petites lignes, les lignes du quotidien et les trains de nuit. Chaque Français doit pouvoir accéder à une voiture zéro émission, notamment grâce aux primes à la conversion et à un système de location de longue durée à moins de 100 euros par mois.

Je sais que nous partageons l'ambition d'une République de l'égalité des chances, qui refuse l'assignation à résidence et rompt les inégalités de destin.

C'est dès la naissance que tout se joue. Par le chantier des 1 000 premiers jours comme par le service public de la petite enfance que nous voulons bâtir avec les collectivités territoriales, nous entendons répondre aux problèmes à la racine : trouver des solutions de garde pour les enfants de moins de 3 ans, offrir les 200 000 places d'accueil manquantes, soutenir les parents qui élèvent seuls leur enfant -  le plus souvent des mères.

Bâtir la République de l'égalité des chances, c'est aussi agir pour l'école. Elle doit conforter les savoirs fondamentaux tout en préparant aux savoirs de demain, comme le codage ; garantir l'égalité sans jamais renoncer à l'excellence ; dispenser des savoirs, mais aussi préparer à des métiers. Nous voulons rapprocher l'enseignement secondaire et les métiers et réformer le lycée professionnel.

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Les enseignants devront être mieux associés à la transformation de l'école, et leurs salaires devront être revalorisés. Dans le sillage du plan « Marseille en grand » qu'a lancé le Président de la République, nous voulons donner des marges de manoeuvre et d'adaptation aux établissements ; une concertation en ce sens sera lancée dès septembre.

Pour que notre jeunesse continue de faire vivre les valeurs républicaines, nous poursuivrons le déploiement du service national universel (SNU). Nous continuerons à promouvoir notre université et notre enseignement supérieur et à oeuvrer pour l'égalité des chances et l'amélioration des conditions de vie de nos jeunes.

Au service de l'égalité réelle, le sport et la culture sont des moyens d'émancipation. À l'aube des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, il nous faut bâtir une Nation sportive, qui partage le goût du dépassement et de l'effort. Il nous revient aussi de construire une Nation culturelle qui valorise son patrimoine et ses créateurs. Le pass Culture, une réussite, sera étendu dès la 6e, et l'éducation artistique et culturelle sera amplifiée.

Sans une santé de qualité, pas d'égalité des chances. Or, en ville comme en ruralité, nous faisons face à un manque de soignants, et les effets de la suppression du numerus clausus ne se feront pas sentir immédiatement.

Le défi de la santé, c'est d'abord celui de la prévention. À cet égard, nous devons activer tous les leviers -  qualité de l'air, habitat, conditions de vie  - , en particulier avec les maires.

Nous aurons aussi à poursuivre le soutien à nos soignants, dont l'engagement lors de la crise sanitaire appelle notre reconnaissance. Le Ségur de la santé a ouvert la voie à de grandes avancées, mais les problèmes sont encore loin d'être réglés. Pour cet été, nous avons pris des mesures d'urgence. Il faut maintenant construire des solutions durables, notamment en renforçant l'attractivité des métiers du soin et la coopération entre professionnels de santé.

À nous, avec les élus locaux, les professionnels et les patients, de moderniser l'offre de soins pour chaque territoire. Des concertations seront lancées dès septembre pour, prioritairement, trouver des solutions aux déserts médicaux, sujet cher au Sénat.

Nous n'avons pas tourné la page de la covid : ces derniers jours, l'épidémie reprend fort. Pour l'heure, notre système de santé n'est pas touché, mais nous devons rester vigilants.

La République de l'égalité des chances offre une vie sereine à tous les âges. Nous devons faire croître l'espérance de vie en bonne santé et améliorer la prise en charge à domicile, notamment avec MaPrimeAdapt', comme en maison de retraite. Après les récents témoignages insoutenables, nous avons renforcé les contrôles. Nous devons maintenant construire les Ehpad de demain, mieux médicalisés, ouverts et humains.

D'ici à 2027, nous devrons recruter 50 000 infirmiers et aides-soignants, compte tenu de la révolution démographique. Pour relever ce défi immense, il nous faut renforcer l'attractivité des professions et travailler avec les départements à bâtir un service public du grand âge.

Lors du quinquennat précédent, beaucoup a été fait pour rendre notre société plus inclusive. Alors que le handicap concerne 12 millions de Français, nous devons poursuivre notre effort en faveur de l'accessibilité et de l'autonomie. Avec vous et les associations, mon Gouvernement réformera l'allocation aux adultes handicapés (AAH) en partant du principe de la déconjugalisation, une réforme très attendue. (Quelques applaudissements à gauche ; murmures à droite)

M. Jean-François Husson.  - Le Sénat l'a déjà votée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Enfin, je crois qu'il n'y a pas d'égalité des chances sans sécurité. Je tire cette conviction de mon expérience de préfète comme de mes échanges avec les Français.

Comme de nombreux maux, l'insécurité frappe d'abord les plus démunis, en zone rurale comme en zone urbaine. L'insécurité est une inégalité, des plus odieuses. Je suis déterminée à agir et convaincue que, dans ce domaine, nous pouvons faire beaucoup ensemble. Nous avons en commun le soutien, la confiance et l'exigence pour nos forces de l'ordre.

Durant le précédent quinquennat, 10 000 policiers et gendarmes ont été recrutés, et les moyens de nos services de renseignement ont été renforcés.

Je vous propose d'écrire la prochaine étape ensemble, autour d'une loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur. Nous devons faire plus pour la sécurité du quotidien, préparer notre police aux défis du futur, comme la cyberdélinquance, et lutter toujours plus contre les trafics. Nous renforcerons pour cela les moyens du ministère de l'Intérieur (M. Loïc Hervé s'en félicite), en créant 11 nouvelles unités de forces mobiles et 200 nouvelles brigades de gendarmerie.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Très bien !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Lutter contre les zones blanches de sécurité, j'y tiens, comme élue d'un département rural et ancienne préfète d'une région largement rurale. Je sais combien la chambre des territoires est attentive à cette égalité devant la sécurité.

Reste que les moyens supplémentaires ne sont pas toute la solution. Il faut aussi refuser toute impunité. Nous voulons doubler, d'ici à 2030, le temps de présence des policiers et gendarmes sur la voie publique et réformer l'investigation.

La justice doit être efficace et rapide, et ses décisions respectées. Les états généraux de la justice ont fait apparaître un besoin de moyens et de méthodes nouvelles. Nous voulons restaurer la confiance entre la justice et nos concitoyens, répondre aux attentes des personnels et garantir toujours son indépendance. Un projet de loi de programmation pour la justice vous sera soumis, prévoyant notamment le recrutement de 8 500 personnels de justice supplémentaires.

Nous voulons aussi assurer l'exécution des peines et lutter contre la surpopulation carcérale. À cette fin, 15 000 places de prison seront construites dans les prochaines années.

La lutte contre les violences sexuelles, sexistes et intrafamiliales me tient particulièrement à coeur. Elle impose la mobilisation de tous. Je m'engage à ce que le combat continue.

Nous devons poursuivre aussi la lutte contre toutes les discriminations. En particulier, l'égalité femmes-hommes est la grande cause de ce quinquennat. Croyez bien que, en tant que deuxième Première ministre de notre pays, j'y attache une importance particulière.

La pandémie, la guerre en Ukraine et les crises migratoires nous ont rappelé que notre souveraineté est à la fois profondément française et profondément européenne. Je vous propose de bâtir une France plus forte dans une Europe plus indépendante.

Cela passe par la souveraineté énergétique, mais aussi industrielle et numérique. Ces dernières années, nous avons donné un coup d'arrêt à la désindustrialisation. Pour poursuivre cette dynamique, nous vous proposerons de supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dans la loi de finances pour 2023, ce qui améliorera la compétitivité de nos TPE et PME. Cette perte de ressources sera compensée aux collectivités territoriales. (Murmures circonspects à droite)

Agir pour notre souveraineté industrielle, c'est aussi investir dans des secteurs d'avenir, comme l'énergie, les biomédicaments, le spatial ou l'électronique. Nous devons également continuer à valoriser et simplifier le métier de chercheur.

Enfin, notre souveraineté suppose d'assurer l'avenir de notre filière agricole. Je sais combien ce défi vous importe ; il m'importe de même. Nous bâtirons ensemble une loi d'orientation et d'avenir répondant aux défis de l'agriculture, à commencer par les départs massifs à la retraite qui se profilent. Nous devrons améliorer la rémunération des agriculteurs, accompagner la transmission des exploitations et poursuivre le soutien massif à l'adaptation au changement climatique. Il nous faudra aussi investir dans de nouvelles productions et nous protéger contre la concurrence déloyale des pays ne respectant pas nos critères sociaux et environnementaux.

Une France plus forte dans une Europe plus indépendante, c'est aussi tenir nos frontières. Nous resterons fidèles à notre tradition d'asile. Pour que ce soit juste, nous devons poursuivre l'accélération des demandes et une meilleure intégration par le travail. Nous devons aussi reconduire plus rapidement ceux dont le titre est refusé.

Disposer d'un titre de séjour dans notre pays impose de respecter ses lois. Nous serons intransigeants à cet égard.

En matière d'immigration irrégulière, nous créerons une force des frontières et poursuivrons notre combat contre les passeurs, véritables trafiquants d'êtres humains.

Notre souveraineté est aussi stratégique. Le contexte géopolitique nous le rappelle sévèrement : nous devons pouvoir nous défendre et faire entendre notre voix. Nos soldats se battent pour notre liberté, parfois au péril de leur vie. Je tiens à exprimer aux armées notre soutien et à rendre hommage à nos soldats tombés au combat, aux familles endeuillées et à ceux qui sont revenus d'opération meurtris dans leur chair ou leur esprit. (Applaudissements nourris)

Les désordres du monde nous obligent : nous devons disposer d'un modèle d'armée complet, équilibré et modernisé. À cet égard, nous devons amplifier l'effort réalisé lors du précédent quinquennat, sans précédent depuis la fin de la guerre froide. Le Président de la République présentera prochainement les contours d'une nouvelle loi de programmation militaire ; il fixera un cap à nos armées et à notre industrie de défense.

Nous devons aussi fortifier la résilience de la Nation par le renforcement de la réserve, le travail sur la mémoire et l'attention portée à nos anciens combattants.

Dans un contexte géopolitique bouleversé, un monde qui n'est pas encore sorti de la pandémie et une configuration politique inédite, nos défis sont nombreux.

La réponse de mon Gouvernement, sous l'autorité du Président de la République, tient en une ambition forte et une méthode nouvelle. Dans les années qui viennent, le Sénat sera plus que jamais au coeur de la recherche de compromis. (Marques de satisfaction à droite)

Alors qu'une nouvelle étape s'ouvre, je vous propose, comme aux députés, de construire ensemble. Nous pouvons le faire, rassemblés autour des valeurs de la République  -  liberté, égalité, fraternité, laïcité  - , de la volonté d'agir et de majorités d'idées.

J'ai confiance en nous et en notre capacité à relever ensemble les défis de l'avenir. (Applaudissements prolongés sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; plusieurs sénateurs du RDSE et du groupe UC applaudissent également.)

M. Emmanuel Capus.  - Très bien !

M. Bruno Retailleau .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous avez habilement flatté notre patriotisme sénatorial... Reste que l'exercice de la déclaration de politique générale aura rarement aussi bien porté son nom.

En effet, à la crise géopolitique, à la crise sanitaire qui perdure et à la crise sociale et économique s'ajoute désormais une crise politique et civique qui est, précisément, générale. La France est en voie de fracturation et les Français en voie de sécession.

Il serait profondément injuste de l'imputer à Emmanuel Macron, mais il le serait tout autant de ne pas reconnaître qu'en cinq ans, tout s'est aggravé.

Regardez la carte électorale : la France est en pièces détachées ! Jamais le vote des Français n'a autant dépendu de leur revenu, de leur diplôme ou de leur territoire. Assignation, avez-vous dit : à la vérité, tout se passe comme si les Français étaient assignés dans leurs différences. Quel aveu d'échec pour celui qui avait théorisé la disparition des clivages...

De fait, les clivages sont de retour, plus radicaux -  voyez l'Assemblée nationale - et peut-être plus dangereux lorsqu'ils échappent aux catégories politiques.

Si vous voulez vraiment réparer ces fractures, vous devez parler aux Français comme à un seul peuple : plus de Français qui ne sont rien, de premiers de cordée et de Gaulois réfractaires !

La sécession, elle aussi, s'est accélérée, à cause du « en même temps », qui n'a rien réglé mais a tout abîmé. De zigzags en tête-à-queue, le président virevoltant d'un revirement à l'autre s'est enfermé dans l'impuissance : Jupiter est devenu Gulliver, pris dans les fils de ses contradictions.

Ainsi, vous avez fermé Fessenheim, une centrale nucléaire, et vous apprêtez à rouvrir Saint-Avold, une centrale à charbon... Nous ne nous opposons pas a priori à la nationalisation d'EDF, mais, vous le savez bien, il ne s'agit que d'un moyen. Il faut traiter aussi la tarification de l'énergie, comme l'Espagne et le Portugal viennent de le faire.

Autre exemple : vous parlez de souveraineté alimentaire européenne, mais on apprend qu'un accord de libre-échange a été conclu avec la Nouvelle-Zélande qui ne respecte pas les normes en matière de pesticides que nous imposons à nos propres agriculteurs... À quoi cela rime-t-il ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Si vous voulez retrouver la confiance, renoncez donc à l'« en même temps ». Faites des choix nets, ayez une boussole, un cap. C'est ce que nous vous demandons d'abord.

Oui, l'époque a changé radicalement. Le retour du tragique dont parlait le Président de la République, c'est la guerre en Europe, mais aussi, en économie, le retour de la réalité : des taux d'intérêt, naguère négatifs, qui commencent à s'envoler et une inflation qui les suit.

Non, la dette ne sera pas remboursée par la croissance ! La croissance fléchit et l'euro s'effondre face au dollar, aggravant l'inflation importée.

Dès lors, il vous faut renoncer aussi à la politique de l'argent facile. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains) Qui peut croire que, demain, les nations qui ne tiennent pas leurs comptes pourront tenir leur rang ?

Le « quoi qu'il en coûte » aura été terrible. Non seulement par les centaines de milliards d'euros qu'il aura coûtées, sans lien avec la crise de la covid, comme la Cour des comptes l'a plusieurs fois souligné, mais surtout par le changement culturel qu'il a induit : vous avez introduit une torsion du rapport au travail, en faisant croire aux Français que l'État peut pourvoir à tout et que l'amélioration du sort de chacun dépend de l'État plus que des fruits de son travail.

Vous n'obtiendrez rien de nous, rien, si vous n'abandonnez pas ce « quoi qu'il en coûte » !

Dès le débat qui s'annonce sur le pouvoir d'achat, nous ne cautionnerons pas de nouvelles dépenses non gagées par des nouvelles économies.

M. Xavier Iacovelli.  - Et le litre d'essence à 1,50 euro ?

M. Bruno Retailleau.  - Nous ferons nos propres propositions sur les carburants.

Pour nous, le pouvoir d'achat procède d'abord du travail, et non de chèques sans provision de l'État ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Au reste, comment pensez-vous lutter contre l'inflation avec une politique inflationniste ? Les dépenses de l'État subventionnent l'emploi à l'étranger, puisque, sur 100 euros versés, 62 sont dépensés en produits importés...

Renoncer au « quoi qu'il en coûte », c'est réformer vraiment les retraites. Nous vous suivrons si vous êtes courageuse, pas seulement en tribune mais dans les faits. Oui, nous devons sauver notre régime, pour nos enfants et nos petits-enfants, pour la solidarité dont d'aucuns se gargarisent.

Trois grands services publics sont en déshérence : la santé, la sécurité et la justice. Sans parler de l'école. Mais la dépense publique ne peut pas tout. D'ailleurs, si elle était la mesure de l'efficacité de l'action publique, nous serions à l'avant-garde du bonheur universel... (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Le Ségur de la santé illustre spectaculairement ce contresens. Dépenser des milliards sans réformer est voué à l'échec !

Nous avancerons des propositions sur l'hôpital. En ce qui concerne les déserts médicaux, nous avons déposé une proposition de loi. Ne pensez pas qu'il sera suffisant de s'en remettre aux élus locaux. Nous voulons la même sécurité sociale sur tout le territoire, car il y va de l'égalité des chances.

Le « en même temps » n'aura donc rien réglé, mais il aura beaucoup abîmé. Les idées, d'abord : tout désormais est interchangeable, et on peut passer d'une conviction à l'autre. Les fidélités, ensuite, à force de débauchages et de trahisons.

Je n'ai nulle prétention à détenir la vérité, mais je crois que l'honneur de la politique, c'est la force des convictions. Son déshonneur, c'est le reniement des engagements et la trahison des convictions. Pour notre part, nous ne trahirons pas et ne nous renierons pas !

Ici, certains ont des convictions très différentes des miennes ; mais ils ont des convictions, et je les respecte profondément pour cela.

Parlons clair : nous ne sommes pas macronistes, nos électeurs non plus, et nous ne le deviendrons pas...

M. Pierre Laurent.  - Vous voterez tout quand même !

M. Bruno Retailleau.  - En revanche, nous sommes patriotes : nous aimons la France et voulons sa réussite. Notre ligne, claire et exigeante, sera l'intérêt supérieur du pays. Nous pratiquerons une opposition d'intérêt général, comme, du reste, nous en avons l'habitude.

Nous pratiquerons une opposition, oui, mais d'intérêt général. Nous sommes précurseurs : nous avons toujours proposé, mais nos propositions ont souvent sombré dans une indifférence parfois méprisante : déconjugalisation, laïcité...

Parler clair, c'est aller à l'essentiel : la France, qui doit être gouvernée et les Français, qui doivent être écoutés. La France est suradministrée jusqu'à l'Absurdistan. Débureaucratisez, vous ferez des économies. La France est de moins en moins gouvernée : la politique de la communication s'est substituée à la politique tout court. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Même la diplomatie devient propagande politique...

Revenir aux sources, ce n'est pas inventer des bidules participatifs, pour les recalés du suffrage universel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est revenir à l'article 3 de la Constitution - « la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » - : nul besoin d'un Conseil national de la refondation ! (« Bravos ! » sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Muriel Jourda applaudit également.)

Les Français doivent être écoutés et consultés par la voie de la démocratie directe. Élargissez le champ de l'article 11 de la Constitution ! Il est des sujets comme l'immigration sur lesquels les Français ne peuvent être tenus à l'écart.

De Gaulle disait : la politique, c'est une action au service d'un idéal. Votre majorité de projet est loin de l'idéal : ne vous interdisez pas de viser toujours plus haut.

Madame Borne, d'aucuns vous ont reproché un profil trop technocratique. Mais la politique n'est pas une affaire de profils, c'est une affaire de courage. Le courage de relever la France et de dire sa fierté d'être français. (Brouhaha croissant sur les travées du groupe SER)

Alors, si vous défendez l'intérêt supérieur du pays, nous serons là, aux côtés de la République, aux côtés de la France ! (Applaudissements debout sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Patrick Kanner .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) J'ai cherché un mot pour décrire votre situation politique. Difficile de résumer l'état d'un pays par une simple phrase, fortiori un seul mot ; mais il m'est venu naturellement : absence.

Absence d'un projet clair pour la France ; vous n'avez été clairs que sur les régressions sociales - conditionnement du RSA, retraite à 65 ans.

Absence de colonne vertébrale républicaine ; vous n'avez pas su tracer de lignes fermes face à l'extrême droite, alors que votre main n'aurait pas dû trembler devant le risque d'affaiblissement des valeurs de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE)

Absence de lucidité, aussi, résultat du médiatique, mais funeste, « en même temps » qui a délité le front républicain au profit d'un front anti-Macron.

Absence de considération pour notre assemblée, enfin ; aucun membre actif de notre hémicycle n'a trouvé grâce aux yeux de Jupiter pour intégrer le gouvernement.

M. Xavier Iacovelli.  - Si, Lecornu !

M. Patrick Kanner.  - J'ai dit « actif »...

Résultat ? Une démocratie exsangue, marquée par l'abstention massive. La crise de la participation n'est pas récente, mais elle s'est aggravée au cours des cinq dernières années. En mettant fin au clivage gauche-droite, en maltraitant les corps intermédiaires et les contre-pouvoirs, vous avez permis l'entrée de 89 députés du Rassemblement national au Palais Bourbon, alors que vous affichiez, en 2017, l'objectif de l'affaiblir.

Il faut accepter et assumer la dynamique parlementaire et le respect des oppositions. Je regrette que vous n'ayez pas demandé la confiance : c'est l'aveu d'un premier échec. Une motion de défiance de la gauche y suppléera.

Après deux semaines de négociations, vous n'avez toujours pas de majorité. Alors, changez de méthode : la situation rend indispensable le respect mutuel, et non les ultimatums.

Certes, la Constitution vous offre des outils pour passer en force ; mais attention alors aux répliques sociales !

Mon groupe recherche l'apaisement et non la crise, le redressement de la France et non le blocage.

Nous allons examiner un projet de loi sur le pouvoir d'achat, alors que l'inflation atteindra en septembre 6,8 % en glissement annuel. Et l'on ne revalorise pas le SMIC, les pensions de retraite, les minima sociaux, le point d'indice à hauteur à la hauteur des souffrances de ces millions de familles qui tombent dans le crédit revolving pour boucler les fins de mois ?

Notre ambition est claire : un SMIC à 1 500 euros et une grande conférence salariale dès septembre pour préserver le pouvoir d'achat des classes populaires et moyennes. Les premiers de corvée veulent s'asseoir à la table du pouvoir de vivre dignement. Pour l'instant, ils reçoivent des chèques, en guise de miettes. Mais ce ne sont pas les miettes qui font le pain, c'est le contraire. Sachez pétrir les moyens pour financer cette ambition - contribution exceptionnelle des grands groupes, ISF climatique, annulation de la baisse des impôts de production - et renoncez à votre politique de rustines.

Retrouvons aussi les fondamentaux d'un État providence devenu État pénitence.

L'impôt n'est pas une charge, mais un vecteur de redistribution. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen nous rappelle que l'impôt doit être également réparti entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Nos services publics - police, justice, éducation, santé - craquent de toutes parts. Comment justifier 3 000 postes d'enseignants non pourvus, des services d'urgences qui implosent ? Il faut les financer par une fiscalité plus juste, fondement d'un nouveau lien avec nos concitoyens.

Nous avons enfin un ministre de la ville et du logement qui, je le souhaite, corrigera le bilan indécent du précédent quinquennat. Nos concitoyens dans les territoires isolés sont excédés ; il n'y a pas de fatalité à cette colère démocratique, mais ce n'est pas dans les poches des collectivités que l'on trouvera la solution, mais bien dans celles du CAC 40 et des évadés fiscaux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

On a déjà beaucoup demandé aux collectivités territoriales pour redresser les comptes publics. Supprimer la CVAE, c'est les priver des moyens de leurs ambitions. Elles ont toujours su compenser les carences de l'État, tout en supportant des transferts de compétences. C'est cela, l'invisibilité de la République. (Mme Émilienne Poumirol applaudit.)

Cette reparlementarisation de la politique est une opportunité. Portons ensemble, parlementaires, élus locaux, une refonte de l'autonomie fiscale et financière lourdement impactée par la pratique des dotations. Il faut une loi de finances spécifique aux collectivités locales : nous y constaterions que sans moyens dynamiques, elles seront dans l'incapacité de relever les défis.

Mme Pascale Gruny.  - C'est sûr !

M. Patrick Kanner.  - Et ces défis sont nombreux : pouvoir d'achat, chômage, dépendance, planification énergétique... Il y a quelques jours, vous avez rétrogradé de la cinquième à la dixième place le ministre de l'environnement dans l'ordre protocolaire. Or il n'est plus temps de tergiverser : canicules, orages dantesques, glaciers qui s'effondrent ne nous laissent pas le choix.

C'est un énième recul, après le glyphosate, le soutien aux énergies fossiles, le non-respect de l'accord de Paris, le refus de l'écoconditionnalité des aides dans les plans de relance.

Nous ne voulons pas juste de l'écologie, mais d'une écologie juste.

La nationalisation d'EDF, dont 84 % appartiennent déjà à l'État, relève plus de l'évolution que de la révolution. (M. Guy Benarroche applaudit.)

Les outre-mer n'ont pas besoin d'un rattachement à l'Intérieur, mais d'une feuille de route sur le pouvoir d'achat. (M. Victorin Lurel applaudit.) Ils ne veulent pas d'une promesse républicaine, mais constater in concreto l'équité républicaine.

Et voici un nouveau recul de la parité, malgré un tour de passe-passe entre ministres et secrétaires d'État : pour la première fois depuis dix ans, le nombre de femmes ministres de plein exercice diminue.

Malgré ces nombreux reproches, mon groupe saura être une force de proposition constructive. En vous privant de majorité absolue, les Français vous poussent au compromis.

Oui ou non, reviendrez-vous sur le projet inique de réforme de l'assurance chômage, sur le recul mortifère de l'âge de la retraite ? (« Non ! » à gauche) Oui ou non allez-vous maintenir la suppression de la contribution audiovisuelle, mettre en place un ISF climatique, accepter d'ouvrir les minima sociaux dès 18 ans, taxer les superprofits ?

Madame la ministre, vous avez été actrice d'un gouvernement dont vous assumez les insuffisances en matière de bilan. Dont acte. Votre projet politique n'est pas le nôtre. Les Français en seront les témoins et les juges. Plus que l'égalité des chances, nous voulons l'égalité réelle. Comptez sur notre groupe pour vous le rappeler en permanence. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Michelle Gréaume applaudit également.)

M. Hervé Marseille .  - Madame la Première ministre, j'ai été ému par vos propos sur le Sénat. (Mme Françoise Gatel s'amuse.) Nous faisons partie d'une communauté martyrisée (sourires), qui n'a pas eu souvent l'occasion de voir un Premier ministre s'exprimer avec autant de tendresse à son égard. (Rires et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER) Serions-nous dans le Métavers ? (Rires)

Comme Ulysse, après avoir été chahutée par la tempête de l'Assemblée nationale, les rivages de la Haute Assemblée vous sembleront paisibles.

Madame la Première ministre, nous connaissons votre écoute attentive ; j'espère que Matignon n'aura pas abîmé cette qualité. Car de l'écoute, il vous en faudra : les électeurs, optant pour le chamboule-tout institutionnel, ont restauré le parlementarisme de 1958 dans la République présidentialiste de 1962.

Alors on convoque le spectre de l'immobilisme, du blocage, de la paralysie. Oui, la majorité présidentielle n'a plus que 44 % des sièges à l'Assemblée nationale, mais le SPD d'Olaf Scholz n'a que 28 % au Bundestag, le PSOE de Sanchez pas plus de 34 % aux Cortes. Pourquoi serions-nous les seuls à ne pas rechercher de compromis ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Peut-être cela vous forcera-t-il à légiférer moins pour légiférer mieux, par exemple sans ordonnances (applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) - à condition de se désintoxiquer du fait majoritaire et ne plus considérer les assemblées comme des chambres d'enregistrement. (« Très bien » et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Et ne les dévalorisons pas en multipliant les comités Théodule. Députés et sénateurs ont la légitimité du suffrage. Le CESE et les CESER représentent les forces vives du pays : nul besoin de conventions citoyennes, aussitôt constituées, aussitôt congédiées. (« Très bien » et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Oui à un Parlement fort, non au Conseil national de la refondation. (Mêmes mouvements)

Un Parlement vivant et créatif sera le meilleur moyen d'intéresser à nouveau les Français à la vie politique. Je n'oublie pas que plus d'un inscrit sur deux n'est pas allé voter. Pour que le parlementarisme fonctionne de nouveau, il faut que l'exécutif soit plus constructif. Nous le sommes depuis bien longtemps : bienvenue dans notre monde ! Certains semblent le découvrir.

Notre institution est habituée à défendre son existence, mais depuis que vous avez parlé, nous avons retiré les sacs de sable des fenêtres... (Rires francs)

Nous avons voté les deux tiers des textes de loi du quinquennat et tous les textes d'urgence sanitaire. La recette ? Concerter très en amont, proposer, concéder, écouter le terrain.

Nous n'avons pas le choix : nos concitoyens ne supportent plus la verticalité jupitérienne, mais ne toléreront pas plus l'inaction. Nous ne pouvons nous payer le luxe de l'immobilisme.

La situation sociale est explosive. Après un onéreux « quoi qu'il en coûte », l'inflation pourrait remettre le feu aux poudres. L'inégale répartition des richesses choque nos concitoyens : nous proposerons de taxer les superprofits issus de la crise pétrolière. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et à gauche)

Nous n'avons pas de divergence notable sur la politique étrangère ou l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Sur la sécurité, nous prenons acte de votre volonté d'agir.

En revanche, sur les déserts médicaux, il faut faire plus, par exemple en régulant l'installation des médecins comme en Allemagne et comme l'a proposé Hervé Maurey. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Hervé Marseille.  - Vous avez habilement évité de citer un âge de départ à la retraite. Pour nous, le paramètre le plus juste est la durée de cotisation. (M. Bruno Sido approuve.) La situation budgétaire est préoccupante ; nous ne pouvons agir que sur les dépenses, en n'aidant que ceux qui en ont besoin et en réalisant des économies. L'illusion de l'argent magique ne doit pas perdurer, au détriment des collectivités locales qui servent de variable d'ajustement.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Hervé Marseille.  - La suppression de la redevance audiovisuelle ne doit pas se faire sur le dos des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Et soyons moins pointilleux sur les normes imposées à ces dernières.

Nous partageons votre constat sur le réchauffement de la planète, et convenons que la décroissance est socialement et humainement impraticable. Nous, nous croyons dans le progrès technologique !

La crise ukrainienne a rappelé la place cruciale du nucléaire. Six EPR en projet ferme, c'est peu : il faudra aller plus loin, et peut-être lever le plafond de 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique ou prolonger la durée d'exploitation des réacteurs - faute de quoi nous devrons recourir au gaz ou au charbon...

Nous entendons la nécessité de limiter l'artificialisation des terres, mais rejetons toute approche dogmatique, qui fige les territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

M. Hervé Marseille.  - Il ne faut pas obérer le potentiel d'artificialisation de régions entières par des projets d'intérêt national. À cet égard, les décrets d'application de la loi Climat et Résilience sont inacceptables. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains) Une concertation s'impose.

Vous vous êtes donné une boussole : bâtir pour le pays. Certains ont convoqué le général de Gaulle, d'autres l'esprit Boulanger, avec les miettes et le pain... (Sourires) Je me contenterai de citer un auteur que nous aimons ici, le Président Larcher (rires) : « Nous ne disons jamais "oui" par discipline et "non" par dogmatisme ». Voici l'esprit dans lequel nous travaillerons, dans l'intérêt du pays. (« Bravo » et applaudissements prolongés sur les travées des groupes UC, RDSE, INDEP et Les Républicains)

M. François Patriat .  - Nous aussi avons été sensibles au message que vous avez envoyé au Sénat, madame la Première ministre. Il n'est pas toujours facile d'y affirmer son soutien au Gouvernement...

M. Claude Raynal.  - Chouchou !

Mme Laurence Rossignol.  - Calimero !

M. François Patriat.  - ... mais je vais m'atteler à la tâche.

L'heure est à la gravité, à la responsabilité, mais aussi à l'ambition.

Le contexte est inédit : guerre, pénurie de matières premières, inflation, insécurité alimentaire, effets du dérèglement climatique, pandémie. Les inquiétudes, les fractures sont profondes, la situation politique en témoigne. Les Français ont souhaité renforcer le poids du Parlement dans l'élaboration des réformes, mais seule la majorité présidentielle est en mesure de gouverner - il n'y a pas d'alternative.

Il n'y aura pas d'accord de gouvernement ni de coalition ; c'est donc texte par texte qu'il faudra construire des compromis.

Il faudra choisir entre action et immobilisme, entre dépassement et postures délétères, entre courage et facilité. Le pire serait l'affrontement ou le refus du dialogue, qui nous conduiraient à la stagnation ou au recul.

Le RDPI fait le choix de l'action, à vos côtés, pour construire ensemble. Je suis sûr que tous les groupes sont prêts à agir en ce sens. Le nombre de CMP conclusives au cours du dernier quinquennat a montré que nous savions trouver des compromis.

La résignation, voilà l'ennemi mortel du progrès.

À nous de ramener à l'espérance tous ceux qui ont préféré s'abstenir, ou, pire, se tourner vers les extrêmes populistes. Faisons partager notre goût de l'action, au service d'un État investisseur, catalyseur d'énergies et accompagnateur d'initiatives.

Nous recherchons le point d'équilibre entre liberté et protection.

Le projet proposé par le chef de l'État, et souhaité par les Français, est cohérent, crédible et financé. Nous devons travailler ensemble à nos priorités, dans des textes moins bavards, au service du pays, du progrès et de l'intérêt général.

Vous souhaitez protéger les Français et construire l'avenir. Le travail de fond mené depuis 2017 a obtenu des résultats positifs : chômage au plus bas depuis quarante ans, croissance qui résiste, inflation la plus basse de la zone euro, succès de l'apprentissage, plan « 1 jeune, 1 solution ».

Désormais, l'urgence est à la lutte contre les effets de la hausse des prix et à l'équilibre des comptes. Travail, croissance, emploi : voilà le moyen de redresser notre économie, pas seulement par l'orthodoxie budgétaire.

L'objectif, c'est le progrès social sans augmenter les impôts et en maîtrisant la dette. Ce sera l'enjeu du texte pouvoir d'achat.

Le Gouvernement doit entendre le message sur l'urgence climatique. MaPrimeRenov', reconversion des véhicules ou encore lutte contre l'artificialisation des sols : les actions menées ont été efficaces, mais il faut poursuivre les efforts.

Saluons les accords européens sur le paquet climat et la réduction à 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, adopté sous présidence française.

Nous voulons une écologie positive, du quotidien, inventive et réactive. La France doit être le premier pays à sortir des énergies fossiles ; l'administration doit accompagner le déploiement des énergies renouvelables pour accélérer la transition énergétique, et ne plus freiner les projets sur nos territoires.

Repenser le système de santé est aussi une urgence. Les efforts du Ségur sont importants, les moyens investis pour moderniser l'hôpital sans précédent. La lutte contre les déserts médicaux doit être une priorité. L'hôpital doit être repensé : vous faites bien de lancer dès l'automne des débats territoriaux pour une feuille d'action accélérée.

Nous devons la sécurité à nos concitoyens. Le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'Intérieur y contribuera.

Nous serons attentifs aux conclusions des états généraux de la justice, pour la moderniser et répondre au malaise des professionnels, en consolidant le pacte civique entre la Nation et la justice.

Nous souscrivons à votre méthode de larges concertations entre élus, usagers, professionnels et parties prenantes. C'est ainsi que l'on construit ensemble.

Enfin, il faut entendre le cri d'alarme des outre-mer. Le choix des extrêmes aux dernières élections, amplifié par l'abstention, exprime une réelle fracture. Les raisons sont multiples ; ne négligeons pas cependant la puissance des fausses informations. Repensons collectivement la relation avec nos outre-mer, pour davantage de confiance, de dialogue et de différenciation.

Madame la Première ministre, il vous faudra accompagner notre pays vers une transition réussie, écologique, numérique, générationnelle ou encore démocratique, dans un contexte géopolitique inédit. Le RDPI vous accorde toute sa confiance et sera à vos côtés. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Éliane Assassi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) La France vit une situation politique inédite. Le Président de la République et son Gouvernement n'ont pas la majorité absolue à l'Assemblée nationale, et ce Gouvernement s'apprête à agir sans la confiance des parlementaires - une première depuis trente ans.

Les résultats des élections de 2017 et 2022 ne traduisent pas une adhésion à un programme, mais un rejet de l'extrême droite : le chef de l'État nie l'évidence quand il affirme que les électeurs avaient choisi « un projet clair en lui donnant une légitimité claire ».

La crise institutionnelle actuelle puise sa source dans un hiatus démocratique évident. M. Macron a vaincu Mme Le Pen grâce à l'électorat de gauche, l'électorat de droite lui étant acquis dès le premier tour. Et des millions d'électeurs se sont abstenus.

Ce qui est rejeté, c'est la verticalité d'un pouvoir méprisant, en pleine dérive monarchique. Emmanuel Macron a failli dans l'exercice démocratique du pouvoir et a été sanctionné en conséquence.

Pendant cinq ans, le Président a été celui des riches. En 2021, les salaires des PDG du CAC 40 ont doublé. Les dividendes ont explosé, l'évasion fiscale atteint 80 à 100 milliards d'euros - deux fois le budget de l'Éducation nationale. Le ruissellement n'a pas eu lieu, les salaires ont stagné, votre priorité étant de supprimer l'ISF. Flat tax, exit tax ont prospéré dans le nid douillet de la Macronie.

Le « en même temps » aurait dû conduire à améliorer la situation des salariés les plus pauvres. Que nenni ! Casse du droit du travail, baisse des APL, libéralisation du rail... Avec votre honteuse réforme de l'assurance chômage, des milliers de chômeurs ont cessé d'être indemnisés. Les actionnaires engraissent, et vous appauvrissez les plus pauvres !

La crise sanitaire a montré que la mobilisation financière de l'État était possible. Celle-ci doit être renouvelée pour répondre à l'urgence sociale, éducative et écologique.

Il est temps d'agir. Or votre projet sur le pouvoir d'achat n'est pas à la hauteur des besoins, il ne répondra pas à la détresse de nos compatriotes victimes d'une inflation galopante portée par une spéculation indigne.

Il faut d'urgence bloquer les prix des produits de première nécessité et baisser ceux de l'énergie. Les chèques, cela suffit ! Comment se loger, se nourrir avec une aumône de 100 euros ? Nous voulons une allocation étudiant de 1 053 euros par mois. Il faut augmenter les salaires et les pensions : un SMIC à 1 500 euros net est une nécessité absolue, tout de suite.

Par un effet domino, les salaires augmenteront.

Qu'est-ce qui bloque ? Le CAC 40, le patronat ? Il faut faire primer l'intérêt général sur l'intérêt de ceux qui détiennent le pouvoir et l'argent. Convoquez donc une conférence nationale sur les salaires. Le capital doit rétribuer dignement le travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST ; M. Jean-Luc Fichet applaudit également.)

Écouter le peuple, ce n'est pas retarder l'âge de la retraite. Si Emmanuel Macron persiste, il ne respectera pas la volonté des électeurs, qui n'ont pas voté pour et qui exigent, au contraire, la retraite à 60 ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Agir, ce n'est pas baisser les impôts de production de 7 milliards d'euros, supprimer la CVAE au détriment des collectivités, alors qu'elles sont en première ligne face à la crise sociale... Compensez plutôt la hausse du coût de l'énergie et la revalorisation des fonctionnaires territoriaux !

Agir pour le pouvoir d'achat, c'est geler les loyers. Inspirez-vous donc de notre proposition de loi.

Faites de l'accès aux soins une priorité : cessez de suivre les recommandations des cabinets de conseil comme Capgemini ou McKinsey ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, du GEST et du groupe SER ; Mme Christine Bonfanti-Dossat et M. Alain Houpert applaudissent également.)

Il faut soustraire les hôpitaux et Ehpad à la loi du marché. Allez-vous payer dignement pour lutter contre les déserts médicaux, assurer un remboursement à 100 % ?

L'Éducation nationale est en danger, il manque 3 000 professeurs pour la rentrée. Un effort financier considérable s'impose. Idem pour le développement des services publics, pour une nouvelle politique industrielle et agricole... Le temps me manque pour vous répondre sur tous les points.

Madame la Première ministre, votre logiciel de régression sociale, le peuple n'en veut pas. Nous n'avons guère d'illusion : la réalité politique pousse votre Gouvernement à droite. La majorité sénatoriale a souvent soutenu les poussées libérales de M. Macron ; nul doute qu'elle soutiendra votre réforme des retraites.

Attention au jeu mortifère avec le RN. Nous serons vigilants, pour préserver notre peuple contre la violence libérale et la haine. Avec les députés de la Nupes, nous porterons l'espoir de progrès, de justice sociale et d'une urgente transition énergétique. Nous opposerons à votre logiciel libéral, un logiciel de progrès et de transformation pour véritablement répondre aux exigences populaires. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Madame la Première ministre, je vous adresse nos voeux de pleine réussite. La tâche est ardue, mais notre pays mérite que vous rencontriez le succès.

À ce moment charnière de notre histoire, difficile de dessiner un avenir pour un pays en profonde mutation, qui regorge de richesses, mais ne trouve plus sa place dans une économie mondialisée. De plus en plus, l'innovation se dessine ailleurs, notre industrie recule, notre influence culturelle s'amenuise. Notre souveraineté même semble mise en balance.

Mais pas de lamentations, pas de nostalgie névrosée ! Nous croyons à l'action, au progrès, au génie collectif de notre peuple.

Nous venons de traverser des années difficiles qui ont éprouvé les esprits et les corps : attentats, gilets jaunes, pandémie, inflation... Notre société n'a cependant pas sombré dans l'irrationnel, même si les extrêmes ont capitalisé sur les peurs pour avancer leurs pions.

Scrutin après scrutin, l'abstention s'enracine. À chaque fois, elle progresse, et avec elle la contestation violente dans la rue. Nous devons redonner sa portée à l'unité nationale.

Les inégalités économiques et sociales nourrissent une citoyenneté à plusieurs vitesses, qui conduit au séparatisme. Notre société a besoin d'apaisement et de dialogue, pour que chacun trouve sa place dans la Nation. Il faut encourager le débat, revitaliser les corps intermédiaires, mieux conjuguer démocratie représentative et expression directe.

Nous appelons à un sursaut de la notion de citoyen - suivons en la matière les propositions de notre collègue Cabanel.

L'éducation nationale doit être érigée en priorité absolue, au moment où le rationalisme est remis en cause, où l'universalisme ne va plus de soi, où la laïcité à l'école est violemment contestée. Au pays de Voltaire et de Pasteur, d'une nouvelle médaille Fields, il y a encore beaucoup de travail pour faire des jeunes des citoyens éclairés.

Une partie de notre population se sent oubliée de la mondialisation heureuse, évincée de la croissance, éloignée des services publics, victime de la fracture numérique.

Je pense à nos concitoyens de la ruralité, qui n'ont pas accès aux mobilités douces et écologiques et qui, souvent, se sentent pris de haut. Or la transition écologique ne se fera pas contre nos concitoyens, dans une logique punitive !

Nous attendons beaucoup de notre secrétaire d'État à la ruralité. La ruralité n'est pas une charge, mais une chance pour la France !

L'explosion du coût des matières premières et des prix de l'énergie est au coeur de la crise actuelle. Nous devons trouver des solutions pérennes, conciliant impératif écologique et soutenabilité financière.

Toutes les démocraties libérales sont aujourd'hui confrontées à cette crise protéiforme.

L'absence de majorité claire ne signifie pas blocage et immobilisme. Mon groupe est disposé à travailler à vos côtés, au service de l'intérêt général, de nos concitoyens et de nos collectivités. À ce titre, nous saluons la déconjugalisation de l'AAH et la renationalisation d'EDF.

Les sénateurs du RDSE auront de nombreuses propositions à vous soumettre. Nous restons viscéralement attachés à notre liberté de vote au sein de notre groupe - que beaucoup ici nous envient secrètement. (Sourires)

Au Sénat, vous trouverez des interlocuteurs exigeants, mais empreints du sens de la République. À rebours des excès des populistes de tous bords, nous ferons preuve de responsabilité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur plusieurs travées du RDPI, des groupes INDEP et UC)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Depuis le 19 juin, chacun proclame sa victoire : tous ont gagné, ou croient avoir gagné. (Rires) Après les victoires à la Pyrrhus, voici les défaites gagnantes ! La vérité est plus cruelle : les vainqueurs de ces élections sont le populisme et l'extrémisme. Le spectacle à l'Assemblée nationale fut déplorable.

Quand les extrêmes font 57 % au premier tour de la présidentielle, quand les uns multiplient le nombre de leurs députés par cinq, les autres par dix, c'est une gifle pour tous les partis démocratiques.

Il y a cinq ans, la France échappait à la vague de populisme qui a engendré Trump, Bolsonaro, le Brexit, Orban et quelques autres. Aujourd'hui, elle est rattrapée par la patrouille.

Son salut provisoire tient à une particularité historique. Ailleurs, le populisme n'est que d'extrême droite. Chez nous, où l'école glorifie Camille Desmoulins et Robespierre, il est coupé en deux, ce qui l'empêche d'accéder au pouvoir. Pour le moment.

Certains croient l'hybridation impossible car leurs chefs se détestent, mais attention : ce qui les rapproche est plus fort que ce qui les sépare. Regardez les transfuges, les clins d'oeil aux militants, les reports massifs du deuxième tour des législatives. Quelle différence entre la xénophobie des uns et le racialisme des autres, qui hiérarchise les gens selon leur degré de mélanine ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP, RDSE et UC) Qui ici croit que Taha Bouhafs ou Danièle Obono, l'amie de l'antisémite Corbyn, sont antiracistes ?

Voici le lepéno-mélenchonisme, les jumeaux de la ruine. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Gare au regroupement, comme en Italie, des zadistes et des fachos, fâchés ou pas, au profit de celui qui aura terrassé l'autre.

La stratégie, certes, les sépare. Pour les mélenchonistes, le chaos à l'Assemblée et dans la rue. Pour les lepénistes, la respectabilité, avec pour objectif : après le chaos, nous.

À ma gauche, le général Tapioca du Vieux-Port ressort son marxisme trépassé et son keynésianisme pour cour de récré. Expert en nigologie depuis le trotskisme de sa jeunesse jusqu'au soutien inconditionnel à Poutine, il a ressorti le programme commun du frigo et l'a imposé au reste de la gauche. Avec, en prime, l'entrée de la France dans l'alliance bolivarienne. C'est la Yvette Horner de la politique. (Rires et applaudissements sur les travées du RDPI, des groupes INDEP et UC ; M. Pierre Laurent proteste.) Dans son blog, 180 thèmes rangés par mots-clés. Démocratie n'y figure pas. (Mme Éliane Assassi proteste.) Avec l'appui de certains médias, lapins dans les phares, il s'est décrété Premier ministre. Après tout, on a bien nommé un cheval consul dans l'Empire romain...

À ma droite, plus intelligente et plus dangereuse, l'héritière du château de Montretout, la fille du maréchal Pétrin, s'est donnée comme mot d'ordre : pas de vagues. Sourire jusqu'aux oreilles, dents blanches, haleine fraîche, tout le monde il est beau il est gentil - on croirait voir Lecanuet. (« Oh ! » amusés au centre)

Mme Françoise Gatel.  - Il ne faut pas exagérer !

M. Pierre Laurent.  - C'est le guignol du macronisme.

M. Claude Malhuret.  - Elle demande à siéger au centre de l'hémicycle et fait prendre des cours de maintien à ses troupes. Pour la majorité ou la droite républicaine, ce pourrait être le baiser qui tue. (M. Emmanuel Capus et Mme Françoise Gatel applaudissent.) Au demeurant, les Insoumis dénoncent déjà avec des cris d'orfraie une collusion qui n'existe pas.

M. Didier Marie.  - 290 voix pour leur vice-président !

M. Claude Malhuret.  - Ces deux extrémismes sont dangereux ; il faut éviter de leur courir après. Le plus triste, dans ces élections, fut de voir des bataillons de républicains de droite et de gauche leur emboîter le pas. Quand un candidat à la primaire de la droite, à rebours du président du Sénat, annonce qu'il voterait Zemmour contre Macron, il y a un problème.

Mais le plus navrant est le naufrage d'une partie de la gauche. En 2017, le PS avait vendu son siège ; en 2022, il a vendu son âme. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC)

M. Patrick Kanner.  - Balayez devant votre porte !

M. Claude Malhuret.  - Le mal nommé Olivier Faure ose convoquer le Front populaire pour défendre son alliance avec LFI, oubliant que le Front populaire était dirigé par la gauche de gouvernement ! Sans compter que les nouveaux pacsés s'entendent comme des chats dans un sac. Nucléaire, politique étrangère, retraite à 60 ans, VIe République : ils ne sont d'accord sur rien.

M. Didier Marie.  - Vous, vous êtes d'accord sur tout ?

M. Claude Malhuret.  - Cazeneuve, Delga, Cambadélis et d'autres l'ont bien compris : c'est l'identité des socialistes qui disparaît quand on passe de Léon Blum à Léon Trotski, quand Guesde l'emporte sur Jaurès. (Protestations sur les travées du groupe SER)

« Ça sent l'Histoire », disait Mélenchon au lendemain de l'accord. Moi je dirai plutôt, avec Édouard Herriot, que ça sent l'andouillette... (M. Emmanuel Capus applaudit.)

Mme Éliane Assassi.  - Et le Gouvernement ?

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ce n'est pas Mélenchon le Premier ministre !

M. Claude Malhuret.  - Gouverner avec une majorité relative est un défi. S'opposer aussi. Il va falloir changer les habitudes : un gouvernement qui propose au lieu d'imposer, une opposition qui compose au lieu d'empêcher. Majorité et opposition républicaines sont condamnées à se supporter. Ne pas y parvenir serait la recette de l'impuissance. Cela entraînerait la défaite de tous face au populisme. Il va falloir se résoudre au compromis.

En arrivant à Matignon, madame la Première ministre, vous avez accepté un nouveau métier : démineuse en chef. Au Sénat, la tâche n'est pas impossible. Elle suppose un respect réciproque : ça tombe bien, c'est une tradition de la maison... (Exclamations à gauche)

M. Didier Marie.  - Vous faites fort !

M. Claude Malhuret.  - Notre groupe sera fidèle à cette ligne, la seule qui réponde au message que nous ont envoyé les Français le 19 juin. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) À entendre votre déclaration de politique générale, on oublierait presque que vous gouvernez depuis cinq ans. On comprend que vous vous dérobiez à la confiance de l'Assemblée nationale, de peur de payer ce passif.

Après le revers électoral -  votre projet est arrivé derrière celui de la Nupes au premier tour  - il était de votre responsabilité de tendre la main aux oppositions.

Contrairement au Président de la République encore dans le deuil de sa toute-puissance, vous avez semblé ouverte au compromis, mais l'espoir a vite été douché. Il va falloir en urgence réapprendre la pratique parlementaire, peut-être en vous inspirant du Sénat.

Après avoir diabolisé la gauche écologiste et prétendu l'exclure du champ républicain, difficile de lui tendre la main. Hier, le ministre de l'Intérieur, curieusement promu bien qu'incapable d'organiser une élection régionale ou une finale de Ligue des champions, nous a désignés comme ennemis.

Renvoyer dos à dos, comme l'a également fait le président du Sénat, les partisans du progrès social et écologique et les héritiers de la collaboration, semeurs de haine et de division, est proprement scandaleux ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

Nous ne sommes pas un « danger » pour la République ! Banaliser le RN est une faute devant l'Histoire. J'appelle solennellement tous ceux qui se disent républicains à s'écarter du chemin crépusculaire qui nous mène droit au retour du fascisme. (Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit.)

Vous êtes responsable, madame la Première ministre, de l'arrivée de 89 députés RN. Les digues doivent être rebâties. C'est le dernier arrêt avant la nuit noire. (M. Olivier Paccaud manifeste son agacement.)

Une chambre sans majorité absolue n'est pas un drame, c'est même une bonne nouvelle. Le scrutin majoritaire est porteur de violence politique : instaurons la proportionnelle. Délibérons, composons, prenons le temps de faire moins de lois mais de meilleures.

Engagez en collaboration avec le Parlement la réforme de nos institutions, restaurez l'équilibre entre exécutif et législatif mais aussi entre Paris et le reste de la France.

Vous avez clamé votre amour des territoires ; nous voulons des preuves, un nouvel acte de décentralisation, une autonomie renforcée pour la Corse.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - On n'a pas besoin de vous pour parler de la Corse !

M. Guillaume Gontard.  - Dans la défense des droits des femmes, vous nous trouverez à vos côtés. Alors que les États-Unis sombrent dans le Moyen Âge, nous proposons de rédiger ensemble une charte des droits des femmes adossée à la Constitution. Vous engagez-vous à y consacrer le droit à l'avortement ? (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Les défis à relever nécessitent plus de puissance publique. Or votre double logique -  exonérer les milliardaires et les grandes entreprises tout en désendettant le pays à marche forcée  - va produire tout l'inverse.

J'ai préparé la suite de mon propos avec des jeunes de 16 à 19 ans. Ils expriment leurs angoisses, dans un monde incertain, face au péril climatique. Votre illusion techniciste d'une « écologie du progrès » n'y répond pas.

Notre jeunesse cherche du sens et refuse de participer à la destruction de la planète qu'entraîne le capitalisme. Où est, dans votre propos, la planification écologique promise ? Il y a pourtant fort à faire, pour l'agriculture, le logement, l'emploi, pour créer des perspectives pleines de sens pour notre jeunesse qui désespère des pouvoirs publics. Elle est la première victime de l'inflation quand les profiteurs de guerre s'enrichissent honteusement  - et le seul projet que vous portez est le SNU, symbolisé par le rattachement funeste du secrétariat d'État à la Jeunesse au ministère des Armées !

Nos jeunes souffrent de la casse des services publics, de la désertification médicale, ils sont horrifiés par l'état de nos crèches et de nos Ehpad. Nos compatriotes ultramarins souffrent des mêmes maux, décuplés. Et votre réponse à leur désarroi est de les rattacher au ministère de l'Intérieur, en pleine dérive sécuritaire. De grâce, épargnez-leur le préfet Lallement !

Quelles réponses apportez-vous à notre jeunesse ? Votre projet sur le pouvoir d'achat et votre budget rectificatif sont presque vides. Acceptez les propositions de la Nupes pour les enrichir et renoncez à votre inutile réforme des retraites et à votre honteuse réforme du RSA.

Nous serons une opposition exigeante pour produire le choc d'égalité dont notre pays a besoin. Si majorité il n'y a pas, c'est que vous n'en aurez pas voulu et vous porterez la responsabilité du blocage de nos institutions et de l'immobilisme du pays. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

M. Stéphane Ravier .  - De la promesse d'un Gouvernement très resserré à la nomination de 41 membres, en passant par le maintien de ministres en charge de la « France en grand » - en grand ensauvagement, en grand remplacement, en grand déclassement et en grand enfermement -, j'ai la douloureuse sensation de vivre un jour sans fin, tant ce Gouvernement Borne II aurait pu s'appeler « Castex IV » ou « Édouard Philippe VI » ! Loin d'être une cure de jouvence, c'est une nouvelle cure de souffrance.

Vous voulez un renouveau démocratique sans vote de confiance du Parlement, sans ministère des relations avec les collectivités territoriales et en conservant un garde des Sceaux, ministre du laxisme judiciaire et du grand ensauvagement.

Vous reconduisez également à son poste le ministre du grand remplacement de l'intérieur, responsable de l'humiliation issue du désastre du stade de l'anti-France.

Vous voulez lutter contre le séparatisme de l'islam, mais vous nommez ministre du logement un maire favorable à la multiplication des mosquées.

Vous prétendez vous inquiéter du pouvoir d'achat des Français, tout en conservant le ministre du grand effondrement économique et du grand déclassement social qui a accru la dette publique de 600 milliards d'euros en cinq ans, pour partie seulement imputable à la crise Covid.

L'ancien ministre de la santé, celui de tous les enfermements, largement visé par la justice administrative, est devenu le porte-parole du Gouvernement : quel symbole !

À la santé, vous avez nommé un ministre pro-passe, pro-masque et vaccinolâtre, qui préconise le tri des patients en réponse à l'engorgement des urgences et plutôt l'intégration des migrants que la réintégration des soignants !

Vous vous dites écologiste, mais la ruralité a son secrétariat d'État sans les moyens dont bénéficie la politique de la ville, cache-sexe de la politique d'immigration...

À l'éducation nationale, c'est le pape du wokisme, de la déconstruction de notre identité humaine et nationale, avec la bénédiction du Grand Timonier de l'islamo-gauchisme qu'est Jean-Luc Mélenchon ! (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

Quant à la ministre de la culture - ou de l'inculture -, elle conseillait déjà le Président de la République, quand il déclarait « qu'il n'y avait pas de culture française ».

Et nulle trace d'un ministère de la famille, alors que les Français seront démographiquement minoritaires chez eux dans quelques dizaines d'années.

Dans le contexte d'hypercrise que nous traversons, vous ajoutez de la crise à toutes les crises : vous êtes dans la continuité. Ce ne sont pas les non-vaccinés que Macron a décidé d'emmerder, mais tous les Français.

Je m'y opposerai et je veux croire que je ne serai pas le seul.

M. Antoine Lefèvre.  - Pas sûr !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Nul doute que le Sénat sera un pôle d'équilibre et de stabilité. (Rires)

Une voix.  - Surtout après la dernière intervention !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Je connais votre capacité à dépasser les clivages pour imaginer des solutions. Cet esprit de dialogue nourrira le travail législatif. Le bicamérisme si profondément inscrit dans notre démocratie est l'outil du compromis durable et efficace. J'en ai fait l'expérience sous la précédente législature : je pense à la réforme de la SNCF, nécessaire, courageuse et trop longtemps différée, que nous avons construite ensemble. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) Les textes sur lesquels les deux assemblées parviennent à un accord gagnent souvent en solidité.

Les amendements éclairés par les travaux de contrôle et d'information du Sénat répondent aux priorités des Français sans céder aux solutions toutes faites ni à l'influence d'une actualité fébrile.

Les propositions de loi issues des commissions d'enquête et des missions d'information sénatoriales ont vocation à enrichir le travail législatif.

Monsieur Retailleau, merci d'avoir évoqué en même temps les valeurs de la République et la méthode du dialogue bicaméral, auquel je suis profondément attachée.

Je veux réaffirmer la volonté du Gouvernement de bâtir des solutions communes sans demander à personne de renoncer à ses valeurs. Je lutterai contre la « France en pièces détachées » dont vous avez parlé.

Ce n'est pas nier nos différences que de considérer que nous sommes probablement d'accord sur la nécessité de renforcer notre souveraineté industrielle et énergétique, de revenir à l'équilibre des finances publiques, éprouvées par la pandémie et le conflit ukrainien, d'améliorer l'accès aux services publics dans les quartiers prioritaires et dans les zones rurales.

Nous ne renonçons pas à défendre nos valeurs à l'échelle européenne et mondiale : la PFUE l'a montré. La voix de la France porte. Je suis convaincue que la manière dont nous avons traversé la crise était la bonne, car le « quoi qu'il en coûte » a protégé nos entreprises et nos emplois.

Vouloir construire des compromis ne signifie pas être d'accord sur tout.

Monsieur Kanner, vos critiques sont souvent caricaturales. Vos propositions ont été plus discrètes, se résumant à une accumulation d'impôts et de taxes. Je vous rejoins cependant sur les outre-mer, richesse de notre République. Nous répondrons à l'appel de Fort-de-France lancé par les collectivités.

J'ai été surprise de vos procès d'intention. Jugez-nous sur nos actes !

Plusieurs voix à gauche.  - Cela fait cinq ans !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Monsieur Patriat, je partage vos propos. (On s'exclame « évidemment ! » à gauche.) Nous agirons sur tous les sujets que vous avez mentionnés dans la concertation.

Monsieur Marseille, vous avez souligné le caractère inédit en France de notre situation politique, mais beaucoup moins original à l'échelle européenne. Nous devons nous projeter dans l'avenir et l'Europe nous y aide. Plusieurs travaux du Sénat avaient vu juste sur notre forte dépendance aux industries étrangères, en matière de produits pharmaceutiques notamment. Une Europe plus forte, c'est une France plus forte, et je vous remercie de vos propositions.

Madame Assassi, je partage votre inquiétude face à la désespérance sociale d'une partie de nos concitoyens. Mais le SMIC à 1 500 euros c'est renoncer à la progression des salaires pour tous. Méfions-nous du mirage des solutions miracles, car c'est ainsi que l'on nourrit la défiance de nos concitoyens.

La réflexion qui s'engagera à l'automne sur l'avenir de nos institutions devra prendre en compte celle qui s'est exprimée lors des dernières élections. C'est par une approche pluraliste que nous trouverons des solutions.

Merci à M. Requier pour ses voeux de réussite, sa bienveillance et son optimisme. L'État et les collectivités doivent dresser ensemble la liste des défis à relever. L'action des collectivités territoriales doit s'appuyer sur leurs compétences. Nous construirons ensemble un agenda territorial. J'ai confiance en notre aptitude à apporter des réponses au plus près de nos concitoyens.

Monsieur Malhuret, je partage votre diagnostic. L'abstention est le signe d'une démocratie en souffrance, d'une perte de confiance dans l'action publique. Ne laissons pas de champ à ceux qui voudraient revenir sur nos acquis démocratiques. La démocratie est une lutte de tous les jours : le combat pour l'égalité, la liberté, la fraternité, la laïcité doit sans cesse être repris.

Il faudra effectivement construire des compromis pour répondre aux attentes des Français, monsieur Gontard. Toutefois, ne nous jugez pas sur des intentions, mais sur nos actes. Nous avons déjà commencé à agir ; il nous faut aller plus loin.

Comme nous y a invités M. le président Larcher dans le courrier qu'il nous a adressé, nous échangerons bientôt sur les modalités d'un dialogue fructueux sur les réformes à engager.

Clemenceau lui-même avait fini par déclarer : « Les événements m'ont appris qu'il fallait donner au peuple le temps de la réflexion. Le temps de la réflexion, c'est le Sénat ». On pourrait ajouter, qu'il est aussi le temps du dialogue.

Je vous remercie de tout ce que le Sénat pourra apporter à notre pays en cette période inédite. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Prochaine séance, mardi 12 juillet 2022, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 30.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mardi 12 juillet 2022

Séance publique

À 14 h 30, 15 h 15 et éventuellement le soir

1. Éloge funèbre de Catherine Fournier

2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, sur le bilan de la Présidence française de l'Union européenne

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne (texte de la commission, n°753, 2021-2022)