Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet. Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Transports du quotidien

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) La semaine dernière, la Première ministre présentait l'ambitieux plan France Nation verte, la mobilité étant identifiée comme l'une de six priorités pour l'horizon 2030-2050.

Mais le Gouvernement se donne-t-il dès à présent les moyens de ses ambitions ? Les transports publics du quotidien - ferroviaires, urbains, ruraux - apparaissent plus que jamais nécessaires pour le pouvoir d'achat, la décarbonation et la vitalité économique de nos territoires.

Faute d'investissements, ceux-ci ne pourront se maintenir ni prospérer. Ne risquons-nous pas de laisser passer la chance d'établir un véritable new deal des transports du quotidien ? Comment peuvent-ils résister sans plafonnement des tarifs de l'électricité, si les péages ferroviaires - parmi les plus élevés d'Europe - sont maintenus ou continuent d'augmenter et si le versement transport des employeurs n'est pas réévalué ? Comment, avec les moyens limités du projet de loi de finances 2023, créer un véritable choc d'offre des transports urbains, électrifier les bus et moderniser le réseau ferroviaire ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Vous avez raison : le ferroviaire est la colonne vertébrale de la mobilité propre. Le projet de loi de finances le démontre déjà, même s'il ne représente que 4 des 12 milliards d'euros mobilisés par l'État, dont plus de la moitié sera consacrée au ferroviaire.

Le réseau est la priorité absolue. Nous attendons le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures pour définir les priorités. Nous travaillons aussi sur ce sujet dans le cadre des contrats de plan État-régions. Nous sommes prêts à envisager d'autres pistes, telles que le plafonnement des tarifs de l'électricité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jacques Fernique.  - Le président du Grand Est parle de fermeture de lignes. Agissez vite et fort ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)

Réponse européenne à la hausse du prix de l'énergie

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC) Les causes sont multiples - guerre déclenchée par Poutine, manque d'entretien du parc nucléaire, système de fixation des prix dépassé -, mais le prix de l'électricité n'est plus maîtrisé.

Les ménages sont plus ou moins protégés, mais les artisans et commerçants sont démunis : à un boulanger qui a payé 2 500 euros l'an dernier, on propose un contrat à 20 000 euros pour l'an prochain. Intenable ! Pour les collectivités, c'est la même chose, et ce ne sera pas sans effets sur les investissements et les services publics du quotidien. Il faut trouver une réponse de fond, mais il faut aussi, pour tout de suite, une réponse d'urgence coordonnée à l'échelle européenne. Or l'Allemagne fait cavalier seul avec son plan de 200 milliards d'euros, le Conseil européen n'a débouché sur rien et le Conseil franco-allemand s'est transformé en déjeuner à l'Élysée...(Sourires) Les entreprises, les collectivités territoriales doivent prendre des décisions avant la fin de l'année. Madame la ministre, où en sont les négociations avec nos partenaires européens ? Le temps presse. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Vous avez cité à juste titre l'action du Gouvernement pour les ménages ; mais le bouclier énergétique couvre aussi les petites entreprises et les petites collectivités territoriales, qui bénéficient du prix de l'électricité le plus bas d'Europe. Pour les autres, il faut trouver quelque chose. Nous avons déjà proposé un filet de sécurité. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains) Le Conseil européen, dégageant un consensus des 27, a demandé à la Commission de faire des propositions, notamment un découplage des prix de l'électricité et du gaz, une plateforme commune d'achat de gaz et des mesures techniques. Le Président de la République a obtenu ces avancées majeures.

M. François Patriat.  - Ce n'est pas rien !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Sur le plan national, nous préparons une garantie électricité et des aides appropriées pour les entreprises de taille intermédiaire, les grandes entreprises et les collectivités non couvertes ; Bruno Le Maire négocie un relâchement des conditions pour obtenir des aides pour 10 millions d'euros. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Revenants du djihad

M. Roger Karoutchi .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-François Longeot applaudit également.) Le Gouvernement a finalement changé de politique et décidé le rapatriement collectif des femmes et enfants de djihadistes retenus en Syrie. Pourquoi ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; on s'amuse de la brièveté de la question.)

M. Fabien Gay.  - Parce que ! (Rires)

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je serais tenté de vous répondre : « parce que ». (Rires)

M. Gérard Longuet.  - La question mérite mieux !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - En réalité, nous rapatrions chaque fois que c'est possible et compatible avec la sécurité de nos agents - que je salue. Notre doctrine n'a pas bougé d'un millimètre. S'agissant des femmes, elles doivent demander le rapatriement. Elles sont systématiquement judiciarisées et elles ont toutes fait l'objet d'un mandat de dépôt, sauf une, pour raisons médicales ; elles ont en effet choisi de nous combattre.

S'agissant des enfants, nous avons un devoir d'humanité et de vigilance. Humanité, parce que ce sont des enfants français, qui n'ont rien demandé. Vigilance, car ce sont aussi des bombes à retardement ; il faut veiller sur eux, car si nous les laissons là-bas, ils pourraient revenir ici pour commettre des attentats. (M. Stéphane Ravier proteste.)

Lisez mon intervention devant la commission des lois du Sénat : le président Buffet a dit lui-même combien elle était claire ! (Applaudissements sur les travées du RDPI, du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE)

M. Roger Karoutchi.  - Les femmes qui demandent à revenir le font, car elles n'ont pas été déchues de la nationalité comme au Royaume-Uni. (On s'indigne à gauche ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Votre prédécesseure, Nicole Belloubet, disait préférer des jugements en Irak. Comme ce n'était pas possible, elle a dit qu'elle ne ferait revenir que les femmes sans dangerosité.

Je rappelle que c'est Donald Trump qui demandait le rapatriement ; Emmanuel Macron lui avait répondu : « Pas question : c'est trop dangereux pour les Français ». Pourquoi ce qui était dangereux en 2019 l'est moins en 2022 ?

La plupart de ces femmes ont continué, sur les réseaux sociaux et depuis les camps, à vanter les mérites de Daech et la nécessité de continuer la lutte. Voilà qui nous avons fait rentrer ! (Applaudissements nourris sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; huées à gauche)

Exploitation du lithium dans l'Allier

Mme Amel Gacquerre .  - Je salue la mémoire du gendarme récemment décédé.

Le groupe Imerys a annoncé l'exploitation d'un gisement de lithium dans l'Allier : c'est une bonne chose, car les besoins augmenteront de 42 % d'ici 2040 et nous dépendons actuellement entièrement de la Chine pour ce minerai.

Le projet est une bonne nouvelle écologique, mais aussi économique, avec la création de 1 000 emplois directs et indirects.

Cependant, ce n'est pas un projet neutre : certains craignent des rejets toxiques, malgré la promesse d'Imerys de construire une mine exemplaire. La question de l'acceptabilité sociale ne doit pas être sous-estimée.

Comment le Gouvernement accompagnera-t-il le respect des engagements pris ? La mine durable va-t-elle voir le jour en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Ce projet participe d'une politique de transition énergétique anticipatrice, car il ne s'agit pas remplacer une dépendance aux hydrocarbures par une dépendance au lithium, au nickel ou au cobalt. Il fait partie des cinq projets que nous soutenons à travers France 2030 autour des métaux critiques.

Depuis dix-huit mois, nous veillons à construire une filière verte, à sécuriser les approvisionnements à l'étranger, à développer le recyclage et à créer des mines responsables, comme celle de tungstène située au milieu d'un parc naturel en Autriche.

M. le président.  - Veuillez conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Nous poursuivons notre action en ce sens, à l'échelle nationale et européenne. (Quelques applaudissements sur les travées du RDPI)

Crise dans les services pédiatriques

Mme Laurence Cohen .  - Notre système de santé est à bout, des urgences à la pédiatrie, en passant par la neurologie et la psychiatrie.

Tous les voyants sont au rouge à l'hôpital public : personnel épuisé, soignants dégoûtés par leurs conditions de travail... Quatre mille professionnels de la pédiatrie viennent de dénoncer la situation dans une lettre ouverte au Président de la République : conditions désastreuses de prise en charge des enfants, transferts multiples, affectations dans des services adultes, sorties trop précoces... Ce n'est pas la faute de la bronchiolite, mais de la politique que vous menez. Nous relayons ces cris d'alerte, mais vous les ignorez, comme vos prédécesseurs.

Face à l'urgence, vous débloquez 150 millions d'euros et annoncez des assises de la pédiatrie - mais vous n'avez convaincu personne.

Quand entendrez-vous ces professionnels qui parlent de perte de sens dans leur métier, conséquence de la gouvernance bureaucratique et de la tarification à l'activité ? Quand rouvrirez-vous des lits et recruterez-vous des jeunes passionnés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; M. Jean Hingray applaudit également.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - Je connais la situation de l'hôpital depuis longtemps - depuis avant mon arrivée au ministère. L'hôpital ne va pas bien depuis plusieurs décennies, pas depuis plusieurs mois. (Protestations sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains)

Le Gouvernement a dépensé 53 milliards d'euros de plus pour l'hôpital depuis 2017.

Il y a une épidémie de bronchiolite plus précoce ; je salue les services pédiatriques qui travaillent dans des conditions difficiles. Je comprends l'inquiétude des parents, mais rappelons que la prise en charge doit se faire d'abord par les généralistes.

Une voix à droite.  - Quand il y en a !

M. François Braun, ministre.  - Des crédits de 150 millions ont été débloqués en urgence. Nous apportons une réponse structurelle avec des assises de la pédiatrie au printemps. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Laurence Cohen.  - Le diagnostic est connu, c'est l'ordonnance qui est mauvaise ! Le CRCE n'a pas voté les budgets austéritaires. Quand allez-vous aligner l'Ondam sur l'inflation ? Y a-t-il pire chose que de choisir entre deux enfants ? (M. François Braun fait signe que cela ne se produit pas.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - C'est honteux !

Mme Laurence Cohen.  - C'est votre gouvernement qui est responsable. Les professionnels sont très en colère contre vous. Agissez ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du GEST, des groupes SER et Les Républicains)

Fréquentation des cinémas

M. Julien Bargeton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; par des « Allô ! », on suggère, sur les travées du groupe Les Républicains, que la question serait téléphonée.) La baisse de la fréquentation des salles de cinéma de 25 % par rapport à 2019 inquiète les professionnels, de même que la consommation de films sur les plateformes. Simone, Harkis, Novembre, Un beau matin, L'innocente : la rentrée montre la diversité et la vitalité de notre cinéma, dont le modèle est fondé sur la mutualisation, les films à succès finançant les plus fragiles. Le cinéma d'auteur est né en France dans les années 1950 en réaction à un cinéma américain plus industriel. Les films dits « du milieu », autre spécificité française, souffrent également.

« La photographie, c'est la vérité, et le cinéma, c'est la vérité 24 fois par seconde », disait Godard. Mais pour que cette vérité émerge, il faut une mise en scène, des chefs opérateurs, des comédiens... (Marques d'impatience à droite)

Madame la ministre (on manifeste son soulagement à droite), quelles perspectives donnez-vous aux professionnels pour redonner envie aux Français de revenir dans les salles obscures ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - Merci de poser cette question le jour même où nous lançons une campagne de communication autour du cinéma. (On ironise sur cette coïncidence à gauche et à droite.) Vous avez tous, j'en suis sûre, une bonne raison d'aller au cinéma. Nous avons tous de bonnes raisons de croire en l'avenir du cinéma français. La France reste une nation de cinéphiles. Si la fréquentation a baissé de 25 % en France, c'est moins que les baisses de 60 % en Italie, 50 % en Corée du Sud, 40 % en Espagne et en Allemagne. Le pass Culture a offert 2,5 millions d'entrées aux jeunes, dont 76 % disent aller plus souvent au cinéma grâce à lui. La filière résiste. On nous avait pourtant prédit sa mort. L'État la soutient financièrement : 300 millions d'euros pendant la crise sanitaire, 500 millions annuels pour le Centre national du cinéma (CNC), 100 millions de crédits d'impôt et 350 millions dans le cadre du plan France 2030. Je le dis aux jeunes présents en tribunes (murmures à droite) : il y a beaucoup de bons films à aller voir pendant les vacances ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Transports en commun et suppression de TER

Mme Laurence Rossignol .  - Pas moins de 11 000 ! C'est le nombre de TER supprimés depuis le 1er janvier 2022 ; 129, c'est le nombre de trains retirés pendant les vacances de la Toussaint dans les Hauts-de-France ; trois heures et demie, c'est l'attente de certains voyageurs la semaine dernière à la gare du Nord avant de s'engouffrer dans le dernier train à onze heures et demie ; « supprimé », c'est la malédiction qui frappe trop de voyageurs.

Ce constat vaut également pour les autres régions. Les salariés sont contraints de prendre le train pour se rendre au travail, car ils n'ont pas pu se loger près de leur travail, ou travailler près de leur domicile : ces infrastructures leur sont essentielles.

Cette imprévisibilité a des conséquences multiples. Elle déstabilise leur vie - pensez aux parents inquiets de ne pas être à l'heure à l'école. Elle menace leur emploi - je pense aux femmes qui partent de Creil ou d'ailleurs le matin ou le soir pour aller nettoyer les bureaux. Les conséquences sont multiples : maltraitance des voyageurs, report sur la voiture, émissions de CO2, désorganisation du travail et de l'économie française... Monsieur le ministre, il y a urgence ! Que faites-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mmes Pascale Gruny et Amel Gacquerre, MM. Stéphane Demilly et Antoine Lefèvre applaudissent également.)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Je vous rejoins sur votre constat des galères vécues par nos concitoyens. (On ironise à droite.) Nous consacrons plus de moyens au réseau et aux transports du quotidien. Mais de quoi parlons-nous ? De transports régionaux ! Il faut que chacun mette les moyens nécessaires - j'en parlerai avec le président Bertrand. L'État sera là en soutien : réseau express métropolitain, livraison du train Alstom dans les prochains mois, réunion avec le PDG de la SNCF en fin de semaine.

Dans les Hauts-de-France, l'opérateur souffre de pénuries de personnel. La SNCF a lancé un plan exceptionnel de 440 nouveaux recrutements pour les TER. Certes, c'est difficile, mais chacun doit assumer ses responsabilités. (M. François Patriat applaudit.)

Problèmes de prédation

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; Mme Colette Mélot applaudit également.) Les Français se découvrent un engouement pour le tourisme en montagne. Concernant le versant de la vie montagnarde, la loi Montagne pose les principes de la préservation de l'activité contre les préjudices causés par les actes de prédation et celui de la régulation pour maintenir l'existence de l'élevage.

Mais le malaise persiste. À peine le loup était-il identifié dans le massif du Hautacam l'été dernier que les chiffres tombaient : 26 attaques pour 43 brebis tuées et, malgré la grande réactivité des services de l'État, que je salue. L'association nationale des élus de montagne a rappelé l'obligation de défense de l'agropastoralisme, cette activité d'excellence qui contribue à la régulation de la végétation et au développement de l'économie et du tourisme.

Quelles nouvelles mesures prendrez-vous pour défendre nos éleveurs, qui sont à bout ? (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des autres groupes)

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - J'étais en fin de semaine dans le Doubs et dans les deux Savoie. J'ai rencontré un éleveur dont le troupeau venait d'être attaqué ; je connais le sentiment de détresse, d'impuissance qu'on éprouve dans cette situation. Le pastoralisme est un modèle exemplaire de préservation de la biodiversité - car il n'y a pas que celle des prédateurs...

Comment agir ? Au niveau européen, nous travaillons à l'évolution du statut des espèces à partir de données scientifiques.

Au niveau national, il y a le plan national loup qui prévoit une simplification des procédures de prélèvement et d'indemnisation - celle-ci devant prendre en compte l'ensemble des préjudices. Enfin, nous travaillons à un dénombrement des prédateurs qui fasse consensus pour pouvoir procéder aux prélèvements de 19 % des effectifs. (Mme Frédérique Puissat proteste.)

Nous devons aussi nous pencher sur le statut des patous, qui posent des problèmes aux éleveurs lorsqu'ils mordent les touristes...

Préservons l'agropastoralisme et la biodiversité. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du RDSE ; Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)

Absence de diffusion de TF1 par Canal+

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.) Le 2 septembre dernier, Canal+ a cessé de diffuser les cinq chaînes de TF1 à la suite d'un différend commercial. Cette situation pénalise particulièrement les zones rurales et de montagne, qui reçoivent la télévision numérique par satellite.

La Cour d'appel de Paris a constaté que la loi ne mettait à la charge de Canal+ aucune obligation de reprise des chaînes de la TNT et qu'aucun contrat entre les deux groupes ne prévoyait une telle obligation. Mais si la situation est clarifiée en droit, les difficultés rencontrées par des millions des Français demeurent.

Le Gouvernement reste très discret sur cette situation. (Mme Frédérique Puissat renchérit.) Quant à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), elle a proposé sa médiation, mais n'a pas les moyens juridiques d'imposer un compromis.

Comment comptez-vous rétablir l'accès à la TNT des Français qui en sont privés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - Je partage votre préoccupation. (Exclamations ironiques à droite) Il ne m'appartient pas de m'immiscer dans un différend commercial (marques de déception à droite et sur quelques travées à gauche), mais, comme ministre de la culture, je suis attentive à l'accès de tous à l'offre gratuite de la TNT.

J'ai écrit au président de Canal+ pour en appeler à son sens des responsabilités et de l'intérêt général, pour éviter de priver deux millions de Français de l'accès à ces chaînes. Une révision de la loi sera probablement nécessaire pour éviter, à l'avenir, que des téléspectateurs soient ainsi pris en otage ; nous y travaillerons ensemble, je l'espère.

À court terme, les discussions ont repris, à la faveur de l'arrivée d'un nouveau patron, Rodolphe Belmer, à la tête de TF1. Espérons qu'un accord sera conclu au plus vite. (MM. David Assouline et Bruno Retailleau s'exclament ; M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - On dit que l'espoir fait vivre... Mais la réalité est simple : la loi de 1986, modifiée plus 80 fois, est à genoux. Franck Riester avait commencé à préparer une réforme, abandonnée en rase campagne sous prétexte de covid. (Plusieurs marques de déploration à droite)

Nous sommes prêts, au Sénat, à travailler sur cette loi pour la revisiter. Nous devons nous mettre à jour des plateformes numériques et des nouveaux usages. Madame la ministre, mettons-nous au travail ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; Mme Colette Mélot et M. Franck Menonville applaudissent également.)

Rayonnement international de la France et place en Europe

M. Jean-Marc Todeschini .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Tandis que les médias français étaient occupés par le feuilleton du 49.3, le dernier Conseil européen a confiné à la débâcle pour notre pays, signant l'échec de cinq ans de politique européenne - projet phare, pourtant, du Président de la République.

L'Allemagne et d'autres pays ont fait prévaloir leur position sur le prix du gaz, nous renvoyant à nos problèmes de maintenance des centrales nucléaires. L'accord de principe sur un bouclier antimissile sans la France, salué par l'Otan, nous laisse isolés. En matière spatiale, l'Allemagne s'oppose à la préférence européenne et développe seule des projets de microlanceurs.

Le constat s'impose : notre influence en Europe recule, alors même qu'on nous reproche une certaine arrogance. Les dissensions dans le couple franco-allemand sont telles que le sommet prévu a été reporté trois fois.

Nous devons entendre ces multiples alertes. L'Allemagne regarde désormais à l'est et s'affirme comme leader de l'Union européenne. Quelles leçons la France tire-t-elle de cette situation ? Comment pouvons-nous éviter l'isolement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Nous n'avons absolument pas la même vision des choses. (On ironise sur plusieurs travées à gauche et à droite.)

Les pays européens ont des enjeux communs : énergie, défense, spatial, notamment. Tous les pays y font face, mais pas de la même façon. Pendant la crise de la covid, les économies de services étaient les plus affectées ; avec la crise de l'énergie, ce sont les économies manufacturières. L'Allemagne fait face à des conditions très difficiles.

Le Président de la République a invité le chancelier Scholz à discuter. C'est lui qui a unifié les positions pour que le communiqué final étudie toutes les mesures en matière d'énergie. Il a invité le chancelier à déjeuner aujourd'hui. (Exclamations ironiques à droite)

M. Michel Savin.  - On est sauvé !

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Nous travaillerons à des convergences d'ici au soixantième anniversaire du Traité de l'Élysée. Ces efforts, voyez-vous, demandent plus que des paroles : du travail et des actes.

M. Hussein Bourgi.  - On les attend !

M. Jean-Marc Todeschini.  - Tout va donc très bien, madame la marquise... Non, tout ne se résoudra pas autour d'un déjeuner. Il n'y a qu'en France qu'on parle du couple franco-allemand ! L'Allemagne, pendant ce temps, mène le jeu, et la réflexion française sur l'Europe est un encéphalogramme plat, pour reprendre une expression du Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Islamisme à l'école

M. Max Brisson .  - (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis Aristide Briand, la religion ne saurait faire obstacle à la loi. La République a peu à peu donné à la laïcité une dimension singulière dans nos écoles.

Seulement voilà : le mois dernier, 313 atteintes à la laïcité ont été recensées, soit 313 violations de la loi. Vous affirmez, monsieur le ministre de l'éducation nationale, ne pas avoir la main qui tremble. Vous rappelez que les équipes Valeurs de la République ont été renforcées, ainsi que la formation des professeurs, et annoncez un plan de communication sur les réseaux sociaux.

Face au projet politique radical qu'est l'islamisme, ne pensez-vous pas plutôt qu'il faille d'abord appliquer la loi, dans toute sa rigueur ?

La semaine dernière, un proviseur parisien l'expliquait dans une interview : on sanctionne un collégien qui fume, mais, pour un élève qui porte une tenue religieuse, c'est plus compliqué, faute d'un cadre précis...

Ce cadre précis, quand allez-vous le donner à tous les chefs d'établissement de France ? (M. Stéphane Demilly approuve.) Ils attendent des instructions précises et la certitude d'être soutenus pour appliquer la loi, toute la loi, rien que la loi ! (« Bravo ! » et applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; MMDaniel Chasseing, Christian Bilhac, Hussein Bourgi et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Monsieur Brisson, vous avez raison : notre boussole est la loi de 2004, qui doit être appliquée strictement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Vous avez mentionné le renforcement des équipes Valeurs de la République : nous parlons de plusieurs centaines de personnes à l'échelle du pays ; nous poursuivons leur renforcement. Vous avez rappelé aussi notre action en matière de formation.

Des sanctions ont été prises contre des élèves récalcitrants, y compris des exclusions définitives. D'autres seront prononcées, et nous allons préciser le cadre en la matière.

La question des réseaux sociaux est juridiquement délicate, mais nous sommes très actifs pour contrer les influenceurs néfastes qui ne veulent de bien ni aux élèves, ni à l'école, ni à la République. Je recevrai un certain nombre de dirigeants de ces réseaux pour les placer devant leurs responsabilités.

Non, je n'aurai pas la main qui tremble pour sanctionner, mais la laïcité est aussi affaire de pédagogie : le combat continue pour faire comprendre qu'elle est une liberté, la condition de la transmission du savoir sans interférence et un moyen d'émancipation pour les futurs citoyens. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Paul Prince applaudit également.)

M. Max Brisson.  - Je crains que vous ne répondiez pas aux chefs d'établissement. Ils attendent des consignes claires, ne les laissez pas seuls ! Gérald Darmanin parle d'une offensive islamiste visant les plus jeunes : elle passe par l'école. Précisez le cadre, monsieur le ministre, et soutenez vos chefs d'établissement pour que les violations de la loi soient sanctionnées ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Christian Bilhac applaudit également ; Mme Françoise Gatel manifeste son approbation.)

Restitution de restes humains à l'Algérie

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En juillet 2020, pour le cinquante-huitième anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, la France a restitué à Alger 24 crânes conservés au musée de l'Homme, supposés être ceux de chefs de la résistance tués pendant la conquête coloniale.

Or selon le New York Times, la majorité des crânes seraient en fait d'origine incertaine... Certains parlent d'imbroglio, d'autres de scandale d'État.

Le travail du comité d'experts franco-algérien aurait été écourté : pourquoi ? Nous ne contestons nullement ce geste de réconciliation sur le fond. Mais pourquoi le Gouvernement a-t-il décidé seul d'une convention de dépôt ? Pourquoi avoir dénaturé cette démarche hautement symbolique ?

Le Parlement, pourtant garant des collections nationales, a été totalement contourné. Il est en droit d'obtenir des réponses ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MMRachid Temal et Rémi Féraud applaudissent également.)

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture .  - Je salue votre engagement de longue date sur ce sujet, qui me tient beaucoup à coeur. La politique de restitution, c'est regarder notre histoire en face et nouer des relations d'amitié nouvelles ; c'est le chemin, subtil et respectueux, de la reconnaissance, qui n'est ni le déni ni la repentance.

En 2017, les autorités françaises et algériennes ont mis en place un comité mixte chargé d'identifier ces restes humains dans les réserves du Muséum national d'histoire naturelle. Un travail rigoureux a été mené pendant dix-huit mois, au terme duquel la commission a conclu que 24 crânes sur 45 remplissaient les conditions pour être restitués.

C'est sur cette base documentée qu'ils ont été remis à l'Algérie, sous la forme - j'y insiste - d'un dépôt. Le communiqué du comité intergouvernemental de haut niveau mentionne bien des « restes humains présumés algériens ».

Plus largement, nous travaillerons ensemble à une loi-cadre fixant une doctrine et des critères en matière de restitution, qu'il s'agisse des restes humains, des biens spoliés juifs ou des biens pillés dans le cadre de la colonisation. (M. Alain Richard applaudit ; M. Philippe Tabarot ironise.)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je me réjouis que ce travail soit mené, enfin. Le Sénat a entrepris des travaux très importants sur le sujet, sous l'égide du président de la commission de la culture, Laurent Lafon. Nous avons déjà formulé des propositions et adopté, à l'unanimité, une proposition de loi sur les restes humains dits sensibles. Si elle était entrée en vigueur, la question de la restitution des crânes à l'Algérie aurait été résolue.

Malgré tout, vous défendez l'indéfendable. La commission chargée d'examiner les propositions de restitution alertait, en juin 2020, sur le caractère précipité et autoritaire de l'opération. L'urgence diplomatique a interrompu le travail de mémoire réalisé par le comité d'experts. Il est regrettable que le ministère de la culture ait été, comme le Parlement, écarté de la procédure. Il faut remettre de l'ordre dans ce domaine, dans l'intérêt de la réconciliation des mémoires ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Robert et M. Mickaël Vallet applaudissent également.)

Urgences pédiatriques

Mme Florence Lassarade .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Plus de 6 500 soignants en pédiatrie ont signé une lettre ouverte au Président de la République pour dénoncer la mise en danger quotidienne des patients dans des services saturés.

L'épidémie de bronchiolite aggrave la situation dans des services hospitaliers déjà très fragilisés, qui peinent à recruter du personnel et à le conserver. Cette épidémie est pourtant habituelle : elle était donc prévisible. En 2019 déjà, des enfants avaient dû être transférés hors d'Île-de-France. Aujourd'hui, les difficultés concernent l'ensemble du territoire, et il arrive que des enfants soient transférés à plus de 200 kilomètres...

Les capacités d'accueil des services se dégradent, en raison de la fermeture de lits et du manque de médecins libéraux. Le choix de ne plus faire appel aux kinésithérapeutes pour les bronchiolites est aussi en cause : cela permettait de faire baisser de 13 % les consultations au CHU de Bordeaux, par exemple.

Comme toujours, faute d'avoir anticipé, le Gouvernement gère la pénurie avec des rustines. Nous en sommes réduits à déclencher le plan blanc et à déprogrammer des opérations chirurgicales pour une simple épidémie de bronchiolite.

Vous avez annoncé 150 millions d'euros pour les services hospitaliers en tension. Mais allez-vous enfin prendre des mesures structurelles ? Je pense à la revalorisation de la permanence des soins la nuit et le week-end, à l'accroissement du nombre de pédiatres et à l'autorisation donnée aux kinés d'intervenir à nouveau contre l'épidémie de bronchiolite. (Mme Laurence Cohen manifeste son approbation.)

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention .  - La situation de nos hôpitaux face à la bronchiolite me préoccupe particulièrement.

Contrairement à ce que j'entends, on ne trie pas les enfants à l'entrée de l'hôpital. Les mots ont un sens : n'ajoutons pas à l'inquiétude des familles, au risque de pousser à des renoncements aux soins.

Notre système de santé prend en charge tous les enfants en situation de détresse, dans le cadre de parcours de soins conçus pour répondre aux besoins ; en revanche, toutes les bronchiolites ne doivent pas aboutir à l'hôpital.

La Haute Autorité de santé a mis en évidence que certaines pratiques de kinésithérapie habituelles en cas de bronchiolite étaient dangereuses. D'où la place moindre des kinésithérapeutes dans la prise en charge de cette pathologie.

En cas de difficultés respiratoires, les parents qui n'ont pas de médecin traitant doivent appeler le 15. Ils trouveront auprès du Samu des professionnels compétents qui les orienteront.

Mme Pascale Gruny.  - Le Samu est saturé !

M. François Braun, ministre.  - Oui, l'hôpital fait face à des problèmes structurels, qui ne sont pas nouveaux. Je me suis engagé à y travailler de manière globale. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit en ce sens des mesures de restructuration. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Zones de revitalisation rurale

M. Serge Mérillou .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Travailler main dans la main avec les élus ruraux : telle est votre promesse, madame la secrétaire d'État à la ruralité, formulée le 19 octobre dernier dans la presse.

Le même jour, l'Association des maires de France (AMF) a publié un rapport sur la nécessité de préserver les zones de revitalisation rurale (ZRR). Sur ce sujet, les élus attendent toujours une main tendue. Pour l'heure, pas de calendrier. Pourquoi tant d'opacité ? La ruralité exige de la clarté !

Depuis 1995, les ZRR sont un vecteur essentiel du développement de nos territoires. Leur extinction, prévue en décembre 2023, inquiète les élus.

Ce dispositif bénéficie à près de 14 000 communes, pour 320 millions d'euros - somme dérisoire au regard des résultats positifs observés. Il a contribué à redonner vie à nombre de nos villages. Un récent rapport sénatorial salue d'ailleurs son efficacité.

L'AMF et les élus ruraux vous demandent de reconduire un dispositif réformé, qui prenne en compte les évolutions des territoires. Des mesures vous sont proposées, le travail est prémâché. Emparez-vous-en, et posons les fondations d'une nouvelle politique de dynamisation des zones rurales !

Comment comptez-vous pallier la disparition des ZRR ? Quelle place les élus auront-ils dans l'élaboration du nouveau dispositif ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité .  - Les ZRR ont été créées par la loi du 4 février 1995, pour l'adoption de laquelle le Sénat a joué un rôle déterminant. Il s'agit de prendre en compte les difficultés spécifiques liées au maintien d'activités en milieu rural, au moyen d'exonérations fiscales et sociales.

Ce dispositif concerne 13 712 communes, qui représentent 16 % de la population française. J'y suis très attachée. Afin de préparer l'avenir, Jean Castex avait confié une mission à vos collègues Espagnac et Delcros, ainsi qu'aux députés Blanc et Barrot.

Dès le 26 juillet, j'ai répondu à l'invitation du sénateur Delcros de travailler sur cette question. J'ai poursuivi les consultations avec les élus. Cet après-midi même, je recevrai les membres de la mission parlementaire, avec Christophe Béchu, pour examiner les quatorze propositions de leur rapport. Le Gouvernement est donc au travail.

En outre, une mission d'appui a été confiée à François Philizot, président du conseil d'orientation de l'Observatoire des territoires. Des propositions seront présentées à la Première ministre au début de l'année prochaine, nourries de consultations avec le groupe « ruralité » en cours de constitution à l'Assemblée nationale ; j'espère qu'un groupe similaire sera institutionnalisé au Sénat.

M. le président.  - C'est là notre affaire, madame la secrétaire d'État. (Marques d'approbation sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains)

Mme Dominique Faure, secrétaire d'État.  - Je vous tiendrai informé de nos travaux, monsieur le sénateur.

M. le président.  - Votre temps de parole est épuisé.

M. Serge Mérillou.  - À Eymet, lors du congrès des maires ruraux, vous avez déclaré que la ruralité est une chance pour notre pays. Prouvez-le en donnant aux territoires ruraux les moyens nécessaires, tant qu'il est temps ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

Ligne Lyon-Turin

Mme Martine Berthet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans une récente tribune, nous sommes plus de 200 syndicalistes, représentants d'association, élus locaux ou parlementaires, de toutes les sensibilités, à rappeler notre engagement en faveur du Lyon-Turin et notre préférence pour le scénario grand gabarit.

Le Gouvernement devait prendre une position officielle en début d'année ; nous l'attendons toujours. Mes différents courriers à ce sujet sont restés sans réponse...

L'absence de décision ouvre une brèche à une minorité d'activistes qui se prétendent écologistes, mais manient la désinformation pour effrayer les populations. Depuis plus de trente ans, ils s'appuient sur les thèmes à la mode du moment : radioactivité et amiante autrefois et maintenant, dans le contexte des sécheresses, atteintes aux sources d'eau, alors que la société Telt suit de près la question.

C'est par le ferroutage que nous réduirons nos émissions carbonées et améliorerons la qualité de l'air dans nos vallées. La ligne historique n'a pas la capacité suffisante, d'autant que nous devons libérer des sillons pour les transports de voyageurs du quotidien.

La légitimité démocratique à faire des choix qui engagent l'avenir appartient aux élus, pas à une poignée de militants.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

Mme Martine Berthet.  - Monsieur le ministre, ne vous laissez pas impressionner, prenez les décisions attendues ! Quand confirmerez-vous le scénario retenu ? Alors que l'Union européenne est prête à financer 50 % du coût des accès, quand postulerez-vous à son appel à projets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Florence Blatrix Contat et M. Gilbert-Luc Devinaz applaudissent également.)

M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports .  - Je partage votre engagement en faveur de ce projet, dont l'intérêt est incontestable sur le plan écologique comme sur le plan économique. C'est un grand projet européen, confirmé au plus haut niveau dans le traité d'amitié franco-italien signé il y a moins d'un an.

Les concertations ont été engagées par le préfet de région selon un calendrier transparent. Ce travail s'est terminé au début de cette année. Nous devons maintenant passer à la partie concrète et financière.

Je me suis rendu à Lyon dès septembre pour échanger avec l'ensemble des collectivités qui participent au financement. J'ai constaté que le scénario grand gabarit était privilégié par l'immense majorité des collectivités territoriales. Une concertation a été lancée pour que cette ambition ferroviaire s'accompagne d'une ambition budgétaire, car ce scénario est aussi le plus coûteux. (Mme Martine Berthet marque sa désapprobation.)

Mme Frédérique Puissat.  - Et l'État ?

M. Bruno Retailleau.  - C'est un projet d'intérêt national !

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - Il faut que chacun dise combien il est prêt à mettre sur la table. Nous sommes prêts à nous engager et à mobiliser les financements européens. Dans le projet de loi de finances pour 2023, les crédits sont là, conformément à la programmation. Quand le scénario sera arrêté, nous postulerons à l'appel à projets, pour un montant allant jusqu'à 50 % du coût des accès.

Mme Frédérique Puissat.  - Et l'État ?

M. Clément Beaune, ministre délégué.  - L'État sera au rendez-vous, mais il faut que tout le monde y soit aussi. Nous attendons la fin de la concertation financière, au début de l'année prochaine.

M. le président.  - Je souligne que ce projet est inscrit à l'article 10 du projet de loi autorisant la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée, que vous examinerez, mes chers collègues, à l'issue de cette séance de questions d'actualité.

Risques de coupures d'électricité et de gaz

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Nous faisons face à une crise de l'énergie sans précédent, au point de devoir nous préparer à des coupures d'électricité et de gaz.

En la matière, la guerre en Ukraine est le révélateur d'une situation qui se dégradait depuis plusieurs années, faute d'anticipation.

La moitié des réacteurs nucléaires sont encore à l'arrêt, et EDF ne cesse de différer leur remise en service. Les grèves dans les centrales aggravent encore la situation. Les énergies renouvelables sont importantes, mais non pilotables. En l'absence de vent, de soleil et de nucléaire, ce sont les centrales à gaz qui prendront le relais.

L'hiver s'annonce, et il pourrait être rigoureux. Nos réserves de gaz sont pleines, mais ne représentent que deux tiers de la consommation hivernale des PME et des particuliers. Les entreprises gazo-intensives risquent des coupures préjudiciables à leur activité.

Les Français sont prêts à faire des efforts, mais accepteront mal de ne pas être prévenus à temps. Comment inciterez-vous les entreprises à s'arrêter, avec quel délai et pour combien de temps ? Comment procéderez-vous à l'égard des particuliers et des collectivités territoriales ? Comment gérer les situations particulières, notamment médicales ? Comment utiliserez-vous les compteurs Linky ?

À bien nommer les choses, on contribue à régler les problèmes du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Cette crise énergétique est la plus grave depuis les années soixante-dix. Le gaz russe, dont la livraison est quasi arrêtée, représentait 40 % des approvisionnements en gaz de l'Europe. De là le stress sur notre système énergétique, à l'échelle européenne.

Au même moment, les problèmes de maintenance et les sécheresses diminuent notre production d'électricité nucléaire et hydraulique.

Le Gouvernement a agi pour que l'hiver se passe dans les meilleures conditions. Les stocks stratégiques de gaz sont remplis dans toute l'Europe, à l'initiative de la France, et les terminaux continuent d'acheminer du gaz à pleine capacité. Nous avons aussi prévu d'augmenter la puissance de certains barrages hydrauliques, entre autres mesures.

Je salue l'accord trouvé au sein d'EDF et la reprise du travail ce week-end, qui permettra la poursuite des maintenances. Les syndicats et la direction ont fait preuve d'une grande responsabilité.

Les risques de difficultés sont très limités, selon RTE, si l'hiver est normal. Les réponses sont l'interruptibilité, l'effacement et la sécurisation des interconnexions. Les coupures dureraient deux heures par jour dans le scénario le plus grave. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. François Bonneau.  - Les coupures de gaz qui pourraient affecter les entreprises doivent être préparées en amont et dans la concertation. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 16 h 20.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 30.