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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mises au point au sujet d'un vote

Projet de loi de finances pour 2023 (Suite)

Explications de vote

M. Rémi Féraud

M. Éric Bocquet

M. Bernard Delcros

M. Jean Louis Masson

M. Jean-Claude Requier

M. Jérôme Bascher

M. Emmanuel Capus

M. Daniel Breuiller

M. Didier Rambaud

Interventions sur l'ensemble

M. Gérard Larcher, président du sénat

M. Claude Raynal, président de la commission des finances

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics

Mise au point au sujet d'un vote

Limiter l'engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée (Deuxième lecture)

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie

M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Paul Prince

M. Jean Louis Masson

M. Christian Bilhac

M. Jean-Noël Cardoux

M. Franck Menonville

M. Daniel Salmon

Mme Patricia Schillinger

M. Christian Redon-Sarrazy

Déroulement des élections sénatoriales (Procédure accélérée)

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité

M. Hervé Marseille

Mme Maryse Carrère

Mme Agnès Canayer

M. Alain Marc

M. Guy Benarroche

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Éric Kerrouche

Mme Cécile Cukierman

Conseil européen des 15 et 16 décembre 2022

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères

M. Albéric de Montgolfier, vice-président de la commission des finances

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

Mme Véronique Guillotin

M. Pascal Allizard

M. Pierre Médevielle

M. Jacques Fernique

M. André Gattolin

M. Didier Marie

M. Pierre Laurent

M. Claude Kern

M. Cyril Pellevat

Mme Gisèle Jourda

M. Jean-Michel Arnaud

M. André Reichardt

Mme Pascale Gruny

M. Alain Cadec

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

Ordre du jour du mercredi 7 décembre 2022




SÉANCE

du mardi 6 décembre 2022

37e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mises au point au sujet d'un vote

M. Emmanuel Capus.  - Au scrutin n°93, Alain Marc, Franck Menonville et Pierre-Jean Verzelen souhaitaient voter pour, et le reste du groupe INDEP s'abstenir.

M. le président.  - Acte vous est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l'analyse politique du scrutin.

Projet de loi de finances pour 2023 (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Explications de vote

M. Rémi Féraud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Après des heures de débats, y compris sur la seconde partie du budget qu'aucun 49.3 n'aura interrompue au Sénat, la discussion en séance du projet de loi de finances pour 2023 ne nous a pas rassurés.

Nous n'avons pas été rassurés par l'hypothèse irréaliste d'1 % de croissance en 2023, objectif auquel nul ne croit, pas le Président de la République lui-même. Nous n'avons pas non plus été rassurés par l'inflation, qui risque de se poursuivre et a des conséquences directes sur la vie des gens. Ce sont les plus précaires qui les subissent de plein fouet. Enfin, nous n'avons pas été rassurés en lisant dans la presse que les baisses fiscales ne seraient aucunement remises en cause par l'accord entre le Gouvernement et Les Républicains sur la loi de programmation des finances publiques. Au contraire, il y aurait un coup de rabot supplémentaire sur les politiques publiques.

C'est donc un nouveau budget injuste, qui concentre les baisses d'impôts sur les entreprises et les plus fortunés, avec l'assentiment de la majorité sénatoriale.

Vous restez dans le même schéma : réduire les ressources de l'État et contraindre ses dépenses, avec une politique de l'offre qui a échoué, mais que vous poursuivez coûte que coûte. Vous dévalorisez les revenus du travail par rapport à ceux du capital. Nous n'avons pu faire adopter une vraie taxe sur les superprofits ou sur les superdividendes. Pourtant, la gauche n'a pas été seule à défendre un peu plus de redistribution...

Nos travaux n'ont cependant pas été inutiles. Nous avons obtenu des avancées pour les collectivités territoriales, dont les finances sont mises à mal par l'inflation, avec l'indexation de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour 2023, l'élargissement du filet de sécurité, la TVA à 5,5 % sur les transports publics. Nous avons aussi annulé la suppression de la fameuse cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). À la suite du président de la commission des finances, Claude Raynal, je rappelle au Gouvernement qu'il revient au Parlement de voter l'impôt, or ni le Sénat ni l'Assemblée nationale n'ont voté pour la suppression de la CVAE...

Malgré leur rejet par l'Assemblée nationale et le Sénat dans la loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement a aussi réintroduit dans ce PLF les mal nommés pactes de confiance. Hier soir, nous avons à nouveau supprimé à une large majorité ce mécanisme coercitif.

Que restera-t-il de nos votes pour les collectivités territoriales dans le budget final ? Avec ou sans le rouleau compresseur du 49.3, monsieur le ministre, êtes-vous prêt à écouter le Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Éric Bocquet et Mme Cathy Apourceau-Poly applaudissent également.)

Le volet dépenses n'est pas plus satisfaisant, quand on connaît les besoins du pays dans les domaines sociaux, éducatifs, environnementaux. Ce budget relancera-t-il la construction de logements ? À l'évidence, non. Est-il à la hauteur de la crise écologique ? Non ! Permet-il de faire face à l'explosion des prix de l'énergie ? (Le groupe SER, en choeur : « Non ! ») Résout-il les difficultés du ferroviaire ? (Même mouvement) Le Gouvernement et les amis politiques de Mme Pécresse, en Île-de-France, se renvoient la balle sur le dos des usagers.

Mme Laurence Rossignol.  - Oui !

M. Rémi Féraud.  - La majorité sénatoriale s'est attaquée à l'aide médicale de l'État (AME), au nom de la lutte contre l'immigration alors que c'est un outil de santé publique indispensable.

M. Bernard Jomier.  - Très bien !

M. Rémi Féraud.  - Nous marquerons par notre vote notre refus du moins d'impôts. Ce sont toujours les plus fortunés que vous favorisez. Vous préférez taxer les chômeurs plutôt que les superprofits, avant d'engager une réforme des retraites à objectif purement comptable. Pendant ce temps, nos services publics se dégradent.

Notre vote sera bien sûr négatif, en espérant que sur certains points, notamment sur les collectivités territoriales, nos débats et nos votes auront été utiles. C'est désormais la responsabilité du Gouvernement et de sa majorité relative. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. Éric Bocquet .  - Je ne doute pas que la citation qui suit vous fera plaisir : « Je ferai en sorte qu'à l'avenir, il soit interdit de financer les dépenses de tous les jours par de la dette ». Ce sont les mots de Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007.

Comment ne pas regarder avec ironie ce budget en déficit à 4,9 %, soit près de 160 milliards d'euros ? Notre besoin d'endettement atteint 270 milliards d'euros en 2023... La dépendance aux marchés financiers demeure, plus que jamais.

La révision constitutionnelle sacralise les lois de programmation des finances publiques, ce qui réduit le champ d'expression du Parlement. Le droit d'initiative des parlementaires est corseté par les irrecevabilités. Il est impossible de proposer une dépense sans piller les crédits d'une autre politique. Il ne fait décidément pas bon être progressiste sous la Ve République...

Cela a entraîné certaines situations que je qualifierais d'ubuesques si elles n'étaient si graves, comme lorsque les parlementaires de tous les bancs ont dû retirer tous leurs amendements sur la mission « Agriculture ». La démocratie parlementaire en sort meurtrie.

En matière de taxation du capital, le texte sort du Sénat comme il y est entré. Gouvernement et majorité sénatoriale se sont entendus pour refuser une nouvelle imposition des multinationales assise sur le chiffre d'affaires, le rétablissement d'une véritable exit tax, la taxation des superprofits, un accroissement de la taxe sur les transactions financières (TTF) et de la taxation des dividendes versés et reçus. C'est un front commun contre la justice fiscale la plus élémentaire !

La France est une anomalie européenne dans un contexte d'inflation des prix de l'énergie et de l'alimentation. Le 28 juillet 2022, quand la présidente Éliane Assassi interrogeait la Première ministre sur le double langage du Gouvernement sur les superprofits, Matignon soufflant le chaud et Bercy un air glacial, Mme Borne répondait : « Nous serons attentifs à ce que chacun prenne ses responsabilités, et nous serons prêts à agir, s'il le faut, dans le cadre du PLF 2023 ». Apparemment, il ne le faut pas... Le Gouvernement refuse toute taxation supplémentaire sur le capital, malgré 44,3 milliards d'euros de dividendes pour le deuxième semestre, ce qui n'est pas même un record. Pour le Gouvernement, il n'y a pas eu de superprofits indus. Il laisse même entendre que CGA-CGM connaît des difficultés...

Il ne faudrait pas croire que les dividendes émanent de la reprise : ils découlent de politiques fiscales accommodantes. Ainsi, après la mise en place de la flat tax, les dividendes éligibles ont augmenté de 61 % à 23,2 milliards d'euros. La crise sanitaire n'a pas enrayé les distributions. La part des ménages ayant reçu des dividendes supérieurs à 1 million d'euros a explosé, à 24 % contre 10 % en 2017. Un million d'euros, c'est 90 334 heures de travail au Smic, 2 580 semaines de travail, 50 ans de labeur.

Ce budget 2023 est un budget pour rien.

Il a fallu toute l'inventivité de la droite sénatoriale et du Gouvernement pour expliquer que la facture d'électricité allait augmenter de 15 %, après une envolée de 50 % sur les dix dernières années. Avant la guerre en Ukraine, les Français ont payé l'ouverture au marché de l'énergie et un sous-investissement chronique dans le nucléaire. Le bouclier tarifaire n'y peut rien.

Les élus locaux ne se mettent plus en colère. Ils n'osent plus se plaindre. Ils bataillent dans leur coin, faisant beaucoup, discrètement, au quotidien. Ils attendaient une rallonge du filet de sécurité. Le Sénat l'a amélioré, mais il reste insuffisant. Il fallait le retour du tarif réglementé de l'électricité et du gaz pour toutes les collectivités. Telle est la proposition de loi du groupe CRCE, qui sera examinée demain par le Sénat.

Le Sénat a voté la suppression d'amendements adoptés, s'appliquant lui-même un 49.3 interne... Un huitième 49.3 viendra à l'Assemblée nationale, et le Gouvernement ne retiendra que ce qui a sa préférence.

Le Gouvernement s'adonne à un jeu de dupes auquel le Sénat a accepté de jouer. Nous le regrettons, et voterons contre ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER et du GEST)

M. Bernard Delcros .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Tout au long de l'examen de ce texte, le groupe UC a suivi une ligne claire et cohérente, guidée par deux constantes. D'abord, contenir notre déficit et notre endettement, en limitant les dépenses de l'État, mais aussi en agissant sur les recettes. (Mme Françoise Gatel et M. Henri Cabanel applaudissent.) Ensuite, l'équité fiscale, sociale et territoriale, qui n'est pas l'égalité de traitement. C'est ainsi que nous avons défendu la contribution exceptionnelle de solidarité sur les superprofits, qui aurait compensé pour partie les dépenses exceptionnelles en vue de protéger les Français contre la hausse des prix.

Mme Françoise Gatel.  - Très bien.

M. Bernard Delcros.  - Comment expliquer que les plus grandes entreprises, qui accumulent des profits record à la faveur de la crise, ne contribuent pas davantage à la solidarité nationale ? À dépenses exceptionnelles, mesures exceptionnelles. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

C'est aussi pour ne pas priver l'État de 4 milliards d'euros que nous avons défendu le report de la suppression de la CVAE. (Applaudissements sur quelques travées du groupe UC) Cette suppression n'est pas opportune quand tant de dépenses sont nécessaires et que les données macroéconomiques sur lesquelles ce budget est fondé sont fragiles.

Nous nous réjouissons que le Sénat nous ait suivis sur la suppression de plusieurs niches fiscales, sujet cher à Michel Canévet...

Mme Nathalie Goulet.  - À moi aussi !

M. Bernard Delcros.  - ... dans un double objectif d'efficacité budgétaire et de justice fiscale. Nous avons notamment supprimé une faille dans les plans épargne retraite (PER) qui créait une niche implicite sur la transmission du patrimoine des plus aisés et coûterait plusieurs milliards d'euros à l'État.

Plusieurs mesures adoptées en première partie réduisent notre déficit de 6,9 milliards d'euros.

Sur le volet budgétaire, le PLF 2023 poursuit la stratégie de hausse des crédits de plusieurs ministères régaliens : justice, défense, enseignement, sécurité... Ces dépenses sont nécessaires pour mener à bien des missions essentielles pour notre pays.

Concernant les collectivités territoriales, le groupe UC n'était pas favorable à une réponse uniforme sur la DGF pour toutes les collectivités. Nous soutenions le choix de l'augmenter en ciblant les collectivités les plus fragiles.

Nous avons eu un long débat sur les critères de répartition de la dotation de solidarité rurale (DSR). Nous nous sommes battus pour le maintien du critère de la longueur de voirie communale. Écoutez-nous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Concernant la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales, le Sénat a voté pour une meilleure reconnaissance de l'apport de la ruralité à la préservation de l'environnement. Nous souhaitons que le Gouvernement conserve cette belle avancée.

Le fonds vert, de 2 milliards d'euros, sera confié aux préfets de département. Il complétera utilement la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

Enfin, le Sénat a voté la réintégration des dépenses d'aménagement de terrain dans l'éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Nous soutenons le plafonnement de la hausse des tarifs réglementés, ainsi que l'amortisseur électricité, mieux calibré à 180 euros par mégawattheure. Nous avons aussi soutenu l'amendement du Gouvernement pour élargir l'éligibilité au bouclier tarifaire aux Ehpad et aux résidences autonomie.

Le Sénat a revu les critères d'éligibilité au filet de sécurité énergie en faveur des collectivités pour le rendre plus clair, plus simple et plus efficace. Il est important de conserver un dispositif simplifié et ouvert.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre présence continue et votre écoute, même si nous aurions voulu plus d'ouverture. À la quasi-unanimité, le groupe UC votera le budget. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. le rapporteur général applaudit également.)

M. Jean Louis Masson .  - Ce PLF est très inquiétant pour l'avenir. La politique budgétaire actuelle est une fuite en avant qui nous conduit dans le mur. Nous risquons de nous retrouver dans la situation de la Grèce. C'est la conséquence du « quoi qu'il en coûte » et du blocus économique contre la Russie.

Le « quoi qu'il en coûte » conduit à un endettement massif, en faisant croire que l'on peut toujours continuer à dépenser sans se soucier de l'avenir. Mais il n'y a pas d'argent magique ; or, depuis le président Sarkozy, nos dirigeants se comportent comme la cigale de la fable. Il est temps de dire la vérité à nos concitoyens.

La guerre en Ukraine, ou plutôt la décision cautionnée par la France d'organiser un blocus contre la Russie, a des conséquences graves pour notre économie - probablement plus que pour la Russie elle-même. Ce matin, sur une grande radio nationale, deux économistes ont confirmé que le seul boycott du gaz et du pétrole russe était à l'origine de plus de 50 % de l'inflation. Nos concitoyens doivent en être informés.

Voilà les raisons pour lesquelles je voterai contre ce budget.

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Après une première partie du budget sensiblement augmentée avec la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et la croissance continue du nombre d'amendements, nous avons terminé ce matin, à 1 h 30, l'examen de ce PLF.

La délibération a été contrainte par le temps programmé régissant l'examen des missions. Ces règles ont globalement été respectées. Que va-t-il subsister de nos modifications, alors que la réunion de la commission mixte paritaire (CMP) a été avancée à ce soir, et que l'on se dirige vers un nouveau 49.3 ? La situation actuelle est inédite. L'Assemblée nationale et le Sénat ont trouvé un terrain d'entente sur les deux lois de finances rectificatives. Ne pourrait-il pas en être ainsi pour le PLF ? J'en appelle à la modération des uns et des autres.

Les amendements proposés par le Gouvernement et adoptés par le Sénat ont de forte chance de perdurer. Suppression de la condition d'âge de décès des anciens combattants pour l'accès de leurs veuves à la demi-part, modalités d'indexation de la déduction pour l'épargne de précaution, ouvertures de crédits pour la sécurité civile, revalorisation des salaires de l'action sanitaire et sociale, extension du bouclier tarifaire à l'habitat collectif, entre autres, seront probablement conservés.

Le rejet des missions « Cohésion des territoires » et « Agriculture » n'est pas une surprise. Nous avons donc voté un budget amputé.

Le déficit, encore massif, pourrait être aggravé par la situation internationale. Les prévisions de croissance du Gouvernement restent crédibles, même si elles s'apparentent parfois à la météorologie.

La majorité sénatoriale a tenté une solution médiane dans le débat sur la suppression de la CVAE. Mais, au Sénat, la CVAE a survécu.

Ces dernières années, les réformes de fiscalité ont été marquées par un recours accru aux recettes de la TVA : pour les régions, pour les départements, et pour la sécurité sociale aujourd'hui. Cette évolution n'est pas défavorable aux finances publiques, même si le consommateur en paie la facture.

Les finances des collectivités territoriales ne représentent que 20 % de la dépense publique. C'est bien inférieur à la moyenne européenne, à 40 % de la dépense publique. Il est vrai que cette dernière est très élevée en France.

En 2023, toutes les missions de l'État ou presque augmenteront, en raison de l'inflation, mais aussi parce que le service de la dette croît, avec la remontée des taux d'emprunt. Il atteindra plus de 50 milliards d'euros l'an prochain.

Nous nous réjouissons de l'adoption de certaines de nos propositions, telles que l'indexation de la DGF sur l'inflation, la suppression du critère de potentiel financier pour la dotation particulière élu local (DPEL), le financement des charges de débroussaillement pour les communes à fort linéaire et la réintégration du critère de voirie dans le calcul de la DSR.

Nous regrettons que certaines de nos propositions n'aient pas été retenues, notamment pour les secteurs médico-social et culturel.

La répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer) reste complexe : elle doit rester incitative pour les acteurs locaux, pour l'implantation de parcs éoliens et solaires.

Je note la nouveauté de cette année que représente la faculté d'amender les indicateurs de performance. Nous verrons s'il s'agit d'un véritable levier d'amélioration, ou un gadget de plus.

Les membres du groupe RDSE voteront majoritairement pour les crédits de ce budget. Quelques-uns s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI)

M. Jérôme Bascher .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est le premier PLF que nous examinons après la loi de modernisation des finances publiques. Le président Raynal s'est attelé à en faire respecter les règles. Je l'en remercie. Je remercie aussi le rapporteur général qui a favorisé le dialogue avec le ministre, dont je salue la présence. Vous comprendrez, en creux, qui était absent... (Sourires)

C'est un budget de l'instabilité, de la volatilité, de la variabilité et de l'inflation.

L'avis du Gouvernement a varié. Hier encore, l'article 40 quater sur les nouveaux contrats de Cahors a été maintenu. La Première ministre avait annoncé le contraire aux maires de France. Ces avis fluctuants ne facilitent pas le débat. Nous avons besoin d'un cap politique. (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

En dix ans, nous sommes passés de 500 à 3 000 amendements sur le PLF. L'inflation touche aussi le montant des amendements : un amendement du Gouvernement s'élevait à 25 milliards d'euros, un sous-amendement à 6 milliards d'euros... Retrouvons du calme à ce sujet.

L'article d'équilibre a été lui aussi victime d'instabilité, avec une petite erreur de signe. Il est vrai que ce ne sont que quelques milliards d'euros ! Il se trouve déséquilibré.

Ce budget, que le groupe Les Républicains votera, n'est pas complet : c'est là aussi la limite de l'article 40.

Nous ne pouvons pas nous permettre un budget en déséquilibre : sur 500 milliards d'euros, il y a 160 milliards d'euros de déficits et 270 milliards d'euros d'emprunts de long terme. L'an dernier, la moitié du budget était financée par la dette : ce seuil est désormais dépassé.

Le groupe Les Républicains est favorable à la suppression de la CVAE, mais pas comme cela ! C'est de l'improvisation, comme pour la redevance. Le mécanisme de compensation prévu par le Gouvernement ne convient pas. Nous vous appelons au travail, à la concertation, avant de prendre des mesures à l'emporte-pièce. Il y va de la compétitivité de la France.

Nous avons formulé des propositions, qui reprenaient les suggestions du FMI notamment. Nous avons diminué les dépenses, hors missions non votées : nous nous y étions engagés dans la loi de programmation.

Nous avons refusé certaines missions, non par tocade, mais parce que ce ne sont pas les crédits qui manquent, mais le courage de réformer ! Sur l'immigration ou l'agriculture, nos alertes sont récurrentes. Bien sûr, nous avons besoin d'argent pour moderniser notre agriculture, mais le Gouvernement ne travaille pas à la réforme !

Monsieur le ministre, lorsque Christine Lavarde vous fait des propositions pour économiser 500 millions d'euros destinés à acheter des voitures chinoises, écoutez-nous ! Cela bénéficie aux comptes et à l'industrie française ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

Bien sûr, nous savons qu'il y aura un 49.3 : nous ne sommes pas des lapins de six semaines.

Retenons quelques points : la DGF, le filet de sécurité, la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité - 145 euros du mégawattheure pour le biogaz. Nous avons aussi gelé la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), car le risque est grand de voir revenir les gilets jaunes. Enfin, nous sommes très attachés au FCTVA. N'oubliez pas la TVA sur les chevaux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Après trois semaines de débat, 26 missions et comptes spéciaux et plus de 2 500 amendements examinés, nous achevons l'examen du budget. Je salue la commission des finances et le Gouvernement pour leur engagement, qui a permis une bonne tenue des débats. Je remercie tout particulièrement le ministre et le rapporteur général. (« Ah ! » à droite) Je remercie aussi le président de la commission des finances, qui a invité à la concision.

Nous avons débattu de sujets importants pour les collectivités territoriales et pour les élus, le fonds vert notamment. (M. le rapporteur général s'en amuse.) Il fera avancer la transition écologique par des actes et non des polémiques. C'est cela, l'écologie du réel et de l'action.

Nous avons renforcé l'aide aux collectivités territoriales face à la hausse des coûts de l'énergie : la suppression des critères d'éligibilité au filet de sécurité et l'indexation de la DGF sur l'inflation répondent aux angoisses des collectivités territoriales. Malheureusement, ces aides ne sont pas ciblées vers les collectivités qui en ont le plus besoin. D'où nos propositions.

L'article 40 quater réintroduit les contrats de confiance, version adoucie des contrats de Cahors. (Protestations à gauche) Notre groupe était réservé sur les mécanismes contraignants : les sanctions sont trop sévères pour les collectivités territoriales. Mais nous préférons améliorer les projets du Gouvernement que de les rejeter en bloc. Un contrôle non coercitif des finances des collectivités territoriales aurait été préférable.

M. Loïc Hervé.  - Ce serait mieux !

M. Emmanuel Capus.  - Nous espérons que la navette aboutira à un accord sur ce sujet.

Je me réjouis que le Sénat ait réduit le déficit public de 0,2 % du PIB : certes, c'est moins que son objectif, mais c'est une avancée probante.

Mme Frédérique Puissat.  - C'est grâce à la mission « Travail et emploi » !

M. Emmanuel Capus.  - Le budget sur lequel nous devons nous prononcer est amputé de certaines missions, ce qui brouille notre message politique. Quel est le message adressé aux agriculteurs ?

Mme Sophie Primas.  - Que nous ne sommes pas contents !

M. Emmanuel Capus.  - Quel est le message adressé aux collectivités territoriales lorsque la mission « Cohésion des territoires » n'est pas votée ?

M. Loïc Hervé.  - Nous avons voté la mission « Relations avec les collectivités territoriales ! »

M. Emmanuel Capus.  - Quel est le message adressé à nos concitoyens quand la mission « Immigration, asile et intégration » n'est pas votée ? (Plusieurs protestations à droite) Certes, nous convenons qu'il y a un problème.

Les membres du groupe INDEP s'abstiendront majoritairement. Certains voteront pour ce budget.

Monsieur le ministre, le Sénat a envoyé un message clair. Il faut de toute urgence pallier la baisse de dotations qui menace les communes nouvelles. (Mme Françoise Gatel acquiesce.) J'espère que nous parviendrons à une solution de compromis, notamment pour Doué-en-Anjou et Segré-en-Anjou Bleu. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC et sur le banc des commissions.)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances.  - Charité bien ordonnée commence par soi-même !

M. Daniel Breuiller .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Après 2 600 amendements et des dizaines d'heures de débat, je dis au ministre, au rapporteur général et au président de la commission des finances : merci pour ce moment ! (Sourires)

Les choix budgétaires du Sénat ne nous conviennent pas, car ils sont d'inspiration libérale. Ils refusent toute nouvelle contribution de ceux qui accumulent les richesses et donnent moins à ceux qui ont peu. Cela accentuera les inégalités et les écarts entre les revenus. Selon l'Insee, les mesures sociales et fiscales votées entre 2020 et 2021 profitent surtout à la partie la plus aisée de la population - 470 euros de revenu annuel supplémentaire pour les septième et huitième déciles, contre 90 euros en moyenne pour les 50 % les plus modestes.

L'inflation accentuera encore cette réalité brutale, puisque les catégories modestes et moyennes sont les plus touchées.

La suppression de la CVAE prive l'État de 8 milliards d'euros de recettes. Elle sera immanquablement répercutée sur les ménages via la TVA ou l'endettement, affaiblissant le service public, le bien commun de ceux qui n'ont pas de patrimoine.

Notre projet est fondé sur une qualité de vie garantie pour tous. Demandons plus d'efforts à ceux qui accumulent toujours plus et polluent le plus !

La plupart de nos amendements ont été rejetés.

Sur la mission « Enseignement scolaire », nous avons voté la hausse de 3,7 milliards d'euros de crédits pour les douze millions d'élèves. Mais la crise est plus profonde.

Le budget de la mission « Économie » traduit une politique généreuse d'aides non conditionnées destinée aux grands groupes, sans saisir l'occasion de prendre une bifurcation écologique, comme s'y essaient les États-Unis.

La hausse des crédits de la justice, que nous avons approuvée, ne suffira pas à remettre à flot un système à bout de souffle. Les moyens alloués à la sécurité civile sont trop faibles.

Les crédits de la mission « Santé » sont eux aussi insuffisants. L'hôpital public s'effondre, les déserts médicaux s'étendent. La santé mentale, parent pauvre de la médecine, est délaissée. Il faudrait pourtant aider les adolescents en souffrance psychique.

Ce PLF n'a pas non plus pris la mesure de la détresse des étudiants. Nous avons proposé des bourses, des mesures pour le logement, afin que les jeunes puissent vivre au pays : ce ne furent que des rejets, comme sur les aides aux autorités organisatrices de mobilité (AOM), alors que nos voisins européens s'y engagent. Comment peut-on consacrer des milliards d'euros à l'automobile et refuser d'aider les transports en commun ? La TVA à 5,5 % sera-t-elle maintenue, monsieur le ministre ? La majorité sénatoriale a refusé d'augmenter le versement mobilité, pourtant un souhait de Valérie Pécresse. La désorganisation des transports coûtera cher à la planète, aux usagers et aux entreprises. Le Gouvernement fait la sourde oreille. Les usagers d'Île-de-France paieront bientôt 90 euros par mois alors que leurs conditions de transport se dégradent. C'est inacceptable.

L'avenir de l'audiovisuel public est incertain. Les Jeux olympiques de 2024 font peser une menace sur le secteur culturel, déjà fortement fragilisé. Nous craignons la baisse des budgets locaux pour la culture, qui représentent 9,8 milliards d'euros, soit les trois quarts de l'investissement public.

Les collectivités territoriales doivent faire des choix. La loi de finances votée par le Sénat, avec l'indexation de la DGF et un bouclier tarifaire élargi, pourrait préserver la capacité des collectivités à agir, mais, monsieur le ministre, respecterez-vous ces choix ? Avec l'article 40 quater, vous enjambez les votes de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cet article témoigne d'une défiance à l'encontre des collectivités, qui ont besoin de confiance, pas de contrats.

Sur l'environnement, nous sommes loin du compte, loin de l'effort consenti sur les carburants ou le covid... Au lendemain de la COP27, la continuité budgétaire à peine améliorée est un contresens historique. La défense des écosystèmes, la biodiversité, l'adaptation de notre agriculture doivent être érigées en grande cause nationale.

Ce budget est insincère en raison de la suppression par la majorité sénatoriale de missions entières. Pour afficher une baisse de la dépense publique, elle laisse le Gouvernement décider seul.

Nous ne voterons pas ce budget qui privilégie les baisses d'impôt aux solutions aux défis sociaux et écologiques. Ce budget sera de toute façon « 49.3isé » dès la semaine prochaine ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes SER et CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

M. Didier Rambaud .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Voilà un an, l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable avait exclu tout débat sur les missions budgétaires. Ce fut l'inverse cette année, avec un nombre record d'amendements.

Ce PLF a été l'occasion d'adopter des mesures positives pour notre pays et pour les collectivités territoriales.

L'indexation du barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation représente 6,2 milliards d'euros. La justice voit son budget augmenter de 8 % pour la troisième année consécutive. La revalorisation du salaire des enseignants, à 2 000 euros nets par mois minimum en début de carrière, est une bonne chose. Les collectivités territoriales voient la DGF augmenter de 320 millions d'euros. Entre 2001 et 2017, le maire que j'ai été se souvient douloureusement des 14 milliards d'euros de baisse. Je me réjouis de cette hausse, inédite depuis bien longtemps.

M. Didier Marie.  - L'inflation est à 7 % !

M. Didier Rambaud.  - Toutefois, le PLF est dénaturé après son examen au Sénat. Le groupe RDPI s'abstiendra donc.

Dès la première partie, les fondations du budget étaient défigurées. Les amendements sur la suppression de la réforme de la CVAE, l'indexation de la DGF et le filet de sécurité ont enfoncé le clou.

Le Gouvernement proposait de supprimer la CVAE pour aider 530 000 entreprises ; un quart des gains étaient fléchés vers l'industrie. Je m'interroge sur la cohérence de la majorité sénatoriale...

Vous avez ensuite dénaturé la deuxième partie. « Agriculture », « Cohésion des territoires », « Immigration, asile et intégration », « Administration générale et territoriale de l'État », « Aide publique au développement » : ces missions cruciales ont été rejetées. Résultat : 33,7 milliards d'euros d'économies, en trompe-l'oeil. Si l'on retenait le PLF issu du Sénat, il n'y aurait plus d'APL, plus de maisons France Services, plus de logements pour les personnes en difficulté... Oui à la maîtrise de la dépense publique, mais pas de la sorte !

Je salue néanmoins l'adoption de certains amendements de notre groupe, notamment pour les outre-mer : 450 000 euros pour les générateurs d'hémodialyse à Wallis-et-Futuna, revalorisation des seuils de référence pour les allégements de taxe foncière à Mayotte, révision des tarifs d'Ifer en Guadeloupe. Je n'oublie pas la prolongation jusqu'en 2029 de plusieurs dispositifs de défiscalisation, les 4 millions d'euros contre l'habitat insalubre et le relèvement de la franchise pour les petits envois non commerciaux.

Cela justifie le vote positif de certains de mes collègues ultramarins, mais une majorité du RDPI s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. le président.  - Conformément à l'article 60 bis du Règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune. Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l'appel nominal : lettre H. (Exclamations diverses)

Le projet de loi de finances pour 2023, modifié, est mis aux voix par scrutin public à la tribune de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°94 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 305
Pour l'adoption 197
Contre 108

Le Sénat a adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Gérard Larcher, président du sénat .  - Nous adoptons ce projet de loi de finances au terme de 160 heures de séance, dix de plus qu'il y a deux ans -  un record depuis 1995  - avec un nombre record d'amendements déposés : 3 507.

Je remercie le rapporteur général Jean-François Husson, qui, par son travail tout en vigueur et en rigueur, a éclairé nos débats, ainsi que le président de la commission des finances, Claude Raynal qui, en bon capitaine, eut bien souvent à choquer nos voiles lorsque l'hémicycle était tenté de lofer. Cela nous a permis, malgré quelques coups de vent, de naviguer en toute sérénité pour tenir le calendrier contraint de la discussion budgétaire fixé par notre Constitution.

Je salue tous les autres membres de notre équipage, les 47 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, les 77 rapporteurs pour avis des autres commissions ainsi que leurs présidents, les chefs de file des huit groupes politiques, et, enfin, les vice-présidents et vice-présidentes qui ont conduit nos débats tout au long de ces semaines. (Applaudissements)

Je remercie l'ensemble du personnel des services du Sénat et des groupes politiques. (Applaudissements)

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre présence assidue, y compris pour les conciliabules nécessaires hors de l'hémicycle -  qui font partie intégrante de la vie parlementaire !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances .  - J'ai toujours plaisir à terminer l'examen du projet de loi de finances par un scrutin à la tribune. Il donne une force particulière à ce moment, j'y attache de l'importance.

Je relève néanmoins, et déplore, que certains semblent s'organiser pour passer en premier : voilà trois années d'affilée que la lettre H, celle du rapporteur général, est tirée pour déterminer l'ordre du vote... (Rires et applaudissements)

Mme Sophie Primas.  - Quel talent !

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Je remercie à mon tour M. le président du Sénat d'avoir ouvert et conclu les débats, ainsi que les vice-présidents qui ont présidé à nos travaux. Cette année, ce ne fut pas si simple... Je salue également le rapporteur général, aux avant-postes, et les rapporteurs, spéciaux et pour avis, sans oublier les services du Sénat, particulièrement ceux de la séance. Nous aurons à progresser collectivement pour parfaire l'organisation de nos travaux.

Enfin, je remercie le ministre et son cabinet, pour sa disponibilité et son envie d'expliquer ses positions.

Je rappelle qu'il y a dix ans, nous examinions 500 amendements ; il y a cinq ans, 1 000 ; cette année, 3 000.

M. Jérôme Bascher.  - Inflation !

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Nous aurons de plus en plus de mal à respecter le délai de vingt jours fixé par la Constitution. Il nous faudra repenser l'organisation de nos travaux.

Enfin, ces trois mois de travail en commission et ces trois semaines en séance seraient inutiles si le texte du Sénat ne devait pas être pris en compte par l'Assemblée nationale et le Gouvernement -  mais je n'ai aucun doute sur ce point. (Sourires et applaudissements)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - Je remercie également l'ensemble des sénatrices et des sénateurs, ainsi que les équipes du Sénat, pour leur travail avant et pendant l'examen du budget. Les nuits sont courtes, mais nous avons su nous écouter et échanger. Ce marathon est aussi l'occasion de prendre le pouls de la France.

Monsieur le ministre, le plus important nous attend : que restera-t-il des travaux du Sénat ? Nous sommes entrés dans un quinquennat d'un temps nouveau, avec une Assemblée nationale dans une configuration complexe et un Sénat qui vous a transmis des messages clairs. Veillons à ce que le Parlement demeure écouté, et que ses décisions soient respectées. Il est de notre responsabilité collective d'aider les Français à traverser les temps difficiles qui s'annoncent, sans amplifier les angoisses, en se donnant la main, avec les élus locaux et les chefs d'entreprise, pour qu'il fasse encore bon vivre dans notre si beau pays de France. (Applaudissements)

M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Je remercie à mon tour le président de la commission des finances et le rapporteur général pour ces nombreuses heures d'examen, et pour la qualité de ce travail. Merci aussi aux rapporteurs spéciaux et aux rapporteurs pour avis.

Jérôme Bascher rappelait que c'était le premier PLF sous l'empire de la nouvelle Lolf : pour moi, c'était tout simplement le premier en tant que ministre du budget. J'ai apprécié nos échanges empreints de courtoisie républicaine, de respect et d'écoute mutuelle. Je dois dire que cela fait du bien !

M. Bruno Retailleau.  - Ça change ! (Sourires)

M. Gabriel Attal, ministre délégué.  - Et c'est utile.

Vous adoptez un texte sensiblement différent de celui qui vous était présenté. Le solde s'améliore, mais en trompe-l'oeil comme l'a dit M. Capus, puisque des pans entiers de l'action publique sont supprimés avec le rejet de missions entières, « Cohésion des territoires », « Agriculture » et « Action générale et territoriale de l'État ». La navette les rétablira, mais la marque du Sénat demeurera sur le texte qui sera adopté à l'issue de la navette. (Marques d'intérêt à gauche et à droite)

Vous avez adopté des amendements importants : celui de M. Rietmann qui supprime le malus auto pour les Sdis, celui de M. Delcros qui majore la dotation biodiversité, celui de M. Patient sur l'habitat insalubre outre-mer, celui de Mme Jacques sur la continuité territoriale, celui de M. Cozic qui supprime les prêts et avances pour l'Iran.

De grands sujets ont irrigué nos débats : ainsi du financement des nouvelles LGV et des amendements du rapporteur général pour lutter contre la fraude fiscale, appuyés sur l'excellent rapport de la commission des finances.

Reste la suppression de la CVAE. Je le dis d'emblée, nous proposerons à l'Assemblée nationale de rétablir cette suppression, mais nous vous avons entendus sur les modalités de compensation pour les collectivités territoriales et poursuivrons le travail de conviction.

Le filet de sécurité différera peut-être de votre version, mais il ne sera plus le même que celui qui était issu de la première lecture à l'Assemblée nationale, et concernera davantage de communes, comme vous l'avez souhaité.

Notre pays, comme le monde entier, connaît des troubles et des angoisses. Cette capacité à continuer à travailler ensemble, dans l'intérêt de tous, est rassurante. Je vous en remercie. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 16 h 40.

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

La séance reprend à 16 h 50.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Claude Kern.  - Lors du scrutin n°51 portant sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Mme Christine Herzog souhaitait s'abstenir.

Mme le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Limiter l'engrillagement des espaces naturels et protéger la propriété privée (Deuxième lecture)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

La Conférence des Présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du Règlement du Sénat.

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - Ce jour marque une étape importante pour notre biodiversité : par votre vote, vous mettez fin à des années de dégradation de notre belle nature.

Le Gouvernement fait déjà beaucoup pour la biodiversité, avec le fonds vert de 2 milliards d'euros...

Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques.  - Le fameux !

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État.  - ... et 150 millions d'euros au titre de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) : c'est inédit.

L'objectif de protection de 30 % du territoire terrestre et marin est atteint, et 10 % du territoire sera même bientôt en protection forte. Nous défendons ces objectifs à l'international, avec détermination.

Le retrait des grillages, qui ruinent nos paysages naturels, y participe. En 2019, plus de 3 000 kilomètres de grillages avaient été recensés sur le Loiret, le Cher et le Loir-et-Cher.

Cette proposition de loi est un bel exemple de coconstruction : que la politique est belle quand elle nous réunit ainsi pour l'intérêt général... (Sourires à droite)

M. François Bonhomme.  - Quel lyrisme ! (Sourires)

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d'État.  - La proposition de loi émane du Sénat : monsieur Cardoux, vous en êtes à l'initiative, et je salue votre engagement sur ce sujet important pour votre belle Sologne. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Je salue le travail des rapporteurs des deux chambres, MM. Somon et Ramos. Le dialogue a été apaisé et constructif, le choix de la législation en commission (LEC) en témoigne.

Ce texte met fin à l'engrillagement, qui rompt les continuités écologiques. Avec la trame verte et bleue, nous favorisons la libre circulation et le cycle de vie des espèces.

Il met fin à la défiguration de notre paysage. Nos concitoyens attendent que nous restaurions la beauté de nos campagnes, sans laisser quelques-uns s'accaparer nos bois, nos forêts, nos prairies.

Il supprime des obstacles qui entravaient l'action des pompiers - sachant que le risque incendie gagne désormais des régions que nous pensions épargnées.

Certaines clôtures protègent nos routes et nos voies ferrées, d'autres participent de la régénération forestière et protègent les cultures : elles ne sont pas concernées. Ce sont celles développées pour des pratiques purement cynégétiques ou relevant de la protection privée.

L'article 1er prévoit une mise en conformité des clôtures hermétiques, avec une durée de prescription qui passe à trente ans, à l'issue d'une étude de constitutionnalité, pour sécuriser le dispositif juridiquement. J'ai confirmé que les troupeaux et l'agropastoralisme étaient compris dans les exceptions ; une circulaire le précisera pour lever toute ambiguïté.

L'article 5, fruit d'une coconstruction avec l'Assemblée nationale, prévoyait l'interdiction d'agrainage et d'affouragement dans les espaces clos. Le Sénat l'a précisé juridiquement. J'y étais également favorable, pour rétablir la cohérence entre espaces ouverts et espaces clos permettant le passage des animaux.

Le Gouvernement souhaite que le texte soit rapidement soumis à l'Assemblée nationale, pour pouvoir engager rapidement le dialogue avec les acteurs de terrain, propriétaires, élus, fédérations de chasseurs et associations écologiques.

Cette proposition de loi sera un apport significatif en faveur de la biodiversité.

Je porterai au nom du Gouvernement cet enjeu majeur lors de la COP15 biodiversité à Montréal, pour aboutir à des objectifs clairs, ambitieux et surtout quantifiés, associés à des moyens adaptés. C'est en agissant à la fois en France et à l'international que nous sauverons notre biodiversité. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Henri Cabanel et Daniel Salmon applaudissent également.)

M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Cette proposition de loi a été votée en deuxième lecture par notre commission des affaires économiques dans le cadre de la LEC. En première lecture, elle a reçu l'approbation unanime des deux chambres. Ce consensus est le fruit d'une patiente coconstruction. Contre l'emprisonnement de la nature, ce texte a réuni sénateurs et députés, citoyens, associations, chasseurs et non-chasseurs. Il y avait urgence, tant l'engrillagement pose problème pour la sécurité incendie, la libre circulation de la faune et l'attractivité de nos territoires ruraux. Cette réussite est celle de son auteur, Jean-Noël Cardoux. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Ce texte est le fruit de sa grande connaissance de la chasse. Il a su faire des propositions hors de tout esprit partisan, dénonçant l'artificialisation des pratiques de chasse et de sylviculture ainsi que l'enfermement de la nature derrière les grillages.

Son texte adopte une approche globale et équilibrée. Je salue également le rapporteur Richard Ramos à l'Assemblée nationale, qui a su approfondir les dispositions votées par le Sénat et trouver le consensus.

Je veux enfin vous remercier, madame la ministre, de votre disponibilité. J'y associe les services de votre ministère et l'Office français de la biodiversité (OFB) dont l'expertise a été précieuse.

La commission des affaires économiques a visé l'équilibre entre le désengrillagement et le respect du droit de propriété. En première lecture, la commission avait étendu le pouvoir de contrôle des agents de l'OFB afin de faire appliquer le droit de la chasse dans les enclos où elle se pratique ; elle avait aussi étendu celui des agents assermentés des fédérations départementales de chasseurs. Elle a également introduit une sanction pour non-respect des nouvelles règles applicables aux clôtures.

En deuxième lecture, la quasi-totalité du texte de l'Assemblée nationale a été votée conforme ; l'unique amendement adopté par la commission, à l'article 5, porte sur la réglementation de l'affouragement et de l'agrainage, dans un souci de mise en cohérence.

Je forme le voeu que ce texte soit adopté dès début 2023 par l'Assemblée nationale, pour une entrée en application rapide.

Ce texte est le fruit d'un travail commun au service de l'intérêt général. Pour que nos forêts restent des havres de paix, protégeons-les des grillages -  « préférons au fil de fer l'oeuvre de la nature » pour citer Victor Hugo.

« Je ne demande pas autre chose aux forêts / Que de faire silence autour des antres frais / Et de ne pas troubler la chanson des fauvettes. / Je veux entendre aller et venir les navettes / De Pan, noir tisserand que nous entrevoyons / Et qui file, en tordant l'eau, le vent, les rayons / Ce grand réseau, la vie, immense et sombre toile / Où brille et tremble en bas la fleur, en haut l'étoile ». (Sourires, applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mmes Patricia Schillinger et Viviane Artigalas applaudissent également.)

Je terminerai par une note moins célèbre mais plus personnelle : « Voilà cette nature que j'observe/ Vue des chemins autorisés / Chasseur d'images ou de gibier / Tous s'engagent à la protéger / Respect du gibier et de la propriété privée / Il était urgent d'y contribuer / À nous de légiférer. » (Sourires, applaudissements et bravos)

Mme Cécile Cukierman .  - Rassurez-vous, je ne m'exprimerai pas en vers, mais en prose. (Sourires)

Ce texte visant à garantir la libre circulation des animaux sauvages est bienvenu. Le phénomène d'engrillagement n'est plus circonscrit à la Sologne et concerne de plus en plus de territoires ; le président de la Fédération nationale des chasseurs redoute que l'on finisse par avoir des cages partout en France. Outre les continuités écologiques, la sécurité incendie et sanitaire est compromise ; la promenade, interdite ; le tourisme rural, freiné.

Cette logique de privatisation de nos espaces forestiers exacerbe les conflits d'usage. Le rapport d'information évoque une déviance du droit des enclos qui crée des zones de non-droit où la gestion cynégétique est aberrante : des miradors et des postes de tir mettraient même en danger les usagers des voies publiques.

Ce texte met fin à une pratique réservée à une élite, qui pouvait s'apparenter au carnage. Tel n'est pas le sens de la chasse, n'en déplaise à certains.

Outre les risques sanitaires, ces barrières interrogent sur l'égalité d'application du droit de la chasse, sur l'éthique et sur certaines pratiques. La chasse en enclos contrevient au principe même d'une chasse populaire, acquis de la Révolution française.

En étendant le droit commun de la chasse à l'ensemble des territoires sur lesquels elle est pratiquée et en renforçant l'accès aux enclos cynégétiques à des fins de contrôle, ce texte constitue une avancée significative, même si nous pouvons regretter qu'il n'interdise pas la chasse en enclos à caractère commercial. Au moins les gardes de l'OFB pourront-ils aller voir ce qu'il s'y passe sans devoir en passer par le juge des libertés et de la détention (JLD).

La violation de propriété ne sera sanctionnée que lorsque le caractère privé du lieu sera clairement identifié par la signalétique.

Ce texte est l'un des moyens d'apaiser le débat autour de la chasse, de faciliter cette pratique sans en accompagner les excès. Il va dans le bon sens et le groupe CRCE le votera. (Applaudissements au banc des commissions)

M. Jean-Paul Prince .  - Je remercie notre collègue Cardoux, qui a inscrit ce sujet clé à l'ordre du jour de notre chambre. Le Sénat reste la caisse de résonance des enjeux territoriaux.

Ce texte témoigne aussi du travail minutieux de notre rapporteur, Laurent Somon, qui l'a rendu plus complet juridiquement et a su convaincre les députés. Je salue également l'implication de Richard Ramos, qui a corrigé certaines malfaçons.

L'engrillagement des espaces naturels est un phénomène ancien, mais qui s'accentue et contamine une part croissante de notre territoire. La Sologne en est l'exemple le plus caractéristique : on y compte près de 4 000 km de grillages - plus que de routes départementales dans mon département du Loir-et-Cher !

C'est un symbole de l'évolution de la ruralité, mais aussi du développement d'une forme d'égoïsme dans notre société, qui se traduit par une défense excessive du droit de propriété, une perte de la culture rurale et cynégétique, ainsi qu'une atteinte à la biodiversité.

Cette proposition de loi pose des règles afin d'améliorer la sécurité incendie, protéger la sécurité sanitaire, soutenir le tourisme rural et préserver la faune et la flore.

L'interdiction des clôtures qui empêchent le passage de la faune est au coeur du texte, qui redonne de l'air à nos ruralités. Le renforcement du volet pénal contre les intrusions est essentiel à l'équilibre du texte.

Enfin, l'obligation de mise en conformité des clôtures de moins de trente ans permettra de contourner l'engrillagement rapide précédant l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.

La prise en compte du caractère historique et patrimonial des clôtures est aussi à relever.

En revanche, l'interdiction de l'agrainage et de l'affouragement en enclos, décidée par l'Assemblée nationale, est aussi rigide que dogmatique. Les récents apports de la commission des affaires économiques me semblent cependant aller dans le bon sens.

Bien que je sois réservé sur cette dernière disposition, je voterai, avec la majorité du groupe UC, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; M. Jean-Noël Cardoux applaudit également.)

M. Jean Louis Masson .  - Cette proposition de loi est un excellent texte : nous ne pouvions pas laisser perdurer l'engrillagement et la privatisation de la France. Nous assistons à un accaparement de l'espace public et des forêts. La navette parlementaire a apporté de substantielles améliorations. Je me réjouis du maintien des enclos anciens, dont certains ont une dimension historique.

Ce travail en commun entre les deux assemblées a été fructueux. Les chiffres en Sologne sont effarants. Il fallait réagir. Nous le faisons de manière mesurée, en laissant des délais de mise en conformité et en préservant les enclos à caractère historique. Ces dérogations sont d'autant plus admissibles que les enclos en question ne sont pas si nombreux.

Je voterai cette proposition de loi.

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Ce texte revient devant notre assemblée, modifié par les députés dans le sens de l'élargissement.

Il a pour objectif de mettre fin à l'extension de l'engrillagement - 3 à 4 000 kilomètres linéaires de clôture actuellement - qui empêche la circulation et le brassage génétique de la faune sauvage, et ce faisant une gestion équilibrée de la biodiversité.

Il donne une image déplorable de la chasse, avec des animaux engraissés toute l'année et tués sur des propriétés privées.

L'article L. 424-3 du code de l'environnement distingue deux situations de chasse en propriété privée : l'enclos cynégétique à caractère de propriété privée, avec droit d'agrainage et d'affouragement et droit de chasse dérogatoire, sorte de privilège de chasse, et les enclos de chasse à caractère professionnel ou commercial.

Ce texte interdit ce privilège de chasse. Les clôtures devront permettre la libre circulation des animaux sauvages, être constituées de matériaux naturels ou traditionnels, selon la définition prévue par le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), ne pas être enterrées et ne pas mesurer plus de 1,20 mètre de hauteur.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale ait étendu l'application territoriale de cette règle. Les clôtures autorisées sont celles autour de parcelles agricoles pour préserver les récoltes, celles pour protéger la régénération forestière ou les clôtures d'intérêt public.

La mise en conformité des clôtures existantes devra se faire avant le 1er janvier 2027, à l'initiative de l'Assemblée nationale ; je m'en réjouis. Des exceptions ont été également ajoutées par les députés, comme les clôtures érigées dans un cadre scientifique, les domaines nationaux ou les clôtures réalisées avant la publication de la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux.

Autre avancée, l'extension de l'obligation de mise en conformité aux normes environnementales pour les clôtures datant de moins de 30 ans. Ne pas mettre en conformité la clôture sera désormais puni de trois ans de prison et 150 000 euros d'amende. L'article 1er sexies prévoit un contrôle par les agents des fédérations de chasse.

À l'article 2, les députés ont réduit à la 4e classe la contravention de 5e classe prévue par le Sénat pour les intrusions dans les propriétés protégées par des enclos.

Le RDSE votera ce texte qui répond en grande partie aux attentes que j'avais exprimées à cette tribune lors de l'examen en première lecture. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Alain Marc applaudissent également.)

M. Jean-Noël Cardoux .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Nous sommes presque à la fin du chemin. Le premier axe qui a guidé ma réflexion est le respect de la biodiversité en permettant la libre circulation de la faune sauvage. Le deuxième est le respect du droit de propriété. Le troisième est le retour à une chasse naturelle où l'éthique passe avant la performance. La chasse ne se résume pas au tir.

Ce n'est pas un hasard si on m'a traité à la fois de bolchevique et de défenseur du grand capital : c'est signe que ma position est équilibrée... (Sourires)

Tout le monde gesticulait, communiquait, affichait. Le Sénat a réfléchi, étudié et travaillé.

Grâce à un travail commun avec l'Assemblée nationale et le Gouvernement, nous touchons au but. Madame la ministre, nous nous sommes découverts ; vous avez pris la suite de Mme Abba dans un esprit constructif. Je vous en remercie.

Les textes adoptés à l'unanimité par le Sénat et l'Assemblée nationale ne sont pas si fréquents. Une quatrième unanimité aujourd'hui montrerait le chemin à l'Assemblée nationale pour l'article 5...

Les améliorations mentionnées par certains orateurs ont toutes été négociées avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, Richard Ramos, qui a accepté de demander l'inscription de ce texte dans la niche de son groupe. Lui et moi pouvons en être fiers.

L'article 5 introduisait des discriminations entre certains territoires. Il reste du travail en aval, beaucoup de décrets d'application à prendre, notamment sur l'affouragement et l'agrainage. Espérons que cet article sera voté très vite par l'Assemblée nationale.

Je réitère mes remerciements à Richard Ramos, à Laurent Somon, notre rapporteur poète, qui représente un département où la chasse se pratique assidûment, et tous ceux qui ont contribué à la rédaction de ce texte. Ce fut un travail d'équipe intense, qui fait un seul vainqueur : la biodiversité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, sur quelques travées du RDSE et au banc des commissions)

M. Franck Menonville .  - Je salue une nouvelle fois l'initiative de notre collègue Jean-Noël Cardoux, à qui nous devons ce travail intense et consensuel.

Ce texte est largement soutenu par les associations, dont la fédération nationale des chasseurs. C'est un texte important et courageux, fruit d'un travail constructif et transpartisan. Nos efforts ont été couronnés de succès avec l'unanimité.

Nous nous sommes mis d'accord sur des mesures justes et équilibrées pour lutter contre l'engrillagement, pratique néfaste en extension en Sologne.

Maurice Genevoix, dont la voix résonne aussi dans mon département, a décrit la Sologne, ses toits de chaume et la fulgurance des odeurs dans Raboliot.

En votant ce texte, nous nous inscrivons dans une démarche éthique et respectueuse de nos traditions ancestrales.

L'Assemblée nationale a introduit des modifications notables. La rétroactivité pour mettre en conformité les clôtures, à l'année 1992 : la date butoir est fixée au 1er janvier 2027, ce qui sécurise le texte. Elle a aussi interdit l'agrainage et l'affouragement des enclos. Cet article 5 est source d'iniquité entre les territoires ouverts et ceux qui le seront avec la nouvelle loi : cela a été corrigé par un amendement du rapporteur, qui aménage des exceptions. Ces évolutions vont dans le bon sens et témoignent d'un débat serein, qui fait honneur au Parlement.

La liberté de circuler est garantie, de même que la préservation de la biodiversité et le respect de la propriété privée. C'est une proposition de loi équilibrée. Le texte sanctuarise le respect de la propriété privée en cas d'intrusion illégale, même si l'Assemblée nationale a réduit la contravention de la 5e à la 4e classe.

La forêt et le foncier agricole ne sont pas des biens communs, mais détenus par des propriétaires. Ils sont le fruit de l'engagement et du travail des hommes. La proposition de loi répond aussi aux pratiques abusives de l'engrillagement : l'absence de brassage entre les espèces engendre de la consanguinité et plus de maladies.

La prolifération des clôtures crée enfin des risques au regard de la sécurité incendie, puisque les pompiers ne peuvent plus accéder à certaines parcelles.

Le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Daniel Salmon .  - Nous avons toutes et tous unanimement souligné que l'engrillagement est un fléau pour nos territoires ruraux et pour la faune, tant il entraîne des difficultés pour le déplacement des animaux et crée une surpopulation artificielle de gibier, avec son cortège de problèmes.

Je me réjouis du travail constructif entourant cette proposition de loi, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. En première lecture, j'avais proposé, sans succès, de réduire le délai de sept à cinq ans pour la mise en conformité. Finalement, un délai de quatre ans a été retenu : il garantira une application rapide.

Toutefois, je regrette que les enclos antérieurs à 1992 ne soient pas concernés.

Je salue l'interdiction de l'affouragement et de l'agrainage dans certains enclos ; j'aurais préféré une interdiction générale. Madame la ministre, les décrets devront l'encadrer strictement, car le nourrissage participe de la prolifération de grand gibier, justifiant leur chasse. Comment les contrôles seront-ils menés ?

L'article 2 crée une contravention de 4e classe, mais les chasseurs pourront toujours passer par les propriétés privées pour récupérer leurs chiens de chasse. C'est source de conflits. Il faut éviter le deux poids deux mesures, un éclaircissement est nécessaire.

N'esquivons pas le débat de la chasse commerciale : 1 300 parcs et enclos détiennent de 50 000 à 100 000 enclos. La question éthique se pose : 500 euros pour tirer sur un mouflon, 300 euros pour un sanglier. Ces safaris non régulés ne sont plus d'actualité.

Toutefois, les progrès du texte sont indéniables : le GEST le votera.

Lorsque des jours sans chasse auront été dictés nationalement, nous aurons beaucoup progressé !

Mme Sophie Primas.  - Nous avons le droit de ne pas être d'accord...

Mme Patricia Schillinger .  - Dès le début de l'examen du texte, nous avions été nombreux à souligner le danger de l'engrillagement pour ses problèmes environnementaux. Cette pratique nuit à la reproduction des espèces ou, à l'inverse, conduit à une surconcentration d'espèces, avec les risques sanitaires associés.

La France a connu une vague de chaleur, qui s'est traduite par des incendies de forêt de grande ampleur. Cela légitime encore l'interdiction de l'engrillagement, car les clôtures ralentissent la progression des forces de secours.

Le groupe RDPI salue l'esprit de coconstruction qui concilie les différents intérêts, auparavant inconciliables. Je salue le travail du Gouvernement, en coordination avec Jean-Noël Cardoux et les rapporteurs Laurent Somon, François Cormier-Bouligeon, et Richard Ramos.

Deux débats ont prévalu. Nous avons obtenu un consensus pour que les clôtures construites après 1992 soient visées par la mise en conformité. Cela permet de ne pas remettre fondamentalement en cause le droit de propriété. Le rapporteur Laurent Somon a confirmé l'interdiction de l'affouragement et de l'agrainage, tout en autorisant des exceptions qui seront précisées par décret. Hormis ce point, le Sénat a approuvé les modifications apportées par l'Assemblée nationale.

Les sénateurs RDPI voteront ce texte, favorable à la protection de la biodiversité. L'auteur et le rapporteur voulaient redonner du sens à la forêt et permettre de traverser sans problème ces espaces sauvages. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Christian Redon-Sarrazy .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous examinons ce texte selon la procédure de la législation en commission. Ce texte, devenu transpartisan, a été adopté à l'unanimité en commission puis en première lecture. L'Assemblée nationale a fait de même, en y apportant quelques modifications qui ne remettent pas en cause l'esprit général du texte.

Cette proposition de loi a émergé en raison de la prolifération de l'engrillagement, singulièrement en Sologne. Or la faune sauvage doit pouvoir circuler librement. De plus en plus de propriétaires installent des enclos, qui nuisent à la continuité écologique, dégradent le couvert végétal et ne respectent pas les usages locaux. Dans un rapport d'août 2019, le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) estiment que ces enclos sont un non-sens cynégétique et échappent au contrôle de l'État. Il s'agit bien d'un accaparement heurtant les usagers et les élus, sans contrôle des agents de l'Office français de la biodiversité (OFB) ni plan de chasse. Ces zones de non-droit privatisent notre patrimoine commun. Les seuls plans locaux d'urbanisme (PLU et PLUi) ne permettaient pas aux maires de lutter contre ce phénomène.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a précisé l'article 1er : son champ d'application est désormais élargi à toutes les zones naturelles et forestières. Le délai de mise en conformité passera à cinq ans, pour les clôtures installées moins de trente ans avant l'application de la loi.

Mais qui appréciera la portée de la clôture ? Les élus ? L'administration ? Il reste un flou juridique.

L'article 5 modifie le code de l'environnement en interdisant l'affouragement et l'agrainage dans tous les espaces clos. Seule l'exception à visée scientifique a été retenue par les députés. Le rapporteur l'a redéfinie.

L'Assemblée nationale a ajouté d'autres exceptions - neuf au total : les clôtures de parc d'entraînement des chiens de chasse et celles nécessaires à la régénération forestière sont source d'interrogations sur le contrôle. Comment éviter les abus ? Combien de temps ces exceptions sont-elles autorisées ?

Hormis ces quelques réserves, le groupe SER votera ce texte. Mais il reste quelques dispositions qui doivent être éclaircies. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions)

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.

Déroulement des élections sénatoriales (Procédure accélérée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales.

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Marseille applaudit également.) La proposition de loi déposée par le président François-Noël Buffet vise un objectif clair : remédier aux difficultés constatées lors des élections sénatoriales de 2020.

La loi de 2019 a étendu l'ensemble des règles de propagande électorale aux élections sénatoriales. Les élections du 27 septembre 2020 ont été le premier scrutin concerné. Deux difficultés ont émergé, sur la communication des résultats et la propagande électorale.

En effet, le code électoral interdit toute propagande la veille et le jour du scrutin et la communication de tout résultat avant la fermeture du dernier bureau de vote en métropole.

Or lors des élections sénatoriales, deux tours de scrutin peuvent avoir lieu le même jour de scrutin, dans les 52 départements concernés par le scrutin majoritaire. Le premier tour est alors ouvert de 8 h 30 à 11 h et le second de 15 h 30 à 17 h 30. Les candidats qualifiés pour le second tour se sont vus interdits de faire campagne pour le second tour.

L'embargo sur les résultats, imposé jusqu'à 17 h 30, est apparu incompatible avec le fait de communiquer les résultats du premier tour avant l'ouverture du second.

Même si l'élection était acquise dès le premier tour, les résultats ne pouvaient pas être communiqués... Or des fuites sur les résultats ont eu lieu avant 17 h 30, sur des sites internet, dans la presse locale ou sur les réseaux sociaux.

La commission des lois juge donc bienvenus les aménagements ponctuels auxquels procède cette proposition de loi en matière de propagande électorale et de communication des résultats.

D'une part, la dérogation à l'article L. 49 du code électoral sur la propagande dans l'entre-deux-tours est de bon sens : les candidats qualifiés pour le second tour pourront à nouveau mener campagne. Cette dérogation ne remet en cause ni l'interdiction de toute propagande électorale le matin du jour du scrutin ni l'interdiction d'introduire tardivement des éléments nouveaux de polémique électorale.

D'autre part, il doit être possible de communiquer les résultats des élections au fil de l'eau, comme avant 2020.

Enfin, la commission a souhaité clarifier le statut des dépenses électorales engagées dans l'entre-deux-tours, en garantissant leur éligibilité au remboursement. Il reviendra à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de s'assurer que ces dépenses revêtent bien un caractère électoral.

Ainsi, ce texte garantit le bon déroulement des élections sénatoriales de septembre prochain, qui verront le renouvellement des 170 sénateurs de la série 1. Nous souhaitons qu'il soit adopté à temps pour s'appliquer à ce scrutin. La commission des lois recommande l'adoption de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - J'attache une grande importance à la qualité de nos relations au service des collectivités territoriales et à la discussion entre nous pour dégager des consensus.

Cette proposition de loi nous en offre une bonne occasion. Sur un sujet sensible, touchant à la mécanique de notre démocratie, elle corrige l'inadéquation de certaines modifications introduites par la loi de 2019 aux particularités du scrutin sénatorial, notamment lorsque deux tours se tiennent le même jour. Le Gouvernement y est favorable.

Le texte autorise d'abord les candidats qualifiés à mener campagne entre les deux tours. Il s'agit d'une mesure de bon sens qui corrige des ambiguïtés et difficultés apparues en 2020. La communication des résultats avait été longuement repoussée, malgré des fuites dans les médias. Par ailleurs, l'impossibilité de faire campagne insécurisait le résultat des élections, comme le montre la jurisprudence récente.

Nous n'avons aucune réserve sur la levée de l'interdiction de communiquer les résultats, qui ne crée pas de précédent pour d'autres scrutins. En revanche, lever l'interdiction prévue à l'article L. 49 du code électoral ne doit pas conduire à politiser à l'excès l'entre-deux-tours : c'est pourquoi nous proposons de reconduire les consignes antérieures de mesure et de retenue au niveau infraréglementaire.

Cette proposition de loi va dans le sens de l'intérêt général de notre démocratie et de la prise en compte des particularités de la chambre des territoires. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

M. Hervé Marseille .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) En matière électorale, notre Haute Assemblée présente quelques spécificités. Ainsi, deux modes de scrutin coexistent, même si les départements où le scrutin majoritaire s'applique sont de moins en moins nombreux.

Rappelons que, jusqu'en 2014, les élections sénatoriales n'étaient pas soumises aux règles relatives aux comptes de campagnes : depuis, nous sommes rentrés dans le droit commun. En matière de propagande électorale, la loi du 2 décembre 2019 rend applicables aux élections sénatoriales les règles de droit commun. Les particularités de ce scrutin se raréfient, mais certaines subsistent.

Notre rapporteur a rappelé que la loi de 2019, fruit d'une initiative de notre collègue Alain Richard, présentait certaines difficultés d'application dans les départements soumis au scrutin majoritaire. Grâce à cette proposition de loi du président Buffet, les candidats qualifiés pour le second tour pourront mener campagne, et l'embargo sur la publication des résultats sera levé. Souvenons-nous de la séquence lunaire de septembre 2020 : presque tout le monde connaissait les résultats, mais, au Sénat, rien ne pouvait être annoncé - vaste hypocrisie !

Je salue cette initiative et la qualité du travail mené par la commission sous l'égide de M. Le Rudulier.

Le texte ajoute une précision sur l'éligibilité au remboursement des dépenses engagées entre les deux tours. Il s'agit des traditionnels déjeuners républicains. Madame la ministre, n'exagérons rien : au Sénat, on ne fait pas de politique, surtout entre les deux tours... (Sourires)

Le groupe UC votera la proposition de loi et attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité de l'inscrire au plus vite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements)

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP) Il est utile à la démocratie de corriger ou d'adapter les règles électorales lorsqu'apparaissent des difficultés. Certes, les ajustements techniques ne suffiront pas à redynamiser la culture citoyenne, mais ils sont indispensables.

La loi du 2 décembre 2019, issue d'une initiative de notre collègue Alain Richard, a comblé de manière bienvenue des lacunes dans l'organisation des élections sénatoriales. Toutefois, certaines limites sont apparues lors des élections de 2020 - même si je n'étais pas directement concernée.

Ainsi, la diffusion de tracts et la publicité ont été interdites entre les deux tours, et un embargo sur les résultats a été observé jusqu'à 17 h 30, contradictoire avec la nécessité de communiquer les résultats du premier tour dès la fin de la matinée.

Nous sommes donc favorables aux corrections opérées.

La commission des lois a complété le dispositif par une mesure sur le financement de la campagne, rendant éligibles au remboursement les dépenses engagées entre les deux tours du scrutin.

La singularité du scrutin sénatorial fonde l'essence de notre chambre, moins exposée aux fluctuations politiques. Si nos désaccords peuvent être profonds, nous travaillons avec sérieux et rigueur au service de l'intérêt général.

Permettez-moi de citer, pour conclure, un rapport d'Antonin Lefèvre-Pontalis sur le texte qui allait devenir la loi de 1875 instituant le Sénat : « Une nation est livrée à toutes les surprises et à toutes les aventures, quand les volontés de la majorité numérique des citoyens peuvent faire la loi [...]. Il ne faut pas que, si le suffrage universel est tenté de sacrifier les intérêts de la stabilité et de la conservation nécessaires à l'existence d'une société, il puisse faire tout ce qu'il veut. [...] Telle est dans une société démocratique comme la nôtre l'importance ; il y a plus, telle est la nécessité d'un Sénat. » (Applaudissements)

Mme Agnès Canayer .  - La proposition de loi du président Buffet adapte le code électoral aux spécificités des élections sénatoriales.

Le bicaméralisme est au coeur de l'équilibre des pouvoirs de la Ve République. Il est lié aux particularités du mode de scrutin sénatorial, dont le principe du renouvellement partiel, gage de continuité de nos institutions.

Or certaines dispositions du code électoral sont peu adaptées aux 52 circonscriptions dans lesquelles l'élection des sénateurs procède du scrutin majoritaire : l'interdiction de faire campagne le jour de l'élection et l'embargo sur l'annonce des résultats.

Cette situation est révélatrice de la complexification du code électoral. En 2010 déjà, notre commission des lois avait regretté la sédimentation des textes et une perte de cohérence. Le travail de recodification entrepris en 2007 est resté inabouti.

Cette proposition de loi tend à garantir la bonne tenue des prochaines élections sénatoriales, en prévoyant la communication progressive des résultats et la levée de l'interdiction absurde de mener campagne entre les deux tours. L'ajout par le rapporteur de l'interdiction d'introduire entre les deux tours de nouveaux éléments de polémique est bienvenu. Enfin, la prise en compte des dépenses engagées entre les deux tours sécurise le scrutin.

Si les élus municipaux ont un savoir-faire en matière de tenue des élections sénatoriales, il n'en est pas toujours de même des services de l'État, qui font régulièrement montre d'insuffisance organisationnelle. Madame la ministre, n'hésitez pas à transmettre aux préfectures concernées par le prochain scrutin un guide électoral simple et empreint de bon sens.

Le groupe Les Républicains votera la proposition de loi. (Applaudissements)

M. Alain Marc .  - Alors que les prochaines élections sénatoriales approchent, nous nous penchons cet après-midi sur ce scrutin trop méconnu de nos concitoyens, mais aussi des pouvoirs publics eux-mêmes.

Fait singulier, le Sénat est élu selon deux modes de scrutin, majoritaire et proportionnel, ce qui s'explique par la diversité des territoires : les Hauts-de-Seine, monsieur Marseille, ont peu en commun avec l'Aveyron... En outre, c'est la seule élection lors de laquelle un premier et un second tours se tiennent dans la même journée.

S'il faut saluer le travail d'Alain Richard dont est issue la loi de 2019, des difficultés sont apparues lors du scrutin de 2020. Ainsi, un déjeuner avec des élus a été assimilé par le Conseil constitutionnel à une réunion électorale. Il faut sécuriser cette situation, alors que faire campagne entre les deux tours n'était pas interdit avant 2019. Cette proposition de loi y pourvoit.

Ensuite, la loi de 2019 impose d'attendre la fermeture de l'ensemble des bureaux de vote métropolitains avant toute communication de résultats. Or, en 2020, les fuites dans les réseaux sociaux et la presse étaient nombreuses. La proposition de loi prévoit en la matière le retour à la situation antérieure, ce qui emporte l'assentiment général.

Il revient au Gouvernement d'inscrire ce texte au plus vite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Ce débat est aussi l'occasion d'une réflexion plus profonde : Alain Richard a, maintes fois, attiré l'attention sur le caractère de moins en moins praticable du code électoral. Une refonte est nécessaire, qui améliorera sa lisibilité et diminuera le nombre de contentieux. (Applaudissements)

M. Guy Benarroche .  - Je salue le brio des orateurs qui m'ont précédé, et plus encore celui de ceux qui me suivent. (Sourires) Notre dream team fera avancer profondément la démocratie, dans l'art de la paraphrase... (L'amusement redouble.)

Vous connaissez la position du GEST sur l'importance des temps démocratiques. Les élections sénatoriales, qui nous ont amenés ici, s'organisent selon deux modes d'élection différents. Ainsi, le scrutin à deux tours se déroule sur une journée, pour les départements désignant un ou deux sénateurs ; le premier tour est généralement clos vers 11 heures, le second dans l'après-midi. Dans les autres départements, le scrutin est proportionnel.

L'interdiction de l'utilisation du matériel de campagne entre les deux tours sera désormais levée, ce qui sécurisera le scrutin. Les dépenses d'entre-deux-tours seront éligibles au remboursement, mais elles ne sauraient se limiter à des agapes... (Sourires)

Ensuite, l'interdiction de communication des résultats avant la fermeture du dernier bureau de vote est contraire au bon sens. Le texte autorise donc la publication au fur et à mesure de la proclamation des résultats dans les départements.

Cette proposition de loi consolide notre démocratie. Le GEST la votera. (Applaudissements)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - En mars 2019, sur la proposition d'Alain Richard, le Sénat a adopté une proposition de loi clarifiant certaines dispositions du code électoral. Celui-ci avait été rendu incohérent à force de sédimentation. La loi promulguée en décembre 2019 laissait néanmoins subsister deux difficultés, relevées par notre président Buffet.

L'application aux élections sénatoriales des règles relatives à la propagande électorale et à la communication des résultats a montré ses limites, notamment dans les départements qui élisent leurs sénateurs au scrutin majoritaire, où les deux tours se déroulent le même jour. Ainsi, les qualifiés pour le second tour ne peuvent mener campagne entre les deux tours, car l'article L. 49 du code électoral interdit toute campagne la veille et le jour de l'élection. Or les déjeuners de grands électeurs ont été considérés comme des réunions électorales par le Conseil constitutionnel.

Ce texte permettra donc aux candidats de faire campagne entre les deux tours. En outre, il prévoit le remboursement possible des dépenses engagées. Il supprime également l'embargo sur les résultats applicable jusqu'à la fermeture du dernier bureau de vote en métropole.

L'application du texte dans les cinq collectivités territoriales relevant de l'article 74 de la Constitution est bienvenue. Un cadre clair est ainsi fixé.

Le RDPI votera ce texte, mais je rappelle les propos d'Alain Richard sur la liberté d'expression des candidats, sous le contrôle du juge. Il faut être prudent en la matière. Entre les deux tours, toutes les dépenses engagées au profit d'un candidat sont considérées comme des dépenses de campagne, qu'elles soient engagées ou non par le candidat lui-même.

Parfois critiqué, le Sénat a un rôle de stabilisateur et de contre-pouvoir. C'est un des grands lieux de notre République. Donnons les moyens aux candidats de faire campagne avec humilité, responsabilité et dans le respect des valeurs républicaines, partagées dans cet hémicycle. (Applaudissements)

M. Éric Kerrouche .  - - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Un sénateur, c'est un député qui s'obstine », disait Robert de Jouvenel. Le président Buffet le montre : il est possible sans s'obstiner, de corriger les défauts de nos textes.

Ce texte, utile, est purement technique. La loi de décembre 2019 visait à clarifier les articles 49 et 52-2 du code électoral ; elle était de bon aloi. En effet, comment comprendre que l'on puisse tenir une réunion électorale le samedi, mais sans tracts, circulaires, ni communications électroniques ? Il était aussi légitime de clarifier et de normaliser les règles.

En effet, l'application de la loi aux sénatoriales s'était faite par voie d'amendement, sans qu'il soit possible d'en mesurer les effets. Or, comme pour les élections municipales, nous avons deux modes de scrutin : l'un à la proportionnelle, l'autre au scrutin uninominal majoritaire. Dans ce dernier cas, la loi est dysfonctionnelle, et il ne s'agit pas d'une difficulté purement théorique : la décision du Conseil constitutionnel du 26 février 2021 laissait planer la possibilité d'annulations d'élections.

Il convenait donc, dans la perspective des élections sénatoriales de septembre 2023, de pallier ces difficultés. D'abord avec un ajustement apporté par le rapporteur, qui adapte les règles de propagande et de financement de la campagne aux circonscriptions soumises au scrutin majoritaire. Quant à la communication des résultats, on a du mal à comprendre qu'il faille attendre 17 h 30 pour diffuser au niveau national des résultats proclamés localement dès l'issue du décompte.

Nous comptons sur le Gouvernement pour que ce texte entre en vigueur avant les prochaines élections sénatoriales.

Peut-être faudrait-il légiférer plus souvent ainsi, pour corriger les effets pervers de nos lois. (Applaudissements)

Mme Cécile Cukierman .  - Ce texte ne vise pas à repenser l'organisation des élections sénatoriales ou à remettre en cause la pertinence de l'existence simultanée de deux types de scrutins pour une même élection.

Il ne s'agit pas d'un texte révolutionnaire : il a simplement vocation à améliorer le déroulement des élections sénatoriales dans les départements où le scrutin est uninominal.

La réforme de décembre 2019 a procédé à une louable harmonisation, mais en oubliant les spécificités sénatoriales. Ainsi, alors que les deux tours se déroulent le même jour, les candidats ne sont pas autorisés à faire campagne dans l'entre-deux... La jurisprudence récente du Conseil constitutionnel a montré l'insécurité née de ce dispositif.

Or faire campagne, par la tenue de réunions électorales entre les deux tours, est nécessaire. Cela contribue à la richesse de notre vie démocratique. L'entre-deux tours est un moment charnière : à chacun des candidats de faire vivre ce temps politique comme il l'entend. Cependant, il faudra mieux formaliser les campagnes sénatoriales, pour sécuriser les candidats.

Nous approuvons également le remboursement des dépenses de campagne entre les deux tours ; c'est une question d'égalité.

La suppression de l'interdiction de proclamation des résultats avant 17 h 30 va aussi dans le bon sens, alors que la presse locale les diffuse dès qu'ils sont connus.

Toute dérogation au code électoral doit cependant se faire avec parcimonie, car ce code garantit la sincérité du scrutin et, partant, la confiance entre électeurs et élus.

Le groupe CRCE votera ce texte. Je souhaite bon courage aux dix-huit départements qui seront concernés par ce mode de scrutin l'an prochain... (Applaudissements)

La proposition de loi est adoptée.

La séance, suspendue à 18 h 45, reprend à 21 heures.

Conseil européen des 15 et 16 décembre 2022

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 15 et 16 décembre 2022.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Fidèles à nos traditions, nous nous retrouvons pour échanger sur les principaux sujets qui seront traités lors du prochain Conseil européen.

La guerre en Ukraine demeure le sujet le plus brûlant, avec la crise énergétique et la situation économique. Je l'ai dit ici le 17 novembre, lors du débat sur le prélèvement sur recettes au profit de l'UE, et votre commission a entendu le même jour M. Joly sur le cadre financier pluriannuel au défi de la guerre.

La situation est mouvante, et les positions sont encore susceptibles d'évoluer. La Russie poursuit sa stratégie de frappes brutales contre les infrastructures civiles et énergétiques, pour affaiblir l'Ukraine par le froid et la faim. Nous devons soutenir les Ukrainiens pour qu'ils passent l'hiver. C'est pourquoi le Président de la République et le président Zelensky organisent une conférence sur la résilience de l'Ukraine le 13 décembre à Paris, afin de répondre aux besoins de court terme.

Afin de structurer notre aide financière à l'Ukraine à long terme, la Commission européenne propose un prêt de 18 milliards d'euros en 2023. Nous espérons parvenir à un accord avec nos partenaires avant la fin de l'année, afin que les premiers versements aient lieu dès janvier. Il y va de la crédibilité de l'Union.

La situation énergétique est préoccupante. Je salue les travaux du Sénat, dont la table ronde de haute tenue organisée le 16 novembre sur les chocs économiques actuels.

Nous devons tout faire pour réduire notre dépendance à l'égard de la Russie et des énergies fossiles. La Commission européenne a fait trois propositions, pour agir partiellement sur le prix du gaz, pour mettre en place une plateforme d'achats conjoints de gaz et pour renforcer notre solidarité énergétique. Saluons l'accord politique trouvé lors du conseil énergie extraordinaire du 24 novembre.

L'ensemble de ces mesures ne répond toutefois pas à l'urgence. La proposition du 22 novembre sur un mécanisme correctif sur le marché du gaz propose certes un plafonnement, mais dans des conditions trop restrictives. Il faut gagner en pertinence et en crédibilité, pour envoyer un signal fort au marché. Nous devons aller plus loin, pour faire baisser les prix à court et moyen termes par une réforme du marché de l'électricité.

Il nous faut également apporter des réponses budgétaires coordonnées contre l'inflation, tout en préservant la croissance. Nous attendons les propositions de la Commission européenne sur les mécanismes européens de solidarité financière.

J'en viens aux enjeux de sécurité et de défense. Le renforcement de l'industrie de défense européenne est une priorité, dans la continuité des engagements du sommet de Versailles. Lundi dernier, la Commission européenne a annoncé le déblocage de 1,2 milliard d'euros du Fonds européen de la défense (FED), doté de 7,9 milliards d'euros sur la période 2021-2027, pour fournir des capacités de pointe à nos forces armées.

Il faut désormais avancer sur le règlement créant un instrument d'urgence pour faciliter l'acquisition conjointe de matériel militaire, ainsi que sur la construction d'un instrument pérenne pour structurer la demande et donner de la visibilité à nos industriels.

Nous devons aussi réduire nos dépendances aux technologies et chaînes d'approvisionnement extra-européennes.

La résilience et la cybersécurité des entités critiques européennes seront aussi à l'ordre du jour, car le numérique est une des clés de notre souveraineté. La coopération doit être plus que jamais un levier de notre stratégie en matière de cybersécurité et de résilience.

Ce Conseil européen sera l'occasion d'assurer la soutenabilité de la facilité européenne de paix (FEP), mobilisée massivement à des fins nouvelles pour soutenir l'Ukraine. Nous saluons la capacité d'adaptation de l'Union, qui, grâce à la FEP, est devenue un acteur majeur du conflit, avec 3 milliards d'euros engagés. Le Conseil européen doit acter le réabondement de l'instrument, pour assurer sa pérennité.

Nous aborderons également les relations avec le voisinage Sud de l'Union européenne, en préparation du sommet prévu au second semestre 2023. Ces discussions sont essentielles pour lutter contre le narratif russe dans la région et y soutenir la prospérité et la stabilité. Le 24 novembre dernier, à Barcelone, les pays de l'Union et du voisinage Sud ont échangé sur les pistes de coopération pour répondre aux défis de la sécurité alimentaire et de l'énergie, alors que nous devons diversifier nos approvisionnements. Nous maintenons la dynamique en faveur d'une politique méditerranéenne ambitieuse et positive.

Le Conseil européen sera précédé par un sommet entre l'Union européenne et l'Asean (Association des nations de l'Asie du Sud-Est), le premier au niveau des chefs d'État et de gouvernement. Il s'agit de poursuivre l'engagement européen dans l'Indo-Pacifique et de mettre en oeuvre le partenariat stratégique UE-Asean, notamment dans le cadre de l'initiative européenne Global Gateways.

Le Conseil européen reviendra sur nos relations avec les États-Unis, dans un contexte marqué par l'adoption de l'Inflation Reduction Act. Le Président de la République revient des États-Unis, où il a porté un message clair sur les enjeux énergétiques et commerciaux. La troisième réunion du conseil commerce et technologie UE-États-Unis a permis à l'Union européenne d'approfondir ces messages.

Les mesures prises dans le cadre de l'Inflation Reduction Act sont contraires à l'esprit de coopération transatlantique, et nous devons identifier des solutions qui préservent les intérêts européens. Ce sera le rôle de la task force de la Commission ; nous serons très attentifs à ses résultats.

L'Union européenne doit néanmoins se préparer à un refus de prise en compte des demandes européennes, pour envoyer, si nécessaire, des signaux efficaces aux entreprises, par exemple en créant un fonds de souveraineté européen et en appliquant les instruments antisubventions mis en place pendant la PFUE.

Enfin, les Balkans occidentaux seront aussi à l'ordre du jour. La France est résolument en faveur du processus d'adhésion : en témoignent nos efforts en faveur de la résolution du différend bulgaro-macédonien, qui a permis les premières conférences intergouvernementales d'adhésion, en juillet, avec l'Albanie et la Macédoine du Nord - où je me suis rendue récemment. Le sommet de Tirana, aujourd'hui même, marque notre solidarité et notre soutien dans le contexte actuel.

Nos actions dans la région doivent être poursuivies et amplifiées, afin que les Balkans occidentaux voient les effets concrets de leurs efforts : paquet de soutien énergétique de 1 milliard d'euros, plan économique et d'investissement, initiatives dans le domaine cyber, réductions de frais d'itinérance téléphonique, entre autres.

En Bosnie-Herzégovine, nous espérons la formation rapide des gouvernements à la suite des dernières élections. Le Conseil européen prendra la semaine prochaine une décision sur l'octroi du statut de pays candidat, en tenant compte du contexte géopolitique et des progrès dans la mise en oeuvre des réformes. La poursuite du chemin européen dépend avant tout de la volonté politique des dirigeants bosniens.

Ce programme est chargé, il témoigne de l'énergie de l'Union européenne pour répondre à l'urgence comme pour agir à long terme. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du RDSE)

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères .  - Le Conseil européen du 15 décembre sera le premier depuis la libération de Kherson. Le succès de la contre-offensive ukrainienne ne saurait masquer les incertitudes qui perdurent, alors que le conflit dure depuis neuf mois. Le risque est réel qu'il s'installe dans la durée.

L'engagement des Européens en faveur de la liberté du peuple ukrainien se traduit sur le théâtre d'opérations. L'Union européenne a fait la preuve de sa capacité à s'unir et à se mobiliser ; les livraisons d'armes dépassent les 8 milliards d'euros, c'est une contribution substantielle et décisive à l'effort de guerre de l'Ukraine.

Les Ukrainiens gardent des forces morales intactes, il est de notre devoir de continuer à les soutenir à la hauteur de leur héroïsme.

À l'échelle de l'Union européenne, les instruments imaginés pour une période de paix ne sont plus adaptés. La FEP a démontré sa souplesse, mais le montant de 5,7 milliards d'euros est en deçà des besoins. À une situation exceptionnelle, il faut des réponses exceptionnelles. La sixième enveloppe avalisée lors du sommet de Prague portera à plus de 3 milliards d'euros le financement de l'aide aux armées ukrainiennes porté par la FEP. Il est donc urgent de refinancer cet instrument, qui doit rester solide pour être efficace.

La coopération européenne de défense doit répondre aussi à des enjeux de long terme. La boussole stratégique européenne a fixé des objectifs ambitieux en matière de coopération industrielle, et les pays européens augmentent leurs budgets de défense - au risque, toutefois, de favoriser l'industrie de l'armement américaine. Nous devons promouvoir un renforcement de nos dépenses en commun, tant pour la recherche et innovation que pour l'achat d'équipements. Les acquisitions communes de matériel militaire ne s'élèvent qu'à 18 % en 2021, deux fois moins que l'objectif de 35 %.

La défense collective de l'Europe ne pourra être assurée qu'en répondant à l'ensemble de ces défis. Nous serons attentifs à ce que la France soutienne les solutions qui permettront à l'Europe de se doter de l'autonomie stratégique que les circonstances exigent. (MM. Guillaume Chevrollier, André Gattolin et Jacques Fernique applaudissent.)

M. Albéric de Montgolfier, vice-président de la commission des finances .  - Le Conseil pour les affaires économiques et financières s'est tenu ce matin même. Quelles en sont les conclusions, notamment sur les nouvelles ressources propres pour l'Union, qui conditionnent les modalités de remboursement du plan de relance européen ?

Le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pose encore problème : échéance, périmètre, suppression des quotas gratuits, quels sont les arbitrages ? Quelles ressources sont attendues ? Leur affectation est-elle stabilisée ?

La commission des finances est préoccupée par les liens entre la crise énergétique et notre économie. La hausse du cours du gaz, considérable, se répercute sur les consommateurs et les entreprises. C'est pourquoi nous avons proposé d'adopter sans modification l'article 12 quater du projet de loi de finances, pour prolonger le bouclier tarifaire pour le gaz et l'électricité, sans quoi les prix seraient devenus insupportables pour les acteurs économiques.

Quelles sont les perspectives d'accord sur le plafonnement du prix du gaz ? Qu'en est-il de la réforme à venir du marché de l'électricité ? Quel sera l'impact du plafonnement du prix du pétrole russe ?

Pendant trente ans, nous avons vécu dans l'idée que l'inflation resterait faible. Elle dépasse aujourd'hui 10 % dans l'Union européenne et atteint 20 % dans les États baltes. Les montants fixés dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience, même actualisés en juin dernier, sont-ils encore valables ? Ne craignez-vous pas que certains membres aient du mal à assurer leur contribution au budget européen ? Si les recettes de TVA augmentent avec l'inflation, les perspectives de récession inquiètent.

Tout cela va-t-il se traduire par une accélération de la mise en chantier de la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027 ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Le Conseil du 15 décembre abordera des sujets majeurs : énergie, relations transatlantiques, conséquences de la guerre en Ukraine.

Comme depuis neuf mois, cette prochaine réunion sera dominée par la guerre en Ukraine, où la Russie accentue la pression sur les civils, en violation du droit international. Nous comptons sur le Conseil européen pour renouveler le soutien de l'Union européenne à l'Ukraine, aux plans financier, diplomatique, militaire et humanitaire. La Russie doit assumer la responsabilité pleine et entière de ses crimes.

Nous venons de recevoir une délégation de parlementaires ukrainiens, menée par Maria Mezentseva, qui plaide pour la création d'un tribunal spécial chargé de juger le crime d'agression commis par la Russie. Examinons rapidement la meilleure solution pour que justice soit rendue, sans quoi aucune paix durable ne sera possible.

Le soutien d'Ursula von der Leyen à ce tribunal spécial interroge. Le Conseil ne serait-il pas plus légitime, sur cette question juridiquement complexe et politiquement sensible ?

Deuxième sujet, la crise énergétique. L'objectif à court terme est de cesser d'alimenter la Russie par nos achats d'énergie et d'amortir le choc économique et social que provoque la hausse des prix de l'énergie.

Sur le long terme, l'Europe a besoin d'une énergie abondante, bon marché et décarbonée, ce qui suppose une réforme du marché de l'électricité européen. À cet égard, l'impulsion du Conseil européen des 20 et 21 octobre derniers reste inaboutie. Les États sont divisés et avancent en ordre dispersé, avec un risque de distorsion de concurrence, entre mécanisme ibérique et aides d'État allemandes. Dans quelle mesure le mécanisme temporaire de correction des prix du gaz peut-il sauver la compétitivité de nos entreprises ?

Avec l'Inflation Reduction Act, les États-Unis se sont dotés d'un instrument législatif puissant pour stimuler leur économie au prétexte de la transition verte. Le Président de la République a déploré le déséquilibre concurrentiel qui en résulte. L'Union européenne doit réagir et privilégier les achats européens ; le fonds européen de souveraineté évoqué par Thierry Breton sera-t-il évoqué au Conseil européen ? Outre-Rhin, certains plaident pour un accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis. Pouvez-vous nous rassurer à cet égard, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. André Gattolin applaudit également.)

Mme Véronique Guillotin .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Depuis le début de l'année, l'Ukraine occupe une grande partie de l'ordre du jour des Conseils européens. Nous aurions aimé qu'il en soit autrement, alors que la poursuite de l'agression russe repousse l'espoir d'un retour à la paix.

Cette situation dramatique nous conduit à rester au chevet des Ukrainiens : la lassitude ne doit pas l'emporter sur notre engagement en faveur de leur liberté, qui est aussi la nôtre. Vladimir Poutine a clairement déclaré la guerre aux valeurs démocratiques de l'Occident. Quel qu'en soit le coût, le RDSE soutient toutes les initiatives pour sanctionner la Russie et aider Kiev, via l'assistance macrofinancière de 9 milliards d'euros, l'aide d'urgence humanitaire ou la mobilisation de la FEP.

En tant que présidente du groupe d'amitié France-Moldavie, je me réjouis de l'attention portée à ce pays : le Président de la République a rappelé que lutter pour la Moldavie, c'est participer à l'effort de guerre en Ukraine. Pour le moment, la déroute des troupes russes épargne la Transnistrie, mais le soutien à Chisinau ne doit pas faiblir. Quel est le montant cumulé des aides à la Moldavie, madame la ministre ?

Espérons que l'embargo sur le pétrole russe tarira le financement de la guerre. Certes, le plafonnement du prix du baril pour ceux qui continueront à importer du pétrole russe est une brèche, mais il ne fallait pas déstabiliser le marché mondial, ni alourdir outre mesure le choc énergétique qui fragilise nos économies.

Le projet de compromis relatif au mécanisme de correction du prix du gaz avancé par la présidence tchèque est-il soutenu par la France ? Il est urgent de mettre en oeuvre un nouvel indice de référence qui reflète mieux les conditions du marché.

Il est fondamental de protéger les plus vulnérables de l'inflation, via le bouclier tarifaire, mais jusqu'à quand pourrons-nous le faire ? Un chapitre social cohérent reste à ouvrir en Europe...

La sobriété risque de durer, en raison du réchauffement climatique. Nous attendons une réponse globale et stratégique, en portant à 40 % la part des énergies renouvelables dans l'Union d'ici 2030, soit huit points de plus que la cible. Notre pays accuse un retard en la matière.

Sans renier les règles de l'OMC, l'Union européenne doit s'affirmer par rapport à certaines initiatives, comme l'Inflation Reduction Act de Joe Biden. Ce plan de 420 milliards d'euros entraînera-t-il un exode de nos industries vers les États-Unis ? Nous ne voulons pas appeler au conflit commercial, mais quelles réponses systémiques Bruxelles compte-t-elle apporter aux entreprises européennes ? À tout le moins, facilitons la délivrance des agréments pour les projets d'intérêt européen et revoyons le cadre des appels d'offres publics.

Où en est le paquet pour l'Union européenne de la santé ? La Commission devait remettre sa proposition de législation sur le médicament en début d'année. Nous serons particulièrement attentifs aux questions d'accès au médicament ainsi qu'aux leviers pour une industrie pharmaceutique innovante. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. André Gattolin et Claude Kern applaudissent également.)

M. Pascal Allizard .  - L'année 2022 aura marqué le retour de la guerre sur le continent européen, une guerre totale. Pour l'instant, les desseins du président russe ont été mis en échec. L'invasion de l'Ukraine a forcé l'Union européenne à réagir, dans l'unité : mise en oeuvre du fonds européen de défense, boussole stratégique, accroissement de l'effort de défense et mutualisation des achats militaires, tout cela va dans le bon sens.

Cependant, nous restons fragiles face à la dégradation du système multilatéral et à l'affirmation de puissances désinhibées. Les sanctions n'ont pas affaibli l'économie russe autant qu'espéré. Les exportations d'hydrocarbures vers la Chine compensent - or une Russie exsangue et dépendante de la Chine n'est pas une bonne nouvelle pour l'Europe.

Le bannissement des énergies russes a mis en lumière certaines de nos légèretés. Par ricochet, la filière nucléaire revient en grâce, après avoir été longtemps dénigrée - mais les coupures de courant menacent. Les alternatives - gaz de schiste américain, production du Golfe ou de la mer Caspienne - ne créeront-elles pas de nouvelles dépendances ? Le projet REPowerEu est-il une opportunité pour la France ? Ne risque-t-on pas de revenir au business as usual, au détriment d'une vision stratégique globale ?

L'intérêt nouveau des Européens pour la défense profite surtout à l'Otan et à l'achat d'équipements militaires américains. La base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne doit être privilégiée, les coopérations recherchées.

Les mesures protectionnistes américaines nous inquiètent - l'Inflation Reduction Act prévoit 420 milliards de dollars d'aides à la relocalisation d'industries d'avenir. C'est une menace directe pour l'Europe. Je partage les inquiétudes exprimées par les autres orateurs. Qu'en est-il du fonds de souveraineté souhaité par Thierry Breton ?

Malgré une prise de conscience des risques encourus en matière de propriété intellectuelle ou des différences de normes environnementales ou sociales, les projets de cession d'infrastructures européennes à des entreprises chinoises demeurent. N'aurions-nous pas retenu la leçon du Pirée ? Le Royaume-Uni vient d'exclure un actionnaire chinois de son principal fabricant de semi-conducteurs et d'interdire des caméras chinoises pour la vidéosurveillance de sites sensibles. (M. André Gattolin acquiesce.) Où en est le Global Gateway, qui se voulait une alternative à la nouvelle route de la soie chinoise ?

Sur les côtes de la Manche, la pression migratoire s'est accentuée en 2022. Le Royaume-Uni augmente ses versements à la France pour enrayer ces flux, mais l'effet d'attraction demeure. La question migratoire n'est pas résolue et l'Italie est laissée bien seule face à cette situation, ce qui explique l'arrivée au pouvoir d'une majorité populiste. Cela pourrait arriver ailleurs.

J'attire votre attention sur l'exécution de onze jeunes étudiants birmans par la junte, prévue demain. Où sont les protestations françaises et européennes ? Le Conseil européen devrait s'intéresser à ce sujet dramatique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. André Gattolin et Jean-Michel Houllegatte applaudissent également.)

M. Pierre Médevielle .  - Compte tenu du contexte international et de l'urgence climatique, le prochain Conseil européen devra proposer des solutions pour faire baisser le prix de l'énergie, renforcer la défense européenne et approfondir les relations avec nos voisins des Balkans.

L'Union européenne, dépendante des hydrocarbures russes, est en difficulté. Alors que l'électricité est corrélée au prix du gaz, difficile de trouver une solution collective étant donné la situation différente des pays membres.

Nos désaccords sont profonds, à l'image du rendez-vous manqué sur le plafonnement du prix du gaz. Quels sont vos espoirs et vos lignes rouges en la matière, madame la ministre ?

Les coopérations militaires avec l'Allemagne sont longues et difficiles. Le système de combat aérien du futur (Scaf) peine à avancer depuis 2017 : cela dessert la préparation de nos armées à la guerre aérienne du futur. Dassault et Airbus poursuivent leur collaboration. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'état d'avancement de la phase 1B du démonstrateur annoncée par le gouvernement allemand le 18 novembre ?

Notre stratégie implique l'achat de produits européens. Nous déplorons l'achat de F-35 américains par l'Allemagne. À quand un Buy European Act ?

Je salue le vote de la proposition de la résolution reconnaissant la Russie comme État soutenant le terrorisme. Ce soutien multiforme à l'Ukraine nous honore.

Quelle est la position de la France sur le mécanisme mondial de sanctions contre la corruption ?

Et sur l'adhésion des Balkans à l'Union européenne ? Le sommet de Tirana de ce jour a été l'occasion de réaffirmer notre engagement et d'appeler à l'accélération des négociations. En octobre dernier, la Commission européenne a recommandé d'octroyer le statut de candidat à la Bosnie-Herzégovine. Qu'en pensez-vous ?

La guerre aux portes de l'Union nous oblige à accélérer nos décisions à 27, or différents dossiers restent dans l'impasse. Le Conseil européen, au-delà du défi énergétique, doit être l'occasion de repenser notre mode de vie et de consommation. Soyez assurée de notre soutien, madame la ministre. Certes, nous ne retournerons pas à la bougie, mais nous devons nous adapter grâce à l'intelligence collective. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe UC)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La guerre d'invasion russe a conduit l'Union européenne à manifester une détermination commune sans précédent. C'est une guerre contre nos valeurs, mais aussi contre le multilatéralisme. C'est aussi le défi climatique qui se joue en Ukraine.

Des décisions impossibles il y a encore quelques mois ont été prises en quelques semaines, signe que c'est ensemble que les États membres doivent agir face à la crise énergétique. La solidarité européenne est essentielle, et ce Conseil européen doit avancer vers une réponse commune aboutie, crédible, cohérente avec nos objectifs climatiques, en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles. Le recours aux ressources de l'Azerbaïdjan ne va pas dans ce sens...

Face aux milliards décarbonés de l'Inflation Reduction Act américain, notre Green Deal européen fait pâle figure. La fragmentation des économies européennes est un péril imminent. Le fonds souverain européen pour l'industrie doit être l'amplification industrielle du Green Deal, et suppose un nouvel emprunt commun. Il faut, pour cela, hâter l'ajustement carbone aux frontières. Ce protectionnisme vert européen équilibrera nos relations avec les États-Unis.

Jeudi dernier, le Conseil a adopté sa position sur la directive Devoir de vigilance. La France a affaibli l'ambition de la directive en en retirant le secteur financier, entraînant avec elle l'Espagne et l'Italie. Or les banques françaises ont investi plus de 743 millions d'euros dans la déforestation du Brésil, elles ne sauraient être exemptées de responsabilité. Les banques doivent être mieux encadrées : pas d'action sans obligation. BNP Paribas est le premier financeur d'énergies fossiles en Europe. Pourtant, le devoir de vigilance était inscrit dans notre droit dès 2017. Les lobbies ont du talent, et les intérêts sont ailleurs...

Le climat a également été exclu du texte final. Les dommages environnementaux doivent être identifiés, mais sans mesure coercitive. Aurons-nous une « loi d'apparence », pour reprendre les mots de Dominique Potier ? Espérons que le Parlement européen imposera aux entreprises un devoir de vigilance sur leurs activités. Nous agirons sur les 16 % de la déforestation mondiale dont l'Europe est responsable. Le caoutchouc, le charbon et les dérivés d'huile de palme ont été maintenus dans la directive. Le secteur financier a été exclu, grâce à ses lobbies, mais nous y reviendrons dans deux ans.

Le fonds social pour le climat doit éviter la casse sociale de la transition écologique. Nous voulons sortir de la dépendance sur les énergies fossiles, ne pas renoncer à la vigilance sur les entreprises ni sur le climat, autant d'ambitions pour l'Union européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Claude Kern et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)

M. André Gattolin .  - En octobre dernier, j'avais souligné que l'ordre du jour d'un Conseil européen n'avait jamais autant porté sur les questions internationales. J'y voyais les prémisses d'un réveil géopolitique de l'Union européenne. Je me répète : jamais dans l'Histoire un regroupement volontaire d'États démocratiques ne s'est constitué autrement qu'à la suite d'une confrontation militaire majeure.

L'Union européenne est-elle une divine exception ? Pourtant, les préoccupations géopolitiques ont été au coeur de la construction de l'Europe, avec le Conseil de l'Europe en 1949 et la Communauté européenne du charbon et de l'acier (Ceca), en 1951. Mais patatras, en 1954 avec l'échec de la Communauté européenne de défense (CED) et le repli contraint des pères de l'Europe sur une dimension plus économique.

L'infâme agression russe contre l'Ukraine et ses multiples conséquences remettent l'enjeu géopolitique au centre du village Europe. En témoigne l'ordre du jour prévisionnel du prochain Conseil européen. Poser les bonnes questions, c'est commencer à y répondre.

Ainsi, jamais l'Union n'aura autant avancé que depuis février dernier. Cependant, le verre à moitié rempli ne sera pas nécessairement plein un jour. Pour Jean Monnet, l'Europe se ferait dans les crises et serait la somme des solutions apportées à ces crises. Cependant, toutes n'ont pas reçu une réponse adéquate.

Depuis les années 1960, les crises étaient essentiellement économiques et financières, ce qui a renforcé la nature économique et financière de l'Union. Les moments géopolitiques n'ont que rarement reçu de réponses à la hauteur : chute du Mur, effondrement de l'URSS. Certes, l'Union européenne s'est élargie, mais elle a renoncé à une gouvernance politique renforcée et à un système de défense propre.

Je m'agace aussi, quand j'entends que la guerre en Ukraine marque le retour de la guerre en Europe après 70 ans de paix. C'est faire peu de cas des conflits dans les Balkans occidentaux, de leurs 140 000 morts. La réponse européenne n'était pas non plus à la hauteur : les États-Unis et l'Otan ont été les maîtres d'oeuvre de la fin du conflit.

Oui, dans cette guerre, nous franchissons un pas significatif, mais moindre que celui des États-Unis. Notre engagement eut-il été le même sans Washington ? Pour paraphraser Jean Monnet, c'est la somme des réponses aux crises géopolitique qui révélera si l'Union européenne aura franchi une étape décisive ou si elle se laissera glisser à nouveau vers le business as usual.

Gardons à l'esprit le courage des Ukrainiens, pour ne pas céder la lâcheté. La liberté n'est pas une option, mais un combat.

Ceux qui jouent la carte Xi Jinping pour arrêter la guerre connaissent mal la Chine et la Russie. Et ceux qui se positionnent face à Poutine sont loin de le faire face à l'expansionnisme de Xi Jinping. Il y a une vraie frilosité. Bis repetita pour le Conseil à venir : aucun point ne mentionnant explicitement la Chine, au lendemain d'un sommet commun avec l'Asean et des soulèvements en Chine contre la stratégie zéro covid...

C'est en nommant les choses que l'Union européenne affirmera son virage géopolitique, indispensable à sa survie. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe UC ; M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)

M. Didier Marie .  - Ce Conseil européen clôt une année qui a bouleversé l'Europe. L'Union européenne s'est montrée unie comme jamais, mais a vu ses faiblesses mises à nu.

Elle s'est montrée solidaire, en débloquant 18 milliards d'euros pour l'Ukraine, dont 3 milliards d'euros pour la FEP, ce qui a permis de livrer des armes. Sa solidarité est également humanitaire avec la protection temporaire étendue à des millions de réfugiés, dont 100 000 en France. L'Europe est aussi restée solidaire dans sa condamnation de la Russie.

Madame la ministre, je m'étonne d'entendre le Président de la République vouloir donner des « garanties de sécurité » à Vladimir Poutine alors que celui-ci veut faire de l'hiver une arme contre les civils ukrainiens. (M. Patrick Kanner acquiesce.)

L'Union européenne n'est pas protégée, elle délègue sa sécurité au parapluie militaire américain. Son économie, qui reposait sur l'énergie bon marché, est ébranlée face à la crise énergétique et à l'inflation. La démocratie vacille face aux ingérences étrangères et au populisme. Nous devons faire front sans céder à la fragmentation.

Il faut réduire notre dépendance, dans l'urgence. Les divergences entre États font perdre un temps précieux. Il faut des achats communs de gaz, découpler le prix de l'électricité. J'espère que le rapprochement avec l'Allemagne évitera la délocalisation de notre industrie.

Ensuite, il faudra investir dans les énergies renouvelables, pour ne pas dépendre du coûteux gaz de schiste américain ou de l'Azerbaïdjan. L'uranium est importé de pays peu sûrs et recyclé en Russie.

L'inflation, qui atteint 11,5 % en Europe, fait craindre une récession. Le relèvement des taux de la Banque centrale européenne (BCE) est porteur d'inquiétudes, notamment pour le pacte de stabilité.

Face à ces enjeux, l'Europe doit investir. Que pense le Gouvernement d'un grand emprunt communautaire, que le ministre allemand des finances ne soutient pas ?

Dans ce contexte d'affaiblissement, nous devons renforcer notre politique industrielle, rester solidaires et porter nos valeurs. Les déplacements d'Olaf Scholz et de Charles Michel à Pékin, et d'Emmanuel Macron à Washington, illustrent cette volonté de faire entendre la voix économique et commerciale de l'Europe. Mais les objectifs de l'Allemagne sont-ils compatibles avec les nôtres ? Madame la ministre, quelles sont les divergences ? Prévoyez-vous un nouveau conseil des ministres franco-allemand après l'annulation du précédent ?

L'Inflation Reduction Act américain ne nous épargnera pas. Il faut négocier, mais aussi nous protéger. À quand le Buy European Act demandé par le Parlement européen depuis des années ?

Enfin, l'élargissement revient sur le devant de la scène. Il faut une méthodologie clarifiée pour répondre à l'envie d'Europe et freiner les puissances étrangères. Le sommet Union européenne-Balkans est bienvenu, mais il faudra des gages supplémentaires.

Sous présidence française et tchèque, l'année 2022 a permis des avancées, mais il faut passer de la parole aux actes. La France doit être moteur : avec le Président de la République, faites preuve de fermeté lors du prochain Conseil européen ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Claude Kern applaudit également.)

M. Pierre Laurent .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Le Conseil européen se tient dans un contexte d'aggravation de la crise. Une partie de la zone euro est menacée de récession, et, selon la Commission européenne, 1,25 % du PIB de la zone européenne, soit 200 milliards d'euros, va au soutien à l'énergie.

En France, les prix atteignent 500 ou 600 euros le mégawattheure, dix à vingt fois le prix d'avant crise. On a même atteint 1 000 euros l'été dernier. La guerre en Ukraine n'est pas seule responsable. Dès juillet 2021, les tarifs réglementés de l'électricité s'envolaient en raison d'un emballement des prix sur le marché de gros. Le prix du gaz a augmenté de 150 % entre avril et octobre 2021, la facture moyenne passant de 977 à 1 492 euros.

Ainsi, le prix de l'électricité, corrélé au gaz, a triplé en un an. L'électricité nucléaire voit une décorrélation de ses coûts de production et de la valeur de marché. La sécheresse a nui à l'hydroélectrique, mais nos coûts de production sont restés inférieurs au marché.

La guerre en Ukraine n'explique pas la spirale haussière. La crise énergétique est structurelle, liée à l'organisation du marché européen de l'énergie - de l'électricité, notamment.

C'est la part de l'énergie échangée sur le marché de gros qui alimente la spirale inflationniste. Cette fragilité du marché unique de l'énergie est largement documentée. La France répète à qui veut l'entendre qu'il faut sortir du mécanisme de la dernière centrale appelée, mais, devant les oppositions catégoriques, de l'Allemagne notamment, on se borne à constater les dégâts.

Le plafonnement de la rente inframarginale à 180 euros le mégawattheure continue de tirer les prix à la hausse en France ; les producteurs réalisent des profits colossaux aux dépens des consommateurs et des contribuables. Les mécanismes proposés, très complexes, sont aux mieux inefficaces, au pire contre-productifs. Quant aux Power Purchase Agreements censés favoriser les investissements de long terme, ils reviennent à confier les moyens de production à des grands groupes privés.

La décentralisation des moyens de production et l'éclatement du réseau portent en germes les risques d'une remise en cause de la péréquation tarifaire et de l'égalité territoriale. Malgré cela, les solutions consistant à se défaire du prix de marché sont écartées d'office, car contraires au dogme de la concurrence.

Madame la ministre, la France doit défendre une réforme en profondeur du marché européen de l'énergie. De façon immédiate, nous devons étendre les tarifs régulés ; nous le proposerons demain, dans le cadre de notre espace réservé, s'agissant des collectivités territoriales. Il nous faut aussi négocier des dérogations pour rapprocher les prix de nos coûts de production, compte tenu de la spécificité nucléaire de notre mix.

C'est d'autant plus urgent que la compensation des folies du marché coûte cher : 45 milliards d'euros pour le bouclier tarifaire...

S'agissant de la proposition de directive sur le devoir de vigilance des grandes entreprises, la récente position commune adoptée par le Conseil a été considérablement appauvrie, semble-t-il sous la pression de la France. La notion de chaîne de valeur a été remplacée par celle de chaîne d'activité et le champ du devoir de vigilance n'inclut ni les activités des clients des entreprises de services, ni les exportations d'armes.

Comme le soulignent différentes ONG, de nombreux services financiers sont exclus, et les banques sont exemptées de leurs obligations de vigilance à l'égard des activités des sous-traitants des entreprises qu'elles financent. Pourtant, dans les secteurs textile et pétrolier par exemple, les violations concernent surtout la sous-traitance.

Madame la ministre, vous avez démenti avoir milité pour sortir les banques du champ de la directive. (Mmla ministre le confirme.) Comment donc en est-on arrivé là ? Quelle est la position de la France ? (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Une étape cruciale vient d'être franchie dans les sanctions occidentales contre la Russie : plus aucun navire ne pourra décharger de pétrole russe en Union européenne, aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon et en Australie. Au terme de négociations difficiles, notamment avec la Hongrie, un compromis a été trouvé.

À cette mesure s'ajoute la décision récente de plafonner le baril russe à 60 dollars, ce que durcit son maintien à 5 % en dessous du prix du marché. Il faut s'en féliciter, mais les pays de l'Union européenne sont dans des situations très diverses en matière d'approvisionnement et de diversification. Quelle est l'efficacité réelle de ce dispositif, alors que le baril russe se négocie autour de 65 dollars ?

La présidence tchèque, dans un premier projet de compromis, suggère la décorrélation du prix du gaz. La proposition de la Commission européenne prévoit un plafonnement automatique du prix du gaz, à deux conditions : le prix des instruments Taxe sur les transactions financières (TTF) doit dépasser 275 euros pendant deux semaines consécutives et l'indice TTF European Gas Spot doit avoir été supérieur de 58 euros au prix de référence du gaz naturel liquéfié au cours des dix derniers jours précédant la fin de cette même période de deux semaines.

Ces conditions sont trop exigeantes pour certains ; à l'inverse, pour l'Allemagne et les Pays-Bas estiment que la proposition va trop loin. Prague propose de baisser le seuil à 264 euros et de diminuer la durée des prix, tout en étendant le mécanisme aux dérivés TTF de un à trois mois. Prague suggère aussi de supprimer la notification des mesures prises en cas d'activation du mécanisme. Quelle sera la position française ?

Alors que les températures baissent, il faut agir vite. À l'instar de la pandémie, la guerre en Ukraine agit comme un accélérateur de tendances. Il faut poursuivre la démarche de la PFUE vers une Europe plus souveraine et capable d'agir en matière de sécurité et de défense.

De ce point de vue, nous nous félicitons de l'investissement de 1,2 milliard d'euros dans la recherche et développement de défense, avec 61 projets collaboratifs. Ceux-ci sont nécessaires pour nos fondamentaux industriels et notre sécurité commune.

Nous saluons aussi l'accord intervenu sur la phase B1 du Scaf, l'avion du futur : une excellente nouvelle pour une industrie européenne de la défense qui a du mal à prendre son envol. Nous appelons de nos voeux des négociations plus apaisées lors des phases ultérieures. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) La crise énergétique freine la réindustrialisation, et les collectivités territoriales sont au bord du gouffre. Nos citoyens devront, un jour, payer le prix du bouclier tarifaire.

La guerre en Ukraine et les sanctions contre le gaz russe mettent en lumière nos mauvaises décisions sur le nucléaire et les lacunes du marché européen de l'énergie. Le prix de l'électricité atteint des niveaux inédits en raison du calcul fondé sur le coût de la dernière unité de production.

Le marché européen de l'électricité doit être réformé en profondeur et décorrélé du prix du gaz. Pourtant, la Commission européenne ne devrait pas proposer de réforme à court terme, alors que l'hiver est la période la plus risquée, avec un risque de délestage - du jamais vu, même si le Président de la République a tenté de nous rassurer à ce propos.

Le mix énergétique de chaque pays est différent, mais la crise sanitaire montre que l'Union européenne peut agir vite. Madame la ministre, devons-nous nous résigner à attendre ? Quel est l'avis du Gouvernement sur le système grec, qui distingue les énergies à forte proportion de coûts fixes -  énergies renouvelables et nucléaire  - et les énergies fossiles ?

Une étape intermédiaire pourrait être l'adoption du système ibérique : cela éviterait au moins les situations les plus catastrophiques. Mais des désaccords importants persistent. Certains pays, comme la France, estiment que le plafond de 275 euros du mégawattheure est trop haut, alors que l'Allemagne et les Pays-Bas sont opposés à toute baisse.

Le plafonnement serait accompagné d'un accord de solidarité entre États membres et d'un accord de réduction de la consommation de 15 %. La Norvège et l'Algérie, dignes de confiance, peuvent prendre le relais. Madame la ministre, pouvons-nous espérer un abaissement du plafond ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC)

Mme Gisèle Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Jacques Fernique applaudit également.) Si, au Sénat, nous avions parlé voilà quelques années de la création d'un fonds de défense européen, des personnes éminentes nous auraient ri au nez. Si l'on nous avait dit que la guerre serait si proche de nous, qu'elle imposerait une forme de solidarité, nous aurions été surpris. Tous les pays n'ont pas les mêmes objectifs : notre réactivité est faite de diversité.

La défense européenne n'était qu'un fantasme, et on se reposait sur l'Otan : voici que l'Europe fait siennes les notions d'autonomie et de boussole stratégique. Notre aide militaire est inédite et nous avons adopté le premier livre blanc de la défense européenne. Toutefois, restons vigilants : en matière d'acquisition de matériels, nous sommes loin d'atteindre l'objectif de la boussole stratégique.

L'Union européenne va prochainement se doter, enfin, d'une base industrielle et technologique de défense (BITD) autonome, fondement technique de son indépendance. Désormais, il s'agit de mettre en oeuvre la feuille de route de la boussole stratégique : lecture partagée des menaces, renforcement de notre capacité d'action rapide et de la coopération dans les domaines stratégiques, investissements communs, établissement de partenariats stratégiques.

Nous devons aussi clarifier un point : la défense vise-t-elle la coopération ou l'intégration ? C'est essentiel pour comprendre ce que l'Union européenne doit faire et ne pas faire et pour distinguer son rôle de celui de l'Otan.

Le retour de la guerre n'est plus une hypothèse d'école : nous ne serons crédibles que si nous accomplissons les efforts techniques et stratégiques nécessaires.

La politique de voisinage de l'Union européenne est dans une phase inédite. Comment valoriser les efforts réalisés par l'Ukraine et la Moldavie dans le cadre du partenariat oriental ? Ces pays doivent-ils repartir de zéro comme candidats à l'adhésion ? Quid de la Géorgie ?

La première réunion de la CPE, voulue par le président Macron, a eu lieu en octobre. Je m'interroge : dans un périmètre identique à celui du Conseil de l'Europe, n'y a-t-il pas doublon ? Alors que nous avons du mal à trouver des positions à 27, y parviendrons-nous à 44 ?

Le succès de la nouvelle phase d'élargissement reposera sur le pragmatisme de l'Union européenne. La CPE est un élément intermédiaire, qui permet d'arrimer rapidement les pays aspirants à l'Union européenne.

Enfin, il faut relancer le partenariat oriental : ne l'abandonnons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. André Reichardt.  - Très bien !

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le conflit russo-ukrainien reste le plus grand défi pour l'Union. Nous devons nous tenir aux côtés du peuple et du gouvernement ukrainiens, alors que les sinistres milices Wagner, l'armée de l'ombre de Poutine, continuent de sévir, comme à Bakhmout.

Ce conflit, avec la construction de tranchées sur la ligne de front, nous rappelle la Première et la Seconde Guerres mondiales. Puisons dans les leçons du passé pour préparer l'avenir : pour paraphraser la devise de l'Union européenne, nous avons l'impérieuse nécessité de rester unis dans la diversité. Grâce aux sanctions européennes, le PIB de la Russie a baissé de 4 % en 2022.

Je pense à nos soldats, en particulier au quatrième régiment de chasseurs alpins basé dans mon département, à Gap, actuellement stationné en Roumanie. Notre rôle est de faire triompher la raison sur les passions, l'humanité sur la brutalité.

Nos erreurs collectives doivent nous apporter des enseignements. Notre autonomie militaire est insuffisante ; si la France a toujours été proactive sur la question, nombre de nos partenaires ont souvent repoussé les discussions aux calendes grecques. L'autonomie stratégique européenne est une assurance vie, mais autonomie n'est pas isolationnisme. Le Président de la République a appelé, au cours de sa récente visite aux États-Unis, au renforcement de notre intimité stratégique ; je suis d'accord avec lui.

Pour assurer notre autonomie énergétique, nous devons développer les énergies renouvelables à l'échelle européenne et prendre en compte la diversité des situations énergétiques des pays. L'autonomie française est relative : seule l'usine du groupe Rosatom à Seversk, en Sibérie, est capable de recycler notre uranium...

L'Inflation Reduction Act américain contient un volet climat, pour 400 milliards de dollars sur dix ans. Il s'agit de privilégier les Tesla américaines sur les BMW allemandes ou les voitures françaises. Ces mesures manifestement protectionnistes, contraires aux principes de l'OMC, mettent en danger notre industrie et risquent d'entraîner une vague de délocalisations. Nous, Européens, devons réagir en négociant des dérogations ou en instaurant des dispositifs similaires. Madame la ministre, nous attendons des précisions sur ce sujet.

Pilier de la construction européenne, la PAC vise l'autosuffisance alimentaire. La nouvelle PAC sera dotée de 387 milliards d'euros d'ici 2027. Ses objectifs s'inscrivent dans le Pacte vert européen qui vise à favoriser la transition écologique. Mais nous craignons des réductions de production de 5 à 20 % selon les filières. Il ne faut pas moins produire, mais mieux produire. Sinon, nous aurons recours aux importations dont l'empreinte écologique est supérieure.

La nouvelle PAC prévoit que les États définiront les priorités et les critères des aides. Certes, les États doivent avoir une marge d'adaptation, mais on risque d'assister à une renationalisation de cette politique. L'État doit protéger nos agriculteurs et notre agriculture. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Jean-Claude Anglars applaudit également.)

M. André Reichardt .  - Outre l'Ukraine, le Conseil européen débattra de nos relations avec notre voisinage méridional. Les fiascos de l'Ocean Viking et de Mellila, en juin dernier, nous rappellent combien la question migratoire est prégnante. L'Union européenne reste engluée dans ses contradictions, sans réussir à élaborer une réponse commune.

En 2016, un premier paquet de réformes a été proposé par la commission Juncker, mais il s'est heurté au mur des dissensions au sujet des demandeurs d'asile. Mme von der Leyen a repris le flambeau, mais ses propositions sont bloquées depuis deux ans. La présidence tchèque ne ménage pas ses efforts, comme avant elle la présidence française. Certes, nous notons quelques progrès, notamment sur Eurodac et le règlement filtrage, mais l'équilibre global reste hors de portée.

Le Conseil, malgré ses divisions, se retrouve sur la protection des frontières, le renforcement de la politique de retour ou l'attention portée aux modus operandi de certaines ONG. Mais cette approche est loin d'être partagée au Parlement et à la Commission : un nouveau droit à la migration semble se faire jour. Pourtant, nul ne devrait pouvoir s'installer sur le sol européen sans y avoir été autorisé !

Entre ces deux positions, l'Europe n'arrive pas à trancher. Les injonctions politiques sont contradictoires et Frontex en fait les frais. Or 281 000 passages illégaux de nos frontières ont été enregistrés cette année, en augmentation de 77 % par rapport à l'an dernier.

Ces ambiguïtés entretiennent la fragilité de l'Union et provoquent des psychodrames, tel que la récente crise franco-italienne.

Le plan d'urgence en vingt points présenté en novembre dernier par la Commission ne propose rien de concret ni de nouveau. Les demandes d'asile explosent et la politique de retour a des résultats médiocres. Nous visons un accord en 2024 ; ce calendrier politique ne sera, à coup sûr, pas tenu. Il y a pourtant urgence à régler ce dossier qui sape chaque jour un peu plus la crédibilité de l'Union.

Avec la crise de 2015, les fondations de l'espace Schengen ont vacillé, menaçant même le principe de libre circulation. La réforme engagée - bien loin de la remise à plat souhaitée par le Président de la République  - reste utile, mais elle est trop lente.

Et alors qu'elle n'a pas encore été menée à bien, la Commission et le Parlement européens viennent de donner leur aval à l'adhésion de la Croatie, tout en préconisant l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie...

Madame la ministre, quelle sera la position de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Conseil européen traitera aussi des tensions commerciales entre l'Europe et les États-Unis.

Le Président de la République, en se rendant aux États-Unis, espérait convaincre Joe Biden de renoncer à son Inflation Reduction Act. Mais il s'est heurté à la posture hyperprotectionniste des Américains, comme lors de l'annulation du contrat du siècle par l'Australie en 2021. Les priorités de Joe Biden sont claires : politique intérieure, Chine et, loin derrière, l'Europe, ce qui nous renvoie à nos faiblesses. Nous devons agir pour ne pas devenir invisibles sur la scène internationale.

Face à l'ampleur des plans protectionnistes américains, l'Europe doit elle aussi soutenir son industrie et appliquer la préférence pour les productions européennes. Mais quid des moyens ? Dans l'Union européenne, ce sont 5 milliards d'euros pour l'hydrogène vert, contre 100 milliards de dollars aux États-Unis...

L'Europe connaît des ruptures d'approvisionnement de nombreux médicaments, notamment la cortisone et les antibiotiques. La Commission européenne tarde à revoir la réglementation pharmaceutique et à lancer un plan d'action à l'échelle de l'Union pour lutter contre ces pénuries. Qu'en est-il ? Que peut faire la France ?

La Commission a fait une proposition de règlement pour un espace européen des données de santé. Le Sénat s'en saisira, car s'il est un enjeu pour la recherche médicale, il faut aussi continuer à préserver la confidentialité, pour protéger nos libertés. C'est un sujet qui m'intéresse tout particulièrement, ainsi que Mme Harribey. Les cyberattaques récurrentes contre nos hôpitaux par des hackers sans scrupules montrent l'importance de la question. Quelle est la position du Gouvernement au niveau européen ?

La Commission européenne a présenté une proposition de règlement sur les travailleurs des plateformes. Ces dernières modifient en effet les relations salarié-employeur classiques. Notre vigilance est nécessaire pour protéger les travailleurs. C'est aussi un sujet qui m'intéresse tout particulièrement, ainsi que Mme Harribey. Où en sont les négociations ? Les technologies numériques sont souvent développées à l'étranger, véritable défi pour l'Europe.

Comme on le voit sur tous ces sujets, la question de la sécurité et celle de la souveraineté européennes sont indissociables. Elles doivent donc être au coeur des discussions. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Harribey applaudit également.)

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

M. Alain Cadec .  - Le prochain Conseil européen abordera les questions de politique étrangère, de sécurité et de défense, notamment la guerre en Ukraine et nos relations avec notre voisinage méridional. Les questions économiques liées à l'énergie seront également évoquées. Toutes ces questions sont interdépendantes ; elles sont lourdes et urgentes, aussi.

Nos concitoyens attendent de la fermeté dans la défense de nos intérêts et de l'efficacité dans la prise de décision.

Notre solidarité envers les Ukrainiens doit sans cesse être réaffirmée, nous ne pouvons nous montrer faibles face aux Russes. Maintenons l'unité du bloc européen tant qu'une issue satisfaisante n'aura pas été trouvée dans des termes acceptables pour l'Ukraine.

Le Président de la République dit vouloir maintenir un dialogue direct avec le dirigeant russe, mais cela doit se faire avec le soutien de nos partenaires européens et des autres alliés de l'Ukraine. L'exercice est délicat, pour ne pas ajouter de la confusion à la confusion. Le narcissisme n'y a aucune place.

Nous nous apprêtons à adopter un neuvième paquet de sanctions contre la Russie. Mais toute sanction soulève deux questions : quelle est son efficacité pour amener le pays cible à la résipiscence ? Quelles en sont les éventuelles répercussions négatives sur les pays qui les adoptent ? À cet égard, la pertinence des huit premiers paquets n'a pas été totalement démontrée... Un bilan réaliste doit être conduit.

Le tarissement de nos approvisionnements en gaz et en pétrole de Russie a surtout mis en lumière les mauvais choix faits depuis de nombreuses décennies, de la dépendance allemande au gaz russe à l'abandon progressif injustifiable de la filière nucléaire française.

L'inflation est galopante et touche entreprises et familles : enrayer ce processus infernal devrait être une priorité des dirigeants européens, même si nos intérêts divergent parfois. Nous attendons de ce Conseil des solutions fortes et cohérentes, avec des effets rapides sur le marché des produits énergétiques.

Toute discussion de l'Union européenne avec son voisinage méridional devra porter sur les flux migratoires. Cette question est urticante pour nos débats politiques internes -  et profite aux extrêmes des deux bords  - , mais aussi pour les relations diplomatiques entre États membres. La coopération des pays d'origine est indispensable, mais n'est pas à la hauteur. Les accords de réadmission et une coopération judiciaire et policière étroite devraient être un préalable à la signature d'accords de commerce ou à l'octroi d'aides au développement économique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État chargée de l'Europe .  - Je vous remercie pour vos interventions et vos questions.

Nombre d'entre vous ont évoqué la guerre en Ukraine. La France continuera de soutenir l'Ukraine sur les plans humanitaire, militaire et financier, cités par Didier Marie. L'Europe est le seul continent à accueillir deux millions de réfugiés. Nous soutiendrons le pays dans la durée, car la guerre risque d'être longue, comme l'ont souligné M. Allizard et Mme Guillotin. Monsieur Allizard, nous prêtons une attention particulière à la priorité européenne en matière d'achats militaires.

Monsieur Cadec, la paix sera conclue aux conditions de l'Ukraine, et quand elle le souhaitera. Le Président de la République l'a rappelé.

L'Union européenne travaille avec tous ses alliés pour plafonner le prix du pétrole russe, à 60 dollars, comme vous le rappeliez, Monsieur Kern, afin de réduire la capacité de la Russie à mener sa guerre. Monsieur de Montgolfier, les prix du brut ont baissé et ont atteint un niveau minimum record.

L'Union européenne travaille à de nouvelles mesures, après huit paquets de sanctions. Nous prévoyons une restriction supplémentaire des exportations et de nouvelles sanctions contre des responsables russes. Nous visons l'affaiblissement de la Russie à moyen terme, comme l'ont rappelé MM. Allizard et Arnaud.

Monsieur Rapin, la lutte contre l'impunité des crimes russes est une priorité de la France, en lien avec la justice ukrainienne et la Cour pénale internationale (CPI). Sur la proposition de constituer un tribunal spécial, nous travaillons avec nos partenaires européens et ukrainiens, en vue d'obtenir un consensus très large.

J'en viens aux enjeux énergétiques, au coeur de nos priorités communes. Il importe de préserver un cadre de concurrence équitable, comme l'a rappelé M. Médevielle, mais aussi solidaire, comme l'a dit M. Fernique.

Monsieur Rapin, madame Guillotin, nous sommes d'accord : le mécanisme de plafonnement du prix du gaz ne va pas assez loin malgré la révision de l'indice. Nous allons poursuivre nos efforts pour diminuer les prix du gaz. La plateforme d'achat conjoint, les discussions avec les partenaires stables tels que la Norvège et les États-Unis et l'accélération des énergies renouvelables contribueront à améliorer la situation, Didier Marie l'a rappelé.

Messieurs Rapin, Laurent et Pellevat, vous m'avez interrogée sur la réforme du marché de l'électricité. Celle-ci est essentielle, car elle permettra de découpler le prix de l'électricité de celui des énergies fossiles. La Commission européenne a établi un calendrier précis, une proposition législative sera faite au mois de mars après consultation et étude d'impact. Cela prendra du temps : ce nouveau dispositif devrait s'appliquer à l'hiver 2024-2025. Nous devons donc travailler en vue de l'hiver 2023-2024 : pourquoi ne pas prolonger la captation de la rente des énergéticiens décidée cet hiver ?

L'inflation est source d'inquiétude. Le cadre financier pluriannuel a été modifié à la marge pour préserver nos priorités, mais nous restons attentifs.

Monsieur Allizard, la transition énergétique assurera notre autonomie et notre sécurité. Il n'y aura pas de retour au business as usual.

Madame Guillotin, la Moldavie a le statut de pays candidat depuis le Conseil européen des 23 et 24 juin derniers. Elle doit désormais mettre en oeuvre les neuf mesures de convergence. Cela peut sembler beaucoup, mais l'État de droit doit être préservé. Nous soutiendrons la Moldavie dans ses efforts.

Madame Jourda, vous m'avez interrogée sur les liens de la CPE avec le partenariat oriental et le Conseil de l'Europe - vous auriez pu y ajouter l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). La CPE n'est pas une organisation multilatérale concurrente de ces organisations. Nous privilégions un format souple, comme le G20, qui n'a pas de secrétariat permanent. Distinguons les objectifs du Conseil de l'Europe - État de droit -, de ceux de l'OSCE -  sécurité - et de ceux de la CPE - espace politique. C'est un espace de discussion qui porte des projets concrets. L'Ukraine ou la Moldavie peuvent bénéficier de notre voisinage grâce à la CPE.

Messieurs Rapin, Allizard, Fernique et Arnaud, Mesdames Guillotin et Gruny, vous avez mentionné l'Inflation Reduction Act, qui renforce le différentiel de compétitivité.

M. Jean-François Rapin, président de la commission.  - Le sujet fait l'unanimité !

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Il existe quelques marges de manoeuvre, certes réduites, dans les décrets d'application de la loi américaine. Mais nous disposons aussi des outils antisubventions de l'Union européenne. Veillons toutefois à ne pas lancer une guerre commerciale.

Le fonds souverain recueille l'assentiment de plusieurs États membres. Les projets importants d'intérêt européen commun (PIIEC) doivent être renforcés et accélérés. Ces projets sont destinés à la transition écologique, notamment dans l'hydrogène et les batteries. Je me réjouis du soutien du Parlement européen en matière de lutte contre la déforestation, notamment grâce au député Canfin.

Messieurs Gattolin et Allizard, vous connaissez le triptyque coopération, concurrence et rivalité systémique. Lors du dernier Conseil européen, le Président de la République a parlé de rivalité systématique s'agissant de la Chine. Concrètement, nous voulons renforcer les clauses miroir et la réglementation dans l'accès à nos marchés publics. Nous pourrions aussi renforcer le contrôle des exportations ou filtrer davantage les investissements à l'avenir.

Messieurs Marie et Médevielle, la semaine passée a montré que les relations franco-allemandes donnent lieu à d'intenses discussions au niveau ministériel. Le prochain conseil des ministres franco-allemand montrera aussi l'intensification des travaux dans de nombreux domaines, de la défense au spatial en passant par la culture.

M. Jean-François Rapin, président de la commission.  - Bonne nouvelle !

M. André Gattolin.  - Comme le traité du Quirinal, en somme.

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Mieux encore !

M. Marie m'a interrogée sur le pacte de stabilité et de croissance. Nous sommes attachés à la croissance, à l'investissement et à la soutenabilité. Bien sûr, le diable est dans les détails : nous les attendons encore.

S'agissant des sujets ne faisant pas partie du prochain Conseil européen, messieurs Laurent et Fernique, réjouissons-nous de l'accord intervenu jeudi dernier sur le devoir de vigilance des entreprises. En 2017, la France a été le premier pays au monde à adopter de telles règles. Monsieur Laurent, je ne souscris pas à votre pessimisme - parlez-en avec le député Dominique Potier et son groupe de travail transpartisan.

La France a fortement soutenu ce projet de directive européenne, en plaidant pour un cadre ambitieux et opérationnel. Certes, nous aurions pu faire mieux sur la santé et la sécurité des travailleurs, sur les sociétés mères des grands groupes ou encore sur la responsabilité civile des entreprises. Mais l'Union européenne suppose des compromis. L'équilibre du Conseil ne permettait pas d'atteindre ces objectifs. Nous comptons sur le Parlement européen pour améliorer le texte. La France n'a jamais demandé l'exclusion du secteur financier de ce texte, mais, au contraire, qu'il soit traité comme les autres.

M. Pierre Laurent.  - Qui donc l'a demandée ?

Mme Laurence Boone, secrétaire d'État.  - Jeudi prochain, les ministres de la justice se réuniront à Bruxelles en vue de mieux gérer les routes migratoires. Pour les bateaux, un groupe de contact a été créé en vue d'associer les ONG, monsieur Cadec.

Depuis deux ans, monsieur Reichardt, nous avançons sur le pacte Asile et migration, après dix ans de blocage. (M. André Reichardt renchérit.) La solidarité entre pays européens est essentielle ; elle parachève notre triptyque, avec la responsabilité et l'humanité.

Les nombreuses évaluations démontrent que la Croatie, la Roumanie et la Bulgarie appliquent correctement les règles de l'espace Schengen. Le Conseil décidera de leur intégration à l'unanimité, mais celle-ci n'est pas encore réunie.

Mesdames Gruny et Guillotin, vous m'avez interrogée sur l'Europe de la santé. C'est un enjeu important pour la France. La révision de la législation pharmaceutique sera présentée à l'automne prochain. Pour le stockage des données de santé, le travail est en cours. Selon le contrôleur européen de la protection des données et le comité européen de la protection des données, les données doivent être hébergées sur le territoire de l'Union européenne.

Messieurs Marie et Gattolin, jamais l'Union européenne n'aura autant avancé ces derniers mois en matière de défense, d'union sur les marchés de l'énergie et de lutte contre les ingérences étrangères.

Comme le disait le Président de la République en 2017 dans son discours de la Sorbonne, l'enjeu principal est la souveraineté, terme désormais repris par nos partenaires. C'est dire l'ampleur du changement de paradigme opéré depuis quelque temps. Oui, l'Europe est complexe et n'avance pas aussi vite que nous le voudrions, mais nous sommes 27, comme vous l'avez souligné, madame Jourda. C'est l'honneur de la France d'être aux avant-postes de ces changements. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du RDSE et du groupe UC ; M. Marc Laménie applaudit également.)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Je vous remercie d'avoir répondu aussi précisément et nominativement, madame la ministre. Les sujets sont importants, même s'ils donnent l'impression d'être redondants, car ils sont rythmés par la guerre en Ukraine.

La justice devra sanctionner les crimes perpétrés par les Russes. Au-delà des crimes physiques, le crime de déportation de familles entières nous a été relaté par les députés ukrainiens qui nous ont rendu visite ; l'Union européenne doit porter une attention particulière à cette situation dramatique.

Ensuite, la pénurie de médicaments est une question essentielle. J'ai reçu de nombreuses alertes de patients et de médecin et j'ai posé plusieurs questions d'actualité. C'est un problème récurrent et cyclique, pour des produits différents -  hypertenseurs, corticoïdes, désormais les antibiotiques. Ne recréons pas les conditions d'une deuxième crise sanitaire...

Au départ, je pensais que la CPE était un gadget, mais, au fil des rencontres avec mes collègues, je me rends compte qu'elle peut être un outil intéressant. Les pays extérieurs à l'Union européenne doivent la faire vivre, sans tout attendre de celle-ci -  je pense à la Serbie, par exemple. La CPE est un outil, et non un nouveau paradis. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI et du RDSE)

Prochaine séance demain, mercredi 7 décembre 2022, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 25.

Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du mercredi 7 décembre 2022

Séance publique

À 15 h et de 16 h 30 à 20 h 30

Présidence : Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

Secrétaires : M. Loïc Hervé - Mme Jacqueline Eustache-Brinio

1. Questions d'actualité au Gouvernement

2. Proposition de loi visant à protéger les collectivités territoriales de la hausse des prix de l'énergie en leur permettant de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'énergie, présentée par M. Fabien Gay, Mmes Céline Brulin, Cécile Cukierman et plusieurs de leurs collègues (n°66, 2022-2023)

3. Proposition de résolution, en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour le développement du transport ferroviaire, présentée par M. Gérard Lahellec, Mme Marie-Claude Varaillas et plusieurs de leurs collègues (n°144, 2022-2023)