Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au temps de parole.

Harcèlement scolaire (I)

Mme Mélanie Vogel .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER) Il avait seulement treize ans et toute une vie devant lui. Pourtant, le 7 janvier dernier, Lucas s'est donné la mort. Pourquoi, encore aujourd'hui, un gamin homosexuel en arrive-t-il à se suicider en France ? Parce que, et je sais de quoi je parle, il n'envisage qu'une vie de moqueries, de rejet, d'exclusion et de haine - et, à la fin, pas de vie du tout.

C'est avec beaucoup d'émotion et de gravité que je voudrais m'adresser à ceux, y compris au Gouvernement, dont les propos nourrissent ces violences, à ceux qui ont marché avec la Manif pour tous, à ceux qui jugent nos familles contre nature et assimilent nos droits à d'égoïstes caprices ; qui voient de la propagande dans le respect de la diversité, qui considèrent que respecter les mineurs trans relève de l'idéologie...

Mme Jacqueline Eustache-Brinio.  - Mais c'est hallucinant !

Mme Mélanie Vogel.  - ... ou que je constitue un problème quand je me prends en photo avec ma compagne, à tous ceux qui, par idéologie ou cynisme électoral, nous prennent pour des boucs émissaires.

Si vous voulez que cela s'arrête, faites votre examen de conscience, dites que vous vous êtes trompés. Lucas, Dina, Luna auraient pu être vos enfants ; leurs harceleurs aussi. L'école est dans la société et traversée par ces débats. Aurez-vous l'humilité de changer d'avis, pour Lucas et sa famille ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées des groupes CRCE, SER et UC, ainsi que du RDPI et du RDSE)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Quand un enfant met fin à ses jours, il n'y a pas de mots pour dire l'émotion, le chagrin, la douleur... (La voix du ministre se brise sous le coup de l'émotion.) Que voulez-vous que je vous dise ?

J'adresse mes pensées les plus émues à ses parents, à ses proches, à ses amis. La lutte contre le harcèlement scolaire et l'homophobie doit demeurer une priorité du Gouvernement. Oui, l'homophobie tue. L'orientation sexuelle, mais aussi l'apparence physique, l'origine, les conditions sociales peuvent être des motifs de haine.

Au-delà du plan pHARe (programme de lutte contre le harcèlement à l'école), nous agissons pour changer les représentations qui alimentent la haine. La lutte contre l'homophobie passe notamment par l'éducation à la sexualité. Reconnaissons que ces enseignements ne sont pas correctement assurés aujourd'hui. Dès le mois de septembre, j'ai veillé à les rendre effectifs.

J'ai décidé que, dans chaque académie, des groupes de sensibilisation, de prévention et d'action contre la LGBTphobie seraient mis en place. Nous avons encore du chemin à faire. Cette question concerne tout le monde. Vous pouvez compter sur moi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, du GEST, du RDPI, du RDSE et des groupes INDEP et UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

« Larmes de sirène »

M. Joël Guerriau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées du groupe UC) « Larmes de sirène » pourrait être le titre d'un conte pour enfants, d'une fable, d'un film féerique. En réalité, il s'agit de granulés de plastique à usage industriel, qui viennent souiller par millions nos côtes de Loire-Atlantique et de Vendée. Moins visibles qu'une marée noire, mais si petits et nombreux qu'ils ne peuvent toutes être ramassés, ils se dégradent en microplastiques, ensuite ingurgités par les poissons qui se retrouvent dans notre alimentation. C'est un enjeu de santé publique.

La loi française limite l'usage de ces microplastiques, mais l'essentiel de la pollution que nous connaissons provient du transport maritime. Or nous n'avons aucun moyen d'agir, puisque les containers perdus en mer ne sont pas déclarés : nous en ignorons l'origine. Que fait l'Organisation maritime internationale ? Quelles suites seront données aux plaintes des maires de Pornic et des Sables d'Olonne ? Comment faire évoluer la législation européenne ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe SER, du RDSE et du GEST)

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires .  - « Larmes de sirène » : le nom est poétique, mais c'est celui d'un cauchemar. Des dizaines de tonnes de granulés s'échouent sur nos plages, l'équivalent de dix milliards de bouteilles de plastique. Ces billes sont ingérées et se diffusent dans tous les écosystèmes.

La France figure parmi les pays les plus ambitieux sur le sujet : depuis le 1er janvier 2022, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) oblige les entreprises, les sites industriels et les ports, comme les plateformes logistiques, à collecter et ramasser ces billes et à installer des grilles et des séparateurs.

Mais l'origine de la pollution des côtes est internationale. Au printemps, nous accueillons la prochaine session de négociation du traité international pour éliminer la pollution plastique. Ce sera l'occasion d'aborder le sujet. J'étudie la possibilité que le ministère s'associe à la plainte des maires, car nous partageons tous la même ambition : préserver la biodiversité. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du RDSE)

Réforme des retraites (I)

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Franck Menonville et Alain Cazabonne applaudissent également.) Madame la Première ministre, le 10 janvier dernier, vous avez enfin présenté votre projet de réforme des retraites, dans l'objectif louable de sauver notre système par répartition. Il eût été irresponsable de reporter ce débat.

Or un acteur négligé s'est invité dans la discussion : le déclin démographique de notre pays. De 820 000 naissances annuelles, il y a dix ans, nous sommes passés à 720 000 l'année dernière. Il est probable que le mouvement perdure.

Certes, notre taux de fécondité est le plus élevé d'Europe, mais il ne suffit pas à assurer le renouvellement des générations, alors que 53 % des mères déclarent qu'elles auraient voulu avoir plus d'enfants. Allez-vous vous résigner à ce naufrage qui compromet l'avenir de notre régime de répartition ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Nous pensons comme vous qu'il y a urgence : le déficit de notre régime sera de 15 milliards d'euros en 2030 et de 25 milliards en 2040 ; il faut équilibrer le système, tout en améliorant les droits de certains assurés.

Vous affirmez également que la question démographique s'invite dans le débat sur les retraites.

M. Gérard Longuet.  - C'est la base !

M. Olivier Dussopt, ministre.  - J'estime qu'elle y est depuis longtemps, et que c'est la principale explication du déficit. Dans les années 1970, nous avions trois cotisants pour un retraité ; aujourd'hui, c'est 1,7 et, à l'horizon 2050, nous pourrions tomber à 1,2.

C'est bien pourquoi nous proposons la possibilité de valider les trimestres liés à la maternité ou à la parentalité, mais aussi de prendre en compte les trimestres cotisés au titre de l'assurance vieillesse pour les parents au foyer. Nous levons ainsi les freins à une vie familiale épanouie.

En lien avec le Conseil d'orientation des retraites (COR), nous travaillerons à l'harmonisation du calcul des droits familiaux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Gérard Longuet.  - Je vous suggère une voie complémentaire : l'amour de la famille (Marques d'ironie à gauche) : la famille qui transmet la langue, la culture, les valeurs, la famille qui transmet la vie ! (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Alain Cazabonne et Mme Sonia de La Provôté applaudissent également.)

Soutien militaire à l'Ukraine

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Depuis onze mois, l'Ukraine subit une guerre dévastatrice. L'Union européenne dénonçait encore ce week-end un nouveau crime de guerre : la frappe russe contre un immeuble qui a fait au moins quarante morts. Nous songeons également au drame dans lequel le ministre de l'intérieur ukrainien a perdu la vie ce matin.

Face à l'intensité du déploiement militaire russe, l'Ukraine est insuffisamment dotée. C'est pourquoi le Royaume-Uni annonce la livraison de quatorze chars lourds Challenger 2 et de trente obusiers. La Pologne attend le feu vert allemand pour exporter elle aussi des blindés.

La France conforte son aide militaire en livrant des chars de combat légers AMX-10 RC. Nous saluons ce geste, mais il est impossible de différer davantage la livraison de matériels blindés plus performants - chars lourds, missiles, lanceurs sol-air - , pour mieux protéger les civils.

Certes, cela demande une logistique et une formation d'ampleur, mais nous devons résister à l'ogre russe qui cherche la destruction et l'asservissement de son voisin slave. Monsieur le ministre, allez-vous compléter ces livraisons par des chars Leclerc et des systèmes anti-missiles ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Sébastien Lecornu, ministre des armées .  - J'associe le Gouvernement à votre message de condoléances à l'égard du peuple et du gouvernement ukrainiens.

Nous retenons trois critères pour toute cession d'armes. Premièrement, qu'elle réponde à une logique défensive, pour maîtriser l'escalade. Deuxièmement, qu'elle ne détériore pas notre modèle de sécurité et de défense, et votre commission des affaires étrangères y veille à travers ses auditions. (M. Christian Cambon acquiesce.) Troisièmement, le maintien en condition opérationnelle de ce qui a déjà été livré à l'Ukraine. L'un des dix-huit canons Caesar est désormais hors d'usage, et le maintien en condition des chars Leclerc est une question très sensible.

Le Président de la République a demandé au Gouvernement de fournir une réponse rapide. D'où la livraison des chars AMX-10, saluée par l'Ukraine. Il a également souhaité l'instruction de la cession de chars Leclerc à l'aune de ces trois critères.

Mais d'autres cessions peuvent être envisagées, comme des systèmes de défense sol-air pour les couches les plus élevées. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. François Bonneau.  - Je vous remercie pour votre réponse. L'Ukraine doit gagner cette guerre, il y va de l'avenir du monde libre. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du RDSE et du groupe INDEP)

Réforme des retraites (II)

Mme Éliane Assassi .  - Madame la Première ministre, vous présentez votre projet de réforme des retraites comme juste, solidaire et pérenne. Mais la réalité est tout autre.

Votre projet est injuste, puisque vous allongez la durée de cotisation à 43 annuités et repoussez l'âge de départ à 64 ans, pénalisant principalement les ouvriers et employés, ainsi que les femmes. Les salariés les mieux rémunérés capitaliseront davantage pour leur retraite, tandis que la grande majorité ne bénéficiera pas de la pension minimale. Les seniors, qui resteront au chômage plus longtemps, seront précarisés à l'extrême.

Votre projet ne sera pas pérenne, faute d'un changement de logiciel de financement. D'autres solutions existent, comme de taxer de 2 % la fortune des milliardaires. Vous avez versé 160 milliards d'euros aux entreprises sans contrepartie pendant la pandémie : ce « quoi qu'il en coûte » ne peut-il être décidé pour garantir une retraite sereine et en bonne santé ? Une juste répartition des richesses ou un CAC 40 gorgé de dividendes : c'est un choix de société.

Alors qu'il n'y a pas d'urgence extrême, vous avez choisi de passer par un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, afin de réduire la durée des débats parlementaires. C'est un super 49.3 que vous avez dégainé ! Des voix s'élèvent pour souligner l'inconstitutionnalité de votre démarche.

Injuste, cette réforme voulue par Macron est massivement rejetée. Avec l'ensemble des syndicats, la société tout entière est vent debout. Seuls le Medef et M. Ciotti vous soutiennent encore.

Dès demain, nous serons dans la rue, avec le peuple qui exige le retrait de votre projet ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que du GEST ; M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)

Mme Élisabeth Borne, Première ministre .  - Comme vous, je suis fermement attachée à notre système de retraite par répartition, un des piliers de notre modèle social. Comme vous, je veux que les jeunes d'aujourd'hui aient une retraite demain.

Nous sommes confrontés à des faits : le nombre d'actifs par rapport au nombre de retraités baisse. Ne rien faire, ce serait creuser les déficits, donc baisser les pensions ou augmenter les impôts, voire remettre en cause notre système.

M. Didier Marie.  - Augmentez les salaires !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - J'ai présenté un projet d'équilibre. Les Français qui le peuvent travailleront progressivement plus longtemps. (Protestations à gauche) Je mesure ce que cela représente pour beaucoup.

Les 43 annuités, c'est la réforme Touraine, votée en 2014.

Mmes Cécile Cukierman et Cathy Apourceau-Poly.  - Nous ne l'avons pas votée !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - Il faut le faire pour préserver notre système, mais nous n'avons pas prévu d'aller au-delà.

Dans la concertation avec les organisations syndicales et patronales...

M. Pierre Laurent.  - Les syndicats sont tous contre !

Mme Laurence Cohen.  - Ils seront dans la rue demain !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - ... et avec les groupes politiques, nous avons construit un projet juste et de progrès social. Nous améliorons le dispositif des carrières longues : celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt pourront bénéficier d'un départ anticipé de deux à six ans.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ce n'est pas nouveau !

Mme Élisabeth Borne, Première ministre.  - La difficulté de certains métiers sera mieux reconnue, à travers de nouveaux facteurs d'usure professionnelle. Nous prenons le tournant de la prévention et facilitons les reconversions. Les personnes en invalidité, incapacité ou inaptitude pourront partir à 62 ans à taux plein.

Quatre Français sur dix, souvent les plus modestes, pourront ainsi partir avant 64 ans. Et ce sont les 20 % de travailleurs les plus modestes qui auront le moins à décaler leur départ.

En outre, la pension minimale sera portée à 85 % du Smic net pour ceux qui ont une carrière complète au niveau du Smic. (M. Fabien Gay s'exclame.) Dès cette année, 2 millions de personnes bénéficieront d'une hausse.

Nous voulons assurer l'avenir de notre système par répartition, parce qu'il protège les plus modestes et assure une retraite digne à ceux qui ont travaillé toute leur vie. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP ; M. Pierre Louault applaudit également.)

Zones industrielles bas-carbone

M. Frédéric Marchand .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Zibac : ce n'est pas un talent émergent de la scène rap, mais l'acronyme des zones industrielles bas-carbone, destinées à accompagner les territoires industriels dans leur transformation écologique.

Deux premières zones viennent d'être annoncées dans le cadre de France 2030 : les zones industrielles et portuaires de Dunkerque et de Fos-sur-Mer, qui recevront 17 millions d'euros pour réduire leur impact en matière de CO2. Je salue cette politique visant à créer une synergie entre engagement pour le climat et réindustrialisation au service de notre souveraineté énergétique et de l'emploi.

Pour le Dunkerquois, naguère considéré comme un territoire relégué, c'est une exceptionnelle opportunité. Le territoire est aujourd'hui un modèle de transition inspirant. L'espoir et la fierté sont de retour, et près de 16 000 emplois sont attendus en dix ans. Déjà le site d'ArcelorMittal a mis en place un processus de recyclage de l'acier. Ce travail est colossal et exaltant.

Pouvez-vous préciser les actions envisagées sur les sites retenus et leur lien avec le futur projet de loi pour l'industrie verte ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Nous avons devant nous un immense défi : l'industrie verte et la décarbonation industrielle. C'est l'occasion, historique, d'inverser la tendance de trente années de délocalisations en relançant notre industrie sur une base décarbonée.

Le Gouvernement, tous les élus de la République et les associations doivent se mobiliser ensemble pour relever ce défi, qui est aussi une bataille face à la Chine et aux États-Unis, avec leur Inflation Reduction Act.

Roland Lescure et moi-même avons annoncé deux premières zones industrielles à faibles émissions. Nous en annoncerons une dizaine d'autres d'ici quelques semaines.

Deux autres actions stratégiques doivent être menées.

D'abord, nous devons avoir une énergie décarbonée au prix le plus faible possible. C'est ce qui justifie la relance de notre secteur nucléaire, un atout stratégique. (Protestations sur les travées du GEST)

Ensuite, le Gouvernement vous présentera un projet de loi sur l'industrie verte pour améliorer les soutiens financiers. Nous devons réfléchir à des crédits d'impôt pour donner de la visibilité à notre industrie. (Protestations sur les travées du groupe CRCE) Nous travaillerons aussi à la relance des qualifications et à la valorisation des métiers industriels. Nous réfléchirons à la manière de réserver nos soutiens à des productions européennes.

C'est ainsi que la France retrouvera son rang de grande puissance industrielle. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)

Mise à contribution des fournisseurs d'énergie

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Daniel Salmon et Joël Labbé applaudissent également.) Voilà deux ans, j'interrogeai déjà Mme Pompili sur l'explosion des factures énergétiques. Aujourd'hui, la crise énergétique est alarmante.

Le marché européen devait faire baisser les prix, mais le libéralisme à outrance ne tient décidément pas ses promesses. En 2021, les tarifs de l'électricité avaient déjà augmenté de 60 % depuis l'ouverture du marché. Le conflit en Ukraine n'explique donc pas tout.

Les textes qui se succèdent, nationaux et européens, ne sont que des rustines finançant allègrement les fournisseurs alternatifs. Rien qui mette un terme aux dysfonctionnements du marché de l'énergie. La Chambre haute propose des solutions ; elles doivent être enfin prises en compte.

La Commission européenne va proposer une réforme dans les mois à venir. La France doit prendre toute sa part des négociations, sans éluder aucun sujet : décorrélation des prix du gaz et de l'électricité, rétablissement des tarifs réglementés pour les collectivités et les PME, préservation des concessions hydrauliques. L'Espagne et le Portugal ont réussi à faire baisser leurs factures d'électricité de 10 à 20 %. Nous devons également demander une dérogation temporaire pour fixer le prix de notre électricité en fonction de notre mix énergétique.

Reprendre la main en la matière nécessite un opérateur historique doté de réelles capacités d'investissement. Pouvez-vous nous éclairer sur les projets du Gouvernement à l'égard d'EDF ?

Il est temps de considérer l'électricité comme un bien commun, extrait des logiques d'un marché qui devient fou. Quelles seront les propositions de la France dans les négociations à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE et du GEST)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - Nous souscrivons à tous vos propos. (Exclamations amusées à gauche)

Faut-il taxer les énergéticiens parce qu'ils bénéficient d'une rente et qu'il faut bien payer le bouclier tarifaire ? Oui. Ils règlent plus de la moitié de la facture grâce à la contribution sur la rente inframarginale, qui rapportera 26 milliards d'euros cette année. (M. Fabien Gay s'exclame.)

Les fournisseurs doivent-ils contribuer au financement des 280 euros le mégawattheure que nous avons imposés pour les TPE ? Bien sûr. Je les recevrai la semaine prochaine pour les rappeler à leurs obligations.

Faut-il réformer le marché européen de l'énergie ? Nous avons engagé cette bataille depuis des mois !

MM. Serge Mérillou et Fabien Gay.  - Avec quels résultats ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous nous efforçons d'obtenir exactement ce que vous souhaitez et qui est juste. Le prix de l'énergie en France doit être payé selon le coût de production, et non selon le coût marginal de la dernière centrale à gaz, une formule obsolète.

Réjouissez-vous que nous ayons repris le contrôle à 100 % d'EDF. Nous estimons, comme vous, que l'énergie est un bien stratégique et que nous devons nous donner les meilleurs moyens d'être compétitifs au XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)

Situation des Ehpad

M. Christian Bilhac .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La Défenseure des droits vient de rendre publiques ses recommandations sur les droits des personnes âgées en Ehpad.

Face à des maltraitances persistantes, parfois systémiques, Mme Hédon propose plusieurs mesures d'urgence pour restaurer la confiance. J'y souscris et, modestement, en suggère une autre : le soutien au financement des Ehpad publics, qui ne cherchent pas le profit, mais un service de qualité avec des comptes équilibrés. Au coeur de nos territoires, ces établissements connaissent une situation financière dégradée ; leur capacité d'autofinancement est négative.

Cette situation résulte notamment d'évolutions des tarifs décidées avant la revalorisation du point d'indice et l'explosion de l'inflation. Sans oublier le sous-financement de mesures pérennes, comme le complément de traitement indiciaire et les mesures du Ségur.

Sans cela, les Ehpad publics ne pourront pas continuer à fonctionner, laissant au seul secteur privé la responsabilité de l'accueil des personnes âgées. Le maire de Frontignan m'a indiqué que les Ehpad publics de sa commune accusaient un déficit de 1,85 million d'euros au titre de l'année dernière.

Allez-vous mettre à jour le plan de solidarité grand âge, qui remonte à 2006, pour prendre en compte la situation des Ehpad publics ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Jean-Christophe Combe, ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées .  - Le secteur du grand âge n'est pas épargné par l'inflation, mais il peut compter sur un certain nombre de mesures de protection.

En fin d'année dernière, nous avons délégué 440 millions d'euros de crédits supplémentaires aux agences régionales de santé pour soutenir les établissements. Nous avons prévu une hausse de 5 % des dotations de soins pour 2023, notamment pour compenser les augmentations salariales. Nous avons étendu à ces établissements le bouclier tarifaire sur l'électricité et le gaz, avec effet rétroactif au 1er juillet 2022.

Nous avons ainsi évité un certain nombre de défaillances d'établissements. J'ai demandé aux ARS de veiller à soutenir les établissements en difficulté, notamment publics. Je travaille avec l'Assemblée des départements de France sur une augmentation des tarifs hébergement et dépendance. Il faut concilier juste financement des établissements et accessibilité de l'offre, notamment pour les bénéficiaires de l'aide sociale.

De manière plus structurelle, nous devons améliorer l'attractivité des métiers et les taux d'occupation. Nous y travaillerons ces prochains mois dans le cadre du Conseil national de la refondation sur le bien vieillir. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Coût de l'énergie

Mme Martine Berthet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Chaque jour, nous sommes alertés par des élus, des artisans, des commerçants, touchés de plein fouet par la flambée des prix de l'énergie. Les TPE et les PME du monde rural subissent une hausse de leurs charges et des coûts de transport très lourds. L'Assemblée des départements de France a demandé la restauration de l'autonomie de ces collectivités, mais aussi la sortie du marché européen de l'électricité. C'est légitime, pour conserver de la vie dans nos territoires.

Au-delà de l'indemnisation des collectivités et entreprises, il est essentiel de prendre des mesures fortes, comme la décorrélation des prix du gaz et de l'électricité. D'autant que la France produit une électricité peu chère grâce au nucléaire et à l'hydroélectricité. Ne mettons pas le pays en danger pour préserver, quoi qu'il en coûte, un marché européen de l'électricité qui s'est retourné contre nous. Le Gouvernement entendra-t-il cet appel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Les ménages français et les TPE bénéficient du bouclier énergétique et du plafonnement des tarifs, mesures les plus puissantes d'Europe. Ces dispositifs sont essentiellement financés par la récupération des profits des producteurs d'électricité, qui bénéficient d'une hausse des prix sans rapport avec leurs coûts de revient.

Mais vous avez raison d'appeler à une réforme en profondeur du marché européen de l'électricité, combat que nous menons depuis plusieurs mois.

M. Fabien Genet.  - Sans résultat !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - La Commission européenne a partagé un cadrage de cette réforme qui va dans notre sens.

Mme Sophie Primas.  - Non !

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - Elle soumettra dans les plus brefs délais un projet de texte. Sachez que nous sommes à la manoeuvre.

M. Fabien Genet.  - Cela ne rassure pas les entreprises !

M. le président.  - Il faut conclure.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre.  - C'est le sens des projets de loi en cours d'examen sur les énergies renouvelables et le nucléaire. Mais pour obtenir un juste prix de l'électricité, encore faut-il en produire. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Martine Berthet.  - Tout cela est trop long : venez dans les territoires, les entreprises ferment. Il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Directive sur les travailleurs des plateformes

M. Olivier Jacquin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Au printemps 2021, je défendais une proposition de loi instaurant une présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, rejetée d'un revers de main par Élisabeth Borne, alors ministre du travail.

Depuis, la Commission européenne a proposé, sous l'impulsion de Nicolas Schmit, une directive reprenant ce principe. Le Parlement européen devrait se prononcer dans les prochains jours.

La France est isolée au sein du Conseil. Alors que le Président de la République se fait le chantre de la construction européenne, et que la présomption de salariat, véritable avancée sociale, se diffuse, quand allez-vous changer de position ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du GEST)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Le droit français est fixé dans deux ordonnances issues de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Depuis, la Commission européenne a élaboré un projet de directive.

Lors du dernier Conseil des ministres européens du travail, le 8 décembre, aucune majorité ne s'est dégagée. La position de la France était soutenue par une douzaine de pays : nous n'avons pas la même définition de l'isolement, monsieur le sénateur ! Les travaux devraient aboutir en fin de second semestre 2023. Nous essayons de trouver une solution garantissant le droit des travailleurs des plateformes, dans le respect des législations nationales.

Fin octobre, j'ai installé un groupe de travail : tout à l'heure, avec Clément Beaune, nous assisterons à la signature du premier accord social visant à garantir un tarif minimal pour les courses, soutenu par 70 % des chauffeurs.

Cet accord est la démonstration que nous pouvons agir : marions l'indépendance, l'entrepreneuriat et la protection des droits sociaux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Jacquin.  - Votre réponse ne m'étonne pas : votre doxa du dialogue social consiste à défendre les plateformes plutôt que les travailleurs, qui connaissent une précarité extrême. Votre politique, c'est le laisser-faire qui débouche sur un tiers-statut. Une infime partie des chauffeurs a voté aux élections professionnelles. Quant à l'accord, quatre organisations sur sept et les deux syndicats ne l'ont pas signé. Réforme des retraites, réforme de l'assurance chômage, ubérisation : votre Gouvernement est bien celui de la régression sociale en France et en Europe ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Guichet unique

M. Serge Babary .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Qu'il est compliqué de simplifier ! Préconisée par Olivier Cadic dans un rapport d'avril 2018, la fusion des 1 400 guichets des six pôles de services aux entreprises a été actée par la loi Pacte de mai 2019. Le choix de l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi) a surpris : on ne passe pas aisément de 15 000 brevets par an à 5 millions de formalités d'entreprises.

On ne simplifie pas en numérisant sans alléger les procédures. En 2022, dysfonctionnements et blocages ont été légion. Depuis le 1er janvier 2023, le site est la voie unique obligatoire, mais une attaque informatique l'a bloqué du 3 au 7 janvier. Quand ce service fonctionnera-t-il correctement ? Quand nos entrepreneurs pourront-ils enfin se concentrer sur la production de valeur plutôt que de renseignements administratifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique .  - La création d'un guichet unique est une bonne idée : nous passons de six à un guichet, de 56 formulaires à un seul, de 70 % de démarches écrites à des démarches entièrement numérisées.

La situation actuelle n'est pas satisfaisante : une attaque cyber a saturé les serveurs avec 120 000 connexions par seconde. L'ergonomie reste aussi à parfaire. Nous avons demandé au directeur de l'Inpi d'apporter des améliorations d'ici mars : il doit être simple d'accès pour tous les entrepreneurs.

M. Serge Babary.  - L'État a été prévenu très en amont : dès l'automne dernier, les remontées de terrain étaient très alarmantes. Nous avons multiplié courriers, questions écrites, tables rondes. Il faut aussi améliorer la protection du site contre les cyberattaques. Un arrêté du 28 décembre 2022 a été pris en catastrophe pour instaurer une procédure de secours et les réseaux consulaires sont contraints de jouer les pompiers en raison de ce lancement raté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Harcèlement scolaire (II)

M. Jean Hingray .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe INDEP) Il y a quelques jours, dans les Vosges, Lucas, 13 ans, se donnait la mort, victime de harcèlement scolaire parce qu'il était homosexuel. Sa famille avait pourtant alerté le collège en septembre, mais cela n'a pas suffi. Mes pensées vont vers ses parents. J'y associe notre collègue Daniel Gremillet.

D'après le rapport de nos collègues Mélot et Van Heghe, 10 % des élèves seraient victimes de harcèlement, un quart d'entre eux songeant à se suicider. En 2021, vingt-deux enfants ont ainsi mis fin à leurs jours.

Votre prédécesseur, monsieur le ministre, m'avait répondu en évoquant le programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l'école. En novembre, vous en avez souligné les excellents résultats. Permettez-moi d'en douter : ce programme est appliqué dans le collège de Lucas...

On peut s'interroger sur les moyens mis en oeuvre et sur l'efficacité du pôle national de lutte contre la haine en ligne. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, sur quelques travées du groupe INDEP et du GEST, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe SER ; M. Gérard Longuet applaudit également.)

M. Pap Ndiaye, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Lucas est une victime de plus du harcèlement scolaire, en l'occurrence homophobe. Signalée par ses parents, sa situation avait été prise en charge par le collège Louis Armand de Golbey, dans votre département des Vosges, mais cela n'a pas suffi. Une enquête est en cours. La loi Balanant, qui fait du harcèlement scolaire un délit, a permis une prise de conscience de la gravité de ce phénomène : un élève sur dix est victime de harcèlement au cours de sa scolarité.

À la rentrée, nous avons généralisé le programme pHARe, qui était expérimenté dans six académies où il a donné de bons résultats : création d'équipes d'élèves ambassadeurs, formation de personnels référents, communication sur les numéros 3020 et 3018. C'était ce que recommandaient les sénatrices Mélot et Van Heghe. Le cyberharcèlement prolonge effectivement le harcèlement scolaire et les plateformes doivent faire davantage. Les communautés éducatives doivent être plus protectrices et plus engagées, vous pouvez compter pour cela sur le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Claude Kern applaudit également.)

M. Jean Hingray.  - Mme Brigitte Macron disait encore il y a peu : tous les jours, je pleure. Les larmes ne suffisent plus, il faut agir. Notre jeunesse compte sur vous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Lutte contre le trafic de drogue

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis des semaines, plusieurs quartiers de Marseille, mais aussi de Nantes, sont conquis par les trafiquants et le crime organisé. Des habitants se sont mobilisés pour empêcher l'installation des trafics et protéger leurs familles, en se relayant jour et nuit.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment des quartiers autrefois tranquilles se sont-ils transformés en Chicago-sur-Rhône ou en Bronx-sur-Loire ? Quand les citoyens doivent se protéger eux-mêmes, c'est le début de la fin de la civilisation : l'État recule, la loi de la République s'efface devant la loi du plus fort. Ces habitants subissent les conséquences de l'explosion de la délinquance des mineurs, de l'effondrement de la chaîne pénale, de la surpopulation carcérale et surtout de la banalisation de la drogue, le coeur du problème.

Seule la fermeté permettra d'obtenir des résultats. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à mener une guerre sans relâche contre ce fléau ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer .  - Je partage une partie de vos propos. Le ministre de la justice proposera prochainement un texte répondant à ces questions, notamment sur la chaîne pénale et l'action de nos tribunaux.

Vous avez raison : depuis une génération, nous assistons à une banalisation de la drogue. Les trafiquants, qui ne sont pas tous des mineurs, ont multiplié les points de deal, mettant des quartiers en coupe réglée.

Mais je ne puis laisser dire que l'État n'est pas au rendez-vous : dans votre département, son action se traduit par l'arrestation de 90 % de trafiquants en plus en un an, par un doublement des saisies de cannabis, de 2,8 à 5,7 tonnes, par une diminution du nombre de points de deal de 222 à 180 - ce qui reste beaucoup.

La mobilisation des habitants a été forte, celle des forces de police et de gendarmerie aussi. Une section de CRS est en continu dans ce quartier, dix interpellations ont eu lieu et le point de deal ne s'est pas installé. Je salue votre engagement et celui de la députée Agresti-Roubache.

Marseille manque de caméras de vidéoprotection, dont le Gouvernement assume pourtant 80 % du coût. J'espère que nous convaincrons le maire de Marseille d'aller plus loin, car cinquante caméras par an, ce n'est pas encore assez. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Stéphane Le Rudulier.  - Monsieur le ministre, je ne doute pas de la sincérité de votre engagement, mais il faut aller plus loin : construire des prisons pour rétablir la chaîne pénale, incarcérer systématiquement les primo-délinquants, en finir avec l'excuse de minorité (Quelques exclamations à gauche), extirper des esprits l'idée qu'acheter une barrette de cannabis, c'est comme acheter un tube de Doliprane. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; Exclamations ironiques à gauche)

M. Jérôme Durain.  - Cela coûte plus cher !

Réforme des retraites (III)

Mme Victoire Jasmin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis la présentation de votre projet de réforme des retraites, la colère gronde. Les Français sont inquiets, et vous ignorez les partenaires sociaux. Plus de 70 % des Français refusent cette réforme injuste et injustifiée. Vous avez humilié les syndicats ; l'absence de concertation s'apparente à du mépris. Le pays s'arrêtera, compte tenu du front syndical uni.

La France a besoin de sérénité après la crise sanitaire, mais vous avez fait le choix de la double peine, avec un report brutal de l'âge légal de départ à la retraite sans prise en compte de la pénibilité, des carrières hachées, en particulier pour les femmes.

Pourquoi refusez-vous le dialogue social ? Pourquoi choisissez-vous le chaos en punissant les plus pauvres, les plus fragiles, notamment les femmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Éliane Assassi et M. Daniel Breuiller applaudissent également.)

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion .  - Je suis perplexe. Nous débattons collectivement de la question des retraites depuis plusieurs années, et surtout depuis quatre mois. Avec Mme la Première ministre, nous avons ouvert des concertations auxquelles ont participé toutes les organisations syndicales et patronales, des dizaines d'heures durant.

Le projet de loi a été amélioré par la concertation, sur la prise en compte de la pénibilité, avec 1 milliard d'euros et un suivi médical renforcé ; sur les carrières longues, pour permettre des départs anticipés pour les apprentis ayant commencé à travailler avant 18 ans (M. Jean-Marc Todeschini et Mme Monique Lubin protestent) ; sur l'emploi des seniors, sur l'indexation de la retraite minimale, sur la revalorisation des petites retraites après une carrière complète, sur les retraites agricoles, sur la retraite des parents au foyer, sur les départs anticipés.... Autant d'avancées permises par la concertation.

Je sais qu'il y aura une mobilisation demain, et que beaucoup de manifestants sont de bonne foi. Mais il faut lutter contre ceux qui diffusent de fausses informations. (M. Didier Marie s'exclame.)

Je suis perplexe d'entendre certains socialistes promettre une retraite à 60 ans, qui coûterait 85 milliards d'euros - même votre président de groupe a parlé d'accord bricolé sur un coin de table ! (Protestations sur les travées du SER) Vous qui avez voté l'allongement de la durée de cotisation à 43 ans, vous saurez, j'en suis persuadé, vous retrouver dans l'accompagnement que nous mettons en place.

Mme Victoire Jasmin.  - C'est moi qui suis perplexe : pourquoi ne vous attaquez-vous pas aux superprofits ? (Ironie à droite) Pourquoi ce mépris envers les syndicats ? Vous parlez de concertation, mais, demain, ils seront dans la rue ! C'est que vous ne les avez pas entendus.

Madame la Première ministre, j'espère que le dialogue leur donnera enfin satisfaction, et que les femmes et les plus fragiles ne seront pas la variable d'ajustement ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Production de pommes

M. Jean-Baptiste Blanc .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « Mangez des pommes », c'est fini : nos vergers sont en danger, nos pomiculteurs à l'agonie. Hausse des coûts de production, baisse des rendements, baisse inéluctable du pouvoir d'achat par les grossistes et les grandes surfaces : c'est un véritable massacre à la tronçonneuse. Le coût du stockage augmente de 400 % !

Après les aléas climatiques de 2022, les pomiculteurs sont acculés par la crise énergétique. Le prix d'achat de la grande distribution est de 30 centimes d'euros le kilo, pour un coût de production de 45 centimes. Le bon prix, ce n'est pas le prix le plus bas, mais le juste prix, celui qui permet au producteur de vivre dignement. (M. Olivier Véran approuve.)

Alors que le Gouvernement vient d'annoncer un plan de souveraineté pour la filière fruits et légumes, il serait inconcevable de ne pas réagir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement .  - Je vous prie d'excuser l'absence de Marc Fesneau, qui est avec les pomiculteurs au salon des productions végétales à Angers.

Nous sommes conscients des difficultés : hausse des coûts, négociations commerciales difficiles, manque de main-d'oeuvre, concurrence de la Pologne.

Les producteurs demandent une augmentation de 20 centimes du prix du kilo de pommes en grande surface, essentielle pour leur trésorerie. C'est tout l'enjeu de la loi EGalim 2, qui ne couvre pas les fruits et les légumes, à la demande de leurs producteurs - c'est un regret. Il faut y travailler, mais aussi assumer de dire aux Français que le bon prix n'est pas le prix le plus bas, mais le prix juste.

Comme le chantait Félix Leclerc, une pomme, c'est une fleur qui a connu l'amour ! (Sensation) Il faut valoriser ces fruits, mais aussi trouver des alternatives aux produits phytosanitaires pour lutter contre les pucerons et les champignons, ce qui est certes moins romantique... (Sourires)

Là aussi, il faut assumer un discours clair, mener les transitions avec un double objectif : protéger nos cultures et répondre aux enjeux sanitaires, environnementaux et aux attentes sociétales. Produire, oui, mais produire mieux. C'est tout le sens de la planification. Nous y travaillons au niveau européen, pour éviter de pénaliser nos producteurs. C'est l'objectif du plan de souveraineté fruits et légumes auquel travaille Marc Fesneau.

Enquête sur l'explosion du port de Beyrouth

M. Olivier Cadic .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je reviens de mon cinquième déplacement au Liban. En arrivant à Beyrouth, une odeur de fioul vous prend à la gorge. L'absence d'électricité m'a rappelé l'Ukraine. En trois ans, la livre libanaise a perdu 90 % de sa valeur, l'inflation sur un an s'élève à 162 %. La crise bancaire a ruiné les Libanais. Le Liban connaît un exode massif de sa population active. Le blocage politique du Hezbollah est reconduit depuis octobre.

Lors de ma visite, j'ai apprécié le travail remarquable de notre ambassadrice, Anne Grillo. Tous mes interlocuteurs ont loué l'action de la France : j'ai éprouvé un sentiment de fierté.

Ils décrient une élite qui entrave les enquêtes sur les dizaines de millions de dollars détournés de la banque centrale, mais aussi sur l'explosion du port de Beyrouth, qui a fait plus de 220 tués, 5 000 blessés et 80 000 déplacés.

Ils veulent que justice soit rendue : un crime impuni est un crime récompensé, m'ont-ils dit. Quels progrès peut-on attendre de l'arrivée sur place de juges européens, dont un Français ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; MM. Hussein Bourgi et Serge Mérillou applaudissent également.)

Mme Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Merci pour votre intérêt pour le Liban, pays cher à la France. La France a un seul but : le bien-être du peuple libanais.

Nous le soutenons sur le plan économique avec une aide de 100 millions d'euros. Nous l'appuyons aussi sur le plan politique, comme je l'ai fait en octobre dernier. Les responsables libanais doivent dépasser le blocage actuel, et un président doit être élu sans délai.

Des juges d'instruction français sont sur place, en effet : il ne m'appartient pas de commenter une affaire judiciaire.

L'explosion du port de Beyrouth fait l'objet d'une procédure distincte. Le Liban a fait le choix d'une enquête nationale : c'est une décision souveraine. La France reste disponible pour apporter son aide.

L'enquête est aujourd'hui bloquée, mais les victimes ont droit à la vérité. L'enquête doit être conduite de façon transparente et à l'abri de toute interférence politique. La justice doit être rendue. Je réponds bien volontiers à votre appel, monsieur le sénateur.

M. Olivier Cadic.  - Aucune solution, politique, économique ou sécuritaire, n'est envisageable tant que l'occupation iranienne du Hezbollah durera. N'oublions pas que 80 % des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)