Construction de nouvelles installations nucléaires (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

Explications de vote

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du RDPI) La France a attendu que les effets du réchauffement climatique se fassent sentir et que la sécurité de ses approvisionnements énergétiques se fragilise pour relancer le nucléaire. Que de temps perdu ! Il faut désormais rattraper vingt ans d'inertie.

Comme le disait John Fitzgerald Kennedy : « La victoire a cent pères, mais la défaite est orpheline. » Les débats ont révélé un oubli des responsabilités collectives, un rabâchage des excuses et des postures idéologiques.

Les revirements ne sont pas une spécificité française. L'Allemagne et la Belgique ont repoussé leur sortie du nucléaire, la Suède et les Pays-Bas le relancent tandis que la Pologne construit des réacteurs.

Notre mix énergétique doit être diversifié. Je regrette que le Sénat ait préféré la décarbonation. Plus le mix est diversifié, plus on maîtrise les incertitudes de l'accès aux matières critiques. Les énergies décarbonées ont des avantages et des inconvénients : nous faisons un pari complexe.

L'objectif d'un mix 100 % renouvelable en 2050 n'est pas tenable. Il serait à la fois coûteux et irréalisable, faute des ressources nécessaires pour pallier l'intermittence.

Gardons une certaine souplesse pour adapter notre politique énergétique au rythme des freins mais aussi des innovations.

Les choix du passé s'imposent pour l'avenir. On ne peut faire table rase : le mix électrique français repose à 70 % sur le nucléaire.

Nous devons aussi poursuivre nos efforts de sobriété pour éviter de sombrer dans la décroissance, alors que les nouveaux EPR2 ne seront pas disponibles avant 2035.

Ce projet de loi accélère les procédures administratives sans modifier les règles de fond en matière d'autorisations environnementales.

Une implantation sur les sites existants ou à proximité renforcera l'acceptabilité des projets. C'est le cas de la centrale du Blayais, chère à Nathalie Delattre.

Le texte a été complété au Sénat par l'intégration des réacteurs modulaires SMR, l'extension de la durée d'application des mesures de 15 à 27 ans, la prise en compte des observations des collectivités territoriales et l'amélioration de la consultation du public.

En revanche, la question de la fermeture du cycle du combustible est loin d'être réglée. Je regrette l'abandon du projet Astrid, réacteur de quatrième génération.

Si nous saluons une meilleure prise en compte du dérèglement climatique et des cyberattaques, nous regrettons que le périmètre des plans particuliers d'intervention n'ait pas été élargi.

Ce projet de loi ne comble en rien le retard accumulé depuis vingt ans et demeure symbolique dans son contenu.

Outre les difficultés de recrutement, il faudra préciser rapidement le financement. Quelle régulation du marché de l'électricité en Europe ? L'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), qui doit prendre fin en 2025, ne protège ni les consommateurs français, ni EDF, lourdement endettée. Le marché de l'énergie doit être réformé. On ne peut continuer à financer les fournisseurs alternatifs - la concurrence pour la concurrence - sans inciter à l'investissement. Il faut plus de solidarité et d'équité.

Parlons du calendrier : la concertation publique arrive soit trop tôt, soit trop tard, car nous ne disposons pas des études de faisabilité. Les objectifs actés dans la loi doivent être réalistes.

Le débat public se poursuit et le Parlement s'en saisira. Les amendements des rapporteurs supprimant le plafond de la part du nucléaire à 50 % en 2035 l'ont quelque peu préempté. Ce n'est toutefois pas une ligne rouge, et le RDSE votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Très bien !

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC ; M. Franck Menonville applaudit également.) Je remercie la conférence des présidents d'avoir retenu la procédure du scrutin solennel, qui appelle l'attention de notre assemblée sur ce texte crucial.

Technique en apparence, ce projet de loi se proposait d'accélérer des procédures toujours trop longues afin de gagner 56 mois sur la construction d'un réacteur nucléaire. La sécurité, la cybersécurité et les risques climatiques ont été mieux pris en compte grâce aux améliorations du Sénat, qui s'est efforcé de mieux associer les collectivités locales, notamment dans le cadre du zéro artificialisation nette (ZAN).

Nous avons apporté une sécurité juridique indispensable à l'allongement des procédures en passant de 15 à 25 ans. Cela évitera la paralysie des projets.

Ce projet de loi, enrichi par le Sénat, consolidera les projets, associera élus et habitants, et répondra à l'adaptation des anciens réacteurs.

Mme Jouanno, ancienne sénatrice et actuelle présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), déclare que le Sénat n'est pas dans son rôle et qu'il préempte la discussion nationale sur la stratégie nucléaire.

M. Daniel Salmon.  - Elle a raison !

M. Gérard Longuet.  - Elle aurait souhaité que nous nous taisions. Elle est en dehors des réalités. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Alain Cazabonne applaudit également.)

Dès novembre 2017, le Président de la République a remis en cause la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), en repoussant à 2035 le plafond de 50 % d'électricité d'origine nucléaire. Le débat est ouvert, mais il est lent. Son discours de Belfort en 2021 était positif ; le 10 février 2022, le Président nous a présenté un programme complet, avec sa faculté à parler interminablement de sujets qu'il est censé connaître parfaitement. (M. Antoine Lefèvre sourit.) Faut-il décarboner ou verdir ? L'urgence climatique exige de décarboner notre société. Pour cela, il faut électrifier.

La proposition du Président de la République de réduire de 40 % la production énergétique est irréaliste, même si son idée d'augmenter de 60 % la production électrique est pertinente. Pour cela, construire six EPR2 et huit éventuels ne suffira pas à maintenir la totalité des capacités existantes jusqu'en 2050. En tant que ministre de l'industrie, j'ai signé en 1994 pour le dernier réacteur. Ces réacteurs sont de bonnes bêtes, mais qui vont fatiguer.

Pour remplacer la moitié des réacteurs d'ici 2050, il en faudrait entre 20 et 25 supplémentaires, en sus des 14 prévus.

Je remercie Daniel Gremillet et Sophie Primas de leur ouverture.

Nous attendons avec impatience la loi qui précisera la stratégie énergétique du Gouvernement.

En 1975, nous avions le même débat au Sénat. J'étais alors commissaire du Gouvernement. Le 14 mai, le ministre Michel d'Ornano...

M. Marc-Philippe Daubresse.  - Cela nous rajeunit !

M. Gérard Longuet.  - ... indiquait que la stratégie revenait au Parlement, et la mise en oeuvre au Gouvernement. Je revendique cette stratégie. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées des groupes INDEP, UC, et du RDSE)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Alain Cazabonne et Mme Denise Saint-Pé applaudissent également.) Le général de Gaulle, en 1963, estimait que l'énergie atomique était le fond de l'activité de demain. Que de chemin depuis les prix Nobel des Curie et Becquerel ! Le nucléaire, c'est l'histoire de la France, de ses physiciens visionnaires et innovants. C'est une aventure industrielle, d'excellence et d'indépendance énergétique.

Le nucléaire fournit une électricité en continu, capable de s'adapter aux variations de la demande, qui sécurise l'approvisionnement énergétique des hôpitaux, entreprises et foyers.

Il ne reste que l'absolue nécessité de reconstruire une filière malmenée. Entre hésitations coupables et accidents spectaculaires, nous avons revu à la baisse nos ambitions. Si Ségolène Royal et ses acolytes ont manqué de vision (Mme Marie-Pierre de La Gontrie proteste), l'heure doit être à des choix clairs et forts. N'oublions pas que le nucléaire est notre principale source d'électricité décarbonée.

Avec nos 87 % d'électricité nucléaire en 2010, nous nous sommes reposés sur nos lauriers en négligeant les autres modes de production. Nous parlons de mix, mais nous dépendons toujours à 70 % des énergies fossiles. Il nous faut davantage de nucléaire et d'énergies renouvelables pour décarboner nos transports et nos modes de vie.

Je remercie la ministre et les rapporteurs pour leur travail lors du projet de loi d'accélération des énergies renouvelables (AER).

Certains se sont cachés derrière un argument chronologique, réclamant un vote préalable de la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Mais l'invasion de l'Ukraine nous a imposé des réponses rapides. Il nous faut simplifier, réduire les délais. Gagner du temps, ou en perdre moins, voilà l'enjeu !

Le groupe INDEP se félicite de la suppression de l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire à 2035, qui relève du fantasme.

La recherche et l'innovation dans l'hydrogène bas-carbone sont des objectifs à long terme.

Plusieurs garanties renforçant la sécurité des installations face au dérèglement climatique ont été ajoutées. Nous devons être toujours plus transparents et prévoyants car si l'opinion publique a évolué très favorablement, l'acceptation n'est pas totale. La sûreté nucléaire, pour laquelle la France a mis la barre plus haut que d'autres pays, doit rester notre priorité.

Les conditions sont réunies pour donner un second souffle à la filière nucléaire qui, avec l'énergie solaire, doit nous conduire à l'indépendance énergétique.

Mais nous devons aussi faire de la formation des ingénieurs une priorité. Environ 200 millions d'euros y sont consacrés depuis 2019. Le manque de compétences a ralenti la remise en service de nombreux réacteurs.

Le meilleur de l'innovation reste à inventer. Les récents succès américains sur la fusion ouvrent des espoirs.

Le redressement de nos comptes publics est directement lié à notre ambition en matière d'indépendance énergétique. Le nucléaire est l'une des sources d'électricité décarbonée les moins coûteuses à produire et offre à la France un prix de l'électricité parmi les plus bas d'Europe. N'écoutons pas les khmers verts ni les prédicateurs de la lampe à huile. Le groupe INDEP votera ce texte, symbole fort. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du RDSE et du groupe UC)

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte a changé de nature. Il traduit maintenant le programme politique des Républicains (protestations sur les travées du groupe Les Républicains et applaudissements sur les travées du GEST), avec le consentement du Gouvernement.

Ce projet de loi n'est pas une loi de programmation énergétique ; il n'était pas censé préempter des décisions sur l'avenir du mix énergétique français, avez-vous insisté, madame la ministre. Mais au détour d'un amendement, vous avez acté in fine le renoncement à l'objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d'électricité.

Nous regrettons cette décision grave. Le nucléaire demande une stabilité à toute épreuve à l'heure des instabilités climatiques. C'est un choix irréversible, fait au mépris du processus démocratique. Michel Badré, président du débat public sur la construction de nouveaux réacteurs, et Chantal Jouanno, présidente de la CNDP, déplorent ce procédé antidémocratique qui ignore les propositions des citoyens.

En supprimant cet objectif, on a modifié le code de l'énergie en transformant un plafond en plancher, ce qui change tout.

Cela s'accompagne de plusieurs mesures maximalistes, sans nuance, comme le prolongement de la durée d'application du texte jusqu'à 2050, la suppression du plafond de 63,2 gigawatts de capacité nucléaire installée, la qualification de projet d'intérêt général des projets d'entreposage de combustible nucléaire, ou encore le durcissement des peines pour intrusion dans les centrales.

Plutôt que de renforcer la sécurité des centrales, on préfère s'en prendre aux lanceurs d'alertes. Les militants de Greenpeace, par ces actions, alertent sur la sécurité des installations.

M. Stéphane Piednoir.  - Ben voyons !

M. Daniel Salmon.  - Casser le thermomètre ne fait pas descendre la fièvre.

Ce ne sont pas les procédures administratives qui font prendre du retard, mais le manque de compétences, mis en évidence par le fiasco de Flamanville. Avec de premiers réacteurs opérationnels en 2040, il sera déjà bien trop tard. Gagner quelques mois ne sert à rien.

Selon le Giec, les investissements dans la transition énergétique doivent être entrepris dans les dix ans. Pourquoi n'entendez-vous pas ces arguments ? Nous nous lançons à l'aveugle dans la construction de plusieurs EPR, pour plusieurs dizaines de milliards d'euros, alors que nous avons besoin de cet argent maintenant pour développer les énergies renouvelables et renforcer l'efficacité énergétique.

Les énergies renouvelables deviennent très compétitives, en intégrant les coûts de flexibilité et de stockage. Elles sont moins chères chaque année. À l'inverse, le nucléaire devient plus coûteux, sans parler des dettes en matière de déchets et de démantèlement.

Notons quelques apports positifs, à la marge, dont, à l'article 9 bis, une meilleure intégration de la cybersécurité et une meilleure prise en compte des risques climatiques. Mais les risques de vulnérabilité sont prévus sur un délai très court, sans prise en compte de la durée de vie des réacteurs, comme le demande l'autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Seul motif de satisfaction, l'adoption d'un amendement écologiste (quelques bravos ironiques) pour renforcer la sécurité des centrales situées dans les zones littorales ou vulnérables aux inondations. Il faut anticiper le risque de submersion et la baisse d'étiage des fleuves, qui vont devenir des sujets centraux.

Le GEST s'oppose tant aux modalités qu'aux objectifs de ce texte, qui détricote le code de l'urbanisme et le droit de l'environnement. Nous sommes clairement en Absurdie, éclairés par le dogmatisme. Le GEST déplore le manque d'investissement dans les énergies renouvelables, seules capables de répondre aux difficultés. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Bernard Buis .  - (Mme Patricia Schillinger applaudit.) Le 18 janvier, après sept heures de débat, nous avons achevé l'examen de ce texte. Certains ont considéré que les débats n'avaient pas été assez nourris : ils ont surtout témoigné de la convergence des vues sur ce texte technique. L'inflation des amendements a été évitée, ainsi que de débats de fond sur notre mix énergétique, renvoyés à la loi de programmation de l'été prochain.

Au nombre des désaccords de fond sur ce texte, la suppression, par la majorité sénatoriale, de l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique à 50 % d'ici 2035, ainsi que la suppression du plafond autorisé d'électricité nucléaire de 63,2 GW. La question n'est pas de savoir si nous sommes contre ou pour la relance du nucléaire - j'y suis personnellement très favorable ; mais pourquoi vouloir balayer les consultations en cours ? Est-ce de l'impatience ? La volonté de marquer un positionnement politique ?

Accédant aux voeux de la majorité sénatoriale, le Gouvernement a fait voter un amendement en faveur d'un meilleur équilibre entre nucléaire et renouvelable, mais deux consultations publiques sont en cours par ailleurs. À ce jour, 31 000 contributions ont été reçues. La concertation s'est poursuivie lors d'un forum des jeunesses à Paris, tandis que la CNDP tient une autre consultation jusqu'au 27 janvier. Il n'est pas respectueux de ne pas en tenir compte, de considérer sans intérêt les remarques et propositions des citoyens.

Mme Sophie Primas.  - Ce n'est pas vrai !

M. Bernard Buis.  - Nous attendons que la navette parlementaire revienne sur ces dispositions. Nous regrettons que le Sénat ait mis du plomb dans l'aile aux objectifs de simplification, notamment à l'article 3, qui crée quasiment un nouveau régime d'autorisation. Les dispositions visant à soumettre à autorisation les ouvrages de raccordement ralentiraient également les constructions.

Nous avons soulevé dix points d'alerte, mais nos dix amendements ont été rejetés. Dont acte ; nous espérons que l'Assemblée nationale y sera plus réceptive.

En responsabilité, nous voterons ce texte, afin de reprendre la grande aventure du nucléaire civil : Penly en 2035 et 2037, puis Gravelines et la vallée du Rhône. J'espère de nouveaux EPR à Tricastin, où tout un bassin d'emploi est prêt à se retrousser les manches. Il est question de recruter entre 10 000 et 15 000 personnes par an d'ici 2035. Quelque 200 millions d'euros ont été consacrés à la formation dans la filière. À La Voulte-sur-Rhône, en Ardèche, un centre formera aux différents métiers du nucléaire.

Ce projet de loi sera essentiel pour accélérer et dépoussiérer des procédures datant pour certaines de cinquante ans. Votons ce projet de loi, rien que ce projet de loi, tout ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Franck Montaugé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Fabien Gay applaudissent également.) Nous sortons de cinq années de tergiversations au plus haut niveau de l'État, débouchant en février 2022 sur la commande de six EPR2 et la mise à l'étude de huit supplémentaires, au mieux pour 2035, sans consultation démocratique de nos compatriotes.

Madame la ministre, nous vous avons interpellée sur la nécessité d'un débat approfondi sur l'équilibre du mix énergétique, en vous rappelant la situation alarmante d'EDF. Quelle stratégie ? Quels moyens financiers ? Quels objectifs ? Quelle réforme du marché européen ? Celui-ci a fait la preuve de son inadéquation.

Nous ne voulions pas que ce texte soit le prétexte à un pseudo-débat d'affichage sur une partie du mix énergétique de la France.

Sans débat de fond, la majorité sénatoriale a élargi le périmètre du texte. Nous y sommes opposés, car ce sujet ne peut être traité en quelques heures, au détour d'un texte qui ne lui est pas pleinement consacré. Convenez-en, une solide étude d'impact basée sur les travaux de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ou de Réseau de transport d'électricité (RTE) est nécessaire ! Rien sur le seuil des 50 %, ni sur celui des 63,2 GW...

Nous ne sommes plus dans les années 1970. Ce débat concerne les Français, qui, comme le prévoit la Charte de l'environnement, ont à connaître et à discuter des politiques énergétiques et climatiques. Nous devons respecter les débats de la CNDP sur la composition de notre mix, ainsi que la dimension participative de notre démocratie, sans anticiper le contenu de la future loi quinquennale. Le mix devra résulter d'un optimum combinant les différents modes de production et tenant compte de leurs impacts spécifiques, sans écarter priori aucun moyen de production d'énergie décarbonée.

Nous devrons nous doter de filières industrielles dans les territoires. La formation et la reconnaissance des métiers devront être notre priorité.

Les possibilités de prolongation des réacteurs pèseront lourd dans le mix retenu. Les procédures ne sont pas instruites par l'ASN, et beaucoup d'incertitudes technologiques restent à lever.

Soyons réalistes, afin de prendre une position éclairée qui vaudra sur le long terme. Tous nos amendements de retour au périmètre initial ont été rejetés. Nous avons néanmoins obtenu une meilleure prise en compte des aléas climatiques extrêmes, qui conditionnent la sécurité du parc, ainsi que le renforcement des moyens de l'ASN et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Sur les procédures dérogatoires prévues, je salue le renforcement du dialogue avec les élus locaux et la consultation du public.

Ce texte hybride traite des procédures, mais aborde partiellement le mix énergétique. Sa portée est à relativiser : il permettra au mieux de gagner une année, après que le pays en a perdu cinq !

Le groupe SER s'abstiendra. Nous vous demandons, madame la ministre, d'engager sans tarder un processus de révision du mix énergétique national. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)

M. Fabien Gay .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Dès la discussion générale, nous avons émis des réserves. Sur la forme d'abord, puisque rien n'a changé dans votre méthode, madame la ministre. Nous vivons une crise sans précédent : le système concurrentiel, qui n'a jamais tenu par lui-même, s'effondre. Il a toujours fallu intervenir pour qu'un semblant de concurrence émerge : fournisseurs alternatifs dopés par les aides de l'État, traders et spéculations invités dans le marché, échanges sans stocks, factures sans lien avec le mix national... Un fiasco pour l'investissement et le développement des énergies décarbonées.

Personne n'ignore cette situation et nul n'est épargné, en particulier les petites entreprises.

Mais un choc n'est pas une fatalité : en changeant de logiciel, on peut rebâtir quelque chose. Ce n'est pas l'approche retenue. Vous continuez à vouloir traiter partiellement les enjeux, texte par texte, sans remettre en question le cadre global.

Les sensibilités politiques sont différentes, mais tous, au Sénat, vous ont reproché la méthode : six mois avant la PPE, vous nous présentez un texte accélérant les procédures. Signe que vous considérez le Parlement comme une chambre d'enregistrement, que la Constitution vous impose de consulter... Vous estimez que le mieux serait de ne pas amender. Pourtant, la filière nucléaire n'a pas souffert des délais administratifs, mais bien des atermoiements des gouvernements successifs. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

Nous soutenons le développement du nucléaire, mais en respectant démocratie et sécurité. Alors que le débat public n'est pas achevé, accélérer n'est pas sérieux. Les projets vont s'étendre sur un siècle ; il faut prendre le temps de la concertation et de l'acceptabilité !

Si le Parlement devait retenir le scénario de 100 % énergies renouvelables dans la PPE, nous aurions perdu notre temps ! Vous avez d'ailleurs passé huit minutes sur onze à nous expliquer ce dont nous ne devions pas parler - à savoir l'essentiel !

Financement du nucléaire ? Interdit d'en parler ! Future architecture du groupe EDF ? Idem ! Le groupe a 60 milliards d'euros de dette, pour l'essentiel dus à l'Arenh, mais on nous demande de passer notre chemin en nous disant que les concertations ont déjà commencé.

Ce système est absurde. Allez-vous continuer à ruiner EDF avec l'Arenh ?

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Fabien Gay.  - Le service public continuera-t-il d'être racketté au profit d'acteurs alternatifs privés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, sur plusieurs travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

M. Fabien Gay.  - Êtes-vous pour le maintien des tarifs réglementés, qui arrivent à échéance le 30 juin, ou non ?

Pas un mot sur la sécurité des travailleurs de la filière, qui subissent des sous-traitances en cascade. Ils ne rêvent pas tous du statut des industries électriques et gazières (IEG), dites-vous. Nous ne devons pas rencontrer les mêmes... Nous souhaitons que ce statut soit élargi à tous. Il y va de leur sécurité, et aussi de la nôtre, et de la reconnaissance de leur travail. Si Flamanville a pris dix ans de retard, c'est dû à la casse des métiers et à la sous-traitance. Comme pour les énergies renouvelables, nous défendons un nucléaire de haut niveau, et non un low cost.

Pour nous, l'énergie est un bien commun qui doit être sorti des griffes du marché. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur quelques travées du groupe SER ; Mmes Anne-Catherine Loisier et Nathalie Goulet applaudissent également.)

Mme Amel Gacquerre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Quelque 62 % de notre consommation d'énergie repose sur les énergies fossiles, massivement importées. Le conflit russo-ukrainien a mis en avant notre dépendance.

Sans énergie, point de transport, de développement industriel, d'agriculture... Peu d'activités humaines seraient possibles.

Et pourtant, il a fallu une crise en Europe pour que le sujet soit enfin abordé, dans l'urgence. Face aux enjeux de souveraineté et d'environnement, le nucléaire doit être le fer de lance de la politique énergétique française pour les trente prochaines années : nous n'avons pas le choix. Seul le nucléaire nous permettra d'envisager un avenir plus serein.

Ce projet de loi technique laisse cependant plusieurs zones d'ombre. Ne nous attardons pas sur le joyeux désordre du calendrier choisi : l'automne a été réservé aux énergies renouvelables, l'hiver au nucléaire, et le début de l'été à une loi de programmation aux contours inconnus... C'est illisible, ou pire, incohérent.

Des questions centrales, sur le financement des investissements par exemple, ne sont pas abordées. Quid des réacteurs existants, qui ne tourneront pas sans fin ? Quid de la formation des professionnels ?

Selon RTE, notre mix énergétique devra être composé à 55 % d'électricité, contre 25 % aujourd'hui. Or 70 % de cette électricité repose sur le nucléaire. Le compte n'y est pas : il nous faut être plus ambitieux. Les quatorze réacteurs évoqués augmenteraient légèrement nos capacités de production tout en palliant la fermeture des réacteurs construits dans les années 1970 et 1980.

Le travail sénatorial a consolidé l'assise juridique des projets. Je salue le travail des rapporteurs Gremillet et Martin, mené en un temps record. Le Sénat a supprimé l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici 2035, ainsi que le plafonnement de la capacité de production d'électricité nucléaire introduit en 2015, qui était un non-sens devant le défi de la réindustrialisation. L'horizon 2050 a été retenu pour doter le nucléaire d'une vision sur le long terme et donner envie à nos jeunes de se former. Les collectivités territoriales seront mieux prises en compte lors de la création de nouveaux réacteurs : nous devons bâtir notre stratégie avec les acteurs locaux.

Enfin, le réexamen des réacteurs au-delà de 35 ans de fonctionnement est inévitable afin d'assurer le bon entretien du parc et d'apaiser les polémiques, alors que le risque de délestage reste d'actualité.

L'année 2023 doit être celle de la relance du nucléaire français, parallèlement au développement des énergies renouvelables. Nous serons vigilants, lors de l'examen de la PPE, à ce que le Gouvernement passe des paroles aux actes, sans éluder la question de l'approvisionnement en uranium, des déchets, de la sûreté et de la recherche et développement

Nous voterons ce texte amendé, car il participe de la relance de la filière en France, mais ce n'est ni une carte blanche ni un blanc-seing. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Jean Louis Masson .  - Si nous sommes confrontés à une crise économique et à une inflation galopante, c'est en grande partie parce que des responsables politiques ont torpillé notre programme nucléaire. L'explosion des coûts de l'énergie est due à des irresponsables qui ont voulu faire croire à la dangerosité du nucléaire. (Protestations sur les travées du GEST)

Ingénieur des mines, j'ai eu à contrôler les mines de charbon ; j'ai aussi été inspecteur des installations nucléaires.

M. Vincent Éblé.  - Qu'est-ce qu'on en a à faire ?

M. Jean Louis Masson.  - À quantité d'énergie égale produite, une mine de charbon est à l'origine de cinquante fois plus de morts !

M. Guy Benarroche.  - Et les irradiés ?

M. Jean Louis Masson.  - Nos collègues écologistes, par démagogie, ont fait du nucléaire un fonds de commerce politicien. (Protestations sur les travées du GEST ; applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) Ils savent pourtant que le meilleur moyen de lutter contre les émissions, ce sont des installations qui produisent de l'énergie en quantité et à bas coût, pas des moulins à vent... Si les éoliennes sont devenues rentables, c'est que le prix de l'électricité a doublé ! (Protestations sur les travées du GEST)

Les écologistes sont sympathiques lorsqu'ils sont des citoyens de base ; lorsqu'ils sont des politiciens, c'est une catastrophe ! (Rires à gauche comme à droite ; applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Ils pourrissent la vie de nos concitoyens. (On s'amuse sur les travées du GEST.)

Il faut relancer notre production d'électricité nucléaire. Cet excellent projet de loi, amélioré par le Sénat, y contribue : je le voterai. Il faut tourner au niveau maximal la molette du développement des centrales nucléaires ! (Rires ; M. Stéphane Ravier et Mme Christine Herzog applaudissent.)

L'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°110 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 255
Pour l'adoption 239
Contre   16

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique .  - Je vous remercie pour votre travail sur ce texte - à commencer par les rapporteurs et les présidents des deux commissions saisies.

C'est le deuxième texte énergétique examiné par le Parlement en trois mois ; j'y vois la marque de notre détermination collective à préparer l'avenir énergétique de notre pays, à sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et aux puissances étrangères parfois hostiles, pour produire une énergie décarbonée sur notre territoire. Notre dépendance aux énergies fossiles n'est pas nouvelle : elle dure depuis plus de cinquante ans !

Détermination, aussi, à soutenir le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité de nos entreprises ; à faire de la France un grand pays de l'énergie, souverain dans ses technologies et exportateur.

J'entends votre impatience à examiner la loi de programmation de l'énergie. Le débat public va s'achever ; la synthèse vous sera transmise par la CNDP pour que vous puissiez débattre en connaissance de cause.

Il ne me revient pas de donner notre vision de la PPE, puisque celle-ci viendra ultérieurement, mais je redis notre souhait de construire un mix énergétique sur trois piliers : baisse de la consommation d'énergie par la sobriété et l'efficacité énergétique, production d'électricité et de chaleur sur notre territoire, via les énergies renouvelables et le nucléaire. Je mettrai en place les groupes de travail très en amont de la prochaine PPE. Chacun doit pouvoir participer à ce débat stratégique. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente