Nationalisation du groupe Électricité de France

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.

Discussion générale

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie .  - Notre vision pour EDF est claire : l'énergéticien national est au coeur de la transition énergétique, comme en 1946, lorsque Marcel Paul, un ministre communiste, présidait à sa création. Ce monopole a conduit à l'électrification du pays et au deuxième parc nucléaire au monde. Notre mix énergétique est parmi les moins émetteurs de CO2 et les plus compétitifs au monde.

Depuis vingt ans, l'énergéticien national a été affecté par l'ouverture européenne, le sommet de Barcelone de 2002 libéralisant le marché de l'électricité et du gaz. Ce marché intégré a certes des défauts, mais c'est le plus gros système intégré en électricité au monde, grâce auquel on peut importer et exporter chaque jour. Ayant vécu une dizaine d'années au Québec, où depuis deux jours, un million d'habitants sont privés d'électricité, j'en mesure l'avantage.

EDF est et restera un instrument essentiel de la politique énergétique de l'État, et un champion à l'exportation.

Les défis d'EDF sont la production, la capacité opérationnelle et la conduite des grands projets industriels. Le groupe a besoin d'investir des dizaines de milliards d'euros par an, de retrouver sa maîtrise industrielle sur le nucléaire, et d'atteindre des objectifs ambitieux en matière de renouvelable, pour les trente prochaines années.

Pour cela, le Gouvernement a pris ses responsabilités. Il a toujours accompagné EDF dans ses recapitalisations, en 2017 et 2022. On n'a jamais autant investi dans le nucléaire que depuis 2017. Nous avons sécurisé le calendrier de l'EPR2, avec le projet de loi relatif au nucléaire, que vous avez voté en première lecture.

EDF est cependant une société endettée, avec de gros besoins d'investissement. C'est pourquoi nous avons lancé cet été une offre publique d'achat (OPA) pour prendre le contrôle à 100 % du capital. Avec cette nationalisation, nous renforçons les moyens d'EDF. L'OPA sera finalisée d'ici début juin.

Nous avons été surpris par cette proposition de loi, qui semble flirter avec les théories du complot à l'Assemblée nationale. (MM. Fabien Gay et Victorin Lurel protestent.) Ces angoisses n'ont pas lieu d'être. Bruno Le Maire l'a dit et je vous le répète : le projet Hercule est mort et enterré. Il n'y a aucun projet caché.

Je salue la commission et la réécriture du texte par le rapporteur.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Timeo Danaos et dona ferentes.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - La commission a supprimé les articles 1er et 3 prévoyant la nationalisation d'EDF, qui pouvaient fragiliser l'OPA en cours. Elle a réécrit l'article 2, qui rendait impossibles les opérations courantes de gestion d'actifs.

Elle a aussi modifié l'article 3 bis pour restreindre le périmètre d'extension des tarifs réglementés de vente aux TPE qui ne sont pas encore éligibles.

Nous avons matière à une discussion apaisée et constructive. Restent deux points de désaccord. L'article 2 inscrit dans la loi que l'État détient 100 % d'EDF, ce qui donne le droit au Parlement de se prononcer sur toute ouverture du capital. Cela ne pose pas de problème. En revanche, vous prévoyez d'ouvrir 1,5 % du capital aux salariés et ex-salariés. Mais l'OPA n'est pas encore terminée : il serait étrange d'acheter des actions aux salariés pour les leur revendre ensuite. Au demeurant, la situation financière d'EDF ne le permet pas. Nous vous proposerons toutefois de laisser cette possibilité ouverte, sans la rendre automatique, et ce dès le 1er janvier 2024.

Par ailleurs, vous étendez les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) à toutes les TPE.

M. Fabien Gay.  - C'est bien !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Mais cela coûte cher ! (M. Fabien Gay proteste.) Ce tarif avait vocation à protéger les particuliers et les TPE, qui ont une consommation faible. La consommation industrielle devait être aux tarifs de marché. Vous imposeriez une longue et complexe négociation avec la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et la Commission européenne, alors que notre objectif premier est de protéger les entreprises contre la crise énergétique.

Nous sommes évidemment en phase avec l'objectif de cette proposition de loi, telle qu'issue des travaux de la commission : un opérateur national de qualité pour les 77 prochaines années. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Emmanuel Capus et Pierre Louault applaudissent également.)

M. Gérard Longuet, rapporteur de la commission des finances .  - Nous examinons, dans l'enthousiasme, une proposition de loi du député Philippe Brun - élu dans l'ancienne circonscription de Pierre Mendès France - adoptée à l'unanimité ou presque à l'Assemblée nationale. Toutefois, cette unanimité cache un profond malentendu, et la commission des finances a tenu à apporter des modifications substantielles.

Mayotte apparaît mystérieusement, dans une demande de rapport sur son électricité, détenue conjointement par l'État et le département. Soit - nous ne pouvions faire mieux dans les délais.

Le groupe Les Républicains soutient les entreprises. La commission des finances a considéré que nous pouvions faire sauter le verrou des 36 kilovoltampères (kVa), qui interdit à certaines TPE de bénéficier du bouclier tarifaire. Aller plus loin aurait été dangereux juridiquement, tant au regard des énergéticiens que de l'Union européenne.

L'auteur de la proposition de loi craint un démembrement d'EDF. Il faut le remercier, car il nous oblige à réfléchir sur le marché de l'électricité tel qu'il vient d'être secoué et tel qu'il peut évoluer. C'est ce marché européen qui doit donner aux dirigeants d'EDF des indications sur les libertés dont ils doivent jouir.

J'ai le plus grand respect pour Marcel Paul mais nous ne sommes plus en 1946. Le marché de l'électricité est libre pour la production et pour la vente aux consommateurs, petits et grands. Personne en Europe ne songe à supprimer cette liberté.

Entre 2015 et 2020, le prix spot moyen a évolué entre 35 et 40 euros du mégawatt - à tel point que l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) à 43 euros a été très peu sollicité.

Quelles sont les priorités ? Décarboner ou verdir ? Dans le premier cas, il faut s'appuyer sur le nucléaire ; dans le deuxième, le nucléaire se heurte aux mêmes problèmes de financement qu'aujourd'hui.

À la lumière de la tragique invasion de l'Ukraine, acceptons-nous de placer l'indépendance énergétique au rang prioritaire qui doit être le sien, sur la lancée du programme nucléaire lancé par MM. Pompidou et Messmer en mars 1974 ?

Peut-on imaginer une organisation du marché qui dépende moins du spot, donc moins du coût marginal de la dernière source mobilisée, en général la lignite allemande ? L'électricité ne se stockant pas, la régulation est impossible et les écarts de prix, spectaculaires, sont insupportables pour le consommateur.

Fiers de notre réalisation nucléaire, nous aimerions en profiter sans être entraînés par le coût marginal des centrales à gaz allemandes. Cette révision du marché n'est qu'un préalable.

Ensuite, le démembrement d'EDF existe en partie ! (M. Fabien Gay le confirme.) Le transport et la diffusion sont aux mains de RTE et d'Enedis, qui doivent rester indépendants de tout utilisateur du réseau.

J'en viens à l'Arenh.

M. Fabien Gay.  - Ah !

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Il se termine en 2025. Faut-il le maintenir ? Faut-il imaginer un système « take or pay » comme pour une assurance, à la différence qu'avec l'Arenh, on paie après l'accident ! C'est beaucoup plus facile dans ce sens...

Des fournisseurs français sérieux souhaitent participer au financement du nucléaire français non pour exploiter, mais pour obtenir des droits de tirage.

Nous, législateurs, pourrions garantir l'approvisionnement par des contrats à long terme, que la Commission européenne refuse pour l'instant. Monsieur le ministre, voici un formidable combat à mener.

Cette proposition de loi est prématurée. Elle sera parfaite lorsque nous connaîtrons les règles du jeu définitives. Je propose donc une mesure conservatoire - capital à 100 % à l'État -, qui garantisse qu'EDF reste une fierté nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDPI)

M. Christian Bilhac .  - Alors que le doute plane sur l'avenir d'EDF, les députés ont voté la nationalisation d'EDF. Le spectre d'Hercule n'est pas totalement dissipé. Ce projet consistait à diviser le groupe en trois entités, avec le risque de vendre par appartements les branches les plus rentables, selon la formule bien connue : socialiser les pertes et privatiser les profits.

À la clé, une croissance exponentielle du prix et de la consommation d'électricité, au rythme du développement d'activités énergivores comme le numérique et le tout-électrique automobile. Dans ce contexte, aggravé par la crise géopolitique, l'État doit garder la maîtrise des infrastructures stratégiques d'électricité.

D'autres facteurs doivent être pris en compte, tels que l'interaction entre les métiers de la filière, qui doit être garantie, et les conflits éventuels entre l'hydroélectricité et le refroidissement des centrales nucléaires.

La majorité sénatoriale a vidé la proposition de loi de sa substance. Rien ne justifie la suppression de l'article 1er. L'article 2, qui obligeait à passer par la loi pour privatiser les activités d'EDF...

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Elles sont privées.

M. Christian Bilhac.  - ... a, lui aussi, été vidé de sa substance.

À titre personnel, sans rétablissement de l'article 1er, je ne voterai pas ce texte. Je n'oublie pas l'inquiétude des Français et du Gouvernement face au spectre des coupures d'électricité cet hiver.

Mme Christine Lavarde .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Sur la nationalisation, le groupe Les Républicains soutient le rapporteur. Nous ne disons pas que la question d'une garantie contre la privatisation ne se pose pas - je vous renvoie à notre position sur Aéroports de Paris (ADP). Toutefois, une montée au capital à 100 % est déjà prévue, moyennant 9,7 milliards d'euros, dans le cadre d'une OPA simplifiée (OPAS) au prix de 12 euros par action.

L'inconvénient est que cette OPAS échappe presque totalement au contrôle du Parlement. C'est ce que les députés Les Républicains ont fait valoir, même si la nationalisation n'est pas la solution à tout. L'OPAS étant en cours, il ne faut pas nationaliser.

Je n'oublie pas, cependant, que c'est votre majorité qui a voté l'abandon d'Astrid - je parle sous le contrôle du premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). (M. le rapporteur le confirme.)

Monsieur le ministre, relancer le nucléaire est un défi technique, mais surtout financier. EDF est endettée à hauteur de 64,5 milliards d'euros, et les investissements pour le nouveau nucléaire sont très coûteux, alors qu'il faut aussi financer le grand carénage.

Selon Bercy, en mars 2021, construire six EPR coûterait jusqu'à 64 milliards d'euros en cas de scénario dégradé. J'ai cru comprendre, via une visioconférence de Jean-Bernard Lévy en janvier 2021, qu'EDF pourrait faire appel à des investisseurs étrangers ou aux fonds du livret A.

Nous ne nous opposons pas à l'OPAS, mais nous interrogeons sur le financement de notre indépendance énergétique et sur le devenir des actionnaires salariés.

L'État détient déjà 96 % du capital, tandis que 1,17 % reste aux mains des salariés. Rien n'empêche l'État de se retirer de la cote. Il fait face à un procès des petits actionnaires, qui jugent le prix de rachat des actions trop faible.

Dans les faits, le prix de 12 euros est une prime par rapport aux 7 euros atteints en janvier. Cependant, les salariés le comparent aux 25,60 euros auxquels ils ont acheté leurs actions - et auxquels il faut ajouter l'inflation. Ces 82 000 petits actionnaires souhaitent être maintenus au capital : la justice se prononcera le 2 mai.

C'est pourquoi la commission des finances a inscrit l'objectif de 100 % au 1er janvier 2024, dont 2 % pouvant être accordés aux salariés. J'avoue m'interroger sur la mise en oeuvre : l'OPA prévoyant 100 %, comment en rétrocéder une partie ? En outre, quelle serait la liquidité de l'action une fois l'entreprise hors cote ?

Par ailleurs, l'entreprise n'est pas profitable : elle accuse 18 milliards d'euros de pertes en 2022, et on ne sait pas ce qui suivra l'Arenh. Les salariés pourront-ils recevoir des dividendes au vu du besoin d'investissement ? EDF emprunte chaque année entre 1,5 et 3 milliards d'euros pour les verser. Par ailleurs, l'État, au lieu de toucher des dividendes, doit se contenter de rachats d'actions, pour préserver la trésorerie.

Si Hercule est abandonné, le groupe Les Républicains n'est pas opposé, par principe, à la poursuite du plan de cessions d'actifs jusqu'en 2024, dès lors que cela ne fait obstacle ni à l'indépendance énergétique ni à la décarbonation.

La réécriture de l'article 2 sécurise juridiquement le texte.

Les députés socialistes prévoyaient une extension des tarifs réglementés coûtant au moins 18 milliards d'euros selon le Gouvernement. Certes, nous accordons un crédit limité aux estimations de ce dernier, mais rappelons que le droit européen prévoit d'indemniser les fournisseurs vendant à perte. L'extension des TRVE aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) est aussi contraire au droit européen.

Nous rejoignons les auteurs de la proposition de loi sur l'objectif d'aider les petites entreprises, comme les boulangeries, et les collectivités territoriales. La suppression du seuil de 36 kVa est pertinente. Cela relève, me semble-t-il, du niveau réglementaire, bien plus facile à modifier.

Pour conclure, il manque une vision. On parle de briques - nucléaire, renouvelable, EDF -, mais quel est le plan du mur ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-François Husson.  - Le Gouvernement a du travail ! (M. le ministre opine.)

M. Emmanuel Capus .  - Le problème d'une entreprise nationale, c'est que sa stratégie dépend du calendrier électoral - contrairement aux cycles d'investissement industriel.

L'accord autour de la nationalisation d'EDF est rare. Depuis la Seconde Guerre mondiale, il n'y a eu que deux grands accords historiques : le Conseil national de la résistance - je suis sensible à la ferveur gaulliste des auteurs socialistes de la proposition de loi... - et le plan nucléaire de 1974, grande année ! (Sourires) La remarquable constance des gouvernements qui ont suivi a permis à EDF de bâtir un patrimoine hors du commun, qui a largement contribué à la prospérité de la France.

Les auteurs de la proposition de loi dressent un parallèle entre 1946 et 2023. Toutefois, nous sommes bien plus proches du premier choc pétrolier, avec une guerre dont nous subissons les conséquences. (M. Gérard Longuet acquiesce.) Comme il y a 50 ans, notre objectif est la souveraineté énergétique, fondée sur de nouveaux réacteurs.

Nos collègues socialistes reprochent au Gouvernement de nationaliser EDF pour mieux la saucissonner. C'est fort de café, alors que c'est sous Hollande que la filière nucléaire a été mise à mal...

MM. Éric Kerrouche et Franck Montaugé.  - C'est faux !

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Trop facile...

M. Emmanuel Capus.  - Une proposition de loi ne saurait garantir quoi que ce soit. Le Gouvernement veut nationaliser EDF et le Parlement le soutient. Le reste n'est que spéculation.

Notre groupe préfère la mouture de la commission, qui limite la portée du texte et le rend conforme au droit européen.

Alors que l'Europe a besoin d'union face à la Russie, la Chine et même les États-Unis, notre groupe se partagera entre le vote pour et l'abstention.

M. Daniel Breuiller .  - Je salue la proposition de loi déposée par Philippe Brun à l'Assemblée nationale, qui s'inscrit pleinement dans notre dynamique écologiste de transition : renationaliser EDF pour en faire un outil stratégique puissant de la transition énergétique.

Bien sûr, la commission des finances a supprimé le premier article, qui actait une nationalisation, lui préférant une étatisation, et supprimé l'énumération des filiales, visant à s'opposer à un démantèlement : elle a décousu la proposition de loi. Le projet Hercule n'existe plus, mais il cache peut-être un Hercule bis. Quand on défend le nucléaire, on doit défendre un outil 100 % public.

Arenh, grand carénage, six nouveaux EPR : tout cela pèse sur les comptes déjà dégradés d'EDF, alors que l'opinion publique ne comprend rien aux tarifs de l'énergie.

L'énergie est un bien commun essentiel, comme l'eau. Les 15 % de reste à charge du bouclier tarifaire n'ont pas le même poids dans une passoire thermique et ailleurs. Une fois de plus, les plus modestes souffrent. Les bailleurs sociaux redoutent une hausse des impayés ; artisans et TPE-PME sont en difficulté. Nous soutenons la suppression du seuil de 36 kVa. Mais on pourrait attendre de la chambre des territoires le soutien à un tarif réglementé pour les collectivités.

Les écologistes alertent sur la fin de l'abondance depuis des années. Le tout-nucléaire n'est pas cohérent avec les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) et la maîtrise des coûts souvent rappelés sur ces travées.

Il serait inadmissible de privatiser les pans rentables du groupe, selon la bonne vieille méthode libérale : privatiser les bénéfices, socialiser les pertes.

Enfin, à quel moment les Français ont-ils été associés aux décisions du Gouvernement ? Sont-ils d'accord pour financer de nouveaux EPR, après les 19 milliards d'euros de Flamanville ? Il faut un grand débat national.

M. Julien Bargeton .  - Notre groupe votera contre ce texte. La démonstration du rapporteur est impressionnante, mais pourquoi voter un texte vidé de toute substance ?

Avec l'OPAS, le Gouvernement a déjà répondu à la demande de nationalisation, qui ne se justifie plus ; la commission à l'Assemblée nationale avait déjà changé l'intitulé, et proposé un prix de rachat plus élevé, à 14 euros, ce qui aurait coûté 1,5 milliard d'euros de plus aux finances publiques. Dans sa sagesse, le Sénat a donc supprimé l'article 1er.

Sur le caractère unifié du groupe, malgré l'abandon d'Hercule, on fait des procès d'intention au Gouvernement. L'article 2, largement amendé, n'apporte rien de nouveau.

Le TRVE faisait initialement l'objet d'une rédaction contraire au droit européen. Le rapporteur propose donc un dispositif très restreint. Mais ce qui reste du texte est squelettique - qui plus est, le squelette est incomplet ! Plus de nationalisation, plus de statut, plus aucune réponse à l'objet de la loi initiale. (MM. Fabien Gay et Victorin Lurel renchérissent.) Notre groupe s'opposera à ce texte privé de substance.

M. Victorin Lurel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) À deux jours près, nous fêtions l'anniversaire de la loi du 8 avril 1946. J'ai rêvé d'une connivence de pensée entre les bancs de gauche et de droite de l'Assemblée nationale et nos travées. Nous aurions pu nous considérer comme les héritiers du Conseil national de la résistance, prolongé, par exemple, par le plan Messmer de 1974 et ses 56 réacteurs. Ainsi, le prix moyen de l'électricité était inférieur de 28 % à la moyenne européenne : 17 centimes le KWh, contre 28 en Allemagne, d'où un avantage compétitif appréciable.

Las ! Mon rêve sombre dans les marécages de l'idéologie. Deux visions orthogonales s'affrontent. L'étatisation n'est pas la nationalisation. Le texte de Philippe Brun avait du souffle et une âme : nationaliser, c'est transférer les moyens de production, mais aussi décider de leur utilisation en faveur des citoyens et de la Nation.

Or, depuis 2000, on n'a cessé d'ouvrir des fenêtres : aux salariés, aux filiales, à l'hybridation - bref, une privatisation rampante. Les députés socialistes ont entendu insuffler une âme nouvelle au groupe EDF. Ne confions pas notre souveraineté énergétique à une technostructure qui se soumet.

Monsieur le rapporteur, je suis triste que nous n'ayons pu trouver ce consensus. La nationalisation, ce n'est pas l'affaire de l'Europe, qui ne s'intéresse qu'à l'ouverture du marché et pour qui, curieuse sémantique, si monopole il y a, le marché doit être contestable.

Le problème est national, et Philippe Brun a proposé une arme nationale. Nationaliser EDF, c'est réarmer la France. Une entreprise verticalement intégrée, c'est un nouveau ministère de la défense ! Mais nous passons à côté, par idéologie, avec la tarification au coût marginal du lignite allemand. On change le mode de calcul en refusant le TRVE, qui bénéficierait à tous.

Il faut nationaliser EDF, définir le périmètre, éviter les scissions et revitaliser le TRVE. Notre vote dépendra du sort réservé à nos amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Fabien Gay .  - La crise énergétique n'est pas due qu'à la guerre en Ukraine, et il ne suffira pas de délier les prix du gaz et de l'électricité ou d'ajuster le marché européen au profit de l'Allemagne. C'est le résultat de l'Europe libérale, de la fracturation d'EDF, de la spéculation, de l'Arenh, ce racket organisé sur le dos d'EDF et des usagers, qui affaiblit la capacité d'investissement de l'entreprise, enrichit les acteurs alternatifs et casse les tarifs réglementés.

Ce bilan est le vôtre et celui des libéraux, qui ont voulu faire de l'énergie une marchandise comme une autre, alors qu'elle doit être sortie du marché et considérée comme un bien commun. La droite sénatoriale est à l'offensive, dans les mots : souveraineté, indépendance, protection des collectivités. Mais, pour les actes, il n'y a plus personne.

M. Jean-François Husson.  - Si !

M. Fabien Gay.  - Revenir aux tarifs réglementés pour les collectivités? Refusé. Sortir du marché européen, faire valoir l'exception nucléaire ? Refusé. Quant à cette loi sur la renationalisation d'EDF, vous l'amputez de son ambition initiale : celle d'un groupe unifié, avec des actifs non cessibles, pour éviter toute réactivation d'Hercule.

La solution ne viendra pas de vos mesurettes : 77 ans après l'oeuvre de Marcel Paul, résistant, déporté, ministre communiste, il faut une nouvelle loi de nationalisation de tout le secteur énergétique.

Il faut préparer l'avenir, car vos échecs et vos renoncements nous conduisent dans le mur. Vos 50 milliards d'euros de boucliers tarifaires et autres filets de sécurité n'auront profité qu'aux acteurs alternatifs rapaces.

Travaillons dès maintenant à un grand projet, digne de Marcel Paul, pour un groupe public sous forme d'Epic, regroupant EDF mais aussi Engie et TotalEnergies, nationalisés à 100 %, qui s'appellerait GEDF, Groupe Énergie de France. Cela coûterait environ 100 milliards d'euros, soit le double de ce que vous avez gaspillé l'an dernier.

Ce groupe intégré assurerait la production, le transport et la distribution, mettrait fin à l'Arenh et rétablirait les tarifs réglementés, qui sont la condition de la protection des particuliers, des entreprises et de notre compétitivité face aux États-Unis et à l'Asie.

Le statut des IEG, étendu à tous les travailleurs de la filière, est la condition pour retenir les talents dans notre pays.

Marcel Paul avait demandé à ses enfants de protéger cette entreprise. Vous qui avez tout détruit, vous nous trouverez sur votre route, avec ses petits et arrière-petits enfants, prêts à tout reconstruire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER ; M. Daniel Breuiller applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; MMRoger Karoutchi et Jean-François Husson applaudissent également.) Je remercie le rapporteur pour la pertinence de ses analyses. Ce texte aborde la politique énergétique de notre pays. Malgré les récents projets de loi sur les énergies renouvelables et sur le nucléaire, le débat n'est pas clos. Le groupe UC est attaché à un mix énergétique permettant d'assurer notre souveraineté. Nous devons aussi nous intéresser aux gaz renouvelables et à toutes les formes de production énergétique. M. le ministre sait combien l'énergie est cruciale pour la compétitivité de nos entreprises ! (M. le ministre opine.)

Je ne partage pas du tout les propos de M. Gay.

M. Fabien Gay.  - Ça me rassure ! (Sourires)

M. Michel Canévet.  - Un système monolithique ne permettra pas de répondre aux défis : il faudra des solutions multiples, ce qui suppose un grand nombre d'opérateurs.

La nationalisation d'EDF coûtera 8 milliards d'euros. N'aurait-il pas mieux valu utiliser cet argent pour moderniser notre parc de production ? La décision est prise, nous en prenons acte.

Dans l'esprit de la loi Pacte, le groupe UC est favorable à l'actionnariat salarié. Notre rapporteur avait su trouver un juste compromis, que nous préférons à l'amendement du Gouvernement.

L'extension du TRVE ne doit pas contrevenir aux règles européennes. La proposition du rapporteur, qui fait sauter le verrou des 36 kVA, tient compte des réalités du terrain - boulangers, TPE et PME le demandent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

Discussion des articles

ARTICLE 1er (Supprimé)

M. Franck Montaugé .  - Deux approches s'affrontent : la vision très libérale de M. Longuet, qui laisse la porte ouverte à des cessions ultérieures, et la nôtre, centrée sur la souveraineté. Nous voulons garder EDF et toutes ses filiales dans le giron de l'État : production, transports, distribution, services tels que les imports-exports d'électricité. Vous avez laissé entendre que ces derniers avaient été permis par le marché européen ; en réalité, ils existaient bien avant !

Rendre l'État propriétaire de 100 % du capital n'empêchera pas les cessions ultérieures de filiales : vous ne fermez pas la porte à un éventuel Hercule bis. Nous porterons des amendements pour un groupe public unifié réellement nationalisé.

M. Victorin Lurel .  - Nous voulons la nationalisation d'EDF, qui n'est pas une simple entreprise, mais une arme et un bouclier. Penser qu'une OPAS suffira à garantir la cohérence du groupe et à prévenir les dérives est illusoire. Il faut une nationalisation telle que prévue par le Préambule de 1946, pour faire d'EDF un bien commun, qui oeuvre au bénéfice de la Nation. Nous voulons préserver le coeur de métier d'EDF.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La société Électricité de France est nationalisée.

M. Victorin Lurel.  - Nous voulons consolider et unifier le groupe. Je le répète : nous tenons à la nationalisation.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°8, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Fabien Gay.  - En rachetant les actions des actionnaires minoritaires, vous ne faites qu'une réétatisation, pour sortir EDF des cours boursiers. EDF sera donc une entreprise...

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Nationalisée.

M. Fabien Gay.  - ... détenue à 100 % par l'État, mais ce sera toujours une SA, une holding, ce qui ne vous empêchera pas de filialiser et de céder des actifs, comme Enedis ou Dalkia. Ce n'est pas une nationalisation.

Je le dis à mes collègues socialistes : nous devrions ajouter à la nationalisation la transformation de la SA en Epic, qui seule offre les garanties nécessaires en termes de statut. Revenons à la rédaction de l'Assemblée nationale.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Avis défavorable.

M. Franck Montaugé.  - Nous devons nationaliser pour éviter tout démembrement d'EDF. Les 2 % de capital détenus par les salariés posent problème : vous allez fragiliser l'hydroélectricité et rouvrir le débat sur la mise en concurrence des concessions hydrauliques - au risque de conduire à un premier démantèlement.

Ce n'est pas une petite affaire, et le risque juridique est avéré. Nous avons besoin d'éclaircissements de la part du rapporteur et du ministre. Les conséquences pourraient être considérables.

M. Daniel Breuiller.  - Je comprends le choix d'une étatisation d'EDF. Sa situation actuelle - coûts du grand carénage et des nouveaux EPR, même largement sous-estimés - suppose un financement par le contribuable. Mais cela n'a rien à voir avec le projet de nationalisation. Vous faites un autre choix. Je voterai les amendements de mes deux collègues. Il nous faut un vrai débat sur la politique énergétique de notre pays, qui ne soit pas saucissonné...

M. Fabien Gay.  - Monsieur le ministre, vous engagez-vous devant le Parlement à ne céder aucun actif, comme Dalkia et Enedis ? Oui ou non ? Puisque vous n'avez pas de projet caché, dites-le !

À la demande du groupe Les Républicains, les amendements identiques nos2 et 8 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°261 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l'adoption   99
Contre 239

Les amendements identiques nos2 et 8 ne sont pas adoptés.

L'article 1er demeure supprimé.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 111-67 du code de l'énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-67.  -  L'entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié composé de la société « Électricité de France SA » et de l'ensemble de ses filiales directes et indirectes. Ses activités sont les suivantes :

« 1° La production, le transport dans les zones non interconnectées et en Corse, la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité ;

« 2° Le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ;

« 3° La prestation de services énergétiques ;

« 4° Le transport, hormis dans les zones non interconnectées et en Corse, assuré en toute indépendance opérationnelle et stratégique vis-à-vis de la société Électricité de France SA, notamment par la société Réseau de Transport d'Électricité.

« Son capital est détenu intégralement par l'État. Il est incessible. »

M. Victorin Lurel.  - Nous voulons rétablir le texte de l'Assemblée nationale et délimiter le périmètre du groupe public unifié, à une nuance près : sur le transport, nous voulons voir EDF conserver sa présence capitalistique dans RTE, tout en respectant l'indépendance stratégique de celle-ci, afin de nous conformer au droit européen.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 111-67 du code de l'énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-67.  -  L'entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié, verticalement intégré, composé de la société « Électricité de France SA » et de l'ensemble de ses filiales directes et indirectes.

« Ses activités sont les suivantes :

« 1° La production, le transport, la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité ;

« 2° Le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ;

« 3° La prestation de services énergétiques.

« Son capital est détenu intégralement par l'État ou, dans la limite de 2 % du capital, par des personnes salariées de l'entreprise. Il est incessible. »

M. Fabien Gay.  - Comme l'a dit le rapporteur, le groupe est déjà désintégré. Faisons le bilan de la libéralisation. Enedis transporte, mais il y a une perte pendant le transport : Enedis doit donc racheter de l'électricité, non pas à EDF mais à ses concurrents directs, au tarif de l'Arenh, pour la réinjecter dans le réseau et servir ces mêmes concurrents... Quel chef-d'oeuvre d'aberration ! Quand on voit ce que cela aura coûté aux usagers...

Je répète ma question : y aura-t-il des cessions d'actifs, comme Dalkia et Enedis ?

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 111-67 du code de l'énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-67.  -  L'entreprise dénommée « Électricité de France » est un groupe public unifié, verticalement intégré, composé de la société « Électricité de France SA » et de l'ensemble de ses filiales directes et indirectes.

« Toutes orientations stratégiques tendant à modifier la structure du capital, le caractère unifié du groupe ou l'organisation interne d'Électricité de France exige l'approbation du Parlement. »

M. Fabien Gay.  - Défendu.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Avis défavorable aux trois amendements. Je reconnais la volonté du groupe socialiste de tenir compte des réalités d'un marché désormais parfaitement concurrentiel, ce que personne ne songe à remettre en cause.

M. Fabien Gay.  - Si, nous !

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Vous êtes très minoritaires, en France et en Europe...

Certes, le système nucléaire est unitaire. Mais le thermique ne l'est pas : Saint-Avold ou Gardanne n'appartiennent pas à EDF. En ce qui concerne les énergies renouvelables, les producteurs se comptent par milliers. Certains sont très importants, d'autres très petits : vous ne les priverez plus de la liberté de produire. M. Breuiller a la passion des économies locales et circulaires, qui passent par des réseaux autonomes, jaloux de leur indépendance. La production électrique est certes dominée par EDF, et je m'en réjouis, mais elle n'est plus monopolistique : Enedis et RTE doivent rester indépendants pour assurer la loyauté de leurs services et l'équité de traitement des producteurs indépendants.

Au Conseil européen de Barcelone, en 2002, la France était représentée par Lionel Jospin, qui n'est pas un dangereux libéral.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Avis défavorable. Si nous dépensons 10 milliards d'euros pour détenir 100 % du capital, ce n'est pas pour faire des cessions dans la foulée.

Cela dit, la priorité d'EDF est de restaurer sa crédibilité financière, ce qui passe par la cession de certains actifs marginaux, à hauteur de 3 milliards d'euros. Ces amendements fragiliseraient la consolidation d'EDF.

Vous pourrez auditionner le nouveau PDG d'EDF. Sa feuille de route comprend trois objectifs : restauration des capacités opérationnelles, consolidation financière, priorisation des investissements.

Nous ne pouvons pas nous engager à avoir une entreprise complètement gelée : ce n'est pas conforme au droit européen et RTE doit rester indépendant.

Enfin, les pertes d'électricité d'Enedis sont rachetées non sur le marché mais à EDF, au prix de l'Arenh.

M. Fabien Gay.  - Non, c'est interdit !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Je vous enverrai les textes.

L'Arenh, que vous critiquez tant, permet aux industriels français d'être compétitifs grâce à une électricité payée à prix coûtant.

J'espère que nous trouverons un système de remplacement favorable à la réindustrialisation de la France. (M. Fabien Gay s'exclame.)

M. Franck Montaugé.  - J'espère que la feuille de route du nouveau PDG d'EDF va dans le sens de notre amendement, qui respecte le droit européen concernant RTE et Enedis.

La question des 2 % de capital des salariés est un problème majeur. Nous voulons une réponse, monsieur le ministre.

M. Fabien Gay.  - Tout le monde s'assoit sur le droit européen, sauf nous : Portugais, Espagnols ont eu des dérogations, et les Allemands viennent de nous tordre le bras pour favoriser leur industrie à notre détriment ! Cela ne gêne personne. Nous sommes les derniers à rester dans les clous. (M. le ministre le conteste.)

Personne ne peut dire que la réforme du marché européen sera favorable à l'industrie française.

Mme Lavarde vous a interrogé sur les 60 milliards d'euros de dettes d'EDF. Vous en êtes en partie responsables. L'Arenh+ a coûté 8,4 milliards d'euros l'an dernier. On continue à biberonner les alternatifs, à dépecer EDF, à racketter les usagers... Et pour se désendetter, va-t-on accélérer la cession des actifs qui rapportent le plus, Dalkia et Enedis ?

M. Victorin Lurel.  - L'Arenh présente certes des avantages, mais EDF accepte des prix de rachat pénalisants, pour une énergie déjà subventionnée, et qui plus est intermittente. Je ne suis pas sûr que cela profite à l'industrie française.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°262 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 100
Contre 239

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'amendement n°9 n'est pas adopté,

non plus que l'amendement n°10.

Mme la présidente.  - Amendement n°14, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer le mot :

national

par les mots :

général, verticalement intégrée,

II.  -  Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toutes orientations stratégiques tendant à modifier la structure du capital, le caractère unifié du groupe ou de l'organisation interne d'Électricité de France exige l'approbation du Parlement. »

M. Fabien Gay.  - Nous souhaiterions qu'à défaut de redevenir un Epic, EDF puisse au moins devenir une société anonyme d'intérêt général, comme la Compagnie nationale du Rhône.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - La commission n'a pas adopté cet amendement. Avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Même avis.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et sont ajoutés les mots : « ou dans la limite de 2 % du capital, par des personnes salariées et des anciens salariés de l'entreprise »

II.  -  Alinéas 4 à 6

Supprimer ces alinéas.

III.  - Alinéa 8

Remplacer les mots :

et les deuxième à avant-dernier alinéas du 2° du I entrent

par les mots :

du I entre

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Cet amendement rend possible un actionnariat salarié au sein de l'entreprise, même si ce n'est ni souhaitable ni même envisageable, à court terme. Les salariés feraient une très mauvaise opération, et ce serait totalement anachronique, alors que l'État est précisément en train d'acquérir la totalité du capital, y compris celui détenu par l'actionnariat salarié - nous attendons seulement que les recours soient jugés début mai.

Cet amendement est toutefois rendu indispensable par l'article 1er, si nous voulons qu'à terme, d'ici quelques années, l'entreprise puisse envisager de développer l'actionnariat salarié sans repasser par la loi.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Cette affaire est très sensible. Nous avons un immense respect pour l'entreprise EDF, ce qui nous a conduits à voter en commission un amendement de M. Lurel qui fait d'EDF une entreprise d'intérêt national. Quelque 82 000 salariés sont ou ont été actionnaires de l'entreprise, ce qui conforte une image de communauté.

La commission avait proposé de permettre l'actionnariat salarié, sur une période courte. Or nous avons trop d'incertitudes quant à l'avenir à court terme d'EDF, même s'il est certain que la décarbonation augmentera la consommation d'électricité, et que l'entreprise qui a cinquante ans d'expérience du nucléaire est bien placée pour conquérir de nouvelles positions.

Y aura-t-il des contrats d'achat de long terme ? Des contrats par différence ? Des droits de tirage obtenus par le financement d'une part de centrale nucléaire, comme le fait Exeltium ? Je l'avais mis en place en tant que ministre de l'industrie, au siècle dernier. Il faut répondre à ces questions avant d'engager les économies des salariés dans ce qui reste une aventure !

Sagesse positive donc.

Mme la présidente.  - Je vous rappelle que le temps de l'espace réservé est encadré.

M. Franck Montaugé.  - Nous n'avons pas eu de réponse claire sur les conséquences juridiques de cet amendement sur les concessions hydrauliques, au regard du droit européen.

Pour nous, c'est une torpille lancée contre le groupe, qui conduira à détacher l'hydraulique. Peut-être est-ce votre intention ?

S'il reste une part de capital non détenue par l'État, la question se posera. Les territoires apprécieront peu de voir les concessions hydrauliques mises en concurrence.

Mme Christine Lavarde.  - L'explication du ministre ne m'a pas rassurée. Selon l'exposé des motifs, l'amendement vise à ce que les anciens salariés ne soient pas obligés de vendre leurs titres au moment où ils quittent l'entreprise ; mais je croyais que vous vouliez que l'État acquière 100 % du capital, pour financer les investissements ?

Je comprends qu'on veuille faire quelque chose pour les salariés d'EDF, qui ont fait l'histoire du groupe, mais il faut être clair.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Rendre l'actionnariat salarié optionnel ou obligatoire ne change rien aux problématiques que vous soulevez, monsieur Montaugé. Je vous apporterai une réponse écrite.

Si le tribunal nous donne raison, l'État achètera les 5 % du capital restant et détiendra 100 % du capital, point. Si, dans quelques années, la situation de l'entreprise est meilleure, cet amendement l'autorisera à ouvrir son capital à ses salariés sans repasser devant le Parlement.

Nous voulons reproduire pour l'avenir des droits qui existaient dans l'accord d'actionnariat salarié actuel, dont celui de conserver les actions après le départ à la retraite.

M. Fabien Gay.  - L'actionnariat salarié, on le voit, est plus compliqué que ce qu'on nous vend, vous qui voulez même le substituer au salaire ! (M. le ministre le conteste.)

L'actionnariat salarié n'est pas historique à EDF : il a été instauré en 2005, pour compenser l'ouverture du capital. Les 130 000 salariés qui avaient alors acquis des actions ont perdu de l'argent, puisque des actions achetées 30 euros devront être revendues 11 ou 12 euros. C'est pourquoi ils vous attaquent. La décision prise sur les 20 térawattheures supplémentaires a fait perdre 8,4 milliards d'euros et fait chuter le prix de l'action, ce qui vous a permis d'acheter les actions à 11 euros.

Vous êtes en train de spolier les actionnaires salariés, et vous allez leur revendre des actions demain ? Personne n'y comprend rien.

M. Michel Canévet.  - Le groupe UC est très attaché à l'actionnariat salarié et au partage de la valeur.

Les propositions du rapporteur nous semblaient aller dans le bon sens, mais, au vu de nos débats, nous nous abstiendrons.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°19 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°263 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 209
Pour l'adoption 183
Contre   26

L'amendement n°19 rectifié est adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°264 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l'adoption 216
Contre  99

L'article 2, modifié, est adopté.

APRÈS L'ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°18, présenté par M. Montaugé et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 111-67 du code de l'énergie, il est inséré un article L. 111-67-... ainsi rédigé :

« Art. L. 111-67-....  -  I.  -  Une autorisation législative est nécessaire pour toute opération de réorganisation du groupe "Électricité de France", dont la société "Électricité de France" est l'entité de tête, visant ses activités dites coeur de métier d'électricien national, qui sont au coeur des enjeux de souveraineté électrique du pays, soit :

« 1° Les activités de production d'électricité sur le territoire national ;

« 2° Les activités de commercialisation d'électricité sur le territoire national ;

« 3° Les activités de sa filiale gestionnaire des réseaux publics de distribution issue de la séparation entre les activités de gestion de réseau public de distribution et les activités de production ou de fourniture exercées par "Électricité de France" en application de l'article L. 111-57 ;

« 4° Sa participation dans le gestionnaire du réseau public de transport d'électricité mentionné à l'article L. 111-40.

« II.  -  La notion d'opération de réorganisation mentionnée au I du présent article recoupe exclusivement les opérations suivantes :

« 1° Filialisation de l'activité de production d'électricité sur le territoire national aujourd'hui directement exercée par la société "Électricité de France" dans le cadre de filiales indirectes ou de filiales non contrôlées ;

« 2° Filialisation de l'activité de commercialisation d'électricité sur le territoire national aujourd'hui directement exercée par la société "Électricité de France" dans le cadre de filiales indirectes ou de filiales non contrôlées ;

« 3° Cession conduisant la société "Électricité de France" à détenir directement moins de 80 % du capital du gestionnaire des réseaux publics de distribution d'électricité ;

« 4° Opération visant à faire perdre au gestionnaire des réseaux publics de distribution d'électricité le statut de filiale directement contrôlée par la société "Électricité de France" ;

« 5° Cession conduisant la société "Électricité de France" à détenir moins de 50 % du capital du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité ;

« 6° Modification substantielle de l'objet social ;

« 7° Dissolution de la société "Électricité de France" et des sociétés mentionnées aux 3° et 4° du I du présent article visant à l'étendre à de nouvelles activités ;

« 8° Fusion-absorption de la société "Électricité de France" et des sociétés mentionnées aux 3° et 4° du I du présent article visant à l'étendre à de nouvelles activités. »

M. Franck Montaugé.  - Nous appelons tous à renforcer notre souveraineté : c'est au peuple et à ses représentants de décider des questions qui engagent la vie de la Nation.

Depuis 75 ans, EDF est au coeur de la compétitivité de notre économie ; elle le reste en dépit des difficultés entraînées par le marché européen, dont on peine à voir les effets positifs.

Cette entreprise doit rester un levier fort dans le contexte de la transition énergétique. Le Parlement doit donc être saisi de toute opération de réorganisation la concernant.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Avis défavorable, car il n'appartient pas au législateur de diriger au quotidien une société nationale ou un Epic. À chacun son métier : le Parlement a vocation à contrôler le Gouvernement.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Même avis.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°18 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°265 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 339
Pour l'adoption 100
Contre 239

L'amendement n°18 n'est pas adopté.

ARTICLE 3 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Au 1er juillet 2023, si l'offre publique d'achat simplifiée de la société dénommée « Électricité de France » initiée par l'État français portant le visa n° 22-464 n'a pas été menée à son terme, une commission administrative nationale d'évaluation présidée par le premier président de la Cour des comptes et composée du Gouverneur de la Banque de France, du président de la section des finances du Conseil d'État, du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation et d'un membre du Conseil économique, social et environnemental désigné par le président de cette assemblée est chargée de fixer la valeur d'échange à cette date des actions de la société dénommée « Électricité de France ».

M. Victorin Lurel.  - Rétablissons la rédaction de l'Assemblée nationale pour cet article relatif à l'indemnisation des actionnaires, en nous inspirant du précédent de 1946. Je ne suis pas certain que l'OPA simplifiée aboutira : il y a des possibilités de recours, et nous ne sommes pas maîtres du calendrier judiciaire. Une mesure législative de nationalisation nous éviterait une impasse.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - L'article 1er ayant été supprimé, avis défavorable.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Même avis.

M. Emmanuel Capus.  - Si EDF est dans la situation actuelle, ce n'est pas parce qu'elle n'était pas une entreprise nationale, mais parce que la filière nucléaire a été malmenée par des gouvernements socialistes sous l'influence de groupes écologistes. (Protestations à gauche) Il faut quand même le rappeler !

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Provocation !

M. Emmanuel Capus.  - Heureusement, une grande majorité de nos concitoyens et des groupes parlementaires ont conscience de la nécessité de relancer le nucléaire.

M. Jean-François Husson.  - C'est vrai !

M. Fabien Gay.  - Bref, c'est la faute de l'extrême gauche...

L'amendement n°4 n'est pas adopté et l'article 3 demeure supprimé.

ARTICLE 3 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le premier alinéa de l'article L. 337-6 du code de l'énergie est ainsi rédigé :

« Les tarifs réglementés de vente d'électricité sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques du mix de production français et des coûts liés à ces productions, des importations et exportations, des coûts d'acheminement de l'électricité, des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture. »

II.  -  L'ensemble des consommateurs finals domestiques et non domestiques peuvent souscrire une offre aux tarifs réglementés définis à l'article L. 337-6 du code de l'énergie.

M. Fabien Gay.  - Cet amendement et les deux suivants portent sur les TRVE : il s'agit de modifier leur méthode de calcul et de les appliquer à toutes les collectivités territoriales et PME ou, à titre de repli, aux collectivités territoriales qui en font la demande.

Sur les 60 milliards d'endettement d'EDF, j'aimerais savoir combien sont dus à l'Arenh, créé en 2010 - et pas par un gouvernement socialiste.

Sur 90 opérateurs alternatifs, il n'a que deux producteurs réels : Engie et TotalEnergies. Les 88 autres sont des facturateurs, des suceurs de sang d'EDF : si l'on suspendait l'Arenh, ils tomberaient. Même un député Renaissance demande la suspension urgente de l'Arenh et le retour au tarif réglementé. Preuve que ceux qui travaillent sur la question se rendent compte de l'ineptie du système.

Plus il y a d'Arenh, moins il y a d'écrêtement. Ainsi, les alternatifs se fournissent à 70 % sur l'Arenh, à 40 euros, et achètent le reste sur le marché, parfois à 400 ou 500 euros le MWh, avec un pic à 1 200 euros en août dernier. Depuis cinq ans, on prend en compte pour le calcul des TRVE la part achetée au prix du marché par les acteurs alternatifs. Résultat : ces tarifs ne correspondent plus aux coûts réels, ils paient les dividendes des acteurs alternatifs.

C'est pour cela que les tarifs réglementés augmentent depuis 2017. Revenons à un tarif réglementé calculé sur la base des coûts et finissons-en avec l'Arenh, qui rackette EDF comme les usagers.

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 337-8 du code de l'énergie est ainsi rédigé :

« Art. L. 337-8. Les tarifs réglementés de vente de l'électricité mentionnés à l'article L. 337-1 bénéficient, à leur demande :

« 1° Aux consommateurs finals domestiques et non domestiques pour leurs sites situés dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental ;

« 2° Aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros ;

« 3° Aux collectivités territoriales, à leurs groupements et à leurs établissements publics ;

« 4° Aux consommateurs finals non domestiques qui emploient moins de 250 personnes, qui ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros. »

M. Fabien Gay.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le même article L. 337-7 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« ....  -  Par dérogation au présent article, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics bénéficient à leur demande des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés à l'article L. 337-1. »

M. Fabien Gay.  - Défendu.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Avis défavorable à ces trois amendements, qui vont contre les accords européens transposés en droit français. On a envie d'aider tout le monde, mais ce serait très coûteux...

En outre, cela impliquerait de casser des contrats de fournisseurs qui seraient fondés à se retourner contre le Gouvernement, lui demandant un remboursement - ce qui coûterait bonbon.

Enfin, le calcul des TRVE dépend d'un complexe lissage dans le temps -  Mme Lavarde pourrait l'expliquer mieux que moi. Il faut un recul de douze mois pour établir de nouveaux TRVE : ce n'est pas praticable, d'où la suppression des 36 kVa.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Nous considérons cet article comme un cavalier. La commission l'a limité aux TPE, ...

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Toutes les TPE !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - ... énergo-intensives, comme les boulangeries, ou non, ce qui limite le coût du dispositif. Cependant, vous exposez les finances d'EDF ou celles de l'État à un marché très volatil ; or nous sommes d'accord pour préserver les premières et nous savons que les secondes ne sont pas dans un état brillant.

Le dispositif présenté par Philippe Brun à l'Assemblée nationale coûtait 20 milliards : 200 euros d'écart entre le prix de marché et le tarif réglementé, pour 100 TWh. Le vôtre ne coûte que 1 milliard d'euros, soit 50 euros d'écart sur 20 TWh. Mais si, demain ou après-demain, le prix de marché explose, le coût de la mesure explosera aussi.

Le bouclier tarifaire est critiqué, mais il a fonctionné. Nous continuerons à soutenir les ménages et les entreprises.

M. Victorin Lurel.  - Monsieur Capus, en 1996 comme en 2003, il s'agissait d'une directive. En 2009 puis en 2010, nous n'étions pas au pouvoir.

Il faut revoir l'ensemble du système, notamment les marchés de l'électricité en Europe. (M. le ministre acquiesce.) Nous sommes tributaires de l'Allemagne, ce qui n'était pas le cas au moment du plan Messmer, et notre avantage nucléaire profite à d'autres. Nous venons de perdre le combat pour la taxonomie et l'aide aux réacteurs classiques...

Dans ce contexte, une entreprise nationale unifiée est une urgence mobilisatrice !

M. Jean-François Husson.  - Monsieur le ministre, il n'y a pas que les boulangeries. Il faut envoyer un message aux TPE. Certains fournisseurs leur ont annoncé ne plus pouvoir tenir les tarifs contractuels, avec une multiplication par six, sept ou huit. Des nouveaux contrats, parfois triennaux, ont été signés, et l'opérateur refuse désormais d'y toucher. Soyons clairs : soit le fournisseur revoit ses conditions, soit l'État compense.

M. Franck Montaugé.  - Nous avions déposé deux amendements, déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution, pour limiter l'Arenh à 100 TWh et porter le TRVE de 42 à 49,50 euros. Les règles européennes le permettent désormais : quand le Gouvernement le fera-t-il ?

M. Emmanuel Capus.  - Je n'ai pas le temps de répondre à M. Lurel, mais je partage avec lui le constat que nous avons besoin d'une filière nucléaire d'excellence, qui nous permette de céder de l'électricité à nos voisins.

Il est difficile d'être contre l'extension du tarif réglementé... Mais nous devons rester raisonnables, surtout lorsque nous siégeons à la commission des finances : nous parlons d'argent public.

L'article 3 bis ne figurait pas dans le texte initial et ressemble fort à un cavalier législatif.

D'autre part, quel que soit le payeur, c'est le contribuable qui assumera en fin de compte. Ce dispositif aurait donc dû être jugé irrecevable au titre de l'article 40.

L'article 3 bis relèverait davantage d'un projet de loi de finances, dans le cadre duquel il ferait l'objet d'une étude d'impact sérieuse.

M. Fabien Gay.  - Les tarifs réglementés ont existé pendant 50 ans pour tout le monde : cela ne marchait pas trop mal, et personne ne s'en plaignait...

M. le rapporteur nous rappelle aux règles européennes, mais tout le monde y déroge. Pourquoi ne pas le faire pour protéger les collectivités territoriales et les petites entreprises ? Nous ne sommes qu'au début de la crise, les factures vont continuer à pleuvoir. Au 30 juin prochain, 5 millions de particuliers perdront le bénéfice des tarifs réglementés du gaz : laisserons-nous faire ?

Oui, monsieur le ministre, cela coûte cher. Mais, alors que vous estimiez le retour aux TRVE à 60 milliards d'euros, cela n'a coûté que 3,5 milliards, là où vous jetiez 80 milliards à la poubelle au profit des fournisseurs alternatifs.

M. Daniel Breuiller.  - Je voterai ces propositions, dont je conviens qu'elles auraient leur place en projet de loi de finances. M. Capus nous prête un bien grand pouvoir... Il me semble que 50 milliards d'euros de grand carénage et 56 milliards pour six EPR, ce ne sont pas de petites sommes : par comparaison, 3 milliards d'euros pour les TRVE semblent acceptables !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Le Gouvernement pense aussi que cet article est un cavalier.

Monsieur Gay, il serait trop long de vous répondre aussi sur le gaz ; nous avons beaucoup à dire sur l'électricité. Vous pourrez revenir sur ces sujets dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

Le bouclier tarifaire, que vous proposez d'élargir à toutes les TPE, a limité la hausse des prix à 15 %, pour un coût de 30 milliards d'euros l'année dernière et de 45 milliards cette année. Le plafond de 280 euros le mégawatt, qui s'applique aux entreprises hors TRVE ayant dû renégocier leur contrat, s'impute directement sur leurs factures.

L'amortisseur pour les PME et les collectivités territoriales prend en charge 50 % du surcoût au-delà du seuil de 180 euros par mégawatt, pour un coût annuel de 2 à 3 milliards d'euros.

Les mesures que nous avons prises ont eu des résultats - les entreprises ont plutôt bien passé la crise -, mais nous ont coûté beaucoup d'argent.

L'amendement n°16 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos13 et 12.

L'article 3 bis n'est pas adopté.

(M. le rapporteur s'en étonne.)

APRÈS L'ARTICLE 3 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par M. Gay et Mme Lienemann.

Après l'article 3 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 août 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant avec précision le coût du bouclier tarifaire.

M. Fabien Gay.  - Nous demandons un rapport pour évaluer le coût du bouclier tarifaire. Monsieur le ministre, confirmez-vous les montants de 20 milliards d'euros pour 2022 et 37 milliards pour 2023 ? Reconnaissez-vous que l'État indemnise ainsi les fournisseurs alternatifs ?

Des boulangers se sont vu proposer des contrats à 2 000 ou 3 000 euros le MWh. Or les énergéticiens se fournissent à 40 euros par MWh : ils réalisent déjà des bénéfices avec le plafond de 280 euros par TWh, et en plus vous les indemnisez... (M. Rémi Cardon abonde.) Ainsi, le boulanger est racketté deux fois : par l'augmentation de sa facture et comme contribuable. Ce scandale a coûté 50 milliards d'euros !

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Avis défavorable, car nous entendons réaliser ce rapport nous-mêmes. La commission des finances a chargé Mme Lavarde d'un contrôle budgétaire sur la question. Certains acteurs ont gagné à ce système : combien ont-ils contribué en retour ? (Mme Françoise Gatel renchérit.) Je pense à certains producteurs d'énergies renouvelables, dont les coûts n'ont pas augmenté et qui bénéficient de prix délirants.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Même avis. Le projet de loi de finances sera le moment d'en débattre. Monsieur Gay, c'est le consommateur ultime, même industriel, qui bénéficie de l'Arenh, pas le distributeur. (M. Fabien Gay proteste.)

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

Rappel au Règlement

M. Patrick Kanner.  - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 44 bis et l'exigence de sincérité des débats - cela rappellera des choses à certains d'entre nous !

Le groupe SER souhaitait voter l'article 3 bis, dont le vote a fait l'objet d'une incompréhension. Peut-être pourrions-nous procéder à une seconde délibération ?

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Je ne vois pas d'autre possibilité...

Mme la présidente.  - Acte est donné de votre rappel au Règlement. Nous verrons les suites qu'il convient de lui donner à l'issue de la discussion des articles.

ARTICLE 3 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le calendrier et les étapes de mise en oeuvre d'une nationalisation de la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire.

M. Victorin Lurel.  - Cet amendement précise une demande de rapport qui concerne Mayotte, et sur laquelle un avis de sagesse a été émis en commission.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Il est exact que la commission a émis un avis de sagesse sur la première version de cette demande de rapport. Mais je suis gêné par le fait que vous visiez un calendrier de mise en oeuvre, considérant ainsi que la question de la nationalisation est résolue. À titre personnel, je ne suis pas favorable à votre amendement.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Avis défavorable, même si, comme vous le savez, le Gouvernement adore produire des rapports... La nationalisation envisagée est sans rapport avec la nationalisation d'EDF, dont la participation au sein d'Électricité de Mayotte est minoritaire.

Mme Christine Lavarde.  - Pourquoi les auteurs de cet amendement s'intéressent-ils à Électricité de Mayotte, dont l'actionnariat est déjà largement public ? Pourquoi ne pas traiter d'autres entreprises locales de distribution, comme Électricité de Strasbourg ou l'Usine d'électricité de Metz ? (M. le ministre acquiesce.) Je ne voterai pas l'amendement, surtout dans cette nouvelle rédaction qui est absconse.

M. Victorin Lurel.  - Mayotte est une zone non interconnectée. Par ailleurs, il y a une forme de continuité historique : en 1975, le président Giscard d'Estaing a nationalisé les sociétés locales de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane et de La Réunion, qui avaient la même structure de capital que celle de Mayotte. Enfin, il y avait une ambiguïté, aujourd'hui levée, sur les TRVE en outre-mer. Certes, la nouvelle rédaction considère qu'il faut nationaliser et demande qu'on étudie un calendrier. Je rappelle l'avis de sagesse donné en commission.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°5 est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°266 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l'adoption 100
Contre 236

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article 3 ter est adopté.

Mme la présidente.  - Je vais suspendre la séance pour quelques instants, afin d'examiner les suites à donner au rappel au Règlement de M. Kanner.

La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 35.

Seconde délibération

M. Claude Raynal, président de la commission.  - Madame la présidente, je sollicite une nouvelle suspension de séance, très brève, pour réunir la commission des finances, afin qu'elle statue sur la seconde délibération de l'article 3 bis.

La séance est suspendue quelques instants.

M. Claude Raynal, président de la commission.  - La commission demande une deuxième délibération sur l'article 3 bis, en application de l'article 43, alinéa 4, de notre Règlement.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Avis défavorable : le résultat de la première délibération me semblait satisfaisant... (Sourires)

M. Emmanuel Capus.  - Je croyais que nos collègues de gauche s'étaient rendu compte qu'il s'agit d'un cavalier législatif. Cette seconde délibération est presque un passage en force ! (On rit de bon coeur.)

Sur le fond, on ne supprime pas l'effet de seuil, on ne fait que le décaler. Cette seconde délibération n'est donc pas opportune, madame le président.

Mme la présidente.  - Mon cher collègue, veuillez m'appeler « madame la présidente ».

La seconde délibération est ordonnée.

Mme la présidente.  - La commission a déposé un amendement visant à rétablir l'article 3 bis.

Amendement n°A-1, présenté par M. Longuet, au nom de la commission

Rédiger ainsi cet article :

Au I de l'article L. 337-7 du code de l'énergie, après les mots : « à leur demande », les mots : « , pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères » sont supprimés.

M. Gérard Longuet, rapporteur.  - Il s'agit de revenir au texte de la commission.

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - Avis défavorable.

L'amendement n°A-1 est adopté et l'article 3 bis est ainsi rédigé.

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°267 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 329
Pour l'adoption 206
Contre 123

La proposition de loi est adoptée.

Rappel au Règlement

M. Roger Karoutchi.  - Rappel au Règlement sur l'organisation de nos travaux. Imaginons-nous terminer l'examen du texte avant 20 heures, terme de l'espace réservé au groupe SER ?

Mme la présidente.  - Compte tenu des suspensions de séance, la fin de l'espace réservé est fixée à 20 h 10. Nous devons avancer vite.