Gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions des commissions mixtes paritaires (CMP) chargées d'élaborer des textes sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et du projet de loi organique modifiant la loi organique du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, à la demande du Gouvernement.

La Conférence des présidents a décidé que ces textes feraient l'objet d'explications de vote communes.

M. Pascal Martin, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI) Deux mois après leur examen en séance publique, nous nous retrouvons pour les conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et sur le projet de loi organique associé.

Je salue la qualité des échanges avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, M. Fugit. Nous avons su surmonter nos désaccords et faire des concessions, avec pour objectif d'adapter notre sûreté nucléaire aux enjeux des décennies à venir.

Le projet modernise notre système de sûreté nucléaire pour relever le défi de la relance du nucléaire. Le projet initial comportait cependant des risques, qui nous ont conduits à faire des ajustements. Je me réjouis de voir que ces derniers ont été conservés par la CMP.

Premier risque : une distinction insuffisante entre expertise et décision, question au coeur de la crédibilité du système de sûreté. Il ne faudrait pas que l'expertise soit placée sous l'influence de la décision, ou, inversement, que la décision soit placée sous celle de l'expertise. Mais une séparation trop stricte au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) recréerait deux institutions, ce qui nous ferait perdre les bénéfices de la réforme.

Le texte que nous examinons évite ces deux écueils. Il garantit la confrontation des doutes indispensable à la sûreté nucléaire en assurant que, pour chaque instruction, l'expert est distinct du décideur, tout en évitant d'élever une muraille de Chine au sein de l'ASNR.

Pour chaque instruction, l'expert est distinct du décideur, mais sans muraille de Chine entre les deux. Ils peuvent interagir, et un expert sur un dossier peut être décideur sur un autre, et inversement.

Deuxième problème : le risque de recul en matière de transparence, clé de l'acceptabilité de la relance du nucléaire. Le texte de la CMP conserve les apports du Sénat, qui a prévu la publication des résultats d'expertise ainsi que des avis des groupes permanents d'experts. La publication concomitante des résultats d'expertise et des décisions, à l'initiative de l'Assemblée nationale, apparaît appropriée.

M. Stéphane Piednoir.  - Très bien.

M. Pascal Martin, rapporteur.  - Le texte prévoit que l'ASNR pourra faire exception à cette règle générale pour favoriser la participation du public.

Troisième problème : le maintien des activités de recherche. L'ASNR devra poursuivre la collaboration engagée avec les industriels du secteur nucléaire - qu'elle sera chargée de contrôler. Je me félicite du maintien de la commission d'éthique et de déontologie souhaitée par le Sénat.

Enfin, quatrième problème posé par le texte initial, la participation du Parlement et de la société civile. Comme nous l'avions proposé, le règlement intérieur sera transmis à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), qui dispose d'une expertise reconnue. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDPI)

M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie .  - Nous voici au terme d'un processus parlementaire mais au début d'un autre processus, organisationnel, pour accompagner la relance de notre filière nucléaire.

Les choses ont été plus laborieuses à l'Assemblée nationale, où j'ai défendu ce texte, qu'au Sénat, où Christophe Béchu l'avait défendu - je ne sais si cela tient à la qualité du ministre ou de l'assemblée... (Sourires) Je remercie en tout cas les quatre rapporteurs, ainsi que l'Opecst dont les travaux ont permis d'enrichir le texte.

Au coeur de ce projet de loi, une ambition : permettre à nos talents de se focaliser au sein d'une institution unique sur les enjeux prioritaires de sûreté et les enjeux critiques pour le calendrier des projets nucléaires, sans toucher à nos exigences en matière de sûreté.

Deux enjeux : création de l'ASNR et adaptation des règles de la commande publique. Les deux chambres ont apporté des ajouts intéressants, notamment pour clarifier la distinction de l'expertise et de la décision, prévoir la publication des expertises et créer une commission d'éthique et de déontologie. Le règlement intérieur de la future autorité est très encadré, sans que la structure soit trop rigidifiée.

La CMP s'est accordée sur des lignes directrices pour les modalités de transparence, notamment par la publication des résultats d'expertise avant décision pour les instructions longues, et après pour les instructions courtes.

Le Parlement a mené un travail constructif, mais la tâche ne fait que commencer. Je suivrai de très près la mise en oeuvre de cette réforme et un préfigurateur sera nommé rapidement. Je vous invite à adopter ce texte, fruit d'un consensus réfléchi. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Stéphane Piednoir applaudit également.)

M. Christopher Szczurek .  - Nous voici à la fin d'un long processus parlementaire pour entériner la fusion entre l'IRSN et l'ASN. C'est une victoire idéologique pour ceux qui ont toujours défendu la souveraineté énergétique de la France. Fruit de notre génie national, le parc électronucléaire français est notre meilleur atout pour notre compétitivité comme pour la transition écologique.

Sans tambour ni trompette, notre pays fut le premier à entamer et à terminer sa transition énergétique. Alors que l'Allemagne se vautre encore dans une production charbonnière criminelle, nous disposons d'une énergie propre, bon marché et sécurisée. Nous ne pouvons que nous féliciter que le Gouvernement, après des années d'errances, se soit rangé à l'avis des experts et de l'opinion.

La loi sur l'accélération du nucléaire, quoique insuffisante, constitue un premier pas pour la reconstruction de notre indépendance. Le Gouvernement n'est pas pour autant exonéré de son passif. Il a voulu d'abord réduire le parc nucléaire, avant d'engager un plan de relance incomplet.

Ce texte est aussi la marque d'un Parlement qui reprend en main le travail législatif. Le Gouvernement avait d'abord cherché à organiser la fusion par un amendement, trop habitué à une majorité suiveuse. Nous nous réjouissons de l'échec de cette manoeuvre.

Nous resterons vigilants sur les moyens réels de la future autorité. La sûreté nucléaire ne repose pas sur des normes de papier, mais des moyens réels et des compétences.

Néanmoins, cette fusion est bienvenue. De nombreux pays ont fait le choix d'un système de sûreté unitaire, sans compromettre la sécurité. Nous voterons le texte issu de la CMP.

M. Pierre Jean Rochette .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Ce n'était pas gagné ! Ce texte a connu quelques péripéties à l'Assemblée nationale. Nous sommes ravis d'examiner ce soir le texte issu de la CMP sur la question, cruciale, de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Il faudra transformer l'essai, car ce texte n'est que la première pierre d'une souveraineté énergétique retrouvée. Mais il est la traduction juridique d'une volonté politique claire.

Un nucléaire régénéré ira de pair avec des énergies renouvelables : la France a besoin de marcher sur ces deux jambes.

Nous devons relever de nombreux défis : adapter notre parc vieillissant au réchauffement climatique, garantir la fiabilité des anciennes installations et des nouvelles, recycler les déchets. Pour cela, nous avons besoin d'une sûreté nucléaire et de radioprotection. Si nous voulons encore embarquer nos concitoyens dans l'aventure du nucléaire, il doit être transparent et sûr.

Le nucléaire est indispensable pour l'indépendance énergétique de l'Union européenne. La gestion de notre approvisionnement énergétique ne peut dépendre d'autres puissances, surtout ennemies.

Notre souveraineté énergétique passera par la relance du nucléaire. Une gouvernance efficace de la sûreté et de la radioprotection est une condition sine qua non de la réussite de cette relance.

La Haute Assemblée a, une nouvelle fois, montré que la discussion pouvait faire aboutir à des textes construits et équilibrés.

Nous restons attachés à la distinction entre l'expertise et la décision. La solution retenue semble remplir cet objectif - nous y serons attentifs.

Le coeur battant de la future ARSN, c'est son personnel. Or la fusion des deux entités n'est pas chose aisée. La compétence des personnels est la force du nucléaire : il est de notre devoir de veiller à la mise en place d'un cadre de travail qui leur correspond.

Le rôle de l'Opecst au service de la transparence est crucial.

Le lien entre la filière nucléaire et la nouvelle autorité est indispensable ; les risques de conflits d'intérêts paraissent écartés.

Enfin, nous devons allouer les moyens nécessaires à notre transition énergétique, dont la relance du nucléaire est l'une des dimensions.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte, qui n'est qu'une première étape. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et du RDPI, ainsi qu'au banc des commissions)

Mme Denise Saint-Pé .  - Nul ici n'a oublié l'introduction pour le moins maladroite de ce projet de fusion par le Gouvernement lors de l'examen à l'Assemblée nationale du projet de loi relatif à l'accélération des procédures nucléaires. Cela menaçait de déposséder le Sénat d'un débat indispensable. Heureusement, le Gouvernement a entendu raison et temporisé.

Le Sénat a mis à profit ce temps pour examiner en détail cette question. Le rapport rendu en janvier 2023 par MM. Piednoir et Fugit pour l'Opecst puis celui de MM. Martin et Chaize nous ont éclairés sur des enjeux majeurs : évolutions technologiques, prolongation des réacteurs existants, gestion des déchets, adaptation au réchauffement climatique, démantèlement des centrales.

Des difficultés inattendues peuvent advenir, comme la corrosion sous contrainte constatée en 2021 et 2022 sur certains réacteurs. Les travaux sont donc voués à croître, ce qui plaide pour une entité unique.

Mais plusieurs conditions doivent être réunies : indépendance de la nouvelle entité pour écarter tout soupçon de partialité, dialogue continu entre les ingénieurs et les experts, conditions attractives pour les personnels, garantie d'un niveau de transparence élevé et recrutements massifs pour faire face à la charge de travail.

Le Sénat a vu ses apports conservés par la CMP : séparation entre expertise et décision sur chaque dossier, projet de règlement intérieur présenté à l'Opecst. Ces mesures complètent une réforme ambitieuse que nous soutenons. Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et du RDPI, ainsi qu'au banc des commissions ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)

M. Ronan Dantec .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Il était une fois le nouveau nucléaire français, chapitre 2...

Résumé des contes précédents : le chevalier au tablier de plomb a réussi à réveiller la belle au bois dormant, le nucléaire français, longtemps assouplie du fait des sortilèges de la fée Carabosse, parfois dépeinte sous les traits de Dominique Voynet. La campagne, surtout normande, fleurirait bientôt de magnifiques châteaux de type EPR2, puis SMR.

Mais quelques obstacles se dressaient encore sur la route du chevalier. Un mage fourbe avait conçu un buisson touffu capable de ralentir toute cavalcade trop rapide : deux organismes différents pour éviter la précipitation au détriment de la sécurité. Ce duo suscitait même l'intérêt des royaumes voisins.

Le héros de la geste nucléaire n'a pas le temps de se faufiler dans ce buisson, pressé par l'empereur Photovoltaïque qui étend rapidement son domaine dans le monde - il faut dire que son mégawattheure est quatre fois moins cher... Cet empereur menace de réduire le royaume du chevalier nucléaire au nord-Cotentin pour des siècles et des siècles.

Il faut donc accélérer la cadence, tronçonner et « glyphosater » le buisson maudit. C'est ce que vient de faire le législateur, au désespoir des personnels.

Je salue le rapporteur Martin, qui a tenté de maintenir un peu de distance entre l'expertise et la décision ; il semble de bon sens qu'on ne peut faire les deux à la fois sans perdre en esprit critique. (M. Roland Lescure le conteste.) Mais le conclave de la CMP a décidé que les uns ne seraient les autres que quand les autres ne pourraient plus être les uns, sans que les uns puissent jamais être les autres... J'espère que vous suivez !

Seul un groupe d'initiés, les membres redoutés de l'Opecst, pourront consulter le grimoire magique consignant les règles de fonctionnement de la nouvelle entité. Chers collègues, votre avis ne sera pas digne d'être pris en compte, non plus que celui du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire ni celui de la Fédération nationale des commissions locales d'information. Même l'accompagnement de la commission de déontologie a été supprimé.

De quoi le Gouvernement a-t-il peur ? Que le nouveau plan Messmer soit bloqué par une plogoffite aiguë ? Nous actons ce soir la rupture du dialogue entre la société et le monde nucléaire. C'est la malédiction historique du nucléaire français !

Le GEST votera évidemment contre ce texte dangereux, qui augmente les risques d'accident et, paradoxalement, ralentira le développement du nucléaire que vous souhaitez en fusionnant contre leur avis des personnels aux cultures différentes.

On peut vouloir décréter une fusion d'un coup de baguette magique. Mais, au vu des risques, on est plus chez Garcimore que Merlin l'Enchanteur. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Fabien Gay .  - Une fois de plus, le Gouvernement échoue à convaincre : il entend faire passer coûte que coûte ce texte issu d'un rapport dont les conclusions ont été gardées secrètes.

Ce passage en force au Parlement a été savamment orchestré. Il y a un an, vous tentiez de faire passer la réforme par la voie d'un amendement, finalement considéré comme un cavalier législatif.

Vous n'avez produit aucun document pour étayer la position gouvernementale selon laquelle un organe unitaire serait plus efficace. Votre projet coûtera en réalité plus cher dans bien des domaines.

C'est aussi un passage en force institutionnel, alors que toutes les instances consultées ont émis des réserves, voire une franche hostilité.

Les personnels nous alertent sur le manque de transparence. Mais le dialogue social, pour le Gouvernement, c'est : quand on est d'accord avec vous, très bien ; quand on n'est pas d'accord, vous restez sourds... La filière devrait pouvoir s'appuyer sur un statut de haut niveau pour les personnels, y compris sous-traitants. Les protéger, c'est nous protéger.

Pire, les salariés vous alertent sur les risques en matière de sûreté, alors que nous voyons apparaître de nouveaux acteurs. Comment justifier la refonte d'un système qui a fait ses preuves dans un moment aussi crucial ? Comment ne pas y voir la volonté d'accélérer, alors que la sûreté devrait être la priorité absolue ?

Ce projet réalisé à la hâte pour bâillonner les experts des deux organisations nous inquiète. Nous sommes favorables à la relance du nucléaire, mais le modèle que vous proposez est une impasse dangereuse. L'expertise doit être fondée sur des faits scientifiques, en dehors des considérations économiques. L'impératif de sûreté doit toujours primer.

Comment renforcer la confiance de nos concitoyens dans le programme électronucléaire, alors que ce texte restreint la transparence de l'information ? Il faut rechercher un large consensus au lieu de passer en force. Nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du CRCE-K et du GEST ; M. Sébastien Fagnen applaudit également.)

M. Raphaël Daubet .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La France s'engage dans un virage historique : une relance d'envergure de sa production nucléaire. Il faut pour cela une révision des pièces maîtresses de la charpente de la filière nucléaire - dont le pilier le plus solide est la sûreté.

Ce qu'il nous offre en rigidité, il nous en prive en souplesse. Sans doute faut-il raccourcir les circuits décisionnels, faire la chasse aux doublons et aux dépenses inutiles - dans notre pays, on en trouve toujours ; mais faut-il aller au-delà, c'est-à-dire à la fusion ? Devons-nous prendre le risque - il s'agit bien de cela - d'une fusion qui modère le rôle de contrepoids de l'IRSN et complexifiera les choses ?

En première lecture, j'ai exprimé nos doutes. Nous ne parlons de rien de moins qu'un risque planétaire, pour un gain d'efficacité hypothétique. J'attendais des arguments me persuadant que jamais la ligne rouge, celle de l'indépendance de l'expertise, ne serait franchie.

Or je suis moins convaincu aujourd'hui qu'hier.

M. Ronan Dantec.  - Très bien !

M. Roland Lescure, ministre délégué.  - C'est dommage...

M. Raphaël Daubet.  - Faire de l'expert d'un jour le décideur du lendemain n'est pas un bon choix. Les experts tirent leur force de leur acuité, de leur attention au détail ; les décideurs sont aptes à trancher, à prendre des risques. Changer de casquette est dangereux. (M. Roland Lescure le conteste.)

Le recul en matière de transparence nous inquiète aussi. Repousser la publication des rapports au moment de l'annonce de la décision, c'est affaiblir le rôle des experts.

Quelle est la plus-value de cette mesure en un contexte d'urgence ? D'autres solutions existent, comme l'augmentation des ressources et des moyens humains des deux entités.

Le RDSE, à une très large majorité, juge que la sûreté ne sera pas maintenue dans ces conditions. Rejeter ce texte, ce n'est pas s'opposer au nucléaire. Nous réitérons notre volonté d'une sûreté renforcée et transparente. (M. Sébastien Fagnen applaudit.)

Mme Nadège Havet .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP) Ce texte primordial est porteur d'une ambition : faire de la France le premier État développé à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles. Nous nous appuyons sur la stratégie française énergie-climat, qui repose sur la production d'énergies décarbonées et la baisse de notre consommation d'énergie. En 2022, la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d'électricité a atteint 30 %, soit six points de plus en un an.

Au Sénat, nous n'avons pas le nucléaire honteux : il nous permettra de réduire nos émissions, la facture pour les ménages, de soutenir la réindustrialisation de la France et de renforcer notre souveraineté énergétique.

M. Yannick Jadot.  - Certainement pas !

Mme Nadège Havet.  - Le nucléaire a pu se développer autant grâce à son cadre de sûreté, mais nous vivons un changement de paradigme complet, qui suppose une évolution de la gouvernance.

Des amendements ont apporté des précisions, notamment sur la séparation de l'expertise et de la décision et la publication des avis.

La CMP est parvenue à une position d'équilibre : accord sur la fusion, distinction entre expertise et décision pour chaque dossier, présentation du projet de règlement intérieur à l'Opecst, respect de l'engagement d'un rattrapage des salaires, plan de recrutement massif. Mon groupe votera donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La transition énergétique passe par le nucléaire. Dommage qu'en 2015, le ministre de l'économie ait bradé la branche énergie d'Alstom à General Electric...

Ce texte fragilise un modèle vieux de 25 ans dont personne n'a su démontrer le défaut. Les défenseurs de cette réforme ont une obsession : l'expert ne doit pas dicter la décision - mais, en l'occurrence, le décideur va faire taire l'expert.

Pourquoi ? Pour faire plus vite, moins cher et mieux. Le cas de Boeing a de quoi refroidir... Et face au foisonnement de fausses informations, la meilleure façon d'instaurer la confiance, c'est la transparence.

La recherche coûterait cher et prendrait du temps : idée fausse, car elle permet de débloquer des situations. Or aucune réflexion n'est menée sur les relations entre recherche et expertise, pourtant riches d'enrichissements.

Cette absence de vision et d'évaluation sérieuses des risques a conduit à retenir le statut d'autorité administrative indépendante (AAI), alors qu'une administration n'est pas le lieu approprié pour des projets de recherche. C'est ce qu'a rappelé Philippe Vesseron, ancien délégué aux risques majeurs.

Cette réforme fragilise les équipes dans un contexte clé et réduit la transparence. Nous avons besoin de l'énergie nucléaire pour réussir la transition énergétique, mais cette réforme ralentira son développement. Les énergies fossiles ont de belles années devant elles. Nous regrettons que des voix qualifiées n'aient pas été entendues et voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des affaires économiques a été saisie au fond des articles portant sur la simplification des règles de la commande publique et le repositionnement du Haut-commissaire à l'énergie atomique. Elle s'est saisie pour avis des dispositions relatives à la fusion de I'IRSN et de l'ASN.

La réforme était bien mal engagée. La commission des affaires économiques avait refusé l'an passé les amendements présentés à la hâte par le Gouvernement, pour lui préférer une saisine de l'Opecst, indispensable.

Le remaniement nous a privés d'un ministre responsable pendant un mois, nous n'avons même pas pu l'auditionner en commission !

Heureusement, le travail de fond a payé. Nous avons pu faire prospérer nos rapports sénatoriaux.

J'avais fait adopter plus d'une trentaine d'amendements ; une vingtaine subsiste, ce dont je me félicite. Ainsi de l'article 12 sur le haut-commissaire à l'énergie atomique, qui pourra indiquer au Comité de l'énergie atomique et à toute autorité administrative l'orientation scientifique et technique qui lui paraît souhaitable. Il pourra également émettre un avis sur la future loi de programmation de l'énergie et la future programmation pluriannuelle de l'énergie. Il pourra être saisi pour avis sur un projet de texte législatif ou réglementaire, un projet d'acte de l'Union ou une question relative aux activités nucléaires civiles, et pourra évaluer chaque année l'état des activités nucléaires civiles.

Si l'Assemblée nationale n'a pas souhaité que la désignation du haut-commissaire relève de la procédure de l'article 13 de la Constitution, celle des instances dirigeantes de la société Orano a prospéré. Alors que le cycle du combustible nucléaire prend un tournant stratégique, c'est un progrès historique pour le contrôle parlementaire des décisions gouvernementales et des orientations de la filière nucléaire.

Aux articles 16 à 18, deux facultés introduites par le Sénat pour les porteurs de projets ont été maintenues : le critère de crédibilité et le recours à des avenants, souplesses demandées par la filière.

Des marchés mixtes seront intégrés aux côtés des marchés uniques, des pouvoirs adjudicateurs seront ajoutés.

Les porteurs de projet devront notifier à l'État les dérogations aux règles de publicité et de mise en concurrence, dont le Gouvernement rendra compte au Parlement. La simplification des normes doit s'accompagner d'un renforcement a priori des contrôles, exigence pour prévenir toute dérive des délais et des coûts.

Sur l'ASNR, je me félicite du maintien de dispositions concernant l'institution d'un préfigurateur, la parité, la protection du secret des affaires, l'interdiction du recours à certains personnels étrangers, ou encore l'évaluation des moyens financiers et humains du haut-commissariat à l'énergie atomique.

Je me félicite aussi de la possibilité pour l'Opecst de connaître le règlement intérieur de l'autorité, de l'institution d'une commission de déontologie et du recours à un groupe permanent d'experts.

Je vous invite à voter les textes présentés. Ce que fera mon groupe. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Bernard Buis et Jean-François Longeot applaudissent également.)

Mme la présidente. - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat statue par un seul vote sur chaque texte.

À la demande de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le projet de loi ordinaire est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°174 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 233
Contre 109

Le projet de loi ordinaire est définitivement adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Louis Vogel applaudit également.)

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°175 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 233
Contre 109

Le projet de loi organique est définitivement adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du RDPI ; M. Louis Vogel applaudit également.)

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire.  - Merci, monsieur le ministre, pour votre engagement. J'associe votre collègue, M. Béchu, à ces remerciements. Je remercie Stéphane Piednoir et la présidente Primas, qui avait saisi l'Opecst. Je félicite Dominique Estrosi Sassone ainsi que Patrick Chaize, qui a travaillé en collaboration avec Pascal Martin, que je remercie pour son écoute. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Denise Saint-Pé applaudit également.)

C'est cette volonté de dialogue qui a permis d'aboutir à un vote conclusif. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)