Projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés .

Le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM) porte transposition de trois directives. Il adapte en conséquence le code de l'environnement pour mettre à jour des définitions, créer un conseil des biotechnologies et modifier les procédures permettant l'utilisation des OGM. Le dispositif repose sur trois axes principaux : la mise en oeuvre du principe de précaution par l'évaluation des risques et le suivi des cultures OGM, une transparence accrue de l'information du public et le respect du libre choix des agriculteurs et des consommateurs grâce à l'organisation de la coexistence entre cultures.

Première lecture.

Déposé en premier lieu sur le Bureau du Sénat , le projet de loi y a été examiné du 21 au 23 mars 2006.

Au cours de la discussion générale , M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, après avoir rappelé que le projet de loi portait transposition de la directive de 1998 relative à l'utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés et de la directive de 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, a observé que le sujet des OGM suscitait des controverses d'autant plus passionnées qu'il était mal connu du grand public alors même que, sur le plan scientifique et thérapeutique, les OGM étaient très largement utilisés depuis plus de vingt ans.

Le ministre a déclaré que les OGM constituaient une importante réalité économique avec plus de quatre-vingts millions d'hectares plantés dans le monde en 2004. Il a estimé qu'ils étaient susceptibles d'ouvrir de vastes perspectives de progrès pour l'humanité, par exemple pour économiser l'eau ou limiter les pollutions organiques.

Il a cependant souligné la nécessité de mesurer préalablement les éventuels inconvénients susceptibles de résulter des OGM pour la santé humaine et la biodiversité, conformément au principe de précaution inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement.

Le ministre a exposé que le projet de loi mettait en place des contrôles rigoureux pour l'utilisation des OGM, avec des régimes d'autorisation préalable et l'interdiction des OGM contenant des gènes de résistance aux antibiotiques. Il a précisé qu'était également créée une instance de contrôle et d'expertise, un conseil des biotechnologies.

Puis M. Jean Bizet, rapporteur de la commission des affaires économiques, a observé que, bien que ne s'étant pas opposée aux deux directives de 1998 et 2001 sur les essais en milieu confiné et sur les essais au champ, la France avait été condamnée pour retard de transposition et s'exposait prochainement au paiement de lourdes astreintes.

Le rapporteur a expliqué que les OGM, « produits naturels d'une technologie innovante », n'étaient en soi ni bons ni mauvais et a précisé que les interrogations du public portaient essentiellement sur la production de plantes génétiquement modifiées en milieu ouvert.

Il a estimé que le projet de loi apportait de vraies réponses en abordant les conditions relatives à l'évaluation et au contrôle strict des innovations biotechnologiques dans le respect du principe de précaution, en traitant de l'information du public et de la transparence et en organisant la coexistence des différents types de cultures.

Il a appelé à une relance de la recherche dans le domaine des biotechnologies et à la cessation des destructions d'essais qui obéraient l'avance de la France en matière de sélection variétale et d'obtention végétale.

Le rapporteur a enfin salué l'initiative du Premier ministre confiant aux délégations parlementaires pour l'Union européenne du Sénat et de l'Assemblée nationale une mission de réflexion sur ce sujet et s'est félicité du large débat qui s'ouvrait avec l'examen du projet de loi.

Dans la suite de la discussion générale, sont également intervenus treize autres sénateurs : MM. Gérard Le Cam, Christian Gaudin, Jean-Marc Pastor, Bernard Barraux et François Fortassin, Mme Françoise Férat, MM. Daniel Raoul, Ambroise Dupont, Pierre Laffitte, Daniel Soulage, Jean Desessard et Rémy Pointereau, ainsi que Mme Dominique Voynet.

Le Sénat a ensuite examiné la motion tendant à opposer l' exception d'irrecevabilité présentée par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, au motif du non-respect, par le projet de loi, du principe de précaution inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement adossée à la Constitution. M. Desessard a exprimé son hostilité à la transposition du volet de la directive relatif à « la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés en raison des controverses scientifiques qui sèment le doute sur les effets des OGM pour la santé et l'environnement » et a proposé « un moratoire de cinq ans sur toute opération de dissémination volontaire, un moratoire sur les essais en plein champ et sur toute autorisation de mise sur le marché d'OGM ». Conformément à l'avis émis par la commission et le Gouvernement, le Sénat a rejeté la motion d'irrecevabilité.

Il a également examiné une motion tendant à opposer la question préalable présentée par Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe CRC, considérant que le projet de loi ne réglait pas les problèmes posés par les OGM et que ce sujet devait donner lieu à un grand débat national. Après l'explication de vote de M. Paul Raoult, le Sénat, conformément à l'avis de la commission et du Gouvernement, a rejeté cette motion .

Le Sénat a enfin rejeté, conformément à l'avis émis par la commission et le Gouvernement, une motion demandant le renvoi à la commission présentée par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet au motif que la commission n'avait pas auditionné le ministre de la recherche, que son rapport n'était pas de nature à éclairer les sénateurs et que le dispositif résultant du projet de loi ne permettrait pas de mesurer les effets à long terme de la dissémination des OGM dans l'environnement et dans l'alimentation.

Puis le Sénat a abordé l' examen des articles du projet de loi.

Les principales modifications apportées au projet de loi ont porté sur les points suivants :

- à l' article 1 er donnant la définition des OGM (art. L. 531-1 du code de l'environnement 1 ( * ) ), le Sénat a adopté un amendement de la commission visant à élargir, conformément à la directive de 2001, le champ juridique des opérations soumises à la réglementation spécifique aux OGM disséminés 2 ( * ) ;

- à l' article 3 relatif à la substitution d'un conseil des biotechnologies aux commissions de génie génétique et du génie biomoléculaire (art. L. 531-3 à L. 531-5), le Sénat a adopté une dizaine d'amendements : deux amendements identiques de la commission et de M. Daniel Raoul soulignant l'importance du conseil des biotechnologies en en faisant un haut conseil, précisant sa double mission d'organisme chargé d'éclairer les choix du Gouvernement et de nouer le dialogue avec les experts scientifiques et prévoyant l'établissement d'un rapport annuel ; six autres amendements de la commission : deux pour préciser le mode de désignation des membres de ce haut conseil et le critère de sélection des personnalités désignées pour siéger à la section scientifique ; un pour fixer le régime applicable à la fonction de membre de cette section en le calquant sur celui des experts collaborant aux travaux de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) ; deux autres pour, d'une part, adjoindre à la section socio-économique des parlementaires membres de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques et, d'autre part, astreindre au secret professionnel pour les informations recueillies dans l'exercice de leurs fonctions les membres du haut conseil ; un dernier, ayant pour objet de préciser les missions respectives des deux sections du haut conseil, modifié par deux sous-amendements identiques présentés par M. Michel Charasse et M. Gérard César tendant à éviter que le dispositif ne conduise à placer la section scientifique sous la tutelle de la section socio-économique. Sur ce même article 3, le Sénat a également adopté un amendement de M. Gérard Le Cam et des membres du groupe communiste prévoyant un décret en Conseil d'Etat pour préciser les modalités de fonctionnement du haut conseil (avis de sagesse du Gouvernement) ;

- à l' article 4 relatif aux modalités de classement des utilisations confinées d'OGM (art. L. 532-1), le Sénat a adopté, par le scrutin public n° 154 demandé par la commission , un amendement présenté par elle prévoyant des mesures de protection plus strictes en cas d'hésitation quant à la classe de confinement la mieux adaptée à l'utilisation envisagée ;

- à l' article 7 définissant un régime d'agrément ou de déclaration pour les utilisations confinées d'OGM (art. L. 532-3), le Sénat a prévu, à l'initiative de M. Pierre-Yvon Trémel et des membres du groupe socialiste, une consultation du Haut conseil des biotechnologies sur chaque demande d'agrément en vue de l'utilisation confinée d'OGM. Sur ce même article, il a également adopté quatre amendements de sa commission : l'un rédactionnel ; un autre pour préciser les deux cas où l'utilisation confinée d'OGM peut se faire par simple déclaration ; un autre encore pour prévoir, conformément aux exigences de la directive européenne, une révision régulière de l'évaluation des risques et des modalités de confinement ; le dernier pour renvoyer à un décret en Conseil d'Etat la définition des modalités d'application du dispositif, et notamment le délai maximal d'instruction des demandes d'agrément ;

- à l' article 8 relatif à l'information du public en matière d'agrément d'utilisation confinée d'OGM (art. L. 532-4), le Sénat, à l'initiative de sa commission, s'est attaché à rendre la plus transparente possible cette information. Il a également adopté, par le scrutin public n° 155 demandé par le groupe UMP et contre l'avis de la commission et du Gouvernement estimant ces précisions d'ordre réglementaire, un amendement présenté par M. Daniel Soulage et les membres du groupe Union centriste-UDF établissant la liste des informations ne devant pas rester confidentielles ;

- à l' article 12 relatif à la procédure d'autorisation pour la dissémination volontaire d'OGM (art. L. 533-3), le Sénat a adopté deux amendements de sa commission ayant respectivement pour objet, le premier, de prévoir un avis préalable du haut conseil, une évaluation des risques ainsi qu'une consultation du public à l'échelon national, le second, de prévoir une procédure simplifiée, conformément à la directive de 2001 ;

- à l' article 13 relatif à la procédure d'autorisation pour la mise sur le marché d'OGM (art. L. 533-4), le Sénat a adopté quatre amendements de sa commission : outre une modification rédactionnelle, ils ont eu pour objet de reprendre les termes de la définition communautaire de l'évaluation des risques, de rappeler la nécessité de consulter le Haut conseil des biotechnologies avant d'autoriser la mise sur le marché d'un OGM et de prévoir que l'autorisation doit être assortie de prescriptions ;

- à l' article 14 traitant de la confidentialité des informations communiquées lors des demandes d'autorisation pour la dissémination volontaire d'OGM (art. L. 533-5), le Sénat, à l'initiative de sa commission, a substitué au principe du secret celui de la transparence des informations fournies par le demandeur d'autorisation de mise sur le marché ;

- à l' article 16 définissant les conditions de dissémination volontaire de plantes génétiquement modifiées (art. L. 533-8 à L. 533-12 nouveaux), le Sénat a adopté trois amendements de sa commission rendant le haut conseil destinataire des rapports de surveillance et prévoyant le caractère immédiat de l'information de l'autorité administrative ;

- à l'initiative de sa commission, le Sénat a inséré dans le projet de loi un titre II bis consacré à la coexistence entre cultures et contenant les articles 20 à 24 auxquels est venu s'ajouter un article 20 bis prévoyant la création d'un registre public d'information sur les cultures d'OGM (art. L. 251-1-1 inséré dans le code rural), le dispositif ayant été précisé par un sous-amendement de M. Michel Charasse visant à une localisation à l'échelle départementale des cultures d'OGM (avis de sagesse de la commission et avis défavorable du Gouvernement) ; à l' article 20 relatif à la déclaration des cultures OGM et à l'information du Haut conseil des biotechnologies (art. L. 251-1 et L. 251-2 du même code), le Sénat a adopté un amendement de sa commission imposant à tout cultivateur d'OGM l'obligation de prévenir les exploitants des parcelles voisines ;

- à l' article 21 traitant de la coexistence entre cultures OGM et cultures non-OGM (art. L. 662-4 à L. 662-13 insérés dans le code rural), le Sénat a adopté douze amendements, dont sept présentés par la commission ayant pour objet, outre quelques ajustements rédactionnels, de créer une division spécifique, dans le code rural, sur la culture des plantes génétiquement modifiées, de conférer un caractère d'ordre public au seuil fixé par le règlement communautaire sur l'étiquetage et la traçabilité des OGM, de confier à l'Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) plutôt qu'aux services des douanes le recouvrement de la taxe à l'hectare sur les cultures d'OGM, d'associer le Comité national de l'assurance en agriculture à la gestion du fonds d'indemnisation et de rendre obligatoire la contribution des organismes professionnels et interprofessionnels à ce fonds, un sous-amendement présenté par M. Daniel Soulage et les membres du groupe de l'Union centriste-UDF ayant permis, sur ce dernier point, de cibler les producteurs de semences, plantes ou plants génétiquement modifiés. Sur l'article 21, le Sénat a également adopté deux amendements de M. Dominique Mortemousque et de plusieurs de ses collègues pour aligner précisément la définition de l'obligation d'étiquetage sur la définition communautaire, d'une part, et pour ramener de 100 € à 50 € le plafond du montant de la taxe destinée à alimenter le fonds d'indemnisation, d'autre part, ainsi qu'un amendement du Gouvernement fixant à cinq ans la durée de fonctionnement dudit fonds ;

- à l'initiative de sa commission, le Sénat a prévu, à l' article 27 relatif à la clôture du fonds d'indemnisation, une vérification de l'effectivité, au terme d'un délai de trois ans, de la mise en place du dispositif assuranciel et l'abrogation, à la clôture du fonds, des dispositions du code rural le concernant.

Le Sénat a enfin procédé à une seconde délibération sur l' article 3 et a adopté un amendement du Gouvernement précisant que le Haut conseil des biotechnologies participerait à l'information du public, notamment, à la demande des maires, dans le cadre de débats locaux sur les projets d'expérimentation concernant le territoire de la commune.

Les modifications suivantes, d'ordre formel, de précision, de clarification rédactionnelle, de correction d'erreur matérielle ou de coordination ont par ailleurs été apportées au texte :

- le Sénat a adopté deux amendements de la commission clarifiant le libellé de l'intitulé du titre I er et de son chapitre I er ;

- à l' article 2 excluant les techniques « naturelles » du champ de la réglementation spécifique aux OGM (art. L. 531-2), le Sénat a adopté un amendement de précision de la commission ;

- à l' article 5 relatif aux modalités de confinement des utilisations d'OGM (art. L. 532-2), le Sénat a adopté deux amendements de sa commission, l'un de nature rédactionnelle, l'autre pour préciser que les activités couvertes par le secret de la défense nationale font bien l'objet d'un confinement ;

- à l' article 6 soumettant les utilisations confinées d'OGM à des fins de production industrielle aux dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (art. L. 532-2-1), le Sénat a adopté un amendement rédactionnel de sa commission (avis de sagesse du Gouvernement) ; il a également adopté deux autres amendements purement rédactionnels de sa commission à l' article 10 relatif aux frais d'instruction des demandes d'agrément d'utilisation confinée d'OGM (art. L. 532-6) et sur l'intitulé du chapitre III du titre I er ;

- à l' article 11 définissant la dissémination volontaire (art. L. 533-2), le Sénat a, à l'initiative de M. Gérard César et de plusieurs de ses collègues, précisé la définition des « produits composés en tout ou partie d'OGM » ;

- le Sénat a adopté deux amendements, présentés par sa commission, de réécriture de l' article 15 relatif à l'autorisation délivrée par un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen (art. L. 533-6) et de l' article 17 opérant des coordinations (art. L. 535-1 à L. 535-7) ; il a également, à l'initiative de sa commission, simplifié l'intitulé du chapitre V du titre I er regroupant les dispositions pénales avant d'adopter un amendement de coordination à l' article 18 relatif aux sanctions pénales (art. L. 536-1, L. 536-2 et L. 536-5), supprimé le titre II et complété le titre I er par un chapitre VI relatif à l'utilisation confinée d'OGM dans les installations classées contenant l' article 19 (art. L. 515-13), réécrit par coordination, pour mettre à la charge de l'exploitant une obligation de transparence.

Le Sénat a en outre rejeté, par le scrutin public n° 156 demandé par le groupe de l'Union centriste-UDF , un amendement présenté par M. Daniel Soulage et les membres de ce même groupe tendant à insérer un article additionnel après l'article 16 du projet de loi pour rendre possible la création de zones protégées permettant de prévenir la contamination des cultures non génétiquement modifiées.

Le Sénat a enfin adopté sans modification l' article 9 (Pouvoirs administratifs en cas de danger connu après une déclaration ou la délivrance d'un agrément d'utilisation confinée d'OGM - art. L. 532-5 du code de l'environnement), l' article 22 (Sanctions pénales en cas de non-respect des prescriptions de cultures - art. L. 671-14 et L. 671-15 du code rural), l' article 23 (Coordination - art. L. 214-3 du code de la consommation), l' article 24 (Application aux médicaments de la législation sur les OGM - art. L. 5151-1 du code de la santé publique), l' article 25 (Entrée en vigueur) et l' article 26 (Interdiction des marqueurs antibiotiques pour la mise sur le marché d'OGM et péremption des autorisations de mise sur le marché).

Après les explications de vote de MM. Gérard Le Cam, Dominique Mortemousque, Jacques Pelletier, Daniel Raoul, Jean Desessard, Daniel Soulage et Jean Bizet, rapporteur, le Sénat a adopté le projet de loi par le scrutin public n° 157 demandé par le groupe CRC . Le 30 juin, le projet de loi était en instance sur le Bureau de l' Assemblée nationale .