Réuni le mardi 12 mars 2024, sous la présidence de M. Bruno BELIN (Les Républicains – Vienne), président, le groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest s’est entretenu, par visioconférence, avec Mme Christine FAGES, Ambassadrice de France au Sénégal.

Ont également participé à la réunion : M. Thierry COZIC (Socialiste, Écologiste et Républicain – Sarthe), président délégué pour le Togo, Mme Hélène CONWAY-MOURET (SER – Français établis hors de France), vice-présidente, MM. Jean-Baptiste LEMOYNE (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants – Yonne), vice-président, Pierre BARROS (Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste - Kanaky – Val-d’Oise), Hussein BOURGI (SER – Hérault), Michel CANÉVET (Union Centriste – Finistère), Franck DHERSIN (UC – Nord), Vincent ÉBLÉ (SER – Seine-et-Marne), Philippe FOLLIOT (UC – Tarn), Fabien GENET (LR – Saône-et-Loire), Guillaume GONTARD (Écologiste - Solidarité et Territoires – Isère), Laurent LAFON (UC – Val-de-Marne) et Mickaël VALLET (SER – Charente-Maritime).

Mme Christine FAGES a indiqué qu’en principe, après de nombreux rebondissements, l’élection présidentielle sénégalaise devrait avoir lieu le 24 mars, ce qui laisse très peu de temps pour la campagne électorale. Toutefois, la décision de la Cour suprême sur le recours de l’opposition visant le décret fixant la date de l’élection était attendue très prochainement. Pour autant, la décision du Conseil constitutionnel était très claire : l’élection présidentielle devait avoir lieu avant la fin du mandat du Président Macky SALL, soit avant le 2 avril ; elle fige de facto la liste des 19 candidats. Dans ce contexte, il est très difficile de faire des pronostics sur le résultat de l’élection.

Répondant à des questions de Mme Hélène CONWAY-MOURET, vice-présidente, sur les ingérences étrangères et la désinformation, notamment sur les réseaux sociaux, pendant la campagne et sur la façon de lutter contre ces phénomènes, Mme Christine FAGES a indiqué que des rumeurs sur l’influence russe émaillaient effectivement la campagne, mais que seulement 20 % de la population sénégalaise, généralement les citadins et les jeunes, étaient activement engagés sur les réseaux sociaux ; la télévision et plus encore la radio restent les principaux canaux d’information. Les influences turque et chinoise sont sans doute plus tangibles, mais sont pour l’essentiel cantonnées au domaine économique, à la construction d’infrastructures en particulier. L’ambassade travaille étroitement avec la direction de la communication et de la presse du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères pour observer les réseaux sociaux, mais il reste difficile d’apprécier l’impact des influences numériques sur les perceptions.

Répondant à M. Jean-Baptiste LEMOYNE, vice-président, l’Ambassadrice a indiqué que l’opinion publique sénégalaise était intéressée par la politique et cette campagne électorale, mais que les rebondissements permanents commençaient à la lasser, d’autant plus que beaucoup de Sénégalais sont surtout préoccupés par les problèmes du quotidien, notamment économiques. Dans ce contexte, la communauté d’affaires française est attentive aux conséquences économiques et sociales de cette crise politique. Alors que près du quart du budget de l’État sénégalais provient des bailleurs internationaux, il faut espérer que l’incertitude de la situation politique n’aura pas d’effet sur le versement de cette aide.

À une question de M. Bruno BELIN, président, sur les discours anti-français au Sénégal, Mme Christine FAGES a indiqué que les réactions des Sénégalais étaient paradoxales. Le populisme politique exprime parfois certes des positions anti-françaises, mais la France demeure un partenaire incontournable, et une référence : les Sénégalais attendent beaucoup de la France. Les relations d’État à État n’épuisent cependant pas les relations franco-sénégalaises ; ainsi la coopération décentralisée fonctionne-t-elle très bien. Pour autant, des offres alternatives à celles de notre pays existent au Sénégal, par exemple dans le domaine commercial, où la population peut se tourner vers d’autres fournisseurs pour des biens de gammes très diverses.

À M. Pierre BARROS, qui s’inquiétait de l’évolution politique future du Sénégal dans une région marquée par l’instabilité, l’Ambassadrice a fait observer que plusieurs pays d’Afrique occidentale étaient confrontés à des problèmes de gouvernance, à de fortes inégalités économiques et sociales et à un manque d’intérêt des autorités pour la société civile, pourtant dynamique. Le Sénégal est confronté à trois problèmes majeurs : une faible industrialisation, un dialogue insuffisant avec la jeunesse, alors que 75 % de la population a moins de 35 ans, et des blocages au sein de la société.

En réponse à M. Vincent ÉBLÉ, qui l’interrogeait sur la situation en Casamance, l’Ambassadrice a indiqué que les liaisons maritimes entre le nord du pays et la Casamance étaient interrompues depuis les événements de juin et que les difficultés de cette région avaient une importante composante économique.

À M. Hussein BOURGI, qui l’interrogeait sur les établissements scolaires français au Sénégal et sur l’influence des confréries religieuses dans la campagne électorale, Mme Christine FAGES a répondu que les établissements français fonctionnaient très bien, au mieux de leurs capacités. Ils conservent une forte attractivité. Les confréries religieuses apparaissent toujours incontournables dans le paysage politique, comme en témoigne le fait que les khalifes généraux, en particulier le plus puissant d’entre eux, le khalife général des Mourides, ont reçu au fil des derniers mois les principaux candidats à l’élection présidentielle.

En réponse à M. Philippe FOLLIOT, s’agissant de la découverte de gisements de pétrole au large du Sénégal, l’Ambassadrice a indiqué que l’exploitation de ces gisements avait pris du retard et qu’elle ne devrait pas commencer avant le quatrième trimestre de cette année. Il n’y avait pas d’entreprises françaises exploitantes. Il ne faut pas en attendre des effets immédiats sur le niveau de vie de la population, car 70 % des revenus seront, dans un premier temps, affectés au remboursement des investissements réalisés par les grandes entreprises exploitantes. La plupart des candidats à l’élection présidentielle restent d’ailleurs prudents sur les retombées des ressources pétrolières pour la population.

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