Réuni le mardi 2 avril 2024, sous la présidence de M. Hugues SAURY (Les Républicains – Loiret), président, le groupe d’amitié France – Pays de la Corne de l’Afrique s’est entretenu avec M. Jérôme CAUCHARD, Ambassadeur de France en Érythrée.

Ont également participé à la réunion : MM. Raphaël DAUBET (Rassemblement Démocratique et Social Européen – Lot), président délégué pour l’Éthiopie, et Olivier CADIC (Union centriste – Français établis hors de France) et Mme Laurence HARRIBEY (Socialiste, Écologiste et Républicain – Gironde), vice-présidents.

M. Jérôme CAUCHARD a d’abord indiqué que l’Érythrée est l’un des plus jeunes États du monde, et du continent africain en particulier. Le pays dispose d’une très longue côte sur la mer Rouge, soit 1 150 km, lui conférant une importance stratégique dans le contexte de tension actuel, caractérisé par la recrudescence des attaques de navires, conduites par les rebelles Houthis du Yémen. Le premier cercle de l’Erythrée est celui de la Corne de l’Afrique, une région au sein de laquelle les relations entre pays sont compliquées, les périodes d’instabilité et de tensions voire de conflits alternant avec des phases plus apaisées. C’est le cas avec ses voisins directs : Djibouti, Soudan et Éthiopie.

L’Ambassadeur a fait observer que la culture politique du pays était fortement marquée par le poids du passé et une idéologie hostile au monde occidental et à l’organisation actuelle – unipolaire et injuste - du monde. Les élites érythréennes entretiennent ainsi une grande méfiance envers l’ONU, à laquelle il est reproché d’avoir intégré l’Érythrée à l’Éthiopie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, son manque de soutien pendant la guerre d’indépendance ou encore les sanctions prises à l’encontre du pays à la suite de son appui aux Shebab de Somalie. Par ailleurs, le régime en place est caractérisé par une organisation éloignée du modèle occidental avec par exemple une économie largement étatisée, un parti unique et l’absence d’une constitution ou d’un parlement national en activité. Malgré un taux élevé de pauvreté selon les classements internationaux, la population érythréenne est cependant globalement bien éduquée et a accès au système de santé.

En matière de relations internationales bilatérales, M. Jérôme CAUCHARD a noté que l’Érythrée entretenait des relations d’intensité variable avec nombre de pays. Avec ses voisins directs, les relations sont marquées par les crises en cours : guerre au Soudan et réfugiés ; tensions en Éthiopie et guerre au Tigré en 2020 (avec une implication érythréenne) ; faible dialogue politique avec Djibouti (avec par exemple, au moment de l’audition, l’interdiction faite aux avions en provenance et à destination de Djibouti de survoler son espace aérien).

Avec les voisins de la péninsule arabique, de l’autre côté de la Mer rouge et du Golfe, les relations ont connu des périodes de rapprochement et parfois d’essoufflement, comme avec le Qatar au début des années 2000, puis avec les Émirats Arabes Unis vers 2015 (intervention des Émirats au Yémen) et depuis quelques années avec l’Arabie saoudite. L’Érythrée ne souhaite pas s’impliquer dans les tensions actuelles en Mer rouge, alimentées par les Houthis et leurs attaques de bâtiments commerciaux et militaires.

La Chine est représentée par un chargé d’affaires, de même que les États-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. La relation avec la Russie est marquée par le soutien de l’Erythrée à la Russie lors des votes à l’Assemblée générale de l’ONU et une proximité affichée à l’image de l’escale récente à Massaoua (port érythréen du bord de la mer Rouge) d’un bâtiment militaire russe, une première pour un bâtiment de cette importance.

L’Ambassadeur a indiqué que l’Érythrée entretenait avec l’Éthiopie une relation singulière à bien des égards du fait de l’histoire de leurs relations. Après l’indépendance érythréenne, obtenue en 1993 au terme d’un conflit meurtrier contre les forces éthiopiennes, les deux pays se sont affrontés de nouveau en 1998, conduisant aux accords d’Alger en 2000. Ce n’est qu’en 2018, à Djeddah, que l’Éthiopie a reconnu les frontières de son voisin par la signature de nouveaux accords. Ce rapprochement s’est manifesté par l’aide apportée par les Érythréens au gouvernement fédéral éthiopien dans sa guerre contre les forces indépendantistes du Tigré en novembre 2020. Néanmoins, une forme de défiance demeure entre les deux pays.

M. Jérôme CAUCHARD a ensuite abordé les relations bilatérales. La France n’échappe pas à la défiance manifestée par les autorités envers le monde occidental. Notre pays est représenté sur place par un poste de présence diplomatique, composé d’un ambassadeur et d’une adjointe de catégorie B. L’Alliance française d’Asmara est assez dynamique : environ 1 400 personnes y ont appris le français en 2023, selon différents formats de cours. On ne compte qu’une dizaine de ressortissants français en Érythrée, alors qu’en France, la diaspora érythréenne est composée de près de 11 000 personnes. Sur le plan économique, TotalÉnergies est la seule entreprise française pleinement active dans le pays, avec environ 35 stations essence, sans exclure à terme et le moment venu de se porter candidate dans le domaine de l’exploration pétrolière.

En réponse à des questions de M. Olivier CADIC, vice-président, portant sur le refus de l’Érythrée de voter la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU condamnant l’agression russe en Ukraine et sur l’accord passé entre le Somaliland et l’Éthiopie visant à octroyer à cette dernière un accès à la mer en échange d’avantages financiers et de la reconnaissance officielle du Somaliland, provoquant la colère des autorités somaliennes, l’Ambassadeur a rappelé que l’Érythrée avait accueilli deux fois le Président somalien ces dernières semaines et était attachée à l’intégrité territoriale de la Somalie et qu’elle avait formé près de 10 000 soldats somaliens dans leur lutte contre les Shebab.

Répondant à des questions de Mme Laurence HARRIBEY, vice-présidente, M. Jérôme CAUCHARD a indiqué que la diaspora érythréenne représentait une source financière conséquente pour le système érythréen, estimée à plus de 10 % du PIB du pays. Ces diasporas organisent des événements culturels dans les pays où elles sont principalement établies – ce qui n’est toutefois pas encore le cas en France.

Enfin, à M. Hugues SAURY, président, l’Ambassadeur a indiqué que l’Erythrée avait au total un régime politique stable, ce qui singularisait ce pays vis-à-vis de son environnement régional marqué par de nombreuses crises (Yémen, Soudan, Somalie notamment).

L'Ambassadeur Jérome Cauchard entouré des sénateurs (de gauche à droite) M. Raphaël Daubet, Mme Laurence Harribey, M. Hugues Saury et M. Olivier Cadic.

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