Le mercredi 17 janvier 2024, sous la présidence de M. Dominique de Legge (Les Républicains – Ille-et-Vilaine), président, le groupe d’amitié France-Saint-Siège s’est entretenu avec S.Exc. Mgr Celestino Migliore, nonce apostolique à Paris.

Étaient également présents : Mmes Annick Billon (Union Centriste – Vendée) et Corinne Bourcier (Les Indépendants – Maine-et-Loire), MM. Christian Cambon (LR – Val-de-Marne), Emmanuel Capus (INDEP – Maine-et-Loire), Pierre Cuypers (LR – Seine-et-Marne) et Rémi Féraud (Socialiste écologiste et républicain – Paris), Mme Pascale Gruny (LR – Aisne), MM. Daniel Gueret (LR Ratt. – Eure-et-Loir) et Jean-François Husson (LR – Meurthe-et-Moselle), Mmes Gisèle Jourda (SER – Aude), Marie-Claude Lermytte (INDEP – Nord), Pauline Martin (LR – Loiret), Marie Mercier (LRs – Saône-et-Loire) et Brigitte Micouleau (LR – Haute-Garonne), et MM. Mickaël Vallet (SER – Charente-Maritime) et Michaël Weber (SER – Moselle).

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Après avoir présenté ses vœux à Mgr Celestino Migliore et à l’ensemble des sénateurs présents, puis rappelé le parcours diplomatique du nonce, M. Dominique de Legge, président, a invité ce dernier à apporter son éclairage sur l’actualité religieuse, bilatérale et internationale.

Mgr Celestino Migliore a tout d’abord évoqué les débats autour de la déclaration de la congrégation pour la doctrine de la foi Fiducia supplicans[1] et de la question de la bénédiction des couples dits « irréguliers », notion juridique se référant au seul droit canon. Il a indiqué que le Pape avait très récemment précisé sa pensée, notant qu’il ne s’agissait pas d’une bénédiction de reconnaissance mais de croissance des personnes dans la vie chrétienne.

Le nonce a ensuite évoqué la question de la constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), relevant que l’ériger en droit fondamental ne modifiait pas la situation de fait en France, ce droit y étant reconnu, mais soulevait la question de la garantie d’autres droits fondamentaux comme la liberté des médecins de ne pas le pratiquer.

Concernant la fin de vie, il a estimé que les intentions du Gouvernement restaient imprécises pour le moment, notamment quant à l’équilibre qu’il souhaitera ménager avec le développement des soins palliatifs. Le pré-projet de loi a toutefois suscité de vives réactions auprès d’un large panel de citoyens, de professionnels de la santé ou des religions.

Mgr Celestino Migliore a souligné que la relation bilatérale qui se matérialise à l’occasion de la réunion de l’instance de dialogue autour du Premier ministre ne se limite pas à ces deux derniers sujets. Le traitement du patrimoine religieux est par exemple un thème important de travail avec les pouvoirs publics.

Interrogé par M. Mickaël Vallet sur les suites du discours du Pape lors de sa visite à Marseille les 22 et 23 septembre derniers sur la Méditerranée et les migrations, le nonce a rappelé que la mission du Pape n’était pas de gérer une communauté politique ou de formuler des jugements mais de rappeler les valeurs fondamentales de nos sociétés et d’inviter à chercher à les mettre en œuvre.

Invité par M. Dominique de Legge, président, à aborder l’actualité internationale, le nonce a indiqué que le président russe, Vladimir Poutine, avait, dès son accession au pouvoir, adhéré au projet « Russkiy mir », initié par le patriarche Kirill, de reconstitution de l’empire russe autour de l’église orthodoxe et employé la propagande ou la force armée pour y parvenir. En tout état de cause, le Pape a montré sa volonté de dialogue à plusieurs reprises, notamment lors de sa rencontre avec le patriarche à Cuba en 2016. Vladimir Poutine a également officiellement invité le cardinal Secrétaire d’État. Par ailleurs, par respect de la liberté religieuse, le Saint-Siège n’avait par exemple pas soutenu, il y a quelques années, le projet de référendum ukrainien sur l’autocéphalie de l’église orthodoxe d’Ukraine.

Rappelant la mission qu’il avait conduite en Israël, dans les territoires palestiniens de Cisjordanie et à Gaza, comme président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense, M. Christian Cambon s’est interrogé sur les voies de sortie du conflit ouvert depuis le 7 octobre et les conséquences sur les communautés chrétiennes. Mgr Celestino Migliore a rappelé que si une médiation diplomatique exigeait l’accord formel des deux parties, il était toujours possible d’être facilitateur de manière informelle à la demande de l’une ou de l’autre. Mme Sara Netanyahu a, par exemple, écrit personnellement au Pape François, à l’occasion de Noël, afin qu’il intervienne pour la libération des otages et que la Croix-Rouge puisse leur rendre visite. Le Saint-Siège essaye de faire avancer les questions humanitaires et soutient la solution à deux États, même si elle bute sur de nombreuses difficultés comme la gestion de l’eau, les réfugiés, la continuité territoriale ou le statut de Jérusalem. Cette dernière revêt une dimension internationale du fait de la présence des lieux saints et des établissements pieux d’un grand nombre de pays, dont l’accès et la conservation doivent être garantis. Le Pape continue de prôner le dialogue avec l’islam, depuis la déclaration d’Abu-Dhabi sur la fraternité universelle, mais aussi avec le judaïsme, à travers différents gestes et instances de dialogue.

Abordant les réformes en cours dans l’Église ou à la curie, à l’invitation de M. Michaël Weber, qui a souligné les résistances et le risque d’un affaiblissement de la parole internationale du Pape, le nonce a fait partager les difficultés des transformations en cours qu’a pu, notamment, mettre au jour le procès du cardinal Becciu. Il a également relevé le potentiel de la démarche de synodalité pour donner plus d’initiative à l’échelon local en vue de s’adapter aux circonstances propres à chaque pays ou culture.

Évoquant la situation en France, il a regretté le changement de philosophie et le glissement opéré par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, ayant initialement pour objet le séparatisme, qui a, in fine, introduit la suspicion à l’égard des religions et renforcé le contrôle de l’État là où la liberté et la confiance prédominaient. Ainsi, tous les cinq ans désormais, les préfets devront confirmer le caractère cultuel de telle ou telle religion et la conformité à la loi du statut de l’Église.

Il a par ailleurs explicité la procédure de nomination des évêques, les multiples enquêtes auxquelles elle donne lieu ainsi que les différents accords politiques nécessaires, rejetant les accusations d’opacité et de brutalité compte tenu des nombreuses consultations opérées et des délais de réflexion.

Enfin, sollicité par M. Rémi Féraud sur la présence du Pape François lors de la réouverture de Notre-Dame de Paris, le 8 décembre 2024, il a indiqué que le Pape comprenait toute l’importance de répondre favorablement à l’invitation pour un tel événement. Il a cependant ajouté qu’il ne souhaitait pas que soit donné plus d’importance à sa venue qu’à la réouverture de la cathédrale et à ce qu’elle représentait, rappelant en outre que, de tradition ancienne, se déroule à Rome ce jour-là une cérémonie de dévotion à la Vierge à laquelle les papes participent.

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https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_ddf_doc_20231218_fiducia-supplicans_fr.html

S.Exc. Mgr Celestino Migliore, à droite, et M. Jean-François Husson

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