REUNION DE LA DELEGATION DU 11 JUIN 2002


  • Communication de M. Lucien Lanier sur la candidature de Malte à l'adhésion à l'Union européenne
Transports
  • Communication de M. Jacques Oudin sur le ciel unique européen (E 1851 et E 1852)
Justice et affaires intérieures
  • Communication de M. Hubert Haenel sur le projet de budget d'Europol pour 2003 (E 2010)

Élargissement

Communication de M. Lucien Lanier sur la candidature de Malte à l'adhésion à l'Union européenne

Malte est, de loin, le plus petit des pays candidats à l'entrée dans l'Union européenne, avec une population de 380 000 habitants pour une superficie de 316 km2. Soit une forte densité de population de 1 200 habitants par km2, qui reflète le degré d'urbanisation de l'île.

L'histoire de Malte s'est confondue avec celle de l'Ordre hospitalier des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem pendant trois siècles, de 1530 à 1798. Durant cette période, l'île a joué le rôle de bastion avancé en Méditerranée de la Chrétienté occidentale, d'abord contre la flotte ottomane, puis contre les pirates barbaresques de Tripoli, Tunis et Alger.

Louis XIV ayant imposé la paix en Méditerranée, l'Ordre entreprit par une législation douanière moderne et attractive de dériver le commerce européen vers Malte, qui devint l'entrepôt de la Méditerranée et l'avant port de Marseille. Ce fut l'âge d'or du commerce marseillais avec les échelles du Levant.

La Révolution française prive l'Ordre de Malte de ses ressources foncières sur le continent, puis Bonaparte s'empare avec brutalité de l'île en 1798 et évince du pouvoir l'Ordre de Malte. L'île devient colonie britannique en 1800, après que la flotte de Nelson eut obtenu la capitulation de la garnison française installée deux ans plus tôt. Le négoce anglais supplante alors le commerce marseillais.

Bénéficiant d'un statut d'autonomie au lendemain de la première guerre mondiale, Malte a accédé à l'indépendance en 1964, mais fait toujours partie du Commonwealth. Les derniers soldats britanniques n'ont quitté Malte qu'en 1979.

Au regard de son histoire, Malte semble avoir une vocation naturelle à rejoindre l'Union européenne. Mais, à la différence des autres pays candidats, la perspective de l'adhésion n'y est pas un objectif consensuel. C'est au contraire un sujet de désaccord majeur, autour duquel s'organise la vie politique maltaise.

Malte a fait acte de candidature dès le 16 juillet 1990, à l'initiative du parti nationaliste alors au pouvoir. La Commission a rendu un avis positif sur la demande d'adhésion de Malte en juin 1993, tout en émettant des réserves sur sa capacité à reprendre l'acquis communautaire. Le gouvernement maltais s'est alors engagé dans un programme de réformes structurelles, notamment monétaires, fiscales et douanières, au vu duquel le Conseil a décidé en 1995 d'ouvrir les négociations d'adhésion avec Malte.

L'une des principales réformes du programme du gouvernement nationaliste était l'introduction de la TVA. Cette mesure a suscité un vif mécontentement populaire, en raison du renchérissement du coût de la vie qui en est découlé. Lors des élections législatives suivantes, en octobre 1996, l'opposition travailliste fit campagne en promettant de supprimer la TVA, ce qui lui permit de l'emporter. Le premier acte du leader travailliste, M. Alfred Sant, fut de geler la demande d'adhésion de Malte.

Mais, sa majorité - large d'une voix seulement - se trouvant fragilisée par des dissensions internes, M. Alfred Sant provoqua en septembre 1998 des élections anticipées, qui ramenèrent au pouvoir les nationalistes conduits par M. Edward Fenech Adami. Le processus d'adhésion a été aussitôt relancé.

La Commission ayant estimé que Malte remplit les critères économiques et politiques définis par le Conseil de Copenhague, les négociations d'adhésion ont été rouvertes au Conseil d'Helsinki de décembre 1999. Partie tardivement par rapport aux autres pays candidats, Malte n'a pas eu de mal à rattraper son retard : 20 des 29 chapitres ouverts à la négociation sont désormais clos, et la négociation entre dans sa phase finale, qui est aussi la plus délicate.

1. Les points forts de la candidature de Malte

Malte satisfait pleinement aux critères politiques de Copenhague. Elle bénéficie d'une tradition démocratique bien établie, sous la forme d'un système bipartisan d'inspiration britannique. La vie politique maltaise est rythmée par une alternance régulière entre travaillistes et nationalistes. Par ailleurs, la population est homogène. On compte seulement 5 000 étrangers, dont 3 500 britanniques, et il n'y a pas de problème de minorités.

A la différence des pays candidats anciennement communistes, Malte bénéficie d'une économie de marché confirmée, capable de faire face à la concurrence. L'agriculture et la pêche représentent 3 % du PIB, l'industrie et le bâtiment 36 %, les services de l'administration 16 % et les services privés 48 %, dont 25 % pour le seul tourisme.

Malte est liée depuis 1970 par un accord d'association avec l'Union européenne, qui lui fournit 70 % de ses importations et absorbe 75 % de ses exportations. Une aide spécifique de préadhésion de 38 millions d'euros lui a été attribuée pour la période 2000-2004.

Au cours de la décennie 1986-1996, l'économie maltaise s'est développée à un rythme annuel supérieur à 5 %. Le PIB par habitant est désormais de l'ordre de 9 000 $, ce qui place Malte au niveau de la Grèce ou du Portugal. Malte satisfait également aux critères économiques de Copenhague : inflation stabilisée à 2,7 % en 2000 ; évolution favorable du déficit public, ramené à 2,7 % du PIB ; maîtrise de la dette publique, égale à 58 % du PIB.

Enfin, située à mi-chemin entre le Sud de l'Europe et le Nord de l'Afrique, Malte peut faire valoir son rôle traditionnel de trait d'union entre l'Europe et le monde arabe. Pendant l'embargo, la Libye a utilisé l'île comme plaque tournante pour son commerce avec l'Europe et le reste du monde, et elle fut pendant un temps la principale source d'investissements à Malte. Membre du forum méditerranéen et participante au processus de Barcelone, Malte peut prétendre apporter le bénéfice de son expérience à la politique étrangère commune de l'Union européenne.

2. Les points faibles de la candidature de Malte

L'économie de Malte est de taille réduite et marquée par l'insularité. Nombre des biens de consommation sont intégralement importés, et la plupart des productions locales ne subsistent que grâce à des droits de douane protecteurs. Dépourvue de ressources naturelles, l'économie maltaise est relativement peu diversifiée. La première entreprise maltaise est la société franco-italienne Microelectronics qui, avec 1 900 employés, représente à elle seule 3,5 % du PIB et assure plus de la moitié du commerce extérieur de l'île. C'est d'ailleurs la présence de cette filiale de Thompson qui explique que la France soit le premier partenaire commercial de Malte, avec 19 % des parts de marchés.

L'agriculture de Malte, qui représente 2,3 % du PIB et occupe 1,8 % de la population active, est fragile. En l'absence de mécanisme d'aides directes aux agriculteurs, elle se développe à l'abri d'un système de droits de douanes protecteurs. L'intégration de l'acquis vétérinaire et phytosanitaire, ainsi que des règles de sécurité alimentaire, a été jugée en retard par la Commission. Les structures administratives nécessaires à la mise en oeuvre de la politique agricole commune font défaut, notamment les organisations communes de marché.

Au cours de la dernière décennie, Malte a développé un système financier off shore qui appelle une certaine remise en ordre. Certes, elle s'est engagée auprès de l'OCDE à renforcer sa législation contre le blanchiment des capitaux d'ici 2005 : mise aux standards internationaux d'échanges d'informations, transparence de la fiscalité, amélioration des règles visant à attirer les entreprises. Par ailleurs, Malte a ratifié en mars 2000 la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime. Mais ces efforts de transparence demeurent encore partiels : Malte n'a pas signé la convention du Conseil de l'Europe sur la corruption et n'a pas adhéré à la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales, ni au programme anti-corruption des Nations unies.

Malte souffre d'un retard dans la reprise de l'acquis en matière d'environnement, et demande des périodes transitoires pour dix directives importantes. Actuellement, 20 % seulement des déchets sont traités. Le reste est stocké dans la décharge nationale ou rejeté à la mer. De même, seulement 13 % des eaux usées sont traitées, et les autorités maltaises comptent sur une aide communautaire pour se doter de trois stations d'épuration. L'application de la directive sur les oiseaux migrateurs est un sujet de préoccupation dans un pays où la chasse est un sport populaire, qui concerne 15 000 chasseurs.

Avec plus de 1 500 vaisseaux, Malte possède la troisième flotte commerciale au monde. La plupart des armateurs sont ressortissants de pays tiers, puisque le pavillon maltais fonctionne selon le principe de la libre immatriculation, Malte ne disposant d'ailleurs pas de société de classification nationale. La flotte maltaise figure sur la liste noire du Memorandum de Paris, avec un coefficient de risque de 2,09. Rappelons, pour sinistre mémoire, que le pétrolier Erika qui s'est échoué au large de la côte vendéenne en décembre 1999 battait pavillon maltais, de même que le chimiquier Balu qui a coulé en mars 2001 au large du golfe de Gascogne. Malte a bénéficié de crédits communautaires pour améliorer l'efficacité de son administration maritime, qui lui ont permis de recruter des inspecteurs. Les navires de plus de 25 ans d'ancienneté ne sont désormais plus acceptés pour une première inscription au registre de la flotte. Mais la Commission estime que seule une diminution du taux d'immobilisation des navires battant pavillon maltais dans les ports de la Communauté sera le signe d'une véritable amélioration du niveau de sécurité maritime.

Malte n'est toujours pas alignée sur la politique commune des visas : 45 pays figurant sur la liste noire de l'Union européenne sont dispensés de visas pour entrer dans l'île. Le plan d'alignement proposé n'est pas satisfaisant en ce qui concerne la Libye, les autorités maltaises voulant repousser l'obligation de visa au jour de l'adhésion.

3. Les points sensibles pour les négociateurs maltais

Le gouvernement maltais a demandé à pouvoir appliquer une TVA à taux zéro à un certain nombre de biens de première nécessité : denrées alimentaires, produits pharmaceutiques, équipements médicaux, journaux, vêtements et chaussures. On conçoit l'importance de ce sujet, puisque c'est l'introduction de la TVA qui avait provoqué la défaite électorale des nationalistes en 1996. La réponse de la Commission n'est pas du tout encourageante, mais Malte persiste dans sa demande, en faisant valoir que l'Irlande et le Royaume-Uni bénéficient de TVA à taux zéro.

Les autorités maltaises souhaitent pouvoir mettre en oeuvre des mesures de compensation à la suppression des droits de douane protecteurs pour l'agriculture. Par ailleurs, elles ont demandé et obtenu le maintien d'un droit de pêche exclusif dans une zone de 25 milles au large des côtes, au bénéfice des artisans pêcheurs de l'île.

Malte a engagé un important programme de privatisations et de réduction des aides d'Etat afin de libéraliser son économie, qui se caractérisait par un secteur public important, représentant jusqu'à 45 % du PIB. Le gouvernement maltais souhaite toutefois bénéficier d'une période de transition de sept ans, durant laquelle les aides à la construction et la réparation navales seraient maintenues afin d'accompagner la restructuration du secteur. Il s'agit en effet d'une activité très importante, qui emploie 3 700 personnes et représente 28 % du PIB.

Compte tenu de l'exiguïté et de la vocation touristique de l'île, le gouvernement maltais a obtenu, à titre dérogatoire, le droit d'interdire aux citoyens communautaires non résidents l'acquisition de résidences secondaires.

Revendication originale parmi les pays candidats, Malte a obtenu une période de transition de sept ans durant laquelle son marché de l'emploi sera protégé d'un afflux de travailleurs communautaires. A l'inverse, les citoyens maltais bénéficieront immédiatement de la libre circulation des personnes.

Les autorités maltaises ont souhaité que l'île de Gozo, située à 8 km au Nord-Ouest de Malte et peuplée de 30 000 habitants, soit reconnue comme une région distincte. Cette demande a été rejetée par la Commission.

Le gouvernement maltais est sensible au maintien de la neutralité du pays, qui a été proclamée en 1981, deux ans après le retrait des troupes britanniques, et inscrite dans la Constitution en 1987. Les nationalistes en ont une conception plus souple que les travaillistes qui, lors de leur dernier passage au pouvoir, ont retiré Malte du Partenariat pour la paix de l'OTAN. Plus récemment, ces derniers ont contesté l'accueil pour réparation d'un navire de guerre américain dans les chantiers navals maltais.

Enfin, les autorités maltaises sont soucieuses de la représentation de Malte au sein des institutions communautaires. Aux termes du traité de Nice, Malte devrait envoyer cinq députés au Parlement européen et avoir trois voix au Conseil. En termes purement démographiques, il s'agit d'un « décrochage » par rapport au Luxembourg qui, pour une population comparable, est représenté par six députés européens et dispose de quatre voix au Conseil. Mais ce dernier peut se prévaloir du statut de membre fondateur des Communautés européennes.

En bref, Malte voudrait bien bénéficier de l'aide européenne et participer à la grande aventure de l'Union, tout en gardant la liberté d'être une « Suisse méditerranéenne ».

4. Une incertitude politique majeure

Comme dans les autres pays candidats, la préparation de l'adhésion à l'Union européenne est à Malte la première priorité politique, qui guide l'action du gouvernement et absorbe l'essentiel de l'activité du Parlement. Les autorités maltaises ont désormais l'assurance que Malte fera partie du premier groupe des pays candidats, qui entreront dans l'Union européenne vers 2004. Dans la dernière ligne droite des négociations, elles cherchent à obtenir les transitions et les dérogations qui leur tiennent à coeur, en faisant valoir la spécificité de la petite taille et de l'insularité du pays.

Cependant, au-delà des aspects techniques de la préparation à l'adhésion, il n'y a toujours pas de consensus politique sur l'opportunité de rejoindre l'Union européenne. C'est en fait la véritable faiblesse de la candidature de Malte.

En effet, l'opposition persiste à refuser la perspective d'entrée dans l'Union. Dans une motion adoptée en janvier 2001, intitulée « Malte, une Suisse en mer Méditerranée », le parti travailliste considère que la participation à part entière à l'Union européenne ne servirait pas au mieux l'intérêt du peuple maltais, et notamment pas celui des ouvriers, des retraités, des travailleurs indépendants, des agriculteurs et des pêcheurs. Il estime possible de renforcer les relations entre Malte et l'Union européenne, sans charger pour autant le pays d'obligations non nécessaires. Le dernier gouvernement travailliste avait d'ailleurs conclu, après avoir gelé la candidature de Malte, un accord préliminaire avec l'Union européenne qui devait déboucher sur une union douanière et des coopérations sectorielles.

Le principal syndicat maltais, l'Union générale des travailleurs, après être resté neutre pendant longtemps, a récemment rejoint le camp des opposants à l'entrée de Malte dans l'Union européenne. Cette prise de position s'appuie sur un rapport d'experts circonstancié, qui examine pour chaque secteur de l'économie l'impact probable de l'adhésion.

L'église catholique, influente dans la société maltaise l'archevêque est le troisième personnage de l'Etat n'a pas pris position officiellement, bien que le gouvernement l'ait sollicitée de le faire. Elle semble demeurer en retrait sur la question de l'adhésion, par crainte d'une contagion de la déchristianisation observée sur le continent européen.

Les dernières élections locales, au mois de mars dernier, ont été un succès pour le parti travailliste, qui semble avoir regagné dans l'électorat maltais le terrain perdu en 1998. Considérant que les citoyens favorables à la candidature de Malte ne comptent pas tous forcément parmi ses partisans, le Premier ministre, M. Edward Fenech Adami, a décidé d'organiser un référendum sur l'adhésion à l'Union européenne, une fois les négociations terminées, afin de bien séparer les deux questions.

Mais le leader de l'opposition, M. Alfred Sant, a par avance déclaré qu'il ne se sentirait pas lié par le résultat du référendum. Dans la mesure où l'objectif et le refus de l'adhésion impliquent deux programmes de gouvernement différents, seul le verdict des élections générales est démocratiquement probant à ses yeux. Il a précisé qu'il n'hésiterait pas à retirer Malte de l'Union européenne si son retour au pouvoir intervenait après l'adhésion effective.

Anciens sujets britanniques, les Maltais ont déjà tendance à n'aborder les questions communautaires qu'à travers le filtre de la presse anglaise. La première simulation de vote commandée par le gouvernement nationaliste, mais non rendue publique, aurait donné le « non » gagnant. Un sondage plus récent donne 45 % contre et 55 % pour. Même en supposant positif le résultat du référendum, Malte risque de n'entrer dans l'Union européenne que pour rejoindre le camp des pays eurosceptiques, dès sa prochaine alternance politique.

L'unanimité maltaise est loin de s'affermir pour ou contre l'entrée dans l'Union européenne. La prudence doit inspirer notre conclusion sur la candidature de Malte, et nous serions bien avisés de nous référer à la vieille tradition britannique du « wait and see ».

Compte rendu sommaire du débat

M. Hubert Haenel :

Vous avez dressé un bilan sans complaisance de la candidature de Malte, ce qui ne peut que nous amener à nous interroger sur cette dernière.

M. Lucien Lanier :

Il est impossible d'être favorable sans réserve à l'adhésion de Malte. Par exemple, son pavillon de complaisance soulève un tollé en Europe. Il faut que cela change. Mais si j'étais citoyen maltais, je me demanderais si j'aurais intérêt à précipiter les événements. Malte vit fragilement. Elle n'a pas vraiment intérêt à entrer dans l'Union européenne, sauf à obtenir toutes les dérogations qu'elle demande. Attendons donc que Malte soit prête économiquement, et surtout soit mûre politiquement.

M. Robert Del Picchia :

Je ne vois pas beaucoup d'arguments en faveur de l'adhésion de Malte qui, si j'ai bien compris, est un mélange de Jersey et de Panama. De toute façon, Malte a déjà droit à des subventions communautaires dans le cadre du programme Euromed. Sait-on quel usage elle en a fait ?

Je m'interroge également au sujet de la langue. Le maltais doit-il vraiment devenir l'une des langues officielles de l'Union européenne, alors que l'anglais est déjà à Malte la langue véhiculaire ? On peut se demander pourquoi la Commission a répondu favorablement à cette demande.

M. Lucien Lanier :

Je crains que la Commission ne soit saisie d'une véritable « boulimie d'adhésions », et prête à toutes les complaisances pour la satisfaire.

M. Robert Del Picchia :

Il n'y a pas de problème d'immigration à Malte ?

M. Lucien Lanier :

Les immigrés ne sont guère incités à s'installer à Malte, car ils n'y trouvent pas de travail. Les étrangers sont donc rares, sauf les Britanniques.

M. Emmanuel Hamel :

Compte tenu du carcan que représentent les institutions européennes pour la France, est-ce qu'il ne serait pas de l'intérêt de notre pays de soutenir les dérogations demandées par Malte, afin de pouvoir en obtenir en retour ?

M. Lucien Lanier :

Je ne crois pas qu'il soit de l'intérêt de la France de soutenir sans réserve un pays qui, depuis Napoléon, voit les Français avec une certaine suspicion. C'est plutôt le Royaume-Uni qui aurait intérêt à ce que Malte rejoigne l'Union européenne.


Transports

Communication de M. Jacques Oudin sur le ciel unique européen (E 1851 et E 1852)

Comme aux États-Unis, la libéralisation du transport aérien a permis en Europe un développement rapide de la circulation aérienne. Ainsi, le nombre des vols s'est accru de 40 % en Europe depuis 1997, et on prévoit un doublement du trafic tous les douze ans. La baisse conjoncturelle enregistrée après les attentats du 11 septembre 2001 ne semble pas remettre en cause cette tendance de fond.

Le problème est que cet accroissement du trafic dépasse les capacités d'absorption du système aérien. Aujourd'hui, un tiers des vols en Europe accusent du retard, la moitié de ces retards étant imputable à la saturation de l'espace aérien. La durée moyenne des retards est de vingt minutes.

Préoccupée par la saturation de l'espace aérien européen, la Commission a engagé depuis plusieurs années une réflexion sur la mise en place d'un « ciel unique européen ». Après avoir fait une première communication sur ce sujet en décembre 1999, elle a mis en place un groupe d'experts à haut niveau, civils et militaires, qui a remis son rapport en décembre 2000.

Le travail de la Commission s'est alors trouvé retardé un moment par la querelle entre l'Espagne et le Royaume-Uni à propos de l'aéroport de Gibraltar. Le Conseil européen de Göteborg ayant rappelé l'importance du projet, ces deux États membres se sont finalement mis d'accord pour exclure Gibraltar du futur « ciel unique », et la Commission a pu adopter, le 10 octobre 2001, un ensemble formé par une nouvelle communication et quatre propositions de règlements.

I. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION

L'échéance fixée par la Commission pour la réalisation du ciel unique européen est le 31 décembre 2004.

1. La proposition de règlement-cadre sur le ciel unique européen prévoit une nouvelle organisation institutionnelle, qui confie à la Communauté européenne un rôle réglementaire. Ce rôle est complémentaire de celui exercé aujourd'hui par Eurocontrol, organisation internationale qui regroupe trente États européens. D'ailleurs, la Communauté devrait à terme adhérer à Eurocontrol.

Pour élaborer les réglementations en matière de circulation aérienne, la Commission s'appuiera sur un comité composé de représentants des États membres, à raison de deux par État. Il s'agit de pouvoir associer des militaires et des civils au sein du comité, car le groupe des experts à haut niveau a jugé nécessaire de parvenir à une meilleure coordination entre ces deux catégories d'utilisateurs de l'espace aérien.

2. La proposition de règlement sur l'organisation et la gestion de l'espace aérien a pour objet de créer un espace aérien sans frontières, en instituant une région unique d'information de vol (RIV).

Une RIV est une portion d'espace aérien dans laquelle sont fournis des services de trafic aérien, et dont les limites coïncident traditionnellement avec les frontières internationales. Chacune est soumise à des règles particulières, propres à chaque État responsable. Ainsi, les quinze RIV actuelles seront fusionnées en une seule portion d'espace aérien, à l'intérieur de laquelle les services de trafic aériens seront fournis selon les mêmes règles et procédures. Cette unification commencera par l'espace aérien supérieur, qui accueille la plupart des vols internationaux, avant d'être étendue à l'espace aérien inférieur.

La Commission élaborera les règles de gestion des flux de trafic aérien, en collaboration avec les prestataires de services de navigation, les aéroports et les utilisateurs de l'espace aérien. L'objectif visé sera d'optimiser l'utilisation des capacités de vol.

3. La proposition de règlement sur la fourniture de services de navigation aérienne concerne les services de contrôle du trafic aérien, les services de météorologie et les services de recherche et de sauvetage. Rien n'est dit sur le statut, public ou privé, des prestataires de services : chaque État membre reste compétent sur ce point.

Ce texte prévoit un système d'autorisation de fourniture de services et un mécanisme d'évaluation de leur conformité. Il impose une séparation entre la fonction de surveillance et la fonction d'exploitation, pour prévenir les conflits d'intérêts.

En ce qui concerne les redevances, il prévoit qu'elles doivent être fixées selon les principes de non discrimination et de transparence, et doivent refléter les coûts réels.

4. La proposition de règlement sur l'interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien a pour objectif d'assurer la compatibilité technique des différents systèmes et composants nationaux de ce réseau.

Ce texte prévoit l'adoption d'« exigences essentielles » s'imposant à tous les opérateurs et aux industriels, ainsi que la définition de standards européens. Il constitue une évolution importante par rapport à la situation actuelle, où les spécifications techniques élaborées par Eurocontrol ont un caractère non obligatoire.

II. OBSERVATIONS

1. Indéniablement, la fragmentation de l'espace aérien européen contribue à l'aggravation des retards. Toutefois, le manque de coopération des États membres en matière de contrôle aérien n'explique pas tout.

En effet, les pratiques commerciales des transporteurs aériens sont aussi l'une des causes de l'engorgement actuel. En multipliant les navettes assurées par de petits appareils sur les lignes les plus rentables, et en concentrant les correspondances en étoile à partir de hubs, les compagnies aériennes ont aussi une part de responsabilité dans la saturation des aéroports et la difficulté de programmation des vols.

Enfin, ce sont aussi des limites matérielles et humaines qui expliquent la situation actuelle. Il ne sera pas possible de redonner plus de fluidité au trafic aérien en Europe sans faire l'effort d'investir dans les infrastructures aéroportuaires et de recruter davantage de contrôleurs aériens.

2. Sur le principe, la plupart des États membres reconnaissent la nécessité d'une action communautaire et s'accordent sur l'intérêt de mesures techniques, d'harmonisation, de sécurité et d'interopérabilité que pourrait prendre la Communauté. Toutefois, une majorité se montre attachée au maintien d'Eurocontrol et de ses prérogatives, et opposée à une duplication communautaire de tâches déjà accomplies par cette organisation internationale.

Doté d'une compétence à la fois civile et militaire, et d'une grande expertise technique, Eurocontrol coordonne l'action des États dans les domaines techniques et opérationnels. Il contribue également à la fluidité du trafic, avec son unité centrale de gestion des flux. Surtout, avec trente États membres, Eurocontrol déborde largement le territoire de l'Union et atteint ainsi une dimension paneuropéenne, essentielle en matière de circulation aérienne.

Une convention signée le 27 juin 1997 prévoit d'étendre les pouvoirs d'Eurocontrol dans le domaine de la gestion du trafic aérien et de rendre plus facile la prise de décision, en substituant la règle de la majorité à celle de l'unanimité (sauf invocation d'une clause de sauvegarde de sa sécurité nationale par un État membre).

L'adhésion de la Communauté à Eurocontrol doit donc être considérée comme une priorité. On ne peut que regretter que le différend entre l'Espagne et le Royaume-Uni au sujet de l'aéroport de Gibraltar l'ait jusqu'à présent empêchée.

3. Les propositions de la Commission ont parfois été perçues comme préparant le terrain pour une mise en concurrence des services de navigation aérienne en Europe. C'est notamment l'analyse faite par le rapporteur de la résolution adoptée par l'Assemblée nationale, M. Christian Bataille.

La commissaire chargée des transports, Mme Loyola De Palacio, s'en défend et souligne que ses propositions laissent les États membres parfaitement libres du choix du statut, public ou privé, de leurs prestataires de services de contrôle aérien. Il n'en reste pas moins qu'un certain nombre d'États membres, notamment le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Espagne et l'Italie, seraient favorables à la mise en concurrence des services civils de navigation aérienne.

4. L'exigence de séparation fonctionnelle entre les autorités de régulation et les organismes responsables de l'exploitation des services de navigation aérienne n'est pas vraiment motivée par la Commission. En fait, elle n'a de sens que dans un système où plusieurs opérateurs se retrouvent en situation de concurrence : il importe alors qu'aucun d'entre eux ne soit avantagé par le régulateur. Cette proposition est de nature à préparer l'ouverture à la concurrence des services de navigation aérienne, même si la Commission ne revendique pas pour le moment cet objectif.

Dans le cas de la France, la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) est en situation de monopole, et assure à la fois les deux fonctions de régulation et d'exploitation. L'exigence de séparation fonctionnelle prévue par la proposition de règlement implique-t-elle une modification de l'organisation institutionnelle française ? En pratique, il existe déjà une distinction au sein de la DGAC entre la Direction de la navigation aérienne, en charge de la définition des orientations et de la réglementation, et le Service du contrôle du trafic aérien, en charge de l'exploitation. Toutefois, la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) considère que le partage des missions entre deux directions d'un même ministère ne peut être considéré comme une séparation fonctionnelle suffisante (arrêt CJCE « Decoster » du 17 octobre 1993).

Une évolution possible, afin de satisfaire à l'exigence de séparation fonctionnelle, pourrait être d'ériger le Service du contrôle du trafic aérien en établissement public administratif autonome. L'essentiel est que chaque État membre, en application du principe de subsidiarité, demeure libre d'organiser comme il l'entend son système de contrôle de la navigation aérienne.

5. L'une des mesures préconisées par la Commission pour rétablir la fluidité du trafic aérien en Europe est de modifier la répartition de l'espace aérien entre les utilisations civiles et militaires. Il s'agit d'introduire une certaine « flexibilité d'utilisation » de l'espace aérien afin que, dans les zones à forte densité de trafic, il n'y ait plus de zones réservées en permanence à des fins militaires.

La réduction des menaces militaires en Europe dans un contexte d'après-guerre froide peut justifier une certaine réorganisation de l'espace aérien des différents États membres, au profit de la circulation civile et aux dépens de la circulation militaire. Toutefois, les objectifs de rentabilité commerciale ne sauraient être considérés comme prioritaires par rapport aux enjeux de sécurité.

Il s'agit là d'une question qui se situe au coeur de la souveraineté des États membres. La coordination avec l'OTAN doit également être assurée. C'est pourquoi il semble difficile de donner en la matière le pouvoir de décision à la Commission, même si celle-ci compte s'appuyer sur un comité mixte, civil et militaire, d'experts représentant les États membres.

La nécessaire coordination entre les autorités militaires nationales pour l'utilisation de l'espace aérien européen ne peut intervenir que sur une base intergouvernementale, dans le cadre du « deuxième pilier » de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC).

Compte rendu sommaire du débat

M. Emmanuel Hamel :

Quelle était la position du précédent gouvernement sur cette réforme ? Avait-il consulté les institutions et les personnels concernés ?

M. Jacques Oudin :

Il y a une continuité de vues entre les gouvernements, liée à la nécessité de cette réforme. Le ciel européen deviendra ingérable si rien n'est fait. Je n'ai pas entendu d'opinion dissonante sur ce constat. En revanche, vous connaissez comme moi le débat sur la nouvelle infrastructure aéroportuaire dont la France veut se doter. Le site de Chaulme n'était pas un bon choix, à mon avis. Pour en revenir à la réforme proposée par la Commission, je crois qu'il faut la soutenir, sous réserve des précautions nécessaires dans la redéfinition du partage du ciel entre les usages civils et les usages militaires.

M. Pierre Fauchon :

La proposition de la Commission me paraît conforme au principe de subsidiarité. Il s'agit de réaliser au niveau communautaire la coordination que les États membres ne sont plus capables d'assurer au niveau national. Je suis également d'accord avec la proposition de résolution qui nous est soumise.

En ce qui concerne le projet de nouvelle infrastructure aéroportuaire en France, je crois que nous devrions d'abord mieux utiliser celles dont nous disposons déjà. L'aéroport de Lyon-Satolas n'est après tout qu'à deux heures de TGV de Paris. J'ai entendu dire qu'il y aurait dans cette affaire une forte pression de la compagnie Air France, qui voudrait pouvoir réserver Roissy à son usage exclusif.

M. Jacques Oudin :

Tous les modes de transports connaissent des phénomènes de saturation en Europe. Les mesures à prendre sont connues, et je m'étonne simplement qu'on les prennent si tardivement.

M. Emmanuel Hamel :

Compte tenu de l'importance du sujet, n'aurions-nous pas dû procéder à l'audition du Chef de l'État major et du responsable de la Direction générale de l'aviation civile ?

M. Hubert Haenel :

Je rappelle qu'il ne s'agit, à ce stade, que de déposer une proposition de résolution qui sera ensuite instruite par la commission des Affaires économiques. Celle-ci aura toute possibilité de procéder alors aux différentes auditions qu'elle jugera utiles.

*

À l'issue de ce débat, la délégation a conclu, à l'unanimité, au dépôt de la proposition de résolution suivante :

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen : programme d'action pour la réalisation du ciel unique européen, et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant le cadre pour la création du ciel unique européen (E 1851),

Vu la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen sur la réalisation du ciel unique européen, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur la fourniture de services de navigation aérienne dans le ciel unique européen, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'organisation et l'utilisation de l'espace aérien dans le ciel unique européen, et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'interopérabilité du réseau européen de gestion du trafic aérien (E 1852),

Constate qu'il y a urgence à agir, car  l'engorgement du ciel européen s'aggrave et les retards aériens se multiplient ;

Rappelle les orientations du Livre blanc sur la politique européenne des transports de septembre 2001 pour mettre en oeuvre les mesures destinées à faire face à la croissance du transport aérien (compenser la saturation du ciel européen, repenser les capacités aéroportuaires, s'efforcer de mieux concilier la croissance du transport aérien et l'environnement, veiller à préserver le niveau maximum de sécurité) ;

S'inquiète des difficultés rencontrées au niveau national pour déterminer les besoins futurs de la France en capacités aéroportuaires compte tenu des équipements existants et demande une reprise des réflexions concernant l'implantation d'une nouvelle plate-forme aéroportuaire en région parisienne ;

Souligne que les mesures réglementaires tendant à réaliser le ciel unique européen ne permettront pas à la France de faire l'économie d'un investissement accru dans les infrastructures aéroportuaires existantes ou futures et d'un accroissement du nombre des contrôleurs aériens ;

Estime que la réalisation du ciel unique européen ne devra pas se faire au détriment de l'organisation internationale Eurocontrol, dont le champ de compétence a le mérite de dépasser largement le territoire de l'Union européenne ;

Demande au Gouvernement :

- d'affirmer la nécessité et l'urgence de la création du ciel unique européen ;

- de définir le schéma structurel à long terme du système aéroportuaire français dans le cadre européen, notamment sa zone centrale (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Benelux, Italie et Espagne du Nord) ;

- de confirmer que la réalisation du ciel unique européen n'implique pas l'obligation pour un État membre d'ouvrir à la concurrence ses services de navigation aérienne ;

- de définir avec la meilleure précision possible le principe de séparation fonctionnelle entre les autorités de régulation et les prestataires de services de navigation aérienne, afin que celui-ci n'empiète pas inutilement sur la liberté de chaque État membre d'organiser comme il l'entend son système national de contrôle de la navigation aérienne ;

- de veiller à ce que la modification du partage de l'espace aérien européen entre les utilisateurs civils et les utilisateurs militaires se fasse selon les orientations stratégiques définies au niveau européen dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune.


Justice et affaires intérieures

Communication de M. Hubert Haenel sur le projet de budget d'Europol pour 2003 (E 2010)

Le Conseil d'administration d'Europol a arrêté à l'unanimité le 16 avril 2002 le projet de budget d'Europol pour 2003. Ce projet de budget, qui doit maintenant être approuvé par le Conseil Justice et affaires intérieures, est marqué par des efforts certains pour contenir la progression des dépenses de l'organisation de police ; mais les réponses aux questions posées en particulier par notre délégation depuis plusieurs années restent encore insatisfaisantes.

I. Des efforts pour contenir la progression des dépenses

Les critiques émises depuis plusieurs années à l'encontre du budget d'Europol semblent commencer à porter leurs fruits.

Tout d'abord, le projet de budget pour 2003 respecte le plan financier 2002-2006 qui a été adopté en 2001 en vue d'encadrer la progression des dépenses. Par ailleurs on constate une limitation du nombre de créations de postes (44 sur un effectif total de 304 postes, soit 12 de moins que les créations prévues pour 2003 par le plan financier, mais 9 de plus qu'en 2002). Toutefois, le budget progresse encore de 7,5 % en 2002 après des hausses de 46 % et de 37 % au cours des deux dernières années.

Une note explicative, qui est jointe pour la première fois au projet de budget, souligne d'ailleurs les premiers efforts qui ont été engagés par la direction pour redéployer les personnels, en particulier avec l'insertion d'une clause de redéploiement dans les nouveaux contrats proposés au personnel ; on doit cependant constater que ce redéploiement reste encore très modeste puisqu'il ne porte que sur 2 postes de chefs d'unité supprimés, alors que dans le même temps 4 nouveaux postes équivalents sont créés. De même l'accent qui est mis sur la lutte contre la grande criminalité - les deux tiers des nouveaux postes seront créés dans le service de la criminalité grave - laisse espérer une plus grande efficacité de l'Organisation. Pour autant la déclaration contenue dans la note explicative selon laquelle « le redéploiement est effectué en partie dans le cadre de la restructuration de l'organisation afin d'améliorer l'efficacité et de réduire les besoins de recrutement » ne se traduit pas encore parfaitement dans un projet de budget pour 2003 où les réponses aux critiques formulées ces dernières années restent encore très insatisfaisantes.

II. Des réponses encore insatisfaisantes

Nous sommes en effet appelés à nous prononcer sur un projet de budget sans connaître les priorités d'Europol qui président à la réorganisation évoquée dans la note explicative.

Il est intéressant de noter que la forte croissance du budget initial pour 2002 avait été présentée comme la traduction de trois priorités :

- la lutte contre la contrefaçon de l'euro ;

- la lutte contre l'immigration clandestine ;

- la lutte contre le trafic des êtres humains.

En outre, depuis la présentation du budget pour 2002 en février 2001 et après les attentats du 11 septembre, le budget rectificatif et supplémentaire pour 2002 a ajouté une nouvelle priorité avec la lutte contre le terrorisme.

Compte tenu de l'affectation des deux tiers des nouveaux personnels à l'unité de la grande délinquance, on peut donc supposer que la nouvelle priorité d'Europol serait enfin la lutte contre la grande criminalité transfrontière, c'est-à-dire en réalité la mission première d'Europol avant que celui-ci ne se disperse dans de nombreuses directions.

Il reste cependant toujours regrettable que les lignes budgétaires présentées aux parlements nationaux ne soient pas détaillées par unités et qu'elles ne soient pas mises en relation avec les résultats effectivement obtenus par chaque unité.

De plus la limitation de la progression est en grande partie artificielle car elle résulte, pour l'essentiel, d'une baisse temporaire du budget informatique en raison d'un report de 2003 sur 2004 par suite des retards de mise en fonctionnement opérationnel de la base de données d'Europol. C'est pourquoi ce ralentissement de la progression des dépenses risque de n'être que très temporaire et une progression importante risque à nouveau d'apparaître dès le budget de 2004 en raison du rattrapage des dépenses informatiques non effectuées en 2003 : extension du système aux pays d'Europe centrale et orientale (non prévue dans le plan financier 2002-2006) et paiement en 2004 de frais de maintenance compris en 2003 dans les dépenses de développement du système.

En définitive, même si le projet de budget d'Europol pour 2003 traduit les premiers efforts de réorganisation de l'organisation, ce projet n'est pas totalement satisfaisant puisqu'il fait apparaître très clairement les défauts structurels d'une institution qui tarde à faire ses preuves dans la lutte contre l'insécurité transfrontière.

Sous cette réserve, la délégation n'a pas estimé nécessaire d'intervenir davantage sur ce projet.