REUNION DE LA DELEGATION DU MARDI 15 OCTOBRE 2002

  • Élargissement

    Échange de vues sur le « document de stratégie » et le rapport de la Commission européenne sur les progrès réalisés par chacun des pays candidats sur la voie de l'adhésion


Élargissement

Échange de vues sur le « document de stratégie »
et le rapport de la Commission européenne sur les progrès réalisés par chacun des pays candidats sur la voie de l'adhésion

M. Hubert Haenel :

Notre réunion d'aujourd'hui porte sur les dernières étapes décisives des négociations d'élargissement, et plus précisément sur le « document de stratégie » et le « rapport sur les progrès réalisés par chacun des pays candidats sur la voie de l'adhésion » que la Commission européenne a adoptés mercredi dernier.

Je voudrais d'abord vous rappeler le calendrier d'ensemble du processus. Le document de stratégie et le rapport ont été préparés par la Commission européenne pour le Conseil européen qui se tiendra à Bruxelles le 25 octobre. Ce Conseil européen devra arrêter la liste des pays candidats avec lesquels les négociations pourront être conclues à la fin de 2002. Il devra également déterminer les éléments essentiels du paquet financier.

Après ce Conseil européen, il restera encore cinq semaines avant le Conseil européen de Copenhague pour négocier les derniers points en discussion avec les pays candidats, en sorte que les négociations puissent être conclues définitivement. Plusieurs points sensibles sont encore en discussion avec les pays candidats. L'un concerne les aides directes à l'agriculture dans la mesure où certains pays candidats estiment qu'un étalement sur dix ans est trop long et défavorise leurs agriculteurs. Un autre est relatif aux quotas. J'ai moi-même reçu, au cours de la semaine passée, plusieurs représentants de pays candidats qui m'ont fait part de leurs demandes instantes en ce sens, et qui m'ont fait valoir que c'était là un élément déterminant pour l'adhésion de leur population et pour la réussite des référendums à venir.

Mais les discussions les plus difficiles se dérouleront à quinze et porteront sur le cadrage financier qui accompagne l'élargissement. Notre collègue Denis Badré nous avait exposé, en mars dernier, la problématique budgétaire de l'élargissement. Les choses n'ont guère évolué depuis. Comme vous le savez, la Commission a prévu une enveloppe globale qui ne laisse subsister aucune marge de manoeuvre dès lors que l'on respecte les plafonds arrêtés à Berlin en mars 1999. En conséquence, toute nouvelle concession aux pays candidats - par exemple sur les quotas - devra être gagée par une économie sur une autre rubrique. Mais, surtout, il faut garder à l'esprit que le cadrage financier proposé par la Commission n'a pas fait l'objet à ce jour d'un accord à Quinze. Il y aura donc des discussions difficiles sur les aides directes à l'agriculture, sur le rythme de montée en puissance des fonds structurels et sur les compensations budgétaires.

Les aides directes aux agriculteurs des nouveaux États membres n'ont fait jusqu'à présent l'objet d'un accord ni sur leur principe, ni sur leurs modalités, et l'on ne peut exclure que certains des Quinze souhaitent lier leur acceptation du versement des aides directes aux pays candidats à l'adoption d'engagements du Conseil sur la réforme à venir.

Quant aux compensations budgétaires, elles doivent permettre qu'aucun candidat ne se trouve en 2004 dans une situation moins favorable que celle qu'il connaîtra en 2003, c'est-à-dire avant son adhésion. Les États admis en 2004 dans l'Union devront, dès leur entrée, assurer leur contribution au budget communautaire ; mais il serait paradoxal que certains d'entre eux voient alors leur situation financière se dégrader ; a fortiori, il serait inacceptable qu'ils deviennent contributeurs nets. La Commission suggère donc de mettre en place un mécanisme de transfert permettant d'assurer qu'aucun nouveau membre ne se trouvera en 2004 avec un solde net inférieur au montant des aides de pré-adhésion dont il a bénéficié en 2003.

C'est dans ce contexte général que nous avons aujourd'hui un échange de vues sur les documents arrêtés par la Commission. Les choix effectués par la Commission sont sans surprise puisqu'elle considère que dix pays « rempliront les critères économiques et ceux relatifs à l'acquis et qu'ils seront prêts à être membres à partir du début 2004 ». En conséquence, « la Commission recommande de conclure les négociations d'adhésion avec ces pays pour la fin de l'année ». En revanche, le rapport souligne que « la Bulgarie et la Roumanie remplissent les critères politiques, mais ne répondent pas pleinement, dans certaines mesures, aux critères économiques, ni à ceux liés à l'acquis. Quant à la Turquie, elle ne répond pleinement ni aux critères politiques, ni aux critères économiques, ni aux critères liés à l'acquis ».

Cette position est sans surprise, mais elle est en contradiction avec la volonté affirmée dès le début du processus, et rappelée sans cesse, d'adopter une démarche reposant sur la différenciation. Je pense que notre échange de vues nous permettra en effet de constater qu'il y a de sérieuses différences entre l'état de préparation de ces dix pays.

C'est donc une démarche politique qui a prévalu. Sous l'impulsion de la Commission, qui n'a eu de cesse de pousser en ce sens, mais aussi avec l'accord unanime des Quinze. D'abord, parce que chaque État membre avait ses candidats préférés et qu'il était soucieux de les voir inclus dans cette vague d'adhésion ; ensuite parce que, toute l'histoire de la construction européenne le montre, il est très impopulaire et très difficile de dire non. Il est vrai que cet élargissement constitue une étape historique de la construction européenne dans la voie de la réunification de l'Europe.

Les dix pays candidats ont, à l'évidence, fait des progrès considérables. Mais ils ne sont pas au bout de leurs peines et doivent poursuivre leurs efforts pour former leur administration, renforcer leur appareil judiciaire et lutter contre la corruption. Ce dernier point - l'état de la corruption dans certains des pays candidats - est sans nul doute un des plus préoccupants pour l'avenir.

C'est pourquoi la Commission a prévu de poursuivre son contrôle en 2003 et jusqu'au moment de l'élargissement. Elle présentera six mois avant la date d'adhésion, c'est-à-dire selon toute vraisemblance en juillet 2003, « un rapport de suivi complet qui considérera les progrès accomplis dans la mise en oeuvre des réformes nécessaires et de tous les engagements dans le domaine de l'acquis communautaire pour chacun des pays en passe d'adhérer ». Ce rapport devrait être disponible à un moment où il pourrait encore peser sur le processus de ratification par les États membres.

De plus, une clause générale de sauvegarde au plan économique sera incluse dans les traités, comme ce fut le cas pour les précédents élargissements. Mais cette clause « devrait être de deux ans et non d'un an comme dans le précédent élargissement ».

Enfin, un dispositif particulier est prévu pour le domaine de la justice et des affaires intérieures. D'une part, la pleine application de l'acquis de Schengen ne se fera qu'en deux étapes ; « la suppression des contrôles aux frontières internes n'aura lieu que quelque temps après l'adhésion et fera l'objet d'un processus décisionnel distinct pour chaque nouvel État membre séparément, sur la base de la pleine application de l'acquis de Schengen ». D'autre part, une clause de sauvegarde sui generis permettra de répondre à toute violation ou tentative de violation du fonctionnement dans les domaines des libertés, de la sécurité et de la justice, par exemple en prévoyant une suppression provisoire des dispositions de reconnaissance mutuelle.

Voilà le contexte général dans lequel s'inscrit notre échange de vues sur les progrès réalisés par chacun des pays candidats sur la voie de l'adhésion.

Avant de laisser la parole à chacun des membres de la délégation chargés de suivre un des pays candidats, je voudrais manifester ma reconnaissance au Parlement néerlandais. En effet, le rapport de la Commission européenne ne devait être publié que le 16 octobre pour une décision du Conseil européen le 25 octobre. Mais le Parlement néerlandais a fait valoir à son gouvernement qu'il serait alors impossible aux parlements nationaux des États membres d'examiner en temps utile ce rapport et de faire connaître leur sentiment à leurs gouvernements. Et c'est à la suite d'une demande explicite et pressante des Pays-Bas que la Commission a avancé sa décision au 9 octobre, nous laissant la possibilité de tenir notre réunion d'aujourd'hui.

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M. Aymeri de Montesquiou (suivi de la Bulgarie) :

Le rapport de la Commission confirme les informations déjà connues sur l'état de préparation de la Bulgarie à l'adhésion.

Tout d'abord le rapport note les efforts réalisés par la Bulgarie depuis un an avec l'adoption de plans d'action ou de stratégies, d'une part dans le domaine judiciaire - notamment avec la lutte contre la corruption « au demeurant fort préoccupante » et contre la criminalité organisée -, d'autre part dans le domaine de la police avec l'adoption des critères de Schengen, enfin avec une réforme de la fonction publique et en général avec un alignement de la législation bulgare sur l'acquis communautaire.

Mais le rapport pointe également les nombreuses lacunes qui sont bien connues des observateurs : la sécurité alimentaire avec la question de l'accréditation des laboratoires et l'application des normes de contrôle vétérinaire, la réforme du droit du travail et de la protection sociale, la sécurité nucléaire et la fermeture en 2006 des réacteurs 3 et 4 de la centrale de Kosloduy, la sécurité maritime de la flotte bulgare, la réforme de l'administration fiscale et douanière, la rationalisation des procédures administratives appliquées aux entreprises, la mise en place d'un véritable marché foncier, etc...

Le rapport insiste en définitive sur le renforcement des capacités des administrations comme préalable indispensable à une application satisfaisante de l'acquis communautaire. Mais avec vingt-deux chapitres provisoirement fermés, la date de 2007 pour l'adhésion de la Bulgarie ne semble pas représenter une perspective impossible si les pouvoirs publics maintiennent leur détermination à modifier certains comportements qui demeurent inchangés, par exemple au regard de la communauté rom.

S'agissant de la date possible d'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne, il convient de noter une différence sérieuse entre la fiche relative à ce pays, telle qu'elle se trouve en annexe du rapport, et les conclusions du rapport. La fiche sur la Bulgarie fait en effet référence à « la perspective d'une adhésion à l'horizon 2007 » date pour laquelle « les engagements contractés à cette occasion sont, dans l'ensemble, respectés par la Bulgarie ». Les conclusions du rapport sont plus abruptes puisqu'elles indiquent que « la Bulgarie et la Roumanie ont fixé à 2007 la date indicative de leur adhésion » et que « la Commission proposera, sur la base de l'analyse figurant dans les rapports réguliers de 2002, des feuilles de route détaillées pour la Bulgarie et la Roumanie avant le Conseil européen de Copenhague. En vue de la préparation de ces deux pays à l'adhésion à l'Union européenne, l'accent sera mis de façon plus poussée sur les réformes judiciaires et administratives. En outre, l'aide de pré-adhésion accordée à ces pays devrait être accrue de façon très substantielle à partir de la date du premier cycle d'adhésions, en fonction de l'avancement de la mise en oeuvre des feuilles de route ».

Ces conclusions ne vont pas exactement dans le sens de la position de la France qui estime, selon les déclarations mêmes de Mme la Ministre des affaires européennes tenues le 4 octobre dernier en compagnie de M. Solomon Passy, ministre bulgare des affaires étrangères, « qu'il n'est pas suffisant de prévoir ce qu'on appelle une feuille de route réactualisée pour la poursuite des négociations d'adhésion » et « qu'il faut donner à nos amis bulgares des objectifs précis, c'est-à-dire des objectifs en terme de dates précises. Si la Commission propose la date-objectif de 2007 pour l'adhésion de la Bulgarie, nous l'appuierons fortement. Nous sommes également ouverts sur la date-objectif de 2004 pour la conclusion des négociations d'adhésion si la Bulgarie remplit toutes les conditions nécessaires d'ici là ».

En définitive, cette position de la Commission ne répond pas aux attentes des autorités bulgares qui espèrent toujours, depuis le Conseil européen de Laeken, un message fort de soutien et de solidarité et un calendrier précis pour l'adhésion de leur pays.

J'ajoute que le Premier ministre de Bulgarie, M. Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha sera à Paris les 15 et 16 novembre prochain, afin notamment de renforcer la coopération administrative entre la France et la Bulgarie dans le cadre des jumelages de pré-adhésion, la France ayant l'intention de s'impliquer davantage dans la formation des magistrats et des policiers et dans la modernisation de la législation bulgare sur la corruption, la transparence des marchés et les rapports entre partenaires économiques.

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M. Louis Le Pensec  (suivi de Chypre) :

Chypre, est, avec la Slovénie, en tête des pays candidats dans les négociations d'adhésion, comme elle l'a constamment été depuis le début des négociations en 1998. Ainsi, Chypre satisfait pleinement aux critères politiques de Copenhague : la démocratie et l'État de droit y sont respectés. Du point de vue économique, Chypre se situe dans les standards européens, tout au moins dans le sud de l'île. Le PIB par habitant y représente 80 % de la moyenne communautaire, ce qui place Chypre au niveau de l'Espagne et au-dessus de la Grèce ou du Portugal. Chypre devrait d'ailleurs dès 2004 et de façon structurelle être contributeur net au budget communautaire.

Selon la Commission, la reprise de l'acquis communautaire s'est effectuée de façon satisfaisante et vingt-huit chapitres de négociation sur trente sont clos. La Commission pointe tout de même certains secteurs dans lesquels Chypre doit continuer d'adapter sa législation, en particulier le secteur économique et financier et l'environnement. En ce qui concerne la lutte contre le blanchiment, la Commission estime que Chypre a mis en oeuvre la législation nécessaire mais doit encore renforcer sa capacité administrative de contrôle.

Cependant, la plus grande difficulté pour ce pays réside dans sa partition. L'analyse faite par la Commission européenne ne porte que sur le sud, qui représente les deux tiers de l'île et les trois quarts de la population en incluant les ressortissants turcs installés à Chypre. Or, la partie nord de l'île est relativement démocratique, mais de nombreux incidents liés à la liberté d'expression y ont eu lieu. Surtout, son développement économique est très faible : on estime que le PIB y est quatre fois moins élevé qu'au sud.

En ce qui concerne les négociations entre les deux parties, elles ont été relancées depuis un an et se font de façon directe sous l'égide des Nations unies. La dernière rencontre a eu lieu à New York les 3 et 4 octobre derniers, après celle de Paris le 6 septembre. Peu de progrès ont été réalisés et rien ne pourra avancer avant les élections législatives en Turquie le 3 novembre. Il semblerait que s'ouvre alors, entre le 3 novembre et le Conseil européen de Copenhague des 12 et 13 décembre, une « fenêtre d'opportunité » pour des initiatives émanant soit des parties en présence, soit de l'ONU. Mais on ne voit guère comment un tel dossier pourrait se résoudre en un si court laps de temps.

Pour conclure, il est indéniable que Chypre est, du point de vue politique et économique, « au niveau » pour rentrer dans l'Union européenne, même si des éléments doivent encore être approfondis. Dans ce contexte, la Grèce pourrait difficilement faire accepter à son opinion publique un report de l'adhésion. Chypre pourrait donc rentrer divisée dans l'Union, avec le risque, évoqué devant moi par Rauf Denktash, leader du nord, d'un rattachement de cette partie de l'île à la Turquie.

M. Hubert Durand-Chastel :

La Turquie a menacé d'annexer le nord de l'île si un règlement politique ne précédait pas l'adhésion à l'Union européenne.

M. Hubert Haenel :

Dans ces conditions, est-ce réaliste de faire adhérer Chypre ? Mais il est vrai que chaque pays membre a son candidat préféré, ce qui est le cas pour la Grèce avec Chypre.

M. Robert Badinter :

Notre rapporteur a raison pour le sud de l'île. D'ailleurs, il n'y a aucun problème économique, c'est un choix politique pour lequel on doit prendre en compte la place stratégique de la Turquie dans cette région du monde.

M. Louis Le Pensec :

Il est certain que l'opinion publique grecque ne pourra accepter un report de l'adhésion. Il s'agit donc bien d'un choix politique et géostratégique.

M. Robert Del Picchia :

D'ailleurs, les déclarations grecques à la suite de l'adoption du rapport de la Commission sont conciliantes vis-à-vis de la Turquie et dénotent une volonté d'apaisement.

M. Yann Gaillard :

En effet, on peut se poser la question de la possibilité d'un accord liant l'accession de Chypre et le début des négociations avec la Turquie.

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M. Maurice Blin (suivi de l'Estonie) :

Petit État balte bénéficiant du soutien fraternel de la Finlande et de la Suède, l'Estonie est apparue, dès le début des négociations d'adhésion, comme un candidat sérieux et déterminé. Elle confirme ici ses capacités en se voyant admise au sein des dix pays susceptibles d'intégrer l'Union dès 2004 et le récent rapport de la Commission européenne décrit de manière positive l'évolution de la situation estonienne.

· Les critères politiques de Copenhague sont considérés comme remplis depuis 1997, l'Estonie ayant consolidé la stabilité de ses institutions au fil des années. Le pays a mis en oeuvre une politique d'intégration et de naturalisation satisfaisante à l'égard de sa minorité essentiellement russophone et il doit s'attacher à appliquer cette réglementation nouvelle dans le respect de ses engagements internationaux.

La réforme administrative et judiciaire s'est poursuivie de manière satisfaisante et demande à être pleinement mise en application, notamment en pourvoyant les postes de magistrats encore vacants et en améliorant la qualité et l'exécution des décisions de justice.

· L'économie estonienne est qualifiée de viable et apte à affronter la concurrence du marché unique si le programme actuel de réforme est poursuivi. On attend toutefois du Gouvernement une politique plus active de lutte contre le chômage et l'assainissement des finances des collectivités locales.

· La reprise de l'acquis communautaire a atteint, dans la grande majorité des domaines, un niveau élevé d'alignement et ses capacités administratives sont jugées globalement satisfaisantes, même si certaines lacunes ponctuelles doivent encore être comblées. Je vous rappelle que l'Estonie était autrefois intégrée au bloc soviétique et qu'elle a dû construire, rapidement, une administration nationale, forger ses propres instruments, créer ses méthodes... Les réalisations acquises en à peine plus de douze années me paraissent devoir être saluées.

Des progrès ont été acquis dans les domaines du marché intérieur, de l'agriculture, de la justice et des affaires intérieures, mais la Commission note que le rythme suivi a été dans les faits inférieur à celui que l'Estonie s'était elle-même fixée.

· Lors des négociations d'adhésion, vingt-huit chapitres ont été provisoirement clôturés et, même si l'Estonie a globalement respecté ses engagements, la Commission déplore des retards dans les domaines suivants :

- la pêche : adoption de la législation, mise en place d'un système d'information, et bon fonctionnement du registre des navires ;

- l'environnement : qualité de l'air et radioprotection.

Les autres secteurs ont poursuivi leur préparation de manière positive et les lacunes sont précisément identifiées. Sur le plan de l'agriculture, restent à renforcer les capacités de gestion de la future PAC, les contrôles vétérinaires et la sécurité alimentaire des produits. En matière de politique industrielle, l'accent doit être mis désormais sur la restructuration industrielle du secteur du schiste bitumineux, l'une des rares ressources naturelles dont dispose le pays. La préparation des capacités de gestion de la future politique régionale est satisfaisante, mais la Commission appelle à renforcer les moyens de programmation et de contrôle financier du bon usage des fonds communautaires. En tant que future frontière extérieure de l'Union élargie, l'Estonie est appelée à renforcer sa législation en matière de migration, asile, contrôle aux frontières et lutte contre la criminalité organisée.

Compte tenu du chemin déjà parcouru, la Commission considère que l'Estonie est en mesure de satisfaire aux exigences du calendrier fixé pour son adhésion et lui demande de poursuivre ses efforts. Mon sentiment est que ce petit pays attachant, qui a su accomplir sa révolution sans effusion de sang, avec intelligence et subtilité - ce qui lui a valu le surnom de « peuple chantant » - mérite largement d'être des nôtres demain.

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M. Claude Estier (suivi de la Hongrie) :

L'ensemble de la classe politique hongroise s'est mobilisée depuis près d'une décennie pour rapprocher la Hongrie de l'Europe et de l'OTAN et elle a fait de l'adhésion à l'Union européenne la priorité de la politique extérieure hongroise.

Les dernières élections du 21 avril 2002, qui ont vu une nouvelle fois ce pays changer de majorité politique, avec le retour, après quatre années de gouvernement sous la conduite de M. Victor Orban du parti de centre droit (le Fidesz), d'une coalition de centre gauche associant le Parti socialiste hongrois (Mszp) et l'Alliance des démocrates libres (Szdsz), n'ont en rien altéré cette détermination des Hongrois à rejoindre l'Union européenne. En effet le nouveau Premier ministre, M. Peter Medgyessy, ancien ministre des finances du gouvernement socialiste de M. Horn entre 1994 et 1998 a, dès son élection, réitéré le choix européen de la Hongrie. Ce qu'il nous a confirmé lorsque nous l'avons rencontré le 24 septembre à Budapest. A l'heure actuelle, les sondages indiquent que 60 % des Hongrois sont favorables à l'adhésion.

Principal bénéficiaire des investissements directs destinés aux pays d'Europe centrale avec plus du tiers de ces investissements, la Hongrie avait d'ailleurs été également le premier pays d'Europe centrale à déposer sa candidature d'adhésion à l'Union européenne le 31 mars 1994. Mais ces dernières années, la question de la date d'adhésion de la Hongrie était aussi devenue un problème politique sensible provoquant une exaspération croissante d'une partie de la population en raison de la lenteur des négociations.

Le gouvernement hongrois avait accueilli avec satisfaction les conclusions du Conseil européen de Séville qui a confirmé la disposition de l'Union à accueillir dix pays en 2004, ce qui vient d'être confirmé par la Commission. Mais son ministre des affaires étrangères avait alors rappelé que la Hongrie se refusait à attendre que d'autres pays candidats soient prêts pour intégrer l'Union et qu'elle restait attachée au principe dit des « mérites propres » de chaque candidat.

Il n'est par conséquent pas vraiment surprenant que le rapport de la Commission considère la Hongrie - dont « l'économie de marché devrait être en mesure de faire face à la pression concurrentielle » - en état d'assumer les obligations découlant de l'adhésion selon le calendrier prévu, même si le nouveau ministre des affaires étrangères, M. Laszlo Kovacs estime que « le travail doit cependant se poursuivre » et que « les questions les plus délicates des négociations d'adhésion sont devant nous ».

En effet le rapport pointe les carences majeures qui étaient déjà apparues à l'occasion de mes précédents déplacements sur place.

En premier lieu, il faut mentionner certaines faiblesses administratives, par exemple en matière de politique agricole et régionale ou en matière de sécurité alimentaire et de contrôles vétérinaires et phytosanitaires, ou encore en ce qui concerne les postes de contrôles ou d'inspection aux frontières, ou encore en matière d'inspection du travail, faiblesses qui ne semblent pas se résorber. Cependant, le chapitre de l'agriculture pose moins de problèmes en Hongrie que par exemple en Pologne. M. Medgyessy nous a rappelé que l'agriculture ne représente pas plus de 5 % du PIB hongrois.

En second lieu, on constate la fragilité ou l'inexistence d'un système de contrôle financier qui pèse en particulier sur l'engagement des fonds structurels et des fonds de cohésion, mais aussi pour le fonctionnement de l'aide agricole prévue dans le programme SAPARD.

Quelques chantiers restent encore à engager, notamment concernant le système des soins de santé. Des interrogations persistent sur la mise en oeuvre concrète des mesures anti-corruption ou anti-blanchiment. Cependant, la Hongrie vient d'être retirée de la liste noire du GAFI après l'adoption d'une nouvelle législation.

La Commission attend également que le gouvernement hongrois prenne des dispositions adéquates pour lutter contre la discrimination envers les Tziganes ou parvienne à un accord avec la Slovaquie et la Roumanie pour la mise en application de la loi sur les minorités hongroises de ces pays, question sensible qui a justifié cet été un déplacement en Roumanie du nouveau Premier ministre et qui doit aboutir cet automne au vote d'amendements à la loi sur le statut des Magyars d'outre frontière. Cette question paraît en bonne voie de solution.

La Hongrie, qui a pendant longtemps été le pays le plus proche de l'adhésion, fait aujourd'hui le constat que des problèmes difficiles restent à résoudre. M. Medgyessy nous a cependant fait part de son optimisme quant à la possibilité de réaliser des progrès substantiels d'ici la fin de cette année. Après quoi, le gouvernement hongrois devra, d'abord, engager une révision de la Constitution qui nécessite une majorité des deux tiers au Parlement (la coalition gouvernementale ne dispose actuellement que d'une dizaine de voix de majorité) et, ensuite, appeler les Hongrois à se prononcer par référendum sur l'adhésion à l'Union européenne.

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M. Serge Lagauche (suivi de la Lettonie) :

Il m'appartient de vous présenter la situation de la Lettonie dans le processus d'élargissement de l'Union.

Ce petit pays balte a été reconnu « admissible », à deux mois de la clôture des négociations, même s'il est le plus pauvre des dix États candidats retenus, avec un PIB par habitant correspondant tout juste au tiers de la moyenne communautaire. À l'appui de sa décision, le rapport de la Commission se plait à souligner l'ampleur des réalisations acquises au cours de l'année écoulée.

 En 1997, la Commission considérait déjà que la Lettonie satisfaisait aux critères politiques de Copenhague. Depuis lors, ce pays a su accomplir des progrès considérables, notamment au regard de la question du respect et de la protection des minorités. Je vous rappelle, en effet, que l'une de ses caractéristiques est de comporter un fort pourcentage de minorités, essentiellement russophones. Des progrès ont été notés pour leur intégration, mais l'effort doit être poursuivi et renforcé.

Le pays a poursuivi la réforme de son administration, mais les textes adoptés ne sont pas encore pleinement appliqués et la Commission souhaite voir accélérée la mise en place du système de rémunération des agents publics, afin de pouvoir attirer et stabiliser les personnels dans ce secteur d'activité.

Par ailleurs, le fonctionnement de la justice laisse encore à désirer sur de nombreux points, ce qui conduit la Commission à réclamer que l'arriéré judiciaire, sans cesse croissant, soit résorbé et qu'une « attention permanente » soit apportée à la question de la détention préventive.

Enfin, la lutte contre la corruption demeure une source importante de préoccupation et justifierait la mise à disposition des moyens financiers nécessaires à son éradication. Lors de sa récente visite à Paris, et notamment sa réception dans notre hémicycle du Sénat, la Présidente de la République, Mme Vaira Vike-Freiberga, a souligné sa détermination à agir en ce sens.

 La Lettonie a su améliorer ses résultats économiques, en dépit des effets persistants de la crise russe. On considère qu'elle présente une économie de marché viable et que la poursuite des réformes entreprises devrait lui permettre de faire face aux pressions concurrentielles résultant de sa confrontation au marché unique.

La Commission appelle à l'amélioration du fonctionnement du marché du travail, à un effort en matière d'éducation, à une démarche de promotion pour le développement du secteur privé et à une politique budgétaire prudente, vu l'importance du déficit que connaît le pays.

 La reprise de l'acquis communautaire a été conduite de manière satisfaisante. Si les moyens administratifs chargés de mettre en oeuvre les nouvelles législations ont été accrus, ils sont toutefois encore sous-dimensionnés et appellent des efforts supplémentaires. Le problème se pose dans les mêmes termes que pour l'Estonie que nous évoquions précédemment.

· Sur l'ensemble des chapitres de négociations, la Commission reconnaît les progrès significatifs accomplis par la Lettonie mais souligne la nécessité de poursuivre dans cette direction. Elle cite notamment la difficulté persistante de lutter contre la piraterie et la contrefaçon et la priorité qu'il convient d'accorder à l'installation de systèmes informatiques permettant l'échange de données électroniques avec la Communauté et ses États membres.

Le domaine de l'agriculture constitue un bon exemple des progrès déjà accomplis, mais des efforts particuliers doivent encore être consentis (contrôles vétérinaires, sécurité alimentaire, structures de gestion de la PAC...). La mise en conformité des secteurs transports, énergie, environnement et télécommunications est en bonne voie, même si le processus n'est pas encore achevé. La mise en oeuvre de la politique régionale est encore loin d'être satisfaisante et la Commission demande que les efforts en cours soient « poursuivis et considérablement intensifiés » pour permettre la gestion et le contrôle des futurs fonds structurels européens. D'une manière générale, le premier défi que doit relever la Lettonie est de préparer ses capacités administratives à l'adhésion.

À ce jour, vingt-sept chapitres de négociation ont été provisoirement clos et la Lettonie respecte globalement ses engagements. La Commission souligne les progrès considérables obtenus au cours de l'année écoulée et demande la poursuite de ces efforts. Elle considère donc que la Lettonie sera en mesure d'assumer les obligations découlant de l'adhésion selon le calendrier prévu. J'y vois là la récompense d'une volonté très forte du pays pour améliorer sa situation dans le processus d'adhésion, du désir de rassembler sa population dans ce grand projet, une telle détermination constitue, à mon avis, de réels atouts. Je crois aussi, et c'est une approche très défendable, que la Commission a souhaité promouvoir l'intégration simultanée des trois États baltes.

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M. Jean Bizet (suivi de la Lituanie) :

Petit pays candidat, bien qu'elle soit le plus grand des trois États baltes, la Lituanie a été admise dans le groupe des « admissibles » par la Commission européenne. Depuis 2000, date à laquelle elle avait été autorisée à ouvrir officiellement ses négociations d'adhésion, la Lituanie a réalisé des progrès considérables, reconnus et soulignés par les différents rapports d'étape.

· En 1997, la Commission considérait qu'elle remplissait les critères politiques de Copenhague et le pays n'a cessé de progresser sur ce terrain depuis lors, notamment pour ce qui concerne le respect et la protection des minorités, comme le confirme le dernier rapport.

L'administration publique et la justice ont été réorganisées et les réformes doivent désormais être appliquées et confortées par les dotations budgétaires appropriées. La lutte contre la corruption a été entreprise avec détermination, mais l'effort doit être soutenu, notamment pour éradiquer ce phénomène qui reste préoccupant au sein de l'administration.

· Les performances économiques de la Lituanie se sont améliorées, en dépit des effets de la crise russe. Elles permettent de conclure à la viabilité de son économie de marché, capable de résister à la concurrence du marché intérieur de l'Union si les réformes sont poursuivies.

La Lituanie demeure toutefois l'un des plus pauvres États candidats, avec un PIB par habitant équivalant à seulement 38 % de la moyenne communautaire. Le chômage y est élevé, les communes ont accumulé des arriérés de dépenses, la réforme des retraites est encore en cours d'achèvement.

· Durant l'année écoulée, après une période d'efforts dispersés, le pays a accompli des progrès significatifs tant en termes de transposition de l'acquis communautaire que de développement des capacités administratives.

La reprise de l'acquis est globalement bonne - parfois même d'un niveau élevé -, mais il reste à faire dans les domaines de la pêche, de l'agriculture et de l'environnement. Les lacunes administratives portent encore sur la formation et la stabilisation du personnel, ainsi que sur la mise en oeuvre d'une coordination interinstitutionnelle efficace.

· Les négociations ont été conduites avec diligence puisque vingt-huit chapitres sont d'ores et déjà provisoirement clos. Si la Lituanie respecte globalement ses engagements, la Commission souligne la survenance de retards auxquels elle veut qu'il soit mis fin, dans les domaines suivants :

- l'agriculture : les difficultés portent notamment sur les capacités administratives de gestion de la PAC, sur la modernisation des établissements et sur le traitement des déchets animaux ;

- la pêche : l'effort doit être concentré sur le développement du marché et de la politique structurelle, sur les missions d'inspection et de contrôle et sur la création du registre des navires de pêche ;

- l'environnement : la reprise de l'acquis est satisfaisante, mais demeure encore théorique. Des progrès sont à accomplir notamment pour la gestion des déchets, la qualité de l'eau, le contrôle de la pollution industrielle et la protection de la nature.

On retrouve là trois secteurs de préoccupation communs aux trois États baltes. La question particulière de la sûreté nucléaire fait l'objet d'une attention soutenue depuis que la Lituanie a confirmé son engagement de fermer la centrale d'Ignalina, de type Tchernobyl, en deux étapes, 2005 et 2009. L'Union s'est déclarée prête à accompagner ce déclassement, après l'adhésion effective du pays.

La gestion de la future politique régionale n'est pas encore opérationnelle, en dépit du renforcement des capacités administratives. On attend de la Lituanie qu'elle se consacre davantage à la préparation technique des projets éligibles aux fonds structurels, au suivi, à la gestion et au contrôle du bon usage des financements européens.

Globalement, la Commission considère donc que les progrès accomplis mettent la Lituanie en mesure de respecter le calendrier d'adhésion. Elle l'appelle à poursuivre ses préparatifs conformément aux engagements pris au cours des négociations. Mon sentiment personnel est que la jeunesse lituanienne semble très déterminée à intégrer l'Union et que tout retard de calendrier pourrait décourager des franges plus réservées de la population.

M. Serge Lagauche :

On ne peut pas passer sous silence le problème posé par l'enclave russe de Kaliningrad, car c'est le moyen pour les Russes de garder un contact avec les pays baltes.

M. Robert Del Picchia :

Kaliningrad risque de devenir une enclave comme le nord de Chypre.

M. Hubert Durand-Chastel :

Il ne faut pas oublier que la Lituanie a été à l'origine de la désintégration de l'Union soviétique.

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M. Lucien Lanier (suivi de Malte) :

Dans le rapport qu'elle vient de rendre public, la Commission précise d'emblée que Malte continue de satisfaire aux critères politiques de Copenhague, et a même pris de nouvelles mesures pour améliorer la qualité de son système judiciaire. Ce faisant, elle passe sous silence l'hypothèque que l'absence de consensus politique sur l'objectif même de l'adhésion fait peser sur la candidature de Malte. Mais il est vrai qu'il s'agit d'une affaire intérieure de l'île, et que l'objet du rapport de la Commission est d'abord d'examiner le degré objectif de préparation de chacun des pays candidats.

En ce qui concerne les critères économiques de Copenhague, la Commission estime que Malte, qui disposait d'une économie de marché viable dès l'origine, « a fait preuve d'une détermination sans faille pour se conformer aux exigences économiques de l'entrée dans l'Union européenne ». Certes, l'île peut encore améliorer sa gestion macroéconomique en réduisant le déficit des administrations publiques, et en restructurant les grandes entreprises publiques et les services publics déficitaires.

Si l'on passe maintenant à l'examen secteur par secteur de la transposition de l'acquis, la situation apparaît généralement satisfaisante, sous réserve de quelques lacunes.

En ce qui concerne la libre circulation des personnes, l'alignement reste incomplet pour les droits des citoyens et la libre circulation des personnes. En matière de concurrence, Malte doit encore adopter un cadre approprié en ce qui concerne les entreprises publiques et veiller à la compatibilité des aides accordées aux chantiers navals. Sur le plan de la fiscalité, Malte doit intensifier son alignement législatif en matière de TVA, où elle applique de larges exonérations. En ce qui concerne le transport maritime, Malte doit poursuivre ses efforts, si elle veut cesser de figurer sur la liste noire du mémorandum de Paris. En matière d'agriculture, Malte doit encore adopter des pans considérables de l'acquis agricole, alors que la faiblesse de sa capacité d'application reste particulièrement préoccupante. En matière de politique sociale, l'alignement sur l'acquis est à la traîne en matière de droit du travail et d'égalité des chances. Dans le domaine de l'environnement, la capacité administrative de Malte demeure très faible. En ce qui concerne la justice et les affaires intérieures, des progrès peuvent encore être faits dans les domaines de l'immigration et de la coopération judiciaire. Dans le domaine du contrôle financier, Malte doit encore achever l'élaboration de mécanismes de lutte contre la fraude et de protection des intérêts financiers de l'Union européenne.

Cette rapide présentation pourrait donner une idée un peu négative des choses, mais c'est parce que je n'ai volontairement retenu que les points faibles soulignés par la Commission. Celle-ci décerne par ailleurs de nombreux satisfecit à Malte.

Globalement, la Commission, « compte tenu des progrès accomplis depuis le rapport de 1999 (...), du niveau atteint à ce jour en termes d'alignement législatif et de capacité administrative, et des résultats obtenus dans la mise en oeuvre des engagements souscrits au cours des négociations, (...) considère que Malte sera en mesure d'assumer les obligations découlant de l'adhésion selon le calendrier prévu. »

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M. Yann Gaillard (suivi de la Pologne) :

Je ne crois pas utile de vous rappeler combien la Pologne est un candidat particulier au sein du processus d'élargissement. Sa taille, l'importance de sa population qui dépasse à elle seule celle des neuf autres pays admissibles, le volume de son agriculture qui fournit encore plus de 19 % des emplois et, plus largement, le poids symbolique qui s'attache à son entrée rapide dans l'Union ont constitué, durant toute cette phase de préparation, des spécificités qu'on ne pouvait ignorer. La Pologne, d'ailleurs, n'ignorait pas que l'élargissement ne se ferait pas sans elle et elle n'a pas sous-estimé les avantages que lui procurait cette situation.

Je passerai rapidement sur le fait que la Pologne respecte, depuis 1997, les critères politiques de Copenhague. Toutefois, la critique de la Commission continue de porter sur la faiblesse des capacités administratives de la fonction publique, qui manque encore d'indépendance, de formation et de motivation.

La réforme du système judiciaire a été saluée mais on attend qu'elle se traduise par des progrès plus nets en matière d'efficacité. La même observation peut être faite pour ce qui concerne la corruption, qui demeure un souci majeur en dépit de l'adoption d'une stratégie globale en vue de son éradication, justifiant ainsi que des efforts substantiels soient réclamés par la Commission européenne.

· Les réformes économiques entreprises, dans une conjoncture internationale difficile, ont permis l'amélioration globale des performances polonaises. On considère que le pays présente une économie de marché viable, apte à faire face aux pressions concurrentielles du marché unique, « s'il se maintient sur sa trajectoire actuelle de réforme ». Des efforts restent à fournir en matière de consolidation budgétaire, de restructuration industrielle - notamment dans le secteur sidérurgique - et de privatisation dans les grands secteurs économiques (financier, industries lourdes, énergie, agriculture).

· La transposition de l'acquis communautaire, d'abord jugée trop lente s'est accélérée même si d'importantes lacunes subsistent dans les domaines vétérinaire, environnemental et de sécurité des denrées alimentaires.

Au cours de l'année écoulée, les progrès les plus importants ont été réalisés dans le domaine des transports et de la libre circulation des personnes.

D'une manière générale, on observe toujours un décalage important entre le niveau d'adoption de la législation et les capacités administratives qui restent trop faibles pour l'appliquer de façon correcte.

· À ce jour, vingt-sept chapitres ont été clôturés provisoirement et la Pologne respecte généralement les engagements pris par elle au cours des négociations. Les lacunes essentielles portent encore et toujours sur la faiblesse des capacités administratives dans de nombreux domaines. Par ailleurs, des retards ont été dénoncés par la Commission européenne dans les secteurs suivants :

l'agriculture où la reprise de l'acquis et la capacité administrative, notamment au niveau régional, demeurent encore insuffisantes ; les progrès réalisés dans le secteur vétérinaire en 2001 n'ont pas été confirmés cette année ; des efforts urgents et importants sont jugés indispensables pour moderniser les installations, permettre les contrôles appropriés aux frontières et mettre sur pied le système de gestion des aides relevant de la PAC ;

la pêche, où les capacités administratives restent trop faibles et la reprise de l'acquis trop modérée ;

l'environnement, qui subit la même critique, et pour lequel les investissements sont insuffisants pour faire face aux exigences européennes en matière de qualité de l'eau, de lutte contre la pollution industrielle et de gestion des produits chimiques ;

La Commission rappelle enfin que le bon fonctionnement du volet « politique régionale » suppose la mise en place de mécanismes adéquats de contrôle et de gestion des fonds de pré-adhésion et des futurs fonds structurels. Certains se demandent même si la Pologne aura les capacités d'utiliser les fonds qui lui seront attribués... La Commission incite donc la Pologne à poursuivre ses préparatifs dans le respect de ses engagements. Sa situation actuelle, au regard de l'état d'avancement des négociations, la place toutefois dans le peloton de queue des dix pays candidats retenus, suivie par Malte et la Lettonie. La Pologne demeure un pays pauvre avec un PIB moyen par habitant de l'ordre de 40 % de la moyenne communautaire seulement. Les mises en garde de la Commission ont été exprimées avec une sévérité dont la presse s'est fait l'écho, elles appellent le pays à accroître encore ses efforts dans la dernière ligne droite, mais, comme on pouvait s'y attendre, ce candidat pas comme les autres a bien été reconnu « admissible ».

Permettez-moi maintenant de m'éloigner un peu du document de la Commission pour vous faire part de quelques impressions personnelles, car il se trouve que j'ai été amené à effectuer quatre séjours dans ce pays, depuis deux ans, à des titres divers.

Mon premier séjour remonte à février 2000. À cette époque, quatre problèmes particuliers étaient à l'ordre du jour, trois ayant été réglés depuis lors, tandis que le dernier est toujours d'actualité puisqu'il s'agit de l'agriculture. Le discours officiel était alors le suivant : l'agriculture polonaise doit être appréhendée de manière duale. Elle comprend, d'une part, une agriculture de subsistance, à l'Est, qui n'est pas destinée à être intégrée à la PAC, d'autre part, une agriculture éligible, concurrentielle, située à l'Ouest du pays. Cette approche m'avait paru difficilement soutenable, mais je vous en avais fidèlement rendu compte en son temps. Je me souviens d'ailleurs que notre collègue Marcel Deneux s'était montré aussi dubitatif que moi sur une telle manière de présenter le débat. Le fait est que, quelque temps après, cette curieuse dichotomie était bel et bien oubliée.

Trois mois plus tard, j'ai été conduit à participer au voyage officiel de Pierre Moscovici, alors ministre des affaires européennes, à Varsovie. Le ton avait alors bien changé. À cette époque, une campagne assez virulente avait lieu dans la presse polonaise contre la France, et notre ministre était chargé d'apaiser ce climat difficile et de faire valoir tout l'intérêt que notre pays portait à l'élargissement. Le résultat en a d'ailleurs été assez mitigé. Je puis vous dire qu'à cette époque, nous, Français, n'étions pas très populaires en Pologne...

En février de cette année, mon voyage s'effectuait cette fois avec notre collègue Philippe Marini, mon prédécesseur à la tête du groupe d'amitié France-Pologne. Entre-temps, les élections avaient profondément modifié le paysage politique puisque le gouvernement de centre-droit avait été remplacé par une coalition rassemblant les néo-communistes, le parti paysan et un parti paysan populiste plutôt réticent à l'adhésion à l'Union. Notre venue s'est produite exactement au moment où la Commission présentait sa proposition d'accorder aux nouveaux entrants une aide directe limitée, la première année suivant l'adhésion, à 25 % de celle dévolue aux actuels États membres, ce pourcentage devant progressivement monter en puissance pour n'atteindre 100 % qu'en 2013. Inutile de vous rappeler l'hostilité polonaise à un tel schéma.

Enfin, j'étais à nouveau en Pologne en juillet dernier avec notre nouveau ministre de l'agriculture, Hervé Gaymard. À cette époque, la Pologne avait fait connaître le bon accueil qu'elle réservait à la réforme de la PAC présentée par la Commission et la démarche française consistait à la convaincre que, ce faisant, elle allait contre ses propres intérêts car il était plus judicieux de reporter cette réforme sur la période initialement prévue de 2004-2006, date à laquelle la Pologne, désormais État membre de l'Union européenne, aurait voix directe au chapitre. L'argument avait d'ailleurs porté à cette époque, et la Pologne déclarait désormais partager les positions françaises sur la réforme de la PAC. Mais j'apprends tout récemment qu'elle aurait modifié à nouveau sa position de principe. Tout cela pour vous dire que, bien évidemment, l'élargissement de l'Union se fera avec la Pologne, et que tout plaide en ce sens, mais que ce pays ne sera pas un partenaire si facile dans l'Union élargie, ce qui n'enlève rien à la très profonde et sincère sympathie que j'éprouve à son égard.

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M. Marcel Deneux (suivi de la République tchèque) :

Quelques semaines après les inondations qui ont gravement touché Prague et la Bohême, le dernier rapport de la Commission européenne devrait apporter un peu de réconfort à la République tchèque. Ce pays figure, en effet, dans la liste des dix pays candidats invités à rejoindre l'Union européenne en 2004 et le rapport souligne les importants progrès réalisés par la République tchèque qui, à ce jour, a clôturé vingt-cinq chapitres.

Au-delà des aspects techniques des négociations d'adhésion, j'avais eu plusieurs fois l'occasion de souligner, lors de mes précédentes communications au sujet de la candidature de ce pays, que celle-ci posait essentiellement des problèmes politiques. Des difficultés politiques sur le plan interne, puisque la République tchèque se caractérise par l'existence d'un fort courant eurosceptique, représenté par le parti de l'ancien premier ministre Vaclav Klaus. Des difficultés politiques sur le plan externe, également, puisque les relations de la République tchèque avec l'Allemagne, la Hongrie et surtout l'Autriche sont marquées par des tensions récurrentes liées à l'expulsion des Sudètes en 1945 et à la centrale nucléaire de Temelin.

Or, sur ce plan, la candidature de la République tchèque se présente aujourd'hui sous de meilleurs auspices. Ainsi, les dernières élections législatives de juin, qui ont eu un caractère de pré-référendum d'adhésion à l'Union européenne, ont vu la victoire des sociaux-démocrates qui se sont alliés aux formations centristes pour former une nouvelle coalition gouvernementale. Avec seulement 25 % des voix, le parti de M. Vaclav Klaus a donc subi une importante défaite et se retrouve aujourd'hui dans l'opposition, même si son chef reste un candidat sérieux à la succession de Vaclav Havel, qui devrait intervenir au début de l'année prochaine. De plus, l'hypothèque d'un veto autrichien à la candidature de la République tchèque a été en partie levée, grâce au règlement du contentieux entre Vienne et Prague sur la centrale nucléaire de Temelin.

Enfin, la République tchèque peut se féliciter des conclusions du récent rapport, réalisé à la demande du Parlement européen par le juriste allemand M. Jochen Frowein, qui conclut à l'absence d'incompatibilité entre les décrets Benes et l'adhésion à l'Union européenne.

La question des décrets Benes, c'est-à-dire de l'expulsion des Allemands des Sudètes et des Hongrois en 1945, la légalisation de leur expulsion, ainsi que la nationalisation et l'expropriation de leurs biens, avait, en effet, ressurgi récemment dans le contexte de la campagne électorale en Allemagne et en Hongrie et en raison de la présence du parti de M. Jörg Haider au sein de la coalition gouvernementale en Autriche. Certains avaient alors estimé, notamment au Parlement européen, que ces décrets étaient incompatibles avec le droit communautaire et que la République tchèque devait les abolir officiellement avant d'adhérer à l'Union. Le rapport d'expert conclut, pour sa part, que les traités européens n'ont pas d'effet rétroactif et que, en conséquence, l'abrogation des décrets Benes ne saurait être une condition de l'adhésion à l'Union. L'auteur de ce rapport estime cependant que la République tchèque pourrait à nouveau exprimer ses regrets pour les conséquences de ces décrets. L'annonce de ce rapport, qui n'a pas encore été publié, a provoqué un début de polémique, en particulier en Autriche où les élections législatives anticipées devraient intervenir le 29 novembre prochain. Si le parti conservateur du Chancelier Schüssel et l'opposition sociale démocrate ont assez bien accueilli ce rapport, le parti de M. Jörg Haider pourrait exploiter ce thème sensible dans l'opinion publique autrichienne au cours de la campagne électorale afin d'endiguer sa chute dans les sondages.

Notre collègue M. Robert Del Picchia, qui est un fin connaisseur de l'Autriche, pourrait, à ce sujet, nous apporter un éclairage complémentaire.

M. Robert Del Picchia :

Il est vrai que le parti de M. Jörg Haider, qui est en perte de vitesse dans les sondages, pourrait exploiter la question des décrets Benes, mais je crois que cela restera insuffisant. La question des décrets Benes est en passe d'être réglée. Le problème qui demeure, c'est que l'Allemagne et l'Autriche demandent aux autorités tchèques d'exprimer officiellement leurs regrets, mais que ces dernières craignent que cela ouvre la voie à l'indemnisation financière des personnes concernées.

Enfin, je voudrais ajouter, à propos des prochaines élections législatives en Autriche, que le journaliste M. Broukal, qui est une personnalité très connue en Autriche, figurera sur la liste des candidats présentés par le parti social démocrate, ce qui peut avoir une certaine influence sur le résultat de ces élections.

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M. André Ferrand (suivi de la Roumanie) :

La publication du document de stratégie de la Commission européenne, le 9 octobre dernier, a donné lieu à une cruelle déception en Roumanie.

En effet, alors que la première version du document, citée par le journal Le Monde retenait la formulation suivante : « Les progrès de la Bulgarie et de la Roumanie au cours de l'année dernière conduisent la Commission à conclure que l'année 2007, choisie par ces deux pays, doit être envisagée comme une date indicative pour l'adhésion, à la condition que chaque pays réunisse les critères de Copenhague et conclue avec succès les négociations », la version définitive se caractérise par son extrême prudence à l'égard de la date de l'adhésion et par la réaffirmation du principe de différenciation : « La Bulgarie et la Roumanie ont fixé à 2007 la date indicative de leur adhésion. (...) La Commission soutiendra fermement les deux pays pour qu'ils atteignent cet objectif, qui continuera à être poursuivi selon les principes de différenciation et de mérite propre. »

Il semblerait que la version initiale ait été modifiée sur ce point au cours de la réunion des Commissaires de mercredi dernier.

Or, cette modification porte précisément sur les deux principales attentes des autorités roumaines. Les autorités roumaines attendaient, en effet, de la part de l'Union européenne un signal fort pour confirmer l'objectif de leur adhésion en 2007 et elles craignent un décrochage par rapport à la Bulgarie, qui se situe loin devant la Roumanie en termes de fermetures provisoires de chapitres. Avec seulement treize chapitres provisoirement clos à ce jour sur trente et un, la Roumanie occupe, en effet, la dernière place des douze pays candidats.

Par contre, la Roumanie a tout lieu d'être satisfaite du dernier rapport régulier de la Commission européenne, qui souligne les importants progrès réalisés par ce pays dans plusieurs domaines sensibles comme l'économie, la protection de l'enfance et le traitement de la communauté tzigane. La Commission considère ainsi que la Roumanie devrait être en mesure de remplir les critères économiques de l'adhésion à moyen terme.

Je dois dire que ce rapport de la Commission qui porte plus spécifiquement sur la Roumanie confirme l'impression optimiste que j'avais retirée de mon déplacement dans ce pays, en juillet dernier, qui paraissait alors en décalage par rapport à ce que m'avaient laissé entendre plusieurs de mes interlocuteurs.

Comme je l'avais souligné dans ma communication, le gouvernement de M. Adrian Nastase ne ménage pas ses efforts pour engager les réformes nécessaires à l'intérieur et pour plaider à l'extérieur la cause de son pays. La récente signature d'un accord avec la France sur le problème des enfants roumains séjournant seuls sur notre territoire en offre l'illustration.

Si je me réjouis personnellement de la tonalité positive de ce rapport à l'égard d'un pays ami, membre de la communauté francophone, qui accueille de nombreuses entreprises françaises et à qui nous voulons beaucoup de bien, je voudrais, néanmoins, vous faire part de quelques inquiétudes.

Le dernier rapport régulier de la Commission cite, en effet, plusieurs sources de préoccupations, comme la corruption ou le contrôle des frontières, et il souligne, comme je l'avais moi-même indiqué, que le fossé entre le cadre législatif et la mise en oeuvre pratique des nouvelles dispositions s'est creusé. La capacité administrative et judiciaire de la Roumanie reste, en effet, très insuffisante. Une étude, du 3 octobre, de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies indique, en outre, que la Roumanie sert, avec la Bulgarie et la Hongrie, de « plaque tournante » pour la drogue venue d'Afghanistan par la route des Balkans et que ce pays devient un nouveau marché de consommation de stupéfiants.

Enfin, l'image de ce pays a été ternie récemment aux yeux de l'Europe par la signature d'un accord bilatéral avec les États-Unis qui garantit l'immunité des ressortissants américains et leur non-extradition à l'égard de la Cour pénale internationale. La Roumanie est d'ailleurs le seul État européen à avoir cédé aux pressions américaines pour signer un tel accord, ce qui a provoqué des réactions négatives à Bruxelles et dans de nombreuses capitales, en particulier à Paris. Le ministre, Mme Noëlle Lenoir, n'a pas manqué de le souligner lors de son dernier déplacement à Bucarest. Réactions justifiées, à mon avis, puisque, si la Roumanie a cherché à s'attirer ainsi la bienveillance des États-Unis vis-à-vis de sa candidature à l'OTAN en novembre prochain, elle a privilégié le court terme sur ses engagements européens. J'espère, pour ma part, que les conséquences négatives de la signature de cet accord, vis-à-vis de ses partenaires européens, qui ont été probablement mal appréciées par les autorités roumaines, n'auront pas d'effets durables.

Comme l'illustre la modification du document de stratégie, la candidature de la Roumanie suscite encore certaines réticences à Bruxelles et ce pays a besoin plus que jamais du soutien de la France. L'action de notre nouvel ambassadeur à Bucarest, personnalité de grande qualité et expert en Affaires européennes, puisqu'il était auparavant Représentant permanent adjoint de la France à Bruxelles, devrait y contribuer.

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Mme Danielle Bidard-Reydet (suivi de la Slovaquie) :

L'inclusion de la Slovaquie dans la liste des pays candidats à l'adhésion est plutôt une surprise, comme le souligne le rapport lui-même qui rappelle que, jusqu'en 1999, la Commission constatait que ce pays ne remplissait pas les critères politiques de Copenhague. La Slovaquie attend aussi d'être acceptée dans l'OTAN lors du prochain sommet de Prague.

En fait depuis deux ans, la Slovaquie a accéléré ses réformes au point qu'elle a, dans les négociations, rattrapé ses voisins et est maintenant dans le peloton de tête des pays candidats. Les progrès les plus importants l'ont été dans le domaine de la justice et des affaires intérieures d'abord, avec la création d'un Conseil judiciaire, le renforcement de l'indépendance des juges et l'adoption d'un plan de mise en application de l'acquis de Schengen. En matière de capacités administratives ensuite, avec la mise en place d'administrations régionales décentralisées et la création d'un Office de la fonction publique.

Les dernières élections législatives des 20 et 21 septembre dernier ont montré que les électeurs slovaques ont clairement fait le choix de l'Europe et qu'ils se sont détournés de la politique d'isolement qu'ils avaient connue pendant les quatre années où leur pays fut dirigé par M. Vladimir Meciar. Celui-ci est certes arrivé en tête du scrutin avec 19,5 % des voix, mais loin des 27 % qu'il avait obtenues il y a quatre ans. L'Union démocratique et chrétienne slovaque du Premier ministre sortant, M. Mikulas Dzurinda, qui a largement contribué à rapprocher la Slovaquie de l'Europe, est arrivée en seconde position avec 15,09 % des voix et elle peut prétendre former un nouveau gouvernement de coalition avec les trois autres partis de centre droit, tous favorables à l'adhésion à l'Union européenne.

La Commission souligne la mise en place, par la Slovaquie, de plans détaillés qui ont été adoptés pendant les négociations d'adhésion afin de remédier aux lacunes constatées dans différents secteurs. La Commission a notamment apprécié l'engagement de la Slovaquie de fermer en 2006 et 2008 les deux réacteurs de la centrale nucléaire de Bohunice VI. De même la Commission a reçu très positivement les efforts déployés par ce pays pour protéger les droits des minorités, en particulier avec la création d'un plénipotentiaire mandaté par le gouvernement pour les questions rom, plénipotentiaire qui a vu ses ressources administratives et financières renforcées ces derniers temps.

Sur le plan économique, la Slovaquie a enregistré une croissance de plus de 3 % en 2001 et elle a bénéficié depuis deux ans d'importants flux d'investissements extérieurs. En mars 2002, la Slovaquie, qui est avec l'Ukraine le principal transporteur de gaz russe, a ainsi décidé de céder 49 % du capital de son monopole gazier à un consortium qui associe Gaz de France, l'allemand Ruhrgaz et le russe Gazprom pour un montant de 3,1 milliards d'euros.

Pour autant, le rapport de la Commission ne passe pas sous silence un certain nombre de problèmes très sérieux qui restent, selon lui, à résoudre :

- élimination des effets négatifs du système de protection sociale ;

- renforcement de la surveillance du système financier et des capacités de gestion et de coordination des instruments structurels ;

- lutte contre la corruption et la criminalité organisée ;

- réforme du droit des sociétés ;

- réforme de la politique des transports ;

- amélioration de l'environnement ;

- mise en place d'un système de contrôle financier solide dans les administrations et dans le système bancaire.

Les propos tenus par M. Mikulas Dzurinda au lendemain de la publication du rapport de la Commission montrent que le gouvernement slovaque est conscient des difficultés qui subsistent avant l'adhésion de la Slovaquie à l'Union européenne : « La Slovaquie se trouve devant la porte d'une réunification d'une Europe divisée pendant une cinquantaine d'années. La plupart ont prévenu leur opinion publique, qui espère partager rapidement la prospérité de l'Union actuelle que de nombreux efforts doivent encore être menés. »

Je dois me rendre le mois prochain à Bratislava et j'espère, sur place, me rendre compte par moi-même de l'état réel de préparation de la Slovaquie. Je pourrai alors vous fournir des informations plus complètes sur les conditions dans lesquelles la Slovaquie va intégrer l'Union européenne.

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M. Jean-Léonce Dupont (suivi de la Slovénie) :

Comme tous les pays candidats, à l'exception de la Turquie, la Slovénie satisfait, selon la Commission, les critères politiques fixés au sommet de Copenhague. Elle respecte les droits de l'homme et les libertés, et a même récemment amélioré son système judiciaire afin de résorber l'arriéré des procédures en cours.

En ce qui concerne les critères économiques de Copenhague, la Slovénie fait mieux que la plupart des autres pays candidats. Dotée d'une économie de marché concurrentielle fondée sur un tissu de PME exportatrices, elle est parvenue à atteindre une stabilité macroéconomique satisfaisante, même si l'inflation pourrait encore être réduite. Cette relative prospérité est même devenue une source de préoccupation pour les autorités slovènes, puisque les premières simulations montrent que le pays devrait être contributeur net au budget communautaire dès la première année de son adhésion. Cette perspective est de nature à diminuer le soutien à l'adhésion à l'Union européenne dans l'opinion slovène. Les autorités slovènes ont donc demandé à la Commission que des correctifs soient apportés à cette situation. C'est la question des compensations budgétaires qui a été évoquée au début de notre réunion.

Si l'on considère la reprise de l'acquis communautaire, la Slovénie ne fait pas apparaître de grosses lacunes, même si l'on peut relever ici ou là des insuffisances. En matière de libre circulation des capitaux, il demeure des restrictions aux investissements directs étrangers. Dans le domaine de l'agriculture, la Slovénie est à niveau pour la transposition des dispositions législatives, mais peut encore faire des progrès en matière de capacités administratives et de mise en place des mécanismes de gestion de la politique agricole commune. Mais le vrai problème est que l'entrée dans le marché agricole commun risque se traduire par une perte de revenus pour les agriculteurs slovènes, qui bénéficient actuellement de niveaux de prix supérieurs à ceux de la PAC. Les autorités slovènes ont donc demandé à la Commission la possibilité d'attribuer à leurs agriculteurs des aides additionnelles à celles prévues par la PAC. Dans le domaine de l'énergie, l'autorité de sûreté nucléaire doit encore être séparée juridiquement des activités de promotion de l'énergie nucléaire. En matière de justice et affaires intérieures, la Slovénie doit encore poursuivre ses efforts pour améliorer ses capacités de gestion des frontières. En effet, ce pays va devenir, sur 650 km de long, une frontière extérieure de l'Union européenne. A ce titre, les autorités slovènes ont demandé à l'Union une aide financière exceptionnelle.

A ce jour, vingt-huit chapitres ont été provisoirement clôturés. Dans son rapport, la Commission considère que la Slovénie sera en mesure d'assurer les obligations découlant de l'adhésion selon le calendrier prévu.

La Slovénie a l'intention de soumettre à référendum l'adhésion à l'Union européenne. Ceci explique le souci des autorités slovènes de pouvoir présenter à leur opinion publique un « paquet financier équitable » et des assurances sur la politique agricole. Actuellement, 60 % des agriculteurs slovènes sont hostiles à l'entrée de leur pays dans l'Union européenne.

La Slovénie considère par ailleurs que son adhésion constituera un facteur de stabilisation pour la région des Balkans occidentaux. Avant même d'être entrée dans l'Union, elle soutient la candidature de la Croatie.

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M. Robert Del Picchia (suivi de la Turquie) :

La Turquie a introduit sa demande d'adhésion à l'Union européenne en 1987 et cette candidature a été reconnue en 1999 par le Conseil européen d'Helsinki. Les conclusions de ce Conseil indiquent que « la Turquie a vocation à rejoindre l'Union sur la base des mêmes critères que ceux qui s'appliquent aux autres pays candidats ». Depuis 1963, la Turquie et la Communauté sont liés par un accord d'association et, depuis sa création en 1995, la Turquie participe au partenariat euro-méditerranéen. Depuis l'an 2000, une stratégie de pré-adhésion a par ailleurs été mise en oeuvre, sans pour autant que des négociations d'adhésion aient été ouvertes.

Le rapport que la Commission européenne a adopté le 9 octobre dernier montre que la Turquie a progressé dans les trois grands domaines couverts par le partenariat d'adhésion :

- les critères politiques ;

- les critères économiques ;

- et les critères liés à l'acquis communautaire.

En ce qui concerne les critères politiques, la Commission note les progrès « remarquables » accomplis par la Turquie, en particulier lors des réformes votées par le Parlement en août dernier : la peine de mort a été abolie en temps de paix, l'état d'urgence a été supprimé dans deux des quatre provinces où il était appliqué, et la radiodiffusion et l'éducation en d'autres langues que le turc ont été autorisées. Ces réformes représentent indéniablement un progrès majeur. La Commission estime néanmoins que le pays ne remplit toujours pas les critères politiques de Copenhague, car ces réformes contiennent encore des limitations au plein exercice des libertés fondamentales et nécessiteront l'adoption de mesures de mise en oeuvre importantes. Par ailleurs, certaines questions, comme la lutte contre la torture ou le contrôle civil des affaires militaires, ne sont pas réglées. Enfin, la Commission appelle la Turquie à jouer un rôle majeur dans le règlement du problème chypriote.

En ce qui concerne les critères économiques, la Turquie a - là aussi - progressé mais fait face aux conséquences de la récession et des crises financières successives. La Commission estime que les réformes structurelles doivent être poursuivies, notamment afin de réduire l'énorme taux d'inflation (54 % en 2001), améliorer la discipline fiscale, et mettre le secteur bancaire aux normes internationales. La conjoncture reste par ailleurs très dégradée malgré l'important soutien des institutions internationales : la dette publique représente 85 % du PIB, les taux d'intérêts réels dépassent 30 % et le déficit budgétaire de l'État représente 16 % du PIB en 2001.

En ce qui concerne la reprise de l'acquis communautaire, il reste de grandes différences entre l'acquis et la législation turque, notamment dans les domaines liés au marché intérieur, à l'agriculture, à la justice et aux affaires intérieures, ou dans le secteur des télécommunications.

En conclusion, la Commission enregistre les avancées de la Turquie et recommande que l'Union accentue son soutien aux préparatifs de pré-adhésion ; elle ne propose toutefois pas de fixer une date pour le début des négociations. Or, ce point est une demande insistante des autorités turques et sera certainement un élément central de la campagne électorale pour les élections législatives qui auront lieu le 3 novembre prochain. D'ores et déjà, la presse turque, dont les réactions sont assez virulentes, s'appuie sur les déclarations américaines favorables à la candidature de la Turquie ; elle met également l'accent sur le fait que cette position est celle de la Commission, espérant que le Conseil en prendra une différente. Enfin, concernant Chypre, le ministre turc des affaires étrangères a déclaré que la division deviendra « permanente » et « définitive » si l'île est admise au sein de l'Union européenne avant un règlement politique.

M. Robert Badinter :

La candidature de la Turquie pose la question fondamentale des frontières extérieures de l'Europe. Où s'arrête l'Europe ? Si la Turquie entre dans l'Union, cette frontière sera celle avec la Syrie, l'Irak et l'Iran. Certes, cette adhésion n'est pas proche mais celle de la Pologne ne l'était pas non plus il y a dix ans. Notre concept de défense sera évidemment à réviser. Or, c'est une erreur historique de ne pas approfondir l'Union avant de l'élargir. Pour autant, les chefs d'État et de gouvernement l'ont décidé et ont engagé l'Union dans cette voie. Il n'est donc malheureusement plus temps de se demander si tout cela est raisonnable.

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M. Hubert Haenel :

Au terme de cet échange de vues et des communications des treize membres de la délégation chargés de suivre les pays candidats, je constate qu'il n'apparaît aucune opposition à la proposition que formule la Commission de conclure les négociations à la fin de 2002 avec les dix pays qu'elle considère comme prêts à adhérer dès le début de 2004.

J'observe également une convergence de l'ensemble des communications pour noter que les dix pays doivent poursuivre sans relâche leurs préparatifs, car il demeure encore de nombreux domaines dans lesquels la mise en oeuvre de l'acquis appellera des efforts et des réformes difficiles. C'est d'ailleurs pour juger de la continuité de ses efforts et de leurs résultats que la Commission a prévu de publier un rapport de suivi complet six mois avant la date d'adhésion.

Je vous propose donc de conclure cette réunion en adoptant le texte qui vous a été distribué. Ce texte souligne notre souhait que les dix pays concernés puissent conclure leurs négociations d'ici la fin de 2002, mais il marque aussi notre demande que le Parlement français dispose du rapport de suivi complet de la Commission lorsqu'il sera amené à se prononcer sur le projet de loi d'autorisation de ratification du traité d'élargissement.

La délégation a alors adopté à l'unanimité le texte suivant :

La délégation pour l'Union européenne du Sénat a procédé le 15 octobre à un échange de vues sur le « document de stratégie » et le rapport de la Commission européenne sur les progrès réalisés par chacun des treize pays candidats à l'adhésion.

A la suite de cet échange de vues, elle souhaite que le Conseil européen de Bruxelles, le 25 octobre prochain, décide que les négociations pourront être conclues à la fin de 2002 avec les dix pays qui remplissent les critères économiques et les critères relatifs à l'acquis.

Conscients que certains de ces dix pays ont encore des progrès importants à effectuer avant leur entrée dans l'Union, elle se félicite que la Commission ait prévu de présenter six mois avant la date d'adhésion, c'est-à-dire vraisemblablement en juillet 2003, un rapport de suivi complet pour chacun des pays en passe d'adhérer. Elle estime que le Parlement français devra être en mesure de prendre connaissance de ce rapport avant de se prononcer sur la ratification du traité d'élargissement.

Elle demande donc au Gouvernement de ne soumettre le projet de loi de ratification au Parlement qu'après la publication de ce rapport. L'Assemblée nationale et le Sénat devraient pouvoir en délibérer au début de la session qui s'ouvrira le 1er octobre 2003, en temps utile pour que le traité puisse entrer en vigueur le 1er janvier 2004.