2004, déclarée par l’Organisation des Nations Unies Année internationale de commémoration des luttes contre l’esclavage et de son abolition, marque aussi le bicentenaire de l’indépendance de Haïti, et celui de Victor Schoelcher (1804-1893). Un homme qui associa sa vie aux grandes transformations sociales et politiques de son siècle, s’impliquant notamment dans la lutte pour les valeurs républicaines.
Son engagement le plus connu est son combat pour l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, intervenue en 1848 à la faveur de la Révolution de février et de l’instauration d’un gouvernement républicain. Il voyagea et publia beaucoup, analysant notamment les sociétés coloniales des Caraïbes, le système esclavagiste, les phénomènes de résistance des esclaves.

Représentant du peuple (député) élu en Guadeloupe et en Martinique entre 1848 et 1851 au suffrage universel masculin, puis en Martinique en 1871, Victor Schoelcher devint sénateur inamovible en 1875. Il se consacrait alors à la construction, en France, d’un régime républicain tout en demeurant une référence dans l’élaboration de la politique d’expansion et de gestion coloniales du dernier quart du XIXe siècle.

Il n’en porta pas moins un regard très critique sur l’évolution des colonies où le Gouvernement provisoire de 1848 avait selon lui, en abolissant l’esclavage, remédié à un « crime de lèse-humanité ».
Dès 1848, le nom de Schoelcher, élu dans les colonies où l’esclavage venait d’être aboli sans qu’il y fût lui-même présent, symbolisait la liberté, donnant ainsi naissance à un mythe qui masqua une réalité historique particulièrement complexe. Le mythe schoelcherien prit une ampleur qui traversa le temps pour parvenir jusqu’au seuil du XXIe siècle.
Aujourd’hui, les témoignages sur son temps que laissa Schoelcher – sénateur de 1875 à la fin de sa vie en 1893 – nous introduisent dans les réalités encore mal connues d’un siècle de transformations sociales et politiques profondes, de conquête et de colonisation qui ont gardé une surprenante actualité.


« Evoquer Schoelcher, ce n’est pas invoquer un vain fantôme, c’est rappeler à sa vraie fonction un homme dont chaque mot est encore une balle explosive. (...) Si, malgré tout, de la grande déconfiture, surnage un fait positif, l’abolition de l’esclavage, c’est que dans un domaine limité, la Révolution buta sur les hommes qu’il fallait. (...) Schoelcher dépasse l’abolitionnisme et rejoint la lignée de l’homme révolutionnaire : celui qui se situe résolument dans le réel et oriente l’histoire vers sa fin ».
Aimé Césaire, introduction de Esclavage et colonisation, recueil de textes de Victor Schoelcher publié par Emile Tersen, Presses Universitaires de France, Paris, 1948.


« Victor Schoelcher, un des rares souffles d’air pur qui ait soufflé sur une histoire de meurtres, de pillage, d’exactions ».
Aimé Césaire, introduction à Esclavage et colonisation, recueil de textes de Victor Schoelcher, P.U.F., 1948.

Textes de Nelly SCHMIDT (Directrice de recherche au CNRS-Paris IV-Sorbonne)