CHAPITRE III
UN LIBÉRALISME SANS CONCESSION

Les réformes qui ont changé en dix ans le visage de la Nouvelle-Zélande ne se réduisent pas à celles qui viennent d'être exposées.

D'autres les ont accompagnées. Le droit de la propriété intellectuelle, celui de l'urbanisme, de l'environnement, de l'aménagement du territoire pour ne citer qu'eux ont été substantiellement révisés. Les juridictions ont été restructurées. Des concessionnaires privés gèrent les prisons. On a profondément remanié -nous l'avons vu- le mode de scrutin des élections nationales. Même les rythmes de la vie quotidienne n'ont pas échappé au mouvement : toutes les restrictions horaires à la liberté d'ouverture des commerces sont levées depuis 1989 35( * ) .

Mais, d'une part, toutes ces réformes ont un point commun : une fidélité sans concession au modèle libéral d'organisation sociale, source de leur inspiration et objectif de leur réalisation. Au pays du "long nuage blanc ", le principe de la régulation par le marché a emporté l'adhésion. Il a séduit indifféremment la droite et la gauche.

D'autre part, il est incontestable que ce sont les réformes économiques qui ont entraîné l'ensemble des changements. A l'heure où se construit l'Europe monétaire, il y a là une leçon à méditer.

La réputation de "laboratoire du libéralisme" acquise par la Nouvelle-Zélande n'est donc pas usurpée . Nulle autre nation développée n'a mis en oeuvre en un si bref laps de temps, une panoplie aussi étendue de mesures de libéralisation économique.

Apprécier les fruits de ces mesures présente, par voie de conséquence, un réel intérêt. Cet examen fait ressortir des résultats remarquables ; il révèle parallèlement des ombres liées en bonne part à la situation du pays. Certaines d'entre elles constitueront l'enjeu de la prochaine échéance électorale.

I. DES RÉSULTATS REMARQUABLES

A. LE REDRESSEMENT DE L'ÉCONOMIE

1. Croissance accrue et chômage réduit

Si le changement de cap économique a, selon toute évidence, arraché la Nouvelle-Zélande au tourbillon fatal dans lequel elle était aspirée, il ne l'a pas pour autant conduite sur un chemin facile. De 1987 à 1991, elle traverse cinq longues années de stagnation. Elle connaît même la récession (-1,2 %) en 1991, le chômage dépassant 10 %.

Les effets des réformes ne se perçoivent vraiment qu'à partir de cette date mais ils sont alors particulièrement démonstratifs. Les résultats du pays le classent depuis lors parmi les meilleurs de l'OCDE.

Même si elle marqué le pas en 1997 et si elle risque d'être ébranlée par la crise asiatique, la croissance annuelle moyenne du PIB, au cours des cinq dernières années, a été supérieure à 3,5 %.

Le chômage oscille autour de la barre des 6 %.
C'est le plus bas taux de chômage de l'OCDE après celui du Japon, des Etats-Unis et de l'Australie. Il est d'autant plus remarquable que la population active s'est accrue de 17 % depuis 1991.

L'inflation s'est toujours maintenue au-dessous de 4%. L'investissement industriel a progressé de 60 %. La cote de solvabilité de la Nouvelle-Zélande est désormais supérieure à celle de l'Australie (AA+). Le sommet de la croissance a été atteint au mois de juin 1994, avec un taux de 6,4 % sur douze mois.

2. Excédents budgétaires se substituant au déficit

Les déficits du budget "gouvernemental" appartiennent désormais à l'histoire ancienne. Depuis 1993, l'État dégage un surplus budgétaire qui, sur les quatre derniers exercices, a toujours été supérieur à 3 % du PIB.

La loi de responsabilité fiscale de 1994 (Fiscal Responsability Act) impose d'ailleurs le respect de ce seuil d'excédent tant que la dette publique représentera plus de 20 % du PIB 36( * ) .

Aujourd'hui, le service de cette dette ne mobilise plus que 7 % des recettes contre jusqu'à 15 % dans le passé. En outre, le gouvernement a complètement éliminé en 1997 la partie de sa dette libellée en devises. Il a ainsi réduit très fortement le risque que représenterait une nouvelle crise des changes.

3. L'élan retrouvé

Vingt-cinq ans après la perte de leur accès privilégié au marché britannique, les exportations néo-zélandaises sont à nouveau florissantes.

Elles ont connu une hausse de 30 % en volume depuis 1991. Quoiqu'elles soient encore axées pour moitié sur des produits de base, elles se sont beaucoup diversifiées dans leurs structures et dans leurs destinations. Le taux de croissance des exportations de produits transformés se maintient autour de 10 % ces dernières années ; les marchés asiatiques représentent aujourd'hui 40 % des exportations totales.

Le tourisme représente désormais la moitié des exportations de services, ce qui suscite d'ailleurs quelques inquiétudes sur place car, là encore, la clientèle asiatique (500.000 touristes par an) risque d'être affectée par la crise qui secoue la région.

La Nouvelle-Zélande n'attire d'ailleurs pas les asiatiques que dans ses hôtels et ses parcs naturels. Il y a 20.000 étudiants originaires des divers pays d'Asie dans ses universités 37( * ) , soit 20 % de la population étudiante dans une ville comme Auckland.

Cependant, la vitalité de l'économie ne se constate pas qu'au travers des indicateurs. Elle se perçoit aussi dans la transformation des esprits.

Le nombre des entreprises individuelles a explosé. Aujourd'hui, 85 % des entreprises emploient moins de 10 salariés. La mentalité de pionnier qui marque la culture nationale semble s'être réveillée. Selon un sondage, seulement 11 % des moins de 35 ans estiment normal que les chômeurs bénéficient d'une allocation.

Symbole de ce renouveau, ceux qui ont gagné -pour la première fois depuis sa création- "l'America Cup" lors de la dernière compétition investissent un milliard de francs dans l'aménagement du port d'Auckland pour accueillir la prochaine épreuve. Celle-ci se déroulera en l'an 2000, la même année que les Jeux Olympiques de Sydney.

B. LE RENOUVEAU DE L'AGRICULTURE ET DE L'ESPACE RURAL

1. La restructuration de la production

Durement secouée par la réforme -cela a été signalé précédemment- mais forte de ses grands atouts naturels, l'agriculture néo-zélandaise s'est modernisée et diversifiée. Elle est redevenue sans aucun soutien public le fer de lance de l'économie nationale sur le marché mondial. De l'avis de la quasi totalité des observateurs, elle sort régénérée de l'épreuve. A tel point que les agriculteurs eux-mêmes considèrent aujourd'hui que 1984 a constitué pour eux un choc salutaire 38( * ) .

La structure de la production agricole a évolué. On constate un net abandon des activités d'agriculture pastorale traditionnelle, à qui était destiné l'essentiel des soutiens.

Entre 1985 et 1995, la production ovine -premier bénéficiaire des aides- a diminué de près de 40 %, tandis que la production laitière et bovine progressait.

Parallèlement, l'éventail des activités d'élevage s'est élargi. Autruches, caprins et cervidés -dont la chair et les bois réduits en poudre bénéficient d'un marché porteur en Asie- côtoient maintenant, bien qu'en plus petit nombre, moutons et vaches dans les campagnes.

Ayant connu un fort développement, la production de fruits et légumes, longtemps limitée, représente désormais 14 % de la production totale en valeur et s'exporte remarquablement bien, notamment vers le Japon.

La viticulture est également en plein essor et les atouts vinicoles de la Nouvelle-Zélande commencent à y attirer les entreprises françaises. Veuve Cliquot et Deutz ont passé des accords avec Montana, la plus grande maison de négoce vinicole du pays. Notons d'ailleurs que Montana vend à l'étranger la plus grande part tant de ses productions que de ses achats de vin néo-zélandais.

Sur les terres où l'élevage a été abandonné, parce qu'il n'y était plus rentable en l'absence de subventions, poussent aujourd'hui des forêts. Cette sylviculture qui a sensiblement modifié les paysages ruraux, présente l'originalité d'être fondée sur une seule essence, le pin radiata, à la croissance rapide puisqu'il arrive à maturité en dix ans. Utilisé pour la construction, il s'exporte également en grosses quantités vers le Japon et la Corée du Sud qui manquent de bois. Dans les ports de commerce de Wellington ou d'Auckland, les amoncellements de grumes frappent d'ailleurs le regard.

L'exportation de ces nouveaux produits tout comme celle de ceux plus traditionnels (laine, produits laitiers, viande de boeuf et de mouton) reste une priorité. Sur ce plan, l'agriculture néo-zélandaise enregistre, au travers des Boards 39( * ) , des succès impressionnants dont le Dairy Board constitue une brillante illustration.

LE DAIRY BOARD

Créé dès 1871, c'est une coopérative de 14.000 fermiers. Avant la seconde guerre mondiale, c'était un organisme d'État. Désormais, elle fonctionne sans subventions mais détient par décision parlementaire le monopole de la transformation et de l'exportation des produits laitiers.

La production néo-zélandaise de lait ne représente que 1,5 % de la production mondiale mais 25 % de la commercialisation mondiale de produits laitiers (47 % pour l'Union européenne, 10 % pour l'Australie, 8 % pour les États-Unis). Cette production se monte à 7 millions de tonnes de lait, dont 90 % est exportée dans 120 pays. Elle se répartit entre :

beurre 250.000 T,

fromage 120.000 T,

poudre de lait 430.000 T.

Le Dairy Board compte :

6.500 salariés dont 1.500 néo-zélandais,

60 antennes commerciales à l'étranger.

La croissance de ses exportations est actuellement de 15 % l'an. Elle pourrait toutefois être remise en cause par la crise asiatique.

2. La diversification des régions rurales

Les années consécutives à la réforme se caractérisent aussi par une diversification croissante des sources de revenu des ménages agricoles. Ces derniers ont beaucoup élargi leur gamme d'activités. Certaines consistent à valoriser la production agricole (transformation des denrées brutes, services à l'agriculture, tourisme rural, ...) ; d'autres n'y sont pas liées (industrie de transformation légère, art souvent d'inspiration maorie et artisanat, ...). L'évolution la plus frappante concerne l'importance croissante des activités non traditionnelles au sein des communautés rurales.

Sept ans après la réforme, 60 % des personnes vivant en zone rurale exerçaient une activité non agricole. Dans de nombreux cas, les pertes d'emplois agricoles ont été compensées par une augmentation des effectifs dans les services à la collectivité, les services sociaux, les services financiers et aux entreprises, le commerce de gros, de détail, l'hôtellerie.

Un secteur en particulier constitue un puissant levier de diversification de l'économie rurale : le tourisme vert. Près de 10 % des agriculteurs exercent une activité de tourisme rural. Répondant à une demande croissante de redécouverte de la nature, le tourisme rural tend à jouer un rôle central dans la diversification des zones rurales.

Comme le faisait remarquer à la Délégation un Français installé en Nouvelle-Zélande : " Il y a une vie après la mort des subventions ; les agriculteurs néo-zélandais l'ont démontré ".

C. LA MUE DU SECTEUR PUBLIC

1. Des établissements "démonopolisés".

Au fil des ans, 24 entreprises publiques d'État ont été privatisées en totalité ou en partie 40( * ) . Seule la Poste demeure une société détenue à 100 % par l'État. Quelques unes intervenant dans des secteurs considérés comme stratégiques sont encore à majorité publique. La plupart sont désormais passés sous contrôle privé, même si parfois l'État y conserve encore une participation minoritaire.

A quelques exceptions près, il n'existe plus de monopoles nationaux. Ceux existant peuvent être soit publics, soit privés mais n'ont le plus souvent qu'une assise régionale ou locale et un champ d'action limité. Tel est le cas dans le domaine de l'énergie. Les fonctions de production, de transport et de distribution y sont séparées et les sociétés intervenant sur ces segments ont, la plupart du temps, un monopole territorial accordé dans le cadre d'un contrat de fourniture ou de concession souscrit avec l'État ou une autorité locale.

Ces transformations ont eu un effet saisissant sur la profitabilité des entreprises d'État. En 1995, le rapport présenté par le Gouvernement sur la situation financière de seize d'entre elles souligne, d'une part, que toutes sauf trois font des profits alors qu'elles étaient généralement déficitaires en 1987 et, d'autre part, que le bénéfice dégagé par les treize excédentaires représente quelque 8 % du chiffre d'affaires de l'ensemble.

Ces résultats traduisent un changement radical dans la gestion de ces entreprises. En dix ans, les effectifs de la New-Zealand Railways -la SNCF locale- sont passés de 22.000 à 4.500 salariés.

Ceux de la Poste -dont on a retranché les services bancaires- se sont contractés de 40 % et un bureau postal sur trois a fermé pendant la même période. Cependant, avec un timbre à 1,40 F, la poste néo-zélandaise affiche des bénéfices continus depuis sa transformation en société anonyme à capital d'État (en 1997, le bénéfice d'exploitation représente 10,5 % du chiffre d'affaires). En outre, 95 % des lettres ordinaires sont distribuées le lendemain de leur dépôt à l'intérieur de la même zone urbaine.

Pour les entreprises publiques locales, le mouvement semble moins ample. La quasi totalité a désormais un statut de société commerciale mais la privatisation apparaît moins prononcée. Ainsi, seuls 20 % du capital de Lyttelton -le port de Christchurch- sont côtés à la bourse de Wellington.

En revanche, la concession des services publics locaux au secteur privé est désormais, à en croire les témoignages recueillis sur place, le mode de gestion dominant. Toutefois, les graves défaillances du réseau d'alimentation électrique d'Auckland -la capitale économique du pays- ont suscité, sur place, des interrogations sur la fiabilité de ce régime concessionnaire.

La presse a en effet mis en cause la responsabilité de la société Mercury, à laquelle est déléguée la gestion de la distribution électrique à Auckland, dans la survenance des pannes qui ont affecté la cité au mois de février dernier. De fait, ces pannes causées par la rupture de gros câbles d'approvisionnement, ont plongé une grande partie de la ville dans le noir lors du séjour qu'y a fait la Délégation et ont ensuite perturbé la vie des affaires et celles des habitants pendant plus de trois semaines.

2. Une administration allégée

La suppression des services administratifs devenus inutiles du fait de la libéralisation, l'appel au marché pour certaines prestations (études par exemple) et l'émergence de structures de gestion rigoureuse ont produit des effets sensibles. En dix ans, de 1987 à 1997, les effectifs de la fonction publique ont baissé de 45 %.

Les résultats de ces politiques présentent parfois un caractère spectaculaire. L'administration du ministère des Transports qui comptait 5.000 membres en 1986 n'en employait plus que 50 en 1995. Une réduction de 100 à 1 ! Ses anciennes fonctions de régulation, d'allocation de fonds ou de gestion de projets ont toutes été confiées à divers organismes spécialisés, sous contrat avec le ministre des Transports.

Au total, la société néo-zélandaise d'aujourd'hui ne ressemble plus guère à celle d'il y a quinze ans. Longtemps à l'abri du monde extérieur, vivant dans l'ombre d'un Etat tutélaire, elle affronte désormais le grand vent de la concurrence.

Toutefois, ses succès -croissance, emploi, performances commerciales, dynamisme créatif- ne doivent pas dissimuler certaines ombres.

II. DES OMBRES À CARACTÈRE STRUCTUREL

A. LE POIDS DU CAPITAL ÉTRANGER

En Nouvelle-Zélande, les plus importantes des entreprises publiques privatisées sont détenues par des étrangers. Peter Harris, conseiller économique de la confédération des syndicats, résume la situation d'une formule lapidaire : "Nous avons vendu les banques aux Australiens, la compagnie d'assurance aux Britanniques, les chemins de fer et les télécommunications 41( * ) aux Américains, les forêts aux Japonais, les compagnies aériennes aux Australiens et aux Britanniques".

Par ailleurs, les capitaux internationaux, notamment asiatiques, s'investissent massivement dans l'immobilier et dans certains programmes de développement d'infrastructures (extensions portuaires ou aéroportuaires par exemple).

Cette forme de dépendance ne semble pas inquiéter les autorités nationales. Interrogée à ce sujet par la Délégation, Mme Shipley, Premier ministre, a rappelé que la Nouvelle-Zélande avait toujours eu besoin du capital étranger pour s'équiper et que "l'important pour le pays n'est pas tellement d'où vient l'argent mais bien que les infrastructures, les emplois, les activités qu'il permet de financer soient domiciliés sur son sol".

Il n'en demeure pas moins que l'épargne nationale est faible et les analystes économiques expliquent mal les raisons de cette faiblesse. Pour le gouverneur de la banque d'émission, elle semble découler d'une préférence pour l'investissement immobilier dont les rendements ne sont pas nécessairement les plus attractifs. Pour le FMI, la prise en charge par l'État d'un grand nombre de prestations (retraite, chômage, éducation) inciterait peu à épargner.

Quoiqu'il en soit, la solution préconisée par l'actuelle coalition gouvernementale "Parti National/New-Zealand First" afin de développer l'épargne des ménages, à savoir l'obligation de la retraite par capitalisation , a été rejetée sans appel par la population. Au référendum qui l'a proposée, le "non" l'a emporté avec 92,7 % des voix.

B. LE DÉFICIT DE LA BALANCE DES PAIEMENTS COURANTS

Même si elle s'est très sensiblement rétablie de 1984 à 1988, la balance des paiements courants n'a pas cessé d'être déficitaire depuis vingt ans. En 1997, son déséquilibre représentait 6,5 % du PIB.

Hier, le coût du remboursement de la dette étrangère, aujourd'hui le rapatriement des dividendes des propriétaires étrangers des anciennes entreprises publiques expliquent sans doute cette détérioration.

Dans le contexte d'une politique monétaire très stricte, cette situation fait peser de lourdes contraintes sur le pays. Les taux d'intérêts domestiques sont élevés et le cours du dollar néo-zélandais surévalué. Il convient en effet de conserver la confiance de l'épargne internationale

Dès lors, en raison du niveau élevé des taux d'intérêt, les jeunes ménages s'endettent lourdement pour se loger tandis que, du fait de l'avantage de change, les retraités préfèrent souvent vendre leur patrimoine pour aller rejoindre le soleil australien avec un pouvoir d'achat amélioré.

Cette situation constitue un handicap de compétitivité pour les exportateurs. Elle amène enfin les entreprises installées sur place à envisager des délocalisations en Chine ou en Asie du Sud-Est.

Si ces phénomènes devaient s'amplifier, la Nouvelle-Zélande pourrait y épuiser ses forces.

III. L'ENJEU DU SCRUTIN DE 1999

A. UN LARGE CONSENSUS SUR UNE SCÈNE POLITIQUE REMODELÉE

L'introduction de la proportionnelle dans le mode de scrutin des élections législatives a entraîné, en 1996, un éclatement de la bipolarisation partisane traditionnelle. Actuellement, cinq partis sont représentés au Parlement 42( * ) sans qu'aucun ne détienne la majorité à lui seul.

Occupant une position clef dans l'actuelle majorité, "New Zealand First" avait d'abord envisagé une alliance avec les travaillistes avant de choisir en définitive, après deux mois de tractations, de soutenir un gouvernement de coalition avec le parti national. En dépit du revers électoral essuyé par sa formation, M. Jim Bolger qui dirigeait le parti national a ainsi pu constituer, en décembre 1996, un gouvernement dont M. Winston Peters, leader du "New Zealand First", devenait Vice-Premier ministre et ministre de l'économie. Ce dernier, métis maori réputé pour son "populisme", est alors devenu l'arbitre inconstant de la majorité gouvernementale.

L'instabilité qui en a découlé, l'érosion rapide de la crédibilité de "New Zealand First" dans l'opinion 43( * ) et l'échec retentissant du référendum sur les fonds de pension voulu et imposé par M. Peters explique l'éviction de M. Bolger à la fin de l'an dernier, alors même qu'il se trouvait en voyage en Europe. Son remplacement par Mme Jenny Shipley donne une nouvelle "figure de proue" au parti national pour les prochaines législatives qui auront lieu l'an prochain. Il n'efface pas pour autant la relative fragilité électorale de la coalition gouvernementale.

Cependant, un éventuel retour aux affaires des travaillistes n'apparaît pas de nature à remettre en cause les acquis de la libéralisation. Celle-ci semble en effet irréversible.

Les dirigeants travaillistes rencontrés par la Délégation à Wellington n'ont pas laissé planer d'équivoque sur ce sujet. "Si nous remportons les élections, nous ne reviendrons pas à une économie plus contrôlée ; nous poursuivrons la réalisation d'un marché libre mais à un rythme moins rapide que celui suivi antérieurement".

L'essentiel des différences paraît en définitive davantage porter sur la cadence de développement des politiques économiques déjà engagées que sur leurs objectifs ou leur contenu. Par exemple, pour les travaillistes, la déréglementation des grands boards et des professions libérales peut attendre.

Le degré d'égalité de la société constitue l'autre ligne de partage. Ainsi, la santé et l'éducation se révèlent devoir occuper une place centrale dans les débats électoraux de demain.

B. ... MAIS DES POLITIQUES DE SANTÉ ET D'ÉDUCATION EN DÉBAT

Peuple profondément égalitaire, les Néo-zélandais ne voient pas sans s'émouvoir se creuser certaines inégalités. A 6 %, leur taux de chômage compte parmi les plus faibles de l'OCDE mais il atteint 20 % quand on considère la seule population maorie. Il ressort en outre des études sur le revenu disponible réel des ménages que si celui-ci s'est amélioré entre 1984 et 1994 pour les catégories sociales les plus aisées, il a diminué pour les moins favorisées.

Dans ce contexte, le transfert d'une part de plus en plus grande du coût des études universitaires sur les étudiants est mal ressentie car ces derniers doivent fréquemment emprunter pour les financer. Or, le remboursement de leurs dettes après l'obtention de leurs diplômes obère leur capacité d'emprunt au moment de leur entrée dans la vie active. Il leur interdit par exemple -ce qui apparaît une forte aspiration chez les Néo-zélandais- l'achat à crédit d'une résidence principale.

Parallèlement, la nouvelle organisation scolaire tend à favoriser les écoles des quartiers où vivent les classes sociales les mieux éduquées au détriment des autres. Les tâches de gestion étant confiées aux conseils de parents d'élèves, les compétences de ces derniers deviennent un facteur discriminant. Beaucoup font observer, à juste titre, qu'un expert comptable déploie a priori plus d'efficacité dans la préparation du budget d'un établissement qu'un conducteur de train. Ainsi, dans les quartiers populaires, les écoles de proximité souffrent d'un handicap qualitatif.

C'est pourquoi, la population apparaît aujourd'hui très peu réceptive aux idées avancées par certains de donner à chaque contribuable, sous forme de bons, des crédits budgétaires qu'ils seraient libres d'attribuer aux écoles de leur choix. Elle semblerait davantage pencher, à en croire les témoignages recueillis sur place, vers une inflexion visant à égaliser les libertés de choix géographique.

De même, les limitations apportées à la couverture sociale du risque "maladie" 44( * ) suscitent des contestations. Les frais de médicaments et de médecine ambulatoire relèvent en effet de plus en plus largement de la responsabilité individuelle. Or, les assurances privées étant chères, une part non négligeable de la population n'en souscrit pas.

Cette situation, combinée à la logique entrepreneuriale du système hospitalier, aboutit à des conséquences peu satisfaisantes au plan éthique. Ainsi, à en croire plusieurs témoignages convergents, une personne âgée dont l'état de santé dégradée nécessiterait une lourde intervention chirurgicale (cardiaque par exemple) mais qui ne dispose pas d'une bonne assurance personnelle n'est pas accueillie immédiatement dans un hôpital. Elle est inscrite sur une liste d'attente et opérée en fonction de ses disponibilités, les personnes plus jeunes dans la même situation ou celles de même âge mais bénéficiant d'une assurance étant traitées avant elle.

Signe de la mauvaise perception par l'opinion de certains effets de la politique de libéralisation, le gouvernement de Mme Shippley a annoncé, en début d'année une hausse des dépenses de santé et d'éducation dans le budget 1998/1999.

Une pause dans le libéralisme s'annonce-t-elle au pays des "All blacks" 45( * ) ? Il est trop tôt pour l'affirmer. La réponse sera connue l'an prochain à l'issue des élections législatives.

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