Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 8 - 1er juillet 1996

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COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

MM. Jean-Pierre CANTEGRIT Rat UC Français établis hors de

France Président du groupe France-Afrique centrale

Germain AUTHIE Soc Ariège

Louis BOYER RI Loiret

André EGU UC Ille-et-Vilaine

Jacques LEGENDRE RPR Nord

Robert-Paul VIGOUROUX RDSE Bouches-du-Rhône

La délégation était accompagnée de Mlle Dominique-Alice ROBERT, conseiller des services du Sénat et secrétaire exécutive du groupe France-Afrique centrale

INTRODUCTION

Angola, Zaïre : ces deux vastes pays de l'Afrique subsaharienne sortent progressivement de la très grave crise - la guerre civile pour l'Angola - qui les a quasiment ruinés.

Il est raisonnable d'être optimiste sur leur avenir au moins à moyen terme.

Ces pays attendent beaucoup de la France pour sortir d'une relation soit trop exclusive soit trop conflictuelle avec leur ancienne métropole coloniale, et tempérer l'impétuosité économique de l'Afrique du Sud.

C'est la raison du déplacement effectué, au mois d'avril 1996, par une délégation du groupe interparlementaire France-Afrique centrale.

L'accueil reçu y a été excellent, marquant l'importance que ces nations émergentes portent à notre pays.

Cependant, ce facteur de satisfaction a été atténué par la constatation de l'état d'extrême dénuement des populations alors que les facteurs de développement, et même de développement rapide, existent.

La délégation souhaite que son témoignage contribue au redressement de ces deux pays.

Son travail a été grandement facilité par nos ambassadeurs MM. François Gendreau à Luanda, et Michel Rougagnou à Kinshasa, dont les grandes qualités d'organisation et de disponibilités, comme leur excellente maîtrise des enjeux en cause ont beaucoup contribué au bon déroulement de la mission.

Qu'ils en soient ainsi que leurs collaborateurs vivement remerciés.

En Angola le séjour de la délégation s'est organisé selon le calendrier suivant :

Mercredi 10 avril 1996

6 h 00 Arrivée à Luanda. Point de presse à l'aéroport

9 h 00 Réunion d'information à l'Ambassade de France

10 h 30 Entretien avec le groupe Parlementaire du Mouvement Populaire pour la Libération de l'Angola (MPLA, M. Joao Lourenço)

11 h 30 Entretien avec M. Joao Miranda, Vice-Ministre des Relations extérieures

12 h 30 - 14 h 30 Déjeuner de travail à l'invitation des hommes

d'affaires français

17 h 00 Entretien avec M. Mutéka ministre, Chef de la délégation gouvernementale à la Commission conjointe

18 h 00 Entretien avec M. Isaias Samakuva, Ambassadeur, Chef de la délégation de l'Unita à la Commission conjointe

19 h 00 Entretien avec M. Blondin Beye, Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU en Angola

Jeudi 11 avril 1996

8 h 00 Départ pour Lubango, chef-lieu de la province de Huila

11 h 00 Arrivée à Lubango

11 h 30-12 h 30 Visite du dispensaire d'Action internationale contre la faim (AICF)

13 h 00 Visite de l'Alliance Française

13 h 30 Déjeuner offert par le Gouverneur

15 h 30 Départ pour Luanda

17 h 30 Arrivée à Luanda

19 h 30 Cocktail à la Résidence de France

Vendredi 12 avril

9 h 00 Ambassade de France - exposé de l'Attaché de défense sur la participation militaire française au processus de paix

11 h 00 Entretien avec M. Albino Malungo, ministre de l'Assistance et de la Réinsertion sociale

12 h 00 Entretiens avec les représentants des groupes Parlementaires :

Parti de Rénovation sociale (PRS) - M. Muachicungo

Front National pour la Libération de l'Angola (FNLA) - M. Benjamin da Silva

Parti Libéral Démocrate (PLD) - Mme Victoria Analia Pereira

16 h 30 Entretien avec M. França Van Dunem, Président de l'Assemblée nationale, Président de la République par intérim

21 h 00 Dîner à l'invitation du Chef de la Mission de Coopération et d'Action Culturelle

Samedi 13 avril

9 h 30 Rencontre avec la communauté française à la Maison de l'Association des Français d'Angola

20 h 30 Dîner à la Résidence de France

Dimanche 14 avril

8 h 30 Départ pour Kinshasa

I/ l'Angola : une paix fragile

Depuis la signature le 20 novembre 1994 du Protocole de paix de Lusaka, les opérations militaires ont cessé en Angola 1 ( * ) .

Peut-on pour autant parler d'état de paix ?

La population, successivement victime d'une longue lutte contre la puissance coloniale, puis de vingt ans de guerre civile, y aspire légitimement ; mais les antagonismes politiques restent d'une exceptionnelle vivacité, et les multiples ressources économiques de l'Angola constituent un enjeu ambigu : facteurs d'un possible renouveau, mais aussi sources de pérennité du conflit.

1) Des convulsions politiques d'une exceptionnelle gravité

Plus ancien pays colonisé d'Afrique - l'implantation portugaise remonte au XVIe siècle -, l'Angola a été victime de l'immobilisme du régime de Salazar, puis d'une indépendance arrachée lors d'un point culminant de l'affrontement entre les deux blocs.

A) Une décolonisation tardive et brutale

Les difficultés économiques du Portugal poussèrent au développement, en Angola, d'une colonie de peuplement, sous l'impulsion directe d'Antonio de Salazar nommé ministre des finances en 1926.

De 30 000 en 1930, le nombre des portugais installé dans ce pays passa à 200 000 en 1960 et à 300 000 à la fin de la période coloniale.

Alors que les colonies françaises anglaises et italiennes accédaient progressivement à l'indépendance en Afrique, l'Angola voyait se renforcer la main-mise de la métropole sur son destin.

Le premier mouvement de lutte pour l'indépendance fut fondé dans la clandestinité, en 1956. Le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA), d'inspiration communiste, comptait dans ses rangs Agostinho Neto qui sera plus tard le premier chef de l'État angolais indépendant.

Puis vint en 1962 le Front National de Libération de l'Angola (FNLA) sous l'impulsion de Roberto Holden, installé au Zaïre ; l'Occident soutint ce mouvement lorsqu'il fonda, en 1964, un Gouvernement en exil.

En 1964 Jonas Savimbi, vice-président de ce Gouvernement, fit dissidence pour fonder l'UNITA (Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola) avec l'appui de la Chine. Alors que le FNLA s'appuyait à l'origine sur les populations bakongo du nord du pays, l'UNITA, à l'image de son fondateur traduisait plutôt les aspirations des ovimbundus installés dans les zones rurales de l'est.

L'interminable et indécise guerre coloniale 1 ( * ) entraîna, avec la chute du régime autoritaire de Lisbonne, l'indépendance de l'Angola proclamée le 11 novembre 1975.

Les trois mouvements de libération qui avaient conjointement signé avec le Portugal les accords d'Alvor, établissant notamment le calendrier électoral d'après l'indépendance entrèrent presque immédiatement en conflit. Près de 300 000 portugais, soit la majeure partie des cadres du pays, le quittèrent alors précipitamment.

B) Vingt années d'une guerre civile attisée de l'extérieur

La situation charnière de l'Angola, ses grandes richesses naturelles - pétrole et diamants n'ont jamais cessé d'être exploités tout au long du conflit -, et la phase d'expansionnisme du bloc soviétique durant laquelle survint son indépendance, se conjuguèrent pour dramatiser la guerre civile, avec l'implication sur son sol de plusieurs acteurs extérieurs.

La tonalité radicale prise rapidement par le pouvoir portugais après la « Révolution des oeillets », au mois d'avril 1974, facilita la prise du pouvoir dans les colonies désormais promises à l'indépendance (Angola, Cap-Vert, Mozambique), par les mouvements de lutte marxiste-léninistes. Ainsi, le MPLA s'empara-t-il du pouvoir à Luanda.

En réplique à l'aide apportée au MPLA par l'Union soviétique, l'Afrique du Sud soutint l'UNITA puis l'appuya militairement, dès la fin de l'année 1975.

Cuba décida alors de l'opération « Carlotta » : de 10 000 hommes au début de 1980 son contingent fut progressivement porté à 50 000 hommes.

Encore s'agissait-il là de soutiens déclarés dans un conflit réputé pour ses implications multiples, réelles ou supposées 2 ( * ) .

L'absence de victoire décisive de l'un ou l'autre des belligérants et l'évolution de la situation internationale vers une relative détente permit la conclusion des accords de New York au mois de décembre 1988 entre l'Angola. Cuba et l'Afrique du Sud. Ces accords prévoyaient notamment le retrait simultané de toutes les troupes étrangères.

Le Conseil de Sécurité de l'ONU constitua alors l'UNAVEM (United Nations Angola Verification Mission) pour surveiller leur application.

Cette trêve permit la signature des accords de Bicesse le 31 mai 1991, entre José Eduardo Dos Santos (qui avait succédé à la tête de l'État à Agostinho Neto, décédé en 1979) et Jonas Savimbi. Ces accords ouvrirent la voie aux scrutins législatif et présidentiel des 29 et 30 septembre 1992.

Même le MPLA, qui en fut le principal bénéficiaire 1 ( * ) , convient aujourd'hui que le caractère précipité de cette consultation entachait son équité. Ces résultats, contestés par l'UNITA conduisirent alors à une violente reprise de la guerre civile.

C) Le Protocole de Lusaka : un terme au conflit ?

La communauté internationale, impliquée par la présence de l'UNAVEM ne pouvait rester indifférente à la férocité des affrontements, qui opposaient cette fois les seuls angolais, et dépassaient en intensité tous les combats antérieurs.

Tout en imposant un embargo sur les armes à destination de l'UNITA, et en validant les résultats des deux scrutins de 1992 (qui, faute de mieux, fondent la légitimité du pouvoir en place), les Nations-Unies exercèrent une forte pression sur les deux parties pour les contraindre à négocier. Au terme d'un an de discussions, menées en Zambie alors que les combats se poursuivaient avec acharnement en Angola, ces efforts aboutirent à la signature, le 20 novembre 1994 du Protocole de Lusaka.

a/ contenu du Protocole

La modestie du terme de « protocole » souligne les difficultés rencontrées pour parvenir à sa mise au point. Signé par le ministre des relations extérieures angolais et le secrétaire général de l'UNITA, en présence du Président Dos Santos mais sans Jonas Savimbi - qui a refusé jusqu'à la récente entrevue de Libreville de sortir de son fief de Huambo, au centre de l'Angola par crainte pour sa sécurité 2 ( * ) -, l'accord contient deux volets, militaire et politique.

* Sur le plan militaire :

Après le rétablissement du cessez-le-feu qui est resté effectif, les troupes Gouvernementales ont regagné leurs casernes notamment la police d'intervention rapide particulièrement redoutée de l'UNITA. Quant aux combattants de ce mouvement, ils ont pour un tiers d'entre eux - environ 20 000 hommes- rejoint les sites de cantonnement ; il y sont désarmés en attendant soit leur démobilisation soit leur entrée dans l'armée régulière.

Ces opérations amorcées au mois de novembre 1995, étaient en cours lors du déplacement de la délégation sénatoriale. Leur déroulement plus ou moins satisfaisant a fait l'objet de nombreuses récriminations, de part et d'autre, durant les entretiens.

Une fois achevée, cette première phase doit conduire à la constitution d'une armée angolaise unifiée de 90 000 hommes, intégrant les combattants des deux camps.

D'après les éléments d'appréciation dont a pu disposer la délégation, cette étape décisive sera périlleuse à mener à bien, d'abord parce que le délabrement extrême du pays (communications inexistantes, déplacement des populations territoires minés...) offre peu d'occasions de retour fructueux à la vie civile, ensuite parce que la forte hostilité réciproque, née de vingt années de combat, rendra difficile la fusion des combattants dans une armée nationale.

* sur le plan politique :

L'essentiel tient à la future formation d'un Gouvernement de réconciliation nationale qui permettrait de différer les échéances électorales - législatives et présidentielles -jusqu'au complet désarmement des combattants et jusqu'au rétablissement des éléments minimaux de la vie civile.

Lors de la rencontre de Libreville, le 6 mars 1996 entre MM. Dos Santos et Savimbi cette période transitoire aurait été évoquée pour durer de un à trois ans. Une plus large ouverture du Gouvernement de réconciliation - limité initialement au MPLA et à l'UNITA - a également été envisagée.

Restent à définir les modalités de l'intégration de l'UNITA et surtout de son chef dans ce Gouvernement. Une des deux vices-présidences de la République à créer lui a été proposée sans rencontrer jusqu'ici, son accord.

C'est là l'élément crucial du débat en cours.

b/ les garants de son application

Les Nations-Unies se sont fortement impliquées dans l'obtention du Protocole et sont chargées de surveiller son application dans tous ses aspects. Elles sont appuyées dans cette mission par un groupe de trois puissances (dit : "Troïka") : Russie, Portugal et États-Unis.

Pour mener à bien cette tâche, le Conseil de sécurité a créé le 8 février 1995 par la résolution n° 976 l'UNAVEM III dont le mandat a été prorogé d'août 1995 à février 1996 puis par la résolution n° 1045 à juin 1996.

Cette mission compte environ 7000 hommes dont 6700 soldats et 300 observateurs militaires. Son coût humain et financier très élevé a conduit l'ONU à limiter sa présence au plus tard au mois de février 1997.

La France participe à cette opération des Nations Unies par la présence de neuf observateurs militaires et de douze experts en déminage.

2) De multiples potentialités économiques

Décrit comme le Brésil de l'Afrique, dans les années 70, du fait de ses ressources multiples, l'Angola est, au terme d'une trentaine d'années de guerre coloniale, puis de guerre civile, un pays exsangue.

Alors qu'une terre fertile et un climat propice aux cultures en avait fait à l'ére portugaise, le deuxième producteur mondial de café et de sisal, le pays ne nourrit aujourd'hui sa population que grâce à l'aide internationale.

Les populations déplacées ne pourront regagner leurs terres qu'au terme de longues et coûteuses opérations de déminage.

Cependant, des atouts économiques existent. Tout d'abord, la production pétrolière qui, avec 720 000 barils/jour en 1996, place l'Angola en second rang des producteurs subsahariens, après le Nigéria.

C'est pourquoi l'investissement français dans le domaine productif en Angola s'articule principalement autour du secteur du pétrole de par la présence d'ELF et TOTAL qui sont à l'origine de l'implantation dans ce pays de plusieurs entreprises : forage (FORAMER, GEOSERVICES, SCHLUMBERGER), maintenance et services divers (SHRM/SIA, SODEXHO, DLH. HELI-UNION), contraction et installation de plateformes (SIBOS, ETPM Mc DERMOTT). Notre présence se manifeste également dans le domaine des boissons (brasserie CUCA/BGI), dans le secteur du bâtiment (BOUYGUES, BTA/SAFRIC, CLEAN SERVICES, SAIPA, PAMAS, BOCCARS, SETRA, SETRAM, F.I.S.), des allumettes (IFA/CIS) de la banque (PARIBAS) des voyages (W.T.A.), du transport et de la logistique (AIR FRANCE. DELMAS, GETMA, FERRON DE CLEBSATEL), mais également dans le domaine commercial (ICANGO, SODIANG, AFRITADE).

C'est au total plus de 30 sociétés qui assurent, sous une forme ou sous une autre, la présence française en Angola, qui placent notre pays au second rang des fournisseurs étrangers après l'Afrique du Sud.

Cette performance est cependant menacée par l'interruption des financements consentis par la Caisse Française de Développement (C.F.D.) du fait de l'accumulation des impayés.

Aussi notre conseiller commercial à Luanda estime-t-il que : « les entreprises françaises qui souhaitent s'implanter en Angola ressentent vivement cette absence de financement, alors que nos principaux concurrents (Portugal, Espagne, Brésil, Afrique du Sud) disposent de lignes de crédit qui leur permettent de nous prendre des parts de marché, hors secteur pétrolier, sans trop de difficulté. Il est donc illusoire de penser que les entreprises françaises pourront remporter des contrats en Angola sans financements d'accompagnement multilatéraux, et, il est paradoxal de constater que la France, qui s'est engagée très tôt et massivement aux côtés de l'Angola après son indépendance, se trouve aujourd'hui pénalisée du fait des créances impayées qu'elle détient sur ce pays, alors que des pays comme les États-Unis et l'Afrique du Sud qui n'ont établi des relations diplomatique avec l'Angola que depuis le début de cette décennie, se trouvent en situation favorable du fait de l'absence d'arriérés de paiement de l'Angola à leur égard ».

COMPTE RENDU DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS ANGOLAISES1 ( * )

Mercredi 10 avril 1996

- Entretien avec M. Joao Miranda, Vice-Ministre des Relations Extérieures

M. Miranda a estimé que son pays ne bénéficiait pas d'une paix effective, mais que l'état de guerre avait cessé. Cette situation se traduit, certes, par l'arrêt des décès de civils ou de militaires imputables au conflit, mais, pour autant, la libre circulation des personnes n'est toujours pas assurée.

Les puissances qui ont parrainé le Protocole de Lusaka, tout comme les pays africains environnants l'Angola ont le devoir de faire pression sur l'UNITA pour que ce mouvement respecte bien ses engagements.

- Entretien avec M. Faustino Muteka, chef de la délégation Gouvernementale à la Commission conjointe

M. Muteka, traçant un premier bilan de l'application du Protocole de Lusaka, a jugé que l'année 1995 avait été très difficile. Le cantonnement des hommes de l'UNITA ne s'est effectué que sous une forte pression internationale, et a porté sur environ 15 000 combattants, mais a été interrompu depuis le mois de février 1996.

Lors de sa visite aux États-Unis, à la fin de l'année 1995, le Président Dos Santos avait déjà attiré l'attention du Gouvernement américain, membre du groupe des trois observateurs internationaux, sur l'inobservation des termes du Protocole par l'UNITA.

Si ce mouvement persistait dans sa résistance, ce serait l'ensemble du processus de paix qui serait remis en cause ; or, le sentiment du Gouvernement angolais est que la partie adverse ne semble pas être vraiment engagée par sa signature. Il y a là une convergence d'éléments inquiétants pour l'avenir, d'autant que c'est le 8 mai 1996 que s'achève le délai fixé par le Conseil de sécurité de l'ONU aux parties au conflit pour le règlement du volet strictement militaire des accords.

Il faut cependant relever que la récente signature, à Libreville, entre le Président Dos Santos et Jonas Savimbi d'un accord pour régler cette affaire, au plus tard au mois de juillet, constitue un élément très positif.

- Entretien avec M. Isaias Samakuva, chef de la délégation de l'UNITA à la Commission conjointe.

Revenant sur le processus du cantonnement, M. Samakuva l'a décrit comme lent, mais sur : deux nouveaux sites devraient d'ailleurs bientôt ouvrir. Cependant, les conditions de vie difficiles qui règnent dans certains sites existants conduisent à des désertions.

Evoquant les remarques avancées, tant par le Gouvernement que par l'UNAVEM, sur les faibles quantités d'armes restituées par l'UNITA, M. Samakuva a rappelé que ces restitutions étaient conformes à la liste des matériels établie par son parti lors des négociations de Lusaka ; d'ailleurs, la défaite militaire de l'UNITA a démontré la faiblesse de son équipement militaire. Il a, par ailleurs, formellement démenti l'acquisition récente de nouvelles armes

Sur le plan politique, il a estimé que l'offre d'une vice-présidence à Jonas Savimbi, loin de permettre son intégration dans la vie publique, visait au contraire à le marginaliser, sinon à le neutraliser.

- Entretien avec M. Alioune Blondin Beye, représentant spécial du Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies en Angola

M. Blondin Beye a rappelé que la spécificité de la situation actuelle de l'Angola tenait largement à son passé : cinq siècles de colonisation, suivies de quinze années de lutte de libération, puis de vingt années de guerre civile. De plus, ce sont les deux dernières années de conflit, de 1992 à 1994, qui ont été les plus dures.

Il a d'ailleurs fallu un an de négociations pour parvenir à la signature du Protocole de paix à Lusaka, le 20 novembre 1994.

La communauté internationale considère que, globalement, les irrégularités observées lors des élections de 1992 ne sont pas de nature à en altérer les résultats. Cette communauté a donc été conduite à exiger la reconnaissance de ces élections par l'UNITA ainsi que des concessions militaires. Le Gouvernement angolais a, lui, été contraint à des concessions politiques.

L'application du protocole de paix est articulée en trois séquences : d'abord, de novembre 1994 à décembre 1995, la sortie de la guerre ; puis le casernement des troupes de l'UNITA couplé à leur désarmement, qui est en cours ; enfin, la participation de l'UNITA à la gestion publique, qui doit sceller la réconciliation nationale.

Malheureusement, le règlement du dossier angolais est entravé par la méfiance qui persiste entre les deux camps ; ainsi, l'annonce faite par Jonas Savimbi, à l'occasion du trentième anniversaire de la fondation de l'UNITA, de son refus de la vice-présidence qui lui a été proposée, atteste de cette méfiance.

Cependant, la situation sur le terrain offre des gages d'espoir avec la disparition des combats. Les incidents à déplorer depuis de début de l'année 1996 qui ont fait trois victimes (deux soldats de l'UNAVEM et un membre d'une O.N.G.) relèvent d'actes de banditisme et non de faits de guerre. L'ONU n'a d'ailleurs pas ménagé ses efforts en déployant, conformément à ses engagements plus de 7 000 hommes en Angola. Les opérations de casernement ont permis de regrouper près de 20 000 anciens combattants de l'UNITA, ce qui est satisfaisant. Certains départs de ces combattants ont été improprement désignés comme des désertions, alors qu'il s'agit plutôt de démobilisations anticipées. En revanche, il est incontestable que les armes restituées ne sont pas celles qui ont alimenté vingt ans de guerre civile.

Une étape difficile reste à franchir : celle de la démobilisation. Sachant que le Gouvernement dispose actuellement de 140 000 hommes et l'UNITA de 60 000 pour une armée dont le format final sera de 90 000, il faudra rendre à la vie civile 110 000 hommes en les encadrant.

Les cas de la Somalie et du Mozambique, pour prendre deux contre-exemples, montrent la difficulté de l'exercice.

Il reste également à définir les modalités de la sélection des soldats de l'UNITA qui seront intégrés dans l'armée nationale. L'ensemble de ces opérations requiert, pour leur réussite, de gros moyens budgétaires, et le maintien de la paix civile.

Dans l'immédiat, il est indéniable que l'effort principal à accomplir incombe à l'UNITA ; c'est peut-être pourquoi son chef est méfiant envers le poste de vice-président qui lui a été offert, et que cette méfiance s'est accrue avec l'évocation de la création d'une deuxième vice-présidence. En réalité, il s'agit là de la transposition de l'exemple sud-africain, qui comporte aussi deux vice-présidentes. Mais cette offre semble prématurée, car l'urgence du moment est la réussite du casernement, puis de la démobilisation.

Le statut de Jonas Savimbi au sein des institutions devra plutôt être négocié lors de la phase ultime de réconciliation nationale. C'est d'ailleurs pourquoi le Protocole de Lusaka est muet sur ce point.

En conclusion, M. Blondin Beye a décrit ses efforts pour associer les pays voisins de l'Angola au processus de paix, et a fermement rappelé que la communauté internationale n'appuiera que la seule évolution pacifique du pays.

17 Vendredi 12 avril 1996

- Entretien avec M. Albino Malungo, ministre de l'Assistance et de la Réinsertion sociales

M Malungo a tracé le bilan humanitaire de la guerre civile, qui est particulièrement catastrophique : populations déplacées, enfants orphelins de père et de mère, prostitution de très jeunes filles dans les centres urbains, délabrement de l'état sanitaire général de la population, avec notamment la recrudescence de la maladie du sommeil, et l'émergence du sida.

Les innombrables mines posées dans de vastes zones tout au long du conflit, empêchent le retour des paysans et la reprise des activités agricoles. On estime qu'à l'heure actuelle, près de 60 % de la population angolaise vit dans un état de pauvreté absolue ; la famine n'a pu être enrayée que par un appui massif du Programme Alimentaire Mondial (PAM), qui a déployé en Angola sa plus grande opération, en terme quantitatif, depuis sa création.

Le ministre a fait part du bilan très positif de la visite que le Secrétaire d'État français à l'action humanitaire d'urgence, M. Xavier Emmanuelli avait effectué en Angola au mois de janvier 1996.

Cependant d'immenses problèmes restent à régler pour obtenir un retour progressif à la paix civile.

- Entretien avec M. Muachicungo, président du groupe Parlement du Parti de la Rénovation Sociale (PRS)

Le PRS a six députés à l'Assemblée nationale : il y préside la commission des droits de l'homme, et dispose, au Bureau, d'un vice-président et d'un secrétaire.

M. Muachicungo a appelé de ses voeux l'organisation de nouvelles élections, qui seules permettront au pays de disposer d'un cadre politique clair et incontestable. Il s'est dit, cependant, conscient que l'état précaire de l'Angola ne permettrait sans doute pas leur organisation à l'échéance normale, c'est-à-dire d'ici à la fin de 1996.

- Entretien avec M. Benjamin Da Silva, Président du groupe du Front national pour la Libération de l'Angola (FNLA)

Ce parti est représenté à l'Assemblée nationale par cinq députés, et dispose d'une vice-présidence.

M. Da Silva a estimé, d'emblée, qu'aucune des conditions matérielles et sociales nécessaires aux futures élections n'était réunie : il a reconnu, par ailleurs, que les députés actuellement en fonction n'étaient guère représentatifs. Pour sortir de cette impasse, le mieux serait de réunir des « États généraux », qui feraient le point de la situation politique, et jouiraient d'une légitimité propre à conduire le pays aux futures échéances électorales.

Il a déploré l'amalgame existant, de facto, entre État, Parti et Gouvernement, et a vivement contesté le projet prêté au Gouvernement en place de se maintenir pour quatre ans encore.

Enfin il a critiqué la création annoncée de deux vice-présidences de la République qui nécessiterait une révision constitutionnelle alors que son utilité reste à démontrer.

- Entretien avec Mme Victoria Analia Pereira, Présidente du groupe Parlementaire du Parti Libéral Démocrate (PLD)

Mme Pereira a déploré que, du fait du mode de scrutin utilisé en 1992, le PLD n'ait obtenu que trois députés, alors qu'il était arrivé en quatrième position. De surcroît, dans huit provinces, c'est même en troisième position que ce parti se trouvait témoignant de son implantation sur tout le territoire, à la différence d'autres formations.

Certes, le PLD a été créé en 1983, soit plus tardivement que les trois grands partis, FLNA, UNITA et MPLA, fondés dès le début des années 60 ; il ne jouit donc pas de la même légitimité historique Les autres formations représentées au Parlement sont apparues après la signature des accords de Bicesse en 1991.

En conclusion, Mme Pereira a souhaité une clarification du futur mode de scrutin. Elle a également souligné que le Parlement actuel comptait vingt femmes dans ses rangs, sur un effectif théorique de 220 membres.

- Entretien avec M. França Van Dunem, Président de l'Assemblée nationale, Président de la République par intérim

M. Van Dunem a estimé que le chiffre élevé de douze partis représentés à l'Assemblée nationale était la conséquence conjuguée du scrutin proportionnel et de la jeunesse du système représentatif en Angola. Sur un effectif de 220 membres, le MPLA dispose de 129 sièges et l'UNITA, de 70, dont 5 sont effectivement occupés.

Mais contrairement aux apparences c'est au MPLA que le Gouvernement a le plus de difficultés à faire accepter ses projets, non en séance plénière, mais au sein des réunions du groupe Parlementaire et du parti.

Puis. M. Van Dunem a énoncé les conditions préalables à l'organisation des élections à venir : nouveau recensement électoral, rétablissement des communications - ce qui suppose un net progrès dans les opérations de déminage - et achèvement de la paix civile ; l'objectif est d'obtenir une meilleure participation qu'en 1992.

Aucune date pour ces élections n'a actuellement été avancée. L'article 95 de la Constitution dispose que le mandat de l'Assemblée nationale en place expire lors de la convocation des nouveaux députés ; la prorogation du mandat des députés en place est donc légale tant que cette dernière condition n'est pas réunie.

Plus largement, M. Van Dunem a cité l'exemple des constitutions française et portugaise comme modèles pour les futures institutions de son pays, et a rappelé la place éminente qu'y occupe le français. Lui-même a d'ailleurs obtenu son doctorat en droit à l'université d'Aix-Marseille.

CALENDRIER DU SEJOUR DE LA DÉLÉGATION AU ZAÏRE

Dimanche 14 avril 1996

10 h 30 Arrivée à l'aéroport d'Ndili-Kinshasa

13 h 00 Déjeuner à la Résidence de France, puis réunion d'information

18 h 00 Réception à la Résidence de France

Lundi 15 avril

08 h 00 Départ pour Gbadolite

11 h 00 Entrevue avec le Président de la République, M. Mobutu Sese Seko, suivie d'un déjeuner en sa présence

17 h 30 Retour à Kinshasa

20 h 00 Dîner offert par les membres du groupe d'amitié Zaïre-France du Haut Conseil de la République - Parlement de Transition

Mardi 16 avril

10 h 00 Entrevue avec M. Anzulini Isilinyony, Premier Vice-Président du Haut Conseil de la République - Parlement de Transition

11 h 30 Entrevue avec M. Lutundula Apala. Président du Groupe d'amitié Parlementaire Zaïre-France

12 h 30 Déjeuner offert par la Chambre de commerce et d'industrie franco-zaïroise

16 h 00 Entrevue avec le Vice-Premier ministre, ministre des Relations extérieures, M. Jean-Marie Kititwa Tumansi

17 h 00 Entrevue avec Madame le ministre de la Coopération internationale, Mme Wivine N'Lundu Kavidi

20 h 00 Dîner à la Résidence de France en présence du Premier ministre. M. Léon Kengo Wa Dondo

Mercredi 17 avril

9 h 30 Visite de l'école française René Descartes

10 h 00 Entrevue avec le Premier ministre, M. Kengo Wa Dondo

11 h 00 Visite d'Amozaire, ONG qui s'occupe d'orphelins du sida

13 H 00 Déjeuner offert par la communauté française à la Maison de France

19 h 00 Départ pour Paris.

II/Le Zaïre : vers une issue politique ?

L'histoire politique du Zaïre 1 ( * ) depuis son indépendance offre des exemples de bon nombre de situations dénoncées par certains critiques de l'Afrique contemporaine : autorité trop concentrée contrepouvoirs insuffisants économie altérée par des choix malencontreux le tout conduisant à un dénuement extrême de la population.

Mais s'il est aisé de dresser un constat de ces difficultés, tout autre chose est de tracer le chemin à suivre par ce pays immense - troisième pays d'Afrique par l'étendue, après le Soudan et l'Algérie -, pour trouver une cohérence politique.

Un bref rappel de la spécificité du cas zaïrois permettra d'éclairer la teneur de la décision récemment prise par la France de renouer avec ce pays, le plus grand d'Afrique francophone.

1) 1960-1991 : de la crise coloniale à la crise intérieure

Le Congo belge accède à l'indépendance dans la confusion et la violence, le 30 juin 1960.

Au terme d'une remise en ordre progressive d'une dizaine d'années, le Président Mobutu lance son pays dans une recherche de "l'authenticité" économique et politique qui débouche sur un profond désordre.

La crise éclate avec les émeutes du mois de septembre 1991 à Kinshasa.

A) Un État "hydrographique"2 ( * )

C'est la conférence de Berlin qui reconnaît en 1885, un "État indépendant du Congo" issu des découvertes effectuées par l'Association internationale africaine.

Cette Association, réunie à Bruxelles en 1876, sous l'impulsion du roi des Belges Léopold II avait oeuvré à l'exploration du fleuve Congo.

L'État du Congo était, d'ailleurs délimité à Berlin par le contour du bassin du fleuve seul élément de cohérence existant.

Autre particularité, le Congo a été dirigé à titre personnel par le roi jusqu'à sa dévolution à la Belgique en 1908 : il devint alors une colonie.

"Le système colonial belge alliant contrôle rigoureux des hommes et paternalisme efficacement secondé par un réseau de missions catholiques, ne pouvait cependant empêcher les esprits d'évoluer". 1 ( * )

De fait alors que le comble de l'audace réformatrice semblait avoir été atteinte en 1955 avec un plan de trente ans pour l'émancipation de l'Afrique belge, l'indépendance fut précipitamment accordée le 30 juin 1960, à la suite des manifestations d'ampleur croissante organisées par l'Association des Bakongo de Joseph Kasavubu.

Pour autant, certains officiers belges ne firent pas mystère de leur volonté de maintenir les choses en l'état, entraînant la mutinerie des vingt-cinq mille hommes de la Force publique, quelques jours après l'indépendance.

Avec cette défection de la pièce maîtresse de l'ordre antérieur, c'est tout le pays qui se délite : ainsi de l'indépendance proclamée par la riche province minière du Katanga sous l'impulsion de Moïse Tschombé dès le 11 juillet.

L'ONU intervient alors à la demande du Premier ministre Patrice Lumumba qui est lui-même renvoyé dès le mois de septembre par le Chef de l'État Joseph Kasavubu. Les circonstances controversées de l'assassinat de Lumumba en janvier 1961 illustrent la violence des affrontements internes que l'armée met plusieurs années à réduire sous la direction du colonel Mobutu.

Il en est récompensé par son accession au pouvoir suprême au mois de novembre 1965.

La crainte d'une dérive du pays vers le bloc soviétique telle que l'avait illustrée l'action de Lumumba avait conduit les occidentaux à appuyer la démarche normalisatrice du Colonel Mobutu.

B) La naissance du Zaïre

L'ambition du Président Mobutu ne se borne cependant pas à la restauration de la paix civile dans son pays ; il veut lui imprimer sa marque.

Il fonde en 1967 le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), conçu comme un parti-État auquel chaque citoyen est censé appartenir puis inaugure en 1971. la politique d'authenticité.

Celle-ci se traduit d'abord par la proclamation en 1971 du Zaïre comme nouveau nom de l'État du fleuve et de la monnaie.

Puis ce sont les prénoms chrétiens qui doivent céder la place aux prénoms africains, le costume européen et notamment le port de la cravate qui sont bannis.

Ces décisions symboliques sont bien accueillies, tant à l'intérieur du pays qu'en Afrique comme des marques de restauration d'une dignité africaine 1 ( * ) .

En revanche, la population ressent durement les conséquences négatives de la "zaïrianisation" de l'économie entreprise en 1973. Cette nationalisation hâtive chasse les cadres européens et mine la confiance des investisseurs étrangers. Á ce désordre économique s'ajoute la nouvelle donne mondiale qui conduit les deux grands blocs à se détourner de l'Afrique et retire de ce fait au Zaïre sa position stratégique. Le pays s'enfonce dans la confusion.

C) Des péripéties politiques d'une rare complexité

Le Zaïre voit alors s'instituer deux Premiers ministres rivaux et une conférence nationale s'ériger en organe législatif, sans parvenir à évincer le Parlement en fonction.

Au sein de ce désordre, la personnalité du Président Mobutu constitue un élément de relative stabilité.

Loin d'être pris au dépourvu, le Président a pressenti l'opposition croissante suscitée par son style de Gouvernement ; il sait alors faire preuve de souplesse.

Il ouvre ainsi la voie dans son message à la Nation du 24 avril 1990 au pluralisme politique et syndical, puis réunit, un an plus tard, une Conférence Nationale Souveraine (CNS), présidée par la haute personnalité morale qu'est Mgr Monsengwo. Archevêque de Kisangani.

Le CNS où l'opposition est majoritaire souhaite organiser la transition vers de nouvelles institutions ; elle investit alors Etienne Tshisekedi dirigeant de l'Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) au poste de Premier ministre et instaure un nouvel organe législatif le Haut Conseil de la République. Le Président Mobutu récuse ces décisions, et renouvelle sa confiance au Gouvernement de Faustin Birindwa. et à l'Assemblée nationale en place.

La crise ponctuée par deux pillages successifs de Kinshasa par les troupes payées en nouveaux zaïres, refusés par les commerçants se dénoue avec l'investiture à la primature d'un dirigeant de l'opposition modérée. M. Léon Kengo Wa Dondo. le 6 juillet 1994.

Bien que disposant de la confiance de la communauté internationale. M. Kengo doit faire face à une situation très dégradée.

Tout d'abord, les partenaires occidentaux du Zaïre qui ont dû évacuer leurs ressortissants à deux reprises depuis 1990 ont suspendu leur coopération comme leurs investissements.

Quant à l'assise politique intérieure du Gouvernement Kengo, elle a initialement pâti de la persistance de l'opposition radicale d'Etienne Tshisekedi. qui conteste toujours son éviction de la primature. L'entourage du chef de l'État sinon le Président lui-même s'est également engagé dans un combat plus ou moins feutré pour maintenir son pouvoir de nomination à certains postes-clés.

Enfin l'état de dénuement extrême de la population surtout urbaine comme la carence de l'État qui ne paye plus depuis longtemps ses fonctionnaires, et n'exerce qu'une influence très réduite sur les provinces, inscrivent l'action du Gouvernement dans un contexte très difficile.

Cependant l'action du Premier ministre a été positive en matière notamment de redressement économique et financier ce qui lui vaut l'appui du FMI.

Sur le plan politique, l'adoption le 9 avril 1994 de l'Acte constitutionnel de transition - reconduit pour deux ans le 9 juillet 1995 - a normalisé la situation.

L'opposition modérée s'accorde avec le Président Mobutu pour considérer l'échéance du mois de juillet 1997 comme devant impérativement constituer le terme de la transition.

Le calendrier envisagé prévoit un référendum constitutionnel d'ici la fin de 1996 et s'il est adopté, des élections présidentielles et législatives qui donneront une légitimité démocratique aux nouvelles institutions.

2) Des perspectives économiques prometteuses

Sous réserve d'une évolution politique pacifique, le Zaïre offre de nombreuses possibilités d'investissement aux entreprises françaises qui disposent d'atouts spécifiques.

Tout d'abord, le désir des autorités zaïroises de diversifier les opérateurs économiques dont le plus entreprenant est aujourd'hui l'Afrique du Sud. Il faut également relever que les intérêts belges n'ont jamais cessé d'être présents indifférents aux vives critiques adressées par Bruxelles au Président Mobutu.

L'évolution de nos relations commerciales est la suivante :

La très nette dégradation de la situation économique du Zaïre a entraîné une forte contraction des échanges commerciaux franco-zaïrois depuis 1991. Nos exportations en 1994 étaient réduites à 171,4 MF et inférieures à nos importations (192.4 MF). Les principaux postes d'exportation ont été : les véhicules automobiles (15 MF), les produits pharmaceutiques (14 MF) et les produits chimiques de base (11 MF). Nos importations ont été essentiellement composées de produits agricoles ou forestiers et de métaux et demi-produits non-ferreux. Á titre de comparaison, nos exportations s'élevaient à 622.4 MF en 1991 et nos importations à 256,5 MF.

Une vingtaine d'entreprises françaises sont présentes au Zaïre (RVI,. Elf. Bolloré....) avec une activité extrêmement réduite. Environ quarante autres entreprises appartiennent à des Français dans divers secteurs (équipement industriel, transport fluvial, exploitation forestière agriculture, négoce,...). Ces relations économiques bilatérales extrêmement réduites ne détournent cependant pas complètement l'intérêt des sociétés françaises pour l'extraordinaire potentiel que représente ce pays. Une chambre de commerce et d'industrie franco-zaïrois active et très présente sur place réunit opérateurs économiques français et zaïrois et forme des projets pour certains secteurs rentables, les transports par exemple gestion du port de Matadi et liaison ferroviaire Matadi-Kinshasa.

COMPTE RENDU DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION AVEC DES PERSONNALITÉS ZAÏROISES1 ( * )

Lundi 15 avril 1996

- Entretien avec le Président Mobutu Sese Seko, Chef de l'État zaïrois

Le Président a reçu la délégation à sa résidence personnelle de Gbadolite, village dont sa famille est originaire ; ce village est situé au nord de la province de l'Équateur en lisière de la frontière centrafricaine.

Dans un propos liminaire, le Président a rappelé que tous les pays africains avaient instauré le monopartisme après leur indépendance : le Zaïre est donc loin d'avoir été le seul à s'organiser de la sorte. En revanche, dès avril 1990, son pays a devancé le mouvement appelé de ses voeux en juillet de la même année par le Président Mitterrand à la Baule.

Le Président Mobutu a rappelé qu'il avait effectué du 29 janvier au 29 mars 1990, une vaste tournée dans tout le pays de Goma à Lubumbashi. A l'issue de ce long déplacement, destiné à sonder l'état d'esprit des populations sur la situation politique du pays, il s'était adressé à la Nation, le 24 avril 1990. Son allocution portait sur sa décision d'évoluer vers une démocratisation de la vie publique avec la possibilité de créer trois partis au maximum. Cette limitation avait alors été mal perçue ; cependant, faute de l'avoir retenue, le pays se retrouve aujourd'hui avec près de 600 formations différentes...

Puis s'est instaurée une période de grande confusion marquée par la réunion d'une Conférence Nationale dite Souveraine dont tous les membres - sept cent trente cinq - se sont proclamés Parlementaires alors que seuls trois cents d'entre eux ont été effectivement élus.

Devant cette grande incertitude sur les aspirations réelles de ses compatriotes, le Président a préféré se retirer à Gbadolite ; mais il vient d'annoncer publiquement son intention de revenir dans la capitale après les prochaines élections. La priorité essentielle du moment est, en effet d'aller aux urnes pour que le peuple souverain puisse s'exprimer.

Mais cette nécessaire échéance n'enthousiasme pas les membres du Parlement de Transition dont plus de la moitié ne semble pas en mesure d'être réélus. De surcroît, l'organisation d'élections législatives avec 600 partis en lice dans un pays désorganisé comme le Zaïre relève de la gageure.

Cependant, il s'agit là d'un impératif catégorique pour la remise en ordre, d'abord politique du pays. Le Président s'en est d'ailleurs récemment entretenu avec une délégation de l'Union européenne dont le soutien politique, financier et matériel est attendu.

S'agissant des élections présidentielles, le chef de l'État a estimé qu'elles n'opposeraient que sept à huit candidats au plus dont lui-même et s'est dit confiant sur ses chances de l'emporter.

Á ce propos, il a rappelé que la suspension de toute aide extérieure à son pays depuis près de cinq ans qui visait évidemment à accroître la déstabilisation du pays pour provoquer son départ a, au contraire, rassemblé le peuple zaïrois autour de son chef. Cela dit, cet embargo de fait a accru les difficiles conditions de vie de ses compatriotes puisque même l'assistance médicale apportée par exemple par l'Institut Pasteur a été suspendue. Certes, le pays n'est pas pauvre mais son immensité et les difficultés d'organisation qui en découlent nécessitent un soutien extérieur.

Abordant la situation politique des pays frontaliers du Zaïre, le Président a rappelé que le régime de Kigali est officiellement soutenu par les États-Unis. Cependant, l'ancien Président Carter a pris soin d'associer le président zaïrois à ses récents efforts de conciliation.

Il a rappelé que le Rwanda avait récemment consacré l'anglais comme langue officielle ce qui est un indice clair de ses soutiens et de son orientation.

Il a estimé que la réalité du pouvoir est concentrée dans les mains du Vice-président Kagamé qui a été initialement soutenu par la Belgique pour s'opposer ensuite à ce pays, ainsi qu'à la France devenue le "bouc émissaire" du Rwanda. Quant au Président Bizimumgu, il n'a été porté à ce poste que pour son origine hutue qui permet d'entretenir une illusoire diversité ethnique au sommet de l'État.

Evoquant la situation prévalant en Angola, le Président Mobutu a rappelé son action sur son ami Jonas Savimbi pour qu'il signe le protocole de Lusaka ; le Président Dos Santos l'avait d'ailleurs remercié par écrit pour ce geste. Mais lors d'une récente rencontre qui remonte à deux semaines, le chef de l'UNITA s'est plaint à lui des mauvaises conditions de vie infligées à ses 16 000 combattants déjà cantonnés et a estimé que la poursuite de ce mouvement en était contrariée.

En conclusion, le Président Mobutu a rappelé son constant engagement en faveur d'une évolution pacifique des pays riverains du Zaïre mais en a également rappelé les difficultés.

Mardi 16 avril

- Entretien avec M. Anzulini Isilinyony, premier vice-président du Haut Conseil de la République-Parlement de Transition

Le vice-président a souligné les qualités de spontanéité du dialogue entre Parlementaires qui indépendants de leurs Gouvernements respectifs ne sont pas tenus aux mêmes contraintes que les diplomates.

Puis il a évoqué le calendrier politique du Zaïre rappelant que la transition n'avait que trop duré.

Les dernières législatives remontent en effet à 1987 : les députés alors élus comme lui-même ont déjà vu leur mandat prolongé de cinq ans. Il est donc impératif d'aller aux élections dans les meilleurs délais possibles, c'est-à-dire à l'achèvement du recensement préalable entrepris par la Commission Nationale des Élections. On estime que le Zaïre compte environ 20 millions d'électeurs sur 43 millions d'habitants et le découpage électoral envisagé prévoit un député pour environ 100 000 personnes.

Le vice-président a estimé que lors de ce scrutin, la présence de nombreux observateurs internationaux sera souhaitable.

Cette perspective conduit à évoquer les nombreuses difficultés créées pour le Zaïre par la présence d'environ deux millions de réfugiés rwandais dans la province frontalière de Kivu. Le vice-président s'est insurgé contre l'injustice manifestée par la communauté internationale envers son pays, qui est l'objet d'accusations aussi nombreuses que contradictoires sur ce point.

Il est cependant clair qu'aucune pression sérieuse n'est exercée sur Kigali pour garantir le retour de ces réfugiés dans des conditions acceptables alors qu'ils vivent au Zaïre dans une situation indigne et sont de surcroît source d'insécurité. En effet, leur dénuement extrême les rend vulnérables à toutes les manipulations et on compte sans conteste parmi eux d'anciens militaires coupables d'exactions.

Les accords conclus à Genève au mois de novembre 1995 prévoyaient leur rapatriement au rythme de 10 000 par mois : or, seulement 20 000 d'entre eux sont rentrés à ce jour.

Le Rwanda refuse en fait leur retour contre l'avis du Conseil de Sécurité de l'ONU.

Le Parlement de Transition ne peut rester insensible à cette dérive et sera probablement conduit à demander au Gouvernement zaïrois leur rapatriement forcé.

Car cette présence suscite en plus du problème humanitaire des difficultés d'ordre intérieur : comment opérer le recensement électoral au Kivu province la plus peuplée du pays avec six millions d'habitants, en présence de réfugiés mal identifiés ? Comment dans ces conditions garantir la sérénité des scrutins législatif et surtout présidentiel ? Il est clair que les futures élections feront alors l'objet de nombreuses contestations d'autant que le Haut Commissariat aux Réfugiés n'a pas accompli le recensement de ces réfugiés comme prévu.

La plus grande crainte actuelle au Zaïre tient à l'insensible création de fait d'un « Hutuland », qui échapperait à toute autorité.

Abordant ensuite les perspectives de redressement économique de son pays le vice-président a précisé que le débat au sein du Parlement de Transition portait sur la priorité respective de la normalisation politique ou de la reprise économique.

Quant au redressement financier, c'est une des principales tâches que s'est assignée le Premier ministre depuis sa nomination.

- Entretien avec M. Lutundula Apala, Président du groupe Parlementaire d'amitié France-Zaïre.

M. Apala a regretté que son pays soit confronté à beaucoup d'incompréhension sur la scène internationale. C'est pourquoi il s'est particulièrement félicité de la venue de la délégation sénatoriale française, première visite Parlementaire depuis de trop longues années, à l'exception de quelques députés allemands venus, il y a deux mois, mais à titre individuel.

Sa crainte principale tient à l'évolution de son pays vers une sorte de "démocratie de la pauvreté" qui serait condamnée d'avance par son incapacité à apporter à la population une quelconque amélioration politique et économique.

Abordant les liens entre le Zaïre et la France, fondés sur une communauté de langue et de projet pour l'Afrique, il a souhaité que le déplacement des sénateurs français soit le prélude à un rapprochement entre les deux Gouvernements.

Quant à l'évolution institutionnelle de son pays elle pourrait utilement s'orienter vers un système bicaméral qui permettrait une bonne représentation des populations comme des provinces.

- Entretien avec M. Jean-Marie Kititwa Tumansi, Vice-Premier ministre, ministre des Relations extérieures

M. Kititwa s'est félicité de cette entrevue en tant que ministre des Affaires étrangères, et ancien ambassadeur à Paris.

Il a rappelé que son pays comptait près de quatre cents tribus différentes ce qui se traduit par au moins autant de langues et de cultures. Cette diversité appelle des formes d'organisation administrative spécifiques qui permettent à la fois le maintien du sentiment national et une nécessaire autonomie de gestion.

Le ministre a estimé que la vivacité de ton de la presse zaïroise selon lui encore plus marquée qu'en France, témoigne éloquemment que le pays est loin d'être la dictature qu'on stigmatise dans certains cercles.

Abordant les relations bilatérales, le ministre a rappelé que près de vingt mille de ses compatriotes vivaient en France, ce qui ne constitue assurément pas la communauté africaine la plus nombreuse ; c'est cependant elle qui est le plus touchée par les mesures de reconduite autoritaire par voie aérienne. Il s'est interrogé sur les raisons de cet acharnement très mal perçu par les Zaïrois qui ont le sentiment d'être en butte à une particulière hostilité de la part des autorités françaises.

- Entretien avec Mme Wivine N'Lundu Kavidi, ministre de la coopération internationale

Le ministre a rappelé que depuis 1990, toute coopération bilatérale avec son pays avait été progressivement suspendue ; seule l'OMS, et quelques autres institutions multinationales avaient continué à apporter une aide au Zaïre. Elle a vivement regretté cet état de choses qu'elle a attribué à une campagne insidieuse puis ouvertement hostile qui visait son pays à travers le Président Mobutu.

Les nombreuses ressources potentielles du pays ne réclameraient que quelques capitaux bien placés pour s'épanouir ; encore faudrait-il qu'ils s'investissent.

En conclusion, elle a illustré la situation du Zaïre par une image saisissante : celle d'un homme qui meurt de soif au bord de l'eau.

- Entretien avec M. Léon Kengo Wa Dondo, Premier ministre

Le Premier ministre a estimé que l'interrogation politique majeure du Zaïre portait actuellement non sur le nécessaire terme à mettre à la transition - l'accord est unanime sur ce point -, mais sur le type de Constitution le mieux adapté aux spécificités du pays.

Il a déploré la longueur de cette période d'instabilité et estimé que son pays détenait le double record peu enviable de durée pour cette période mais aussi de désordre.

Un système fédéral avec un Chef de l'État aux fonctions surtout symboliques est probablement le modèle théorique idéal ; mais son bon fonctionnement réclame la formation de cadres habilités à cette difficile gestion ce qui ne s'improvise pas.

Il semble donc opportun de consacrer la décennie qui vient à restaurer l'économie et permettre ainsi que les provinces les plus prospères acceptent un transfert de ressources vers les plus démunies. Si le sentiment national n'est pas restauré les régions les plus riches constitueront en effet de dangereuses forces centrifuges.

L'ampleur des pouvoirs dévolus au Président Mobutu sous la Seconde République est incontestablement dépassée mais il faut se garder du danger inverse que constituerait un régime d'assemblée.

L'actuel projet de Constitution prévoit donc un état unitaire largement décentralisé, avec un Parlement bicaméral regroupant une Chambre des représentants et un Sénat.

Restent à préciser des éléments à forte charge symbolique comme la dénomination de l'État, l'hymne national, et le nouvel emblème qui devrait se substituer à celui du Mouvement pour la Révolution (MPR), qui a fonctionné comme un parti-État jusqu'en 1990.

C'est le 2 mai prochain que ce projet de Constitution devrait être adopté par le Gouvernement pour être transmis avec le projet référendaire qui portera sur le texte au Parlement de Transition au mois de novembre.

Le calendrier devrait déboucher sur une consultation référendaire en décembre dont l'organisation a été évaluée à un coût d'environ cinquante millions de dollars.

Si cette consultation conduit à l'adoption du projet de Constitution, sa promulgation mettra un terme aux travaux du Haut Conseil de la République - Parlement de Transition au mois de mars 1997 ; s'ouvrirait alors une campagne commune aux élections présidentielles, législatives et sénatoriales, dont tous les élus le seraient au suffrage universel direct. Les nouvelles institutions seraient alors en état de fonctionner, le Président désignant un Premier ministre responsable devant les chambres, et dont le Gouvernement organisera alors les élections locales.

Naturellement, ce calendrier requiert un nouveau recensement électoral car le dernier remonte à 1984 ; la majorité civile et politique sera fixée à 18 ans.

La bonne réalisation de ce recensement suppose évidemment que le problème posé par la présence massive de réfugiés rwandais au Kivu soit en passe d'être réglé.

Ceci suppose une concertation entre les pays d'accueil de ces réfugiés - Burundi, Tanzanie, Zaïre - et le Rwanda. Or ce pays ne réunit aucune des conditions propres à inciter au retour ; bien plus, il s'est opposé au principe d'une conférence régionale qui aurait réuni, sous l'égide de l'ONU tous les pays intéressés.

Ce projet a donc avorté. Mais le problème reste brûlant : la ville de Goma est ainsi passée de 200 000 à 850 000 habitants le parc naturel des Virunga a. certes été classé par l'UNESCO, mais il a été totalement dévasté par cet afflux humain. On pourrait ainsi multiplier les exemples des conséquences multiples et dramatiques de l'afflux des réfugiés rwandais au Zaïre sans qu'aucun espoir de solution ne se fasse jour. Le Premier ministre a estimé avec regret que le nouveau Rwanda se construisait dans la haine et l'exclusion.

Abordant la situation économique de son pays, M. Kengo a rappelé que le désordre monétaire actuel a été provoqué par la réforme de 1993 qui a soustrait les opérations d'amission des billets à la Banque Centrale pour les confier à des particuliers sud-américains aux pratiques douteuses : on a, par exemple constaté l'émission de cinq billets différents portant le même numéro.

Depuis, la Banque Centrale a récupéré son monopole, ce qui a permis de réduire une inflation qui avait atteint jusqu'à 10 000 %.

Mais tout n'est pas réglé pour autant car cette instabilité monétaire a favorisé l'expansion du secteur informel qui résiste à la réglementation et aux impôts. Elle a également éloigné les investisseurs étrangers qu'il faut sécuriser pour les voir revenir.

Le Premier ministre a souligné, en conclusion, le rôle éminent qu'il souhaite voir jouer par la France pour la restauration économique de son pays.

- Entretien avec M. Gérard Kamanda Wa Kamanda, Vice-Premier ministre, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation

Le ministre a estimé que le processus électoral envisagé était irréversible : tout est fait pour son complet aboutissement d'ici au mois de juillet 1997.

Les projets de loi électorale et référendaire sont prêts et actuellement soumis au Gouvernement et au Parlement de Transition. Le projet de Constitution adopté par la Conférence Nationale Souveraine est cependant contesté par quelques partis sur des points de détail comme la future dénomination du pays.

Quant au projet de loi de décentralisation, il est en cours de rédaction.

L'Union Européenne a, d'ores et déjà, annoncé son appui financier à l'organisation de ces élections successives où les observateurs internationaux seront les bienvenus.

En conclusion, le ministre s'est dit réaliste et optimiste sur l'accomplissement de ces échéances.

* *

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CALENDRIER ÉLECTORAL
DE LA COMMISSION NATIONALE DES ÉLECTIONS

(rendu public à Kinshasa le mercredi 16 avril 1996)

Avril 1996 Préparation des requêtes destinées aux bailleurs de fonds.

Mai à juin 1996 Élaboration du budget global du processus électoral. Installation des commissions locales électorales.

Juin 1996 Dépôt au Bureau du HCR-PT des avant-propositions de lois sur le recensement et sur le référendum.

Ouverture du concours pour la fourniture du matériel pour le recensement électoral.

Remise à la CNE par le HCR-PT du projet de Constitution de la IIIème République et lancement de la campagne de vulgarisation de ce projet.

Juillet 1996 Ouverture du concours pour la fourniture du matériel pour le référendum constitutionnel.

Novembre 1996 Identification, recensement et enrôlement.

Décembre 1996 Référendum constitutionnel.

Janvier 1997 Ouverture du concours pour la fourniture du matériel pour les élections présidentielles, législatives, régionales, municipales et locales.

Février 1997 Dépôt, agrément et publication des candidatures conformément à la loi et aux règlements en matière électorale.

Mai 1997 Élections présidentielles et législatives suivies de la proclamation des résultats et du règlement du contentieux électoral éventuel. Ouverture de la campagne électorale pour les élections régionales.

Juin 1997 Élections régionales suivies de la proclamation des résultats et du règlement du contentieux électoral éventuel. Ouverture de la campagne pour les élections municipales et locales.

Juillet 1997 Élections municipales et locales suivies de la proclamation des résultats et du règlement du contentieux électoral éventuel.

GROUPE INTERPARLEMENTAIRE

FRANCE-AFRIQUE CENTRALE

Une délégation du groupe interParlementaire France-Afrique Centrale conduite par le président du groupe, M. Jean-Pierre Cantegrit (Rat. UC - Français établis hors de France), et composée de MM. Germain Authié (Soc- Ariège), Louis Boyer (RI - Loiret), André Egu (UC - IIIe-et-Vilaine), Jacques Legendre (RPR - Nord) et Robert-Paul Vigouroux (RDSE - Bouches du-Rhône), s'est rendue en Angola et au Zaïre du 10 au 17 avril 1996.

Pour son premier déplacement en Angola, la délégation a été accueillie avec une chaleur et une attention toutes particulières par les autorités de ce pays. Elle s'est entretenue avec M. França Van Dunem, Président de l'Assemblée Nationale, et Président de la République par intérim, en l'absence de M. Eduardo Dos Santos, ainsi qu'avec MM. Joao Miranda et Albino Malungo, respectivement vice-ministre des Relations extérieures et ministre de la Réinsertion sociale.

Ces échanges ont porté sur l'appui que la France pouvait apporter au redressement d'un pays qui se relève avec difficulté de vingt années de guerre civile.

Les sénateurs ont également rencontré les représentants des différents groupes Parlementaires issus des élections de 1992, à l'exception de l'UNITA (Union pour la libération totale de l'Angola, dirigée par Jonas Savimbi), puisque ce parti a choisi de ne pas siéger à l'Assemblée Nationale.

Les députés angolais ont notamment évoqué les prochaines échéances électorales car un accord général semble se dessiner pour différer les élections législatives prévues pour la fin de l'année 1996, et les présidentielles prévues un an plus tard: il semble en effet souhaitable d'attendre que le processus de paix soit engagé plus avant pour permettre au pays de se prononcer sereinement.

Enfin, la délégation a entendu les points de vue respectifs des représentants du Gouvernement et de l'UNITA à la commission conjointe chargée de l'application du protocole de Lusaka, signé au mois de novembre 1994 pour mettre un terme à la guerre civile. Les sénateurs français ont constaté à cette occasion qu'une forte méfiance séparait toujours les anciens belligérants, et que le rôle du représentant spécial du secrétaire général de l'ONU en Angola. M. Blondin Beye avec lequel ils se sont ensuite entretenus était tout à la fois difficile et irremplaçable.

Puis, la délégation a gagné le Zaïre où elle s'est entretenue avec le Président Mobutu qui l'a reçue à sa résidence de Gbadolite, au nord du pays. Elle a également rencontré cette fois à Kinshasa, le Premier ministre, M. Kengo Wa Dondo ainsi que les ministres des Relations extérieures de la Coopération internationale et de l'Intérieur et le premier vice-président du Haut conseil de la République - Parlement de Transition. M. Anzulini Isilinyony.

Tous ces entretiens ont porté sur les deux problèmes principaux que connaît actuellement la vie politique zaïroise, à savoir le calendrier électoral qui permettra de sortir de la longue transition initiée en 1990, et les difficultés que font peser sur l'organisation des futures élections la présence de réfugiés rwandais estimés à deux millions dans l'importante province du Kivu à l'est du pays. Le Zaïre estime en effet que les autorités de Kigali loin de favoriser le retour de ces réfugiés, agissent pour les maintenir sur le sol zaïrois par diverses intimidations.

S'agissant de la sortie de la transition, l'ensemble des interlocuteurs se sont accordés sur sa nécessité ainsi que sur un calendrier fixant cette échéance au mois de juillet 1997 au plus tard, le débat restant ouvert sur l'opportunité de grouper ou non les élections présidentielles et législatives.

La délégation sénatoriale a tiré de ce déplacement dense mais fructueux, un optimisme prudent sur la stabilisation de la paix en Angola, tant il lui a semblé que ce pays se trouvait dans une situation de fragile équilibre politique.

Au Zaïre, le large accord des principales forces en présence - hormis l'opposition radicale - en faveur du processus électoral à venir constitue un gage d'espoir et la délégation en suivra l'évolution avec attention.

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* 1 Superficie : 1 246 700 km 2

Population : 11 millions d'habitants

Capitale : Luanda (2,5 millions d'habitants)

PIB par habitant : 410 dollars US

montant de la dette : 11,2 milliards de dollars

Service de la dette : 40 % des recettes d'exportations

Source : Ministère de la coopération - chiffres d'octobre 1995

* 1 cf : « le Portugal et son avenir » par Antonio de Spinola - ed Flammarion - 1974 ; le premier chef de l'État portugais issu de la « révolution des oeillets » y expose de façon prémonitoire l'impasse de la guerre coloniale (il a combattu au Cap-Vert, puis en Angola), et la nécessité d'amener les colonies à l'indépendance.

* 2 Pour une description des grandes étapes du conflit se reporter à :

« Onze leçons sur l'Afrique australe », par Philippe Decraene - editions Karthala - 1995

* 1 *législatives : 53.5 % des voix pour le MPLA soit 129 députés

34.1 % des voix pour l'UNITA soit 70 députés

* présidentielles (premier tour) : 49,8 % des voix pour E. Dos Santos

40,1 % des voix pour J. Savimbi

* 2 Lors de son séjour à Luanda, la délégation a pu voir l'état dans lequel les vifs affrontements de 1992 entre MPLA et UNITA avait laissé le bâtiment alors occupé par ce parti au centre de la ville. Jonas Savimbi avait pu alors s'en échapper de justesse avant l'assaut final : nul doute que ce souvenir entretienne ses craintes...

* 1 Ces compte rendus sont la relation des propos tenus par ses différents interlocuteurs à la délégation, sans que celle-ci soit engagée par leur contenu.

* 1 - Superficie : 2 345 400 km2

- Population : 43 millions d'habitants (estimation)

- Capitale : Kinshasa (5 millions d'habitants)

- PIB par habitant : environ 30 dollars US

- Montant de la dette : 10 milliards de dollars

Source : Ministère de la coopération - chiffres de février 1996

* 2 Yves LACOSTE : Dictionnaire de géopolitique. Ed. Flammarion 1995

* 1 op. cité. page 1609

* 1 Cf. Mobutu : "Dignité pour l'Afrique" éd. Albin Michel - 1989

* 1 Ces compte rendus sont la relation des propos tenus par ses différents interlocuteurs à la délégation sans que celle-ci soit engagée par leur contenu.

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