I. L'ENJEU DE LA POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE : CONSOLIDER LE SYSTÈME UNIQUE DE SANTÉ (SUS)

Dans le cadre de sa première thématique consacrée à l'accès aux médicaments et à la politique de santé publique, la délégation a pu rencontrer, à Brasilia, M. Carlos GADELHA, secrétaire à la science, à la technologie et aux investissements stratégiques du ministère de la santé, et à Sao Paulo et Rio de Janeiro, plusieurs acteurs de l'industrie pharmaceutique : Sanofi Brésil, l'association des laboratoires de recherche pharmaceutique Interfarma et la Fondation Oswaldo Cruz (Fiocruz).

Ces entretiens lui ont notamment permis de mieux comprendre les priorités du gouvernement brésilien en matière de développement des industries nationales de santé.

A. LE SYSTÈME UNIQUE DE SANTÉ CONFRONTÉ À SES PROPRES LIMITES

La Constitution fédérale de 1988 a fait de la santé un droit fondamental des citoyens et a imposé à l'État d'assurer un accès universel et gratuit aux services de santé. Ce droit constitutionnel est garanti par le « Sistema Unico de Saude » (SUS), mis en place en 1990, et par des programmes de santé publique articulés aux programmes sociaux.

Aujourd'hui, près de 150 millions de Brésiliens, soit 75 % de la population totale, bénéficient du SUS et dépendent exclusivement de lui pour se soigner.

Le SUS a permis de vrais progrès pour la santé de base, notamment grâce à des programmes de distribution gratuite de médicaments et à l'universalisation de la vaccination. Plus de 90 % de la population bénéficie d'une couverture vaccinale pour les vaccins faisant l'objet de campagnes spécifiques et la mortalité infantile a chuté de manière spectaculaire (51/1000 en 1990, 12/1000 en 2013 d'après les chiffres de la Banque mondiale). Les campagnes en faveur des vaccins sont financées par des ressources publiques.

Il est aussi à porter au crédit du Brésil sa politique « pionnière » de lutte contre le sida. Lancée en 1996, elle s'est appuyée sur une politique active de prévention avec le soutien des associations et sur la distribution gratuite des antirétroviraux. Elle a permis au pays d'enrayer la progression de la maladie. Le nombre de personnes décédant du Sida a en effet diminué de plus de moitié au cours des quinze dernières années.

Mais le Brésil est aujourd'hui en pleine transition épidémiologique. Les maladies chroniques non transmissibles des pays « riches » (maladies cardiovasculaires, cancers (700 000 cas par an), maladies neurologiques liées à l'âge, obésité) prennent le pas sur les maladies infectieuses traditionnelles des pays « en développement ». Pour autant, le pays reste encore fortement affecté par les maladies respiratoires, les maladies infectieuses et parasitaires telles que la dengue, la maladie de Chagas ou la bilharziose.

Parce que la prévention et le traitement de ces maladies sont chers et complexes, le SUS rencontre des difficultés pour garantir à tout patient une prise en charge de qualité. Il faut ainsi aujourd'hui trois mois pour obtenir une consultation pour diagnostiquer un éventuel cancer et en cas de confirmation de la maladie, six mois pour avoir le premier traitement.

Selon un récent sondage, 76 % des Brésiliens disent que la prise en charge de la santé est le pire des services publics contre 10 % pour le chômage. La consolidation du SUS comme sa généralisation devient une grave question politique.

La situation sanitaire de la population a indéniablement progressé et certains programmes de santé publique, tels que la lutte contre le Sida, ont enregistré des réussites tout à fait remarquables. Néanmoins, ainsi que l'ont souligné plusieurs interlocuteurs de la délégation, le système de santé brésilien connaît d'importantes difficultés liées, notamment, au manque de médecins, d'établissements publics hospitaliers, ainsi qu'à leur mauvaise gouvernance. Les hôpitaux restent surchargés, les inégalités régionales de l'offre de soins sont persistantes et une médecine à deux vitesses, entre un réseau hospitalier moderne spécialisé en ville et les infrastructures rurales pour les soins primaires, continue de s'y développer.

À la suite des revendications exprimées par les manifestants au cours de l'été 2013, qui ont réclamé « des hôpitaux plutôt que des stades ! », le gouvernement brésilien a pris conscience de l'urgence d'une réforme d'envergure visant à améliorer la gestion hospitalière et à restructurer l'offre de services, de la nécessité de mieux gérer la démographie médicale et de renforcer le contrôle sur les opérateurs privés de plans de santé afin d'assurer un accès plus démocratique aux « complémentaires santé ». Un quart de la population peut ainsi aujourd'hui contourner les lacunes du secteur public en souscrivant des plans de santé privés.

Pour résoudre la pénurie de médecins dans les régions et les banlieues les plus pauvres pour les soins de base, le Gouvernement a lancé en juillet 2013 le programme « Mais Medicos » de recrutement massif de médecins étrangers, en majorité cubains (10 000 médecins), initiative qui a suscité une levée de boucliers de la part de l'opposition.

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