Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 131 de M. Yvon COLLIN - 13 janvier 2016



Groupe interparlementaire d'amitié

France-Népal (1 ( * ))

Le Népal : deux mois après le séisme du 25 avril 2015

Actes du colloque du 23 juin 2015

Palais du Luxembourg

Salle Clemenceau

Les propos des intervenants durant cette journée d'échanges n'engagent qu'eux-mêmes, et ne sauraient donc être imputés au Sénat, ni considérés comme exprimant son point de vue ou comme ayant son approbation.

AVANT-PROPOS

M. Yvon COLLIN, Président du groupe d'amitié France - Népal

Le 25 avril dernier, le Népal était durement frappé par un tremblement de terre d'une magnitude exceptionnelle (7,8 sur l'échelle de Richter), qui n'a été que le premier d'une longue série. Plus de 8 000 morts, des centaines de milliers de blessés, d'orphelins, de sans abri : le bilan humain est dramatique. A ce bilan humain s'ajoute aussi le bilan matériel, culturel, touristique et économique.

Contacté par des représentants associatifs et par des universitaires réunis au sein du collectif France - Népal, le groupe d'amitié du Sénat, que j'ai l'honneur de présider, a accueilli au Palais du Luxembourg, le 23 juin 2015, une journée pour dresser un état lieux deux mois après le premier séisme.

En présence de S.E. Mme l'Ambassadrice du Népal en France, cette journée a permis d'établir un état des lieux sur des sujets variés et très importants pour le Népal : la sismicité de l'Himalaya, l'aide médicale d'urgence, l'aide humanitaire, les populations touchées ou encore les conséquences des séismes sur le secteur touristique ou sur les migrations.


Allocution d'ouverture de M. Yvon Collin, Président du groupe d'amitié France-Népal

Le présent rapport regroupe les contributions des différents intervenants lors de cette journée.

Je souhaite remercier les organisateurs et les intervenants qui ont permis la tenue de cette journée de travail et de sensibilisation.

Je me suis rendu à plusieurs reprises au Népal, notamment en 2008 pour observer les élections de la première Assemblée constituante. A cette occasion, la délégation sénatoriale était allée à la rencontre de la population dans plusieurs villages de la vallée de Katmandou et j'en conserve un vibrant souvenir.

Je garde notamment le souvenir d'un patrimoine culturel exceptionnel, que ce soit à Katmandou ou à Bhaktapur. Je me souviens du magnifique temple Changu Narayan près de Bhaktapur, de l'immense stupa de Bodnath près du monastère de Shechen, où nous avions rencontré Matthieu Ricard, ou encore du lieu de crémation hindou Pashupatinath.

Après une longue et douloureuse guerre civile, puis une interminable période de transition, le Népal a finalement adopté une nouvelle Constitution, qui suscite toutefois des inquiétudes et des manifestations.

Le groupe d'amitié du Sénat appelle les partis politiques et la société civile du Népal à la concorde et à l'identification de solutions permettant au pays d'aller de l'avant vers la reconstruction, le développement et la paix.

Il appelle aussi la communauté internationale à ne pas oublier le Népal, alors que les besoins sont immenses et nécessitent des réponses durables. Le temps politique, celui de la reconstruction, ne correspondent pas à celui des médias. Or, la reconstruction des bâtiments d'habitation et des monuments historiques prendra du temps, tout en constituant une priorité pour la population et pour le tourisme, source de revenus essentielle pour les Népalais.

PARTIE I - LE NÉPAL ÉBRANLÉ : CONSÉQUENCES HUMAINES ET POLITIQUES DU SÉISME DU 25 AVRIL 2015

Mme Marie LECOMTE-TILOUINE, Directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), attachée au laboratoire d'Anthropologie Sociale (CNRS/Collège de France/ EHESS)

Le 25 avril 2015, un puissant séisme frappait le Népal en son coeur. La secousse, de magnitude 7,8 sur l'échelle de Richter, dévastait un pays non seulement parmi les plus pauvres du monde 2 ( * ) , mais aussi plongé dans une crise politique sans issue depuis maintenant presque 20 ans.

Il a semblé important de rendre compte de manière synthétique et collective des conséquences de cette catastrophe majeure, ainsi que des réponses que le gouvernement népalais, la société civile, les organisations étrangères et internationales y ont apportées jusqu'à présent. Les contributions ici réunies n'ont pas l'ambition d'épuiser le sujet, tant le séisme a profondément affecté la vie sociale, culturelle, économique et politique au Népal. Il s'agit plutôt d'en éclairer certains aspects et d'inciter à les approfondir. Dans cette perspective, ce texte d'introduction présente un ensemble de jalons et de repères permettant de suivre et de mesurer l'événement, en particulier dans son contexte historique et politique. Toutefois, cette matière aride n'oblitérera pas les émotions, les interprétations de la causalité du séisme, ni les rumeurs, qui reflètent autant qu'elles les nourrissent les courants animant la société népalaise.

Fig. 1. Samedi 25 avril 2015, à 11 h 56, un séisme de magnitude 7,8 sur l'échelle de Richter frappait le coeur du Népal.

I. L'HISTOIRE DU NÉPAL S'EFFONDRE

La grande secousse sismique du 25 avril a surpris tout le monde, dans cette région où les tremblements de terre restent difficilement prédictibles, même s'ils sont prévisibles, et où le dernier séisme de cet ordre de grandeur avait eu lieu en 1934. La terre a heureusement tremblé au moins mauvais moment, pourrait-on dire : un samedi, jour de congé, alors que les écoles, les bureaux et même de nombreux commerces étaient fermés, et peu avant midi, à une heure où la population est alerte, si ce n'est occupée à l'extérieur des habitations, en particulier dans les zones rurales. Ceci explique le contraste entre un bilan matériel particulièrement lourd et des pertes humaines relativement limitées, en regard de ce dernier, comme nous le verrons plus en détail.

Les premières images du séisme, prises pour certaines en direct, sont celles des temples du palais royal de Katmandou, ou de celui de Patan, s'effondrant comme des châteaux de sable, soulevant d'énormes nuages de poussière. Cet anéantissement soudain des chefs d'oeuvre de la civilisation népalaise était d'autant plus saisissant que le séisme laissait intactes les constructions ordinaires qui les entouraient. En un instant, la demeure des dieux, les palais des rois ainsi que les symboles de la nation s'écroulaient, tandis que la ville moderne subsistait, presque comme si de rien n'était. La stupéfaction était d'autant plus grande que si la menace d'un puissant séisme n'était pas inconnue au Népal, dans les conversations, on n'évoquait alors que le danger que représenteraient les constructions anarchiques en béton ou les tours qui ont récemment envahi la vallée de Katmandou. Personne n'avait imaginé que ces dernières résisteraient dans leur ensemble, tandis que nombre de maisons anciennes ainsi que des centaines de temples et de monuments historiques allaient être réduits à néant.

Fig. 2. Parmi le patrimoine architectural qui a subi de graves destructions, l'ancien bourg de Sankhu. (c)Asian Development Bank.

Avant qu'il ne fût question des victimes et de l'étendue des destructions en milieu rural, un sentiment de la fin d'un monde, si ce n'est de fin du monde, envahit ainsi la capitale, tout comme l'ensemble de la population népalaise ayant accès aux médias. Les témoignages venant des régions rurales disent la même chose, tel ce jeune homme qui commente les éboulements d'un vaste paysage de montagne qu'il est en train de filmer, par ces mots : « samsar dubyo, samsar dubyo », « le monde sombre, le monde sombre ».

L'effondrement de la tour Dharahara a particulièrement affecté les esprits. Plusieurs amis de Katmandou m'écrivirent sitôt la secousse passée : « nous sommes saufs, la maison a tenu, mais la tour Dharahara s'est effondrée », soulignant toute l'importance qu'avait à leurs yeux l'édifice, qui tenait lieu de Tour Eiffel du pays. Symbole de la fierté du Népal et de sa construction comme État-nation sous le Premier Ministre Bhimsen Thapa, au début du XIX e siècle, cette tour haute de 62 mètres surplombait encore la forêt d'immeubles qui a récemment envahi la vallée de Katmandou. Ses ruines firent très vite l'objet d'une sorte de pèlerinage, où les habitants se pressaient pour se faire prendre en photo, et où fut organisée une séance publique de déclamation des émotions en poésie. 3 ( * )

Fig. 3. La tour Dharahara, aussi connue sous le nom de « Bhimsen tower », émergeant
des constructions de la ville de Katmandou. (c)Maharjan photography
.

Comme la tour Dharahara, de nombreux monuments des anciens rois Malla furent anéantis, notamment cet autre important symbole de la nation qu'est le temple Kashtamandap ou « temple de bois » 4 ( * ) , qui passe pour avoir donné son nom à la ville de Katmandou, la capitale du pays.


Fig. 4. La police déblayant les décombres du temple Kasthamandap. (c)Nepal Police
.

Les grands sanctuaires bouddhistes, comme celui de Swayambhu qui, selon la légende, émergea le premier du lac qui recouvrait autrefois la vallée de Katmandou, furent également endommagés 5 ( * ) ( pour un bilan des destructions du patrimoine causées par le séisme, voir la contribution de Mme Maïe Kitamura et sur les conséquences du séisme sur le secteur touristique, voir la contribution de Mmes Isabelle Sacareau et Marie Faulon, ci-après ).

On apprit enfin que l'épicentre du séisme se situait à l'ouest de Katmandou, dans le district de Gorkha 6 ( * ) , qui correspond à l'ancien petit royaume d'où Prithvi Narayan Shah et ses successeurs menèrent, à la fin du XVIII e siècle, une campagne militaire qui aboutit à l'unification d'une cinquantaine de royaumes himalayens indépendants, et à la création du royaume du Népal. Le palais ancestral des rois du Népal, à Gorkha, était aussi endommagé 7 ( * ) . Le séisme lui-même fut officiellement baptisé du nom de « Gorkha », comme pour donner un sens historique à cet épisode de l'histoire du Népal. Cet épisode semble venir achever en quelque sorte le processus de destruction de l'ancien régime pour l'édification du Nouveau Népal, Nayan Nepal . On notera aussi que le séisme du 25 avril 2015 se révéla être une répétition de celui de 1833, suivant en cela aussi un modèle « historique » ( voir la contribution de M. Laurent Bollinger ci-après ). 8 ( * )

On pouvait craindre qu'un pays qui avait aboli la monarchie et supprimé l'identité hindoue du royaume pour établir une république laïque, aussi récemment qu'en 2008, sombre dans un schéma explicatif accordant aux forces anciennes un pouvoir de destruction manifesté par le séisme. Ce ne fut pas le cas.

Certes, l'ex-roi Gyanendra fit plusieurs apparitions et fut salué par la foule, mais l'attention était alors toute entière portée aux victimes et aux dégâts, dont on découvrait l'étendue et l'étrange géographie. Le séisme avait resserré l'unité du peuple népalais, unanimement frappé par ce malheur national, qu'il ait été vécu en direct ou à travers les médias. Ce vieil homme suffocant de douleur quand un journaliste étranger lui demande de décrire son village ravagé 9 ( * ) , les films de montagnes qui s'écroulent rendus plus terrifiants encore par les lamentations de femmes épouvantées que l'on entend sans les voir 10 ( * ) , les clichés poignants des destructions et des victimes : toutes ces images ont inondé les réseaux sociaux. Elles témoignent de la force des émotions qu'a suscitées le cataclysme et de leur intense circulation au sein de la communauté népalaise. Deux vers qu'un jeune Népalais, Kumar Kancha Rana, a composés et postés sur sa page Facebook après la seconde secousse, le 12 mai 2015, rendent compte, par leur touchante simplicité, de l'immense peine et de l'effroi dans lesquels les népalais ont été plongés.

Bhukampa gayo pheri man târsayo

ankhâbât barbari ansu barsayo

La terre a encore tremblé, effrayant mon âme,

de mes yeux coule un torrent de larmes.

Fig. 5. Villageois de Singla, région de Manaslu, fouillant les décombres de leur habitation.
(c)Asian Development Bank.

Dans la vallée de Katmandou, on vit, sitôt le séisme terminé, la foule se presser vers les ruines et commencer à déblayer les décombres, dans un élan d'entraide qui ne se tarit pas 11 ( * ) . Des files de citoyens font alors la chaîne pour ôter et empiler les briques, avant que les forces de l'ordre ne puissent se consacrer à cette tâche moins urgente que celles qui les appelaient.

Ces dernières, massivement et rapidement déployées, se chargèrent en effet dans un premier temps des actions difficiles de recherche des victimes, aidées par des équipes internationales, et des travaux de déblaiement de grande ampleur. Elles diffusèrent largement les images de leurs interventions et connurent une popularité sans précédent, en particulier la police armée qui avait laissé de sombres souvenirs de l'époque de la Guerre du peuple (1996-2006). L'opinion publique rendit aussi hommage aux fonctionnaires, notamment à l'administration des districts, pour leur efficacité, mais se montra d'emblée critique envers les hommes politiques dont elle déplorait la lenteur de réaction. Elle reprochait à l'Inde d'avoir envoyé des médias et non des équipes de secours, dans certaines régions sinistrées difficiles d'accès, tandis que les interventions de la Chine, y compris celle de l'Armée de libération du peuple sur le sol népalais, furent, en revanche, saluées.

Fig. 6. Les interventions des forces de l'ordre népalaises soulèvent l'enthousiasme
de la population (c)Nepal Armed police

Parallèlement à ces grands moyens, de très nombreuses initiatives individuelles ou associatives répondaient aux appels à l'aide qui affluèrent bientôt des zones rurales situées à l'Est de Katmandou, dans des régions majoritairement peuplées par l'ethnie Tamang, et les médias parlèrent de l'émergence d'une nouvelle génération à la tête de la société civile. On se rendit progressivement compte que le séisme avait suivi, vers l'Est, la ligne de faille sur laquelle son épicentre était situé, ne faisant que très peu de dégâts à son Ouest, tandis que le Népal oriental, et en particulier le district de Sindhupalchowk, pourtant situé à plusieurs dizaines de kilomètres de l'épicentre, payait un très lourd tribut.

Des équipes de jeunes s'y rendirent en nombre, affrétant des jeeps ou des camions, collectant de l'argent et du matériel, par les moyens du bord, pour y apporter des vivres et des bâches, tandis que les hélicoptères des organisations internationales ou des forces armées se mobilisaient pour atteindre les régions inaccessibles et évacuer les personnes en danger.

A ce double mouvement a répondu une double organisation : la coordination de l'État népalais qui chapeautait les forces armées, les fonctionnaires et les organisations étrangères et internationales d'une part, une plate-forme Internet informelle d'autre part, qui centralisait les demandes des villageois et leurs appels à l'aide sur les réseaux sociaux et permettait aux volontaires d'intervenir là où nécessaire. On assista ainsi à de l'aide d'urgence à deux niveaux, mais dont la coordination réciproque, si elle ne fut pas véritablement conflictuelle, posa quelques problèmes au Gouvernement, comme nous allons le voir ( sur l'aide humanitaire, voir la contribution de Mme Sylvie Casiulis ci-après ).

II. DES RUMEURS DONNENT SENS AU DÉSASTRE ET INCITENT À LA PRUDENCE

L'anéantissement des temples hindous a donné lieu à des interprétations du séisme comme la conséquence d'un manquement aux devoirs envers les dieux et suscita des appels à la purification des pratiques. Mais la population vit aussi comme un signe positif le fait que le palais de la Kumari, la Déesse vivante qui protège le pays, était resté intact au sein de l'ensemble très endommagé de Darbar square 12 ( * ) . En revanche, la petite minorité chrétienne qui s'est récemment développée au Népal (pays, où, il faut le rappeler, le prosélytisme est un délit) a été durement frappée, du fait qu'elle assistait à des offices religieux à l'heure du séisme. Plusieurs médias ont évoqué, sans confirmation, un total de 500 chrétiens qui auraient péri. 13 ( * ) Un lien entre leurs pratiques « impures » et la colère des éléments a été évoqué, notamment depuis l'Inde, et des rumeurs de prosélytisme chrétien par les secouristes occidentaux circulèrent. Ces rumeurs n'ont pourtant pas eu de conséquences et ont été attribuées à des fondamentalistes hindous, népalais ou même indiens 14 ( * ) .

Des soupçons d'actions malveillantes ont également concerné l'Inde et le Pakistan. La première fut accusée d'avoir envoyé des jus de fruits empoisonnés (du « Frooti » dont il a été dit qu'il contenait le virus du sida) 15 ( * ) , le second d'avoir fait parvenir de la nourriture contenant du boeuf 16 ( * ) , dans le cadre de l'aide alimentaire aux victimes du séisme.

Toutefois, les rumeurs dont le message a eu le plus d'impact sur la population sont sans conteste celles qui relayaient des prédictions d'un nouveau séisme, d'une magnitude encore supérieure au premier, à telle heure déterminée. Elles ont contribué à alimenter un climat de terreur, mais ont aussi eu pour vertu d'inciter la population à la prudence et à passer la nuit à l'extérieur des habitations.

Fig. 7. Villageois de Singla, région du Manaslu, après le séisme. (c)Asian Development Bank .

De fait, dix-huit jours après le tremblement de terre de Gorkha, alors que la vie commençait à reprendre un cours plus habituel, le Népal fut frappé par une forte réplique.

III. LE SÉISME DU 12 MAI 2015 SUSCITE UNE VAGUE DE FERVEUR RELIGIEUSE

Cette seconde secousse, d'une magnitude de 7,3 et dont l'épicentre était situé dans la région de l'Everest, provoqua 20 fois moins de destructions matérielles et 40 fois moins de victimes que le séisme du 25 avril, mais elle marqua fortement les esprits et plongea le pays dans la terreur d'un séisme plus grand encore, dont les deux premiers ne seraient que les prémices ou « pré-secousses » (« foreshocks » en anglais). D'autant que l'on redoutait alors une période de cataclysmes à l'approche de la mousson. Peu de temps après, le 24 mai, le pays vécut 24 heures de suspense suite à un éboulement de terrain qui bloqua la rivière Kali Gandaki, ce qui, en quelques heures, forma un lac de 150 mètres de profondeur. Les autorités firent évacuer la population en aval, craignant que le barrage ne cède soudainement. La rivière, heureusement, finit par se frayer un chenal 17 ( * ) . Commencèrent alors de vastes déplacements de population, depuis les hameaux menacés par des glissements de terrain, en prévision des pluies de mousson : un total de 13 000 foyers (soient environ 50 à 60 000 personnes) fut concerné par une décision de relocalisation, au moins temporaire, annoncée par le Gouvernement le 4 juillet 18 ( * ) .

Si le premier séisme avait surtout été suivi d'actions d'entraide, celui du 12 mai provoqua une vague de ferveur religieuse qui se manifesta par l'organisation, dans la plupart des grands lieux saints du pays, de cérémonies visant à apaiser la déesse Terre et à faire repentance 19 ( * ) , tandis que les tensions religieuses observées à la suite de la première secousse ne se manifestèrent pas. Une sorte d'unité d'un type différent, religieuse, se manifestait alors, incitant toutes les personnalités, les hommes politiques et les organes de l'État, en particulier l'armée, à organiser des séances publiques de repentance ( kshama puja ) 20 ( * ) .

Plutôt que de blâmer les pratiques des minorités chrétiennes ou musulmanes, on assista à de nombreuses condamnations du sacrifice sanglant, que les hindous ont banni de la plupart des régions de l'Inde, mais qui reste très pratiqué au Népal. Plusieurs vidéos et quantité d'articles avaient en fait circulé dès le 25 avril pour établir un lien direct entre les pratiques sacrificielles et le séisme 21 ( * ) , mais ce n'est qu'après la forte réplique du 12 mai que ce discours fut entendu. En ligne de mire se trouvait la fête de la déesse Gadhimai, qui passe pour être l'occasion du plus grand nombre de sacrifices d'animaux au monde (on parle de 250 000), et dont le sanctuaire est situé au Sud du Népal, à proximité de l'Inde 22 ( * ) .

Alors que la campagne pour la « sanskritisation » 23 ( * ) des pratiques hindoues se poursuivait, la presse rapportait nombre de présages terrifiants, tels que la sueur qui, le 12 juin, suintait de la statue de Nala Bhagwati à Dhulikhel, annonçant de nouveaux malheurs et incitant la population à la repentance 24 ( * ) . On assistait aussi au développement d'une forme de dévotion dans les réseaux sociaux où circulaient des demandes d'avis positifs (« like ») pour nombre de divinités 25 ( * ) .

Enfin, sous la pression des activistes luttant pour l'abolition du sacrifice sanglant, le comité du temple de Gadhimai annonça solennellement le 5 août que la prochaine fête de la déesse, prévue en 2019, ne comporterait aucun sacrifice animal 26 ( * ) . Une décision qui fut cependant critiquée, dès le lendemain, pour avoir été « forcée » par des organisations indiennes et avoir été signée à Delhi 27 ( * ) . Le climat de terreur qui suivit le séisme du 25 avril et sa réplique majeure du 12 mai fut maintenu durant plusieurs mois par la fréquence des répliques de magnitude supérieure à 4, qui se chiffraient à 395 au 20 septembre 2015 28 ( * ) .

IV. BILAN MATÉRIEL ET HUMAIN DU SÉISME DE GORKHA ET DE SA RÉPLIQUE DU 12 MAI 2015

Du fait de la dispersion de l'habitat et des difficultés de déplacement, l'ampleur des dommages dus au séisme ne fut connue que vers la mi-mai.

Le bilan provisoire publié par la police le 19 mai 29 ( * ) fait apparaître que le nombre de victimes (8 271), aussi dramatique qu'il soit, reste faible en regard de l'étendue considérable des destructions matérielles. On compte ainsi une victime pour 57 bâtiments détruits. Ce bilan dresse également un tableau de ceux qui ont perdu la vie : il s'agit, à 55 %, de femmes (un ratio que la migration masculine explique au moins en partie), et, à plus de 25 %, d'enfants âgés de moins de 10 ans, ce qui est sans doute lié à la moindre mobilité des plus petits d'entre eux. Enfin, sans que cela ait pu être confirmé, il a été estimé que 30 % des victimes sont de l'ethnie tamang, ce « peuple indigène » ou Janajati, locuteur d'une langue tibéto-birmane, qui habite les districts les plus touchés ( sur leur condition comme sur celle des autres populations touchées par le séisme, voir la contribution de Mmes Anne de Sales et Katia Buffetrille ).

Si l'on ne prend en compte que les victimes qui ont perdu la vie, critère plus absolu que les blessés, dont la déclaration ou la gravité peuvent être variables, on constate que 85 % des victimes sont recensées dans 6 districts, dont la moitié dans celui de Sindhupalchowk. Le bilan de la police népalaise au 19 mai fait en effet état de 3 369 victimes dans ce district, ce qui représente 41 % du total. Il faut ajouter que cela représente aussi une part non négligeable de la population du district, 1,17 %. Suit Katmandou, avec 1 167 victimes, qui représentent 14 % du nombre total des morts, mais un très faible pourcentage du million d'habitants que compte la municipalité. Les quatre autres districts les plus touchés sont, par ordre d'importance : Nuwakot 909 (11 % des victimes), Dhading 682 (8 %), Rasuwa 551 (6,5 %) et Gorkha 428 (5 %).

Le bilan au 27 mai 2015 diffusé par la police 30 ( * ) offre une description des destructions. Le nombre de bâtiments détruits s'élève à 469 539, dont la très grande majorité (445 066) se sont effondrés lors du séisme du 25 avril, tandis que les destructions causées par la réplique du 12 mai, au nombre de 24 473, sont presque vingt fois moindre (18,2 fois exactement). Il s'agit, pour l'essentiel, de maisons individuelles (452 100, soit 95 % du total), mais aussi d'écoles (4 217), de bâtiments administratifs (1 267), de centres de soins (326), de temples et monuments historiques (726). Le bilan officiel daté du 19 juin est encore plus lourd : il fait état de 505 577 maisons totalement détruites et de 278 907 maisons partiellement endommagées et précise que 117 700 personnes vivent sur des sites où elles se sont spontanément déplacées.

Fig. 9. Carte des 15 districts les plus affectés, au 21 mai - (c)Nepal Police
Nous avons ajouté l'épicentre du séisme principal, en jaune, pour faire ressortir sa diffusion vers l'Est, le long de la faille à l'extrémité de laquelle il était situé, et ses effets dévastateurs dans le district de Sindhupalchowk

Le 3 juin 2015, le Gouvernement annonçait un nouveau bilan de 8 702 victimes et de 22 493 blessés. Ce bilan fait apparaître une répartition très variable des blessés, ainsi que des écarts importants dans le ratio morts/blessés en milieu urbain et rural. Ainsi, pour prendre les deux extrêmes, il est fait état de 17,5 fois plus de blessés que de morts dans la ville de Lalitpur (3 052 blessés pour 174 morts), tandis que le phénomène est inverse dans le district rural de Sindhupalchowk, où l'on compte moitié moins de blessés que de morts (3 440 morts pour 1 571 blessés). Même si les facteurs urbains peuvent expliquer en partie ces disparités, on ne peut s'empêcher de penser qu'elles sont aussi liées, en partie, à une moindre déclaration des blessures dans les campagnes. Ainsi, la présentation des districts en nombre de victimes, morts et blessés confondus, ainsi que la prise en compte de chiffres absolus, et non relatifs à la densité de population, dans la carte dressée par le UNHCR, offre un tableau contestable des lieux les plus affectés ( voir fig. 10 ).


Fig. 10. Carte synthétique montrant l'épicentre du séisme et de ses répliques,
leur répartition dans le temps, ainsi que le nombre de victimes par district. Source : UNHCR.

Ce macabre décompte a toute son importance dans le contexte de la reconstruction du pays, dont on ignore encore les modalités exactes, si ce n'est que le Gouvernement a fait savoir qu'il traiterait de manière égalitaire l'ensemble de la population, et a d'ores et déjà octroyé des compensations par victime et par maisonnée, sans considération pour le lieu ou le type d'habitat. Toutefois, des aides supplémentaires, sous forme de crédit, profiteront avant tout aux populations urbaines, car elles seules ont les moyens d'y avoir recours ( pour le détail de l'aide, voir la contribution de Mme Sylvie Casiulis ). Comme cette question des compensations l'indique, l'après-séisme a mis de manière soudaine le Gouvernement sur la sellette.

V. LE SÉISME SECOUE LE GOUVERNEMENT

Une fois l'opération de recherche et de secours des victimes terminée, deux grandes tendances virent jour au Népal. L'une, néo-libérale, était portée par la société civile. Elle soutenait que l'aide aux populations sinistrées et la reconstruction du Népal ne pouvaient être pilotées par les hommes politiques, qu'elle accusait de corruption et d'inefficacité. L'autre, portée par le Gouvernement et les partis politiques, faisait valoir que seul le Gouvernement avait les moyens de coordonner l'aide aux victimes de manière juste et de piloter un vaste programme de reconstruction. Elle dénonçait l'anarchie des actions dispersées émanant de la société civile, ainsi que la part importante que représentent les salaires et les déplacements des experts dans les organismes internationaux d'aide humanitaire.

Et, comme pour répondre aux accusations d'inaction, les partis politiques s'employèrent à mobiliser leurs adhérents de manière massive dans des opérations de secours. Les personnalités politiques, accompagnées de leurs photographes, firent la publicité de leurs actions, ce qui n'alla pas sans critique de la part de la société civile, qui s'érigeait comme une sorte de contre-pouvoir. Cette tension fut exacerbée par deux « coups de poing » successifs du Gouvernement, relatifs au contrôle de l'aide humanitaire, puis à la promulgation de la Constitution.

Tout d'abord, une série de mesures visant au strict contrôle de l'aide humanitaire fut annoncée par le Gouvernement au début du mois de mai. Elles stipulaient que toute opération menée sur le territoire népalais devait dorénavant être préalablement soumise pour validation aux instances gouvernementales, que seules les associations créées avant le séisme auraient la possibilité de mener des actions au Népal et que de nouveaux orphelinats ou résidences pour enfants ne pourront y être créés. Enfin, il était question que l'ensemble des fonds destinés à l'aide humanitaire venant de l'étranger soient versés au fonds du Premier Ministre 31 ( * ) .

Cette soudaine annonce de durcissement dans le domaine humanitaire a provoqué une salve de réactions et des démentis, aboutissant à des assouplissements. Mais ces questions allaient bientôt être totalement éclipsées suite à la volonté gouvernementale d'avancer rapidement sur la question épineuse de la Constitution, dans ce pays qui en est dépourvu depuis 2007 (date de promulgation d'une Constitution intérimaire). Cette volonté se concrétisa, le 9 juin, par un accord historique entre les quatre principaux partis politiques. La population s'est pour partie félicitée de cette entente, après de si longues années d'attente (voir fig. 11) , elle en critiqua aussi d'emblée le caractère confidentiel et précipité.

Fig. 11. Chronologie de la vie politique au Népal depuis le lancement de la Guerre du peuple en février 1996 jusqu'à la promulgation de la Constitution le 20 septembre 2015. Les différents partis cités sont : le Congrès népalais (dit « Congress ») ; le parti communiste du Népal (Marxiste-léniniste Unifié), dit « UML »; le parti conservateur (dit « Raprapa »), le parti communiste du Népal (Maoïste), dit CPN(M)). SPA : alliance des sept principaux partis avec le parti maoïste ; AC : Assemblée constituante .

L'accord en 16 points du 9 juin 2015 entre les représentants des quatre principaux partis politiques réunis dans une villa - le Nepali Congress , l'UML, le parti maoïste (UCPN) et le Madheshi Janadhikar Forum - définissait la forme du futur gouvernement et fixait la date de promulgation de la Constitution au 16 juillet. Le texte prévoit que les institutions comprendront un parlement fédéral bicaméral incluant la Chambre des représentants (dont les membres seront élus par un système mixte) et l'Assemblée nationale (dont la plupart des membres seront élus dans les provinces), ainsi qu'une Assemblée provinciale unicamérale. Sera élu Premier Ministre le chef du parti majoritaire à la Chambre des représentants, tandis que le Président sera élu par les membres du parlement fédéral et l'Assemblée provinciale.

Cette partie de l'accord ne fut pas l'objet de critique. En revanche, l'annonce que le Népal aurait huit provinces, sans que celles-ci soient nommées ou définies géographiquement, enflamma les esprits.

A peine conclu, l'accord fut ainsi jugé anticonstitutionnel par la Cour suprême, car il ne respectait pas plusieurs points de la Constitution intérimaire de 2007, notamment l'Article 138 (1a) qui précise que « les frontières, le nombre, les noms et les structures » des provinces doivent être déterminés par l'Assemblée constituante.

Passant outre la décision de la Cour, un premier projet de constitution fut diffusé au début du mois de juillet, puis révisé le 9 août 2015, sous la pression de nombreuses sections de la société. Parmi elles, les femmes, mécontentes des mesures discriminatoires relatives à la transmission de la citoyenneté 32 ( * ) ; les minorités religieuses, qui s'inquiétaient de l'absence du terme « séculier » dans le préambule 33 ( * ) , tandis que des groupes hindous manifestaient pour que le Népal retrouve son identité religieuse hindoue ; les peuples indigènes (ou Janajati), qui ne voyaient pas leur groupe représenté comme ils l'entendaient : les Limbu, par exemple, dont le territoire était incorporé dans une vaste province, tandis que les Magar estimaient à l'inverse que leur territoire était scindé. Mais la révolte émana principalement des Madheshi et des Tharu, ces habitants de la plaine du Teraï qui voyaient leur « territoire » fractionné entre plusieurs provinces dans la carte de la future république fédérale et, en ce qui concerne une partie du Teraï occidental, rattaché à une province incluant des districts de montagne.

En effet, la première version de la Constitution présentait le tracé de six provinces, délimitées de sorte qu'elles aient toutes accès à la frontière méridionale avec l'Inde, qui fait office de mer pour le Népal, tant les transports aux autres frontières sont limités, pour les marchandises comme pour les hommes. Ces différents accès, nécessaires à la viabilité économique des provinces de montagnes, entraînaient le morcellement de la plaine que les Madheshi et le groupe ethnique des Tharu revendiquent comme leur territoire. Mais les enjeux ne sont pas seulement économiques. Ainsi, faisant fi de ce souci, les habitants de la région de la Karnali, située au nord ouest du Népal, protestèrent en faveur de la création d'une septième province. Ils reçurent satisfaction le 21 août, avec la subdivision de la sixième province en deux, ce qui créait un territoire enclavé et brisait la logique d'ensemble 34 ( * ) . Alors commença, au Sud de la province tronquée, le soulèvement de l'ethnie Tharu, qui culmina le 24 août en des affrontements meurtriers avec les forces de l'ordre, dans la ville de Tikapur, district de Kailali, et lors desquels on déplora la mort de plusieurs policiers causée par des activistes Tharu 35 ( * ) . L'armée fut envoyée sur place et un couvre-feu instauré. Mais les protestations se répandirent un peu partout dans la plaine du Teraï et furent brutalement réprimées par les forces de l'ordre, causant environ 40 morts.

Fig. 12. Carte du Népal fédéral, comprenant sept provinces numérotées de 1 à 7 d'Est en Ouest. Source : www.khabardabali.com. Les mécontentements émanent surtout de la province 2 (en rose), qui revendique un plus vaste territoire, incluant les trois districts situés à l'Est : Sunsari, Morang et Jhapa, et de la province 7 (en marron) où la population des plaines a le sentiment d'être noyée dans la masse et souhaite son rattachement à la province voisine (la 5, en vert).

Depuis le début du mois de septembre, la population du Teraï est maintenue sous contrôle par un couvre-feu et les chefs du soulèvement sont arrêtés. Et c'est dans ces circonstances que le Gouvernement a cru bon d'annoncer la promulgation de la Constitution le 20 septembre après le vote de ses articles par l'Assemblée constituante à partir du 18 septembre.

Le contenu du texte sera considéré comme conservateur, notamment du fait qu'il maintient une inégalité entre les hommes et les femmes, relative à la transmission de la citoyenneté 36 ( * ) et qu'il propose un sécularisme qui ne tolère pas la conversion d'autrui 37 ( * ) . Cependant, c'est bien la question identitaire qui a représenté l'obstacle majeur à son acceptation par l'ensemble de la population.

Rien de plus symbolique, à cet égard, que le jour de la promulgation de la Constitution, le 20 septembre 2015, où le profond clivage de la société népalaise se donnait à voir : l'ensemble du Teraï, toujours sous le contrôle des forces de l'ordre, manifestait son opposition par une restriction de toutes les lumières 38 ( * ) , tandis que les populations des montagnes, en particulier dans les centres urbains de Katmandou et de Pokhara, célébraient l'événement en allumant des bougies et en tirant des feux d'artifice, faisant apparaître deux faces du pays, l'une plongée dans les ténèbres, l'autre dans la lumière.

Depuis l'accord du 9 juin et la publication du projet de Constitution, les victimes et les dégâts du séisme sont ainsi littéralement passés au second plan des préoccupations gouvernementales. L'échiquier politique, qui avait opposé l'ensemble des partis au souverain d'octobre 2005 à avril 2006, puis le parti maoïste aux autres partis (depuis la démission du roi en avril 2006 jusqu'à 2015), semble s'être reconfiguré en une tension entre les quatre grands partis d'une part et un ensemble hétérogène de groupuscules politiques, régionalistes et ethniques, d'intellectuels, d'associations, ainsi que les groupes de population du Sud, Madheshi et Tharu. Avec eux, l'échiquier déborde les frontières du pays, car ils sont hindiphones et habitent des deux côtés de la frontière méridionale séparant le Népal et l'Inde. Ils sont ainsi étroitement liés à ce puissant pays, dont le Népal n'a de cesse de s'émanciper. De ce fait, ils occupent au Népal une position inconfortable, à la fois comme dominés, mais aussi comme représentants d'un État tout-puissant, et vus comme un danger.

Ce paradoxe prendra toute son ampleur quand l'Inde plaidera en faveur d'un amendement de la Constitution pour répondre aux demandes des Madheshi, au lendemain de la promulgation de la Constitution : la démarche, perçue comme de l'ingérence, suscitera un fort repli nationaliste de la population népalaise, au détriment des Madheshi.

Ainsi, si on avait pu espérer que le consensus entre les principaux partis politiques, y compris le parti maoïste, allait enfin permettre au Népal de procéder à la reconstruction du pays de manière globale, c'est-à-dire politique et matérielle, la situation créée par le texte de la Constitution fait malheureusement craindre de nouveaux délais et de nouvelles violences dans le Teraï. Cela retardera encore l'effort de reconstruction, dont les médias ont montré à quel point il s'est avéré limité jusqu'à présent 39 ( * ) .

La priorité que le gouvernement népalais a accordée à la Constitution au détriment de la reconstruction constitue le point le plus énigmatique de sa politique durant les premiers mois qui ont suivi le séisme. Une fois l'urgence passée, les populations ont tout simplement été laissées pour compte sous leurs bâches par leur gouvernement, qui considéra qu'il était plus urgent de s'occuper de la reconstruction de l'État. Cette surprenante décision est attribuée aux ambitions politiques de quelques dirigeants par certains, mais un problème relatif à la nomination du chef du projet de reconstruction par le Premier Ministre, contestée par les deux autres principaux partis au pouvoir (l'UML et le parti Maoïste), est également évoqué. Il a en effet été prévu que ce poste, actuellement vacant, soit attribué par le Premier Ministre du nouveau gouvernement qui doit être formé une semaine après la promulgation de la Constitution. J'ajouterais enfin que les dirigeants politiques ont sans doute pensé que la période de l'après-séisme était opportune pour faire passer de grandes réformes, en considérant que l'unité nationale créée par la catastrophe prendrait le pas sur les intérêts divergents des différents groupes composant la nation.

Malheureusement, les choses ne se sont pas passées ainsi et le cadre juridique dont le pays s'est doté a ouvert une brèche vers un conflit potentiellement dangereux : celui d'une partition du Népal, qui ne pourra être résolu que par des amendements à la nouvelle Constitution.

PARTIE II - LE SÉISME DU 25 AVRIL 2015 ET SES RÉPLIQUES : QUELS ENSEIGNEMENTS POUR LA SISMICITÉ HISTORIQUE EN HIMALAYA ? QUELLES IMPLICATIONS POUR LA SISMICITÉ A VENIR ?

M. Laurent BOLLINGER, ingénieur-chercheur au
"Laboratoire Etudes Géophysiques et Aléas", CEA

I. COLLABORATION FRANCO-NEPALAISE EN SISMOLOGIE

La collaboration franco-népalaise en sismologie a démarré par l'installation d'une première station sismologique à la fin des années 70 à Phulchoki, au sud de Katmandou. D'autres s'y sont ajoutées dans les années 80 et 90, pour former un réseau, qui est actuellement en cours de régénération. 19 des 21 stations que compte le réseau national sismologique du Népal ont enregistré le séisme du 25 avril et ses répliques. L'objectif des sismologues du National Seismological Centre (NSC) est de maintenir une alerte pour les séismes de magnitude supérieure à 4 et de diffuser cette alerte, en l'accompagnant d'une localisation et de la magnitude du séisme aux autorités et aux médias népalais.

Fig. 1. Réseau sismologique national népalais (Département des Mines et de Géologie du Népal, DMG). Ce réseau de 21 stations a été déployé dans le cadre d'une collaboration franco-népalaise entre le DASE, département Analyse et Surveillance Environnement du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), et le DMG. La première station a été ouverte en 1978 ; il y avait cinq stations en 1985 (dont Gorkha). Mi-1990, le réseau national comprenait 20 stations télémétrées. Modernisation 2014-2017 (8 stations numériques installées en novembre 2014 dans l'Ouest du Népal).

II. CONTEXTE SISMOTECTONIQUE

L'Inde converge vers l'Eurasie à une vitesse d'environ 4 cm/an, la moitié de cette convergence s'opérant au travers de l'Himalaya, tout le long des 2 500 kilomètres de la chaîne. Le raccourcissement s'observe essentiellement au bord de la plaque Inde sur une très grande faille chevauchante appelée « chevauchement principal himalayen ( Main Himalayan Thrust ou MHT ) ». Ce grand chevauchement glisse en permanence à 2 cm/an sur sa partie inférieure (représentée en pointillés noirs sur la fig. 2), tandis que sa partie supérieure est complètement verrouillée pendant la période qui sépare les forts séismes. Ces derniers ont lieu lors de la rupture partielle ou totale de la partie supérieure de la faille.


Fig. 2. Coupe Sud-Nord au travers de l'Himalaya du Népal. Le grand chevauchement himalayen (MHT) est la faille en limite de plaque Inde, représenté par le trait pointillé noir, sur lequel viennent se brancher des segments de failles (MFT, MBT) qui émergent en surface.

III. SISMICITÉ HISTORIQUE

On disposait, avant le séisme de Gorkha, d'un certain nombre de connaissances sur le cycle sismique et les forts séismes au Népal, notamment par les observations lors du séisme de magnitude 8,2-8,4 qui a dévasté l'Est du Népal en 1934. Bien décrit par M. Brahma Sumsher Rana, un général népalais qui en a documenté les dévastations avec des équipes de terrain, dans l'Est du Népal et la vallée de Katmandou, ce séisme a également été l'un des premiers séismes instrumentaux himalayens de l'Histoire. Si le tout premier d'entre eux est celui de 1897, dans le district de Shillong, suivi de celui de 1905, les instruments sismologiques étaient plus nombreux et plus modernes en 1934 et l'épicentre instrumental du choc principal ainsi que celui de certaines répliques ont pu être localisés (l'étoile rouge au Sud de l'Everest sur la Fig. 3 matérialise l'épicentre du choc principal) et confrontés à sa zone macrosismique mésosismale, ou région de dévastation ( Fig. 4 ).

Fig. 3. Localisation des séismes historiques en Himalaya. Le segment « a-a ' correspond au trait de coupe de la fig. 2.

Fig. 4. Epicentre (étoile rouge) et zone mésosismale du séisme de 1934, les cercles colorés correspondent aux sites où les effets du séisme ont été consignés. Le trait gras rouge au front de la topographie matérialise la trace de surface de segments de faille active le long desquels des escarpements sismiques peu érodés ont été retrouvés. Le rectangle noir encadrant le segment le plus occidental localise l'emprise de la fig. 5.

Des séismes antérieurs, tels que celui de 1866 ou encore de 1833 (bien décrit par le chirurgien britannique J. Campbell, en poste au Népal), sont mentionnés dans des documents historiques. La chronique Gopala Raj Vamshavali en rapporte de beaucoup plus anciens, tels que le très fort séisme de 1344, qui provoqua la mort du roi Hari Malla ; celui de 1255, lors duquel le roi Abhaya Malla et un tiers des habitants de la vallée de Katmandou périrent ; ou encore celui de 1223.

Ces informations, sur lesquelles l'historien et sanskritiste Mahes Raj Pant a travaillé, nous sont précieuses pour essayer de connaître la position des forts séismes sur la faille et leur temps de retour, mais les témoignages, surtout les plus anciens, parce qu'ils sont ponctuels, ne permettent généralement pas d'associer un séisme à un segment de faille donné. Aussi, la nécessité d'investir en paléosismologie s'est fait sentir. Un travail collaboratif dans ce domaine a donc été entrepris entre le CEA/DASE, l' Earth Observatory de Singapour, l'Institut de Physique du Globe de Paris et le Département des Mines et de Géologie du Népal.

Une étude paléosismologique nous a permis de remonter dans l'histoire des très forts séismes qui propagent le glissement profond du MHT jusqu'en surface, sur une période de 5000 ans, dans l'Est du Népal. Nous avons fait des levés de terrain le long de la faille la plus frontale, sur la trace de dévastation du séisme de 1934. Cette faille est composée de plusieurs petits segments de faille relativement complexes. Dans cette région, plusieurs générations de terrasses alluviales dans les deux compartiments de la faille permettent de documenter l'histoire de la rivière, le transport de sédiments, leur incision, puis l'abandon de ses terrasses alluviales pendant des épisodes climatiques mais aussi tectoniques et sismiques. Il s'y trouve aussi des reliques d'escarpement sismiques bien préservées laissant supposer qu'il s'agit d'une rupture de surface relativement récente.


Fig. 5. Levés de terrains le long de la faille la plus frontale (Main Frontal Thrust) dans la trace de la région la plus dévastée en 1934. Cette faille est composée de plusieurs segments de faille active en échelon, représentés en rouge (e.g. les chevauchements de Bardibas et Patu).


Fig. 6. Plusieurs générations de terrasses alluviales abandonnées, le long de la rivière Sir, dans les deux compartiments de la faille. Des reliques d'escarpements sismiques bien préservés sont présentes au pied de la topographie, au droit des flèches blanches
.

Une tranchée a été taillée le long d'un escarpement sismique de 30 mètres incisé par une rivière (fig. 7). L'escarpement est affecté par plusieurs grandes failles : l'une qui arrive à mi-pente, l'autre, au front, qui met en contact anormal des roches Siwalik, des grès qui ont plusieurs millions d'années, sur des sédiments de rivière très récents (fig. 8).


Fig. 7. Escarpement sismique de 30 m incisé par la rivière Sir. Une des tranchées paléosismiques excavée en 2008 à des fins d'étude de la rupture sismique est visible à droite de la rivière. Cette tranchée faisait 43 m de long et 5 mètres de profondeur


Fig. 8. L'escarpement sismique est affecté par plusieurs failles qui se branchent en profondeur sur la faille principale

Sur la faille médiane de l'escarpement, on voit ces roches Siwalik qui chevauchent d'autres roches Siwalik, mais aussi des sédiments récents, des graviers de rivière qui ont pu être datés, qui sont perchés tout en haut de la faille, coincés dessous. A l'avant du système, des roches anciennes chevauchent des niveaux de galets, de graviers et de sable de la rivière, et les rebroussent même, permettant de caractériser le glissement sur la faille la plus frontale.

Fig. 9. Sir Khola, front de l'escarpement. Levé de la partie la plus frontale le long de la rivière. Un très jeune charbon de bois pré-date le dernier événement sur la faille (Unité U3f dans le compartiment chevauché), un résultat corroboré par les âges obtenus dans le compartiment chevauchant (U3) dans des sédiments déposés par la rivière et abandonnés lors du soulèvement de ce compartiment.

Le levé de la partie la plus frontale a permis de prélever des charbons de bois détritiques qui ont rendu possible la datation du dépôt des couches de sédiments coincées sous la faille et permis de démontrer que cette faille était responsable du fort séisme de 1934.


Fig. 10. Sir Khola. Mur Ouest de la tranchée paléosismique présente sur la figure 7.

Cette étude a été complétée par des études géophysiques sur de l'imagerie de surface pour avoir accès à la géométrie de la faille en profondeur et traduire en glissement les soulèvements apparents documentés dans le compartiment chevauchant de la faille. Cela a permis de déterminer le glissement qui a eu lieu lors du séisme de 1934, qui était de 8 à 12 mètres au niveau de ce site. Ces études ont demandé cinq années d'investissement et de nombreux autres séismes, sur lesquels nous avons moins d'informations sur les segments de faille à la rupture potentielle, devraient être ainsi documentés.

Nous avons démontré, dans la trace du séisme de 1934, que cet épisode avait été précédé d'un autre séisme, en 1255, qui avait rompu la même faille quelque 700 ans auparavant.

IV. LE SÉISME DE GORKHA, 25 AVRIL 2015

L'épicentre du séisme du 25 avril 2015 a été localisé à 80 kilomètres au Nord-Ouest de Katmandou, dans un petit village situé au nord de Gorkha, dans le district de Lamjung.

La rupture s'est propagée vers l'Est, à une vitesse d'environ 2,5 km/s. Les premières estimations permettent d'estimer à environ 3-4 mètres le glissement moyen sur le plan de faille. La rupture ne s'est pas propagée jusqu'en surface, mais seulement à mi-distance du front, sur le grand chevauchement himalayen. Cet événement a soulevé le Nord du bassin de Katmandou de près d'1 mètre (Fig. 11) et provoqué une subsidence de près d'1 mètre au niveau de Langtang, dans la chaîne.

Fig. 11. Déplacement permanent vertical du sol, conséquence
du séisme du 25 avril 2015, d'après des observations satellite

Ce fort séisme a été enregistré dans la ville de Katmandou par des stations accélérométriques, qui permettent de documenter la réponse du bassin de Katmandou. Les enregistrements montrent que le choc principal a sollicité très fortement le bâtiment du NSC pendant 40 secondes et présentent un pic à 0,25 hertz avec une réponse circulaire et des déplacements de l'ordre du mètre.

Suite au fort séisme, de nombreuses répliques ont été enregistrées par le réseau national népalais. La plupart se localisent à proximité de l'essaim de sismicité permanent représenté ci-après.

Fig. 12. Séismes de magnitude >4, période 1995-2015 avec les épicentres de ces séismes sur
la période 1995-2015 et les répliques du séisme du 25 avril pendant une période d'un mois

On voit sur la carte (fig. 12) que les répliques viennent buter sur l'extension de la rupture du séisme de 1934, matérialisée par le polygone bleu (zone principale de dévastation) et le grand rectangle noir sur la droite de la figure (extension de la rupture profonde présumée, projetée sur la surface). Ces répliques se localisent dans une région qui a été touchée lors du fort séisme de 1833. Près de 3 000 répliques ont été localisées par le NSC, dont 300 d'une magnitude supérieure à 4. Cela est à comparer avec les cinq séismes de magnitude supérieure à 4 par an dans la zone affectée par la rupture, enregistrés par le réseau national depuis une vingtaine d'années. La carte montre également que dans les jours qui ont suivi le fort séisme du 25 avril, beaucoup de répliques, couvrent la totalité de la zone qui a rompu. De très fortes répliques, de magnitude de 5 à 6, ont suivi le choc principal. Puis, une dizaine de jours plus tard, la sismicité se concentre dans l'Est du Népal, tout en se poursuivant dans la zone épicentrale, suite à l'occurrence du séisme du 12 mai, qui rompt un segment de faille d'une trentaine de kilomètres, situé à l'Est du segment rompu lors du séisme principal.

V. CONCLUSION

Pour conclure, les répliques du premier mois qui a suivi le séisme de Gorkha (plus de 3 000 ont été étudiées, dont plus de 300 de magnitude supérieure à 4) ont été localisées dans la trace de la rupture d'un séisme principal qui a rompu un segment de faille de 120 kilomètres de long, sur une quarantaine de kilomètres de large. La rupture s'est arrêtée à proximité de l'extension de la rupture du fort séisme de 1934, à l'Est, et ne s'est pas propagée jusqu'en surface. C'est très probablement ce qui s'est produit lors du séisme de 1833.

Les très bonnes observations qui ont été faites lors de cette crise vont sans doute permettre de réinterpréter le séisme de 1833, qui avait été, par ailleurs, assez bien documenté à l'époque. Elles vont aussi permettre de faire un meilleur bilan du glissement profond et des ruptures au 19 e siècle, ainsi que de réinterpréter certains témoignages anciens.

De plus, on peut s'attendre à ce que dans les mois qui viennent, de nouveaux chantiers paléosismologiques soient ouverts au front de la chaîne pour essayer de comprendre comment le glissement profond est accommodé jusqu'en surface dans la trace du séisme de Gorkha, au cours des derniers siècles, afin de mieux évaluer la quantité de glissement dissipée par les séismes et de réévaluer le potentiel sismique de la faille.

PARTIE III - L'AIDE HUMANITAIRE DE L'APRÈS-SÉISME : INITIATIVES PRIVÉES, ORGANISATIONS NATIONALES ET INTERNATIONALES, ACTIONS DE L'ÉTAT

Mme Sylvie CASIULIS, professionnelle du développement

Le 25 avril 2015, à 11h56, alors que chacun vaque à ses activités, un séisme de magnitude 7,8 sur l'échelle de Richter secoue le Népal. Les Népalais sont habitués à ressentir régulièrement des secousses de petite amplitude, mais cette fois ci, tout le monde est sous le choc. Nous savons qu'il s'agit d'un « gros », peut-être même du « big one » que tout le monde attendait.

Dans les premières minutes, en fonction de l'endroit où ils se trouvent, les gens prennent plus ou moins la mesure de la gravité de la situation. Ceux qui étaient à Patan, à Basantapur, à Bhaktapur, dans les centres historiques de la vallée de Katmandou ont vu les temples s'effondrer devant eux. Dans d'autres quartiers, peu de dégâts matériels sont à déplorer. Nous savons juste que « celui-là était vraiment fort », assez fort pour nous déséquilibrer dans notre fuite.

Les premières répliques sont fortes aussi. Pendant deux heures, elles seront régulières. A chaque nouvelle secousse, on voit les bâtiments trembler, le sol onduler, les enseignes, les briques et les réservoirs d'eau chuter.

Personne ne se risque à retourner à l'intérieur des bâtiments. Contrairement au séisme de 2009 dont l'épicentre était au Sikkim et qui avait été fortement ressenti à Katmandou, les populations adoptent les « bons réflexes ». Les programmes de prévention conduits par le gouvernement du Népal et diverses organisations nationales et internationales ont porté leurs fruits.

Cet évènement sonnera le début d'une véritable catastrophe humanitaire et nous savons tous que la tâche va s'avérer longue et difficile.

I. LES PREMIÈRES 48 HEURES

A. SITUATION GÉNÉRALE

1. Les premières nouvelles, le rôle des médias

Les radios nationales et locales diffusent des nouvelles dès la première heure suivant le séisme. Nous apprenons qu'un des symboles de la capitale, la tour de Sundhara, s'est effondrée ; que les temples des trois centres historiques de la vallée, Basantapur, Patan et Bhaktapur, ont été sévèrement touchés. Progressivement, les nouvelles sismologiques sont diffusées, magnitude, épicentre, profondeur... Les médias joueront un rôle essentiel dans la diffusion d'informations relatives à la sécurité des populations touchées : rester dehors, dormir à l'extérieur etc.

Il n'y aura pas d'interruption dans la publication des grands quotidiens nationaux, qui constitueront une source d'information précieuse pour les acteurs de l'aide humanitaire.

2. Les rumeurs

Le traumatisme est sévère. Il est accentué par le rythme fréquent de répliques plus ou moins fortes. Les rumeurs les plus folles vont commencer à circuler. Certaines d'entre elles annoncent l'heure et l'amplitude des prochaines répliques : « entre 21 h 00 et 21 h 30, il y aura une réplique de 9 sur l'échelle de Richter », « aujourd'hui, vers 14 h 00 une réplique plus grosse que la première secousse frappera Katmandou »...

D'autres rumeurs suivront : le tigre du zoo de la capitale s'est échappé ; la lune s'est retournée annonçant une apocalypse proche ; les entrailles de la Terre vont s'ouvrir et laisser s'échapper des flux de lave brûlante... Ces rumeurs vont accentuer la peur de populations parfois peu éduquées et déjà fortement traumatisées.

a) Communications

Pendant 48 heures, les réseaux téléphoniques demeureront extrêmement perturbés. Ils seront rapidement rétablis dans la vallée de Katmandou. Internet, quant à lui, fonctionne presque normalement dans la capitale et les réseaux sociaux joueront un rôle essentiel pour prendre des nouvelles des proches.

En milieu rural, l'absence totale de moyens de communication pendant plusieurs jours constituera non seulement une forte entrave au déploiement de l'aide humanitaire, mais aussi un facteur de stress supplémentaire pour les citadins ayant des proches vivant dans les villages les plus touchés.

b) Electricité

L'électricité sera rétablie dans la vallée 36 heures après la première secousse. Dans certains districts, cela prendra plusieurs semaines.

c) Axes routiers, mouvements véhiculaires

Plusieurs axes routiers majeurs ont été endommagés. De nombreux glissements de terrains provoqués par le séisme et les répliques qui l'ont suivi ont totalement paralysé l'accès à certains villages. Dans la vallée de Katmandou, les mouvements de véhicules sont extrêmement restreints. Les populations donnent priorité à leur sécurité physique, tout déplacement inutile ou jugé non indispensable est proscrit.

d) Commerces/Accès aux biens de première nécessité

Katmandou est en état de « ville morte » : mouvements de véhicules quasi nuls, commerces fermés. Il n'y a néanmoins pas de pénurie d'eau potable, de gaz, de riz, de lentilles et autres biens de première nécessité.

B. LES PRIORITÉS

1. Obtenir des nouvelles de ses proches

La priorité absolue est d'obtenir des nouvelles de ses proches. Il est important de souligner qu'une grande partie des habitants de Katmandou sont originaires des campagnes, et pour beaucoup d'entre eux, des districts les plus affectés par le tremblement de terre.

Les réseaux téléphoniques ne fonctionnant pas, ou très peu, ce sont les médias qui serviront de support d'information concernant les districts, les communes et les endroits les plus touchés. Les hôpitaux dans lesquels les morts et les blessés sont évacués servent aussi de plateforme d'information.

Les populations locales resteront parfois dans l'incertitude pendant plusieurs jours.

a) Évaluer les dégâts matériels et humains par zone géographique

Il est essentiel d'obtenir le plus d'informations possible sur la situation dans les districts. L'absence de réseau téléphonique va compliquer cette tâche et les informations arriveront au « compte-goutte » dans les jours suivants le séisme.

Seules les missions par hélicoptère permettront de collecter quelques informations sur l'étendue des pertes humaines et matérielles en milieu rural.

b) Installer des camps pour les populations locales et les déplacés internes

Alors que les répliques sont fréquentes (dont une de magnitude 6,3 le dimanche 26 avril vers 13 heures), la priorité des populations est d'abord de trouver un endroit en plein air et de quoi s'abriter (bâches, tentes) pour passer la nuit.

De plus, des dizaines de milliers de réfugiés, déplacés par le séisme, vont commencer à affluer vers la capitale, fuyant des villages détruits et se protégeant des potentiels glissements de terrain consécutifs à la fragilisation des versants de montagne par les secousses.

Fig. 1. Abris temporaires installés à Katmandou, 8 mai 2015. (c)Asian Development Bank.

c) Évacuer les corps et les blessés vers les hôpitaux

Les corps et les blessés vont être évacués vers les hôpitaux. Les corps doivent être identifiés et incinérés au plus vite pour éviter tout risque de propagation de bactéries. Dans les centres urbains, l'évacuation reste « simple », mais dans les villages reculés,  la situation est bien plus complexe, d'autant que certains hôpitaux ont aussi été détruits ou sérieusement endommagés.

d) Incinérer les corps des victimes pour éviter les risques d'épidémie

Les sites religieux bouddhistes ou hindous n'ont pas la capacité d'absorber les besoins en termes d'incinération des corps et le Gouvernement du Népal va créer des zones temporaires de crémations collectives.

e) Rétablir le réseau téléphonique, l'électricité et les axes routiers

Le séisme a endommagé les réseaux téléphoniques, électriques et certaines routes ont été complètement ensevelies par des glissements de terrain.

Fig. 2. Un village du district de Dhading, détruit par le séisme du 25 avril 2015.(c) ACTED 2015.

C. ACTIONS GOUVERNEMENTALES

1. Le Gouvernement central

Le Gouvernement du Népal va intervenir de façon immédiate au travers des actions suivantes :

ï déclaration de l'état d'urgence ;

ï déploiement des forces de l'ordre ;

ï lancement d'un appel à l'aide internationale ;

ï réquisition de tous les hélicoptères des compagnies privées pour les opérations de secours ;

ï évacuation des blessés les plus graves et des touristes des villages isolés vers la capitale ;

ï gratuité des soins dans les hôpitaux publics ;

ï ouverture de lieux publics pour l'installation de camps ;

ï destruction ou mise en place de « zones rouges » autour des bâtiments présentant un danger immédiat pour les populations ;

ï rétablissement rapide de l'électricité à Katmandou ;

ï rétablissement des connexions téléphoniques à Katmandou ;

ï gratuité des communications pendant plus de 8 jours depuis le réseau GSM d'Etat ( Nepal Tele Communication ).

2. L'armée

Quelques minutes seulement après la première secousse, les premiers hélicoptères de l'armée survolent la capitale. L'armée a été formée et entraînée pour pouvoir réagir en cas de tremblement de terre. Selon la loi népalaise, les bataillons peuvent prendre leur propre contrôle pour intervenir dans les districts dans lesquels ils sont postés sans devoir attendre les ordres et les instructions du ministère de la Défense.

L'armée est immédiatement déployée et va jouer un rôle crucial dans les secteurs suivants :

ï déblayage des sites endommagés ;

ï évacuation des morts et des blessés vers les hôpitaux ;

ï sécurisation des alentours des bâtiments les plus endommagés ;

ï patrouilles héliportées dans les villages reculés ;

ï évaluation des dégâts causés par le séisme ;

ï rapatriement des blessés les plus graves des villages vers les centres hospitaliers urbains ;

ï maintien de la sécurité dans les hôpitaux pour gérer l'afflux de patients et les chambres mortuaires ;

ï aide à l'installation des camps pour les populations et les déplacés internes ;

ï approvisionnement en eau potable de ces campements ;

ï livraison de biens de première nécessité dans les zones rurales affectées.

3. La police

La police est elle aussi déployée immédiatement avec comme responsabilités principales :

ï le maintien de la sécurité dans les « camps » ;

ï la création de « comptoirs d'information » dans les hôpitaux pour les familles à la recherche de nouvelles de proches disparus ;

ï la mise en place de procédures d'urgence simplifiées pour l'évacuation des corps identifiés vers les sites d'incinération ;

ï l'organisation de patrouilles dans la ville pour éviter les pillages ;

ï la tenue des registres consignant l'identité des morts et des blessés.

4. La mobilisation des institutions déjà sur place

La mobilisation des organisations nationales et internationales est immédiate. Ce sont d'abord les organisations médicales que l'on voit circuler dans la ville. Elles apportent des soins de première urgence aux blessés et prêtent main forte aux personnels hospitaliers. D'autres s'impliquent dans la distribution de biens de première nécessité et aident à l'installation des camps.

Dans les 72 heures qui suivront le séisme, et avant l'arrivée de l'aide internationale, les ONG qui ont déjà des équipes et des projets au Népal vont mobiliser toutes leurs ressources humaines et financières pour apporter de l'aide aux populations touchées.

Ces organisations se mobilisent soit dans la capitale et aident les populations installées dans les camps, soit dans les zones rurales dans lesquelles elles ont déjà des projets, et donc, des contacts avec les autorités locales, les organisations nationales, les communautés.

Les missions diplomatiques et les ambassades elles aussi se mobilisent, non seulement pour la protection et la recherche de leurs propres ressortissants, mais aussi en mettant des moyens humains et logistiques au service des victimes népalaises.

D. LA MOBILISATION SPONTANÉE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

1. Les professionnels du secteur de la santé

De nombreux médecins, infirmiers et aides-soignants se présentent spontanément dans les centres hospitaliers pour prêter main-forte à un personnel médical débordé.

D'autres apporteront leur aide aux forces de l'ordre et aux organisations mobilisées pour l'évacuation des blessés. Certains assisteront l'armée dans les interventions par hélicoptère dans les zones reculées.

a) Secteur privé

Les hôtels de la capitale disposant de grands terrains dégagés vont ouvrir leurs portes aux civils en quête d'un endroit où passer la nuit. Des tentes sont installées, des couvertures sont distribuées, de l'eau et de la nourriture sont mises à disposition des refugiés. Les opérateurs téléphoniques publics ou privés vont assurer la gratuité des appels nationaux pendant plus de dix jours. Skype offrira la gratuité des appels vers et depuis le Népal pendant plus d'un mois.

b) Volontaires civils

Des volontaires se pressent eux aussi de manière spontanée dans les camps et les hôpitaux pour apporter leur aide. Souvent jeunes (20-30 ans), ils seront impliqués dans des tâches diverses : gestion de la circulation aux abords des hôpitaux, de la distribution d'eau et de bâches dans les camps, ou même, installation de chambres mortuaires improvisées dans les hôpitaux.

c) Mise en place d'unités de coordination d'aide d'urgence

La mobilisation de la société civile est immédiate et spontanée. La société civile jouera un rôle crucial dans les premières semaines suivant le séisme. Dès le dimanche 26 avril, des unités de coordination d'aide d'urgence se mettent en place aux quatre coins de la ville. La mobilisation est considérable et le souci de mettre en place des actions concrètes et efficaces, omniprésent.

Des actions de collecte de fonds s'organisent (souvent via des sites de financement participatif), ainsi que des collectes de matériaux de première nécessité (bâches, tentes, denrées alimentaires, médicaments, purificateurs d'eau).

De nombreux acteurs impliqués dans l'entraide apporteront une aide précieuse en mettant à disposition leur véhicule, leur jardin (pour stocker les matériaux collectés), leur ordinateur, et bien avant tout, leur temps.

Des équipes s'organisent et commencent à partir dans les districts les plus affectés dès le 27 avril. Des mécanismes de coordination entre les différentes unités sont mis en place afin d'éviter les « doublons » et d'échanger du matériel si besoin.

Facebook et les autres réseaux sociaux joueront un rôle extrêmement important dans l'échange d'informations et la coordination.

Preuve de l'efficacité et de leur professionnalisme, les missions internationales qui arriveront dans les jours qui suivent iront les rencontrer pour obtenir des informations sur la situation dans les villages et éventuellement leur donner du matériel à distribuer.

E. LA STRUCTURATION DE L'AIDE HUMANITAIRE

1. L'arrivée de l'aide internationale

Les premières équipes des missions gouvernementales (équipes de la sécurité civile du ministère des Affaires etrangères français, pompiers) et non gouvernementales (Médecins Sans Frontières, Architectes de l'Urgence, Médecins du Monde) arrivent 72 heures après le séisme.

Fig.3. Membres de l'armée népalaise et de la Joint Force 505 portant secours aux victimes
du 12 mai 2015 - (c) U.S. Pacific Command

Des ressources humaines, matérielles et financières sont déployées pour apporter une aide humanitaire aux victimes :

ï des équipes médicales ;

ï des équipes de recherche cynophiles ;

ï des ingénieurs et des architectes ;

ï des équipes spécialisées dans la coordination et la logistique ;

ï des hélicoptères ;

ï des denrées alimentaires et du matériel non alimentaire ;

ï des moyens financiers.

2. Les priorités des premiers jours

Les équipes déployées doivent d'abord comprendre la situation avant de pouvoir développer leur stratégie d'intervention.

Les priorités des premiers jours s'articulent autour de deux axes : l'évaluation des besoins et l'organisation ; la coordination des opérations.

a) Évaluation des besoins

ï par zone géographique

ï par secteur d'intervention

ï matériels

ï humains

ï logistiques

b) Organisation/Coordination

ï avec le Gouvernement du Népal

ï entre les différentes missions déployées et les organisations déjà sur place

ï avec la société civile

F. LE RÔLE DU GOUVERNEMENT, ENTRE FACILITATION ET CONTRAINTES LÉGALES ET ADMINISTRATIVES

Le Gouvernement du Népal allège les procédures légales et administratives pour les travailleurs étrangers de l'humanitaire en leur accordant 30 jours de visa « Humanitaire » les autorisant à travailler au Népal.

Le Gouvernement facilite aussi la coordination du travail des équipes humanitaires en mettant à leur disposition les hélicoptères réquisitionnés par l'armée et en échangeant avec eux toute information relative à la situation dans les districts.

Néanmoins, les missions humanitaires doivent faire face à des contraintes importantes, qui entravent leur travail dans les premiers jours.

Ainsi, les taxes à l'importation sont maintenues sur bon nombre de matériaux nécessaires à l'aide d'urgence. Il faudra plusieurs jours de négociations entre les organisations internationales et le Gouvernement central pour que ces taxes soient finalement levées et que le matériel puisse être sorti des zones de douanes de l'aéroport de Katmandou. Ceci retardera certaines opérations urgentes.

Par ailleurs, les organisations internationales qui n'ont pas de bureau au Népal (Médecins Sans Frontières, Croix Rouge Islamique....) rencontrent des difficultés administratives, notamment en ce qui concerne les transferts de fonds. En effet, sans enregistrement légal auprès des autorités népalaises afférentes ( Social Welfare Council , ministère des femmes, des enfants et du social), il est impossible d'ouvrir un compte en banque au nom d'une organisation. Les fonds sont bloqués dans les pays où siègent ces missions. Ce problème lui aussi mettra plusieurs jours à se résoudre, retardant l'intervention des missions concernées.

II. LES CONTRAINTES ET DIFFICULTÉS

A. LES CONTRAINTES GÉOGRAPHIQUES

D'après un rapport de la Commission européenne (ECHO), 315 000 personnes se trouvent dans des zones non accessibles par la route et 75 000 dans des endroits inaccessibles même par hélicoptère.

1. Les difficultés d'accès

Les districts les plus affectés sont des districts de collines ou de montagnes. De nombreux villages ne sont pas accessibles par la route et il faut plusieurs heures, voire plusieurs jours de marche, pour s'y rendre. Bien que les hélicoptères des compagnies privées aient été réquisitionnés pour les opérations humanitaires, leur nombre est très insuffisant. De plus, tous les villages ne sont pas accessibles par hélicoptère, faute d'endroit pour atterrir ou pour d'autres raisons géographiques (altitude, relief accidenté).

a) La dispersion de l'habitat

En milieu rural et notamment à cause des contraintes liées au relief, l'habitat est souvent très dispersé. Chaque district compte généralement un seul gros « bourg » (qui fait office de chef-lieu) et des centaines de villages comprenant entre 10 et 500 foyers pour les plus importants d'entre eux. Même les plus grands des villages sont souvent divisés en « groupements de foyers » distants de quelques kilomètres.

La dispersion de l'habitat est un facteur de ralentissement important des actions de première urgence.

b) L'aggravation des conditions d'accessibilité

Outre les facteurs géographiques inhérents aux caractéristiques géographiques du pays, les répliques quotidiennes et les pluies abondantes aggravent les conditions d'accessibilité. Certains ponts ont été détruits, de nombreux glissements de terrain ont enseveli routes et sentiers. Le terrain est fortement fragilisé et il devient même parfois risqué d'entreprendre des déplacements, véhiculés ou non.


Fig. 4. Chautara, Sindhupalcok, après le séisme.(c)IOM 2015.

2. Les contraintes logistiques

Outre les contraintes géographiques, les contraintes logistiques sont elles aussi nombreuses.

a) L'acheminement au Népal de l'aide internationale par voie aérienne

L'aéroport international de Katmandou ne compte qu'une piste d'atterrissage et seulement quelques places pour les avions au sol. Faute de capacité, nombre d'avions apportant de l'aide humanitaire mettront plusieurs jours avant de pouvoir se poser sur le sol népalais.

b) L'acheminement de l'aide vers les zones non accessibles par la route

Comme déjà mentionné, le nombre d'hélicoptères disponibles ne suffit pas pour répondre à tous les besoins. De plus, les hélicoptères des compagnies privées sont souvent de petits appareils ne pouvant acheminer que 300 à 400 kilos de matériel à chaque voyage.

Certains gros hélicoptères de type MI-12 pouvant transporter jusqu'à 3 tonnes de matériel sont mis à disposition par l'armée et les gouvernements de certains pays (Inde, Etats-Unis, Chine). Néanmoins, ils sont très peu nombreux, et parfois, les enjeux géopolitiques prennent le pas sur les besoins de terrain.

c) L'absence de réseau téléphonique dans beaucoup de régions isolées

Le dysfonctionnement des réseaux téléphoniques dans les régions isolées constitue aussi une entrave au bon déroulement des opérations. Ainsi, dans beaucoup d'endroits, il est impossible de conduire une évaluation des besoins humains et matériels avant de se rendre sur place.

3. La disponibilité des matériaux et l'inflation

Face à des besoins très importants, et croissants au fil des jours, certains matériaux deviennent quasiment introuvables sur le marché népalais. On assiste ainsi à une pénurie de bâches en plastique (indispensables pour que les victimes puissent se construire des abris) et le peu qui reste disponible se vend à prix d'or (600 roupies en temps normal - 2 000 roupies dix jours après le séisme). A un certain moment, il devient aussi difficile d'acheter du riz en quantité importante.

Fig. 5. Arrivée de l'aide humanitaire dans un village reculé - (c) EU/ECHO/Pierre Prakash

4. Les contraintes politiques, légales et administratives
a) L'absence des représentants gouvernementaux locaux dans certaines communes (village development committee - VDC)

Les maires des communes « village development committee » (VDC) sont les premiers interlocuteurs des organisations nationales et internationales pour ce qui concerne les mécanismes de coordination des opérations humanitaires. Or, ceux-ci ne sont pas toujours présents dans les communes dont ils ont la charge. Les organisations se retrouvent donc face à des situations où leurs seuls interlocuteurs seront les habitants, avec tous les risques d'interférences politiques et sociales que cela représente.

b) Le manque de connaissance du terrain de certains maires

En certains endroits, la présence des maires ne constituera pas non plus un facteur de facilitation des opérations humanitaires. Certains maires ne sont jamais allés dans les communes qu'ils administrent et sont incapables de fournir des informations précises sur le nombre de foyers, l'étendue des dégâts causés par le séisme et les besoins en termes d'aide humanitaire.

Ceci s'explique par deux raisons principales : les maires sont parfois cantonnés dans les chefs-lieux et ne jugent pas utile de se rendre en personne dans leurs communes et certains d'entre eux ne sont pas originaires des régions qu'ils administrent et vivent parfois à plusieurs centaines de kilomètres.

c) Les politiques relatives aux taxes à l'importation, à l'enregistrement des organisations internationales et à l'obtention d'un visa de travail pour les étrangers

Après maintes négociations et l'agacement des organisations internationales, le Gouvernement du Népal finira, après plusieurs jours, par lever les taxes à l'importation sur tous les matériaux livrés par l'aide humanitaire. Sa mise en place prendra néanmoins plusieurs semaines.

De même, les organisations internationales et leurs travailleurs ne seront « légalement » autorisés à intervenir que pour une durée de 30 jours. A ce jour (octobre 2015), ces organisations opèrent dans une semi-légalité tolérée par le Gouvernement du Népal.

d) De fréquents changements dans les déclarations du gouvernement central

Le Gouvernement du Népal a multiplié les déclarations sur l'aide prévue pour les victimes (aide financière en espèces, don de tôles ondulées pour la construction d'abris semi-temporaires). Les organisations développent ainsi leurs projets tout en tenant compte de l'aide gouvernementale annoncée, afin de mettre en place des activités « complémentaires » plutôt que « similaires ». Or, ces déclarations changent jour après jour, obligeant les acteurs de l'aide à modifier leurs projets et activités, et ce, parfois plusieurs fois par semaine, ralentissant le processus d'implantation sur le terrain.

5. Les contraintes budgétaires et financières

a) Évaluation des besoins financiers par secteurs d'intervention

SECTEURS D'INTERVENTIONS

BESOINS EN DOLLARS USD

Sécurité alimentaire

78

Habitat

74

Santé

45

Eau/hygiène/sanitations

24

Logistique

30

Éducation

13

Protection

8

Santé maternelle et infantile

5

Gestion et coordination des camps

9

Coordination

3

b) Estimation besoins / financements reçus au 18 juin 2015


Fig. 6. Les besoins du Népal après le séisme.

Source : Office de Coordination Humanitaire des Nations Unies (OCHA)

B. ÉTAT DES LIEUX PAR SECTEUR D'INTERVENTION

1. Habitat

• 90% des habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les 14 districts les plus touchés.

• 500 000 familles se retrouvent sans abri.

INTERVENTIONS

CONTRAINTES / DIFFICULTÉS

- 217 259 bâches distribuées

- 48 421 kits d'urgence distribués

- 700 000 bâches devraient être distribuées avant la mousson

- distribution de couvertures

- procédures douanières

- pénuries/inflation

- discrimination dans les processus de distribution

- qualité disparate des bâches et des matériaux distribués

- besoins globaux non atteints

2. Coordination/gestion des camps

ï 21 600 déplacés internes dans la vallée de Katmandou

ï 95 000 déplacés internes dans les autres districts affectés

INTERVENTIONS

CONTRAINTES / DIFFICULTÉS

- 64 sites installés dans la vallée de katmandou

- 374 sites dans 12 districts

- aide alimentaire

- aide médicale/psychologique

- installation de toilettes mobiles

- sécurité

- hygiène, sanitation

- provisions en eau et nourriture

- question du retour des refugiés

- arrivée de la mousson

3. Eau, hygiène, sanitation

ï 600 000 à 1,3 million de personnes sans accès à l'eau potable

ï 850 000 à 1,7 million de personnes sans accès à des toilettes ou latrines.

INTERVENTIONS

CONTRAINTES / DIFFICULTÉS

ï 100 000 euros par district alloués par le département de l'alimentation en eau et des égouts

ï 350 000 victimes ont bénéficié de l'installation de réservoirs d'eau (camps) et de la distribution de purificateurs d'eau (villages)

ï 8 800 victimes ont bénéficié de la réparation de leurs systèmes d'alimentation en eau (gouvernement du Népal)

ï 850 000 victimes ont bénéficié de l'installation/de la réparation de leurs toilettes ou latrines

ï 1 million de femmes ont reçu des protections hygiéniques

ï 545 000 victimes ont reçu des kits d'hygiène et participent à des activités de sensibilisation sur le besoin de maintenir une hygiène stricte et de purifier l'eau

ï manque de sensibilisation des populations à la contamination de l'eau

ï accroissement des risques de contamination de l'eau avec la mousson

ï nombre de toilettes / latrines insuffisant

ï risque sanitaire important

ï pratiques traditionnelles dans les villages sur l'utilisation de protections hygiéniques/ risque de pollution sanitaire

ï approvisionnement en eau dans la vallée de Katmandou

4. Sécurité alimentaire

ï 70% des victimes ont besoin d'aide alimentaire

ï 75% du grain perdu

ï 70 % des systèmes d'irrigation endommagés

INTERVENTIONS

CONTRAINTES / DIFFICULTÉS

ï 1 million de personnes ont reçu 10 jours de ration alimentaire de base

ï distribution de sacs de stockage pour le grain et la nourriture pour le bétail

ï rations qualitativement pauvres

ï problèmes de stockage

ï quantités insuffisantes/risque de disette

ï difficulté à trouver du grain en grande quantité

5. Santé maternelle et infantile

ï Détérioration de l'alimentation des enfants de moins de 5 ans

ï Apparition de carences alimentaires (vitamine A)

ï Accroissement des cas d'apparition de vers

ï Centres de naissances détruits : absence de structures d'accueil pour les accouchements en zone rurale

INTERVENTIONS

CONTRAINTES / DIFFICULTÉS

ï 10 500 mères ont reçu une information sur les avantages de l'allaitement naturel

ï 10 500 enfants (6 mois - 5 ans) ont reçu des compléments alimentaires

ï 3 000 enfants ont reçu un traitement contre la malnutrition sévère

ï 300 travailleurs de santé et 1 200 femmes volontaires ont été formés à utiliser les packs « nutrition » en cas d'urgence

ï 16 centres d'hébergement installés pour les femmes enceintes et les femmes avec des nouveaux-nés dans 9 des districts affectés

ï campagne de vaccination anti-polio lancée le 8 juin ciblant 2,8 millions d'enfants

ï manque de coordination au niveau des districts

ï difficultés à évaluer les besoins et l'impact des programmes

ï 50% des enfants seulement pourront bénéficier des programmes avec les financements actuels

6. Protection

ï Discrimination dans les processus de distribution

ï Problèmes de sécurité dans les camps

ï Traite d'êtres humains en augmentation

ï Forte vulnérabilité des enfants isolés/séparés

ï Fort traumatisme psychologique

INTERVENTIONS

CONTRAINTES / DIFFICULTÉS

ï renforcement des effectifs des forces de l'ordre dans les camps

ï procédures de référencement spécifiques des cas de violences contre les femmes dans 14 des districts affectés

ï 84 espaces pour les femmes et les jeunes filles installés dans 13 des districts les plus affectés

ï 14 espaces sécurisés sous tente pour les femmes et les enfants dans les centres de service pour les femmes & les enfants de la police népalaise

ï développement de programmes d'aide psychologique et psychosociale

ï établissement d'une ligne d'urgence pour les victimes

ï renforcement des effectifs de police aux frontières sino-népalaises et indo-népalaises

ï renforcement des procédures et systèmes existants pour l'identification et la réunification des enfants isolés

ï mobilisation des ressources humaines existantes dans les villages

ï maintien des lois anti-adoption internationale et contre l'ouverture de nouvelles structures d'accueil pour enfants isolés

ï dispersion des actions

ï difficultés à évaluer le nombre de cas de violences

ï difficultés à évaluer l'impact des actions mises en place

ï manque de sensibilisation des populations

ï manque de ressources humaines (quantitatif/qualitatif)

ï réseaux de traite d'êtres humains très organisés et professionnels

7. Éducation

ï 350 000 salles de classes détruites

ï 1 million d'enfants privés d'éducation

ï Perte des manuels scolaires pour une majorité des enfants dont les foyers ont été détruits

INTERVENTIONS

CONTRAINTES / DIFFICULTÉS

ï annonce de la réouverture officielle des écoles pour le 31 mai 2015

ï développement de directives pour l'installation des centres d'apprentissage temporaires par ministère de l'éducation

ï 58 espaces enfants ouverts dans les districts les plus affectés (5 800 enfants bénéficiaires)

ï évaluation de l'état des structures endommagées

ï 438 centres d'apprentissage temporaires installés (UNICEF & partenaires locaux)

ï engagement du département de l'éducation de réimprimer les manuels scolaires au plus vite

ï les écoles privées ont annoncé la gratuité pour les semaines de fermeture

ï réouverture des écoles non effective

ï espaces enfants installés rapidement démontés

ï peu de centres d'apprentissage temporaires installés

ï manque de matériel pédagogique

ï capacité d'accueil insuffisante

ï lourdeur des procédures administratives pour les donneurs

ï retard d'impression des manuels scolaires

ï enfants dans les camps privés d'éducation formelle

ï risque de rupture scolaire pour les enfants dont l'accès à l'éducation était déjà vulnérable avant le séisme

ï risque de voir le financement des écoles privées privilégié par les petits donneurs étrangers


PARTIE IV - PATRIMOINE CULTUREL ET NATUREL AU NÉPAL : BILAN PROVISOIRE APRÈS LE SÉISME DU 25 AVRIL ET DU 12 MAI 2015

Mme Maïe KITAMURA40 ( * )

I. CONTEXTE DU PATRIMOINE AU NÉPAL

A. PATRIMOINE CULTUREL IMMATÉRIEL OU PATRIMOINE VIVANT

Le patrimoine culturel ne s'arrête pas aux monuments et aux collections d'objets. Il comprend également les traditions, les expressions, les pratiques, les représentations, les connaissances et les compétences vivantes (appelées « patrimoine culturel immatériel » ou « patrimoine vivant ») héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques touchant à la nature et à l'univers ou les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l'artisanat traditionnel. Ce patrimoine est particulièrement important au Népal, car l'essentiel du patrimoine matériel (monuments, sites, objets) y est resté vivant grâce à celui-là dont il est toujours imprégné. Toutefois, l'état des lieux de ce patrimoine immatériel ne fera pas l'objet de ce bilan pour le moment. Il est néanmoins important de souligner le rôle primordial qu'il devra continuer à jouer dans la reconstruction du patrimoine matériel à venir.

B. PATRIMOINE MONDIAL CULTUREL ET NATUREL AU NÉPAL AVANT LE SÉISME

1. Vallée de Katmandou

Le patrimoine culturel de la vallée de Katmandou comporte sept ensembles de monuments et constructions, couvrant l'éventail complet des réalisations historiques et artistiques qui ont rendu la vallée de Katmandou mondialement célèbre. Ces sept ensembles comprennent les places Durbar de Hanuman Dhoka (Katmandou), Patan et Bhaktapur, les stupas bouddhistes de Swayambhu et Badnath, ainsi que les temples hindous de Pashupati et de Changu Narayan.

2. Lumbini, lieu de naissance du Bouddha

Siddharta Gautama, le Bouddha, est né en 623 av. J.-C. dans les célèbres jardins de Lumbini et son lieu de naissance est devenu un lieu de pèlerinage. Un pèlerin très connu, l'empereur indien Asoka, a fait édifier à cet endroit l'un de ses piliers commémoratifs. Le site est maintenant un foyer de pèlerinage centré sur les vestiges associés au début du bouddhisme et à la naissance du Bouddha.

3. Parc national de Sagarmatha

Dans le paysage grandiose qu'offrent les hautes montagnes où culmine le plus haut sommet du monde, l'Everest (8 848 m), les glaciers et de profondes vallées, le parc abrite des espèces rares, comme le léopard des neiges et le petit panda. La présence des sherpas, qui y ont développé une culture originale, ajoute à l'intérêt du site.

4. Parc national de Chitwan

Au pied de l'Himalaya, Chitwan est l'un des rares vestiges non perturbés de la région du « Teraï » qui s'étendait sur les piémonts de l'Inde et du Népal. La flore et la faune y sont très denses. Il abrite une des dernières populations de rhinocéros asiatiques unicornes et constitue également l'un des derniers refuges du tigre du Bengale.

II. BILAN POST-SÉISME

Selon une première évaluation menée sur le terrain par l'UNESCO, les monuments et les sites de la vallée de Katmandou inscrits au patrimoine mondial, de même que plusieurs autres sites du patrimoine culturel et naturel de la région, ont subi de lourds dommages. C'est le cas en particulier des places Durbar de Patan, Hanuman Dhoka (Katmandou) et Bhaktapur qui sont presque entièrement détruites.

Plus de 700 monuments auraient été endommagés par les séismes. D'après l'UNESCO, 80% des temples et des monuments historiques à Katmandou et à Bhaktapur ont été détruits et la moitié des temples du Durbar Square de Patan se sont effondrés 41 ( * ) .

Le patrimoine naturel du Népal, notamment le site du patrimoine mondial du parc national Sagarmatha, où se dresse le mont Everest, a également été sévèrement touché par le séisme, surtout après les secousses du deuxième séisme dont l'épicentre était proche du Mont Everest. En revanche, on a relevé des conséquences minimes sur les sites du patrimoine mondial de Lumbini, lieu de naissance du Bouddha, et du parc national de Chitwan.

L'UNESCO a très rapidement préparé l'envoi sur le terrain d'une mission internationale d'experts, en vue de réaliser une évaluation approfondie des dommages et, sur cette base, d'apporter conseils et soutien aux autorités népalaises et aux communautés locales concernant la protection et la conservation du patrimoine en vue de sa reconstruction.

Les évaluations consistent à :


• inventorier les destructions : démolition totale (structure totalement effondrée) ou partielle ;


• repérer les zones dangereuses à sécuriser d'urgence ;


• repérer les objets de valeur (parties sculptées, statues, objets mobiliers...) pour les stocker en sécurité ou les sécuriser provisoirement.

Le département d'archéologie a lancé un inventaire sur l'ensemble des zones touchées par le séisme, en commençant par les zones inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

Secteur de protection de monuments

Effondrés

Partiellement endommagés

Total

1

Hanumandhoka Durbar PMZ

9

9

18

2

Patan Durbar PMZ

5

6

11

3

Bhaktapur Durbar PMZ

7

12

19

4

Pashupati PMZ

3

60

63

5

Changu Narayan PMZ

6

2

8

6

Swayambhu PMZ

6

12

18

7

Bouddha PMZ

0

2

2

Total

36

103

139

Fig. 1. Nombre de monuments des secteurs de protection de monuments (site du patrimoine mondial de la Vallée de Katmandou) affectés par le séisme du 25 avril 2015. (Extrait de l'évaluation préliminaire du Département d'archéologie, 15 mai 2015).

NB : Le bilan provisoire des autres monuments et sites, établi par le département d'archéologie du Gouvernement népalais, est présenté en annexe. Ce bilan ainsi que d'autres informations sur l'état de lieux ont été fournis par l'archéologue David Andolfatto qui aide actuellement le bureau de l'UNESCO à Katmandou en tant que consultant.

A. PLACE DURBAR DE KATMANDOU

Sur 18 monuments, neuf se sont effondrés et neuf sont endommagés. Le palais Hanuman Dhoka a subi des fractures importantes et la façade de l'aile Sud est en ruines. Les parties supérieures de la tour Basantapur se sont effondrées, tout comme les temples de Shiva et de Vishnou ou le pavillon Kasthamandap. La statue de Garuda est tombée de son socle. Le temple de la « Luxury » (Vilar mandir) avec sa façade sculptée, sauvé de la ruine dans les années 1970 avec le soutien de l'UNESCO, est fracturé. Certains monuments sont intacts, comme le Kumari Ghar, édifié à la moitié du XVIII e siècle et résidence de la déesse vivante Kumari.

Fig. 2. Vues de la place Durbar de Katmandou avant et après le séisme du 25 avril
(c) New York Times sur images Google Views, 28 avril 2015.

Le temple de Shiva effondré

Le petit temple au-devant du Temple de Taleju, effondré

Le temple de Maju dega effondré

L'aile sud du palais. (c)D. Andolfatto, mai 2015

Les ruines du Kasthamandap  (c)  J. Giambrone, mai 2015

B. PLACE DURBAR DE PATAN

Sur la place Durbar de Patan, cinq monuments sur onze se sont effondrés, dont les temples de Charnayaran, Shankarnarayan, Radha Krishna, le Manimandap ou la colonne de Yognarendra Malla. Les autres monuments sont partiellement endommagés.

Fig. 3. Vue de la place Durbar de Patan avant et après le séisme du 25 avril. (c) New York Times sur images Google Views, 28 avril 2015.

C. PLACE DURBAR DE BHAKTAPUR

A Bhaktapur, trois temples, un abri pati, un pavillon mandap, l'entrée Ouest de la place Durbar, ainsi qu'une trentaine de maisons traditionnelles situées dans le périmètre protégé se sont effondrés.

Fig. 4. Effondrement du Sikhara Vatsala sur la place Durbar de Bhaktapur. (c) New York Times, 28 avril 2015.

D. SWAYAMBUNATH ET BAUDDHANATH

Le grand stupa de Swayambu a été relativement peu affecté par le séisme du 25 avril, mais des fissures se sont ouvertes suite au séisme du 12 mai. Un temple latéral a été endommagé, ainsi que les sikhara qui flanquent le grand escalier d'accès au stupa, Pratappur et Anantapur. Le stupa Tashi Golma est complètement détruit. Les bâtiments patrimoniaux sont endommagés, sauf les caityas (petit stupa votif). Des fissures importantes de la plate-forme du site lui-même ont été reportées, nécessitant un diagnostic structurel.

Fig. 5. Stupa Tashi Golma avant un nettoyage préliminaire et la mise en place
de protections sommaires - (c)D. Andolfatto, mai 2015

A Bauddhanath, la partie supérieure du mahachaitya du stupa et deux petits stupas à l'Est et au nord du stupa principal ont été endommagés. Ce site a été relativement épargné par rapport aux autres sites monumentaux de la vallée.

E. AUTRES SITES DE LA VALLÉE DE KATMANDOU

A Pashupati, trois bâtiments se sont effondrés.

A Changu Narayan, les dégâts sont considérables, avec cinq monuments et une dizaine de maisons traditionnelles effondrés dans la zone protégée. Le temple principal souffre de fissures importantes, la déformation de certaines parties de parement de maçonnerie étant de plus de 20 cm. Le musée des traditions populaires est en partie écroulé.

Fig. 6. Fissures sur le temple principal de Changu Narayan à gauche ;
le musée des traditions populaires à droite. (c)J. Giambrone, mai 2015.

A Bungamati, le temple Bungadya (ou Bunga Baha) est totalement détruit. Le Bunga Bahi ne présente pas de dommages visibles. La Hayagriva Âgamchen (ou temple de Bhairava) est partiellement détruit.

Fig. 7. Le temple de Bungadya à Bungamati, en ruines. (c)D. Andolfatto, mai 2015.

En ce qui concerne Sankhu et le temple de Vajrayogini, le Narayan Mandir est effondré, l'étage supérieur ayant détruit dans sa chute le rez-de-chaussée. Les sculptures sont conservées dans le temple. Le Mahalaksmi bhajan, dans le quartier Chalaku, s'est en partie effondré.

La structure du temple est endommagée. Le temple Ramjupari à Salkha Tole et celui de Shiva à Sankhu Tole montrent des fissures ; le temple de Jotiligeshwor menace de s'effondrer, sa structure n'étant retenue que par les piliers d'angle en pierre. Les temples principaux de Vajrayogini sont en partie intacts, bien qu'ils présentent quelques fissures. Un petit temple de pierre s'est effondré, ainsi que la station de police.

Dans la ville de Sankhu, le patrimoine domestique a subi des dégâts considérables. Les maisons traditionnelles Néwar ont été en grande partie détruites par le séisme (99% selon la police locale). Un inventaire du patrimoine bâti de la ville de Sankhu a été mené par une architecte népalaise, Anie Joshi, dans le cadre de son mémoire de DSA Patrimoine à l'Ecole d'architecture de Paris-Belleville. Elle est en charge de Sankhu auprès de D. Andolfatto. L'équipe oeuvre à la mise en place d'un projet pilote pour la reconstruction d'un sattal et la production des orientations pour reconstruire au mieux. L'ambassade de Suisse a promis une aide pour Sankhu à hauteur de 300 000 dollars.

Fig. 8. Le patrimoine du centre ancien de Sankhu en ruines (c) RadioXpress88.

Le site de Kirtipur a moins souffert des dommages du séisme. Les urgences concernent le temple Sin Dwah et le stupa central à Chilancho (dépose du pinacle menaçant de s'effondrer).

A Katmandou, la tour Dharahara (ou tour Bhimsen) s'est effondrée, provoquant un choc pour la population tant ce monument, le plus haut de la ville, marquait par sa silhouette le paysage urbain.

Fig. 9. La tour Dharahara avant et après effondrement (c)New York Times, 28 avril 2015.

F. AUTRES SITES

Dans les régions proches de l'épicentre, les destructions sont importantes. Environ la moitié des monuments de Lamjung et de Gorkha sont en ruines, les autres sont endommagés.

Fig. 10. L'accès au palais de Gorkha en ruines. (c) Radio Xpress88.

Dans d'autres sites, comme à Namo Bouddha, les habitants ont rapporté des dommages relatifs, comme des fissures. Des consolidations ont déjà été entreprises. A Lo Manthang, capitale du Haut Mustang, aucun effondrement n'est à déplorer. Néanmoins, des fractures importantes et des désorganisations de maçonneries sont constatées dans des maisons de la ville, et en particulier sur le palais de Lo Manthang, structure monumentale en pisé de terre datant du XV e siècle, dans un état de conservation alarmant avant le séisme, et aujourd'hui mis en péril par celui-ci. Une partie des habitants réside dans des abris de fortune.

III. MESURES D'URGENCE ET RECONSTRUCTION

A. MESURES DE SAUVEGARDE D'URGENCE

Moins de deux semaines après le premier séisme, l'UNESCO a coordonné les mesures d'urgence pour sécuriser et protéger les vestiges du patrimoine.

L'UNESCO a organisé, le 30 avril, une première réunion de coordination sur le patrimoine avec les experts nationaux et internationaux, les gestionnaires de sites, le département d'archéologie, les communautés locales et les organismes spécialisés comme le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS), déjà impliqués dans le déblayage des sites et les évaluations des destructions. L'UNESCO a annoncé la préparation d'une mission d'expertise internationale pour évaluer les destructions et pour conseiller et soutenir techniquement les autorités népalaises et les communautés locales pour la protection et la conservation de leur patrimoine.

B. LIMITATION DES HAUTEURS DE CONSTRUCTION

Le 18 mai 2015, le Gouvernement népalais a promulgué l'arrêt immédiat de la construction de bâtiments comportant plus de deux étages jusqu'à la révision du code de la construction, prévue pour le mois de juillet. De nouvelles normes de construction pour la prise en compte de mesures parasismiques dans les bâtiments neufs devraient être intégrées au nouveau code. Les bâtiments de plus de deux étages sont particulièrement vulnérables à l'effondrement s'ils n'ont pas de mesures parasismiques intégrées. De même, la hauteur des murs de clôture est limitée à 4 pieds (environ 1 m 20). En effet, l'effondrement des hauts murs de clôture a fait de nombreuses victimes. Néanmoins, des bâtiments de cinq ou six étages ont été construits à l'encontre des lois existantes qui n'ont pas été respectées.

C. RÉOUVERTURE DES SITES PATRIMONIAUX AU PUBLIC

Le Gouvernement népalais a annoncé souhaiter rouvrir les places Durbar de Katmandou, Patan et Bhaktapur, ainsi que le site de Swayambunath au tourisme. L'UNESCO a demandé de reporter cette réouverture, les sites monumentaux n'étant pour l'heure pas sécurisés. Par exemple, le musée de Patan présente des structures instables qui menacent la sécurité du public. Sur les sites déjà ouverts, Bhaktapur, Pashupati et Badnath, un périmètre de sécurité doit être défini autour des monuments effondrés. Le risque de vol des objets d'art éparpillés dans les décombres constitue un obstacle supplémentaire à la réouverture des sites, notamment à Swayambunath.

Le département d'archéologie, avec l'assistance de l'UNESCO, prévoit de sécuriser le périmètre des zones pouvant présenter un risque et d'accompagner la réouverture progressive avec le département du tourisme. L'accès limité aux sites patrimoniaux sera planifié en fonction du plan de reconstruction.

D. UNE RECONSTRUCTION POSSIBLE ?

Les plus pessimistes estiment que la reconstruction des monuments n'est pas chose aisée. Une restauration complète ne serait pas possible compte tenu de l'étendue des dégâts sur les sites historiques. D'après le ministère du tourisme, 700 monuments auraient été endommagés. Les coûts de reconstruction représenteraient plusieurs dizaines de millions de dollars.

Toutefois, en 1833 et en 1934, après deux tremblements de terre dévastateurs, certains monuments de la vallée de Katmandou avaient pu être reconstruits. En 1934, le tremblement de terre avait détruit 20 % des bâtiments de la vallée et un quart de ceux de la capitale. Un certain nombre de monuments, comme la tour Dharahara, avaient alors été reconstruits, en remployant les ouvrages d'architecture réutilisables comme les jambes de force sculptés des temples sauvés des décombres. La documentation accumulée sur les monuments de la vallée pourrait servir de base à la reconstruction des monuments disparus.

E. RESTITUTIONS VIRTUELLES ET DOCUMENTATION

En attendant une possible reconstruction, des restitutions virtuelles sont possibles. Certaines sont déjà à l'étude, comme celle proposée par une compagnie chinoise, qui a lancé une campagne de restitution virtuelle des structures disparues, en ligne, à partir de photos des internautes. Depuis son lancement le 29 avril, 42 000 photos ont permis de recréer numériquement 80 % de huit sites.

****

SOURCES

Rapports

Department of Archaeology, Preliminary List of Collapsed and Partially Damaged Monuments owing to Earthquake on 25th April 2015, 15 mai 2015.

UNESCO Kathmandu - May 7th, Activity report - David Andolfatto - May 1st to May 6th

UNESCO Kathmandu - May 12th - Activity report - David Andolfatto, Kathmandu Durbar Square and Hanuman Dhoka

Report on damages on heritage buildings of Sindhupalchok district, Chautara area, David Andolfatto, Consultant UNESCO Kathmandu, May 17th 2015

Site web de l'UNESCO

Swati Pujari, UNESCO raises safety concerns on the reopening of Kathmandu Valley World Heritage Site, 11 juin 2015

UNESCO starts in-depth damage assessment in Nepal, 22 mai 2015

Swati Pujari, Monument Assessments - UNESCO Consultant David Andolfatto discusses his work since the earthquake, 21 mai 2015

UNESCO leading international efforts to protect damaged Nepalese heritage, 8 mai 2015

UNESCO to assess the impact on Nepal's cultural heritage of the devastating earthquake, 27 avril 2015.

Articles de presse

Chan, Cherie, "Baidu to Digitally `Restore' Historic Sites in Nepal", in New York Times, May 12, 2015.

"Nepal's Historic Sites, Before and After the Earthquake", in New York Times, 25 avril 2015.

"Relief & reconstruction only through govt channel", in Ekantipur Report, 1er juin 2015.

Senguta, Kim, "Nepal earthquake : The task to conserve what survived at the UNESCO World Heritage site in Kathmandu", in The Independant on sunday - 3 mai 2015.

Sharma, Bhadra, Gardiner Harris, "Nepalese Officials Set Two-Story Limit on Height of New Buildings After Quakes", in New York Times, 20 mai 2015.

Sharma, Bhadra, Nida Najarjune, "Nepal Reopens Heritage Sites Despite U.N. Concerns", in New York Times, 15 juin 2015.

Sinha, Shreeya, "How to Rebuild After an Earthquake Like Nepal's", in New York Times, 14 mai 2015.

Annexe

Preliminary List of Collapsed and Partially Damaged Monuments, Department of Archaeology, 15 mai 2015

Sn

Name of Monuments

Location

PMZ / District

Con Condition Report

1

Maju Dega

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

collapsed

2

Trailokyamohan Temple

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Collapsed

3

Kamdev Temple

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Collapsed

4

Kastamandapa

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Collapsed

5

Vishnu Temple - the north of Magu Dega

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Collapsed

6

Shiva Temple-in the front of Taleju Temple

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Collapsed

7

Pratap Stambha

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Collapsed

8

Radhakrishna Temple

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Collapsed

9

Kageswor

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Collapsed

10

Shiva Parvati Temple

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

11

Vishnu Temple

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

12

Degu Taleju Temple

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

13

Maha Vishnu Temple

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

14

Basantapur Palace-collapsed the upper portion of the four tower.

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

15

Nagara house

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

16

Gaddhi Baithak

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

17

Nasal chowk-crack the wall of west and south building

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

18

Crack all the part of Palace except the Mulchowk

Hanumandhoka

HDK Durbar PMZ

Partially Damaged

19

Charnarayan Temple

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Collapsed

20

Shankarnarayan Temple

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Collapsed

21

Manimandap

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Collapsed

22

Pillar of Yognarendra Malla

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Collapsed

23

Radha Krishna Temple in the north of the Darbar square

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Collapsed

24

Bishweswor Mahadev Temple

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Partially Damaged

25

Teleju of mulchowke

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Partially Damaged

26

Agamchhe of Mulchowk

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Partially Damaged

27

Sundari chowke

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Partially Damaged

28

Radha krishna in the north of Darbar squre

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Partially Damaged

29

Bahadur Shah Palace

Patan Durbar Square

Patan Durbar PMZ

Partially Damaged

30

Vatsala Devi Temple

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Collapsed

31

Shilu Mahadev Temple

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Collapsed

32

Kedarnath Temple

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Collapsed

33

Betalpati

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Collapsed

34

Chyasingmandap, Bhelukhel

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Collapsed

35

Western Entrance of Durbar Square

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Collapsed

36

Tentative 25-30 traditional houses belong to PMZ

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Collapsed

37

Harisankar Sattal

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

38

Lal Baithak

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

39

Nyatapol Temple

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

40

Bhairavnath Temple

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

41

Yesamari Sattal

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

42

Pujari Matha

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

43

Bronze Art Museum Building

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

44

Art gallery

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

45

Police house

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

46

Siddhilaxmi

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

47

Narayan Temple

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

48

Nriteswor

Bhaktapur

Bkt Durbar PMZ

Partially Damaged

49

Jayabageswori Temple

Chabahil

Pashupati PMZ

Partially Damaged

50

Mahamirtunejay Temple

Chabahil

Pashupati PMZ

Partially Damaged

51

Narsimha Temple

Chabahil

Pashupati PMZ

Partially Damaged

52

Agni Matha

Chabahil

Pashupati PMZ

Partially Damaged

53

Tamreswor Mahadev Temple

Chabahil

Pashupati PMZ

Partially Damaged

54

Guheswori Temple

Guhyeshwori

Pashupati PMZ

Partially Damaged

55

Sattal - west to Guheswori Temple

Guhyeshwori

Pashupati PMZ

Partially Damaged

56

Sattal - east to Guheswori Temple

Guhyeshwori

Pashupati PMZ

Partially Damaged

57

Sattal - north to Guheswori Temple

Guhyeshwori

Pashupati PMZ

Partially Damaged

58

Five Shiva Temple inside White Sattal of Guheswori

Guhyeshwori

Pashupati PMZ

Partially Damaged

59

Vishwarupa Temple

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Collapsed

60

Radhakrishna Temple

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Collapsed

61

Eight Shiva Temple of Mirgasthali-Among them two are completely collapsed

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Partially Damaged

62

Ram Sita and Laxman Temple

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Partially Damaged

63

Nine Shiva Temple in the front of the Viavarupa Temple

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Partially Damaged

64

Gorakhnath Temple

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Partially Damaged

65

Shivaparvati Temple in the front of Gorakhnath Temple

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Partially Damaged

66

Bhandarghar, Gorakhnath Temple complex

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Partially Damaged

67

Ashram of yoginaraharinath

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Partially Damaged

68

Chandreswor Sattal

Mrigasthali

Pashupati PMZ

Partially Damaged

69

Seto Shiva Temple, East of Bagmati river

Ram Temple Area

Pashupati PMZ

Partially Damaged

70

Shiva Temple

Ram Temple Area

Pashupati PMZ

Partially Damaged

71

Ram Temple,Bank of Bagmati river

Ram Temple Area

Pashupati PMZ

Partially Damaged

72

Ram kuti,Bank of Bagmati river

Ram Temple Area

Pashupati PMZ

Partially Damaged

73

Laxman Narayan Temple

Ram Temple Area

Pashupati PMZ

Partially Damaged

74

RamTemple, Bank of Bagmati river

Ram Temple Area

Pashupati PMZ

Partially Damaged

75

Two Shiva Temple close to nanak sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Collapsed

76

Three Shiva Temple of Bhasmeshwor chowke

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

77

Nanak Sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

78

House in the backside of the Shiva Temple

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

79

Panchha Deval

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

80

Vriddhasram arround Panchadeval

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

81

Vajraghar

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

82

Sankaracharya Matha

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

83

Kulananda Jha sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

84

Ghyampe pati

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

85

Agamghar

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

86

Saptami Sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

87

Bhasar Tahabil Office

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

88

Rudragadeswor Sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

89

Sano Sadabarta

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

90

Sankarnarayan Sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

91

Mahasnan Ghar

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

92

Guruju Sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

93

Shiva Temple in the north of Pasupati complex

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

94

Three Shiva Temple in the front of Basuki Temple

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

95

Basuki Temple

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

96

Lal Ganesh Temple

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

97

Surya Temple,close to lal Ganesh

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

98

Pasupati Paksala

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

99

Sitala Devi Pati

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

100

Sriko Paksala

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

101

Jitjungaparkaseswor Sattal and Temple

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

102

Nava Durga Sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

103

Rajrajeswori Sangeet Asram

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

104

Prakaseswor Temple

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

105

Kirateswor Sattal

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

106

Kirateswor Sangeet Ashram

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

107

Kirateswor Yagyashala

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

108

Four Shiva Temple, Gaurighat

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

109

Shiva Temple, Guheswori

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

110

Anatanarayan, Batsala area

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

111

Pancha Ganesh, Batsala area

West of Bagmati

Pashupati PMZ

Partially Damaged

112

Sattal of south direction

Changu Narayan

Changu Narayan PMZ

Collapsed

113

Sattal of south west direction

Changu Narayan

Changu Narayan PMZ

Collapsed

114

Sattal of north-east direction

Changu Narayan

Changu Narayan PMZ

Collapsed

115

Sattal of east-south direction

Changu Narayan

Changu Narayan PMZ

Collapsed

116

Shiva Temple

Changu Narayan

Changu Narayan PMZ

Collapsed

117

More than ten traditional residential house belong to protected area

Changu Narayan

Changu Narayan PMZ

Collapsed

118

Changunarayan Temple

Changu Narayan

Changu Narayan PMZ

Partially Damaged

139

Kileswor Temple

Changu Narayan

Changu Narayan PMZ

Partially Damaged

120

Anantapur Temple

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Collapsed

121

Tibetan chorten-in the south of main stupa

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Collapsed

122

Two houses in the south-east of Shantipur

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Collapsed

123

Two traditional house in the north of main stupa

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Collapsed

124

Karmaraj Mahavihara

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Collapsed

125

Deva Dharma Mahavihara

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Collapsed

126

Shantipur

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

127

Basubhandhu Chaitya

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

128

Pati in the east of shantipur

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

129

One traditional house in the south of shantipur

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

130

Pratappur

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

131

Gyanmala Bhajan Sattal

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

132

Museum Building

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

133

One traditional house in the south of Chaitya Park

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

134

Two traditional houses in the north of Hariti Temple

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

145

Three traditional houses in the south of shantipur

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

146

Pillar in the west of main stupa

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

137

Sattal around Manjusri Temple

Swayambhu Hill

Swayambhu PMZ

Partially Damaged

138

Crack on the Trayodasabhuvana and tilted the Pinnnacle of the Stupa

Bouddha

Bouddha PMZ

Partially Damaged

139

Two small stupa in the east and north corner of the stupa

Bouddha

Bouddha PMZ

Partially Damaged

140

Tulanarayan temple, Indreswor complex

Panauti

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

141

Pasupati temple, Layaku

Panauti

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

142

Dhaneswor sattal

Panauti

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

143

Khardar Pati - wall bulging

Panauti

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

144

Uma Maheshwor

Dumja Kusheswor

Kavrepalanchowk

Collapsed

145

Batuk Bhairab Temple

Dumja Kusheswor

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

146

Yangyashala

Dumja Kusheswor

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

147

Jor Sattal

Dumja Kusheswor

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

148

Kusheshwor Sattal

Dumja Kusheswor

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

149

Kusheshwor Mahadev

Dumja Kusheswor

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

150

Yudhisthir Temple

Nala

Kavrepalanchowk

Collapsed

151

Nala Karunamaya Temple

Nala

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

152

Nala Bhagawati Temple

Nala

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

153

Bhimsen Temple

Nala

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

154

Shiva Temple - Chandeswori Complex

Banepa

Kavrepalanchowk

Collapsed

155

Shiva Temple - Banepa Dabali

Banepa

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

156

Namo Buddha - Main Sanctum

Namo Buddha

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

157

Bhimsen temple

Deupur

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

158

Two Sattals - Bramhayani

Deupur

Kavrepalanchowk

Collapsed

159

Sumbheshwor Mahadev

Panchkhal

Kavrepalanchowk

Collapsed

160

Bramhayani Temple

Deupur

Kavrepalanchowk

Collapsed

161

Baluwa Pati

Panchkhal

Kavrepalanchowk

Collapsed

162

Bhimsen temple

Dapcha

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

163

Bhimsen temple

Kashikanda

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

164

Palanchowk Bhagawati- Tilt & crack

Palanchowk

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

165

Sumbheshwor Mahadev Pati

Panchkhal

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

166

Kalika Temple

Kanpur, Tallo Tol

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

167

Sattal - Kalika Temple

Kanpur, Tallo Tol

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

168

Kalika Temple - Mainali

Kanpur

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

169

Kottimal Temple

Kavrepalanchowk

Baisakh 25

170

Pokhari Narayan Temple

Timal

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

171

Bhimsen Temple

Gimdi

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

172

Chhupachholing Gumba

Kanpur

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

173

Beta Pati

Panchkhal

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

174

Kasyapeshwor Mahadev Temple

Kavrepalanchowk

Baisakh 25

175

Dugdeshwor Mahadev Temple

Panchkhal

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

176

Balabhadreshwor Mahadev Temple

Devpur

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

177

17 Gumba of Atha VDC

Atha VDC

Kavrepalanchowk

Partially Damaged

178

Bhimsen temple

Dolakha

Dolakha

Partially Damaged

Brahmayani

Dolakha

Dolakha

Partially Damaged

180

Tripurasundari Temple

Dolakha

Dolakha

Partially Damaged

181

Narayan Temple, Kotchhe

Dolakha

Dolakha

Partially Damaged

182

Narayan Temple, Dungal

Dolakha

Dolakha

Partially Damaged

183

Bhimsen Temple

Lyanglyang

Dolakha

Partially Damaged

184

Kamalachhi Ganesh Temple

Thosey Bazar - 5

Ramechhap

Partially Damaged

185

Ganesh Temple

Thosey Bazar - 6 Mid

Ramechhap

Partially Damaged

186

Ganesh Temple

Thosey Bazar - 6 End

Ramechhap

Partially Damaged

187

Narayan Temple

Thosey Bazar - 5

Ramechhap

Partially Damaged

188

Narmadeshwor Mahadev Temple

Shivalaya - 7

Ramechhap

Partially Damaged

189

Thupchen Hoyesiling Ani Gumba

Helambu

Sindhupalchowk

Paritially Damaged

190

4 Gumba

Listi VDC

Sindhupalchowk

Partially Damaged

191

Pallo Devi Temple

Dudhpokhari

Lamjung

Collapsed

192

Kul Devata Temple

Bichaur

Lamjung

Collapsed

193

Shiva Temple

Bichaul

Lamjung

Collapsed

194

Ram Temple

Bichaul

Lamjung

Collapsed

195

Shivalaya

Bichaul

Lamjung

Collapsed

196

Devi Temple

Bichaul

Lamjung

Collapsed

197

Jhadi Temple

Ilampokhari

Lamjung

Collapsed

197

Bagh Bhairav

Ilampokhari

Lamjung

Collapsed

199

Melavali

Ilampokhari

Lamjung

Collapsed

200

Saraswoti

Ilampokhari

Lamjung

Collapsed

201

Shiva Temple

Bharate

Lamjung

Collapsed

202

Kali Temple

Rinaskot

Lamjung

Collapsed

203

Shiva Temple

Gauda

Lamjung

Collapsed

204

Shiva Temple

Chandreshwor

Lamjung

Collapsed

205

Pati & Sattal, Kalika Temple Complex

Turlungkot

Lamjung

Collapsed

206

Ganesh Temple

Bharate

Lamjung

Partially Damaged

207

Kalika Temple

Archalbot

Lamjung

Partially Damaged

208

Gadhi Temple

Sundar Bazar

Lamjung

Partially Damaged

209

Ishaneshwor Temple

Sundar Bazar

Lamjung

Partially Damaged

210

Krishna Temple

Bhorletar

Lamjung

Partially Damaged

211

Ganesh Temple

Ramgha

Lamjung

Partially Damaged

212

Laxmi Temple

Ishaneshwor

Lamjung

Partially Damaged

213

Shiva Temple

Bhujung

Lamjung

Partially Damaged

214

Saraswoti Temple

Bhujung

Lamjung

Partially Damaged

215

Radha Krishna Temple

Tangrang

Lamjung

Partially Damaged

216

Kalika Gorakhnath

Jita

Lamjung

Partially Damaged

217

Majeri Devi

Nautar

Lamjung

Partially Damaged

218

Manakamana Temple

Nautar

Lamjung

Partially Damaged

219

Kalika Temple

Turlungkot

Lamjung

Partially Damaged

220

Lamjung Durbar

Lamjung

Lamjung

Partially Damaged

221

Taleju Temple

Lamjung

Lamjung

Partially Damaged

222

Bhimsen temple

Gorkha Durbar

Gorkha

Collapsed

223

Lamjung Durbar

Gorkha Durbar

Gorkha

Collapsed

224

Tallokot Kalika Temple

Gorkha Durbar

Gorkha

Collapsed

225

Pandit Pati

Gorkha Durbar

Gorkha

Collapsed

226

Gorakhnath Temple

Gorkha Durbar

Gorkha

Collapsed

227

Guheswori

Gorkha Durbar

Gorkha

Collapsed

228

Sri Vidhya Temple

Gorkha Durbar

Gorkha

Collapsed

229

Damai Pati

Gorkha Durbar

Gorkha

Partially Damaged

230

Upallo Kot Temple

Gorkha Durbar

Gorkha

Partially Damaged

231

Tallo Durbar

Gorkha Durbar

Gorkha

Partially Damaged

232

Sitalpati

Gorkha Durbar

Gorkha

Partially Damaged

233

Rangmahal

Gorkha Durbar

Gorkha

Partially Damaged

234

Upallo Durbar

Gorkha Durbar

Gorkha

Partially Damaged

235

Rot Pati

Gorkha Durbar

Gorkha

Partially Damaged

236

Pashupati

Gorkha Durbar

Gorkha

Partially Damaged

237

Ramshah Chautaro

Manakamana

Gorkha

Collapsed

238

Manakamana

Manakamana

Gorkha

Collapsed

239

Harihara Temple

Devghat

Tanahun

Partially Damaged

240

Harihara Temple

Devghat

tanahun

Partially Damaged

241

Sita Gufa

Devghat

Tahahun

Partially Damaged

242

Shri Krishna Temple

Abu Khaireni

Tahahun

Partially Damaged

243

Nepali Susamachar Church

Tahahun

Partially Damaged

244

Satya Devi Temple

Bandipur

Tahahun

Partially Damaged

245

Urgen Pemba Gumba

Bhanu

Tahahun

Partially Damaged

246

Christian Church

Bhanu

Tahahun

Partially Damaged

247

Navajyoti church

Bhanu

Tahahun

Partially Damaged

248

Nirjala Shiva temple

Purkot

Tahahun

Partially Damaged

249

Shiva temple

Bhunu

Tahahun

Partially Damaged

250

Thami Mai temple

Basantapur

Tahahun

Partially Damaged

251

Panchha Temple

Satiswora

Tahahun

Partially Damaged

252

Muslim ko Madarasa

Satiswora

Tahahun

Partially Damaged

253

Achhaladevi temple

Manpang

Tahahun

Partially Damaged

254

Shiva Temple

Manpang

Tahahun

Partially Damaged

255

Karidithani Mani Temple

Manpang

Tahahun

Partially Damaged

256

Thani Temple

Chhang

Tahahun

Partially Damaged

257

Kula Temple

Chhang

Tahahun

Partially Damaged

258

Pange Chandi Temple

Tahahun

Partially Damaged

259

Shivapanchangi Temple

Tahahun

Partially Damaged

260

Kotdevi Temple Bhimad

Bhimad

Tahahun

Partially Damaged

261

Kalika Temple

Raipur

Tahahun

Partially Damaged

262

Radhakrishna Temple

Tahahun

Partially Damaged

263

Manakamana Temple

Byas Municipality

Tahahun

Partially Damaged

264

Thani Temple

Byas Municipality

Tahahun

Partially Damaged

265

Pema Samling Gumba

Tahahun

Partially Damaged

266

Taleju temple

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Collapsed

267

Garadghar

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Collapsed

268

Bhairavi temple

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Collapsed

269

Seto Sattal

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Collapsed

270

Seven storied palace

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

271

Rangmahal

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

272

Narayan Temple

Nuwakot Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

273

Vishnu Temple

Nuwakot Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

274

Ringchhen Tangpai Chhai Gumba

Kakani

Nuwakot

Partially Damaged

275

Chhorten

Chaturale VDC

Nuwakot

Partially Damaged

276

Lampati

Bhairavi Temple Complex

Nuwakot

Partially Damaged

277

Brmheshwor Temple

Kabilas

Nuwakot

Partially Damaged

278

Narayan Temple

Nuwakot

Partially Damaged

279

Ram Temple

Nuwakot

Partially Damaged

280

Machchhindra Nath

Nuwakot

Partially Damaged

281

Mahadev Temple

Trishuli Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

282

Ganesh Temple

Trishuli Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

283

Bhimsen Temple

Trishuli Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

284

Shri Krishna Temple

Trishuli Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

285

Shiva Temple

Trishuli Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

286

Karyasiddhi Gumba

Trishuli Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

287

Chaitya

Trishuli Bazar

Nuwakot

Partially Damaged

288

Narayan temple

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

289

Vishnu temple

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Collapsed

290

Lampati

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

291

Seto Pati

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

292

Dhami Ghar

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Collapsed

293

Bhajan Pati

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Collapsed

294

Ghanta Ghar

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

295

Chaitya - North to Bhairavi Temple

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

296

Chaitya - South to Bhairavi Temple

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

297

Pujari Ghar - South to durbar gate

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

298

Dware Ghar

Nuwakot Durbar

Partial Damage/ Cracks

299

Bhagawati Temple

Nuwakot Durbar

Nuwakot

Partially Damaged

PARTIE V - LES POPULATIONS TOUCHÉES PAR LE SÉISME

Mme Anne DE SALES, directrice de recherche au CNRS,
attachée au LESC, Université Paris-Ouest

Les populations touchées par le séisme ne sont évoquées par les médias que par rapport à la catastrophe. Mais il nous a semblé qu'une présentation générale de ces populations pourrait être utile. Qui sont-elles ? Toutes sont népalaises et parlent le népali, mais il faut rappeler que pour beaucoup d'entre elles, le népali est une seconde langue. Elles ont chacune connu une histoire différente au sein de l'histoire nationale, que néanmoins elles partagent. Elles se sont aussi adaptées à des environnements différents et ont forgé des organisations sociales, des orientations culturelles et religieuses distinctes.

Ce qui ressort des premiers récits rapportés par les journaux est que le séisme a exacerbé les inégalités structurelles entre ces différents groupes de population, tout en encourageant des formes de collectivité et de solidarité entre individus. Les observateurs étrangers et les secouristes professionnels, qui ont l'expérience de ces situations d'urgence, ont en effet souligné l'exceptionnelle attitude des Népalais, qui se sont montrés courageux, efficaces et solidaires. Mais on ne manque pas non plus de critiquer les nombreux privilèges dont continuent de jouir les plus riches par rapport aux plus pauvres concernant la distribution des secours. Comme en temps de guerre, la catastrophe a mis à jour le pire et le meilleur.

Fig. 1. Zone de séisme : les cercles de dimensions variables indiqués les zones plus ou moins touchées - http://www.ipgp.fr/sites/default/files/styles/grande/public/map-nepal-earthquake-25avr2015_fr.jpeg?itok=RpcJJV-C téléchargée le 17 août 2015)

Les hasards de la localisation de la faille aux points de rencontre entre la plaque indienne et le continent asiatique à l'origine du séisme, marquent précisément une région qui condense en elle-même certaines caractéristiques du pays et de ses tensions contemporaines. En effet, les districts les plus affectés par le tremblement de terre sont d'abord la vallée de Katmandou, le centre politique du pays, et ensuite l'arrière-pays de la capitale, les districts des collines ou moyennes montagnes qui l'entourent. Or le contraste entre le coeur urbain du pays, qui était aussi celui où résidait le Roi il n'y a encore pas si longtemps, et les populations rurales périphériques est un point de tension qui ne cède pas avec le temps et la transformation du royaume en république, au contraire. La domination politique et aussi, le plus souvent, économique des hautes castes hindoues, tous partis confondus, reste un fait irréductible et la ligne d'une autre faille, celle-ci sociale, politique et économique.

C'est pourquoi il n'est peut-être pas inutile de rappeler brièvement la structure en castes de la société népalaise. Ce système a été aboli il y a plus de 50 ans par le roi Mahendra en 1963 - 13 ans après l'Inde, qui avait officiellement rejeté le système des castes dès l'indépendance. Ce système n'est donc plus légal comme il l'était auparavant, quand le non-respect des règles de pureté gérant les relations entre castes était puni par la loi. Pourtant les discriminations demeurent, et les individus s'organisent en associations politiques ou culturelles, toujours sur la base de la caste. Ceci est vrai des minorités ethniques (59 groupes ethniques reconnus) comme des populations dites intouchables, ou Dalit, qui regroupent les anciennes castes de service, forgerons, tailleurs, tanneurs, musiciens, etc.

-- Porteurs du cordon sacré

Brahmane, Rajput, Chetri, ascétiques, certaines castes newar

-- « Buveurs d'alcool non passibles d'esclavage »

Magar, Gurung, Sunwar, certaines castes newar

--« Buveurs d'alcool passibles d'esclavage »

Bhote (Tibétains), Cepang, Tharu, Gharti...

--Impurs

Musiciens néwar, bouchers néwar, musulmans, étrangers...

--Intouchables

Forgerons, tanneurs, tailleurs-musiciens, ménestrels gaine...

C'est la civilisation newar qui a fait de la vallée de Katmandou ce qu'elle est aux yeux du monde, avec son architecture si particulière. En un regard sur les temples, le visiteur sait qu'il n'est ni en Inde ni en Chine, mais bien au Népal. Si, bien sûr, toutes les populations népalaises se côtoient dans la vallée qui accueille une proportion croissante des migrants ruraux, les trois villes de Katmandou, Patan et Bhaktapur, pour ne citer qu'elles, demeurent profondément marquées par la civilisation newar, en dépit de leur conquête au 18 e siècle par des populations hindoues venues des collines, et appelées de ce fait "Montagnards", Parbatya. Elles sont aussi appelées Gorkhali, en référence au petit royaume de Gorkha, d'où est parti Prithivi Narayan Shah, présenté comme le premier prince animé par l'ambition d'unifier les multiples petits royaumes belliqueux qui régnaient sur l'Himalaya central.

Les Newar et les Parbatya ont des coutumes très différentes, les premiers méprisent les seconds pour ce qu'ils jugent être des manières frustres de montagnards et les seconds critiquent les premiers pour leur goût prétendument immodéré des fêtes. Cependant, leurs organisations sociales respectives reposent sur l'interdépendance de castes hiérarchisées, même si les deux systèmes ne coïncident pas tout à fait ; elles reposent aussi sur l'une ou l'autre des deux grandes religions, l'hindouisme et le bouddhisme, ou même les deux ensemble. Les idées sociales et religieuses de ces deux groupes de populations sont largement dominantes dans le pays.

Considérons à présent les moyennes montagnes qui entourent la vallée et les districts qui ont subi les dégâts les plus importants.

Fig. 3. Districts plus ou moins touchés par le séisme (carte téléchargée de l'Internet le 19 juin 2015)

Ils sont au pied des hautes montagnes, d'Ouest en Est, le Ganesh Himal, le Langtang et le Gauri Shankar (Gorkha, Dhading, Rasuwa, Nuwakot, Sindhupalchowk et Dolakha). Ces districts sont traversés par les rivières qui descendent du plateau tibétain et qui forment les gorges de la Budhi Gandaki, de la Trisuli, de la Bhotekosi et de la Tamakosi. Plus au Sud, les districts de Makwanpur, Kabrepalanchowk et Ramechhap sont également touchés mais à un moindre degré, quoique Kabre ait subi de lourdes pertes. Or, Gorkha mis à part, ces districts coïncident avec ce qu'une minorité ethnique, les Tamang, considère comme son habitat historique, le Tamsaling.

Fig. 4. Projet de découpage du Népal en neuf Etats ethniques proposé par le parti maoïste
(UCPN-M) en 2014 (carte téléchargée de l'internet le 19 juin 2015 42 ( * ) ).

Les Tamang constituent une part importante de la population totale de ces neuf districts - 32 % en moyenne, et même plus de 50 % par endroit (district de Rasuwa).

Ils sont une des minorités ethniques les plus défavorisées, en partie à cause de leur statut initial de « Bhote », comme on l'a vu, et aussi parce qu'à la suite d'anciennes migrations du plateau tibétain, ils se sont installés dans cette région proche de la capitale et qu'ils ont ainsi constitué, pour l'élite et les souverains, un réservoir de travailleurs corvéables à merci.

Leur histoire est source de discussions, ne serait-ce que parce que leur ethnonyme actuel ne leur est attribué qu'en 1934. Les Tamang considèrent que leurs anciennes chefferies ont été conquises par Prtihivi Narayan Shah. Il aurait attribué aux terres qu'ils occupaient un statut qui aurait dû leur permettre de conserver ces terres au sein de leur groupe ethnique. Pourtant, il semble que les souverains n'aient pas respecté longtemps ce privilège qu'ils avaient concédé aux Tamang. Ils ont progressivement récupéré les terres pour les transférer à des individus qu'ils voulaient favoriser pour une raison ou pour une autre, et tout particulièrement des Brahmanes pour leurs services rituels ou des Chetri pour leur aide aux guerres de conquête. En bref, les Tamang se considèrent comme les victimes d'une colonisation intérieure et l'évocation de leur pays, Tamsaling, est empreinte d'une grande charge émotionnelle comme l'exprime cet extrait d'une déclaration historique en 2002 rapportée par l'ethnologue Mukta Tamang dans une publication que je traduis de l'anglais 43 ( * ) :

« Nous, population indigène de l'Himalaya, dont nos racines communes se trouvent dans Tamsaling, ... nous respectons cette terre mère où nos ancêtres ont vécu, où nos esprits résident, d'où nos légendes sont originaires et où notre histoire est née ... et où enfin nous vivons et que nous laisserons en héritage pour les générations futures. »

Les chants rituels des prêtres tamang reprennent aussi cette référence à leur pays , yul-sa , ainsi qu'aux ancêtres et aux esprits qui l'habitent.

Le texte se poursuit avec un engagement plus franchement politique revendiquant leur droit à l'autodétermination.

Fig. 5. Villageois tamang du village de Mailung (Nuwakot) dans un camp de réfugiés
(photo téléchargée de l'internet le 19 juin 2015 44 ( * ) )

Ces aspirations de la population Tamang sont à prendre en compte dans le faisceau des dynamiques qui présideront à la reconstruction. Mais les Tamang ne paraissent pas être aujourd'hui sur le point de voir leur situation s'améliorer.

Ils ne sont toutefois pas les seuls. Si, dans les districts concernés, les Tamang sont majoritaires, les Chetri représentent 16 % de la population, les Bahun 15 %, les Newars 10 %. Il est intéressant de souligner l'importance démographique des Dalit dans cette région, surtout en contraste avec la vallée de Katmandou. En effet, si les trois villes de la vallée qui forment une grosse conurbation comptent entre 2 % et 3 % de Dalit, les districts considérés ici en comportent entre deux et trois fois plus : 7 % à Nuwakot, 7,5 % à Sindhupalchok, 9 % à Dolakha et Ramechhap, 12 % à Dhading.

La plupart des villages tamang sont situés plus en altitude que ceux des autres castes, souvent à plus de 2 000 m, donc plus loin aussi des voies de communication. Ceci affecte la distribution des secours et explique certains conflits récents entre communautés, notamment entre Tamang et Dalit, les deux groupes les plus défavorisés.

Examinons de plus près quelques-uns des districts en question. Sindhupalchowk est le plus gravement touché de tous. C'est le seul cas où le nombre de morts dépasse celui des blessés, les décès étant près de deux fois plus nombreux. 80 % des maisons ont été détruites, soit 48 000 maisons. Il s'agit d'un des districts les moins développés du Népal bien qu'apparemment de nombreuses ONG y travaillent, que la route Arniko qui mène de Katmandou à Kodari, en Chine, le traverse et que le parc du Langtang soit une attraction touristique. Le relief est très accidenté et les terres sont difficiles à cultiver. Est-ce pour cela que le district a perdu en cinq ans 50 000 habitants ? La population, qui était de 336 478 en 2006, ne comptait plus que 287 798 habitants en 2011. Ces statistiques posent plus de questions qu'on ne peut apporter de réponses.

Le second district à avoir durement souffert du séisme est celui de Nuwakot où le nombre de morts, 1 099, est plus ou moins égal à celui des blessés, 1 051. Mais là aussi, la population a diminué  de 11 000 personnes entre 2001 et 2011, passant de 288 478 à 277 471 habitants.

Le district de Rasuwa vient en troisième position. C'est le plus petit district au Nord, peu peuplé (43 000 habitants), il compte 760 morts et autant de blessés, 771. Il est inutile de poursuivre ce décompte macabre pour souligner que seule une étude approfondie par district serait à même de dégager les paramètres en jeu dans ces situations différentes. Outre la catastrophe naturelle, il faut considérer l'organisation administrative et surtout la communication entre les différents niveaux de cette organisation (village, district, nation), les infrastructures (routes, etc.) et bien sûr les individus et leurs capacités à s'organiser par eux-mêmes.

C'est sur ce point que je terminerai. En effet, on l'a dit, les Népalais ont montré beaucoup de réactivité et de savoir-faire dans ces conditions dramatiques. Cela a été unanimement reconnu. Dans la sidération qui a suivi le cataclysme, les individus ont puisé dans leurs qualités propres, mais il faut reconnaître aussi un tissu social qui a résisté aux assauts de la modernité, si l'on peut se permettre cette image conventionnelle. Même si les Népalais se plaignent que leur société est de plus en plus individualiste, les liens familiaux demeurent nettement plus opérants qu'en Occident. Ils persistent malgré la mobilité croissante des habitants, interne et extérieure au pays. Les villageois devenus résidents en ville maintiennent leurs liens avec le village comme l'ont montré certaines études des mouvements des populations après le séisme. Selon ces études basées sur la lecture des cartes sim des téléphones mobiles, des milliers de gens se sont immédiatement déplacés de la vallée vers les villages et pas seulement vers les plaines du sud à la recherche d'un refuge, mais aussi vers les zones les plus sinistrées comme Sindhupalchowk, qui a accueilli plusieurs milliers de personnes.

Outre les liens familiaux, les sociétés népalaises, urbaines comme rurales, ont été de tout temps organisées en associations, temporaires ou pérennes. Ainsi les travaux agricoles demandent-ils une importante main d'oeuvre pendant de courtes périodes pour le repiquage du riz pendant la mousson ou les récoltes de maïs. Comme en Europe il y a 50 ans, chez les Tamang, des groupes de travail se forment à partir de plusieurs maisonnées qui travaillent alternativement sur les champs des uns, puis des autres. Cette vie collective basée sur la réciprocité a connu avec le temps et l'introduction de l'argent en espèce un développement plus formel, mais elle reste la marque de ces communautés rurales. Un paysan filmé dans une haute vallée de Sindhupalchowk, dit ainsi, sept jours après le séisme : « Dans d'autres circonstances, toute la vallée viendrait nous aider, mais là, les gens ne peuvent pas, ils sont eux aussi trop occupés avec leur propre malheur ».

En milieu urbain, le guthi a traditionnellement joué un rôle prépondérant. Le terme désigne une « association ou une assemblée » socio-religieuse à but philanthropique, qui repose sur des donations de terre ou d'argent de la part d'individus à la recherche de mérite. Autrefois, les donateurs étaient en premier lieu le roi et ses riches sujets en position de patrons de la religion. Les guthi newar rassemblaient plusieurs castes autour du culte d'une divinité tutélaire et représentaient une sorte de concentré de la société newar. Ces associations ont été historiquement très importantes pour l'établissement des temples et des monastères, mais aussi des ponts et des routes, des bibliothèques et des écoles, des puits, des fontaines et des fêtes. Depuis 1964, ils sont gérés par une corporation de guthi , le guthi samsthan , chargée de coordonner leurs actions au niveau national. Une des tâches de cette corporation s'avère particulièrement pertinente en ces temps de destruction puisqu'elle concerne le recensement des bâtiments religieux à travers le pays (717 temples et 647 pathis, ces vérandas ouvertes où les musiciens se rassemblent pour jouer de la musique religieuse). Cependant les sommes nécessaires à la réfection, voire à la reconstruction de ces bâtiments dépassent sans doute largement les revenus de la corporation. De manière plus localisée ; existent des guthi plus petits attachés à des segments territoriaux, des sortes d'associations de quartiers aux fonctions très variées. Un Newar peut ainsi appartenir simultanément à plusieurs guthi , six, sept ou même plus, ce qui reflète une vie associative très vivante, même si celle-ci serait en déclin. Une étude datant de 2002 par Bal Gopal Shrestha 45 ( * ) fait état d'une nette diminution des guthi et de leur pouvoir d'attraction. Et pourtant, comme le montrent ces photos prises tout de suite après le premier séisme du 25 avril, les jeunes gens du guthi local sur le darbar de Katmandou se sont organisés d'eux-mêmes pour garder les ruines des temples effondrés et les protéger d'éventuels pillages, sans attendre que les forces de l'ordre se manifestent. Ils se sont spontanément sentis responsables de leur patrimoine et de leurs dieux.

Fig. 6. Jeune homme gardant le temple de Vishnu sur la place du palais de Katmandou
(Darbar Square). (c)Thomas Kelly, 26 avril 2015.

PARTIE VI - LE SÉISME EN MILIEU DE CULTURE TIBÉTAINE, NÉPAL ET TIBET

Mme Katia BUFFETRILLE,
ingénieure de recherches à l'Ecole pratique des Hautes Etudes (EPHE), attachée au centre de recherche sur les civilisations de l'asie orientale (CRCAO)

I. LES RÉGIONS TIBÉTAINES DU NÉPAL

Au Népal, les régions de culture tibétaine sont situées dans la partie septentrionale du pays. Leurs populations parlent des dialectes tibétains et sont adeptes de l'une ou l'autre des écoles du bouddhisme tibétain (essentiellement nyingma) ou bien du Bön, la religion qui coexiste au Tibet avec le bouddhisme. De Limi, à l'extrême Ouest du Népal, jusqu'à Walung, à la frontière du Sikkim, Corneille Jest dénombre quinze enclaves tibétaines 46 ( * ) . Si, d'après le recensement de 2011, ces populations tibétophones constituent moins de 1% de la population totale du Népal, elles contribuent à sa richesse culturelle et représentent une véritable vitrine pour le pays, qui est ainsi souvent associé au Tibet à l'étranger 47 ( * ) .

Fig. 1. Carte des populations du Népal de langue et de culture tibétaine. Source : C Jest (1975 : 38) Communautés de langue tibétaine du Népal. Paris : Éditions du CNRS.

La frange Nord du Népal est occupée grossièrement d'Ouest en Est par les aires de culture tibétaine de Mugu, Dolpo, Mustang, Manang, les vallées de Nar et Phu, les vallées de Tsum et Nubri, Langtang dans le district de Rasuwa et Solu-Khumbu. Ces régions ont été frappées de manière inégale par les deux tremblements de terre du 25 avril et du 12 mai 2015, en fonction de leur distance par rapport aux deux épicentres, les territoires les moins affectés étant ceux situés à l'Ouest. L'accès aux zones de culture tibétaine, situées en haute altitude, demeure extrêmement difficile, les voies construites ces dernières années étant plus des pistes que des routes carrossables. Par ailleurs, du fait de la configuration du sol, les glissements de terrain sont nombreux et les répliques quotidiennes ainsi que la mousson qui a commencé en juillet sont des facteurs aggravants. Cependant, si les dégâts matériels sont très importants, les pertes humaines dans ces régions ont été relativement faibles, à l'exception de la région de Langtang.

Ce bilan de la situation des populations tibétaines après les deux séismes qui ont frappé le Népal a été documenté par des informations provenant des médias, de nombreux sites internet, de blogs mais aussi par des entretiens que j'ai réalisés au début du mois de juillet 2015 à Katmandou et une enquête de terrain effectuée en juillet-août dans la région de Solu. Un état des lieux de la partie du Tibet méridional qui a été affectée par les tremblements de terre sera également présenté, bien que les informations disponibles soient fort limitées.

A. MUGU ET DOLPO

Les régions de peuplement tibétain de Mugu et Dolpo - les plus à l'Ouest du Népal - ont été relativement épargnées. Cependant, des sites d'importance religieuse et culturelle non négligeable ont été détruits dans les Village Development Committee (VDC) 48 ( * ) de Chharka et de Mukot à Dolpo et la route de commerce entre le haut et le bas Dolpo n'est plus praticable 49 ( * ) .

B. MUSTANG

Le district de Mustang est situé au Nord de la chaîne des Annapurna et du Dhaulagiri. Il est composé de diverses enclaves dont la partie la plus septentrionale, appelée Lo, longtemps fermée aux étrangers, leur est devenue accessible depuis 1992. Le Mustang est habité par une population d'environ 14 000 personnes de langue et culture tibétaines qui tirent leur subsistance de l'agriculture, de l'élevage et du commerce ainsi que, depuis peu, du tourisme. Bien que relativement éloignée de l'épicentre, cette région de haute altitude a été affectée par le tremblement de terre 50 ( * ) . Les villages les plus touchés du haut Mustang sont Gilling et Namgyal. Vingt-deux maisons de Gilling ont été détruites, ainsi que le temple des divinités protectrices ; quarante maisons sont endommagées. Des vingt maisons de Namgyal, neuf sont en ruines et onze présentent de sérieuses fissures ; le monastère sakyapa du XV e siècle est également démoli en partie. Les palais de Lo Manthang et de Tsarang ont été aussi fortement abîmés et de très jeunes moines ont dû être évacués par hélicoptère vers Katmandou, leur monastère ayant été détruit 51 ( * ) et les routes étant impraticables. Aucune mort n'est cependant à déplorer.

Le Sud du Mustang a connu lui aussi des destructions, provoquées non par le tremblement de terre principal, mais par ses répliques : la plupart des bâtiments de Jomoson ont été touchés et l'école de Lubrak a été entièrement détruite.

C. MANANG

En allant vers l'Est, on arrive dans la région de Manang, située sur le chemin de randonnée des Annapurna, l'un des plus prisés des touristes depuis son ouverture à la fin des années 1970. Manang comptait plus de 6 500 habitants en 2011. Les Manangi sont des agriculteurs, quelque peu éleveurs, mais ce sont surtout de grands commerçants. Non seulement la région de Manang a été touchée par l'impact direct du séisme et ses répliques, mais les nombreux glissements de terrain qui ont suivi ont bloqué les voies d'accès. Ainsi, les vallées de Nar et de Phu 52 ( * ) ont été longtemps coupées du monde, ce qui a entraîné une pénurie alimentaire aiguë faisant craindre une famine si la route ne rouvrait pas rapidement. Plus de quatre cents maisons ont été endommagées dans les Village Development Committee (VDC) de Chame, Khangsar, Tankimanang, Bhakra, Pisang et Thanche. Huit bâtiments administratifs ont été entièrement détruits et douze sont endommagés tout comme dix-huit des vingt-deux écoles.

D. VALLÉES DE TSUM ET NUBRI

Les vallées reculées de Tsum et de Nubri, situées au nord de Gorkha, à la frontière avec la région autonome du Tibet, sont considérées par les Tibétains comme des « pays cachés » ( beyul ). Sous ce terme, les Tibétains désignent des « pays » que Padmasambhava, l'introducteur du bouddhisme tantrique au Tibet au VIII e siècle, aurait « cachés » pour qu'ils soient « découverts » à une époque donnée, annoncée dans des prophéties, par un être prédestiné, un « découvreur de trésor » (tertön) .

Ces « pays cachés », dont un grand nombre existe en Himalaya, appartiennent au courant des « trésors » ( terma ), tout comme les textes ou les objets supposés cachés par Padmasambhava et ses disciples. Cette tradition, essentiellement nyingmapa , existe également dans les autres écoles. Ces « pays » ne sont nullement accessibles à tous, mais à ceux qui possèdent une foi profonde. Ces derniers, selon la tradition, peuvent y trouver refuge dans toute période de crise, qu'elle fasse suite à des conflits politiques intérieurs ou bien à des menaces venant de l'extérieur.

Les habitants de Tsum et Nubri vivent traditionnellement d'agriculture et d'élevage et, depuis une dizaine d'années, leur niveau de vie s'est considérablement amélioré grâce à la cueillette du cordyceps sinensis (Tib. yartsa günbu ) 53 ( * ) , un champignon qui parasite une chenille, momifie son corps et s'en nourrit. Très prisé dans les médecines chinoise et tibétaine, son prix peut atteindre des sommes très élevées et son exploitation a entraîné des transformations considérables dans les régions himalayennes et sur le plateau tibétain.

La situation dans les vallées de Tsum et de Nubri, toujours coupées du monde trois mois après le séisme, est extrêmement difficile. L'arrivée des pluies de mousson et avec elles, des glissements de terrain, ne laisse que peu d'espoir d'une réouverture rapide des voies d'accès. De très nombreuses maisons ont été détruites et la population vit sous des tentes 54 ( * ) . La nourriture est actuellement apportée par hélicoptère ou par des porteurs qui doivent passer par Manang, un trajet d'une quinzaine de jours.

E. LANGTANG

Toujours en se déplaçant vers l'Est, et donc en se rapprochant de l'épicentre du séisme, on arrive dans le district de Rasuwa. C'est dans ce dernier, situé au nord de Katmandou, que se trouve le parc national de Langtang, autre lieu très fréquenté des touristes. Le village de Langtang, habité par une population de langue et culture tibétaines ainsi que par des Tamang, vivait de l'élevage, d'un peu d'agriculture mais surtout du tourisme. Parmi la soixantaine de maisons, il y avait plusieurs dizaines d'auberges. Aujourd'hui, seul un bâtiment est encore debout. Le village a été rasé de la carte par une avalanche de neige, de glace et de rochers qui a dévalé les pentes surplombant le village et l'a enseveli. On craint que plus de 200 personnes n'aient péri.

Dans ce district de Rasuwa, soixante monastères auraient été détruits.

La question se pose du danger des barrages hydroélectriques en région sismique. En effet, un barrage 55 ( * ) se construit actuellement sur la partie haute de la rivière Trisuli, non loin de la frontière tibétaine. Il fait partie de la série des trois barrages en cours de construction par l'entreprise d'État chinoise des Trois-Gorges et une douzaine d'autres sont en projet dans la perspective de faire des barrages en cascade.

Le barrage de Rasuwa aurait été sévèrement endommagé, et d'énormes éboulements ainsi que des chutes de débris ont entravé les tentatives de sauvetage : deux travailleurs ont été tués et plusieurs autres blessés. Quelques ingénieurs chinois sont restés sur place pour surveiller la situation. On peut imaginer le drame qui serait arrivé si le barrage avait été plus fortement endommagé et avait libéré son énorme torrent d'eau et de débris sur les villages en aval.

F. SOLU-KHUMBU

En avançant encore plus à l'Est, on gagne Solu-Khumbu, une région habité par les Sherpa, communauté de langue et culture tibétaines. Leur nom signifie « Gens de l'Est » : ils auraient quitté leur lieu d'origine, le Kham, province orientale du Tibet, au milieu du XVI e siècle et, après une longue migration, seraient parvenus au Népal.

La région de Khumbu, la plus élevée, s'étend de la frontière tibétaine, au Nord, jusqu'au confluent de la Bothé Kosi et de la Dudh Kosi, au Sud. Les principaux villages, Namché, et les villages jumeaux de Khumjung et Kundé, sont situés à une altitude d'environ 3 000 mètres, avec des pâturages d'été à plus de 5 000 mètres. Pharak, la région médiane, moins haute, est traversée par la Dudh Kosi. Les larges vallées et les forêts nombreuses de la région de Solu ne dépassent pas 2 600 à 3 200 mètres et s'étendent du village de Jiri à la Dudh Kosi. Cette région, plus fertile, se prête mieux à l'agriculture. Mais la plupart des Sherpa vivent aujourd'hui du tourisme et plusieurs d'entre eux sont devenus de grands alpinistes. Ils permettent ainsi à de nombreux Occidentaux de s'essayer à gravir la plus haute montagne du monde, quels que soient leur condition physique et leur entraînement.

Toute la région de Khumbu a été affectée par les séismes, surtout par le second dont l'épicentre était proche de l'Everest et qui est responsable des plus gros dégâts.

Le tremblement de terre du 25 avril 2015 a déplacé l'Everest de trois centimètres vers le Sud-Ouest, selon l'administration nationale chinoise d'études, de cartographie et d'information géologiques 56 ( * ) . Ce 25 avril, il y avait environ un millier de personnes sur l'Everest 57 ( * ) dont plusieurs centaines d'étrangers. L'avalanche qui a englouti le camp de base a été filmée par l'un des alpinistes et diffusée sur les médias du monde entier. Dix-huit grimpeurs sont morts au camp de base (douze Népalais et six Occidentaux), mais les secours ont été particulièrement rapides et efficaces puisque trois jours après le tremblement de terre, toutes les personnes des camps 1 et 2 étaient secourues, ainsi qu'un grand nombre de celles qui se trouvaient au camp de base, entraînant une controverse sur le sujet. Reinhold Messner, l'homme qui a gravi tous les sommets de 8 000 mètres, a parlé de « sauvetage à deux vitesses », rapides à l'Everest, mais beaucoup moins dans les zones reculées et non touristiques du Népal. Cette affirmation est contestée par Pasang Sherpa 58 ( * ) , qui se trouvait alors au camp de base. Il explique la rapidité des secours par la présence d'un hélicoptère à Pheriche et soutient que la gravité des blessures et non la nationalité a déterminé l'ordre des évacuations.

Namche Bazaar a été évacué après le second séisme, et si les villages de Namche, Pangpoche, Tengpoche et son monastère, n'ont connu que des dégâts mineurs après le premier tremblement de terre, le deuxième a entraîné des dommages plus importants. Les villages de Khumjung, Kunde, Chaurikharka et Thame ont été, eux, en grande partie détruits, tout comme plusieurs villages de Pharak 59 ( * ) . Néanmoins, le journal népalais The Kathmandu Post a annoncé le 8 août 2015 que « la majorité des chemins de randonnée et des auberges de Khumbu n'avaient subi que des dégâts minimes ».

La population craint désormais pour la stabilité de deux lacs glaciaires, Imja et Rolpa, mais pour le moment ces craintes ne semblent pas fondées.

La région de Solu, au Sud, a elle aussi beaucoup souffert et de nombreux villages sont en partie ou entièrement en ruines, tout comme la plupart des monastères et des stupa.

Seules les quelques maisons en bois du bourg de Jiri, départ du chemin de randonnée de l'Everest, ont résisté et on dénombre cinq morts. Les maisons du village de Shivalaya sont détruites ou gravement endommagées et le Gouvernement, craignant que les collines surplombant les habitations ne s'écroulent, voudrait que les habitants soient déplacés, un plan que ce derniers refusent formellement. Ils ont même commencé à reconstruire. Il n'y a aucune perte humaine. A Bhandar (Tib. Changma), maisons, stupa et monastère sont totalement en ruines ou très fortement endommagés. La population veut reconstruire les maisons le plus rapidement possible afin d'être prête pour la saison touristique. Les cinquante-huit maisons du VDC de Golila sont vouées à la destruction. La plupart des monastères et stupa y sont également très dégradés quand ils ne sont pas totalement démolis.

Une seule maison de Junbesi a résisté aux séismes. Toutes les cellules des nonnes et moines du monastère de Thubten Chöling - fondé par Trulshi Rinpoché en 1968 - sont totalement inhabitables, ainsi que les bâtiments servant à l'enseignement, mais aucun mort n'est à déplorer. Le monastère de Serlo, construit par un lama sherpa, Sangyé Tenzin, a lui aussi subi de très gros dégâts.

L'idée d'une reconstruction de maisons en bois qui, elles, ont résisté, est souvent évoquée en région sherpa, mais leur prix risque d'être un obstacle majeur.

Au total, plus de soixante monastères auraient été détruits dans la région de Solu-Khumbu.

G. LE SÉISME ET LES TIBÉTAINS EXILÉS DU NÉPAL

Outre les populations népalaises de langue et de culture tibétaines, le Népal compte également des Tibétains en exil dont le nombre est estimé à environ 15 000. Il sera toutefois difficile, voire impossible, de connaître le nombre réel des victimes du séisme parmi eux. En effet, si de 1959 à 1989, ces exilés ont été reconnus et enregistrés par le Gouvernement népalais et ont ainsi obtenu des certificats de réfugiés, par la suite, les relations entre le roi Birendra et le gouvernement de la République populaire de Chine s'étant améliorées, les Tibétains n'ont plus eu le droit de s'installer au Népal. A partir de 1990, même les enfants nés au Népal de parents tibétains exilés se sont vus privés de papiers. En revanche, un accord tacite avec l'Agence des Nations unies pour les réfugiés permettait à ces derniers, jusqu'à il y a peu, de passer par le Népal pour rejoindre l'Inde. A la suite des manifestations tibétaines de 2008 qui ont embrasé l'ensemble du plateau tibétain, des mouvements de soutien et de protestation contre la politique chinoise ont éclaté au Népal ; ils ont été sévèrement réprimés par les autorités népalaises à la demande du Gouvernement de la République populaire de Chine. Depuis, la situation des Tibétains au Népal s'est considérablement aggravée sous la pression des autorités chinoises. Pour ces raisons, un grand nombre de ces exilés tibétains n'a aucune existence légale au Népal et ne pourra donc être comptabilisé ni comme blessé, ni comme mort.

Le Gouvernement en exil a annoncé le décès d'au moins 10 Tibétains 60 ( * ) dont 7 seraient morts à Langtang.

II. TIBET

En ce qui concerne l'impact du séisme du côté tibétain, dans les régions méridionales de la région autonome du Tibet, les nouvelles n'ont été diffusées initialement que par les organes officiels, la chape de plomb sur l'information étant la même pour les catastrophes naturelles que pour les problèmes politiques. Alors que ces médias officiels (tels que le réseau national de télévision chinois CCTV) ont informé de la situation au Népal quelques heures après la catastrophe, il a fallu attendre plus de deux jours pour obtenir des informations sur les séismes du côté tibétain de l'Himalaya. De même, les secours chinois ne sont arrivés sur les lieux que le 27 avril, alors qu'ils étaient dès le 26 au Népal.

La République populaire de Chine a envoyé au Népal les soldats de l'Armée populaire de libération, un fait suffisamment rare pour être souligné. Leur présence ne semble pas avoir surpris la population népalaise et, non seulement je n'ai relevé aucune mention négative concernant leur présence dans la presse que j'ai consultée, mais les Népalais interrogés insistent sur l'efficacité dont ils ont fait preuve lors des premiers jours qui ont suivi le séisme.

Il faut signaler que la presse chinoise fait état d'un séisme au Népal de magnitude 8,1 61 ( * ) alors que la presse népalaise donne une magnitude de 7,9.

Le 30 avril, les sources officielles chinoises ont annoncé 26 morts, 3 personnes disparues et 856 blessés ainsi que l'évacuation de milliers de résidents du comté de Nyalam. Aucune précision n'a alors été donnée sur le lieu où ils avaient été emmenés ; en revanche, la presse officielle diffusait largement des images de l'Armée de libération aidant les Tibétains et sauvant les objets religieux.

Plus de 500 grimpeurs se trouvaient du côté tibétain de l'Everest lors du séisme et tous sont sortis indemnes. 62 ( * )

Après le deuxième tremblement de terre, la presse officielle a donné quelques informations supplémentaires qui indiquaient que 300 000 personnes avaient été affectées, que plus de 47 500 avaient perdu leur maison, et que quatre-vingt deux temples étaient détruits 63 ( * ) .

Les cantons de Kyirong et Nyalam se seraient déplacés de soixante centimètres, selon un chercheur chinois 64 ( * ) .

Le 15 mai, le nombre de morts est passé à 100 65 ( * ) . Depuis, le chiffre n'a pas bougé. Fin mai, les médias chinois ont annoncé que 100 000 Tibétains résidant près de la frontière népalaise auraient été déplacés à Lhatse, à environ 300 kilomètres de Dram (Zhangmu), la ville frontière 66 ( * ) et que de nombreuses routes étaient coupées.

D'après les autorités chinoises, le pont de l'amitié qui relie le Tibet au Népal a subi de gros dommages 67 ( * ) et a dû être fermé. L'impact sur le commerce a été considérable, puisque les entrepôts du côté tibétain regorgeaient de marchandises à destination du Népal, qui ne pouvaient alors être acheminées que via Kolkata (Calcutta) 68 ( * ) , ce qui demande un temps de transport beaucoup plus long : de 40 à 45 jours pour arriver au sud du Népal au lieu de 15 jours pour Katmandou par la route. La route vient de rouvrir le 6 août, selon le journal The Kathmandu Post .

Petit à petit, quelques rares informations ont pu filtrer et ont été publiées dans la presse tibétaine de l'exil et sur divers sites pro-tibétains comme International Campaign for Tibet (ICT) ou Voice of America (VOA). D'après ce que l'on sait, les tremblements de terre ont été ressentis fortement à Dingri, Nyalam, Dram, Kyirong et bien sûr Sur l'Everest. Le 25 avril a eu lieu une réplique de 5,7, près de la ville de Shelkar (New Dingri) qui a causé de nouveaux dégâts. D'après différentes sources, 80% des bâtiments de Nyalam sont très endommagés ou totalement détruits. Le 27 avril, une nouvelle réplique a frappé la ville frontière de Dram, et a détruit 10% des bâtiments. Les secours seraient arrivés à Kyirong seulement 10 jours après le tremblement de terre.

La situation au Tibet a été largement exploitée à des fins de propagande par les autorités afin de mettre en avant le parti et les valeurs traditionnelles chinoises, mais sans mentionner les victimes tibétaines, ni l'entraide locale qui a dû jouer un rôle d'autant plus important que les Tibétains sont restés livrés à eux-mêmes relativement longtemps. Voici en quels termes, très politiques, le secrétaire du parti de la région autonome du Tibet, Chen Quanguo, s'est adressé aux victimes du séisme le 30 avril : « Alors que la sécurité et le bien-être de la zone sinistrée pèsent lourdement sur les coeurs du secrétaire Xi Jinping et du comité central du parti, l'ensemble de la région autonome, le Gouvernement, l'armée, la police et la population, avec le ferme soutien du Comité central et des organes nationaux, vont lancer le premier assaut. Cela reflète pleinement la chaleur de la grande famille de la mère-patrie et les avantages du système socialiste. Quand une région est confrontée à des difficultés, le soutien vient de toutes les directions, une valeur traditionnelle chinoise. Nous devons étudier et mettre en oeuvre l'esprit et la force motrice des instructions importantes du secrétaire du parti Xi Jinping et d'autres camarades du comité central, redoubler nos efforts, nous battre en permanence et nous efforcer de remporter une victoire complète dans le domaine des secours du tremblement de terre » 69 ( * ) .

III. CONCLUSION

Nous conclurons ce bilan en soulignant que les dommages humains et matériels dans les régions de culture tibétaine du Népal peuvent sembler moins dramatiques par rapport aux bilans provenant des régions beaucoup plus peuplées, situées plus au Sud. Toutefois, eu égard à leur très faible densité, les populations des régions septentrionales, elles aussi, ont été sévèrement touchées et elles le seront aussi du fait de la diminution drastique des activités touristiques qui représentent une importante source de revenus et de maintien d'activités en montagne. On peut ainsi craindre une accélération du mouvement d'exode économique que connaissent ces populations depuis plusieurs décennies, mettant en danger la perpétuation de leur mode de vie spécifique et de leur culture.

Plus de trois mois après le séisme, la région de Solu présente toujours un spectacle de désolation comme le montrent les clichés pris en juillet et août 2015.

Fig. 2. Le bourg de Jiri. (c)Katia Buffetrille

Fig. 3. Village de Shivalaya. (c)Katia Buffetrille

Fig. 4. Stupa de Bandar (Tib. Changma) (c)Katia Buffetrille

Fig. 5. Maison du village de Golla intégralement détruite (c)Katia Buffetrille

Fig. 6. Maison du village de Golla vouée à la destruction (c)Katia Buffetrille

Fig. 7. Nouvelle maison en bois, à Bandar : modèle d'habitat prisé par les Sherpa (c)Katia Buffetrille

PARTIE VII - SALMÉ, VILLAGE-LABORATOIRE DE LA RECHERCHE FRANÇAISE, DÉVASTÉ


M. Denis BLAMONT, directeur de recherche au CNRS, attaché au PACTE (Politiques publiques, ACtion politique, TErritoires), Grenoble

Mme Blandine RIPERT, chargée de recherche au CNRS, attachée au CEIAS (Centre d'Etude de l'Inde et de l'Asie du Sud), Paris

Salmé est un village des moyennes montagnes du Népal central, situé dans le district de Nuwakot. Il est habité par environ 550 familles Tamang, l'un des nombreux groupes ethniques ou tribaux selon les appellations, de langue d'origine tibéto-birmane, ainsi que par quelques familles de Kami, une caste indo-népalaise de forgerons.

Fig. 1. Localisation du village de Salmé

Ce village avait été choisi à la fin des années 1970 pour être le site d'un vaste programme de recherche français, réunissant des chercheurs du CNRS et de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), ainsi que de nombreux étudiants et stagiaires, de divers horizons disciplinaires : anthropologues, géographes, géomorphologues, agronomes, zoologues, écologues, nutritionnistes, etc. Ils y avaient mené des enquêtes, certains juste pour quelques semaines, d'autres pour plusieurs mois ou années, afin de constituer une base de connaissances la plus complète possible du fonctionnement d'un village considéré comme relativement représentatif des moyennes montagnes népalaises, ce qui devait aider ensuite à agir pour le développement.

L'entreprise a en fait été peu suivie d'effets de ce point de vue, à Salmé, car le programme ne s'y est pas poursuivi. Mais il a été prolongé d'un programme dans deux districts situés à l'Ouest du Népal (Gulmi et Argha Khanchi), plus orienté vers le développement. Au total, une trentaine de chercheurs ou apprentis chercheurs ont séjourné à Salmé entre 1979 et 1984, afin d'analyser le fonctionnement d'un système appelé agro-sylvo-pastoral, c'est-à-dire associant à la fois agriculture, élevage et produits de la forêt, cela à l'échelle d'un versant de montagne. Vingt ans après le début de ce programme, l'un de nous deux (Blandine Ripert) y a réalisé une thèse, à la fin des années 1990, visant à étudier les diverses transformations qui y avaient eu lieu depuis les années 1970, grâce aux données très complètes issues de ce programme pluridisciplinaire, tout en comparant ces changements avec ceux des villages de la vallée voisine de l'Ankhu Khola, alors que Denis Blamont étudiait les villages environnants, leurs différences et leurs relations avec Salmé.

Fig. 2. Vue du versant de Salmé et de la route menant à Salme (c) Blandine Ripert

Cette accumulation de données sur un village est exceptionnelle et nous permet aujourd'hui, après le séisme, de comprendre avec une certaine précision ce à quoi doivent faire face les villageois, dont toutes les habitations ont été soit détruites, soit tellement abîmées qu'elles ne sont plus habitables. Les informations sur la situation après le séisme ont été récoltées par Denis Blamont, qui s'est rendu à Salmé quelques jours en mai 2015 et proviennent aussi d'entretiens téléphoniques avec des villageois ayant migré vers la ville avant le séisme.

Pour atteindre ce village, il faut emprunter en bus une petite route de 75 km jusqu'à Betrawati, puis suivre une piste, pendant quatre à cinq heures à pied, ou, depuis deux ou trois ans, en jeep l'hiver, quand la piste est praticable, environ 6 mois de l'année.

I. LE TRAUMATISME DE LA POPULATION

Le traumatisme causé par le séisme a été si violent que les villageois de Salmé n'ont osé revenir sur les lieux de leurs maisons détruites que dix jours plus tard. Aujourd'hui, pour courageux, tenaces et dignes qu'ils sont, ils se disent encore marqués, constamment sur leurs gardes, irritables et querelleurs, plus qu'à l'accoutumée, dormant mal et peu. Un des besoins qu'ils ont exprimé spontanément est celui d'un soutien psychologique. Ils ne veulent pas résider au village, au moins pendant la période de mousson, car ils redoutent d'inévitables glissements de terrain. Certains ont été malades, parce que les fontaines ont été pour partie détruites et pour partie dérangées et polluées et que l'eau potable manque. Néanmoins, la terre a tremblé un samedi matin, c'est-à-dire pendant que les adultes étaient aux champs et les enfants partout sauf à l'école. Ainsi on ne déplore « que » 27 morts.

Fig. 3. Salmé avant et après le séisme du 25 avril (c) B. Ripert, (c) D.Blamont

II. LES MAISONS

Elles sont toutes inhabitables, pour la majorité complètement détruites. Cela a signifié dans l'immédiat la nécessité de s'abriter de la pluie et de la grêle de la fin du printemps, puis ensuite de la mousson, en retard cette année. Certains ont pu construire des abris de fortune en récupérant des tôles ondulées, quand elles n'avaient pas été trop vrillées, qu'ils ont pu fixer sur des poutres récupérées parmi les décombres. La tôle ondulée, matériau récent, onéreux et difficile à transporter à dos d'homme, n'était cependant pas utilisée dans toutes les maisons. Si le village voisin de Bumtang (fig. 4), situé plus près d'une route, en était quasiment recouvert depuis les années 2010, ce n'était pas le cas de Salmé, où l'on utilisait encore les bidons martelés, parfois de la lauze ou encore des bardeaux, mais beaucoup moins que par le passé (fig. 5).

Fig. 4. Toitures en tôle du village de Bumtang (c) B. Ripert

Fig. 5. Variété des matériaux utilisés pour les toitures à Salmé
(c) B. Ripert

Si les photos prises à distance laissent penser que certaines maisons de Salmé ont relativement bien tenu, en s'approchant, on s'aperçoit que tous les murs pignons se sont effondrés (fig. 6 et 7) : les deux murs de façade sont maintenus ensemble par la structure en bois, notamment les solives très denses des étages - qui vont d'un mur à l'autre - mais également en général par la charpente, bien que très légère ; alors que les murs pignons ne sont tenus que par, au plus, une poutre par étage et, surtout, leur arrimage, plus ou moins bien maçonné (on n'utilise pas le ciment mais de la terre pour ces constructions en pierres), à ces murs de façade.

Fig. 6. Vue éloignée et plan rapproché des destructions à Salmé (c) D. Blamont

Fig. 7. Fragilité des pignons, Salmé ((c) D. Blamont)

Pourtant, nombre de ces maisons ont été construites récemment, à partir des années 1990, quand ont commencé les migrations vers les pays du Golfe, permettant de rapporter suffisamment d'argent pour édifier des maisons plus grandes, pensées comme plus solides, certainement plus onéreuses qu'auparavant, nécessitant l'intervention d'ouvriers relativement spécialisés (maçons, menuisiers, charpentiers), payés à la tâche et non pas par échange de travail, comme c'était le cas jusque dans les années 1980. Un grand nombre de familles ont ainsi investi beaucoup d'argent dans ces nouvelles maisons, qui viennent de s'effondrer, ce qui rend leur destruction d'autant plus tragique d'un point de vue économique. Leur modernité ne les a pas protégées : ainsi, la seule maison en béton armé n'a pas mieux résisté, car mal conçue, sans cloison entre les piliers permettant de "trianguler" le mur. Les piliers ont basculé et le premier étage de cette maison s'est ainsi "posé" à côté du rez-de-chaussée. L'école, dont l'un des bâtiments récents avait également été construit avec du ciment, n'a pas résisté non plus, du fait d'une technique de construction défaillante (fig. 8).

Fig. 8. Bâtiment cimenté de l'école avant ((c) B. Ripert) et après le séisme ((c) D. Blamont)

Fig. 9. L'école principale de Salmé en 2014 ((c) B. Ripert) et après le séisme ((c) D. Blamont)

III. LA RÉSERVE

Avec la maison qui s'écroule, c'est aussi la réserve des récoltes qui est perdue, au moins en partie. Les récoltes n'étaient pas conservées dans des abris spécifiques, en dehors des maisons ou dans des remises les mettant à l'abri, mais en général au premier étage des maisons, en tas libre : les courants d'air, depuis la porte ouvrant sur le balcon, et la fumée arrivant de la pièce à vivre du bas (avec un foyer sans cheminée), les empêchaient de moisir.

Mais quand la maison s'écroule, elle ensevelit ces réserves sous les pierres, le mortier et le torchis utilisés entre les pierres et surtout entre les étages des maisons ; les pluies d'orage qui se sont succédé à la même période ont vite fait germer ces réserves, qui n'étaient plus utilisables.

Avec la perte de ces réserves de grain, a également été perdue une grande partie des semences : celles d'éleusine, une sorte de millet, qui devait être semée en mai, puis repiquée en juin entre les plants de maïs semés début avril ; celles de riz, qui devaient être semées en juin et repiquées dès l'arrivée de la mousson, qui en tardant, a compromis ce repiquage. Les récoltes de blé et d'orge n'avaient heureusement pas encore été coupées. Et si les villageois ont réussi à trouver, dans leur grande majorité, l'énergie et le temps de s'y consacrer juste au lendemain du séisme, se pose la question de leur conditionnement pendant la mousson, dans des abris de fortune, ouverts à l'humidité, sans espace de séchage.

Dans les décombres, ce sont aussi les outils et la vaisselle , dont les précieux pots à eau, qui ont été ensevelis ou abîmés. Heureusement, la plupart des armoires, en bois, ont résisté et ont pu être extraites des décombres avec leur contenu. Les outils sont fabriqués et affûtés dans les forges villageoises sommaires, tenues par la caste hindoue des Kami. Mais ces forges ont été également détruites, rendant la réparation des outils récupérés difficile.

Fig. 10. Les armoires intactes parmi les décombres - (c) D. Blamont

Et lorsque les récoltes pourront malgré tout cela être effectuées, il restera encore le problème des moulins nécessaires pour moudre la farine, qui ont été eux aussi en grande partie détruits.

Le système agro-sylvo-pastoral de ce type de village des moyennes montagnes repose sur la présence importante du bétail . Certes, sa place a eu tendance à diminuer au cours des dernières décennies, depuis l'utilisation d'engrais chimiques et le manque de fourrage pour nourrir les animaux. Mais il reste important dans le système tel qu'il fonctionne actuellement. L'un des changements de ces dernières décennies, et qui a eu des conséquences lors du séisme, est que les animaux sont de plus en plus gardés en stabulation, et non plus, ou moins souvent, dans des abris mobiles, associés à la pratique de la vaine pâture. Ce changement est à mettre en parallèle avec le fait que les pratiques communautaires tendent à disparaître au profit des innovations individuelles. Il permet à chacun de se libérer du calendrier agricole communautaire, et de planter les nouvelles semences choisies sur les terres adéquates au moment voulu.

Fig. 11. Abri mobile pour le bétail et nouveau modèle d'étable, à deux étages (c) B. Ripert

Ainsi, le bétail est de plus en plus gardé dans des étables, dont certaines ont été surmontées ces dernières années de granges pour stocker le fourrage, une première étape vers le déménagement de la famille vers ce qui deviendra alors une maison située plus proche des champs, plutôt que dans le village. La conséquence, lors du séisme, est qu'une partie de ces étables se sont effondrées sur le bétail, le tuant ou le blessant (une première estimation plus ou moins fiable annonce la disparition de 500 chèvres et moutons, 300 vaches et zébus et 80 buffles). Cela signifie un appauvrissement important de ceux qui avaient investi dans le bétail mais surtout une diminution de la fertilité de la terre.

Une question de taille se pose également aux villageois, celle de savoir où reconstruire. Les deux principaux hameaux sont situés à proximité d'un immense ravinement qui a de très fortes chances de s'agrandir pendant la mousson, et sont surmontés de rochers autour desquels des failles sont apparues (fig. 13). Un nouveau site, pourtant très commode car disposant d'un vaste espace plan non cultivé, où se trouve la principale école, est surmonté d'une paroi verticale et de rochers en surplomb, qui se sont descellés.

Trouver un nouvel emplacement est donc difficile : chaque replat est utilisé pour les cultures, prendre sur cet espace signifie disposer de moins de terre arable, donc moins de récolte, moins de nourriture, alors qu'une partie déjà des terrasses, surtout des rizières, ont été endommagées par les mouvements du séisme. D'autres seront très certainement emportées dans les glissements qui suivront la mousson. Reconstruire un village entier signifie s'entendre sur un espace à partager alors que les terrasses ont déjà été beaucoup divisées par héritage. On peut imaginer que finalement, la dispersion de l'habitat va s'accélérer brutalement, car la solution d'un village groupé sera très difficile à faire aboutir. Par ailleurs, il semble que les maisons isolées aient mieux tenu que celles du village, sans doute parce qu'elles étaient plus récentes en général mais aussi parce qu'elles ne se sont pas effondrées les unes sur les autres.

Fig. 12. L'écroulement des maisons les unes sur les autres à Salmé ((c) D. Blamont)

IV. LES GLISSEMENTS DE TERRAIN

La mousson va gorger d'eau le versant (3 mètres d'eau en 4 mois), s'engouffrer dans ces nouvelles fissures, les glissements de terrain vont menacer la stabilité du versant, des champs, et mettre les villageois en grand danger, ainsi qu'endommager la piste qui permettrait d'acheminer les matériaux de construction, comme dans beaucoup de régions du Népal (fig. 13). Les villageois ont pour le moment décidé pendant la mousson de se regrouper sur le haut du versant, donc loin des terres et sur un replat dont une partie était un espace collectif de pâture qui ne peut glisser.

D'autres villages sinistrés ont fait le même choix, comme Laprak par exemple, dont on a souvent entendu parler dans les médias. Mais cela signifie pour les villageois des déplacements beaucoup plus longs et fatigants pour atteindre leurs terres, surtout les rizières du bas de versant dont ils s'occupent tout particulièrement l'été. Une partie des villageois de Salmé ont également décidé de quitter le village, au moins le temps de la mousson, et se sont regroupés dans un camp de fortune dans la banlieue de Trisuli, le bazar situé à quelques heures de marche.

Enfin, la mousson de 2015 a été tardive et peu abondante : on peut redouter que tous les terrains fragilisés ne glissent pas cette année mais lors d'une mousson plus violente, une année prochaine. Les conséquences du tremblement de terre risquent ainsi de se manifester pendant de nombreuses années encore et ruiner les futurs efforts de reconstruction. Combien d'hectares vont ainsi être détruits ?

V. L'ENCADREMENT POLITIQUE

Ce que révèlent aussi les conséquences du séisme, c'est le problème de l'encadrement politique de la société népalaise. Il n'y a pas eu d'élections locales depuis 2002, suite aux évènements politiques de 2006 ayant conduit finalement à la destitution du roi et la création d'une République en 2008, mais pour laquelle les partis politiques n'arrivaient pas à se mettre d'accord sur une constitution. Tant que ces discussions n'auront pas abouti et que de nouvelles élections n'auront pas été organisées (ce qui prendra encore du temps), il n'y aura pas de pouvoir politique légitime dans les villages. Il reste un secrétaire, qui fait le lien avec le Gouvernement, mais pour le reste, ce sont les luttes anciennes de pouvoir qui priment parfois, selon les histoires locales différentes en chaque lieu, qui ont souvent été exacerbées pendant la décennie de guérilla maoïste. Cela ne facilite pas le soutien aux efforts de reconstruction qui doivent être faits.

Il manque ainsi un relais officiel entre le Gouvernement et la société locale pour organiser, structurer et prendre des décisions en situation de crise et le district de Nuwakot est célèbre pour ses luttes partisanes et la corruption de ses élites. Néanmoins, les villageois se sont entendus pour contourner les factions politiques, surtout représentées par des personnalités d'un certain âge, et pour faire confiance à la jeune génération, regroupée dans un « Club des Jeunes » chargé de coordonner les relations entre les donneurs pour la reconstruction et les villageois. Malheureusement, les groupes de femmes, très structurés et actifs dans d'autres villages sont, à Salmé, peu actifs ou influents.

Par ailleurs, la reconstruction de toutes les maisons en même temps va exercer une pression très forte, voire trop forte, sur les milieux naturels.

Il faudra de nouvelles poutres, de nouveaux matériaux, prélevés sur la forêt, des graviers et du sable des rivières voisines, si l'on se met à utiliser le béton armé à l'intérieur des murs de pierres pour construire des maisons résistant aux tremblements de terre à venir. Or ces prélèvements se font habituellement au compte-gouttes, en payant et en définissant le nombre d'arbres par maison, et le nombre de maisons pouvant être construites, afin de limiter le déboisement et la fragilisation des versants. Cette question se pose évidemment de manière plus large à l'ensemble du Népal, nécessitant d'imaginer de nouvelles solutions et l'utilisation de matériaux accessibles. De plus, normalement, les ressources forestières sont gérées, dans chaque ward (quartier) de la commune, par un groupe d'utilisateurs de la forêt. Or, dans trois de ces quartiers sur neuf, le groupe est inactif ces dernières années et ne contrôle plus l'accès aux ressources forestières. Une des conditions mises à l'intervention à Salmé de donneurs étrangers est que ces groupes redeviennent actifs. Ils ne pourront pas le faire seuls et devront sans doute être reconstruits avec l'aide de la Fédération Nationale des Groupes d'Utilisateurs de la Forêt.

VI. LA MAIN-D'oeUVRE

Se pose également le problème de la main-d'oeuvre. Un des changements majeurs de ces dernières années est le départ devenu massif des jeunes hommes, surtout les « jeunes instruits » qui ont pu aller à l'école. Ils sont partis travailler, depuis la fin des années 1990 mais surtout le milieu des années 2000, pour les pays du Golfe pendant quelques années, avant souvent de finalement s'installer définitivement dans les banlieues de Katmandou ou des petites villes locales, où ils achètent des terres, construisent une maison et envoient leurs enfants à l'école. Les villages se sont donc vidés durablement d'une force de travail importante, remettant en cause une organisation du travail qui repose à présent davantage sur les femmes, qui travaillaient déjà beaucoup, et sur les personnes plus âgées.

Cela commençait déjà à être un problème avant le séisme, dans ce type de système agro-sylvo-pastoral nécessitant une forte main-d'oeuvre pour entretenir des terrasses sur de pareilles pentes, avec des rendements par ailleurs faibles.

Si certains de ces jeunes avaient investi dans la construction d'appartement dans la banlieue de Katmandou ou de Trisuli, ils avaient aussi envoyé de l'argent à leur famille restée sur place, dont un grand nombre avait investi cet argent dans la construction de maisons plus grandes, en dehors du village, au plus proche des champs. Ces efforts et investissements, représentant jusqu'à 15 ans de leur vie, sont aujourd'hui à terre, mais il va aussi manquer la main-d'oeuvre nécessaire pour les reconstruire, main-d'oeuvre qui reste à former aux techniques de construction.

Un projet de reconstruction porté par le Réseau Chercheurs Népal 70 ( * ) , réseau français qui s'est constitué suite au séisme dans le but de mettre à disposition les connaissances du terrain des chercheurs, prévoit de concevoir, avec les villageois, des maisons s'inspirant de l'architecture vernaculaire et prenant en considération de nouveaux besoins : la résistance aux tremblements de terre, bien sûr, mais aussi une bonne efficacité énergétique et des équipements sanitaires.

Pour l'instant, l'organisation « Action contre la Faim » devrait fournir en grand nombre les tôles ondulées, qu'il est difficile de se procurer, puisque la demande s'en est multipliée, et elle a distribué des sacs de conservation des récoltes. Le Réseau Chercheurs Népal a tout d'abord fourni une aide alimentaire de première urgence ainsi que des bâches en plastique et des couvertures, et ensuite financé l'action d'une ONG népalaise, SAPPROS, dont le rôle est d'organiser et soutenir la communauté villageoise pour la reconstruction ainsi que s'assurer que les financements officiels soient aussi disponibles pour ce village situé aux confins du district. Le Réseau des Chercheurs s'attache maintenant à chercher les fonds et les appuis nécessaires pour faire face aux coûts de cette reconstruction et de formation de la main-d'oeuvre, qui seront considérables 71 ( * ) .

PARTIE VIII - LES MIGRATIONS DE TRAVAIL AU NÉPAL : QUELS ENJEUX APRÈS LE SÉISME ?

M. Tristan BRUSLÉ, Chargé de recherche au CNRS,
Centre d'Études Himalayennes, CNRS, Villejuif

Les migrations de travail touchent l'ensemble de la population du Népal, des plaines aux montagnes, de l'Est à l'Ouest, des villes aux villages. En 2013-2014, 500 000 Népalais, hommes et femmes, sont partis travailler à l'étranger (Inde non comprise). Entre 2 à 3 millions de Népalais travaillent dans les pays du Golfe et en Malaisie et au moins le même nombre serait en Inde. Les remises monétaires envoyées par les migrants, depuis l'Inde et le reste du monde, représentent presque 30 % du PIB du Népal, soit bien plus que l'aide internationale (5 à 6 %) et le tourisme (4 à 5 %) réunis.

Cependant, quand une grande partie de la population, celle qui est dans la force de l'âge, est absente (parfois jusqu'à 80 % des hommes de la classe d'âge 20-35 ans), les problèmes sont multipliés.

Fig. 1. Chambrée de travailleurs migrants. Doha, 2011 - (c) Tristan Bruslé

Je vais tenter de mettre en rapport ce phénomène massif de la migration de travail avec l'épisode catastrophique d'avril et mai 2015, en m'interrogeant sur les liens entre migration de travail et séisme.

Je noterai, pour commencer, deux points qui éclairent cette question :

1) On a vu, à la suite du séisme, la rapidité de diffusion des informations sur les réseaux sociaux et on a pu constater que le contact des émigrés avec le Népal est quasiment constant. Les migrants au Qatar, ou dans d'autres pays, ont accès à une modernité technologique qui leur permet d'être proches de ceux restés au Népal. Les nouvelles de la famille, des amis ont circulé très rapidement, comme le montre l'activité des migrants sur le réseau Facebook . Les vidéos du séisme ont été partagées dès le lendemain du premier séisme, grâce à la diffusion des smartphones au Népal. Le grand nombre de vidéos qui ont été diffusées et reprises sur les réseaux sociaux ont constitué non pas tant une concurrence pour la presse traditionnelle mais un point de vue très local et personnel sur les événements. Les réactions et les partages ont été très nombreux parmi les Népalais de l'extérieur : il est même peut-être possible que le fait d'avoir eu accès à ces vidéos, de comprendre l'étendue des dégâts, non seulement à Katmandou mais surtout dans les villages, ait permis la mobilisation massive des migrants.

2) De nombreux migrants en partance pour l'étranger sont morts à Gongabu, la nouvelle gare routière où est localisé un nombre important d'hôtels bon marché qui leur sont destinés. Les médias ont relaté plusieurs histoires de familles mises en péril, car le candidat à la migration mort avant même d'avoir pu quitter son pays n'aura pas remboursé l'emprunt qu'il avait contracté pour partir.

Ces deux remarques très factuelles illustrent l'enjeu particulier que représentent les migrants pour le Népal, en cas de crise.

I. LES MIGRATIONS DE TRAVAIL AU NÉPAL : UN PHÉNOMÈNE MAJEUR

Le phénomène migratoire touche toutes les classes sociales et quasiment toutes les régions du Népal, tant il est devenu massif.

Fig. 2. Zones de départ des migrants au Népal.

Aujourd'hui, 1 500 personnes partent chaque jour de l'aéroport de Katmandou et sans doute au moins autant franchissent la frontière indo-népalaise par des moyens terrestres. Une véritable  « culture de la migration » s'est développée au Népal.

Fig. 3. Le Web diasporique népalais, 2011

Les destinations et le type de migration dépendent :

- de la classe sociale et de la caste (dans une moindre mesure)

- de la région (cf. fig. 2 : les zones de départ)

On peut distinguer deux types de migration :

- de travail : migration temporaire/saisonnière vers l'Inde ; de plus long terme vers le Golfe et la Malaisie, la Corée. Plus de 180 destinations sont approuvées par le Gouvernement népalais (cf. l'éparpillement des Népalais dans le monde, fig. 4, et fig. 3) ;

- pour étude avec comme destinations principales l'Inde, la Grande-Bretagne et l'Australie.

Il n'est pas toujours facile de distinguer entre les différents types de migration car de nombreux étudiants travaillent aussi.

Fig. 4. Répartition des personnes d'origine népalaise hors du Népal.

Quels que soient les motifs de la migration, on observe une dispersion forte des personnes ayant la citoyenneté népalaise ou d'origine népalaise, dans le monde. La plus forte concentration se trouve en Asie, essentiellement en Inde, puis dans les Émirats arabes unis.

Parmi les nombreux effets des migrations depuis le Népal, on peut noter :

- une réduction de la pauvreté depuis les années 2000, qui se manifeste par un certain enrichissement des ménages comptant des migrants ;

- une charge de travail agricole accrue pour les femmes, mais des effets discutés sur les opportunités en travail agricole journalier ;

- une mécanisation de l'agriculture, surtout dans le Teraï ;

- des effets sur les rendements agricoles incertains, mais un désintérêt croissant des jeunes pour l'agriculture, considérée comme une activité qui ne rapporte pas et ne permet pas de réaliser les aspirations à une vie plus confortable des jeunes ;

- la multiplication des constructions « modernes » dans les villages ;

- un attrait pour la ville, la proximité à la route : une grande partie de l'urbanisation est due à la relocalisation des migrants en ville ;

- de manière progressive, on peut envisager un changement des bases productives. Le rêve de tout migrant de retour est non plus de cultiver ses propres champs mais de faire du « business » ;

- une dépendance accrue sur l'extérieur, donc une fragilité forte vis-à-vis de la conjoncture économique internationale ;

- des importations massives : augmentation des déficits commerciaux.

II. SÉISME ET MIGRATION

On a pu constater, dès les premiers jours qui ont suivi le séisme, une tension entre le besoin de main-d'oeuvre sur place et le besoin d'argent des migrants. Le séisme n'a, en la matière, fait qu'accentuer une situation qui existait déjà. On verra cependant qu'il n'y a pas superposition exacte des cartes des migrations et de l'intensité du séisme.

A. LA QUESTION DE LA PRÉVENTION AU RISQUE SISMIQUE PARMI LES MIGRANTS

Selon un rapport du Centre for the Study of Labour and Mobility (CESLAM) 72 ( * ) , les migrants ne sont pas mieux préparés que les autres en matière de prévention au risque sismique. En effet, il n'existe que des liens très faibles entre les migrations externes et la prévention d'un événement de ce type : les familles de migrants construisent certes des maisons en ciment, mais cet usage reflète plus leur souhait d'avoir une « maison moderne » qu'un souci de sécurité en cas de séisme. Parmi les migrants, les seuls qui se sont déclarés préparés à l'éventualité d'un séisme n'évoquaient pas tant les normes antisismiques de leur habitation que la possibilité de mobiliser un capital (sous forme de bijoux portés et de liquidités à la banque, fruits de l'épargne du migrant). S'ils ont réussi à sauver leurs biens (qui sont plus importants que ceux des non migrants), ils pourraient faire face plus rapidement à une situation de catastrophe. Il en va de même pour les migrants qui ont une épargne a priori destinée à partir vers une autre destination, qui déclarent, dans certains cas, pouvoir prêter cet argent pour la reconstruction.

Il n'y donc pas de lien entre migration de travail et prévention des séismes, car les migrants n'ont pas plus accès à l'information sur la prévention et à des programmes d'aide que les non migrants. En revanche, les migrants sont favorisés dans l'après-séisme du fait qu'ils possèdent plus de capital.

B. MIGRATIONS DE TRAVAIL À L'ÉTRANGER ET MANQUE DE MAIN D'oeUVRE

A très court terme, dans les premiers moments après le séisme, l'absence des hommes migrants a durement été ressentie, surtout quand il s'est agi de dégager les décombres, de déplacer des pierres ou des poutres ou tout autre travail de force. Beaucoup de témoignages de femmes font état d'une situation très critique dans les heures qui ont suivi le séisme : non seulement, il leur a fallu tenter de récupérer leurs biens et leurs denrées (sans parler des survivants) dans les décombres, mais il leur a aussi fallu se procurer des bâches, des tôles ondulées, et construire des abris de fortune. La plupart des familles comptant des migrants à l'étranger ont assuré que l'absence d'hommes valides (ou d'aînés) a perturbé les stratégies familiales post-séismes, tels que les crémations, par exemple, auxquelles, traditionnellement, les femmes n'ont pas le droit de participer. Le problème de l'absence des hommes a été relaté par tous les médias, mais les témoignages ont aussi montré que cette absence avait été supplétée par une entraide très forte à l'échelle des communautés villageoises.

Il ne faut pas en outre sous-estimer les dimensions psychologiques de l'absence d'un homme (père ou fils) parti travailler à l'étranger : comment le prévenir ? Comment lui demander de revenir ? Que lui dire ? Des histoires terribles de migrants, n'ayant pris connaissance de décès de membres de leur famille qu'une fois rentrés chez eux, ont circulé dans les médias.

A moyen terme, se pose la question de la main d'oeuvre disponible pour les travaux agricoles.

Apparemment, dans les quelques semaines qui ont suivi le séisme, beaucoup d'hommes ont annulé leur départ, ou l'ont reporté, pour être présents durant la première phase de reconstruction.

C. LA QUESTION DU RETOUR AU MOMENT DU SÉISME

Le Gouvernement népalais a rapidement demandé aux pays hôtes des travailleurs migrants de leur donner congé et les laisser rentrer au pays, mettant même en place un mécanisme de paiement d'un aller-retour pour les migrants ayant perdu un membre de leur famille dans le tremblement de terre. Mais de début mai à mi-juin, seulement 15 personnes avaient utilisé cette aide.

Si, au total, très peu de migrants sont rentrés  c'est que l'opération était risquée et coûteuse (rupture de contrat avec leur entreprise, retenue sur salaires). Dans l'étude CESLAM, seuls 12 % de migrants sont revenus, 23 % ont tenté de revenir mais n'ont pas pu (absence d'accord de l'employeur, d'information sur le plan d'aide gouvernemental, d'argent nécessaire à l'achat du billet d'avion, ou de demande de la famille) et 55 % ne sont pas rentrés ni n'ont eu des velléités de rentrer ; enfin les 7 % restant ont le projet de revenir.

Le quotidien The Guardian a annoncé dans ses colonnes que le Qatar interdisait formellement aux Népalais de rentrer chez eux, une information que le Gouvernement népalais a contestée. J'ai moi-même constaté en suivant les posts de quelques migrants sur Facebook que l'information n'était pas exacte, même si on note bien une asymétrie des rapports de pouvoir entre les migrants népalais et leurs employeurs qui ne facilitent pas les retours.

D. LA RECONSTRUCTION

Une des questions qui se posent au sujet de la reconstruction est la suivante : l'augmentation des besoins après le séisme va-t-elle entraîner plus de migrations ?

A court terme, après la tragédie, les demandes de passeport ont diminué : d'une part, certains ont décidé de repousser leur voyage et d'autres ont estimé que l'argent engagé dans la migration serait sans doute mieux utilisé à la reconstruction. On ne connait pas les conséquences de ces décisions, mais on peut noter que dans des économies familiales fragiles, le séisme risque de pénaliser encore plus les ménages qui comptaient ou comptent sur la migration pour s'en sortir.

L'aide apportée par les migrants a été spectaculaire dans la période qui a immédiatement suivi le séisme, puisque les flux privés envoyés par les migrants sont arrivés plus vite que l'aide internationale. Dans l'étude du CESLAM, l'augmentation des flux n'est pas vraiment avérée alors qu'à l'échelle nationale, les transferts d'argent (via Western Union notamment) ont très largement augmenté (mais ces transferts n'étaient pas émis que par des Népalais). Les faibles transferts constatés par l'étude du CESLAM s'expliquent par l'incapacité des migrants à mobiliser rapidement une somme d'argent. En effet, les envois d'argent se font par rotation : les hommes collectent de l'argent entre eux et l'envoient à leur famille chacun leur tour. Ils n'ont pas beaucoup de liquidités disponibles en dehors du moment où vient leur tour. Toutefois, même les transferts effectués dans les premiers jours avaient leur utilité, pour l'achat de denrées et provisions.

Il semblerait que la majorité des familles ait demandé à ce que le migrant ne rentre pas, mais plutôt qu'il continue à envoyer de l'argent pour les besoins immédiats et les besoins futurs de reconstruction.

E. SÉISME ET DIASPORA

Le rôle de la diaspora népalaise après le séisme conduit à se demander : peut-on voir des points positifs dans un événement tragique ?

En effet, on a assisté à une mobilisation très importante des communautés expatriées népalaises, doublée de discours de méfiance vis-à-vis des hommes politiques, de l'État et du Gouvernement en général. Shesh Ghale, le patron des Non Resident Nepalis (NRN, l'association la plus importante tentant de regrouper tous les Népalais de l'extérieur), est devenu un collecteur officiel des aides privées.

Fig. 5. La diaspora népalaise au secours du pays; Source : nrna.org.np, mai 2015

Le séisme fut un événement important pour montrer aussi au Népal, aux hommes politiques népalais en particulier, que la diaspora sert à quelque chose alors que jusqu'à présent, les migrants étaient considérés comme des éléments dépourvus de sens patriotique et certains pouvaient se demander en quoi la diaspora participait au développement du Népal. Dans l'esprit des dirigeants de l'association NRN, il existe sans doute aussi des arrière-pensées en vue d'obtenir le droit à la double citoyenneté, qui n'est pas reconnue au Népal. Il s'est agi de montrer que la nationalité américaine par exemple n'empêche pas un fort sentiment identitaire qui se traduit en aide concrète (cf. leur slogan « pour les Népalais, de la part des Népalais » ).

Cette mobilisation de la diaspora a cependant donné lieu à une mise en scène de l'aide sur les réseaux sociaux, où les donateurs prennent plus d'importance que les receveurs, et qui fut dénoncée comme telle dans quelques articles de journaux.

F. RELOCALISATION DES VILLAGES ET FUITE DE LA VALLÉE DE KATMANDOU : LES AUTRES MOUVEMENTS DE POPULATION

L'épisode sismique a également provoqué de nombreux déplacements de population au sein même du Népal, dont il reste à analyser précisément les flux et les conséquences. (cf. fig. 6).

Fig. 6. Estimation des mouvements internes de population à partir de Katmandou, après les séismes
(10 juin 2015) - Source : Flowminder.org

Les pistes de réflexion sur ce thème sont nombreuses :

- les migrants internes, habitants à Katmandou et originaires des villages détruits, risquent de s'ancrer encore plus à Katmandou ;

- on constate une augmentation des migrations vers les villes, sans que l'on sache si elles ne seront que de courte durée et si elles seront réversibles ou pas ;

- quelles seront les conséquences de la relocalisation des villages de manière préventive avant la mousson ?

G. CONCLUSION

On peut considérer le séisme comme un révélateur des difficultés, des blocages, de la corruption et d'autres maux du Népal. Il a mis en lumière les dysfonctionnements du pays.

Il est à craindre que le séisme augmente encore la demande en travail à l'étranger et accentue ainsi les risques liés à la migration, à un moment où les besoins de certaines familles sont très forts. Il faut aussi espérer que le Gouvernement exerce un contrôle sur les agences de recrutement de la main d'oeuvre, et surtout qu'un grand nombre d'emplois bien rémunérés se mettent en place au Népal et parviennent à retenir les hommes.

PARTIE IX - L'IMPACT DU SÉISME SUR LE SECTEUR TOURISTIQUE AU NÉPAL

Mme Isabelle SACAREAU, professeure,
Université Bordeaux Montaigne, UMR 5195 ADESS

Mme Marie FAULON, doctorante,
ANR-13-SENV-0005 PRESHINE,
Université Bordeaux Montaigne,UMR 5195 ADESS.

Le séisme d'avril 2015 au Népal, suivi d'un second séisme le 12 mai 2015, a suscité une forte émotion internationale, relayée par les médias d'information en continu et par les réseaux sociaux. Cette dernière était d'autant plus forte qu'il était à déplorer de nombreuses victimes étrangères dans ce haut lieu du tourisme de montagne, frappé en pleine saison touristique et dans quelques-uns de ses lieux touristiques les plus emblématiques. La catastrophe a mis en lumière l'importance de ce secteur économique pour le développement de ce pays déjà fragilisé par une forte instabilité politique, après dix années de guerre civile, et en particulier pour les populations montagnardes, dont il constitue une source de revenus essentielle. La reconstruction du Népal après cette catastrophe passe ainsi par un retour rapide des touristes dans le pays, ce qui implique, au-delà du constat des destructions, d'évaluer la capacité de résilience du système touristique au Népal et les conditions du rétablissement d'une activité qui fait vivre des dizaines de milliers de familles, en particulier dans les zones rurales pauvres de montagne.

Fig. 1. Carte générale du Népal : voies de communications et aires protégées
(Jacquemet, 2015)

I. LE TOURISME, UN SECTEUR ÉCONOMIQUE VITAL POUR LE NÉPAL

Le Népal est devenu, depuis les années 1950, un haut lieu du tourisme, grâce à la présence de la chaine himalayenne, et de ses 14 plus hauts sommets de la terre, dont l'Everest, ainsi qu'à l'importance culturelle de la vallée de Katmandou, dont les temples, palais et édifices religieux les plus remarquables ont été classés au patrimoine mondial de l'UNESCO.

Fig. 2. Flux des touristes au Népal entre 2000 et 2013
Source : Nepal Tourism Statistics 2013

Les flux du tourisme international s'élevaient à 767 600 visiteurs en 2013 (source : Nepal Tourism Statistics 2013 ), dont 51 % venus visiter les grands sites naturels et culturels du pays et découvrir de loin les paysages de l'Himalaya, 13 % venus faire du trekking (grande randonnée de plusieurs jours en montagne accompagnée ou non de guides et de porteurs) ou participer à des expéditions de haute montagne, et 9 % pratiquer un pèlerinage. Si les touristes internationaux étaient jusqu'à ces dernières années issus des pays occidentaux (Amérique du Nord, Europe dont 25 000 de France, Australie, Nouvelle-Zélande), depuis quelques décennies, les clientèles indiennes et chinoises sont venues s'ajouter aux Japonais et Coréens pour représenter aujourd'hui respectivement 1/5 e et 1/10 e des touristes au Népal.

Du point de vue économique, le tourisme contribue à 2 % du PIB, mais aussi à près de 21 % de la valeur des exportations des biens et des services (source : Nepal Rastra Bank ). Les recettes du tourisme international ont plus que doublé depuis la fin de la guerre civile, passant de 219 millions de dollars en 2000 à 457 millions de dollars en 2013 (soit près de 417,5 millions d'euros), selon la Banque mondiale. Il s'agit donc une source de devises essentielle pour le pays, pauvre en ressources naturelles (en dehors de l'hydroélectricité) et en industries, et qui vit essentiellement de l'agriculture, des remises de ses travailleurs migrants et de l'aide internationale.


Fig. 3. Les motifs de la visite des touristes au Népal en 2013.
Source : Nepal Tourism Statistics 2013.

Outre les dépenses des touristes sur place, environ 43 dollars par jour et par personne (moins de 40 euros), les revenus du tourisme proviennent des visas, des royalties payés par les expéditions, des permis de trekking et des droits d'entrée dans les parcs et les aires protégées. Les royalties, par exemple, s'élevent à 3 millions d'euros, dont 80 % fournis par les seules ascensions à l'Everest. Les droits d'entrée dans les aires protégées représentent un revenu de plus de 4 millions d'euros dont 790 000 euros pour le parc national de Sagarmatha, où se situe l'Everest et 430 000 euros pour le parc national du Langtang (Source : Department of National Park and Wildlife Conservation) .

Fig. 4. Revenus issus des permis délivrés aux expéditions en 2013
Source : Nepal Tourism Statistics 2013

Le tourisme est aussi une des toutes premières sources d'emplois en dehors de l'agriculture, ou de l'émigration temporaire dans les pays du Golfe et tout particulièrement pour les populations pauvres des montagnes. Il emploie 138 000 salariés homologués, se répartissant dans les secteurs de l'hôtellerie et des transports, des agences de voyage et de trekking . Mais surtout, le tourisme fait vivre 50 000 salariés des agences de trekking , dont 40 000 saisonniers, sans compter un grand nombre de guides et de porteurs occasionnels ou travaillant en free-lance , recrutés principalement dans les montagnes du centre et centre-ouest du pays.

Le tourisme constitue ainsi un système d'acteurs interdépendants, depuis les agences de voyage, et surtout les agences de trekking qui emploient guides et porteurs, en passant par les propriétaires et gérants d'hébergements touristiques le long des chemins de trekking, jusqu'aux compagnies aériennes privées et aux grands hôtels localisés dans la capitale. Katmandou est au coeur du système touristique, car c'est la porte d'entrée aérienne du Népal et un pôle de redistribution des flux touristiques dans tout le pays.

Fig. 5. Rue de Thamel, quartier touristique de Katmandou, 2009
(c) Isabelle Sacareau

Sa vallée est aussi le premier lieu visité au Népal, du fait de sa richesse culturelle : les quartiers historiques de Katmandou, Patan ou Bhaktapur avec leur architecture remarquable comptent de très nombreux temples et édifices religieux, classés au Patrimoine mondial de l'Unesco, dont la visite est payante.

C'est à Katmandou que se concentre l'essentiel de l'offre d'hébergement, surtout dans le quartier de Thamel situé au nord de la vieille ville, ainsi que la majeure partie des services touristiques du pays, avec en particulier la présence de la plupart des agences népalaises de trekking qui organisent, depuis la capitale, le tourisme de montagne.

Fig. 6. Bâtiments endommagés par le séisme sur un circuit touristique, Swayambhu - (c) Navin Shakya

Les régions de trekking les plus visitées correspondent aux massifs qui comportent les plus hauts sommets et/ou qui sont inscrits dans des aires protégées : la première région de trekking est l'Aire de conservation de l'Annapurna, au nord de la ville de Pokhara et de son lac, avec 116 065 randonneurs. Elle est suivie du Parc national du Sagarmatha (région de l'Everest) situé au Nord-Est, visité par 36 750 randonneurs, et du Parc National du Langtang, au Nord-ouest de Katmandou, qui en reçoit 13 370.

Fig. 7. Randonneurs en route vers le camp de base de l'Everest (c)Bernard Davasse, avril 2014

Les autres massifs n'accueillent quant à eux que quelques milliers de touristes, comme l'Aire de Conservation du Manaslu située sur l'épicentre du séisme, qui n'en compte que 4 439.

Toutes ces régions de trekking ont été profondément transformées localement par le tourisme, avec le développement de lodges , de tea-shops , d'activités de portage et d'une agriculture de plus en plus tournée vers les besoins des touristes. Mais d'autres régions de montagne, peu ou pas touristiques, participent également au tourisme comme pourvoyeuses de main d'oeuvre pour le trekking et les expéditions, à travers les emplois de guides, de porteurs ou d'emplois dans la construction ou la gestion des lodges .

Enfin, on peut mentionner la plaine du Téraï, épargnée par le séisme, qui est visitée depuis Katmandou principalement pour ses safaris photos dans le Parc National de Chitwan et pour la ville de Lumbini, lieu de naissance du Bouddha.

Le tourisme a indéniablement été un facteur de développement dans les régions fréquentées par les trekkeurs. Il a suscité un entreprenariat local et national qui permet aux populations de capter une grande partie des retombées du tourisme sur leur territoire.

Le développement touristique de ces espaces a favorisé le développement d'infrastructures (ponts, réseaux d'eau) et l'accès à l'électricité, permettant la diffusion du téléphone mobile et d'internet, malgré leur situation enclavée. S'y ajoutent aussi des écoles et des dispensaires, souvent créés à l'initiative d'anciens touristes. Les générations de montagnards népalais qui se sont lancées il y a 20 ans dans le tourisme sont désormais en mesure d'envoyer leurs enfants faire des études non seulement à Katmandou mais aussi à l'étranger. Le tourisme a donc été un indéniable facteur d'ascension sociale.

Tous ces éléments donnent la mesure de ce que le séisme a touché.

II. DES HAUTS LIEUX TOURISTIQUES ÉBRANLÉS PAR LE SÉISME

Si le séisme au Népal a eu un tel retentissement international, c'est qu'il a frappé quelques-uns des lieux les plus emblématiques du tourisme international.

Il s'agit d'abord de la capitale, Katmandou, coeur névralgique du pays, touchée de plein fouet en son centre même : la vieille ville et ses quartiers historiques : Darbar Square, la tour Dharahara, mais aussi la ville "musée" de Bhaktapur, ou encore une partie des édifices religieux du stupa de Swayambunath. Si les hôtels et bâtiments modernes ont été épargnés, le séisme a détruit ou endommagé une partie d'un patrimoine architectural ancien et religieux inestimable, qui fondait précisément son attractivité touristique et qui constituait par ses entrées payantes une source de revenus pour la ville et les moyens d'entretenir son bâti.

Fig. 8. Destruction du patrimoine au Népal, district de Nuwakot
(c) IOM/Brian Kelly 2015

Mais le séisme a également touché, à des degrés variables, plusieurs des hauts lieux du trekking au Népal. Le plus durement frappé a été le parc National du Langtang, dont le village de Langtang, étape incontournable du trekking dans le Parc National, a été entièrement rasé par une énorme avalanche de neige, de boue et de rochers : seule une maison est restée debout sur près de 30, et ses occupants sont les trois seuls survivants sur la totalité des habitants du village. De nombreux étrangers y sont morts ou disparus alors qu'ils déjeunaient dans les lodges du village, dont une dizaine de Français.

Dans la région de l'Everest, les médias se sont surtout fait l'écho de l'avalanche qui a fait 18 morts au camp de base, provoquant l'arrêt brutal des expéditions (ce qui représente environ un millier de touristes, dont quelque 400 alpinistes étrangers). Chez les sherpas, déjà éprouvés par l'avalanche du printemps 2014, certains souhaiteraient que l'on interdise désormais les expéditions commerciales à l'Everest.

La seconde secousse sismique survenue le 12 mai 2015 a provoqué de nouveaux glissements de terrains, endommageant villages et réseaux. Le village de Thame et la plupart des hameaux sur le chemin des lacs de Gokyo ont été détruits, ainsi que des ponts, des chemins, des lodges et des dispensaires. Certains secteurs de la région très touristique des Annapurnas (haut Mustang, Manang) ont également été touchés.

Fig. 9. Destructions dans le village de guides et de porteurs de Laprak (district de Gorkha),
lieu de l'épicentre du séisme du 25 avril 2015 - (c)Sunar Gurung

Enfin, au-delà de ces lieux connus et fréquentés par les touristes, il ne faut pas oublier les massifs montagneux situés à proximité immédiate de l'épicentre du séisme (massifs du Manaslu dans le district de Gorkha, massif du Ganesh Himal dans le district de Dhading), qui sont peu ou pas touristiques, mais qui fournissent un grand nombre de guides et de porteurs pour le trekking : beaucoup de ces hommes ont disparu sur place, ou dans les régions de trekking où ils travaillaient, laissant leurs familles déjà privées de toit, sans ressources.

Il faut aussi mentionner la destruction ou la désorganisation des réseaux de transport et de communication, notamment la Arniko highway , voie de passage entre le Népal et le Tibet, qui ont rendu encore plus difficile l'arrivée des secours. Leur reconstruction est un préalable indispensable à un retour sécurisé des touristes.

III. LE SÉISME ET APRÈS ...  QUELLE CAPACITÉ DE RÉSILIENCE DU SYSTÈME TOURISTIQUE AU NÉPAL ?

Les touristes reviendront-ils ? C'est la question qui taraude tous les acteurs du tourisme au Népal, qui tendent à minimiser la catastrophe pour rassurer leurs clients. Il est vrai que tout le Népal n'a pas été concerné : la partie Sud de la région des Annapurna ou le Téraï n'ont quasiment pas été affectés par le séisme et sont parmi les régions les plus fréquentées par les touristes.

Cependant, la catastrophe a donné un coup d'arrêt brutal à l'activité touristique en se produisant en pleine haute saison, provoquant un cruel manque à gagner pour les agences de trekking et les hôteliers comme pour les villageois qui dépendent de la venue des étrangers.

Suite au séisme, les touristes ont massivement quitté le pays, décommandé ou reporté leur voyage. Si l'on ne possède pas encore de bilan, il est certain que, au moins à court terme, une baisse de la fréquentation touristique affectera le Népal, et se poursuivra tant que les répliques ne cesseront pas et que la reconstruction des réseaux et des hébergements ne sera pas achevée. Mais on peut espérer une reprise à moyen terme, car le Népal est un pays qui compte de nombreux « repeaters », ces gens qui reviennent régulièrement au Népal et qui y nouent une vraie relation affective. Ceux-là reviendront probablement.

La capacité de résilience des individus mais aussi des territoires après la catastrophe représente donc la question fondamentale de l'après séisme, mais nécessite des travaux de recherche approfondis, dont on ne peut lancer ici que quelques pistes et hypothèses de travail.

Tout d'abord, il semble essentiel de mener une enquête auprès des touristes pour évaluer leur perception du risque et leur intention de se rendre à nouveau au Népal. Il s'agit ensuite de pouvoir cartographier l'emprise spatiale et temporelle réelle de la catastrophe sur le système touristique et d'évaluer les recompositions qu'il peut induire.

En parallèle, il s'agit également d'identifier les acteurs de la reconstruction, d'analyser les réseaux d'aide et de solidarité. Le Népal bénéficie, en dehors de l'aide d'urgence des grandes ONG et institutions, d'une aide spontanée et d'un important réseau de solidarité, de la part d'individus, d'associations et de nombreuses ONG qui travaillent depuis longtemps dans le pays. Souvent ces associations ont été créées à l'initiative d'anciens touristes, grâce aux rencontres faites avec des guides et des porteurs lors de précédents voyages. De fait, leurs lieux d'intervention sont très inégalement distribués dans l'espace : l'enjeu est alors d'avoir une cartographie claire de leurs actions en vue d'une meilleure coordination de la reconstruction et d'une meilleure équité territoriale.

Enfin, l'efficacité du gouvernement népalais dans la gestion de cette crise va être déterminante pour rétablir sa crédibilité et son rôle d'acteur à part entière de la reconstruction du pays.

L'échelon gouvernemental est actuellement souvent contourné par les Népalais qui prennent en charge l'aide et la reconstruction en mobilisant plus facilement leurs réseaux internationaux (anciens touristes, diaspora). Soit le gouvernement est capable de gérer la crise et de regagner la confiance des populations. Soit on peut s'attendre à une nouvelle déstabilisation politique, remettant en cause le fragile équilibre, construit depuis la fin de la guérilla maoïste en 2006.

Chronologie politique

9 juin 2015

Accord en 16 points


* (1) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Népal: M. Yvon COLLIN, Président ; Mme Leila AÏCHI, Secrétaire ; M. Michel BERSON ; Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM ; Mme Sylvie GOY-CHAVENT, Secrétaire ; Mme Christiane KAMMERMANN, Vice-Présidente ; Mme Françoise LABORDE ; M. Jacques MÉZARD ; Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Vice-Présidente ; M. Simon SUTOUR.

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N° GA 131 - Janvier 2016

* 2 Le PIB par habitant nominal au Népal en 2013 était de 692 US$, un montant 64 fois inférieur à celui de la France (44 099 US$) et 162 fois à celui du Luxembourg (112 473 US$). Source : FMI, http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2014/02/weodata/index.aspx consulté le 30/06/2015.

* 3 Voir: http://www.annapurnapost.com/News.aspx/story/13205 consulté le 12/06/2015.

* 4 Sur l'histoire de ce temple,
voir : http://www.rebuildkasthamandap.com/historic-record/#panchadana consulté le 18/06/2015.

* 5 Vue d'ensemble des dégâts dans la vallée de Katmandou, filmés par un drone : https://twitter.com/SkyNews/status/592681071948517377 consulté le 27/04/2015.

* 6 La localisation exacte de l'épicentre du séisme est l'objet d'une controverse: alors qu'il a été situé dans le district de Lamjung (28.230°N 84.731°E) par l'USGS, qui fait autorité en la matière, le National seismological Center du Nepal l'a déterminé plus à l'est, au niveau du village de Laprak, dans le district de Gorkha.

* 7 Reportage vidéo : http://www.timesnow.tv/Nepal-1st-report-from-Gorkha-Durbar/videoshow/4475709.cms consulté le 27/04/2015.

* 8 Voir également : http://www.bbc.com/news/science-environment-32472310 consulté le 27/04/2015.

* 9 Reportage vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=d7T6R27DsQI consulté le 29/04/2015.

* 10 Reportage vidéo : http://nagrikpost.com/live-footage-of-earthquake-that-took-place-in-sindupalchowk-jalbire/ consulté le 7/05/2015.

* 11 Reportage vidéo : https://www.facebook.com/wickedaashish/videos/754645764652974/?pnref=story consulté le 26/04/2015.

* 12 Voir: http://news.nationalgeographic.com/2015/05/150514-nepal-earthquake-kathmandu-kumaris-newar-buddhism/ consulté le 05/06/2015.

* 13 Voir: http://www.christianitytoday.com/gleanings/2015/april/nepal-earthquake-dashes-christians-hopes-constitution.html consulté le 30/04/2015, et: http://www.asianews.it/news-en/Earthquake-in-Nepal:-more-than-500-dead-in-the-Christian-community-34216.html consulté le 7/05/2015. Exemple de vidéo haineuse contre les hindous du Népal: https://www.youtube.com/channel/UCONOn91weuTIpqiV59oi5WA consulté le 7/05/2015.

* 14 Il n'en reste pas moins que des discours haineux envers les « païens » du Népal, émanant de fondamentalistes chrétiens occidentaux, ont effectivement circulé sur internet. On peut lire, à ce sujet : http://www.catholic.org/news/international/asia/story.php?id=60221 consulté le 5/05/2015. Sur le point de vue fondamentaliste hindou: http://hinduexistence.org/2015/06/17/christians-conspiracy-to-convert-quake-stricken-hindus-in-nepal/ consulté le 15/05/2015.

* 15 Voir : http://topyaps.com/whatsapp-hoaxes consulté le 15/05/2015. On trouve mention de cette rumeur sur les réseaux sociaux dans le point 2. Le premier point concerne également le séisme au Népal.

* 16 Voir : http://defenceforumindia.com/forum/threads/pakistan-serves-beef-to-nepal-earthquake-survivors.67864/ consulté le 15/05/2015.

* 17 Voir : http://annapurnapost.com/News.aspx/story/12239 consulté le 25/05/2015.

* 18 Voir : http://annapurnapost.com/News.aspx/story/14325 consulté le 4/7/2015. Ce plan inclue le déplacement de 12 villages du district de Sindhupalchowk, sans décompte du nombre de foyers (http://annapurnapost.com/News.aspx/story/11862 consulté le 17/05/2015), de 6800 foyers du district de Dolakha (http://annapurnapost.com/News.aspx/story/11950 consulté le 19/05/2015) et de 3389 foyers du district de Dhading: http://annapurnapost.com/News.aspx/story/13493 consulté le 18/6/2015.

* 19 Voir : http://www.ekantipur.com/2015/05/19/capital/atonement-worship-expecting-to-stop-quake/405427.html consulté le 05/05/2015.

* 20 Voir : http://annapurnapost.com/News.aspx/story/1202

* 21 Exemple d'une telle vidéo, concernant un petit sanctuaire du centre du Népal : https://www.youtube.com/watch?v=DLWL_nsEqHg consulté le 15/06/205.

* 22 Exemples de vidéos : https://www.youtube.com/watch?v=msOXNkTxsog consulté le 15/06/2015, ou https://www.youtube.com/watch?v=13v-rmRdBPo consulté le 15/06/2015.

* 23 On désigne par ce terme le courant de propagation des pratiques brahmaniques à l'ensemble de la population.

* 24 Voir : http://annapurnapost.com/News.aspx/story/13210 consulté le 12 juin 2015.

* 25 A titre d'exemple, on peut « aimer » l'oeil droit de Sati devi, à cette adresse : https://www.facebook.com/TeamKeki/photos/a.1508102446140946.1073741826.1508102399474284/1610332392584617/?type=1&theater consulté le 15/08/2015.

* 26 Voir : http://www.sanskritimagazine.com/indian-religions/hinduism/victory-animal-sacrifice-banned-during-gadhimai-festival-in-nepal/

* 27 Voir : http://www.nepalesevoice.com.au/reported-animal-sacrifice-ban-at-gadhimai-was-forced/ consulté le 07/08/2015.

* 28 Voir : http://www.seismonepal.gov.np consulté le 21/09/2015.

* 29 https://www.facebook.com/NepalPolicePHQ/photos/a.391342814272456.89904.390508537689217/859387060801360/?type=3&theater

* 30 https://www.facebook.com/NepalPolicePHQ/photos/a.391342814272456.89904.390508537689217/862337167173016/?type=3&theater consulté le 30/05/2015.

* 31 La presse annonça, le 1 er mai 2015, la confiscation par le Gouvernement de tout l'argent provenant de l'étranger pour l'aide aux victimes. http://cointelegraph.com/news/114158/nepali-state-to-seize-all-relief-funds-from-bank-accounts consulté le 12/05/2015.

* 32 Des modifications ont été apportées en vue de plus d'égalité hommes-femmes, après la soumission du projet révisé qui n'avait toujours pas donné satisfaction. Voir : http://www.asianewsnet.net/Nepals-new-constitution-to-be-more-gender-friendly-79655.html consulté le 24/08/2015. Dans la version définitive, la discrimination la plus criante concerne la transmission de la citoyenneté à l'époux, qui est immédiate s'agissant d'une femme épousant un citoyen népalais, tandis qu'elle est conditionnée à 15 ans de résidence s'agissant d'un homme épousant une citoyenne népalaise (art. 13.1 et 2).

* 33 Le terme "séculier" figure finalement dans la version définitive. Voir: http://en.radiovaticana.va/news/2015/07/18/nepal_draft_constitution_worries_religious_minorities_/1159317 consulté le 25/07/2015.

* 34 http://www.nepalmountainnews.com/cms/2015/08/21/parties-agree-to-go-for-7-province-model/ consulté le 23/08/2015.

* 35 Leur nombre, qui a varié selon les sources, est actuellement fixé à huit : http://www.myrepublica.com/feature-article/story/26925/scores-injured-as-demonstrators-clash-with-police.html consulté le 25/08/2015 et http://www.europenepalprograms.com/2015/08/breaking-18-police-and-3-protestor-died.html consulté le 25/08/2015.

* 36 Pratichya Dulal : "CA snubs proposal for gender friendly citizenship provisions", The Kathmandu post, September 15, 2015, http://kathmandupost.ekantipur.com/news/2015-09-15/ca-snubs-proposal-for-gender-friendly-citizenship-provisions.html consulté le 16/09/2015.

* 37 Prashant Jha: "Nepali secularism has pronounced Hindu tilt", Hindustan Times,
September 16, 2015, http://www.hindustantimes.com/analysis/nepali-secularism-has-pronounced-hindu-tilt/article1-1390725.aspx consulté le 16/09/2015.

* 38 En sus de leurs revendications territoriales, les Madheshis demandent une représentation politique proportionnelle à leur nombre, l'accès aux plus hauts postes de l'état aux personnes qui ont acquis la citoyenneté népalaise à leur naissance ou par naturalisation, ainsi que le droit de recruter ses propres fonctionnaires, son armée et sa police.

* 39 Voir : Tom Esslement: Global Charities accused of "misleading" public on Nepal quake aid, Yahoo! news, 21 septembre 2015. https://in.news.yahoo.com/exclusive-global-charities-accused-misleading-public-nepal-quake-040712870.html consulté le 21/09/2015. Ou ce reportage d'Al Jazeera, 14 septembre 2015: http://video.aljazeera.com/channels/eng/videos/months-after-nepal-quake,-aid-money-fails-to-trickle-down/4483121539001 consulté le 16/09/2015.

* 40 Maïe Kitamura est architecte du patrimoine, diplômée de l'École de Chaillot à Paris. Elle enseigne aussi à l'École d'architecture de Paris-Belleville (ENSAPB) dans le domaine de la conservation et la restauration de monuments historiques et des centres urbains anciens. En tant que chercheuse associée à l'Institut Parisien de Recherche Architecture Urbanistique Société (IPRAUS) de l'ENSAPB, elle a mené ses recherches sur le Mustang, au nord du Népal, et a publié La Cité fortifiée de Lo Manthang, Ed. Recherches, 2011. Elle a pu collaborer avec Rohit Ranjitkar du Kathmandu Valley Preservation Trust dans le cadre d'un stage de 5 mois à Katmandou en 2005. Elle restaure en outre les monuments historiques dans le Midi de la France en tant qu'architecte associée chez RL&A (Repellin, Larpin & Associés Architectes).

* 41 Site web de l'UNESCO, « Nepal's heritage sites on shaky ground after devastating quake », 6 juin 2015.

* 42 http://www.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fphotos1.blogger.com%2Fblogger%2F3172%2F367%2F1600%2Ffederalism.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fdemrepubnepal.blogspot.com%2F2005%2F10%2Ficg-report-on maoists.html&h=727&w=700&tbnid=pF_Ht8BDYu_ARM%3A&docid=UNfTB3GWLNXfkM&ei=jgEJVpD5Lsu2a8SLirgK&tbm=isch&client=safari&iact=rc&uact=3&dur=956&page=1&start=0&ndsp=17&ved=0CCEQrQMwAGoVChMIkPiS4K6ZyAIVS9saCh3EhQKn

* 43 Tamang, M. 2009 « Tamang Activism, History, and Territorial Consciousness », David Gellner (éd.), Ethnic Activism and Civil Society in South Asia, New Delhi: Sage Publication, pp. 269-290.

* 44 Blog du Nepali Times: http://www.nepalitimes.com/blogs/thebrief/2015/06/22/move-us/

* 45 Shrestha, Bal Gopal 2002 The Ritual Composition of Sankhu. The Socio-religious Anthropology of a Newar Town in Nepal, leiden : Ridderprint.

* 46 C. Jest (1975 : 33-34) Communautés de langue tibétaine du Népal. Paris : Éditions du CNRS.

* 47 https://en.wikipedia.org/wiki/2011_Nepal_census consulté le 18/08/2015.

* 48 Les VDC sont des communes.

* 49 https://edgeryders.eu/en/future-makers-nepal/the-silenced-grief-fmc consulté le 18/08/2015.

* 50 Entretiens avec Tsewang Bista (Katmandou 13 et 14 juillet 2015).

* 51 http://www.nytimes.com/2015/06/20/world/asia/red-tape-untangled-young-nepalese-monks-find-ride-to-safety.html?_r=0 consulté le 18/08/2015.

* 52 http://www.ekantipur.com/2015/05/21/national/two-manang-vdcs-remain-cut-off-from-rest-of-the-country/405479.html consulté le 18/08/2015.

* 53 Childs, G. and Choedup Namgyal (2014) « Indigenous Management Strategies and Socio-Economic Impacts of Yartsa Gunbu (Ophiocordiceps sinensis) Harvesting in Nubri and Tsum (Nepal) », Himalaya, the Journal of the Association for Nepal and the Himalayan Studies. Vol. 34, n° 1.

* 54 Entretien avec K.P. Kafle (12 juillet 2015)

http://news.wustl.edu/news/Pages/Nepal-earthquake-faculty-reaction-2015.aspx

* 55 http://www.theecologist.org/News/news_analysis/2855302/in_nepals_next_big_quake_hydropower_dams_threaten_catastrophe.htm consulté le 18/08/2015.

* 56 http://www.lapresse.ca/international/asie-oceanie/201506/15/01-4878375-le-seisme-au-nepal-a-deplace-leverest.php, consulté le 18/08/2015.

* 57 http://www.abc.net.au/news/2015-04-26/bodies-recovered-from-mount-everest-base-camp-after-avalanche/64226122 consulté le 18/08/2015.

* 58 Entretien du 10 juillet à Katmandou.

* 59 Information de Pasang Sherpa (Katmandou, 12 juillet 2015). Voir aussi http://www.ksaa.org.np/newsdetails?newsid=55&newstitle=Khumbu%20Earthquake%20Relief consulté le 18/08/2015.

* 60 http://tibet.net/2015/05/10-tibetans-dead-3-nuns-rescued-in-nepal-kashag-sanctions-npr-60-lac-towards-relief/# consulté le 18/08/2015.

* 61 http://french.xinhuanet.com/seismenepal/index.htm consulté le 18/08/2015

* 62 http://blogs.wsj.com/chinarealtime/2015/05/12/tibet-shaken-again-by-nepal-quakes/
consulté le 18/08/2015.

* 63 http://blogs.wsj.com/chinarealtime/2015/05/12/tibet-shaken-again-by-nepal-quakes/
consulté le 18/08/2015.

* 64 http://timesofindia.indiatimes.com/world/south-asia/Tibetan-county-and-township-move-60-cms-due-to-Nepal-quake/articleshow/47346371.cms consulté le 18/08/2015.

* 65 http://english.cri.cn/12394/2015/05/15/2743s878793.htm l consulté le 18/08/2015.

* 66 http://www.voatibetanenglish.com/content/article/2794215.html consulté le 18/08/2015.

* 67 http://www.ekantipur.com.np/2015/06/15/business/tatopani-shut-dashain-imports-to-be-hit/406591.html consulté le 18/08/2015.

* 68 http://www.myrepublica.com/economy/story/22530/with-tibet-routes-down-china-goods-to-come-via-kolkata.html consulté le 18/08/2015.

* 69 http://www.chinesedishes.tk/archives/24358 consulté le 18/08/2015.

* 70 reseauchercheursnepal.fr

* 71 Denis BLAMONT et Blandine RIPERT, Paris et Katmandou, 24 juin 2015

* 72 http://ceslam.org/index.php?pageName=publication&pid=36, publié en juin 2015.

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