Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 135 - 4 mai 2016


Groupe interparlementaire d'amitié

France-Vietnam (1 ( * ))

LE VIETNAM, NOUVEAU DRAGON ASIATIQUE ?

Actes du colloque Sénat du 25 mars 2016

Sous le haut patronage de
M. Gérard LARCHER, Président du Sénat

Palais du Luxembourg
Salle Clemenceau

Mme Catherine Deroche, sénatrice de Maine-et-Loire,

Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Vietnam

De gauche à droite :

M. Mathieu Lefort, Mme Catherine Deroche, M. Vu Huy Hoang,

M. Nguyen Ngoc Son et Mme Nguyen Quynh-Anh

M. Vu Huy Hoang, Ministre de l'Industrie et du Commerce
(MOIT) du Vietnam

Signature de l'accord de partenariat

entre Vietrade et Business France

Tables rondes en Salle Clemenceau

OUVERTURE

Message du Président du Sénat, M. Gérard LARCHER

lu par Mme Catherine DEROCHE,
Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Vietnam

Monsieur le Ministre,

Monsieur le Directeur général de Business France,

Monsieur l'Ambassadeur,

Chers collègues,

Mesdames, Messieurs,

Le Président du Sénat, M. Gérard Larcher, m'a chargée de vous transmettre le message suivant :

« Le Sénat se félicite d'accueillir ce matin un grand colloque économique sur le Vietnam, dans le cadre du partenariat fructueux que nous avons avec Business France, au service du développement à l'international de nos entreprises.

Je tiens à remercier tout particulièrement M. Vu Huy Hoang, ministre de l'Industrie et du Commerce du Vietnam, qui a tenu à honorer de sa présence cette manifestation exceptionnelle à plus d'un titre.

En effet, le Vietnam est devenu ces dernières années l'une des économies les plus dynamiques d'Asie du Sud-Est. Les prévisions pour 2016, il faut le souligner dans le contexte actuel, restent excellentes : une croissance supérieure à 6 %, une inflation maîtrisée, une hausse continue du PIB par habitant et de la consommation des ménages. Le Vietnam fait désormais figure de nouveau « dragon asiatique » du XXI e siècle et ce colloque est l'occasion de saluer ses performances remarquables.

Par ailleurs, le Vietnam a engagé une démarche d'insertion très active dans le commerce international. Il est membre depuis plus de vingt ans de l'ASEAN, cette organisation politique, économique, sociale et culturelle qui regroupe actuellement dix pays d'Asie du Sud-Est et dont l'intégration s'approfondit progressivement. Il développe de nouveaux et importants accords de libre-échange. Les négociations avec l'Union européenne et le Traité transpacifique sont des signaux forts de cette ouverture prometteuse du marché vietnamien dans tous les domaines.

Les pays membres de l'ASEAN ont, encore récemment, écrit une nouvelle page de leur histoire en donnant naissance à une zone de libre-échange de 625 millions d'habitants, lors du sommet de Kuala Lumpur du 22 novembre 2015.

Cette « communauté », qui a pour objectif de faire de la région un marché commun en éliminant les barrières tarifaires et en facilitant la circulation des personnes, des produits et des capitaux, offre de nouvelles opportunités aux entreprises françaises.

Nos échanges sont en pleine expansion. Les exportations françaises au Vietnam en 2015 ont progressé de 70 % par rapport à 2014 et parallèlement, les importations françaises depuis le Vietnam ont enregistré une hausse de 34 %. Les thématiques retenues dans le cadre du présent colloque (agroalimentaire, industrie et infrastructures) doivent permettre de consolider et d'accentuer cette dynamique. Votre présence ce matin atteste bien de l'intérêt tout particulier que nos entreprises et en particulier nos petites et moyennes entreprises (PME) accordent à ce pays et plus largement à cette région du monde.

Enfin, nous n'oublions pas que la relation qui unit la France au Vietnam est ancienne et profonde. C'est l'un des pays avec lesquels la France a créé ses premiers partenariats de développement. La communauté vietnamienne en France est la deuxième communauté asiatique la plus nombreuse dans notre pays. Et le Vietnam a une tradition francophone que l'on ne retrouve dans aucune autre des économies émergentes d'Asie. Ces liens humains, l'un de mes prédécesseurs à la présidence du Sénat, M. Christian Poncelet, a eu à coeur de les développer. La dimension historique et amicale a marqué et continuera à marquer, j'en suis convaincu, les échanges franco-vietnamiens à l'avenir.

Comme vous le savez, le Sénat est très attentif à tout ce qui peut développer et affermir la présence française dans le monde. L'engagement de nos groupes d'amitié y contribue pour une large part et je tiens à rendre un hommage appuyé ce matin à l'action menée par ma collègue Mme Catherine Deroche à la tête du groupe France-Vietnam ainsi qu'à tous nos collègues, et anciens collègues, membres de ce groupe particulièrement actif. Notre Haute Assemblée entend, avec l'aide du groupe d'amitié France-Vietnam, faire fructifier cet « héritage », sur les plans institutionnel, politique, culturel, et économique.

J'ajoute que le soutien du Sénat passe aussi par l'expertise juridique. En effet, dans le cadre de sa politique intérieure, le Vietnam s'est engagé lors de la dernière réforme de sa Constitution, entrée en vigueur en 2014, dans la voie d'une profonde refonte de sa législation. Cette réforme vise en particulier à assurer plus efficacement le respect des libertés fondamentales et permettre le développement d'un État de droit : nous soutenons pleinement ce processus.

Mes remerciements les plus vifs vont donc à toutes celles et ceux qui ont contribué à l'organisation de ce colloque, parmi lesquels l'ambassade du Vietnam à Paris représentée par son Excellence M. Nguyen Ngoc Son, et toute l'équipe de Business France.

À toutes et à tous, je souhaite de fructueux et d'excellents travaux, en formant le voeu qu'ils contribuent à la consolidation de nos liens avec le Vietnam. Si nos relations sont naturellement appelées à évoluer à la faveur des transformations rapides que connaît actuellement le Vietnam, nous travaillons à bâtir en commun un partenariat renforcé et constructif.

Je vous remercie ».

Permettez-moi d'ajouter quelques mots. Le groupe d'amitié France-Vietnam du Sénat est un groupe ancien et les parlementaires se sont toujours montré très nombreux à souhaiter y participer. Cela tient aux liens étroits qui unissent nos deux pays. Le Vietnam tient une place particulière dans le coeur des Français et de nombreux parlementaires sont attachés à relier ces liens d'amitié. Je tiens à saluer Mme Hélène Luc, notre ancienne collègue, présidente d'honneur de l'Association d'amitié franco-vietnamienne (AAFV), association qui a toujours beaucoup oeuvré pour des liens étroits entre la France et le Vietnam.

Notre groupe d'amitié était présidé auparavant par le Président Christian Poncelet, un amoureux du Vietnam, qui l'a porté avec beaucoup de dynamisme, d'échange et de coopération dans tous les domaines. Nous souhaitons continuer dans sa lancée pour renforcer les liens. Cette action passe notamment par des rencontres avec les parlementaires vietnamiens et nous sommes toujours prêts à accueillir des délégations de parlementaires. Elle passe aussi par des rencontres avec des fonctionnaires vietnamiens. Par deux fois, nous avons accueilli dans le cadre du Centre des Hautes Études du ministère de l'Intérieur des fonctionnaires territoriaux vietnamiens pour leur présenter l'organisation territoriale en France. Ces échanges participent du développement, du renforcement et de la mutation institutionnelle du Vietnam.

Les liens universitaires se révèlent également très forts et lors de notre déplacement en février dernier, nous avons pu visiter des universités et rencontrer leurs responsables. Il importe que de jeunes Vietnamiens viennent étudier en France, mais aussi que de jeunes Français partent étudier au Vietnam.

L'économie tient bien sûr toute sa place. C'est la raison pour laquelle nous sommes très heureux que ce colloque puisse avoir lieu. Il s'avère très important que les entreprises françaises soient présentes au Vietnam. Nous souhaitons en particulier que le Président de la République puisse s'y rendre cette année, témoignant du profond attachement de la France à votre pays.

M. VU Huy Hoang, Ministre de l'Industrie et du Commerce (MOIT) du Vietnam

Madame Catherine Deroche, Présidente du groupe d'amitié France-Vietnam,

Monsieur le Directeur général de Business France,

Monsieur l'Ambassadeur,

Mesdames, Messieurs,

Je souhaite d'abord transmettre mes salutations distinguées au Président du Sénat, Monsieur Gérard Larcher.

J'avais préparé un discours relativement long, mais dans le cadre de l'ouverture de ce colloque, surtout après la conversation que nous avons eue avec la Présidente du groupe d'amitié ce matin, j'irai à l'essentiel.

En septembre 2013, lors de la visite en France du Premier ministre vietnamien, M. Nguyen Tan Dung, les deux pays ont décidé d'élever les relations bilatérales au niveau d'un partenariat stratégique, dont la coopération économique constituerait un élément majeur. Depuis ce jour, les deux pays se sont efforcés de développer la coopération économique bilatérale. Des forums et des colloques comme celui d'aujourd'hui sont organisés de plus en plus souvent et attirent l'attention croissante des entreprises, des administrations et des collectivités locales de nos deux pays.

L'économie du Vietnam qui est considérée comme la plus dynamique en Asie du Sud-Est et connaît un processus d'ouverture de plus en plus large. Le Vietnam a conduit et continue de conduire une politique d'intégration économique internationale plus active. La France fait partie des premiers investisseurs du Vietnam. Elle joue un rôle de tête de pont vers l'Europe. La France et le Vietnam ont renforcé leur coopération économique et celle-ci joue un rôle important dans les relations générales entre le Vietnam et l'Union européenne. En nouant des relations avec les 90 millions de consommateurs du Vietnam, vous pouvez aussi toucher le marché de l'Asie du Sud-Est qui représente plus de 2 milliards de dollars de produit intérieur brut (PIB).

Ainsi, en élargissant les relations avec la France, nous entretenons aussi nos relations avec l'Union européenne, ses 28 États membres et ses 500 millions d'habitants. C'est la raison pour laquelle nous apprécions tant les mesures engagées pour renforcer les relations bilatérales. Nous tenons donc à remercier le Sénat français et le groupe interparlementaire d'amitié France-Vietnam qui ont organisé le colloque d'aujourd'hui. Au cours des dernières années, le Sénat et le groupe d'amitié ont consenti de nombreux efforts pour accélérer la coopération, organiser des visites d'entreprises et de parlementaires français au Vietnam. Ces formes très diversifiées ont créé des conditions propices aux échanges entre les entreprises, les organisations et les particuliers, permettant le développement des relations entre nos deux pays dans les années à venir.

Dans le cadre de la dernière réunion de l'Union interparlementaire à Hanoï, nous avons souhaité nous appuyer sur la coopération entre les parlementaires pour renforcer encore davantage les relations économiques, commerciales, ainsi que les relations d'amitié entre le Vietnam et les autres pays. J'invite les entreprises et les administrations vietnamiennes qui participent au présent colloque à profiter de cette occasion pour se présenter aux entreprises et administrations françaises et exploiter les opportunités afin de renforcer la coopération bilatérale via les informations économiques, les ressources humaines et les investissements.

Au cours des derniers mois, le Vietnam a pris part à différentes négociations et signé plusieurs accords de coopération et de libre-échange avec les organisations régionales. Les négociations sur l'Accord de libre-échange Union européenne-Vietnam (EVFTA) sont terminées et nous considérons que ce traité conclu avec l'Union européenne est de qualité. Nous espérons qu'il sera signé et ratifié très prochainement. Nous souhaitons vivement que le Parlement et le Gouvernement français fassent en sorte que cet accord entre en vigueur rapidement, afin que les entreprises françaises et vietnamiennes puissent conduire des projets ensemble. Nous sommes prêts à échanger avec nos amis français sur tous les aspects économiques, d'investissement et commerciaux pour que la ratification de ce traité se réalise dans les plus brefs délais.

J'ai l'honneur de vous confirmer que le Président de la République française viendra très prochainement au Vietnam. J'y vois une nouvelle occasion d'accélérer encore davantage les relations d'amitié et de coopération entre nos deux pays, confirmant le rôle, la position et la signification de nos relations bilatérales. Au nom du ministère du Commerce et de l'Industrie du Vietnam et au nom des entreprises vietnamiennes ici présentes, je tiens à exprimer mes remerciements à Madame la Présidente du groupe d'amitié, à Business France, à Monsieur l'Ambassadeur du Vietnam en France et à tous ceux qui ont contribué à la tenue de ce colloque. J'espère que les relations de partenariat entre nos deux pays continueront de se développer. Je vous remercie.

M. Henri BAÏSSAS, Directeur général délégué de Business France

Monsieur le Ministre,

Madame la Sénatrice,

Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Je tiens tout d'abord à remercier le ministre de l'Industrie et du Commerce du Vietnam pour sa venue à la tête d'une importante délégation d'une cinquantaine de personnes dont vingt-cinq représentants de différentes institutions vietnamiennes et vingt-cinq représentants d'entreprises. Parmi eux figurent d'importants donneurs d'ordre dans les secteurs de l'énergie, la distribution et l'agroalimentaire. La mission de Business France consiste à « connecter » les entreprises françaises avec les marchés étrangers. Vous nous donnez donc une opportunité de « connexion » renforcée entre entreprises françaises et vietnamiennes. De nombreux échanges et rendez-vous individuels sont prévus notamment dans la journée.

Cette opportunité, conjuguée au lieu prestigieux de la République dans lequel nous accueille Madame la Présidente Catherine Deroche, nous place sous les meilleurs auspices pour développer ces relations d'affaires. Recevez, au nom de Busines France, tous nos remerciements. Je tiens à saluer M. Philippe Varin, représentant spécial du ministère des Affaires étrangères pour l'ASEAN, qui met tout son dynamisme au service du développement des relations économiques sur la région, en particulier sur le Vietnam. Cet atelier nous permettra de renforcer encore les relations entre nos deux pays. Nous signerons d'ailleurs dans quelques instants un accord de partenariat entre Business France et Vietrade. Cet accord est le fruit d'un Memorandum of understanding (MOU) signé entre nos deux établissements à Matignon en septembre 2013. Il participe de notre ambition de nouer des liens de longue durée entre la France et le Vietnam.

Plus de 200 entreprises françaises participent à cette journée, essentiellement des PME. Cette mobilisation est à la hauteur des enjeux que représente le marché vietnamien. Nos exportations ont quasiment doublé au cours des cinq dernières années, connaissant une croissance de plus de 15 % en 2015. Plus de 2 000 entreprises exportent vers le Vietnam, mais nos parts de marché s'avèrent faibles, de l'ordre de 1 %, et nos échanges restent déséquilibrés, avec une balance commerciale déficitaire. Nous devons faire mieux et plus pour nous affirmer comme un partenaire économique de référence au Vietnam, qui fait partie du trio de tête des marchés émergents les plus porteurs en 2016. Nous comptons sur votre ambition de développement avec le Vietnam et vous pouvez compter sur nous pour soutenir cette ambition. Mathieu Lefort, notre directeur au Vietnam accompagne avec son équipe plus de 300 entreprises françaises chaque année.

Nous sommes donc le bras armé de votre prospection. Appuyez-vous sur notre connaissance du marché et notre engagement à votre service et au service de votre résultat et de votre réussite. Nous avons à coeur de contribuer à nouer des relations d'affaires qui permettent de développer des partenariats durables entre entreprises françaises et vietnamiennes. Nous le faisons au travers d'opérations collectives, une vingtaine chaque année, ou de prestations individuelles. Vous pouvez aussi recourir au volontariat international en entreprise (VIE). Plus de 70 VIE présents au Vietnam contribuent au développement de la présence de la France dans le pays.

Nous couvrons de nombreux secteurs : l'agroalimentaire, les cosmétiques, le tourisme, l'industrie et les infrastructures, l'énergie, le transport, l'environnement, les télécommunications et les nouvelles technologies. Le moment est propice aussi pour cerner les opportunités. J'invite donc les entreprises françaises présentes à profiter pleinement de cette journée pour échanger entre pairs sur leurs expériences, comprendre les voies du développement, les difficultés que l'on peut rencontrer et la manière dont elles peuvent être dépassées.

En conclusion, je rappellerai la nécessité, pour réussir au Vietnam, d'inscrire vos actions dans la durée avec une présence régulière et visible. La connaissance fine des marchés, des acteurs et des processus de décision se révèle importante. Business France et tous ses partenaires sont là pour vous aider. Je tiens à remercier une nouvelle fois le ministre du Commerce et de l'Industrie et l'ensemble des participants français et vietnamiens pour leur présence, ainsi que le Sénat pour son accueil. Je vous souhaite un plein succès dans votre développement et votre capacité à nouer de nouvelles relations d'affaires fructueuses.

M. NGUYEN Ngoc Son, Ambassadeur du Vietnam en France

Madame Catherine Deroche, Sénatrice, Présidente du groupe d'amitié interparlementaire France-Vietnam,

Son Excellence, Monsieur VU Huy Hoang, ministre du Commerce et de l'Industrie du Vietnam,

Monsieur Philippe Varin, Représentant spécial pour les relations économiques avec les pays de l'ASEAN,

Monsieur Henri Baïssas, Directeur général délégué de Business France,

Mesdames, Messieurs,

C'est un grand plaisir pour moi de prendre la parole à ce colloque organisé dans un lieu aussi prestigieux que le Sénat. Encore une fois, le Vietnam est à l'honneur dans le cadre de la promotion commerciale par les partenaires économiques français, traduisant ainsi l'intérêt grandissant que vous attachez à notre pays.

Trois ans après la signature du partenariat stratégique par nos deux Premiers ministres en 2013, nous pouvons dresser des relations franco-vietnamiennes l'état des lieux suivant : la France reste l'un de nos premiers partenaires européens, le deuxième donateur bilatéral au titre de l'aide publique au développement après le Japon, avec près de 2 milliards de dollars d'engagements cumulés. Nos échanges commerciaux ont atteint 3,2 milliards d'euros en 2015, soit une augmentation de 23 % par rapport à l'année 2014. Les exportations françaises au Vietnam représentent 1,4 milliard d'euros, en augmentation de plus de 50 % par rapport à 2014.

Aujourd'hui, plus de 300 entreprises françaises sont présentes au Vietnam dans tous les secteurs, y compris les secteurs stratégiques comme l'énergie, le transport, l'aérospatial, l'agriculture ou l'environnement. Aéroports de Paris vient de devenir le partenaire stratégique de la Compagnie des aéroports du Vietnam (ACV). La France est toujours active dans de nombreux domaines, notamment la formation, la santé, la lutte contre la pauvreté et les nouveaux défis internationaux tels que le changement climatique et le développement durable.

Cependant, il faut reconnaître que les relations économiques entre le Vietnam et la France sont loin d'être à la hauteur de nos très bonnes relations politiques et ne correspondent pas encore aux potentialités de nos économies. La France n'est que le quinzième client et le treizième fournisseur du Vietnam, et la part de marché française au Vietnam reste encore très modeste, seulement 1 % en 2015.

Il existe entre nos deux pays tous les facteurs favorables. Le Vietnam et la France affichent toujours une volonté forte et partagée d'accompagner nos entreprises. Outre la mission économique, la France a ouvert des bureaux Business France à Hanoï et Hô Chi Minh-Ville pour aider les entreprises dans leur installation au Vietnam et encourager les entreprises vietnamiennes à investir et exporter en France. Pour sa part, le Vietnam a renforcé le service économique à Paris en le dotant d'un conseiller chargé des investissements auprès de l'Ambassade. Depuis 2012, la France et le Vietnam tiennent régulièrement un dialogue économique de haut niveau permettant ainsi aux deux pays d'aborder les questions stratégiques en matière d'échanges commerciaux et d'investissement et d'engager les moyens de lever les freins d'accès aux marchés.

Le Vietnam se trouve dans un contexte qui n'a jamais été aussi favorable après trente années de renouveau. Avec 90 millions d'habitants, le pays est devenu très dynamique sur le plan économique et très engagé dans l'intégration internationale, et un acteur responsable de la communauté internationale. Comme M. le Ministre Vu Huy Hoang vient de l'indiquer, le Vietnam a adhéré à de nombreux accords de libre-échange, offrant de multiples opportunités d'affaires à nos entreprises. J'en appelle donc à la volonté des entreprises françaises et vietnamiennes : vous êtes les vrais acteurs, les soldats sur le front économique ; mettez-vous au travail ensemble pour augmenter votre chiffre d'affaires et le chiffre d'affaires des échanges bilatéraux.

Ce colloque auquel vous participez constitue une preuve éloquente de ce dynamisme, car il a permis à des entreprises de nos deux pays de se rencontrer, travailler ensemble et conclure des marchés. Je souhaite que de tels colloques puissent se renouveler dans les temps à venir. Je profite de cette occasion pour vous informer de quelques échéances importantes dans le domaine économique, comme la prochaine édition du dialogue économique de haut niveau à Paris, les dixièmes assises de la coopération décentralisée franco-vietnamienne à Can Tho en septembre, le forum d'affaires entre les entrepreneurs français et vietnamiens à Hô Chi Minh-Ville en novembre prochain, une coopération entre notre ambassade et la fondation de M. Jean-Pierre Raffarin et la prochaine visite de haut niveau qui permettra de donner une nouvelle impulsion à nos relations économiques.

Je tiens enfin à remercier Business France pour son excellente initiative d'aujourd'hui après le succès, en septembre dernier, du colloque sur l'énergie organisé à Paris. Je tiens également à remercier le Sénat et particulièrement M. le Président Gérard Larcher et Mme la Sénatrice Catherine Deroche pour leur intérêt et leur engagement personnel en faveur du Vietnam et de la coopération économique entre nos deux pays. Je souhaiterais aussi remercier M. le Ministre Vu Huy Hoang, les entrepreneurs vietnamiens pour leur déplacement et leur participation très active dans ce colloque. Je souhaite un plein succès à cet événement et je vous remercie de votre attention.

M. Philippe VARIN, Représentant spécial du ministre des Affaires étrangères et du Développement international pour les relations économiques avec les pays de l'ASEAN

Monsieur le Ministre,

Madame la Présidente,

Monsieur l'Ambassadeur,

Monsieur le Directeur général délégué,

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux et très honoré d'être présent ce matin pour évoquer l'avenir de nos relations économique avec le Vietnam. Je m'étais rendu au Vietnam voilà quatre mois, les 9 et 10 novembre 2015 et j'avais pu nouer, avec M. le Ministre, un échange fructueux. Je profite donc de cette occasion pour le remercier personnellement pour son aide au développement des échanges entre la France et le Vietnam.

Le Vietnam a connu une croissance de 6,7 % en 2015. Il devrait en être de même cette année. Autrefois tigre, le Vietnam est en passe de devenir un dragon. Le Vietnam représente le deuxième partenaire commercial de la France en ASEAN 2 ( * ) et nos échanges ont progressé de plus d'un milliard d'euros l'an dernier. Au total, nos importations ont atteint 4,1 milliards d'euros, en particulier dans le secteur des équipements, avec le développement de Samsung, mais aussi dans le textile ou les chaussures. Le changement d'échelle de nos relations provient également du développement de nos importations. Elles ont fortement augmenté entre 2014 et 2015, mais elles n'atteignent encore que 1,4 milliard d'euros. La balance commerciale reste donc extrêmement déficitaire. L'accroissement des exportations s'explique pour l'essentiel par la hausse de nos exportations aéronautiques, avec la commande de 14 avions A350 et de plusieurs avions A320. La croissance touche également les équipements industriels (39 %), les cosmétiques et parfums (18 %), la pharmacologie (18 %) et l'agroalimentaire (6,5 %). Malgré ces échanges extrêmement fructueux, la France conserve un potentiel important, puisque sa part de marché reste inférieure à 1 %.

Au-delà des échanges commerciaux, nous sommes le deuxième investisseur européen au Vietnam, avec un stock de 3,4 milliards de dollars. De nombreux projets sont en cours dans les transports avec la ligne 3 du métro de Hanoï ou le secteur aéroportuaire, avec ADP ou Vinci. Dans le domaine de l'énergie, Electricité de France (EDF) renforce sa présence de longue date grâce au projet Son My. Engie s'y développe et ce sera peut-être un jour le cas d'AREVA et Mitsubishi. Ces nombreux projets, auxquels il faut ajouter l'hôpital de Can Tho, la fonderie d'aluminium ou les projets de Veolia dans le secteur de l'environnement se révèlent très prometteurs.

La dynamique des relations commerciales ne peut que susciter l'optimisme. À court terme, VietJet Air a confirmé sa commande de 30 avions A320 en novembre dernier. Nous avons aussi résolu des problèmes d'accès au marché en 2015. BNP Paribas a obtenu une licence pour sa succursale à Hanoï en septembre. À plus long terme, un accord de libre-échange a été conclu en décembre entre l'Union européenne et le Vietnam et devrait favoriser les échanges. À l'horizon 2025, cet accord prévoit une suppression des droits de douane. Certaines règles d'enregistrement et de commercialisation des produits pharmaceutiques seront assouplies. Les tests de nécessité économique en vigueur dans la distribution devraient également être supprimés. Certains marchés publics locaux seront ouverts. Enfin, certaines indications géographiques seront désormais reconnues, comme celle du champagne. La dynamique européenne se révèle donc très favorable. Au-delà de cet accord de libre-échange UE-Vietnam, nous pouvons citer le partenariat transpacifique et l'entrée en vigueur de l' ASEAN Economic Community (AEC), qui devraient contribuer à la croissance du Vietnam et de la région.

Ce panorama se révèle donc très dynamique, bénéficiant de moteurs de croissance à court et moyen terme. Dans ce contexte, les acteurs de la diplomatie économique essaient de se fixer un certain nombre de priorités communes pour développer notre présence économique. Au Vietnam comme dans l'ASEAN, nos résultats commerciaux dépendent beaucoup, et peut-être un peu trop, de l'aéronautique qui a représenté 32 % de nos exportations sur la zone en 2015 et 44 % en 2014. Nous devons diversifier nos exportations. Nous avons identifié quelques secteurs prioritaires pour lesquels notre offre est compétitive. Le besoin existe, mais nous restons insuffisamment bien organisés avec nos partenaires vietnamiens pour y répondre.

Dans le domaine de la santé, tout d'abord, nos entreprises se révèlent très dynamiques, nos laboratoires sont mondialement connus. Le Vietnam éprouve des besoins en matière de traitement du diabète, de la dengue et de l'oncologie. Sanofi est fortement implanté au Vietnam, tout comme les laboratoires Pierre Fabre, et la loi Macron autorise désormais l'assistance publique à exporter ses prestations. Il existe dans ce domaine entre la France et le Vietnam une proximité extrêmement forte, qui offre des opportunités nombreuses. Business France organisera d'ailleurs Cap Santé en octobre prochain.

L'agroalimentaire, ensuite, ne représente que 11 % de nos exportations alors que notre valeur ajoutée dans ce secteur est bien connue, que ce soit pour les produits haut de gamme, les produits laitiers, les fruits, la viande. Bel, InVivo, Lesaffre sont présents sur place, témoignant de cette vitalité. Maintenant que les barrières sont levées, nous pouvons faire mieux, dans ce domaine comme en matière d'énergies décarbonées. Après la COP21, la demande énergétique des pays de l'ASEAN et la pression sur le gaz à effet de serre augmentant, il faut trouver des solutions qui s'appuient de plus en plus sur les énergies renouvelables et le nucléaire. L'expérience française en la matière paraît intéressante. Entre EDF et ses projets sur place, Engie, le partenariat d'AREVA avec Mitsubishi sur le réacteur ATMEA et le tissu des PME sur les énergies renouvelables, nous disposons d'un potentiel extraordinaire.

De nombreuses entreprises françaises sont également connues dans le domaine de la ville durable, que ce soit Veolia, Schneider, Transdev. Encore récemment, Renault a signé pour la livraison d'une flotte d'une centaine de taxis électriques. Toutes nos entreprises sont réunies sous la bannière Vivapolis. Les autorités locales bénéficient ainsi d'un seul interlocuteur qui peut les aider dans la transformation des villes. Je citerai pour terminer un secteur auquel nous pensons moins spontanément, mais dont la vitalité me surprend à chaque fois que je me rends sur la zone, et en particulier au Vietnam, la « French Tech ». À Hô Chi Minh-Ville, de grands fleurons français et des start-ups ont noué des partenariats avec Viettel-Mobile, le plus grand opérateur de téléphonie mobile au Vietnam. Ceci témoigne d'un très grand dynamisme dans le secteur du numérique où nos deux cultures mêlées peuvent faire des miracles.

Dans ce panorama très dynamique des relations bilatérales, en particulier sur les cinq secteurs prioritaires que je viens d'évoquer, je ne doute pas que nos échanges d'aujourd'hui se révèlent extrêmement fructueux. Vous pouvez compter sur mon soutien pour toutes vos initiatives. Je vous remercie.

Signature de l'accord de partenariat entre Vietrade et Business France

M. Henri BAÏSSAS - C'est un grand honneur pour Business France d'obtenir la confiance de Vietrade pour ce programme de transmission de savoir-faire dans le domaine de l'analyse des marchés. Ce programme sera lancé dès le printemps pour dix-huit mois. Il permettra de renforcer les liens entre Business France et Vietrade, et ce faisant, les relations d'affaires entre nos deux pays.

M. BUY Huy Son - C'est un grand honneur pour nous de signer avec Business France cet accord qui contribuera au développement de la coopération entre nos deux pays. Vietrade accompagne les entreprises vietnamiennes à l'étranger, mais nous soutenons aussi les entreprises étrangères qui oeuvrent au Vietnam.

M. Buy Huy Son et M. Henri Baïssas lors de la signature de l'accord de partenariat
entre Vietrade et Business France

LE MARCHÉ VIETNAMIEN : COMMENT L'APPROCHER ET QUELLES OPPORTUNITÉS D'AFFAIRES ?

Ont participé :

M. DANG Hoang Hai, Directeur du Département Europe du MOIT du Vietnam

M. Matthieu LEFORT, Directeur du Bureau Business France au Vietnam

M. Alain PIOU, Directeur commercial France de la Société Générale

M. Nicolas AUDIER, Avocat à la Cour, Audier & Partners, Vice-Président de la section Vietnam des Conseillers du Commerce extérieur de la France (CCEF)

M. Arnaud FLEURY , journaliste économique - Le contexte n'a jamais été aussi favorable avec l'accord « ASEAN Economic Community » (AEC), l'accord transpacifique et l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, dont vous allez nous présenter les principales dispositions.

M. DANG Hoang Hai - Monsieur le Ministre du Commerce et de l'Industrie, Monsieur l'Ambassadeur, Monsieur le Directeur général délégué de Business France, Mesdames, Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à ce colloque qui devrait être couronné de succès. Je vous remercie pour votre participation active. Cet événement très intéressant donnera à nos entreprises l'occasion d'échanger. Il permettra aussi de promouvoir la coopération économique entre la France et le Vietnam.

Je vais vous présenter brièvement un aperçu général de l'économie vietnamienne. Vous disposez sans doute déjà de nombreuses informations sur le sujet. J'en soulignerai donc en quelques points les caractéristiques actuelles. Je reviendrai dans un deuxième temps sur l'accord de libre-échange conclu entre l'Union européenne et le Vietnam, qui marquera sans aucun doute les échanges commerciaux entre la France et le Vietnam. J'évoquerai les impacts de cet accord sur nos deux économies.

Depuis 1986, le Vietnam a vécu un renouveau. Nous sommes sortis de l'économie planifiée pour adopter l'économie de marché. Suivant les principes du socialisme, nous avons pu construire les fondations pour moderniser et industrialiser le pays. Sur deux décennies, notre croissance économique a atteint 7,5 % et notre PIB a crû très fortement pour s'établir à hauteur de 99 milliards de dollars. Les exportations ont augmenté de 20 % et représentaient 15 milliards de dollars en 2011. Le stock des investissements a également fortement crû, de l'ordre de 12% entre 2014 et 2015. Aujourd'hui, 50 bailleurs de fonds participent de façon très dynamique au financement du Vietnam. La communauté internationale apporte son soutien de manière très importante au développement du pays, considéré comme une destination d'investissement grâce à ses ressources naturelles très riches, une main-d'oeuvre abondante et un niveau de qualification élevé.

La signature des accords de libre-échange entre l'Union européenne et le Vietnam, ainsi qu'avec les pays de l'ASEAN a également ouvert de grandes opportunités dans la globalisation. Nous signerons bientôt un nouvel accord de partenariat avec l'Union européenne qui consolidera encore les relations économiques entre nous et ouvrira des opportunités pour les entreprises. Cet accord aura des impacts très forts sur les échanges commerciaux, puisqu'il prévoit des exonérations de taxes pour plus de 99 produits. Dès que cet accord entrera en vigueur, le tarif douanier sera réduit à zéro. La suppression dans cinq ans de la taxe sur certains produits, en particulier le vin, le boeuf ou les produits laitiers présentera un grand intérêt pour les entreprises françaises. Nous nous engageons aussi à supprimer les droits douaniers dans dix ans pour le marché automobile. Avec 90 millions d'habitants, ce marché se révèle très intéressant pour les entreprises françaises.

Dès l'entrée en vigueur de cet accord, nous pourrons favoriser les investissements européens et notamment français. Un environnement plus transparent et plus ouvert sera offert aux investisseurs, ainsi qu'une qualité de service améliorée. Nous allons ouvrir les marchés aux investisseurs étrangers, surtout pour les secteurs des services, la santé, l'aéronautique et l'agroalimentaire. Nous instaurerons un cadre pour renforcer l'efficacité des investissements et nous nous intéresserons aux droits et avantages accordés aux investisseurs afin d'améliorer la circulation des capitaux.

Nous renforcerons par ailleurs les offres d'achats publics pour les entreprises. Les achats publics constituent un sujet très difficile dans les négociations internationales. L'Union européenne et le Vietnam ont franchi cette étape délicate et signé un cadre sur les achats publics. Ainsi, les entreprises européennes pourront désormais accéder aux marchés publics. Je pense que cet effort très important répond aux besoins et aux attentes des entreprises. Des engagements très forts ont également été pris concernant la propriété intellectuelle. Nous nous engageons en effet à assurer les appellations d'origine contrôlée (AOC) pour les vins et les fromages français. Cette reconnaissance facilitera les ventes de ces produits au Vietnam. La protection de ces appellations me paraît très importante pour les échanges commerciaux. Nous avons pris l'engagement de reconnaître 169 appellations d'origine de l'Union européenne et nous assurerons ainsi les intérêts des investisseurs.

Cet accord avec l'Union européenne présente un intérêt pratique pour nous tous. La Commission européenne l'a souligné : il se révèle exemplaire et bien plus efficace que les accords conclus avec d'autres pays. Il devra devenir un outil intéressant pour favoriser les échanges commerciaux entre l'Union européenne et le Vietnam. Nous allons bien sûr accompagner nos entreprises dans cette démarche. J'espère qu'à l'issue de ce colloque, elles pourront se rencontrer, trouver des synergies et de nouvelles opportunités dans le domaine des énergies renouvelables, de l'agroalimentaire, l'industrie pharmaceutique, la distribution, les infrastructures, les services, la santé, la formation, le tourisme, etc. Nous espérons que les échanges économiques et commerciaux se développeront entre nos deux pays à la hauteur de nos potentiels.

M. Arnaud FLEURY - Quels sont les atouts du Vietnam ? Quels sont ses défis ? Comment accroître la présence française dans ce pays ? Pourriez-vous nous dire comment Business France voit ce nouveau dragon asiatique ?

M. Matthieu LEFORT - Mesdames, Messieurs, un nouveau dragon asiatique est effectivement devant vous aujourd'hui. Le Vietnam constitue un marché intéressant. Il s'agit tout d'abord d'un vaste marché de 90 millions d'habitants, qui devrait même dépasser 100 millions d'ici dix ans. Aujourd'hui, les deux tiers de cette population sont situés en zone rurale, mais dans dix ans, la moitié sera urbanisée, avec un impact direct sur la consommation et les opportunités qu'ouvre ce marché. Un autre point d'intérêt tient au fait que nous avons affaire à une économie relativement jeune, qui ne s'est ouverte à l'économie de marché qu'à la faveur de la politique de Doi Moi menée depuis 1986. Depuis, le pays n'a cessé de s'ouvrir à l'internationalisation, accueillant de plus en plus d'investisseurs étrangers et facilitant la venue de nouvelles entreprises. Cette politique a généré une forte croissance. Sur les vingt-cinq dernières années, le Vietnam a enregistré un taux de croissance de plus de 6 %, soit la troisième meilleure performance en Asie, dans une zone qui tire la croissance mondiale. Le PIB a été multiplié par cinq en dix ans pour atteindre 184 milliards de dollars. En 2015, le taux de croissance a dépassé les attentes pour atteindre 6,7 %. En 2016, il devrait encore s'établir entre 6,5 et 7 %.

M. Arnaud FLEURY - Ces prévisions sont-elles toujours valables malgré le ralentissement chinois ?

M. Matthieu LEFORT - La Chine représente aujourd'hui le premier fournisseur du Vietnam, mais elle ne constitue pas son premier client. Les clients du Vietnam sont avant tout les États-Unis et l'Union européenne. Le ralentissement chinois affecte donc moins le Vietnam ; il joue même un effet positif. Nous assistons en effet à un report d'investissement de la Chine vers le Vietnam. Samsung représente déjà plus de 10 % des exportations du Vietnam. Les exportations vietnamiennes sont largement alimentées par les investisseurs étrangers qui viennent trouver des opportunités, une meilleure compétitivité sur ce marché. Bien sûr, le ralentissement de la croissance chinoise aura un impact global sur l'ensemble de nos économies. Pour autant, le contexte reste favorable.

Le Vietnam s'est engagé dans de nombreux accords. L'accord de libre-échange avec l'Union européenne prévoit tout d'abord l'élimination progressive des droits de douane. Ces droits seront supprimés en sept ans au niveau européen et dix ans au niveau vietnamien sur 99 % des lignes de produits à l'exclusion des produits dits stratégiques. Cet accord instaure aussi un assouplissement réciproque des conditions d'importation des produits ainsi qu'un accès facilité pour nos entreprises aux marchés publics jusqu'à présent réservés aux entreprises vietnamiennes. Les négociations se sont achevées fin 2015. Le texte est en cours de ratification par les 27 États membres. Nous espérons donc qu'il entrera en vigueur en 2018. Néanmoins, cet accord présente d'ores et déjà un impact, puisque l'embargo sur la viande bovine a été levé en fin d'année dernière, avec des conséquences très positives pour nous. Nous avons aussi obtenu l'autorisation d'importer certains fruits frais comme les pommes et nous poursuivons les échanges pour d'autres produits. Des licences ont également été accordées dans le secteur bancaire. Le contexte se révèle donc globalement positif.

Les moteurs de la croissance reposent sur un ensemble qui forme un cercle vertueux avec tout d'abord des exportations dynamiques. En 2015, le Vietnam affichera une balance commerciale déficitaire, mais ce déficit intervient après trois années d'excédents. Le pays a connu également une industrialisation rapide. L'industrie contribue déjà à hauteur de 39 % du PIB. Le Vietnam essaie de devenir un challenger par rapport au marché chinois. En parallèle, la consommation intérieure se révèle soutenue, avec une croissance du niveau de vie et une augmentation du pouvoir d'achat qui ont fait apparaître une appétence pour les produits d'importation.

M. Arnaud FLEURY - La classe moyenne qui consomme à l'européenne représente déjà 8 à 10 millions de personnes.

M. Matthieu LEFORT - Tout à fait. Cette classe a accès à tous les biens de consommation que nous pouvons exporter. Ce marché présente donc une grande importance. Les investissements directs étrangers (IDE), déjà très élevés, ont atteint un niveau record de 14,5 milliards de dollars en 2015. Ils représentent aujourd'hui 30 % des investissements du pays. Enfin, nous assistons à une très forte entrée de capitaux venant de l'aide publique au développement, mais aussi des transferts de fonds de la diaspora, de l'ordre de 12 milliards d'euros. Une très forte communauté vietnamienne expatriée investit largement dans la croissance de son pays. En parallèle, les fondamentaux économiques s'avèrent très positifs. L'inflation reste maîtrisée autour de 2 %. Le taux de chômage stagne lui aussi à hauteur de 2 %, même si l'économie formelle représente moins de 60 % de l'économie globale. Et le pays affiche des objectifs de croissance élevés, de l'ordre de 6,5 %.

M. Arnaud FLEURY - L'inflation a été le talon d'Achille du Vietnam durant de nombreuses années. Le resserrement monétaire a affecté l'évolution du PIB. Pouvons-nous penser que les mécanismes sont aujourd'hui bien en place et que l'inflation est contrôlée pour plusieurs années ?

M. Matthieu LEFORT - C'est effectivement le cas. La réforme du secteur bancaire engagée permet d'assurer une plus grande stabilité et un meilleur contrôle de l'inflation. Il s'agissait de l'une des priorités du gouvernement. Elle semble aujourd'hui atteinte, au moins à court et moyen termes.

Le Vietnam possède de nombreux atouts qui reposent sur une myriade de facteurs positifs, qui contribuent à nourrir la croissance. La stabilité donne confiance aux investisseurs par rapport à de nombreux pays frontaliers. Les ressources naturelles et agricoles se révèlent importantes. Le Vietnam constitue le premier exportateur mondial de poivre, le deuxième de café, le troisième de riz. La main-d'oeuvre disponible s'avère extrêmement compétitive, mais le pays doit relever le défi de la formation. Pour continuer de développer la productivité du marché et attirer des investissements dans de nouveaux secteurs comme les nouvelles technologies, il faut investir de manière importante dans la formation. Enfin, la dette publique reste contenue à hauteur de 50 % du PIB.

Les enjeux sont clairement identifiés par les autorités, qu'il s'agisse de la modernisation institutionnelle ou de la réforme des entreprises publiques dont une partie est déjà en voie de privatisation partielle. Ainsi, ADP entrera bientôt dans le capital d'ACV. L'environnement, comme partout dans le monde, reste également un véritable enjeu.

Aujourd'hui, notre part de marché ne dépasse pas 1 % sur le marché vietnamien. Les Italiens exportent 1,5 milliard de dollars, les Allemands exportent deux fois plus que nous et constituent le premier partenaire européen du Vietnam. Nous sommes très loin derrière la Chine, la Corée, le Japon et tous les partenaires asiatiques, qui restent les partenaires historiques du pays. Cette situation est d'abord liée à la relative faiblesse de la mobilisation des entreprises sur ces marchés. Moins de 2 400 entreprises sur les 130 000 entreprises exportatrices ont exporté vers le Vietnam en 2014. Les entreprises restent peu nombreuses aujourd'hui à appréhender les atouts.

Outre l'accord de libre-échange UE-Vietnam et le marché économique ASEAN qui s'est ouvert le 1 er janvier, le traité transpacifique qui couvre une douzaine de pays va donner au Vietnam un accès privilégié à de grandes économies comme le Japon, l'Australie, le Canada, la Corée ou les États-Unis. Le Vietnam doit être considéré comme un marché intéressant et un accès privilégié à deux vastes bassins de consommation. Le pays peut ainsi devenir un véritable hub régional.

Les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) représentent la majorité des entreprises qui exportent, mais elles ne représentent qu'une faible part de la valeur de nos exportations. La balance commerciale reste dominée par Airbus (40 %). Nous conservons donc d'immenses marges de manoeuvre et l'ouverture des marchés à nos produits doit nous permettre de prendre de nouvelles parts de marché. On estime qu'environ 300 entreprises françaises sont implantées au Vietnam, soit un nombre encore relativement faible, d'autant qu'il s'agit pour la moitié d'entre elles d'entreprises créées sur place par des auto-entrepreneurs. Certaines ont toutefois connu des succès remarquables. Des entrepreneurs partis de rien sont ainsi devenus des acteurs majeurs du marché démontrant que le contexte est favorable aux investissements au Vietnam.

M. Arnaud FLEURY - Peugeot fait son retour avec une usine d'assemblage en partenariat, mais il manque encore de grands noms.

M. Matthieu LEFORT - Il en manque, mais nous continuons de décrocher des contrats. Renault vient de vendre des véhicules électriques pour alimenter une flotte de 10 000 taxis pour la compagnie Mai Linh. Nous avons déjà cité ADP. J'ai appris hier la signature d'un contrat de 15 millions d'euros par Poma pour des lignes téléphériques. Le marché est ouvert et des opportunités peuvent être saisies. Nous sommes en phase avec les secteurs porteurs annoncés par M. Philippe Varin, que ce soit les secteurs traditionnels des infrastructures, l'environnement, l'agroalimentaire, des secteurs en amont de la chaîne comme les équipements agroalimentaires ou de nouveaux secteurs en développement, notamment la santé, le tourisme, la distribution et les nouvelles technologies.

Nous pouvons vous donner des conseils d'usage pour vous aider à préparer votre démarche. N'oublions pas qu'il s'agit d'un marché lointain, différent, compliqué. Il ne faut pas hésiter à adopter son offre. Dans ce marché en développement, le rapport qualité-prix reste primordial. Il faut se montrer extrêmement compétitif, bien s'entourer, s'inscrire dans la durée et choisir le bon partenaire. Il ne faut pas non plus hésiter à localiser pour pérenniser. Un flux d'exportation constitue seulement une première étape. Développer une présence sur place vous permet d'aller plus loin encore dans vos échanges. Nous avons déjà connu de nombreux succès, mais nous espérons vous compter bientôt dans notre palmarès. Nous avons également établi un programme varié portant sur la plupart des secteurs.

M. Arnaud FLEURY - Business France au Vietnam a son siège à Hanoï et un bureau à Hô Chi Minh-Ville.

M. Matthieu LEFORT - Nous disposons effectivement de deux bureaux à Hanoï, la capitale politique et Hô Chi Minh-Ville, la capitale économique et financière. Nous pouvons ainsi accompagner les entreprises sur ces deux bassins de consommation.

M. Arnaud FLEURY - Avant de poursuivre, je souhaiterais donner la parole à Mme Françoise Vilain, la déléguée générale de Futurallia, un organisme chargé de promouvoir des relations interentreprises à l'international. Vous organisez un forum « B to B » à Hô Chi Minh-Ville en octobre prochain. Que proposerez-vous aujourd'hui aux entreprises intéressées par le Vietnam ?

Mme Françoise VILAIN - Je tiens d'abord à remercier les représentants du Vietnam, le ministre du Commerce et de l'Industrie et l'ambassadeur du Vietnam en France, un partenaire important dans cette opération, ainsi que l'équipe de Business France. Nous organisons une opération collective avec nos partenaires, dont les chambres de commerce et les Conseillers du Commerce extérieur. Nous souhaitons emmener les entreprises françaises intéressées par les opportunités qui s'ouvrent au Vietnam pour leur faire rencontrer des entreprises vietnamiennes selon leur secteur d'activité. Nous avons pour ambition de réunir 100 entreprises françaises et 200 à 250 entreprises vietnamiennes sélectionnées pour les rapprocher en fonction de leurs souhaits. 4 000 à 5 000 rendez-vous seront organisés sur place, 14-15 par entreprise, du 26 au 28 octobre, à Hô Chi Minh-Ville. Nous mettons tout notre coeur pour faire de ce forum un succès.

M. Arnaud FLEURY - Quels sont les projets de la Société Générale au Vietnam ? Que conseillez-vous aux exportateurs français ?

M. Alain PIOU - Madame la Présidente, Monsieur le Ministre, Monsieur l'Ambassadeur, Mesdames, Messieurs, permettez-moi d'exprimer tout le plaisir d'être présent ce matin. Cette participation témoigne de l'engagement du secteur bancaire à favoriser les exportations à travers le monde, notamment le Vietnam.

Je souhaiterais vous convaincre ce matin de l'engagement des banques à favoriser les PME et leurs exportations, leur travail pour se projeter à l'international, au grand export et notamment au Vietnam. Aujourd'hui, le secteur bancaire au Vietnam commence à rassembler tous les éléments pour permettre aux banques françaises de s'implanter et d'accélérer leur développement, au soutien des PME. BNP Paribas a obtenu la licence d'exploitation au Vietnam. La Société Générale est présente depuis de nombreuses années au travers d'un bureau de représentation et nous réfléchissons, à l'heure où l'économie vietnamienne décolle réellement, à renforcer notre implantation. Nous faisons déjà évoluer nos capacités d'engagement sur ce pays depuis plusieurs années, puisque nos limites augmentent de 20-25 % par an, pour atteindre plus de 100 millions d'euros, sans compter les opérations structurées des grands exportateurs que nous accompagnons.

Je tiens à insister tout d'abord sur la capacité des banques à accompagner les entreprises dans tous les financements dont elles ont besoin pour se projeter vers le Vietnam. Souvent, les entreprises ne trouvent pas les financements nécessaires pour cela. Or aujourd'hui, grâce aux partenariats que nous lions avec Business France pour l'accompagnement et la Banque publique d'investissement (BPI) pour le financement, nous proposons toute une gamme de financements pour aider les entreprises. La démarche commence par la prospection. L'exportation lointaine se prépare. Il faut se rendre sur place, réaliser des études de marché et de faisabilité, voire embaucher un Volontaire international en entreprise (VIE). Pour ces dépenses, vous pouvez bénéficier du régime extrêmement favorable de la garantie de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE). Les PME ignorent que si l'exportation ne porte pas ses fruits, elles pourront se faire rembourser jusqu'à 65 % des dépenses engagées. Il faut aussi pouvoir mobiliser sa trésorerie pour financer les dépenses d'exportation. Toutes les banques françaises ont conclu des accords avec la COFACE pour faciliter le financement de ces premières dépenses.

Pour candidater à un marché public, il importe de se faire accompagner par les banques pour pouvoir fournir des garanties internationales. Le secteur bancaire propose une panoplie pour éviter aux entreprises de mobiliser leur trésorerie. Dans la phase d'exportation, une fois le marché remporté, il faut fabriquer. Dans ce domaine aussi, les banques disposent de solutions pour prendre en charge le besoin de financement via le crédit de préfinancement. Grâce à des accords avec la COFACE, vous pouvez bénéficier de garanties permettant aux banques de vous accompagner plus facilement au grand export, notamment au Vietnam.

Enfin, il convient de sécuriser et financer le besoin en fonds de roulement lié aux délais de règlement. En la matière, il existe plusieurs solutions, notamment le financement des crédits documentaires confirmés, moyens de paiement largement utilisés en Asie.

M. Arnaud FLEURY - Vous recommandez le crédit documentaire confirmé sur le Vietnam.

M. Alain PIOU - Oui. Dans le domaine du grand export, quel que soit le pays, les entreprises doivent sécuriser les paiements. Lorsqu'elles s'engagent à fabriquer et livrer, il importe d'être payé à bonne date. Le « forfaiting » , c'est-à-dire la mobilisation de traites avalisées par les banques vietnamiennes, peut également être utilisé. Vous avez aussi la possibilité de déléguer le poste client à un factor et mobiliser les créances nées à l'étranger. Les entreprises disposent ainsi de tous les moyens de financer leurs exportations à l'international. Il existe plusieurs types de moyens de paiement, mais lorsque l'on se projette à l'export, il convient de s'assurer d'un moyen de règlement sûr et performant pour ne pas mettre en péril sa trésorerie. C'est pourquoi toutes les banques recommandent aujourd'hui le crédit documentaire.

Pour terminer, je voudrais souligner que la Société Générale peut vous accompagner et vous permettre d'avoir accès à l'information. Nous disposons d'un site : import-export.societegenerale.fr. Il contient un grand nombre d'informations, notamment des études de marché sur le Vietnam, la réglementation douanière pour préparer vos exportations. Nous pouvons vous accompagner aussi dans toutes les formalités importantes si vous vous lancez dans l'exportation ou souhaitez créer une filiale au Vietnam, en vous recommandant auprès d'une banque vietnamienne. La Société Générale a conclu des accords avec cinq banques correspondantes et elle est présente au Vietnam grâce à sa participation dans six banques à hauteur de 20 %. Les banques ont enfin la possibilité de garantir les fluctuations de cours. Cet élément revêt une grande importance, car les contrats courent souvent sur plusieurs années et l'entreprise doit donc sécuriser ses flux.

M. Arnaud FLEURY - Le dong vietnamien est à peu près stable aujourd'hui. Mieux vaut cependant couvrir ses flux.

M. Alain PIOU - Nous avons évoqué les besoins des PME, mais nous accompagnons aussi les grands exportateurs, comme Poma ou Peugeot, grâce à des solutions structurées. Nous travaillons aujourd'hui avec la Société nationale vietnamienne de gaz et d'électricité.

M. Arnaud FLEURY - Monsieur Audier, vous êtes basé au Vietnam depuis 1993. Votre bureau compte désormais une trentaine de personnes et vous faites partie des quatre ou cinq cabinets d'avocats sur lesquels il convient de s'appuyer pour exporter au Vietnam. Vous allez évoquer le cadre juridique des investissements étrangers au Vietnam.

M. Nicolas AUDIER - Je suis très heureux d'être présent aujourd'hui au Sénat, un acteur privilégié dans les relations entre la France et le Vietnam. J'ai souvenir d'être venu ici en 1995 pour défendre l'action d'entraide judiciaire entre le Vietnam et la France. Le ministre du « Minstry of industry and trade » (MOIT) a été un artisan des relations franco-vietnamiennes lorsqu'il était vice-ministre des investissements étrangers au Vietnam au début des années 1990. Je suis présent au Vietnam depuis 1993 comme certains de mes confrères dans la salle. Nous célébrerons l'an prochain 30 ans d'investissements étrangers au Vietnam, un pays qui a considérablement changé depuis. À l'époque, nous ne pouvions guère imaginer que des gratte-ciels aussi impressionnants seraient bâtis à Hô Chi Minh-Ville.

Le droit des investissements étrangers a lui aussi considérablement changé pour devenir extrêmement souple, flexible et très favorable. Deux lois fondamentales ont été prises en 2014 à la suite des accords « Organisation mondiale du commerce » (OMC), en anticipation des accords avec l'Union européenne et du traité transpacifique. L'accord de libre-échange entre le Vietnam et l'UE entrera en vigueur en 2018-2019, selon la ratification du texte par les 28 États membres. Jusqu'à cette date, l'État vietnamien s'est engagé à ne pas adopter de textes allant à l'encontre des dispositions arrêtées dans cet accord. Le partenariat transpacifique signé entre les douze plus grandes économies de la zone Asie-Pacifique jouera un effet important sur les investissements étrangers au Vietnam et le PIB vietnamien. Enfin, l' ASEAN Economic Community forme désormais un véritable marché unique de 620 millions d'habitants.

La loi sur les investissements étrangers se révèle extrêmement souple. Les procédures de création de sociétés sont simplifiées et les délais pour obtenir une licence d'investissement ont été largement raccourcis, s'établissant à 15-20 jours contre 2 à 3 mois voilà encore un an. Les procédures d'acquisition d'entreprises vietnamiennes ont également été assouplies et la notion de société à capitaux étrangers a été définie, un élément important pour appliquer les règles de l'OMC au Vietnam.

Je travaille sur les accords OMC, dont le Vietnam est membre depuis 2007. Les accords décrivent les secteurs ouverts aux investissements étrangers, les secteurs conditionnels et les secteurs interdits. Ce texte se révèle fondamental lorsque l'on envisage d'investir au Vietnam. L'intégration à l'ASEAN revêt également une grande importance. Autrefois, nous faisions la promotion du Vietnam. Aujourd'hui, il ne faut plus présenter le Vietnam isolément, mais inclus dans la zone ASEAN et ses 620 millions d'habitants. Je constate d'ailleurs que de nombreuses entreprises françaises considèrent le Vietnam comme une plate-forme de l'ASEAN pour leurs activités en Asie du Sud-Est. C'est notamment le cas de la société InVivo dont la production pourra désormais être exportée sans droits de douane dans les 12 pays de l'ASEAN.

M. Arnaud FLEURY - Sous quelle forme faut-il investir au Vietnam ?

M. Nicolas AUDIER - La solution la plus simple pour la prise de contact dans un pays consiste à domicilier une entreprise. La Chambre de commerce au Vietnam propose de le faire facilement pour quelques mois, le temps que l'entreprise française prenne connaissance du marché. Si ce marché s'avère porteur, vous pouvez créer un bureau de représentation au Vietnam pour formaliser votre présence. Un bureau de représentation ne mène pas d'activité d'investissement, mais il joue un rôle de promotion, d'assistance et de découverte du marché. Très souvent, les entreprises font appel aux VIE pour ces bureaux, car ils constituent sans doute les meilleurs collaborateurs pour aider à un coût relativement faible le développement d'une entreprise au Vietnam.

La troisième phase consiste à investir. Il existe deux types de sociétés au Vietnam : la société anonyme et la société à responsabilité limitée. Comme en France, la société anonyme émet des actions et a vocation à être cotée sur l'une des bourses nationales. Elle doit comprendre trois actionnaires au minimum. Elle dispose d'un conseil d'administration, une assemblée générale, un directeur général et un représentant légal. Voilà dix ou quinze ans, les décisions devaient être prises selon la règle du consensus, voire à l'unanimité dans les entreprises. Depuis 2014, le seuil est passé à 51 % pour les décisions ordinaires et 65 % pour les décisions extraordinaires. La société à responsabilité limitée répond aux mêmes règles qu'en France avec une limite de 50 associés qui possèdent des intérêts légaux dans une société. Elle est formée d'un conseil des gérants, un président du conseil, un directeur général et un comité d'inspection pour les sociétés comptant plus de 11 membres. Les décisions sont là aussi prises à 51 % pour les décisions ordinaires et 65 % pour les décisions extraordinaires. Nous établissons principalement des Sociétés à responsabilité limitée (SARL) ou des Entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée (EURL) avec associé unique lorsque les sociétés françaises souhaitent produire au Vietnam ou commercialiser leurs produits. Aucun capital minimum n'est requis au-delà de celui dont vous avez besoin pour exploiter la société.

Les procédures ont été largement simplifiées par les lois de 2014. Hanoï et Hô Chi Minh-Ville accueillent la majorité des investissements étrangers, mais de nombreuses entreprises étrangères s'implantent aussi en province. La société que vous créez a de toute façon vocation à rayonner dans tout le pays.

M. Arnaud FLEURY - Qu'en est-il de la fiscalité ?

M. Nicolas AUDIER - Le taux d'imposition sur les sociétés s'établit à 20 % et aucune taxe n'est appliquée sur les retenues à la source pour les paiements de dividendes. Une convention fiscale entre la France et le Vietnam négociée dans les années 1990 permet d'éviter une double imposition sur les opérations réalisées au Vietnam. Le régime foncier se révèle un peu plus compliqué. La terre appartient au peuple vietnamien. Il n'existe pas de propriété privée sur les terrains que l'État gère au nom du peuple. Vous pouvez seulement obtenir un droit d'usage sur un terrain pour une durée de vingt ans en moyenne et pour un objet très précis, comme la construction d'une usine ou d'un hôtel.

M. Arnaud FLEURY - Ce droit est-il renouvelable ?

M. Nicolas AUDIER - Nous assistons aujourd'hui au renouvellement des premières licences, et nous n'avons pas encore connu de cas de non-renouvellement. Il n'existait pas de droit des sûretés voilà encore vingt ou vingt-cinq ans. Il fonctionne depuis quelques années maintenant, facilitant le financement des sociétés étrangères. Des banques françaises participent sur des opérations au Vietnam en prenant des hypothèques ou des garanties sur des biens d'équipement.

En conclusion, je souhaiterais insister sur quelques points très importants. Tout d'abord, la stabilité sociale et politique du Vietnam. Cette année s'est tenu le congrès du Parti communiste vietnamien et les principaux ministres devraient changer. Néanmoins, cela n'aura pas d'impact sur l'évolution du Vietnam qui continue son intégration au sein de l'ASEAN et poursuit ses relations avec l'Union européenne et la zone pacifique. Les autorités vietnamiennes sont très accueillantes vis-à-vis des investisseurs étrangers. Vous pouvez aisément rencontrer les autorités locales ou centrales. Deux fois par an, le Vietnam organise une réunion très ouverte avec l'ensemble des investisseurs étrangers. Il existe une relation très forte entre les autorités et les investisseurs étrangers. Enfin, la qualité de la main d'oeuvre est élevée.

M. Arnaud FLEURY - Le Vietnam n'a pas toujours eu une bonne réputation en matière de contentieux. On faisait état d'une certaine corruption. La situation s'est-elle améliorée ?

M. Nicolas AUDIER - Si en 30 ans le droit des sociétés s'est grandement amélioré, le contentieux n'a, lui, pas beaucoup changé, que ce soit pour les contentieux entre les sociétés à capitaux étrangers et des entreprises publiques vietnamiennes ou des sociétés privées vietnamiennes. Le Vietnam a ratifié les conventions internationales, notamment la Convention de New York sur l'exécution des sentences arbitrales, mais il reste très difficile de faire exécuter ces sentences au Vietnam. Le contentieux auprès des tribunaux vietnamiens soulève également des difficultés pour des raisons de transparence. La chambre de commerce d'arbitrage du Vietnam existe depuis près de quinze ans, mais la situation n'est pas encore aisée pour les investisseurs étrangers. La constitution vietnamienne garantit toutefois les investissements étrangers au Vietnam de toute spoliation ou nationalisation. En trente ans, aucun investissement étranger n'a été nationalisé sans juste compensation. L'accord de libre-échange entre l'Europe et le Vietnam prévoit un mode de règlement des différends qui devrait simplifier et réduire le coût des contentieux. Ceci devrait contribuer à rendre le sujet plus transparent.

M. Arnaud FLEURY - Merci. Avant de terminer, je vous propose d'entendre le témoignage de Mme Céline Zapolsky, Présidente de Linagora Vietnam, une société éditrice de logiciels Open Source. Vous êtes installée depuis avril 2015 à Hanoï. Comment une société high-tech s'implante-t-elle au Vietnam ?

Mme Céline ZAPOLSKY - Nous avons quinze ans d'existence. Nous travaillons beaucoup avec l'État français et nous exportons dans une vingtaine de pays, principalement pour accompagner les États dans leur transformation numérique. Pour notre plate-forme asiatique, nous avons choisi le Vietnam en raison de la transformation très importante en cours depuis quelques années qui s'appuie aussi sur le développement d'une industrie du numérique. Des entreprises vietnamiennes se créent dans le secteur du numérique et le gouvernement met en oeuvre des projets d'e-gouvernement pour renforcer la transparence et favoriser l'investissement des entreprises au Vietnam. Nous avons développé trois activités. Nous avons complété notre équipe de recherche et développement (R&D) en travaillant sur la problématique de la mobilité, un sujet sur lequel l'Asie est très avancée. En un an, nous avons créé douze emplois et nous devrions être plus d'une trentaine d'ici la fin de l'année. S'agissant de la formation, nous avons noué un premier partenariat avec Polytechnique Hanoï pour former quarante étudiants sur nos technologies Open Source et nous développons des partenariats avec les universités de Can Tho et Da Nang, candidates au projet « Open Up ». Nous fournissons par ailleurs nos solutions au gouvernement vietnamien pour répondre aux enjeux de l'e-gouvernement qui apparaissent dans leur contrat-cadre pour la période 2016-2020.

M. Arnaud FLEURY - Êtes-vous satisfaite de votre choix du Vietnam ?

Mme Céline ZAPOLSKY - Je suis extrêmement heureuse. Nous entretenons de très bonnes relations avec le gouvernement vietnamien. Nous travaillons avec les villes, le ministère des Transports et sept ministères nous sollicitent pour développer nos relations. Nous avons réussi grâce à Business France et au VIE.

TABLE RONDE 1 - LES PERSPECTIVES DANS LE SECTEUR DE L'AGRO-ALIMENTAIRE

Ont participé à cette table ronde :

M. HUYNH Minh Hue, Secrétaire général de Vietnam Food Association

M. Jean-Christophe NAUDIN, Responsable du pôle végétal export, France-AgriMer

M. NGO Que Lam, Directeur général adjoint d'Habeco

Mme Pauline RAGOT, chargée de partenariats et financements publics du groupe InVivo

M. NGUYEN Tien Vuong, Directeur Adjoint d'Hapro Group

M. Arnaud FLEURY - Pouvez-vous nous présenter votre stratégie dans le domaine du riz ?

M. HUYNH Minh Hue - Je suis très heureux de pouvoir vous présenter quelques informations sur l'industrie du riz au Vietnam et favoriser la coopération dans ce domaine entre les entreprises de nos deux pays.

Au cours des cinq dernières années, la production de riz au Vietnam a augmenté régulièrement. La superficie n'a pas augmenté, mais le rendement a crû. Notre production s'élève à 45 millions de tonnes. Nous produisons plusieurs types de riz : riz long, riz parfumé, riz gluant, riz étuvé et riz à haut niveau de nutrition. Il existe deux zones de production principales, au Nord, le long de la Rivière Rouge et sur le delta du Mékong. Cette zone du Sud recouvre 50 % de la production, dont 90 % du riz destiné à l'exportation. La région du delta du Mékong compte 14 villes qui produisent toutes du riz. Elles bénéficient de conditions climatiques et de ressources en eau favorables. Il y a trois saisons : hiver-printemps, été-automne et une troisième saison complémentaire, l'automne-hiver. À cette saison cependant, compte tenu des inondations, la production est limitée aux zones les plus élevées qui ne sont pas inondées. Lorsque l'eau arrive dans le delta, elle permet le ravitaillement et favorise la bonne qualité de la saison.

Au cours des dernières années, l'exportation a connu des augmentations équivalentes à celles de la production. Avant 2012, le Vietnam était le premier pays exportateur de riz. Nous sommes passés au troisième rang avec l'arrivée de l'Inde. Nous ne poursuivons pas l'objectif de revenir au premier rang. Nous souhaitons avant tout résoudre les problèmes de production et assurer un revenu et une meilleure vie aux producteurs. Nous exportons à temps, lorsque la récolte arrive. Nous ne fixons donc pas de prix plancher, mais l'État encourage les paysans à produire tout en assurant un prix minimum. Nous exportons principalement le riz blanc long grain, le riz parfumé et le riz gluant. Actuellement, le riz long grain occupe une place importante devant le riz parfumé. La qualité du riz vietnamien s'est améliorée ces dernières années et nous visons une meilleure qualité encore. La production du riz parfumé, encore modeste voilà cinq ans, a fortement augmenté.

Nous exportons partout, mais surtout en Asie. Le continent recouvre ainsi 75 % de nos exportations. Compte tenu de la proximité, les prix de transport se révèlent peu élevés et nous pouvons soutenir la concurrence des autres pays. Nous souhaitons aussi exporter vers les marchés lointains, en proposant plutôt des produits de grande qualité. L'Afrique constitue notre deuxième marché, devant l'Amérique. La part de l'Europe reste très modeste, puisqu'elle représentait 1,3 % de nos exportations en 2013 et 1,8 % aujourd'hui. Cette situation s'explique avant tout par les taxes. Le Vietnam ne bénéficie pas de taux privilégiés et le riz qu'il exporte supporte une taxe très élevée. Cette taxe constitue un obstacle très important aux exportations. L'Europe reste néanmoins un marché potentiel pour le Vietnam. Il exige une grande qualité et le prix pourrait donc être très élevé, offrant une efficacité économique très bénéfique malgré une faible quantité. L'accord de libre-échange entre le Vietnam et l'Union européenne pourrait favoriser nos exportations. S'il permet de réduire les taxes imposées au riz vietnamien, nous pourrons soutenir la concurrence avec les produits de Thaïlande, dont la part reste encore très modeste en Europe.

Aujourd'hui, nous devons faire face à des défis très importants pour l'avenir de notre production, en particulier la superficie réduite par l'industrialisation et les problèmes de climat. Le pays connaît une sécheresse très forte. Or les vagues de chaleur et de sécheresse peuvent affecter considérablement la production, qui pourrait baisser cette année. Le nombre de paysans se révèle très élevé par rapport à la superficie, avec seulement 0,7 hectare par paysan. La densité des paysans sur une superficie limitée peut également influencer la production. Même avec trois récoltes par an, la production ne peut pas augmenter. Nous réfléchissons donc à une nouvelle politique pour augmenter la taille de la production grâce à la mise en oeuvre de technologies modernes. La concurrence très rude sur le marché constitue un autre défi. Le Vietnam exporte 7 à 8 tonnes par an, mais souffre de la concurrence de la Thaïlande et de l'Inde qui proposent les mêmes produits et mettent à mal la stabilité du prix.

Au-delà des défis, des opportunités s'offrent aussi à nous. L'État mène une politique favorable pour les paysans. D'ici cinq ou sept ans, la production du riz devrait se stabiliser au Vietnam, mais nous devons réfléchir davantage à l'impact des calamités naturelles. Le climat remet en cause nos prévisions, mais avec l'aide des pays partenaires, nous devons pouvoir surmonter ces difficultés. Avant 2011, l'exportation du riz était libre. Désormais, elle nécessite une autorisation de l'État. Les entreprises doivent obtenir du ministère de l'Industrie et du Commerce une autorisation certifiant la qualité du riz exporté. Le gouvernement projette d'établir une feuille de route pour gérer les relations entre les producteurs, les transformateurs et les exportateurs. La production du Vietnam dépasse la consommation nationale. Le pays peut exporter. Il doit donc assurer la qualité de sa production et augmenter encore son rendement.

Outre la conditionnalité de l'exportation, le gouvernement a pris des mesures pour réguler le marché. L'État n'intervient pas directement, puisque ces mesures sont appliquées via les entreprises. Quand la production dépasse la consommation, le gouvernement demande aux entreprises d'acheter le surplus pour le stocker. À défaut, il encourage les entreprises à déstocker pour maintenir le prix. À travers le ministère du Commerce et de l'Industrie, le gouvernement aide aussi indirectement l'exportation du riz. Ce colloque participe de ces aides indirectes. Le gouvernement envisage par ailleurs de créer un label pour attester de la qualité du riz tant à l'exportation que pour la consommation interne. Si nous n'améliorons pas la qualité du riz, nous ne pourrons pas gagner la concurrence sur le marché national. Toujours pour améliorer la qualité, l'État demande enfin aux services intéressés d'aider les paysans à choisir la variété de riz à planter. Je vous remercie.

M. Arnaud FLEURY - Le riz revêt une importance cruciale pour le Vietnam qui en est le troisième exportateur mondial. France-AgriMer, l'office agricole français, a pour mission d'appliquer en France les mesures prévues par la politique agricole commune et d'engager certaines actions en faveur des différentes filières agricoles. Vous avez notamment mené des actions sur la pomme, la viande bovine et la charcuterie au Vietnam, mais aussi sur l'amont. Êtes-vous satisfaits ?

M. Jean-Christophe NAUDIN - Je vous remercie pour cette invitation. Je citerai quelques chiffres marquants pour l'agroalimentaire français. Le chiffre d'affaires à l'export de l'agroalimentaire français s'élève à 60 milliards d'euros, dont plus d'un tiers part hors de l'Union européenne, notamment sur des marchés qui se développent comme le Vietnam. Le marché vietnamien a été ouvert à la viande bovine, à la charcuterie et aux pommes françaises voilà quelques mois. L'opération montée en décembre à Hanoï et Hô Chi Minh-Ville au travers de Business France a permis de faire connaître le savoir-faire et la qualité sanitaire et phytosanitaire des produits agroalimentaires français. Comme les Français, les Vietnamiens aiment bien manger. Pour cela, il faut de bons produits. Or la qualité des produits est conditionnée par la qualité de l'appareil animal et végétal en amont. Il faut aussi assurer la traçabilité, la sécurité sanitaire des éléments. Des mesures ont été construites depuis plusieurs années en France. Dans notre pays, la réglementation sanitaire et phytosanitaire est très contrôlée et permet d'obtenir des produits de qualité sur le plan gustatif, mais aussi sur le plan de la santé.

M. Arnaud FLEURY - La Chine recherche elle aussi la sécurité alimentaire aujourd'hui, notamment sur le lait infantile. Que pouvons-nous proposer au Vietnam pour l'amont ?

M. Jean-Christophe NAUDIN - Nous avons de bons produits, mais il faut pouvoir développer l'agroéquipement, le matériel végétal, c'est-à-dire les plants et semences. Le Vietnam est un pays très étendu, avec plus de 14 degrés de latitude, plus de 3 000 kilomètres de côtes, et une grande variété de productions tant dans le domaine végétal que dans le domaine animal. En matière de semences et plants, la France constitue l'un des leaders mondiaux avec plus de 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires annuel. Sa contribution permettrait de développer de nouvelles productions et de les diversifier. Le Vietnam, qui s'est engagé dans un développement rapide de son agriculture, sera confronté très rapidement à des problèmes de productivité, de rendement et de durabilité. Or la France possède une grande expérience qu'elle pourrait partager.

M. Arnaud FLEURY - Exportons-nous déjà de gros volumes de produits finis (viande bovine, charcuterie, pommes) ?

M. Jean-Christophe NAUDIN - Le marché s'est ouvert assez récemment, voilà quelques mois seulement. Il reste à construire. Nous constatons des progressions très nettes dans le domaine des fruits et légumes, et plus particulièrement pour les pommes. Nous avons noté une demande très forte pour d'autres produits, les kiwis, les pommes de terre, les plants. Le boeuf français, grâce à une qualité importante et un haut niveau de salubrité publique, se développe aussi progressivement sur le marché. Il faut laisser aux produits le temps de s'installer, d'autant que la concurrence mondiale est forte.

M. Arnaud FLEURY - Le Danemark exporte aussi beaucoup de produits agroalimentaires.

M. Jean-Christophe NAUDIN - La Nouvelle-Zélande, l'Australie, les États-Unis constituent de gros concurrents sur la viande bovine, mais la France exporte un produit d'une très grande qualité sanitaire.

M. Arnaud FLEURY - La Chine investit massivement dans le lait en France et inversement. En est-il de même au Vietnam ?

M. Jean-Christophe NAUDIN - La demande est très forte au Vietnam pour les produits laitiers, en particulier les poudres de lait infantile. La France possède dans ce domaine une expérience marquée. Nous voyons aussi se développer une demande pour les ingrédients laitiers (yaourts, chocolat, lait en poudre) ou les céréales, surtout le blé et le maïs.

M. Arnaud FLEURY - Ces produits pourraient se développer à la faveur du changement des habitudes alimentaires pour les 10 millions d'habitants qui constituent aujourd'hui les classes moyennes. Avez-vous prévu des actions pour aider l'export français dans les prochains mois ?

M. Jean-Christophe NAUDIN - Lors de l'action menée à Hô Chi Minh-Ville et Hanoï avec le concours de Business France et de tous les acteurs concernés, notamment les ambassades de France et de Vietnam sur le savoir-faire et la qualité sanitaire et phytosanitaire des produits français, nous avons senti une forte demande des autorités et des importateurs vietnamiens. Nous pourrions donc reconduire une opération de ce type pour développer nos relations.

M. Arnaud FLEURY - M. Emmanuel Bernard, le président de la filière bovine est d'ailleurs présent aujourd'hui. Nous passons maintenant à la bière. Habeco est un géant vietnamien. Le Vietnam est le premier pays consommateur de bière dans la région ASEAN. Quelles opportunités pouvez-vous proposer aux consommateurs français ?

M. NGO Que Lam - Mesdames, Messieurs, le Vietnam est un grand pays consommateur de bière en Asie. En 2015, nous avons consommé plus de 300 milliards de litres de bière. L'entreprise Habeco a été créée par un Français dans les années 1980. Elle est aujourd'hui engagée sur le marché de la bière, du vin et des boissons rafraîchissantes. Nous travaillons selon un concept de culture que nous avons développé auprès de nos consommateurs. Nous exportons la bière d'Hanoï dans plusieurs pays, notamment en France, au Royaume-Uni, en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Nous espérons que vous pourrez nous accompagner dans la communication et la commercialisation de nos produits en Europe et en France auprès de la communauté vietnamienne et d'autres communautés. Notre société reste de taille modeste, avec 500 millions de dollars d'actif et 60 millions de dollars de bénéfice. Nous possédons une situation financière très solide. Sur le plan technologique, nous souhaitons nouer des partenariats avec les acteurs français et étrangers pour commercialiser la bière d'Hanoï, développer de nouveaux produits et optimiser la gestion des coûts. S'agissant de la matière première, nous importons une quantité relativement importante de malt de France chaque année. Nous tenons à remercier le ministère du Commerce et de l'Industrie de nous donner l'occasion de nous rencontrer dans le cadre de ce colloque et nous espérons nouer des projets de collaboration.

M. Arnaud FLEURY - Envisagez-vous d'importer des vins français ?

M. NGO Que Lam - Nous avons importé des vins français au Vietnam, mais la distribution de boissons, notamment de vin, ne présente guère d'avantages. La concurrence est forte et les Vietnamiens consomment peu de vin. Nous importons surtout de petits lots, car il nous est difficile d'accélérer la distribution. Nous pourrions néanmoins nouer de nouveaux partenariats pour accroître la distribution, ce qui permettrait peut-être de faire émerger de nouvelles opportunités pour le vin.

M. Arnaud FLEURY - InVivo constitue la plus importante union de coopératives françaises. Pourriez-vous rappeler brièvement ce qu'est InVivo et les projets que vous menez au Vietnam ?

Mme Pauline RAGOT - Je tenais tout d'abord à remercier l'organisation de nous offrir l'opportunité de témoigner aujourd'hui sur notre expérience au Vietnam. InVivo se positionne en amont de la chaîne de valeur agroalimentaire. Première union de coopératives françaises agricoles, nous intervenons dans quatre grands domaines : l'agriculture, la nutrition et la santé animale, la distribution grand public avec nos réseaux de jardinerie et le vin. Notre activité de nutrition et santé animale constitue la plus représentative au niveau mondial. Nous comptons 7 000 collaborateurs à l'international, répartis sur 75 sites de production avec une expérience de 60 ans et une importante activité de recherche et développement. Nous sommes établis au Vietnam depuis 1995, avec plusieurs implantations réparties sur l'ensemble du pays et nous employons 800 salariés, Vietnamiens pour l'essentiel. Nous disposons de sites industriels pour la production d'aliments complets ou de prémix pour multiespèces et des sites de R&D. Nous intervenons au niveau génétique avec de nombreux partenariats avec des sociétés françaises ou locales. Nous développons aussi des centres d'expérimentation pour les espèces majoritaires, le porc, la crevette et les volailles.

M. Arnaud FLEURY - L'aquaculture présente un très fort potentiel au Vietnam. Exportez-vous de l'aquaculture vietnamienne ?

Mme Pauline RAGOT - L'aquaculture représente une priorité pour InVivo. Au cours des deux dernières années, nous avons développé deux nouvelles lignes de production pour la nutrition aquacole et nous avons racheté la société StarAsia, un acteur majeur dans la nutrition de la crevette. Nous développons aussi notre recherche avec notre « Maison crevette » située au sud du Vietnam, qui propose une formation et des conseils en aquaculture.

M. Arnaud FLEURY - Le secteur est en plein développement, avec des investissements étrangers dans des fermes aquacoles pour exporter vers l'Europe, les États-Unis et l'Asie.

Mme Pauline RAGOT - Nous sommes présents au Vietnam, mais nous avons aussi ouvert récemment un hub à Singapour afin de couvrir toute l'Asie du Sud-est et développer l'export.

M. Arnaud FLEURY - Vous développez également des projets en matière de nutrition domestique afin d'exporter depuis le Vietnam vers les pays riverains.

Mme Pauline RAGOT - Nous avons créé de nouvelles lignes de production au cours des deux dernières années et nous adresserons ces produits de nutrition pour les animaux domestiques à tous les pays limitrophes, la Malaisie, Singapour ou l'Indonésie, des marchés importants pour nous.

M. Arnaud FLEURY - Quel est votre chiffre d'affaires au Vietnam ?

Mme Pauline RAGOT - Je ne peux pas vous communiquer d'information sur le sujet.

M. Arnaud FLEURY - InVivo parie cependant sur le Vietnam et souhaite y investir.

Mme Pauline RAGOT - Tout à fait. Nous avons déjà réalisé de nombreux investissements soutenus par le gouvernement vietnamien. Nous le remercions et espérons qu'il continuera de nous soutenir à l'avenir. Je tenais seulement à signaler qu'il existe aujourd'hui, dans la loi vietnamienne, une incitation fiscale pour la R&D, mais elle n'est pas appliquée pour l'instant, ce qui freine notre développement en la matière. Nous espérons donc que le gouvernement fera un geste pour promouvoir nos actions.

M. Arnaud FLEURY - Ce crédit impôt recherche prévu dans la loi vous permettrait d'investir davantage. Quel est l'avenir d'InVivo et des grandes coopératives françaises au Vietnam ? Qu'en est-il du « trading » de blé ?

Mme Pauline RAGOT - Nous avons déjà implanté des stations expérimentales pour favoriser la production locale de maïs. Nous avons noué un partenariat avec Bantam qui nous aide dans cette démarche. Nous avons également recruté un VIE. Le « trading » nous offre une opportunité intéressante, mais nous développons aussi le vin à l'export et nous pourrions nouer de nouveaux partenariats dans ce domaine.

M. Arnaud FLEURY - InVivo investit notamment dans les vins du Languedoc à 10-15 euros qui peuvent intéresser les Vietnamiens. Nous allons terminer avec le groupe Hapro, un grand nom dans l'ensemble du Vietnam. Vous avez développé l'import-export dans l'agroalimentaire ou l'artisanat et vous possédez une chaîne de supermarchés.

M. NGUYEN Tien Vuong - Je suis le dernier de cette table ronde. Je me permettrai donc d'être très bref, mais nous pourrons échanger dans le cadre des rendez-vous individuels de cet après-midi. Le groupe Hapro appartient au Comité populaire de Hanoï et dispose de plus de 30 succursales qui emploient 6 000 salariés. Nous avons obtenu le titre de marque nationale depuis plusieurs années. Nous sommes aussi le premier exportateur pour les produits artisanaux et agricoles. Nous exportons l'anis étoilé, le poivre ou le café. L'Europe représente un marché important pour l'artisanat. Nous exportons aussi des produits transformés comme les fruits secs et certains produits industriels. Nous importons par ailleurs des biens de consommation et certaines machines. Au total, ces flux représentent 300 millions de dollars. Nous comptons des partenaires dans 70 pays dans le monde.

Sur le marché domestique, nous possédons des supermarchés à notre marque et nous sommes présents dans les 40 centrales d'achat avec une centaine de magasins de vente d'équipements électroniques. Nous nous sommes aussi développés dans la restauration, les magasins duty free et les boissons. Cet événement nous permettra notamment de rencontrer les exportateurs de vins français. Nous disposons par ailleurs d'une usine de transformation de noix de cajou. Posséder des usines nous permet d'assurer la qualité des produits que nous exportons. Notre parc d'usines se révèle assez important et répond bien aux attentes de nos clients. Nous avons travaillé avec des fermes pour obtenir des matières premières de qualité stable. Pour optimiser la gestion de la qualité et des coûts, nous avons établi des relations avec des fournisseurs satellites. Nous travaillons sur l'amont et l'aval avec une usine de riz d'une capacité de 11 tonnes capable de produire différents types de riz ou une usine de transformation de café.

Nous participons à différents forums et expositions internationales. Hapro entretient de très bonnes relations avec les administrations, ministères, chambres de commerce et d'industrie. Nous avons aussi noué des relations très étroites avec les sections du commerce des ambassades du Vietnam à l'étranger pour actualiser nos connaissances des marchés et leur permettre de faire la promotion de nos produits. Nous savons être flexibles et nous adapter à la nouvelle donne de l'environnement. Nous souhaitons rencontrer les importateurs et exportateurs clients qui pourraient devenir nos partenaires à l'avenir. Je vous remercie.

M. Arnaud FLEURY - Hapro constitue donc un groupe très diversifié dans le domaine de la grande distribution, qui pourrait très certainement intéresser les PME françaises.

TABLE RONDE 2 - LES PERSPECTIVES DANS LE SECTEUR DE L'INDUSTRIE ET DES INFRASTRUCTURES

Ont participé à cette table ronde :

M. NGUYEN Anh Tuan, Directeur de l'Administration de régularité électrique de la Direction de l'Energie du MOIT du Vietnam

Mme Françoise CHALIER, Directrice adjointe du Département Asie de l'AFD

M. TRAN Quang Ha, Directeur adjoint du département Industrie légère du MOIT du Vietnam

M. Stéphane SEGUIER, Directeur du développement d'Arep

M. NGUYEN Tai Anh, Directeur général adjoint d'Electricité du Vietnam

M. Arnaud FLEURY - Quelle est la stratégie du Vietnam en matière de sécurité énergétique. Qu'attendez-vous de la France en la matière ?

M. NGUYEN Anh Tuan - J'évoquerai l'énergie au Vietnam, les besoins, les perspectives et les opportunités pour les entreprises françaises dans les années à venir.

Je commencerai par aborder le plan de développement de l'énergie pour la période à venir. De 2005 à aujourd'hui, l'industrie de l'électricité a connu un développement très important au Vietnam. Notre capacité atteint actuellement 39,6 GW environ et nous sommes classés au 31 e rang dans le monde en matière de production d'électricité. Cette production provient de plusieurs sources, en particulier le charbon et l'énergie hydroélectrique. Le Vietnam affiche un potentiel très fort s'agissant de la production hydroélectrique, qui représente une part très importante de la production électrique. Par le passé, la France a aidé le Vietnam à exploiter le charbon pour sa production d'énergie. Ces deux ressources constituent les deux principales sources d'approvisionnement du pays.

Nous avons établi un plan global de nos besoins en énergie pour la période 2020-2025 et même jusqu'à 2030. Sur la base de la croissance constatée en 2015, de l'ordre de 7,5 % et de celle projetée en 2020, à hauteur de 8 %, notre besoin en matière d'électricité augmentera de 14,1 %. En 2030, il aura augmenté de 7,4 %. En 2010, la production s'élevait à 15 GW. Le besoin devrait doubler dans les prochaines années.

Compte tenu des changements dans le monde et du taux de croissance de 7 % du Vietnam, nous avons revu notre plan de développement pour la période 2015-2030 avec une croissance de la demande de 10,3 % en 2015 et de 7,5 % en 2030. Les capacités de production augmenteront quant à elles de 39 à 116 GW vers 2030 et répondront au besoin de la population. Le Vietnam devrait développer différentes sources d'énergie, en particulier le charbon, l'énergie hydroélectrique, le gaz, les énergies renouvelables. Vers 2020, nous disposerons d'autres sources énergétiques grâce au développement accru de petites stations de production hydroélectrique et de centrales à gaz. À l'horizon 2030, nous envisageons de développer aussi l'énergie nucléaire.

Ces perspectives offrent aux entreprises internationales l'opportunité de travailler au Vietnam et nos besoins d'investissements, compris entre 70 et 90 %, couvrent non seulement la production, mais aussi les réseaux de distribution de l'électricité. Les entreprises françaises ont ainsi la possibilité de travailler avec nous dans ce domaine. La France mène des projets au Vietnam depuis dix ans déjà et la Banque mondiale, l'un de nos financeurs, a apprécié les projets qu'elle a proposés.

Pour attirer davantage les investisseurs étrangers, nous avons entrepris des réformes avec sept objectifs. J'évoquerai les trois premiers. Nous avons tout d'abord réformé l'organisation pour renforcer la compétitivité de la production. Nous avons créé des structures permettant d'attirer les investisseurs privés. Enfin, nous avons arrêté des politiques pour promouvoir l'utilisation efficace de l'énergie.

Les investissements dans le domaine de la génération représentent une part importante, de 70 à 80 % des investissements. Nous avons engagé des réformes sur le système de prix pour offrir un retour sur investissement aussi rapide que possible. Les producteurs étrangers peuvent ainsi fixer le prix de l'électricité en tenant compte du prix des autres produits et des taxes. Pour les énergies renouvelables, nous avons appliqué un système de prix pour chaque type d'énergie renouvelable, comme la biomasse ou les petites stations hydroélectriques. Nous essayons d'améliorer l'environnement d'investissement. Au deuxième trimestre 2016 par exemple, le gouvernement publiera les prix de l'énergie solaire.

S'agissant de la formation du prix, la plupart des producteurs d'électricité doivent aujourd'hui vendre leur production à notre société. C'est donc l'État qui décide du prix. Nous avons lancé des réformes pour pouvoir modifier le prix, qui permettra aux producteurs étrangers d'investir et d'obtenir un retour sur investissement en tenant compte d'autres facteurs. Le prix au détail devrait être modifié chaque année pour assurer un environnement sain plus attractif pour les investisseurs.

À l'avenir, nous souhaitons développer davantage ce marché. De 2016 à 2021, nous lancerons des expériences pour mettre en oeuvre des mesures de compétition. Aujourd'hui, les investisseurs, qu'ils soient étrangers ou nationaux, ne peuvent vendre leur production qu'à VietNam Electricity (EVN). Or ce monopole est remis en question. Nous souhaitons donc réorganiser le marché de détail afin que les producteurs puissent vendre leur production à EVN, mais aussi à d'autres partenaires, comme des zones industrielles ou des centres métallurgiques. Il s'agit d'une opportunité pour promouvoir une concurrence saine et susciter la confiance des investisseurs.

M. Arnaud FLEURY - Madame Françoise Chalier, que représente le Vietnam dans le volume d'activité de l'Agence française de développement ?

Mme Françoise CHALIER - L'AFD est présente au Vietnam depuis 1994. Nous disposons d'une agence de vingt-cinq personnes à Hanoï et d'un bureau à Hô Chi Minh-Ville et nous avons soutenu quatre-vingt projets pour 1,6 milliard d'euros. Ces chiffres font du Vietnam l'un de nos trois premiers bénéficiaires. Le secteur des infrastructures de transport, d'énergie et du développement urbain représente 50 % de notre portefeuille de projets.

M. Arnaud FLEURY - Les prêts souverains devraient encore augmenter conformément aux engagements pris par le Président de la République d'accroître de 50 % les volumes, mais les prêts non souverains aux entreprises et aux collectivités se développent aussi et peuvent intéresser le Vietnam.

Mme Françoise CHALIER - Au Vietnam, nous déployons toute notre palette d'instruments financiers, notamment les prêts souverains bonifiés par l'État français. Nous sommes aussi le seul bailleur de fonds à pouvoir proposer des prêts non souverains à destination des entreprises publiques. Cet outil se révèle intéressant pour les autorités vietnamiennes qui essaient de contingenter leur endettement public. Il permet de financer des besoins de l'économie et, en principe, d'aller plus vite dans l'instruction et la mise en oeuvre des projets.

M. Arnaud FLEURY - Avez-vous des exemples d'entreprises vietnamiennes avec lesquelles vous avez travaillé ?

Mme Françoise CHALIER - Nous travaillons avec EVN depuis de nombreuses années. La société fut la première bénéficiaire au Vietnam en 2008 d'un prêt non souverain de 100 millions de dollars. Ce type de prêt devrait d'ailleurs se développer.

M. Arnaud FLEURY - Nous pourrions évoquer quelques projets emblématiques, notamment la ligne 3 du métro de Hanoï. Vous êtes très impliqués avec les entreprises françaises dans ce projet qui a pris un peu de retard. Souhaiteriez-vous nous parler d'autres projets ?

Mme Françoise CHALIER - Le projet connaît effectivement quelque retard, mais il reste emblématique. Nous sommes heureux de le cofinancer à hauteur de 180 millions d'euros. Ce projet permet à nos entreprises de se positionner. Nous avons également participé à la réhabilitation de la ligne de chemin de fer entre Yen Vien et Lao Cai pour 32 millions d'euros, en cofinancement avec la Réserve Pays Emergents (RPE) et la Banque asiatique de développement. Ce partenariat a permis de démultiplier les opportunités de marché pour les entreprises. Eurovia a ainsi pu remporter son premier marché au Vietnam grâce à ce financement, avec Egis pour l'appui à la maîtrise d'ouvrage. Enfin, je mentionnerai notre partenariat très fructueux avec EVN avec 220 millions d'euros d'octrois depuis l'origine. Nous avons d'abord consenti des prêts souverains, mais compte tenu de solidité financière de l'entreprise, nous travaillons directement avec elle aujourd'hui.

M. Arnaud FLEURY - Quelles sont les perspectives ? La France est encline à financer des projets en matière d'efficacité énergétique ou de gestion de l'eau, des domaines dans lesquels nous présentons une certaine force et qui pourraient intéresser les Vietnamiens.

Mme Françoise CHALIER - Nous avons retravaillé notre stratégie d'intervention pour la période 2016-2020 afin d'accompagner le Vietnam dans sa trajectoire de croissance respectueuse de l'environnement et tenant compte des enjeux climatiques. Je me trouvais au Vietnam la semaine dernière pour un séminaire très intéressant sur le « non-souverain » et des réunions avec les autorités sur notre coopération. Les autorités ont affirmé que le climat constituait leur préoccupation numéro un.

M. Arnaud FLEURY - Comment pouvez-vous mettre en valeur les entreprises intéressées ? Quelle aide pouvez-vous leur apporter en termes d'expertise ou de marché de travaux ? Quelle est la place des PME françaises ?

Mme Françoise CHALIER - L'AFD accompagne pleinement les projets d'enjeu économique. En 2015, nous avions 30 projets en exécution, et 87 % d'entre eux permettaient la valorisation d'un intérêt économique français. Nous avons défini trois objectifs opérationnels sur le climat : promouvoir un développement urbain durable respectueux de l'environnement, soutenir le secteur productif, notamment dans l'amélioration de ses performances environnementales et sociales, et enfin accompagner le Vietnam face aux enjeux du changement climatique. Ces trois orientations permettent clairement aux entreprises françaises de se positionner sur des secteurs porteurs comme la gestion de l'eau, l'énergie ou les transports. Le volume de l'activité va croître. Le Président de la République a annoncé en septembre dernier une croissance de 50 % des financements de l'AFD entre 2015 et 2020. Cette croissance profitera également au Vietnam. Dans ce pays, nous allons développer notre offre de prêts non souverains. Nous souhaiterions financer 150 à 200 millions d'euros par an. Pour terminer, je souhaiterais souligner que l'AFD intervient en financement délié, c'est-à-dire sur la base d'appels d'offres internationaux lancés par les maîtrises d'ouvrage. Nous travaillons très largement en cofinancement avec nos partenaires allemands, asiatiques ou multilatéraux (Banque mondiale, Banque asiatique de développement), ce qui permet de démultiplier les opportunités de marché.

M. Arnaud FLEURY - Pourriez-vous nous parler de votre stratégie ?

M. TRAN Quang Ha - Mesdames, Messieurs, c'est un grand honneur d'être présent parmi vous. Je soulignerai brièvement quelques opportunités dans le domaine du commerce et de l'industrie. Je suis en charge de l'industrie légère, la production de boissons et de tabac. Ces industries présentent des caractéristiques spécifiques. Ces domaines connaissent une croissance très importante et contribuent très largement à l'économie nationale. Ils figurent parmi les premiers domaines exportateurs et les premiers créateurs d'emplois. Ainsi, 4 millions d'emplois ont été créés dans le secteur de la chaussure au Vietnam.

Il s'agit surtout des entreprises de petite et moyenne taille, avec des équipements simples et peu modernes. La sous-traitance se révèle très importante dans ces domaines. Nous n'avons pas encore la possibilité d'être autonomes en termes de matières premières et de débouchés. La notoriété des marques vietnamiennes monte toutefois en puissance et nous exportons en Europe et au Japon. Nous nous développons aussi sur les marchés de l'ASEAN, dont la population de 620 millions d'habitants présente un potentiel important pour nous.

À l'avenir, l'industrie légère doit relever un grand défi. Elle doit en effet devenir plus autonome sur les matières premières, tirer les bénéfices des nouveaux accords de libre-échange et renouveler ses technologies de production. Je souhaite profiter de ce colloque pour rencontrer des partenaires français et vietnamiens dans les domaines des matières premières, de la technologie, la distribution et surtout la formation. La formation de notre main-d'oeuvre s'avère importante dans l'industrie légère. Nous pouvons produire les créations de la mode française et nous espérons trouver des partenaires qui aideront le développement de notre activité textile.

M. Arnaud FLEURY - Le bureau d'études AREP est une structure d'études pluridisciplinaire, filiale de la SNCF pour les gares, mais aussi les espaces publics, l'aménagement urbain. Quelle est l'action de l'AREP au Vietnam ?

M. Stéphane SEGUIER - Nous fêtons aujourd'hui nos dix ans d'intervention au Vietnam. AREP est une société d'études pluridisciplinaire de 800 personnes, engagée principalement dans le domaine de l'architecture et l'urbanisme. Nous réalisons 95 millions d'euros de chiffre d'affaires en France et à l'international. En Asie, nous sommes présents en Chine et nous comptons trente-cinq personnes au Vietnam depuis dix ans. La tour emblématique d'Hô Chi Minh City Financial Tower, la plus haute tour du Vietnam, constitue notre première réalisation en 2006. Inspirée d'une fleur avec ses pétales, cette réalisation nous a permis de nous implanter plus durablement dans ce pays.

La nature de notre activité nous offre un poste d'observation assez privilégié des grands projets du Vietnam. Notre chiffre d'affaires provient à parts égales de clients publics, pour lesquels nous produisons des études urbaines, et de clients privés. S'agissant de l'environnement d'affaires, la clientèle publique se révèle plus compliquée.

M. Arnaud FLEURY - Quels conseils donneriez-vous aux entreprises françaises appelées à travailler avec l'administration publique au Vietnam ?

M. Stéphane SEGUIER - Il faut se créer son réseau, faire preuve de patience, instaurer la confiance, au Vietnam peut-être encore plus qu'ailleurs. Après dix ans d'activité auprès des autorités vietnamiennes, nous pensons que cette confiance est aujourd'hui établie. Pour autant, de nombreuses études sont réalisées, mais tous les projets ne se concrétisent pas. En comparaison avec d'autres territoires asiatiques, en effet, le taux de transformation reste faible au Vietnam.

M. Arnaud FLEURY - Il faut donc créer une certaine forme de cohésion entre les différents projets d'aménagement du territoire.

M. Stéphane SEGUIER - Il convient de travailler dans un écosystème. Nous travaillons avec des agences d'urbanisme locales. Il faut également garder en tête les grands enjeux. Nous avons de vraies convictions sur le développement urbain au Vietnam et nous souhaitons que cette confiance qui s'est établie puisse servir le développement durable du pays. Le Vietnam souffre d'une grande vulnérabilité vis-à-vis du changement climatique, puisque 5 % de son territoire disparaîtrait si le niveau de la mer montait d'un mètre. Nous essayons d'accompagner le pays avec nos études urbaines et des indicateurs de développement durable. Nous cherchons aussi à équilibrer le développement des principales villes et des campagnes, qui présente aujourd'hui un écart significatif. Dans un contexte de concentration sur Hô Chi Minh-Ville et Hanoï, nous tentons de créer de vraies stratégies de développement pour des villes secondaires.

M. Arnaud FLEURY - Pour conclure, vous conseilleriez donc aux entreprises de « chasser » les appels d'offres internationaux en matière d'efficacité énergétique, urbanisme, etc.

M. Stéphane SEGUIER - Nous répondons aussi à de très nombreux appels d'offres nationaux. Le nouveau cadre légal sur les appels d'offres publics au Vietnam mis en place en 2015 reste encore perfectible, mais il marque un réel progrès. Nous nous positionnons sur les appels d'offres internationaux avec des financements de l'AFD, la Banque asiatique de développement ou la Banque mondiale. Nous sommes candidats à la ligne 3 du métro en tant qu'urbanistes des stations. Ces appels d'offres internationaux forment un environnement d'affaires plus stable et sécurisé en termes de financement. Le Vietnam constitue une base de développement commercial pour l'ensemble de la zone.

M. Arnaud FLEURY - Nous allons terminer avec Electricité du Vietnam. Nous avons déjà évoqué les besoins et les perspectives du marché. Quel message souhaiteriez-vous passer ?

M. NGUYEN Tai Anh - Je vous remercie pour votre invitation. VietNam Electricity (EVN) est un acteur public qui joue un rôle très important dans la production et la distribution de l'électricité. Nous travaillons dans trois domaines : la production, le stockage et la distribution avec des succursales dans différents pays autour de cinq sociétés.

Les investissements dans l'électricité revêtent une grande importance et nous sommes fiers d'afficher des indicateurs de performance de la distribution du service d'électricité qui répondent bien aux attentes des investisseurs étrangers. Nous avons en outre pour objectif de réduire les prix de l'électricité. Nous devons faire face à un besoin de fonds très significatif pour investir dans nos trois activités. Nous devons en effet relever la capacité de 5 000 MW par an. Nous essayons actuellement d'améliorer la performance et nous souhaitons développer les énergies renouvelables, comme l'a souligné notre Premier ministre lors de la COP21.

Une formation a été développée avec EDF pour améliorer la qualification de la main-d'oeuvre et nous explorons différentes opportunités dans ce domaine. En termes d'investissement, pour croître de 5 000 MW chaque année, nous avons besoin de nouveaux acteurs, investissant sous différentes formes. En 2017 et 2021, nous allons libéraliser la distribution d'électricité et le marché devrait être largement ouvert aux nouveaux arrivants. La production devrait aussi s'ouvrir. Pour assurer les approvisionnements, nous devrons importer d'autres matières premières, notamment le charbon. Nous travaillons déjà avec EDF sur ces besoins d'approvisionnement.

M. Arnaud FLEURY - Merci. Nous avions peu de temps, mais nous avons bien compris vos besoins, votre stratégie et les investissements nécessaires dans le domaine électrique pour être à la hauteur des besoins considérables du pays en la matière.

M. NGUYEN Tai Anh - Je tiens à adresser mes remerciements à l'AFD qui nous a beaucoup soutenus. Sans son intervention, nous n'aurions pas pu agir.

M. Arnaud FLEURY - Avant de nous séparer, nous allons laisser la parole à M. Philippe Perreau, directeur scientifique et innovation au Groupement des entreprises et des professionnels des hydrocarbures et des énergies connexes (GEP-AFTP). Quelles sont les perspectives au Vietnam dans ce domaine ?

M. Philippe PERREAU - Le GEP-AFTP regroupe 250 adhérents travaillant dans le secteur du pétrole et du gaz comme Total, Engie, Technip, etc. 80 % de nos adhérents sont des PME. Nous pouvons, à la demande des gouvernements ou de nos adhérents, réaliser des missions techniques de « B to B », en collaboration avec Business France. Nous l'avons fait récemment au Myanmar. Nous pourrions faire de même au Vietnam. Nous disposons d'un bureau à Singapour. Nous avons par ailleurs mis en place une base de données pour permettre aux PME françaises et étrangères de travailler ensemble et mettre au point des fusions. Dans le domaine de la formation, nous avons développé une école de formation des ingénieurs en matière de produits pétroliers. Quelques étudiants vietnamiens participent aux formations de l'école « IFP School » et nous préparons actuellement un Master sur la construction des plates-formes à Singapour qui pourrait également accueillir des étudiants vietnamiens.

M. Arnaud FLEURY - Le Vietnam a de fortes ambitions dans le domaine du gaz. Une offre française pourrait se positionner.

M. Philippe PERREAU - Tout à fait.

M. Arnaud FLEURY - Nous sommes arrivés au terme de cette matinée d'échanges. Merci à vous tous pour votre participation qui ouvre des perspectives très prometteuses.

ANNEXE


* ( 1 ) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Vietnam : Mme Catherine DEROCHE, Présidente ; M. Philippe ADNOT, M. Jacques BIGOT, M. Michel BILLOUT, Mme Marie-Christine BLANDIN, Mme Corinne BOUCHOUX, Mme Agnès CANAYER, M. Yvon COLLIN, M. Gérard CORNU, M. Jean DESESSARD, Mme Marie-Annick DUCHÊNE, Mme Nicole DURANTON, M. Vincent EBLÉ, M. Christian FAVIER, M. Thierry FOUCAUD, M. Christophe-André FRASSA, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, M. André GATTOLIN, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, Mme Sylvie GOY-CHAVENT, M. Alain HOUPERT, M. Robert HUE, Mme Christiane KAMMERMANN, Mme Françoise LABORDE, M. Robert LAUFOAULU, M. Pierre LAURENT, M. Jean-Claude LENOIR, Mme Valérie LÉTARD, M. Philippe MADRELLE, Mme Hermeline MALHERBE, M. Jacques MÉZARD, M. Alain MILON, M. Gérard MIQUEL, M. Jean-Jacques PANUNZI, Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT, M. Jean-Claude REQUIER, M. Bruno SIDO, Mme Catherine TASCA, M. Paul VERGÈS, M. Jean-Pierre VIAL, M. Dominique WATRIN

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N° GA 135 - Avril 2016

* 2 Association of Southeast Asian Nations

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