La réforme régionale en Italie - Un exemple de décentralisation

Compte rendu de la mission effectuée à Rome et à Palerme du 17 au 20 juin 2002 par une délégation du groupe interparlementaire France-Italie du Sénat

Table des matières




COMPOSITION DE LA DÉLÉGATION

• M. Philippe FRANÇOIS Sénateur de Seine-et-Marne

• Mme Janine ROZIER Sénateur du Loiret

• M. André VANTOMME Sénateur de l'Oise

• M. Yann GAILLARD Sénateur de l'Aube

• M. Bernard PIRAS Sénateur de la Drôme

PROGRAMME DE LA MISSION À ROME ET À PALERME

(17 juin 2002 - 20 juin 2002)

Lundi 17 juin 2002

17 h 30

Arrivée de la délégation à l'aéroport de Rome-Fiumicino

Accueil par M. Gilles Favret, deuxième Conseiller.

 

Soirée libre.

Mardi 18 juin 2002

9 h 00

Entretien avec M. Maurizio Baldassari, Vice-ministre au Ministère de l'Économie et des Finances.

10 h 00

Entretien au Sénat sur la réforme régionale :

- Mme la Sénatrice Maria Elisabetta Alberti Casellati, Présidente de la Commission parlementaire sur les questions régionales ;

- M. le Sénateur Francesco d'Onofrio, Président du groupe parlementaire UDC (majorité), rapporteur du projet de loi sur la dévolution ;

- M. le Sénateur Franco Bassanini, ancien ministre de la fonction publique ;

- M. le Sénateur Renato Schifani, Président du groupe parlementaire Forza Italia (majorité).

12 h 15

Déjeuner offert par la Sénatrice Alberti Casellati.

16 h 30

Entretien avec M. Alberto Gagliardi, Secrétaire d'État au Ministère des Affaires régionales.

17 h 30

Entretien avec M. Aldo Brancher, Secrétaire d'état au Ministère des Réformes institutionnelles et de la dévolution.

18 h 30

Entretien avec le Sénateur Alessandro Forlani, membre de la Commission des Affaires étrangères et du groupe interparlementaire France-Italie.

20 h 30

Palais Farnèse.

Dîner offert par M. Jacques Blot, Ambassadeur de France.

Mercredi 19 juin 2002

10 h 30

Arrivée de la délégation à l'aéroport de Palerme.

12 h 00

Rencontre avec la Préfecture avec SE. Dott. Renato Profili, Préfet de Palerme.

15 h 00

Rencontre à la Région Sicile avec On. Giuseppe Castiglione, Vice-Président.

16 h 00

Rencontre à l'Université de Palerme avec :

- M. le Professeur Santangelo, Pro-Recteur Vicario ;

- M. le Professeur Pitruzella, Conseiller à la Région pour les problèmes constitutionnels.

18 h 00

Rencontre à l'Assemblée Régionale sicilienne avec :

- M. Guido Lo Porto, Président ;

- M. Vincenzo Leanza, Président de la Commission pour les changements du statut.

21 h 00

Dîner offert par l'Assemblée régionale sicilienne.

Jeudi 20 juin 2002

15 h 30

Départ de la délégation de l'aéroport de Palerme.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

A l'heure où le Gouvernement français engage une nouvelle étape de la décentralisation au travers d'une réforme constitutionnelle, il a paru intéressant aux membres du groupe interparlementaire France-Italie d'étudier le processus de régionalisation de l'autre côté des Alpes.

En effet, l'organisation régionale italienne présente de nombreuses similitudes avec celle de notre pays. Si l'État italien a réalisé son unité plus tardivement que l'État français, il n'en a pas pris pour autant une forme fédérale. La transposition du modèle administratif français par la Maison de Savoie, puis le renforcement du pouvoir de Rome par le régime fasciste ont abouti à un système relativement centralisé. De toutes les grandes démocraties occidentales, l'Italie est sans doute la plus proche de la France en matière d'organisation territoriale.

La Constitution italienne de 1948 reconnaît deux catégories de régions : quinze régions à statut ordinaire (Piémont, Lombardie, Vénétie, Ligurie, Emilie-Romagne, Toscane, Marches, Ombrie, Latium, Abruzzes, Campanie, Molise, Calabre, Basilicate, Pouilles) et cinq régions à statut spécial disposant de pouvoirs législatifs et administratifs forts larges. Ces régions autonomes ont clairement été créées dans le but de prévenir tout séparatisme, deux d'entres elles étant des îles (la Sicile et la Sardaigne), les trois autres étant des régions frontalières abritant des populations non italophones (le Val d'Aoste, le Trentin-Haut-Adige et le Frioul-Vénétie julienne).

Bien que prévues dès la Constitution de 1948, les régions à statut ordinaire n'ont effectivement été mises en place qu'au début des années 1970, en même temps que les régions françaises. Elles constituent le pivot de l'organisation territoriale italienne.

Au cours de la dernière décennie, l'un des thèmes majeurs du débat politique italien a été la modification du système des collectivités locales dans un sens plus « fédéral ». Ce courant de pensée, qui transcende les majorités successives, se trouve personnalisé dans le gouvernement de M. Silvio Berlusconi par M. Umberto Bossi, Ministre chargé des réformes institutionnelles et de la dévolution. Les réformes intervenues de manière échelonnées dans le temps ont été tant législatives que constitutionnelles, la dernière en date ayant même été approuvée par référendum.

Afin de prendre la mesure de ce débat, une délégation du groupe interparlementaire France-Italie s'est rendue en Italie du 17 au 20 juin 2002. À Rome, la délégation a eu des entretiens avec les principaux protagonistes de la réforme régionale, au Sénat et dans les ministères compétents. À Palerme, elle a eu des entretiens avec les principaux représentants de la région Sicile, qui est considérée comme la plus autonome des cinq régions à statut spécial.

I. LES QUATRE PHASES DU PROCESSUS DE RÉFORME

1. En premier lieu, au début des années 1990, le législateur avait encore à appliquer les dispositions de la Constitution relatives aux collectivités locales infra-régionales. En effet, après la phase de mise en place des régions à statut ordinaire, réalisée avec déjà plus de vingt ans de retard dans les années 1970, il fallait encore mettre en oeuvre le chapitre relatif aux communes et aux provinces, régies jusqu'alors par la législation préconstitutionnelle des textes uniques de 1915 et 1934.

Le texte général sur l'organisation et les compétences des collectivités locales infra-régionales prévu par l'article 128 de la Constitution n'a été adopté qu'avec la loi n° 142 de 1990, c'est-à-dire près de quarante ans après l'entrée en vigueur de la Constitution de la République

Il s'agissait donc de combler cette lacune importante qui pénalisait fortement l'administration locale et la plaçait dans une position d'infériorité par rapport aux régions qui, à compter de leur création en 1970, se sont considérablement renforcées au fil des ans.

L'autonomie normative reconnue aux collectivités territoriales infra-régionales a été renforcée par l'octroi d'une autonomie statutaire et réglementaire ; une organisation différenciée est prévue, en particulier pour les zones métropolitaines, les petites communes et les zones de montagne ; les différentes formes d'association des collectivités locales sont rendues plus autonomes ; les contrôles externes sur l'activité des communes et provinces ont été allégés, en particulier le contrôle préventif de légalité sur leurs actes.

2. La seconde phase de la réforme a jeté les bases d'une transformation du rôle des administrations locales dans une optique plus politico-institutionnelle. La réforme du système électoral des communes et des provinces réalisée par la loi n° 81 de 1993 prévoit l'élection directe des maires et présidents de provinces, ainsi que le renforcement considérable de l'organe exécutif par rapport à l'organe représentatif.

Leur élection directe a eu pour effet de conférer une meilleure visibilité aux chefs des administrations locales, qui se sont retrouvés dotés d'un poids croissant au niveau national, surtout s'ils représentent de grandes villes, en raison de la force conférée par leur légitimité populaire. Le renforcement du poids politique et institutionnel des maires a progressivement creusé un écart avec les régions, cantonnées par le texte constitutionnel de 1948 au principe de l'élection indirecte du président de la région et de ses adjoints par le conseil régional. Par comparaison, les gouvernements régionaux se sont trouvés politiquement pénalisés par un manque de légitimité populaire.

C'est pourquoi en 1995, dans la perspective des élections régionales et étant donné l'impossibilité de modifier dans les délais utiles la Constitution pour permettre l'élection directe des présidents de région, la loi électorale a été modifiée afin d'accorder une priorité au candidat placé en tête de liste, même si cette priorité n'était pas contraignante pour le conseil régional. Cette législation, qui n'a pas été suffisante pour rééquilibrer la situation par rapport aux maires, n'a eu qu'un rôle transitoire dans l'attente de la réforme constitutionnelle intervenue ultérieurement.

3. Dans une troisième phase, la loi n° 59 de 1997 a transféré de nouvelles fonctions et tâches administratives aux régions et aux autres collectivités locales. Face à l'impossibilité de réaliser une réforme constitutionnelle dans une optique véritablement fédérale, le gouvernement Prodi issu des élections de 1996 a essayé de pousser le plus loin possible la décentralisation des pouvoirs de l'État en faveur des collectivités territoriales.

La voie choisie consista donc à réaliser, à travers des réformes législatives ordinaires, tout ce qui était possible dans le cadre constitutionnel en vigueur. La perspective d'une réforme visant à transformer la Constitution républicaine dans une optique fédérale n'était pas tout à fait abandonnée mais, en attendant, on a préféré miser sur une réforme globale du système administratif italien, fondé sur une nouvelle répartition des compétences administratives de l'État, des régions et des collectivités locales, selon un modèle inspiré du fédéralisme administratif allemand.

4. Le processus de réforme constitutionnelle a été relancé et confié à une Commission bicamérale présidée par d'Alema. Bien qu'il n'ait pas abouti dans toute l'ampleur souhaitée, ce processus a néanmoins débouché sur les lois constitutionnelles relatives à la forme de gouvernement et l'autonomie statutaire des régions et à la réécriture du titre V de la Constitution relatif aux régions et aux collectivités locales.

L'enchaînement des étapes de ce processus a abouti à une inversion du rapport naturel entre réforme constitutionnelle et réforme législative. En effet, compte tenu du caractère novateur de la loi n° 59 de 1997, la réforme du titre V de la Constitution approuvée par référendum le 18 octobre 2001 se présente plus comme le renforcement et la confirmation de choix déjà faits par le législateur ordinaire que comme une innovation constitutionnelle.

II. LE FÉDÉRALISME ADMINISTRATIF PRÉVU PAR LA LOI DE 1997

L'un des principaux éléments de transformation du système des pouvoirs territoriaux en Italie est le nouveau régime de partage des compétences administratives entre État et collectivités autonomes découlant de la loi n° 59 de 1997.

La Constitution de 1948 définit les domaines dans lesquels les régions ont un pouvoir législatif concurrent (article 117) et, sur la base du principe de parallélisme, prévoit des compétences correspondantes en matière administrative (article 118). En outre, elle prévoit, en ce qui concerne la compétence administrative, que les fonctions des communes et provinces sont déterminées par une loi générale de l'État (article 128) ou leur sont attribuées directement par l'État lorsqu'il s'agit de matières relevant des régions mais caractérisées par leur caractère purement local. Le principe est donc celui d'une compétence administrative des régions dans les domaines où elles ont une compétence législative, mais restreinte par l'attribution directe par l'État de certaines fonctions aux collectivités locales infra-régionales.

L'application des dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir administratif des régions est intervenue dans les années 1970, avec deux procédures de transfert de fonctions réalisées en 1972 et 1977. Le premier transfert consistait principalement dans l'attribution de fonctions administratives de l'État aux régions qui venaient de naître. Le second transfert a élargi l'interprétation des domaines de compétences régionaux et attribué directement certaines fonctions aux communes.

En revanche, la procédure de délégation des fonctions des régions aux autres collectivités locales a été plutôt restreinte, ce qui a eu pour conséquence non négligeable le maintien d'une concentration des compétences administratives au niveau des régions. Quant à la compétence administrative des communes et provinces en ce qui concerne les matières ne relevant pas des régions, elle est restée en grande partie indéterminée jusqu'à l'intervention de la loi générale de 1990.

La loi n° 59 de 1997 opère un mode de partage de la compétence administrative très innovant, qui présente de nombreuses analogies avec les systèmes de partage propres aux ordres juridiques fédéraux. En effet, cette loi attribue aux collectivités locales une compétence résiduelle par rapport aux domaines réservés à la compétence administrative exclusive de l'État.

En d'autres termes, la loi de 1997 renverse la perspective de la répartition des compétences administratives entre les différents acteurs, en ne réservant à l'État qu'un nombre limité de domaines (parmi lesquels beaucoup de ceux typiques des États fédéraux : affaires étrangères et commerce extérieur, défense, rapports avec les confessions religieuses, monnaie, système financier, douanes, ordre public, administration de la justice, poste et télécommunications, enseignement universitaire, etc.), tous les autres domaines étant attribués aux régions, provinces et communes. La nouveauté la plus importante est certainement le renversement de la répartition de l'ensemble des attributions administratives des collectivités territoriales, qui se voient reconnaître une compétence résiduelle incluant de nouveaux domaines comme l'industrie, l'énergie, la protection civile et l'enseignement secondaire.

De la détermination des domaines de compétence régionale prévue par l'article 117 de la Constitution, on est passé à la détermination des domaines de compétence administrative exclusive de l'État, en abandonnant le principe du parallélisme entre pouvoir législatif et pouvoir administratif des régions. On a alors parlé d'un système visant la réalisation du fédéralisme administratif, qui a d'ailleurs éveillé quelques doutes quant à sa constitutionnalité. Mais la Cour constitutionnelle, saisie sur le recours de certaines régions, a validé le mode de répartition des fonctions administratives déterminé par la loi n° 59 de 1997, considérant que le législateur a utilisé correctement les instruments prévus par la Constitution, qui prévoit la possibilité d'étendre les compétences régionales au-delà de la liste des domaines de l'article 117 au travers de la délégation par l'État d'autres fonctions administratives.

Le renversement du système de partage des compétences n'a pu être réalisé au travers d'une loi ordinaire que pour le domaine administratif, mais pas pour le domaine législatif, car la liste des compétences régionales définies à l'article 117 ne peut être modifiée que par une révision constitutionnelle.

La loi n° 59 de 1997 a confié aux régions une grande part de la procédure de répartition des fonctions. Dans une première étape, le gouvernement a déterminé par des décrets d'exécution les fonctions à répartir directement entre régions, provinces et communes, lorsqu'elles concernent des domaines non prévus par l'article 117 de la Constitution, et les fonctions à attribuer globalement aux régions et autres collectivités locales lorsqu'il s'agit de domaines énumérés à l'article 117. Dans une deuxième étape, il en est résulté pour les régions l'obligation de procéder elles-mêmes, dans un délai de six mois, à la répartition des compétences entre les autres collectivités territoriales.

Ainsi les régions deviennent, à tout le moins dans les domaines strictement régionaux, des acteurs de la répartition des fonctions. C'est une innovation parce que l'ordre juridique constitutionnel italien se caractérisait par le fait que jusqu'alors l'État se réservait le pouvoir de déterminer les fonctions des collectivités locales. La reconnaissance d'un tel rôle aux régions leur donne la possibilité d'organiser la répartition des compétences administratives d'une manière propre à chacune.

Par ailleurs, la réforme du titre V de la Constitution est venue confirmer la nouvelle répartition des attributions en rappelant que les communes sont les titulaires naturels de toutes les fonctions administratives, sauf lorsque celles-ci sont attribuées sur la base du principe de subsidiarité aux autres niveaux de l'administration territoriale.

III. LA RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION D'ÉTAT

La réforme intervenue à la fin des années 1990 se caractérise également par une importante réorganisation, sur la base d'une délégation spécifique de la loi n° 59 de 1997, des ministères et de la présidence du Conseil des ministres. Ce processus est lié à l'attribution des fonctions administratives de l'État aux collectivités territoriales. Il s'agit d'un autre élément nouveau, car les premiers transferts de fonctions administratives aux régions, dans les années 1970, n'avaient pas touché de manière significative l'administration de l'État.

La réforme de l'administration d'État se caractérise pour l'essentiel par une importante diminution du nombre des ministères, conséquence à la fois des transferts de fonctions aux collectivités territoriales et du regroupement de certaines structures administratives intervenant dans des domaines connexes. En ce qui concerne la présidence du Conseil, l'objectif prioritaire était de la recentrer sur ses tâches spécifiques confiée par la Constitution, à savoir la direction de la politique générale du Gouvernement et le maintien de l'unité d'action politique et administrative par la coordination de l'activité des ministres. Par conséquent, les organismes de gestion opérationnels qui avaient été rattachés au fil du temps à la présidence du Conseil ont été renvoyés vers les ministères compétents.

En ce qui concerne l'administration périphérique de l'État, la réforme prévoit la transformation des préfectures en bureaux territoriaux du gouvernement. Outre le renforcement du rôle du responsable du bureau d'État en matière de coordination intersectorielle, une réorganisation de l'administration périphérique est intervenue dans certains secteurs particulièrement concernés par le transfert de compétences administratives aux collectivités territoriales, impliquant le transfert des structures concernés (par exemple en matière de travaux publics, d'accès à l'emploi et d'éducation).

IV. LE SYSTÈME DES CONFÉRENCES ÉTAT-COLLECTIVITÉS LOCALES

La nouvelle organisation des rapports entre centre et périphérie s'est traduit aussi par le renforcement des organes institutionnels de coordination État-collectivités locales. En l'absence d'une seconde chambre parlementaire des régions et des autonomies locales, un système de coordination entre État et régions d'abord et entre État et les autres collectivités territoriales s'est mis en place et a évolué.

Suite à la création des régions, un nombre assez élevé d'organismes sectoriels se sont constitués, auxquels a succédé une conférence État-régions formalisée législativement en 1988 dans le cadre de la nouvelle organisation de la présidence du Conseil des ministres. Le poids politique et institutionnel croissant des autres collectivités territoriales a ensuite favorisé l'instauration en 1996 d'un organe de liaison État-autonomies locales. Le modèle italien se caractérise donc par un double système de relations État-régions d'une part, État-collectivités territoriales d'autre part, avec l'institution de deux organes différents de coordination entre les exécutifs des divers niveaux territoriaux.

La réforme du système administratif engagée par la loi n° 59 de 1997 a entraîné une réforme de ces organes. Le décret législatif 281 de 1997 a consolidé les conférences, en renforçant leur rôle au travers de la mise en place de nouvelles procédures visant à favoriser les ententes et les accords entre l'État et les collectivités locales. Par ailleurs, ce même décret introduit un organe unique, la conférence unifiée, qui est la fusion de la conférence État-régions et de la conférence État-autonomies locales, appelés à donner un avis dans les domaines d'intérêt commun des régions, provinces et communes.

Étant donné l'imbrication de plus en plus grande des compétences des différents niveaux de gouvernement territorial et le large éventail des fonctions qui lui sont attribuées, la conférence unifiée a acquis ces dernières années un poids croissant en tant qu'organe de concertation entre les collectivités territoriales et le gouvernement. Le système des conférences contribue, même à cadre constitutionnel inchangé, à transformer la forme du gouvernement national. Le consensus au sein des conférences à propos des actes du gouvernement, y compris des projets de loi, finit par emporter la décision, même au sein du Parlement où il devient de plus en plus difficile de ne pas tenir compte des positions exprimées par les pouvoirs territoriaux.

V. LES RÉFORMES DE L'ORGANISATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES

La loi n° 142 de 1990 a engagé une réforme de l'organisation juridique des collectivités locales, qui a fait depuis l'objet de plusieurs modifications.

Avec la loi n°127 de 1997, les contrôles préalables de la légalité des actes des communes, provinces et régions ont été presque totalement éliminés, tandis que le secrétaire communal, qui était jusqu'alors fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, n'appartient plus à l'administration d'État. Il se trouve engagé dans un rapport de confiance avec l'exécutif local, auprès de qui il est appelé à exercer une activité de consultation juridique et administrative et non plus de contrôle.

La loi n° 256 de 1999 vise à renforcer les collectivités locales en affirmant le principe de subsidiarité et en élargissant leur autonomie normative, statutaire, administrative et fiscale. Ce texte comporte également de nouvelles dispositions relatives aux associations de communes et aux zones métropolitaines. L'idée que l'union de communes doit nécessairement précéder la fusion des collectivités locales concernées est abandonnée.

VI. LA RÉFORME CONSTITUTIONNELLE DU GOUVERNEMENT RÉGIONAL

Une première réforme a été réalisée par la loi constitutionnelle n° 1 du 22 novembre 1999, qui donne une réponse immédiate à l'exigence de renforcer le poids politique et institutionnel des régions en prévoyant l'élection directe du président de l'exécutif régional (la giunta), comme pour les provinces et les communes, et accorde à chaque région la possibilité de déterminer sa forme de gouvernement au travers de son nouveau statut.

Deux considérations contradictoires ont motivé cette réforme constitutionnelle. D'une part, la volonté d'introduire en vue des élections régionales du printemps 2000 un système d'élection du président de l'exécutif régional qui lui donne une légitimité populaire ; d'autre part, le désir de laisser à chaque région la possibilité de choisir la forme de gouvernement qui lui convient le mieux, et en premier lieu en ce qui concerne le mode de désignation de l'exécutif régional. La loi constitutionnelle n° 1 de 1999 constitue un compromis entre ces deux objectifs.

Elle attribue aux régions une large autonomie dans la définition de leur forme de gouvernement et la détermination des principes fondamentaux relatifs à leur organisation et leur fonctionnement. Les statuts régionaux ne sont plus soumis à l'approbation du Parlement et au contrôle préventif du gouvernement, qui peut uniquement introduire un recours devant la Cour constitutionnelle. En outre, la loi constitutionnelle prévoit que le système électoral et le système d'inéligibilité et d'incompatibilité du président, des autres membres de l'exécutif et des conseillers régionaux sont réglés par une loi régionale, même si celle-ci doit respecter les principes fondamentaux établis par une loi nationale.

La large autonomie normative attribuée aux régions par la loi constitutionnelle s'est accompagnée d'une période transitoire durant laquelle s'est appliquée, jusqu'à l'approbation des nouveaux statuts régionaux, l'élection directe du président de région. Cette solution de compromis a permis que tous les présidents de régions soient élus au suffrage direct lors des élections de 2000, jetant ainsi une base essentielle pour la transformation globale de la forme de gouvernement régional.

Une autre nouveauté est le pouvoir donné au président de région de nommer et de destituer les membres de l'exécutif régional, qui se trouvent ainsi engagés dans un rapport de confiance avec lui. Mais, à la différence d'un système véritablement présidentiel, la loi constitutionnelle n° 1 de 1999 lie le destin de l'exécutif à celui du Conseil régional. En effet, le Conseil régional peut à la majorité absolue retirer sa confiance à l'exécutif, mais entraîne alors sa propre dissolution et de nouvelles élections. De même, la démission ou l'empêchement du président ont pour conséquence le renouvellement du Conseil régional.

La nature transitoire des nouvelles normes constitutionnelles nécessite d'attendre les nouveaux statuts des régions encore en phase d'élaboration afin de savoir si les choix définitifs de chacune d'elles confirmeront ou infirmeront le principe d'élection directe du président de région, avec la possibilité d'avoir des formes de gouvernement différents d'une région à l'autre.

VII. LA RÉFORME DU TITRE V DE LA CONSTITUTION

Après l'échec de la Commission bicamérale pour les réformes constitutionnelle instituée dans le but de réformer toute la partie II de la Constitution, les gouvernements d'Alema et Amato ont relancé un processus de réforme constitutionnelle portant sur le titre V de la Constitution. Les travaux se sont basés sur des projets de loi gouvernementaux et plusieurs propositions d'initiative parlementaire.

Une fois la réforme constitutionnelle votée, la requête de l'organisation d'un référendum confirmatif sur la base de l'article 138 de la Constitution a été faite tant par les députés de l'opposition, qui contestaient sa pertinence, que par les députés de la majorité, qui ont souhaité sa légitimation par le peuple.

Le nouvel article 114 affirme que la République est constituée des communes, des provinces, des villes métropolitaines, des régions et de l'État. Par ailleurs, le modèle italien de fédéralisme est confirmé avec le maintien, d'un côté, d'un rapport distinct entre l'État et les régions et, de l'autre côté, entre l'État et les autres collectivités locales. A la législation nationale ont été réservé le régime électoral, les organes et les fonctions fondamentales des communes, provinces et villes métropolitaines, ce qui exclut par conséquent la possibilité pour les régions d'organiser ces collectivités territoriales, à la différence de ce qui existe dans certains régimes fédéraux. Le nouveau texte constitutionnel confirme également la distinction entre régions ordinaires et régions à statut spécial.

Plusieurs nouveautés assez importantes dans le nouveau titre V de la Constitution méritent d'être signalées.

Le système de répartition des compétences législatives entre l'État et les régions est sensiblement modifié. Le nouvel article 117 fixe une liste des compétences exclusives du législateur national, une liste des compétences partagées entre l'État et les régions, et octroie aux régions toute matière qui ne figure pas sur les deux listes précédentes. Cette logique est typique des États fédéraux.

La liste des compétences de l'État, considérée par certains comme trop restreinte, reprend celles qui sont traditionnellement réservées au pouvoir fédéral : politique étrangère, rapports avec l'Union européenne, immigration, cultes, défense et armée, monnaie, finances et détermination des niveaux essentiels des prestations sociales. La fixation des compétences de l'État a entraîné une confrontation non seulement entre les partis politiques, mais également avec certaines régions, dont les gouvernements appartiennent à l'opposition par rapport au pouvoir central. Celles-ci ont demandé un transfert de pouvoirs plus important, notamment dans les domaines de la santé, de l'ordre public et de l'éducation. Ces demandes s'appuyaient parfois sur des procédures de consultation populaire, comme en Lombardie.

Pour ce qui concerne la compétence administrative, la réforme constitutionnelle confirme pour l'essentiel ce qui a déjà été réalisé par la loi ordinaire. Après avoir constitutionnalisé les principes de subsidiarité, de différenciation et d'adéquation, le nouvel article 118 affirme que les fonctions administratives sont attribuées aux communes, sauf si, pour en assurer l'exercice uniforme, elles doivent être attribuées à d'autres niveaux administratifs. La compétence générale des communes comme niveau de base de l'administration se trouve ainsi confirmée par la Constitution.

En matière de finances locales également, les innovations constitutionnelles se présentent comme la confirmation d'un processus déjà entamé par la législation ordinaire. Pendant longtemps, les ressources des collectivités territoriales provenaient en grande partie de transferts de l'État, dont l'emploi était largement prédéterminé. Un tel système de financement ne répondait guère aux exigences d'autonomie de la Constitution de 1948, dont l'article 119 prévoit pour les régions des ressources propres, et correspondait à une vision uniforme des collectivités territoriales et à une conception égalitaire des prestations publiques.

Un renforcement de l'autonomie financière des collectivités territoriales est intervenu au cours des années 1990. En ce qui concerne plus particulièrement les finances des régions, le décret législatif n° 446 de 1997 est venu élargir leurs capacités financière en raison des nouvelles fonctions administratives qui leur ont été attribuées par la loi n° 59 de 1997, avec l'instauration d'un impôt régional sur le revenu des personnes physiques et d'un impôt régional sur le secteur privé.

Le décret législatif n° 56 de 2000 portant dispositions en matière de fédéralisme fiscal constitue une innovation considérable dans le système des finances régionales. Ce décret prévoit en particulier la substitution de la plupart des transferts de l'État par une participation des régions à la répartition du produit de la TVA ; l'institution d'un fonds national de péréquation alimenté par la TVA ; l'attribution aux régions de transferts de l'État calculés sur la base de leur population et de leurs capacités contributives par habitant. Mis en oeuvre de manière graduelle, le nouveau régime sera opérationnel en 2013.

La réforme constitutionnelle s'inscrit dans la continuité de ce processus. Le nouvel article 119 affirme l'autonomie financière non seulement des régions, comme c'était déjà le cas auparavant, mais aussi des communes, des provinces, et des villes métropolitaines. Parallèlement au renforcement de l'autonomie financière des collectivités territoriales, un fonds de péréquation est institué, dont le produit est libre d'affectation et qui est réglé par une loi de l'État dans le but d'assurer un financement supplémentaire aux territoires ayant une plus faible capacité fiscale par habitant.

VIII. LES PROJETS DU GOUVERNEMENT BERLUSCONI

S'inscrivant dans la continuité de ses prédécesseurs, le Gouvernement Berlusconi a présenté un projet de loi constitutionnel dit « de dévolution », qui tend à transférer de nouvelles compétences législatives aux régions dans trois nouveaux domaines, où elles interviendraient à titre principal : l'enseignement, la santé publique et la sécurité publique.

Ce texte constitutionnel a déjà reçu l'avis favorable des régions réunies au sein de la Conférence unifiée, mais doit encore être discuté au Parlement.

Par ailleurs, le Gouvernement a présenté un projet de loi relatif aux modalités de désignation de la Cour constitutionnelle. Ce texte prévoit que les quinze membres de la Cour comporteraient désormais cinq membres désignés par une assemblée composée de conseillers issus de tous les conseils régionaux (en conséquence, le Président de la République ne désignerait plus que deux membres au lieu de cinq et le Conseil de la magistrature trois membres au lieu de cinq, seul le Parlement continuant de désigner cinq membres comme auparavant).

Enfin, il est de nouveau question de créer une « Chambre régionale et des autonomies locales », qui se substituerait au Sénat pour venir assurer un lien parlementaire entre l'État et les collectivités territoriales.

CONCLUSION

L'un des traits caractéristiques du système régional italien est son adaptation à la diversité des situations, sans souci excessif d'uniformité. Ainsi, la variété de la taille des régions, qui va des 200.000 habitants du Val d'Aoste aux 6 millions d'habitants de la Lombardie, épouse au plus près les réalités géographiques et historiques de l'Italie. De même, la diversité des statuts régionaux en cours d'élaboration est une éventualité admise, puisque chaque région est libre de voter le sien différemment de celui de ses voisines.

Les Italiens se sont également efforcé d'apporter une réponse aux particularismes les plus marqués, en créant cinq régions à statut spécial avant même que soient effectivement mises en place les régions ordinaires. Il y avait une urgence particulière à agir en Sicile, qui se trouvait en 1946 en situation pré-insurrectionnelle. Certains de nos interlocuteurs nous ont d'ailleurs poliment laisser entendre qu'ils ne comprenaient pas pourquoi la France n'avait pas depuis longtemps réglé le problème de la Corse en lui accordant un statut de large autonomie. Mais, aujourd'hui, face à l'évolution des régions ordinaires vers plus d'autonomie, les régions à statut spécial ont le sentiment de perdre progressivement ce qui faisait leur spécificité.

L'Italie demeure un État unitaire mais, pour reprendre l'expression de l'un de nos interlocuteurs, elle semble « sur le chemin vers le fédéralisme ». De fait, tous les partis politiques italiens adoptent désormais des positions fédéralistes, à l'exception de Refondation communiste. L'un des signes que l'organisation régionale italienne obéit à une inspiration de nature fédérale est le fait que les régions sont dotées d'un pouvoir législatif. Les compétences exclusives de l'État font l'objet d'une liste nominative, tandis que les régions, au-delà d'une liste de compétences partagées pour lesquelles l'État fixe les principes généraux, détiennent de manière résiduelle la compétence législative générale. En complément logique de ce partage des compétences, les régions ont la possibilité de contester devant la Cour constitutionnelle les lois de l'État qui empièteraient sur leurs propres compétences. De même, les régions ont la charge de transposer les directives communautaires intervenant dans leurs domaines de compétence.

Le régionalisme italien se caractérise aussi par une certaine personnalisation du pouvoir. Une réforme récente a prévue l'élection du Président de région au suffrage universel direct. Et les autres membres de la Junte, le gouvernement régional, procèdent du Président. Auparavant, les exécutifs régionaux étaient faibles et ne duraient que neuf mois en moyenne.

Sans être dans un système fédéral, la participation des régions au processus de décision étatique est assurée. En effet, elles sont représentées au sein de la Conférence unitaire, dont les avis font autorité. Il existe par ailleurs au sein du Parlement une commission bicamérale pour les affaires régionales, composée de 20 députés et 20 sénateurs, avec la possibilité d'une participation des représentants des régions et des autres collectivités locales. Par ailleurs, le Gouvernement de M. Silvio Berlusconi défend un projet de représentation des régions au sein de la Cour constitutionnelle, ainsi qu'un projet de réforme du Sénat, qui dispose aujourd'hui de prérogatives identiques à celles de la Chambre des députés. Dans une logique très fédéraliste, celui-ci serait transformé en Chambre des régions, basée sur trois circonscriptions : Nord, Centre et Sud.

Enfin, comme en France, ce sont les finances qui constituent le nerf de la guerre de la réforme régionale. Les régions italiennes se sont vu transférer le produit d'impôts d'État perçus sur leur territoire, et accorder la possibilité de créer des impôts nouveaux. Malgré tout, leurs recettes ne semblent pas croître au rythme de leurs charges. Dans ce domaine, le point de vue des régions les plus riches n'est pas celui des régions les plus pauvres. L'écart Nord Sud ne s'est pas résorbé en Italie, et plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné la nécessité de concilier le fédéralisme et le principe de solidarité.

ANNEXE I

L'ORGANISATION ET LE FONCTIONNEMENT DES RÉGIONS ITALIENNES

I - L'ORGANISATION DE LA RÉGION

L'organisation administrative des régions est définie par les articles 120, 121, 122 et 123 de la Constitution. Chaque région à statut ordinaire peut se doter de statuts qui lui sont propres. Cependant, elles sont toutes organisées autour de trois organes : le Président de la Junte, la Junte et le Conseil régional.

A) LE PRÉSIDENT DE LA JUNTE

C'est la personnalité la plus importante de la région, dont il est le représentant. Il est notamment chargé de la direction de la politique mise en oeuvre par la Junte. Il est élu au suffrage universel direct, sauf si les statuts particuliers en décident autrement. Il procède à la nomination, ou à la révocation, des membres de la Junte.

Le Président de la Junte promulgue les lois régionales et les règlements. Il a la charge des fonctions administratives qui sont déléguées par l'État aux régions et doit se conformer en la matière aux directives du Gouvernement.

B) LA JUNTE RÉGIONALE

C'est l'organe exécutif des régions.

Autrefois élus par le Conseil régional, les membres de la Junte sont désormais nommés, ou révoqués, par leur Président.

La Junte dispose de compétences administratives générales. Elle prépare et exécute le budget régional et met en oeuvre les décisions émanant des délibérations du Conseil régional.

Elle peut aussi proposer des textes de loi ou des règlements à vocation purement régionale. La Junte ne dispose cependant pas du pouvoir réglementaire, qui relève exclusivement du Conseil régional (sauf dans certaines régions à statut spécial, comme la Sicile, le Frioul-Vénétie-Julienne ou le Trentin-Haut-Adige).

C) LE CONSEIL RÉGIONAL

Il est composé d'un nombre de membres variant entre 30 et 80 conseillers, parmi lesquels est élu leur Président.

Selon la Constitution, le Conseil régional exerce le pouvoir législatif dont sont investies les régions et assume les fonctions administratives qui lui sont attribuées par la loi. Le Conseil régional a également la faculté d'adresser des propositions de loi à la Chambre des députés.

Il dispose d'un important pouvoir de censure politique envers le Président de la Junte, qui s'exerce par le dépôt d'une motion de défiance à laquelle doivent souscrire au moins un cinquième de ses membres. Cette motion doit être approuvée par la majorité absolue des membres du Conseil trois jours après son dépôt. Si la défiance est votée, elle entraîne la démission de la Junte et la dissolution du Conseil régional.

Le Conseil régional peut approuver ou modifier le texte statutaire. Le visa du Commissaire du Gouvernement n'est pas requis. Cependant, le Gouvernement peut soulever l'inconstitutionnalité des statuts devant la Cour constitutionnelle dans les trente jours suivant sa publication. Ce recours n'a pas d'effet suspensif.

Ces statuts peuvent être soumis à l'approbation d'un référendum populaire. Il suffit pour cela qu'un cinquième des électeurs de la région ou des membres du Conseil régional en fassent la demande. Celle-ci doit être formulée dans les trois mois suivant la publication des statuts. Le texte soumis à référendum doit obtenir la majorité des voix exprimées pour être promulgué.

II - LES COMPÉTENCES DE LA RÉGION

Le nouvel article 117 de la Constitution précise que le pouvoir législatif est exercé par l'État et les régions dans le respect de la Constitution et des dispositions relatives à l'application du droit communautaire ou international. Il énonce également que le pouvoir réglementaire de l'État est limité aux domaines pour lesquels il détient l'exclusivité législative. Les régions jouissent quant à elles du pouvoir réglementaire pour l'ensemble des autres secteurs. Il est précisé que la loi de l'État s'applique lorsque aucune loi régionale n'est en vigueur.

L'article 117 recense par ailleurs l'ensemble des compétences exclusive de l'État (la politique étrangère, la défense nationale, le système fiscal et monétaire, l'épargne, la sécurité nationale, l'immigration, les normes générales sur l'instruction, la sécurité sociale, les lois électorales, etc.) et celles relevant plus particulièrement des régions.

Ces compétences régionales s'exercent essentiellement dans les domaines des transports, des travaux publics, de l'organisation hospitalière, de la culture, du tourisme, de l'urbanisme et de la police locale. Les régions ont également pour mission d'organiser au niveau territorial les fonctions administratives.

D'autres compétences, dites concurrentes, sont partagées entre l'État et la région : l'enseignement, la sécurité du travail, la tutelle de la santé, les relations internationales, le commerce extérieur, etc... Dans ce cas, le pouvoir législatif est exercé par la région dans le respect des principes fondamentaux édictés par l'État.

Les régions peuvent procéder à l'application des accords internationaux et des actes de l'Union européenne qui empiètent sur leurs domaines de compétence. Elle peuvent également conclure des accords avec des pays ou des collectivités territoriales étrangères.

III - LE FONCTIONNEMENT DE LA RÉGION

A) LES PERSONNELS

Les personnels des régions ont le statut d'agents contractuels. Ils sont recrutés par concours et rémunérés sur le budget de leur collectivité d'emploi. Le recrutement s'effectue en fonction d'un état précisant pour chaque type d'emploi le nombre de postes mis à la disposition de l'administration.

Par ailleurs, les pactes de stabilité imposent aux collectivités territoriales de respecter les directives budgétaires définies dans les lois de finances. Des interdictions de recruter peuvent en résulter.

B) RESSOURCES FINANCIÈRES

L'autonomie financière accordée aux régions se concrétise par la libre administration de leurs dépenses et de leurs recettes.

Les finances de la régions sont essentiellement alimentées par des subventions versées par l'État dans le cadre de fonds de péréquation. Des impôts spéciaux à caractère local complètent ce dispositif.

Les régions perçoivent en outre des financements de la communauté européenne destinés à la réalisation de projets de cohésion à caractère économique et social.

IV - LE CONTRÔLE DE LA RÉGION PAR L'ÉTAT

A) LE CONTRÔLE DES LOIS RÉGIONALES

Après leur approbation par le Conseil régional, le texte de loi est adressés au Commissaire du Gouvernement. Celui-ci dispose de trente jours pour apposer au texte son visa qui lui confèrera valeur légale.

Le contrôle porte, d'une part, sur la légalité du texte quant aux compétences mises en oeuvre par la région, d'autre part, sur l'adéquation du texte avec la politique économique et social de l'État. En cas de désaccord, le Gouvernement peut demander à la région de réexaminer son texte. Si le désaccord persiste, le contentieux peut être tranché soit par le Parlement, si le texte est jugé inopportun, doit par la Cour constitutionnelle, si le texte est présumé illégal.

Le contrôle des lois adoptées par les régions à statut spécial se déroule selon la même procédure, sauf dans le cas de la Sicile où il n'existe qu'un contrôle de légalité, et pas d'opportunité.

B) LE CONTRÔLE DES ACTES ADMINISTRATIFS DE LA RÉGION

Les actes administratifs de la région étaient contrôlés par une commission ad hoc instituée au sein de chaque région. Cette commission, dont les membres était nommés par un décret du Président du Conseil des ministres, était présidée par le Commissaire du Gouvernement ou son représentant. Elle était composée d'un magistrat de la Cour des Comptes, de trois fonctionnaires d'état, dont deux issus du ministère de l'Intérieur, et de deux experts administratifs choisis par le Conseil régional.

Cette commission exerçait un contrôle de légalité et un contrôle d'opportunité. Mais le contrôle sur le fond revêtait un caractère d'exception, et ne concernait que les dispositions expressément encadrées par la loi. La commission ne pouvait pas intervenir directement sur l'acte administratif, mais seulement demander à la région de réexaminer son texte.

La récente réforme constitutionnelle a abrogé l'article 125 de la Constitution, relatif à cette commission de contrôle administratif. Seul subsiste en conséquence le contrôle de gestion.

C) LE CONTRÔLE DU CONSEIL RÉGIONAL

Le Gouvernement peut proposer la dissolution du Conseil régional dans des hypothèses telles que l'adoption d'actes illégitimes violant la loi ou la Constitution, l'impossibilité de faire fonctionner la région par absence d'une majorité.

La dissolution est prononcée par décret motivé du Chef de l'État, qui doit être précédé d'une délibération du Conseil des ministres et d'un rapport émanant d'une commission parlementaire bicamérale. L'avis de cette commission parlementaire est consultatif.

La dissolution du Conseil régional n'entraîne pas le transfert des pouvoirs régionaux à l'État. Une commission extraordinaire est mise en place, qui a pour mission d'organiser de nouvelles élections dans les trois mois.

ANNEXE II

LE STATUT SPÉCIAL DE LA SICILE

Allocution de M. Vincenzo Leanza, président de la Commission de l'Assemblée régionale sicilienne pour les changements du Statut.

L'autonomie spéciale de la région Sicile est née au lendemain de la seconde guerre mondiale dans un climat où l'ancienne tradition parlementaire et constitutionnelle de l'île ainsi que sa vocation naturelle à l'indépendance, par ailleurs stimulée par des facteurs géographiques, historiques, culturels et politiques, ont trouvé un terrain fertile pour une insertion particulière de la Sicile dans le giron de l'État unitaire.

A ce propos, je soulignerais que la Charte constitutionnelle de la région, le Statut spécial, n'a pas été imposée d'en haut par l'Assemblée nationale constituante mais, bien qu'il s'agisse formellement d'un acte étatique, est issue d'un projet rédigé par l'organe consultatif régional formé par 24 membres choisis parmi les représentants des organisations politiques, économiques et syndicales siciliennes de l'époque.

Les caractéristiques particulières du Statut n'ont pas d'équivalent dans les autres formes de collectivités locales prévues et garanties par la Constitution. Les régions ordinaires relèvent d'un modèle pyramidal, caractéristique de la suprématie étatique. Les cinq régions à statut spécial (outre la Sicile, il s'agit du Frioul, de la Sardaigne, du Val d'Aoste et du Trentin) se sont vu attribuées des « formes et des conditions particulières d'autonomie ». Telle est la formule de l'article 116 de la Constitution, toujours en vigueur.

Parmi ces cinq régions à statut spécial, l'autonomie sicilienne est la plus avancée, avec des caractéristiques particulières qui concernent, d'abord, les organes institutionnels mêmes de la région (Assemblée et Président) et deviennent évidentes dans la définition de la fonction législative exclusive, des garanties juridictionnelle et de l'autonomie financière.

J'illustrerai brièvement les caractéristiques actuelles de l'autonomie spéciale de la région Sicile et les éléments du Statut. Mais, en ma qualité de Président de la Commission spéciale instituée au mois d'octobre dernier par une loi régionale avec pour tâche de réformer le Statut lui-même, il me faut souligner la grande importance de la mission qui a été confiée à cette Commission, qui devra intervenir dans toute une série de matières d'importance vitale pour l'institution régionale. D'abord la forme de gouvernement, le mode d'élection de l'Assemblée régionale sicilienne, les règles du référendum, de l'initiative législative, mais aussi le système des fonds régionaux, les relations avec les collectivités locales et avec l'Union européenne. Le travail de mise à jour et de réécriture du Statut régional devra porter sur les points névralgiques de la configuration même de l'entité régionale, à un moment où le fédéralisme et la décentralisation des pouvoirs sont à l'ordre du jour dans toute l'Italie. La Sicile est appelée à confirmer les motifs de sa spécificité et à en renforcer les contenus.

Mais , pour avoir une idée de la répartition des compétences opérée par le Statut en vigueur, je crois qu'il faut commencer par les organes de la région : Assemblée, députés, Président de la région et Gouvernement régional, et par les fonctions qui leur ont été attribuées en 1946.

L'organisation de la région a été conçue et est encore inspirée d'une forme de gouvernement de type parlementaire, même si elle a d'une certaine manière été tempérée par les récentes modifications statutaires introduites par la loi constitutionnelle n°2 de 2001, qui prévoit l'élection directe du Président de la région, introduisant ce que les spécialistes appellent une forme de gouvernement néoparlementaire.

L'Assemblée régionale sicilienne a des fonctions essentiellement législatives et politiques. Lui ont aussi été attribuées d'importantes fonctions consultatives concernant les actes de gouvernement (tels que les avis sur les nominations et sur les programmes), ainsi que des fonctions de contrôle sur l'action de la junte.

Quant à son organisation interne, l'Assemblée dispose de la pleine autonomie réglementaire, de son propre organe de gestion et d'administration, le Conseil de la présidence, de l'autonomie administrative et financière. Très important est le rôle des Commissions, qui ont le pouvoir de rapporter les propositions de loi à approuver en séance plénière. Une fonction délicate et de premier plan revient au Président de l'Assemblée, et ces dernières années à la Conférence des présidents des groupes parlementaires, qui établissent le calendrier et le programme des travaux, en faisant des choix qui déterminent les priorités à aborder.

En ce qui concerne les députés, ceux-ci ne peuvent pas être poursuivis pour les votes émis et les opinions exprimés dans l'exercice de leur mandat, ils sont titulaires du pouvoir de contrôle (à travers les questions et les interpellations) et d'adresse politique (à travers les motions), outre naturellement leur pouvoir d'initiative des lois (partagé avec le Gouvernement, le peuple et les Conseils communaux et provinciaux, selon les dispositions du nouvel article 12 du Statut).

A ce propos, rappelons que la possibilité du référendum populaire a récemment été aussi introduite, qui faisait auparavant défaut dans le Statut.

Je m'arrêterai brièvement au Gouvernement, à qui revient la compétence administrative et réglementaire. L'occasion se prête à souligner, en marge de notre propos, que les règlements devront être un instrument de simplification dans le nouveau systèmes des sources de droit que nous imaginons pour le Statut à réécrire. La Junte régionale est composée du Président, qui en est le chef, et des assesseurs préposés chacun à une branche particulière de l'administration.

Il faut préciser que la nature du Gouvernement, qui dispose du pouvoir d'initiative législative, a changé à la suite des modifications introduites par la loi constitutionnelle n°2 de 2001. Celle-ci a modifié les modalités de formation du Gouvernement, qui n'est plus élu par l'Assemblée en son sein, mais est l'émanation du Président de la région qui nomme et peut révoquer à tout moment ses propres assesseurs. Ceux-ci, depuis 2001, peuvent être choisis en dehors de l'Assemblée (dans l'exécutif actuel, ils sont ainsi quatre à venir de l'extérieur). Ceci est la conséquence du nouvel ordre institutionnel qui accentue, pour des raisons de stabilité et de fonctionnalité, le rôle de l'exécutif.

Il n'est pas nécessaire de souligner que le Président tire sa force de l'investiture populaire que lui donne l'élection directe. Il en découle pourtant, conformément au principe de l'équilibre des pouvoirs, la possibilité de sa destitution à la suite d'une motion de défiance approuvée par une majorité qualifiée de l'Assemblée. Dans ce cas, on procède aux nouvelles élections concomitantes du Président de la région et de l'Assemblée régionale sicilienne.

Une autre particularité de la fonction de Président est le droit d'intervenir avec voix délibérative sur les matières qui intéressent la région lors des réunions du Conseil des ministres. De surcroît, aux termes de l'article 31 du Statut, le Président assure le maintien de l'ordre public. Cette disposition n'a pas encore été suivie de mesures d'application.

Le Statut est mis en application par des normes approuvées par une commission paritaire constituée de représentants de l'État et de représentants de la région.

Tout à fait importante est la fonction législative exclusive conférée à l'Assemblée par l'article 14 du Statut dans certaines matières dans lesquelles elle peut légiférer sur son territoire sans autres limites que celles des lois constitutionnelles de l'État.

Parmi les matières de compétences législative exclusive, il me faut évoquer l'agriculture et les forêts, l'industrie, l'urbanisme, les travaux publics, le tourisme, la surveillance hôtelière, la tutelle des paysages et la conservation des antiquités et des oeuvres artistiques.

La matière du régime des collectivités locales, que le Statut attribue au pouvoir législatif exclusif, mérite une place à part. En effet, la Sicile l'a exercée avec ampleur et a souvent dans ce domaine précédé des choix importants faits ultérieurement au niveau national. Je fais allusion à la loi régionale n°9 de 1986 qui a institué les Libres coopératives régionales et surtout à la loi régionale n°7 de 1992 qui a introduit en Sicile, avant le reste du pays (avec la loi n°81 de 1993) l'élection des maires au suffrage universel direct.

Pour compléter cette vue panoramique des compétences législatives de la région, il me faut encore citer la compétence dite concurrente qui, tout en respectant les limites générales de la compétence exclusive, se déploie dans les matières énumérées par l'article 17 du Statut et dans les principes généraux définis par la législation de l'État.

Il s'agit du type de compétence que la Constitution prévoyait jusqu'à la fin de l'année dernière pour les régions ordinaires. Le nouveau texte de l'article 117 de la Constitution, tel que réformé par la loi constitutionnelle n°3 de 2001, renverse le modèle précédent en s'inspirant d'un critère de type fédéraliste. En effet, dans le nouvel article 117 les matières de compétences exclusivement étatiques sont énumérées, tout comme celles de compétence régionale concurrente, et surtout une compétence législative régionale résiduelle est introduite dans toutes les matières non expressément réservées à l'État.

La portée novatrice pour toutes les régions de cette nouvelles organisation ne saurait échapper : la région Sicile devra donc en tenir compte dans le travail de révision du Statut que la Commission que j'ai l'honneur de présider devra accomplir. Il faut par ailleurs souligner que pour les cinq régions spéciales, l'article 116 de la Constitution maintient dans sa nouvelle formulation le formes et conditions particulières d'autonomie déjà prévues en 1948.

Les finances de la région méritent un développement à part puisque, à la différence de celles des régions ordinaires, elles ont hérité du Statut un régime de séparation.

L'article 36 du Statut établit que les besoins financiers de la région sont couverts, outre par les revenus patrimoniaux de la région, par des impôts décidés par celle-ci. Les impôts sur la production et sur les tabacs sont réservés à l'État, tandis que reviennent à la région tous les impôts du Trésor perçus en Sicile.

Le Statut prévoit ensuite, à l'article 38, une contribution que l'État doit verser chaque année à des fins de péréquation au titre de la solidarité nationale. Ce n'est pas ici le lieu pour exposer le contentieux relatif à ce fonds, qui a été toujours plus réduit et vidé de contenu. Il suffit de souligner que la conception qui inspire le Statut est celle d'un fédéralisme solidaire - à laquelle devront se rattacher les réformes institutionnelles en cours de discussion dans le pays - qui trouve ses fondements historiques et culturels dans la question méridionale et dans l'écart existant entre le Nord et le Sud de l'Italie.

Un dernier mot sur les garanties juridictionnelles. Le Statut, en effet, avait prévu un organe juridictionnel, la Haute Cour, chargé de se prononcer sur la constitutionnalité des lois émanant de l'Assemblée régionale et sur les lois et règlement émanant de l'État au regard du Statut sicilien.

La Haute Cour a été déclarée absorbée par la Cour constitutionnelle par un arrêt de 1957. Toutefois, j'ai voulu la citer parce qu'il s'agissait d'une particularité autonomiste qui en dit long sur le rôle que la Sicile avait à cette époque au sein du pays.

Un rôle de guide justifié, comme je l'ai déjà dit, par des raisons historiques, culturelles et politiques que la Sicile revendique encore, en dépit de processus de nivellement subi par rapport aux autres régions italiennes.



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