Compte rendu du déplacement d'une délégation du groupe interparlementaire France-Afrique centrale au Gabon, en Guinée équatoriale et à Sao Tomé-et-Principe

30 octobre - 6 novembre 2003

II. DEUXIÈME ÉTAPE DU DÉPLACEMENT : LA GUINÉE ÉQUATORIALE

Ancienne colonie espagnole et seul État africain majoritairement hispanophone, la Guinée équatoriale -un des pays de cette sous-région longtemps demeuré fermé- a été fortement marquée par la dictature sanglante du Président Francisco Macias Mguema, au pouvoir jusqu'en août 1979.

Depuis le putsch du 3 août 1979 qui a porté son neveu au pouvoir -l'actuel Président Teodoro Obiang Nguema- le régime équatoguinéen s'est quelque peu ouvert et adouci, notamment avec la reconnaissance de plusieurs partis d'opposition à partir de 1992.

Cela étant, des progrès restent à réaliser sur le chemin de la démocratie.

A. LA GUINÉE ÉQUATORIALE, SUR LA VOIE D'UNE CERTAINE OUVERTURE

D'un point géographique, la Guinée équatoriale forme un territoire composite, avec une partie continentale située sur la façade maritime du Golfe de Guinée, entre le Cameroun au nord et le Gabon à l'est et au sud (la capitale régionale de cette partie du pays est la ville de Bata) et une partie insulaire relativement excentrée au Nord (l'île de Bioko), où est située la capitale de l'État, le ville de Malabo (la visite de la délégation s'est entièrement déroulée à Malabo).

La population totale du pays est évaluée à environ 470 000 habitants, pour une superficie totale légèrement supérieure à 28 000 km².

Sur le plan politique , la relative ouverture amorcée par le Président Obiang Mguema s'est traduite par l'adoption d'une nouvelle Constitution en 1991 et la reconnaissance -au moins théorique- du multipartisme en 1992 (l'ex parti unique, le Parti démocratique de Guinée équatoriale -PDGE- ayant néanmoins conservé un quasi monopole des sièges).

Dans le domaine international , la préoccupation la plus manifeste du Président Obiang est de parvenir à un meilleur degré d'intégration de son pays à son environnement francophone, de manière à sortir du relatif isolement lié à l'héritage colonial espagnol.

Cet effort s'est traduit par l'adhésion de la Guinée équatoriale à la CEEAC en 1983, à la zone Franc en 1989 et, plus récemment, à l'OHADA en 1999. Lors de l'audience qu'il a accordée à la délégation du groupe interparlementaire, le Président Obiang -qui s'exprime d'ailleurs dans un excellent français- a redit tout l'intérêt qu'il attache à la francophonie comme facteur d'intégration régionale, rappelant à cet égard que la langue française était désormais, avec l'espagnol, une des deux langues officielles équatoguinéennes.

Pour le reste, la stratégie internationale de la Guinée équatoriale est surtout dictée par ses intérêts économiques en pleine mutation, notamment un effort de rapprochement croissant avec les États-Unis, où le Président Obiang effectue d'ailleurs de longs séjours. Selon les informations recueillies par la délégation, les Américains seraient d'ailleurs sur le point de rouvrir leur ancienne ambassade, décision probablement commandée par la position que leurs compagnies pétrolières ont récemment prise dans l'exploitation des hydrocarbures du pays.

Les relations politiques entre la Guinée équatoriale et la France se développent essentiellement dans le double cadre de la zone Franc et de la Francophonie, soutenues en outre par des contacts assez réguliers entre le Président Obiang et le Président de la République (notamment des entretiens en 1997, 1998, 2001, 2002 et, tout récemment, en décembre 2003, après le retour de la délégation sénatoriale de sa tournée africaine) 9 ( * ) .

Entretien à l'issue de l'audience du Président Obiang à Malabo, le 3 novembre 2003

On reconnaît, de gauche à droite : M. Jean-Pierre Breton, ambassadeur de France en Guinée équatoriale, M. Jean-Pierre Cantegrit et le Président Obiang Nguema

Sur le plan économique, la France se situe comme deuxième partenaire de la Guinée équatoriale (après les États-Unis) mais avec 143 millions d'euros en 2002, nos échanges demeurent limités en volumes et n'ont représenté que 3,5 % du total des échanges équatoguinéens.

Devant la délégation sénatoriale, le Président Obiang a regretté que les entreprises françaises ne se soient pas mieux positionnées en Guinée équatoriale, faute, notamment, d'avoir su déceler du pétrole dans les lots attribués en permis de recherche à Total et à Elf. Il a souhaité, en compensation, que nos entreprises, à défaut du secteur pétrolier, se hissent en bonne place dans d'autres secteurs appelés à se développer, comme la pêche, l'agriculture ou l'élevage.

La délégation a pris bonne note de ce voeu présidentiel, auquel elle souscrit pleinement ; pourtant, au delà des déclarations d'intention encourageantes, force est de constater que les résultats réels ne sont pas encore au rendez-vous.

En outre, les observateurs s'accordent à reconnaître que l'appareil d'État équatoguinéen est très structuré, hiérarchisé et complexe, ce qui peut contrarier l'implantation d'entreprises étrangères.

B. L'ÉVEIL D'UN « DRAGON CENTRAFRICAIN » ?

Ce panorama en définitive peu engageant pourrait néanmoins évoluer rapidement sous l'influence du pétrole : en effet, au plan économique, la situation de la Guinée équatoriale s'est modifiée radicalement en quelques années, avec la découverte et la mise rapide en exploitation d'importants gisements pétroliers .

Ce pays, encore très arriéré économiquement jusqu'au milieu de la précédente décennie, voit en fait sa production de pétrole croître fortement et régulièrement depuis cinq ans (5 millions de tonnes en 1999, 10 millions de tonnes en 2002, aux alentours de 15 millions de tonnes prévus pour 2003), au point d'avoir déjà dépassé le Gabon.

Cette montée en puissance du dispositif pétrolier équatoguinéen a eu pour conséquence immédiate d'injecter dans l'économie du pays des ressources massives profitant au développement d'autres secteurs économiques (BTP : + 60 % en 2000 ; Télécoms : + 37 %, etc...).

S'il est difficile de prévoir les changement que cette manne pétrolière pourrait amorcer sur le plan intérieur, une certitude semble d'ores et déjà acquise : l'apparition d'un nouveau « dragon » dans cette partie de l'Afrique centrale pourrait bien, à terme, bouleverser certains des équilibres de la région, au moment même où la production pétrolière du grand voisin gabonais est en diminution.

C. LE CONTENTIEUX TERRITORIAL RELATIF À L'ILOT DE MBANIÉ

Le contentieux territorial réapparu en 2003 entre le Gabon et la Guinée équatoriale à propos de l'îlot de Mbanié est, de toute évidence, à replacer dans ce contexte 10 ( * ) .

En pratique, Mbanié est un minuscule îlot (d'environ 30 hectares) situé dans la Baie de Corisco face au Gabon, à une trentaine de kilomètres de la Pointe Mdombo. Épisodiquement revendiqué par la Guinée équatoriale, Mbanié aurait été attribué au Gabon par une convention conclue entre les deux pays en septembre 1974 et dont, aujourd'hui, les autorités équatoguinéennes semblent contester la validité, accusant Libreville d'occuper sans titre un territoire leur appartenant.

D'après les éléments d'information recueillis par la délégation, il apparaît que les données à la fois juridiques et géographiques de ce contentieux territorial sont certes très complexes, mais que le fond du problème réside, avant tout, dans la présence possible d'importants gisements pétroliers à proximité de Mbanié.

Lors de son audience, le Président Omar Bongo a indiqué à la délégation qu'il était disposé à adopter une attitude conciliante, suggérant à son homologue équatoguinéen une exploitation commune des ressources de la région contestée.

La position du Président Obiang, en comparaison, a paru plus nuancée, car s'il se déclare prêt, lui aussi, à envisager, à titre transitoire, une solution négociée, il n'exclut pas de faire reconnaître, le moment venu, la légitimité de sa revendication par une instance juridictionnelle internationale.

A ce jour, le conflit a été soumis au Secrétaire général des Nations Unies, qui a désigné comme représentant spécial un éminent avocat canadien, Maître Yvon Fortier, pour tenter une médiation entre les deux Etats 11 ( * ) .

SAO TOMÉ-ET-PRINCIPE : QUELQUES REPÈRES

Capitale

Sao Tomé

Superficie

1 001 km² (deux îles : Sao Tomé, 859 km² ; Principe, 142 km²)

Population

150 000 habitants

Langue officielle

Portugais

Religions

Chrétienne (catholique à 80 %, protestant).

Peuples

Nationaux (Forros, Angolares, Tongas), Capverdiens

Indicateur du développement humain (PNUD)

119 ème rang sur 173 pays

Devise

La Dobra

PNB

47 millions $

Répartition du PNB

Agriculture (20,6 %) ; industrie (17 %) ; services (62,5 %) - (2001)

PNB / ha

310 $

Taux de croissance

4 %

Inflation

9,6 %

Balance commerciale

- 22 millions $

Exportations

17 millions $

Importations

39 millions $

Principaux clients

Belgique, Hollande (cacao)

Principaux fournisseurs

Portugal

Exportations Françaises

2 millions €

Importations Françaises

0,766 million €

Dette extérieure totale

303 millions $

Chef de l'État

M. Fradique de Menezes (élu pour 5 ans en juillet 2001).

Premier ministre

Mme Maria das Neves (3 octobre 2002)

Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération

M. Mateus Rita (6 octobre 2002)

Prochaines échéances électorales

Locales, date non fixée (reportées depuis 1997)

Ambassadeur de France

M. Jean-Marc Simon (juillet 2003), résidant à Libreville ; représenté sur place par Mme Danièle Robin, Conseillère de Coopération et d'Action culturelle

Chargé d'affaire santoméen en France

M. Antonio Albertino Afonso Dias, en résidence à Bruxelles

Communauté française

Environ 60 personnes

Source : Ministère des Affaires étrangères - octobre 2003

* 9 En sens inverse, il apparaît que les relations entre la Guinée équatoriale et l'Union européenne ne sont pas excellentes : l'aide européenne a d'ailleurs été suspendue entre 1993 et 1998 en raison de la situation des droits de l'homme et la Commission européenne a annoncé en 2001 qu'elle envisageait de fermer sa représentation à Malabo.

* 10 L'îlot de Mbanié, revendiqué de longue date par la Guinée équatoriale, avait déjà été à l'origine d'une réelle tension entre ces deux pays en 1972, après que le président gabonais s'y fût rendu pour y planter le drapeau national. A l'époque, l'incident avait nécessité une médiation internationale conduite par le président de l'ex-Zaïre, le maréchal Mobutu. Au plan juridique, le Gabon et la Guinée équatoriale revendiquent chacun la possession territoriale de trois petites îles -dont Mbanié- dont, selon les éléments recueillis auprès de différents interlocuteurs, l'attribution ne serait pas claire dans convention signée en 1900 entre la France et l'Espagne, anciennes puissances coloniales intéressées. Une déclaration, en février 2003, du Premier ministre équatoguinéen, M. Candido Muateteme Rivas, selon laquelle l'occupation de l'île Mbanié par le Gabon serait illégale, a été qualifiée par son homologue gabonais, M. Jean François Ntoutoume Emane, de « regrettable et inopportune », rappelant que le Gabon « marque sa volonté de préserver la politique de dialogue et de bon voisinage (...) ». De son côté, Candido Muateteme Rivas a déclaré que son gouvernement exprimait « sa profonde préoccupation et son indignation face à l'occupation illégale de l'îlot de Mbanié par le Gabon », exhortant le Gabon à se retirer de l'îlot «dont la propriété territoriale n'avait pas été clairement tranchée par les anciens colonisateurs de ces deux pays, l'Espagne et la France» .

* 11 Le Président Jacques Chirac, qui a reçu à l'Elisée son homologue équatoguinéen le jeudi 11 décembre 2003, a formé « le souhait et l'espoir que la Guinée Equatoriale et le Gabon trouvent une solution dans la sérénité, par la voie ouverte de la médiation du secrétaire général de l'ONU ».

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