Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 83 - 23 juillet 2009

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Groupe interparlementaire d'amitié

France - Inde

LE BENGALE À LA CROISÉE
DES CHEMINS

Compte rendu

du déplacement effectué par une délégation du groupe

en Inde

du 14 au 21 septembre 2008

La délégation était composée de :

M. Pierre Fauchon (Loir-et-Cher), président du groupe

M. François Fortassin (Hautes-Pyrénées)

M. Bernard Frimat (Nord)

M. Christian Gaudin (Maine-et-Loire)

M. Charles Gautier (Loire-Atlantique)

Mme Catherine Troendle (Haut-Rhin)

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N° GA 83 - Juillet 2009

« L'Occident se glorifie, semble-t-il, de penser qu'il dompte la nature...L'Inde insista de toute son énergie sur l'harmonie qui existe entre l'individuel et l'universel. »

Rabindranath Tagore

AVANT-PROPOS

Une délégation du groupe interparlementaire France-Inde s'est rendue dans ce pays du 14 au 21 septembre 2008. Conduite par le Président du groupe, M. Pierre FAUCHON (UC - Loir-et-Cher), elle était composée de MM. François FORTASSIN (RDSE - Hautes-Pyrénées), Bernard FRIMAT (Soc - Nord), Christian GAUDIN (UC - Maine-et-Loire), Charles GAUTIER (Soc - Loire-Atlantique), et Mme Catherine TROENDLE (UMP - Haut-Rhin).

*

Le groupe d'amitié n'avait plus organisé de déplacement en Inde depuis 2004, dans la mesure où plusieurs des commissions permanentes du Sénat, marquant l'intérêt de notre assemblée pour ce pays, ont choisi de se rendre en Inde au cours des dernières années pour y étudier différents aspects de son fonctionnement économique, social et culturel :

- en septembre 2006, une délégation de la commission des Affaires économiques s'est rendue en Inde pour étudier la place de ce pays dans la mondialisation et a publié ses conclusions dans un rapport intitulé : « Inde : un géant en apprentissage » ;

- en mars 2007, une délégation de la commission des Affaires sociales s'est rendue en Inde pour y étudier les conditions de travail et d'emploi. Ses observations ont été publiées dans un rapport intitulé : « Inde : quelles règles sociales dans une économie émergente ? » ;

- enfin, en avril 2008, une délégation de la commission des Affaires culturelles s'est rendue en Inde pour y étudier le système d'enseignement et de recherche ainsi que l'organisation de la production cinématographique. Ses conclusions ont été publiées dans un rapport intitulé : « L'Inde aux deux visages : de Bollywood à la cyber-université ».

Ces différents travaux témoignent de l'attention soutenue et diversifiée du Sénat pour les questions indiennes.

*

A l'occasion du déplacement organisé en septembre 2008, le groupe d'amitié a notamment chois de s'intéresser au fonctionnement du Parlement indien et aux spécificités du microcrédit en Inde.

Le déplacement de la délégation a été marqué par des entretiens particulièrement intéressants avec les parlementaires indiens, qu'il s'agisse des membres des commissions des Affaires étrangères et des Affaires intérieures ou de ceux du groupe d'amitié Inde-France, récemment constitué au sein du Parlement indien. De même, la rencontre avec le Président de la Cour suprême, au fonctionnement de laquelle le groupe d'amitié avait consacré une partie de son rapport précédent 1 ( * ) , a confirmé le rôle essentiel de cette institution dans la régulation des relations sociales en Inde.

Alors qu'elle s'était déjà rendue à Calcutta en 2004, la délégation a choisi, après son passage naturel par la capitale de l'Inde, de retourner dans cette ville parfois négligée par les délégations officielles malgré les potentialités économiques du Bengale Occidental et une véritable proximité culturelle entre la France et la ville du poète Rabindranath Tagore, souvent évoqué au cours des entretiens de la délégation. Le groupe d'amitié n'a pas regretté ce choix, puisque sa visite a coïncidé avec le retour attendu de la France à Calcutta, marqué par la réouverture d'un consulat général, ainsi qu'avec une crise politique au Bengale Occidental liée au refus de paysans d'abandonner leurs terres pour la construction d'une usine automobile à quelques dizaines de kilomètres de Calcutta. La délégation a pu recueillir les différents points de vue de l'ensemble des autorités locales sur cette affaire qui illustre les tensions que peut provoquer le développement économique dans un pays très attaché à ses traditions.

Le groupe d'amitié a pu constater, à travers la qualité de l'accueil qui lui a été réservé par tous ses interlocuteurs et la chaleur des entretiens qu'elle a eus, que la France dispose aujourd'hui d'un très fort capital de sympathie en Inde et que la période est propice à un renforcement de la coopération politique, économique et culturelle entre les deux pays.

*

La délégation tient à remercier chaleureusement tous ceux qui ont contribué au bon déroulement de sa mission et tout particulièrement S Exc. M. Jérôme BONNAFONT, Ambassadeur de France en Inde, Mlle Sonia BARBRY, deuxième conseillère et M. Jean-Louis RYSTO, Consul général à Calcutta.

L'INDE CONTEMPORAINE : QUELQUES POINTS DE REPÈRE

I. POPULATION

Le nombre d'Indiens a atteint un milliard en 2002. Au 1 er janvier 2008, la population de l'Inde était estimée à 1 148 millions d'habitants. Après avoir quadruplé en un siècle, elle continue d'augmenter à un rythme de 1, 57 % par an. L'Inde, dont la population représente plus de 20 % de la population mondiale, devrait compter 1,5 à 1,9 milliard d'habitants en 2050 et serait alors plus peuplée que la Chine.

II. SITUATION POLITIQUE

Les élections générales de mai 2004 ont porté au pouvoir une coalition menée par le parti du Congrès, l'Alliance progressiste unie (United Progressive Alliance) alors que le Parti du Peuple indien (Bharatiya Janata Party) et ses alliés de l'Alliance démocratique nationale (National democratic Alliance) étaient donnés favoris.

Après la signature, en juillet 2007, d'un accord de coopération nucléaire civile avec les Etats-Unis, les partis communistes ont retiré leur soutien à la coalition au pouvoir. Cependant, le gouvernement dirigé par Manmohan Singh a remporté le 22 juillet 2008 un vote de soutien sur la question de la coopération nucléaire civile avec les Etats-Unis.

D'une manière générale, la vie politique indienne a été marquée au cours des dernières années par le développement d'un nombre croissant de formations politiques, qui correspondent souvent à l'émergence politique de minorités sociales ou religieuses et qui, dans bien des cas, ne sont pas représentées sur l'ensemble du territoire national, mais dans certains Etats fédérés seulement.

Cette situation rendait particulièrement incertains les résultats des élections générales qui se sont déroulées en mai 2009, quelques mois après la mission du groupe d'amitié. Cependant, alors que de nombreux observateurs prévoyaient une très forte dispersion des suffrages au profit d'un grand nombre de formations, le Parti du Congrès a remporté 206 sièges sur un total de 543 au sein de la Chambre du peuple (Lokh Sabha) et réalisé son meilleur score depuis 1991. En particulier, le Parti du Congrès a vu son nombre de sièges doubler en Uttar Pradesh, Etat le plus peuplé de l'Inde.

Dans ces conditions, le Premier ministre Manmohan Singh a été reconduit dans ses fonctions.

III. SITUATION ÉCONOMIQUE

L'économie indienne jouit d'une croissance annuelle forte et atteint des niveaux record de croissance : 6 % en moyenne sur les dix dernières années, 9 % en 2005-2006, 9,4 % en 2006-2007, 9,1 % en 2007-2008. Ce niveau de croissance repose notamment sur les performances durables des services et de l'industrie, qui représentent une part toujours croissante de l'économie au détriment de l'agriculture.

Structure de l'économie indienne par secteurs

Emploi

PIB

Croissance moyenne annuelle
(2000-2007)

Agriculture

52 %

18 %

3,2 %

Industrie

19 %

29 %

8,4 %

Services

28 %

53 %

9,4 %

Source : Mission économique de New Delhi

La consommation des ménages a crû de plus de 10 % par an au cours des cinq dernières années, compte tenu notamment de l'accroissement démographique (l'Inde compte 17 millions d'habitants supplémentaires chaque année). L'investissement et l'épargne connaissent également une forte progression.

Le déficit commercial s'est fortement accru au cours de la période récente, passant de 2,6 % du PIB en 2004-2005 à 8,4 % du PIB en 2007-2008. L'Inde est en particulier très dépendante de l'extérieur en matière énergétique, ce qui explique son souhait de développer prochainement un programme nucléaire civil.

IV. POLITIQUE EXTÉRIEURE

a) L'affirmation d'une puissance politique

Depuis le milieu des années 1990, l'Inde a pour priorité d'affirmer une puissance politique à la hauteur de sa nouvelle stature économique. Trois objectifs ont été plus particulièrement poursuivis au cours des dernières années :

- le rapprochement avec les Etats-Unis : dès 1997, les Etats-Unis, qui accueillent sur leur territoire environ deux millions de NRIs (Non Resident Indians), ont entamé un rapprochement avec l'Inde ;

- la consolidation des liens avec l'Asie de l'est : l'Inde et la Chine poursuivent l'intensification de leurs relations. Les différends frontaliers se normalisent progressivement depuis l'« accord de paix et de tranquillité le long de la ligne de contrôle » de 1993 et la visite historique du Président Jiang Zemin en Inde en novembre 1996. Les deux pays se sont accordés en 2005 sur les « principes » sur lesquels devrait être fondé un futur accord. Les relations économiques entre les deux pays sont en rapide expansion, la Chine étant devenue le second partenaire commercial de l'Inde.

Au sein des organisations régionales, l'inde cherche à occuper une place plus importante. Elle est entrée eu Forum régional de l'ASEAN en juillet 1996 et un premier sommet Inde-ASEAN a eu lieu en novembre 2002. L'Inde a également participé au « sommet de l'Asie orientale » qui s'est tenu en Malaisie en décembre 2005. Enfin, l'Inde a rejoint le dialogue Europe-Asie (ASEM, Asia-Europe Meeting) et a participé pour la première fois en 2008 au sommet de l'ASEM ;

- le renforcement de l'assise internationale de l'Inde : candidate à un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies avec l'Allemagne, le Brésil et le Japon, l'Inde entend apparaître comme un acteur de premier plan sur la scène mondiale.

b) Les relations avec l'Union européenne

L'Union européenne est le principal partenaire commercial de l'Inde. Le commerce bilatéral entre l'Union et l'Inde a doublé depuis 2000. L'union européenne est le premier investisseur étranger en Inde (environ 20 % des investissements directs étrangers), dans l'énergie, les transports, les télécommunications.

Le neuvième sommet entre l'Union européenne et l'Inde s'est tenu à Marseille le 29 septembre 2008 et a permis d'évoquer les questions régionales et internationales ainsi que les relations bilatérales entre l'Union et l'Inde. En particulier, selon les termes du communiqué de presse diffusé à l'issue du sommet, « L'Union européenne et l'Inde sont convenues de renforcer encore leur coopération et leurs échanges politiques. Elles reconnaissent qu'il est important de conclure rapidement le large accord de commerce et d'investissement afin de répondre aux attentes des entreprises des deux pays et de renforcer encore les relations économiques bilatérales. A cette fin, l'Union européenne et l'Inde s'efforcent d'aboutir à un résultat équilibré et ambitieux. Tout en se félicitant de la signature d'un accord horizontal dans le domaine de l'aviation civile, elles ont encouragé la conclusion d'un accord dans le domaine du transport maritime qui soit mutuellement bénéfique ».

V. RELATIONS FRANCO-INDIENNES

a) Les relations économiques

La part de marché français en Inde est de l'ordre de 1,7 % (la France est le 15 ème fournisseur et le 11 ème client de l'Inde).

Après avoir franchi le milliard d'euros en 2001, les exportations françaises ont fortement augmenté en 2004 (+ 29 %) ainsi qu'en 2005 (+ 42 %) pour atteindre un montant total de 2,5 milliards d'euros en 2006 et 3,4 milliards d'euros en 2007 (+ 28 %).

Les exportations françaises à destination de l'Inde, hors matériel militaire, ont porté en 2006 sur les postes suivants :

- Agriculture - Agroalimentaire 27,1 millions d'euros

- Biens de consommation 137, 6 millions d'euros

- Industrie automobile 27 millions d'euros

- Biens d'équipement 996 millions d'euros

- Biens intermédiaires 599 millions d'euros

- Energie 16, 3 millions d'euros

Pour leur part, les exportations militaires ont porté en 2006 sur près de 190 millions d'euros.

Lors de la visite en Inde du Président de la République en janvier 2008, le chef de l'Etat et le Premier ministre indien ont fixé l'objectif ambitieux d'atteindre en 2012 les 12 milliards d'euros d'échanges commerciaux entre la France et l'Inde et de développer les investissements de manière significative.

b) La coopération universitaire et scientifique

Le développement de la coopération universitaire, scientifique et technique avec l'Inde constitue également une priorité pour la France.

Dans le domaine universitaire, le nombre d'étudiants indiens en France est d'environ un millier, et en forte progression, puisqu'il a doublé au cours des cinq dernières années. L'effort de la France porte sur deux volets : soutien aux programmes de bourses (augmentation en 2007 de 50 % du nombre de bourses) et soutien aux partenariats entre établissements indiens et français pour développer les accords inter-universitaires. Un accord pour mettre en oeuvre un projet d'université franco-indienne (consortium franco-indien d'université - CFIU) a été signé durant la visite d'Etat en Inde du Président de la République en janvier 2008.

Par ailleurs, si le français est la langue étrangère la plus étudiée en Inde - l'anglais n'étant pas une langue étrangère -, des efforts supplémentaires sont fournis pour la promotion de notre langue, grâce notamment au réseau des alliances françaises, le troisième au monde et le premier en Asie (15 alliances et 9 antennes).

Toutefois, à l'occasion de la mission qu'elle a effectuée en Inde, la commission des Affaires culturelles du Sénat a regretté l'insuffisante attractivité de la France pour les étudiants indiens.

Extrait du rapport de la commission des affaires culturelles du Sénat

« L'Inde représente actuellement un vivier considérable de jeunes chercheurs de haut niveau dans les domaines des mathématiques, de l'informatique, du commerce et de la gestion. Issus d'établissements prestigieux, très reconnus au plan international, ils fournissent une main d'oeuvre scientifique recherchée par les plus grands laboratoires du monde anglo-saxon. Ainsi par exemple, le tiers de la recherche effectuée aux Etats-Unis est le fait d'Indiens.

« La France connaît, jusqu'à présent, de grandes difficultés à drainer, même modestement, ces élites. D'après les informations fournies à votre délégation, notre pays ne constitue pas une destination attractive pour les étudiants indiens.

« Parmi les raisons évoquées pour expliquer cet état de fait, on citera notamment :

« - le déficit de l'image universitaire, scientifique et technologique de la France en Inde, la méconnaissance de notre système d'enseignement supérieur ;

« - la barrière linguistique et l'absence d'une offre étoffée de formations supérieures universitaires entièrement ou au moins partiellement en anglais ;

« - la médiocrité des conditions d'accueil en France (ccueil au sens propre du terme, logement, accompagnement, etc.) ;

« - les difficultés d'y travailler pour les étudiants étrangers ;

« - la non-possibilité jusqu'à cette année pour les jeunes diplômés de rester en France pour une première expérience professionnelle ;

« - l'insuffisance du niveau de notre offre de bourses d'études ;

« - enfin, nos établissements se montrent souvent réticents à s'engager dans des démarches ou ont des approches jugées peu productives, compte tenu de la suprématie anglo-saxonne » 2 ( * ) .

Dans son rapport, la commission des affaires culturelles plaidait en conséquence pour un renforcement de l'attractivité de notre système d'enseignement supérieur et de recherche et une meilleure « promotion » des études supérieures françaises.

La coopération scientifique et technique est un autre domaine clé du partenariat entre la France et l'Inde. Elle s'appuie sur des structures réunissant chercheurs et scientifiques français et indiens, tel le CEFIPRA (Centre franco-indien pour la promotion de la recherche avancée) qui a fêté en 2007 son vingtième anniversaire. Fondé sur un principe de parité financière et scientifique franco-indienne, ce centre a permis le financement de plus de 230 projets depuis sa création en 1987.

La France et l'Inde sont également convenues de développer des laboratoires communs de recherche dans des domaines de recherche prometteurs, neurosciences et chimie en particulier.

c) Le développement de la coopération nucléaire civile

A l'occasion de la visite en Inde du Président de la République en janvier 2008, les deux pays ont signé une déclaration conjointe faisant notamment état de leur volonté de renforcer leur coopération nucléaire civile :

« La France et l'Inde ont décidé, comme expression de leur partenariat stratégique, de donner un nouvel élan à leur coopération pour le développement de l'énergie nucléaire civile à des fins pacifiques. Les deux Parties reconnaissent qu'en tant que source d'énergie fiable, durable et non polluante, celle-ci peut apporter une contribution significative aux objectifs mondiaux que sont la sécurité énergétique, le développement durable, la croissance économique et la limitation du changement climatique. Etats responsables possédant des technologies nucléaires avancées y compris dans le cycle du combustible nucléaire, la France et l'Inde cherchent à promouvoir l'énergie nucléaire en l'assortissant des normes de sûreté et de sécurité les plus élevées, conformément à leurs politiques nucléaires et à leurs obligations internationales respectives en la matière ».

Au cours de son déplacement, la délégation du groupe d'amitié a pu constater combien le soutien de la France au souhait de l'Inde de développer un programme nucléaire civil a été apprécié par les autorités indiennes.

Le 30 septembre 2008, à l'occasion d'un sommet franco-indien tenu à Paris, la France et l'Inde ont signé un accord pour le développement des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire.

Le 17 décembre 2008, la société AREVA et le Département Indien de l'énergie atomique (DAE) ont signé un contrat portant sur la fourniture par AREVA de 300 tonnes d'uranium à l'entreprise publique indienne Nuclear Power Corporation of India Limited (NPCIL). L'uranium sera utilisé dans des réacteurs nucléaires de NPCIL placés sous les garanties de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA).

Enfin, le 4 février 2009, les dirigeants d'Areva et de NPCIL ont signé un protocole d'accord confirmant l'intention des deux entreprises de construire jusqu'à six EPR (réacteurs à eau sous pression) sur le site de Jaitapur dans l'Etat de Maharashtra. Ce protocole d'accord prévoit notamment que les deux parties ont l'intention de discuter les éléments d'un contrat commercial pour la fourniture de deux EPR dans un premier temps, qu'elles travailleront à l'obtention d'une évaluation préliminaire de la sûreté du réacteur EPR par l'autorité de sûreté nucléaire indienne, et qu'elles discuteront des modalités de fourniture de combustible pour la durée de vie des réacteurs qui seront construits.

VI. CHRONOLOGIE DE L'INDE INDÉPENDANTE

15 août 1947 Indépendance de l'Inde et du Pakistan. Jawaharlal NEHRU devient Premier ministre.

1947-1949 Première guerre indo-pakistanaise à propos du Cachemire.

30 janvier 1948 Assassinat du Mahatma Gandhi.

26 novembre 1949 Promulgation de la Constitution, en vertu de laquelle l'Inde devient une République le 26 janvier 1950.

1962 Guerre sino-indienne.

27 mai 1964 A la mort de NEHRU, Lal Bahadur SHASTRI devient Premier ministre.

1965 Deuxième guerre indo-pakistanaise.

19 janvier 1966 Indira GANDHI devient Premier ministre de l'Inde

Décembre 1971 Troisième guerre indo-pakistanaise : le Pakistan Oriental devient le Bangladesh.

18 mai 1974 Essai nucléaire indien au Rajahstan.

Octobre 1975 Incidents frontaliers avec la Chine.

Mars 1977 Défaite électorale d'Indira Gandhi ; Morarki DESAI devient Premier ministre.

Janvier 1980 Indira GANDHI remporte les élections générales et redevient Premier ministre.

31 octobre 1984 Assassinat d'Indira Gandhi. Son fils Rajiv devient Premier ministre.

Décembre 1989 V.P SINGH succède à Rajiv GANDHI, démissionnaire. En novembre 1990, il est remplacé par Chandra SHEKAR.

21 mai 1991 Assassinat de Rajiv GANDHI.

Juin 1991 Victoire du Parti du Congrès aux élections générales. P.V. Narasimha RAO devient Premier ministre.

6 décembre 1992 Destruction de la mosquée d'Ayodhya par des fanatiques hindous. Les émeutes qui suivent dans le nord de l'Inde font 1 200 morts.

Printemps 1996 Défaite du Parti du Congrès aux élections générales. A.B. VAJPAYEE, chef du parti BJP, devient Premier ministre pendant 13 jours et démissionne faute de majorité au sein du Lokh Sabha. Un Gouvernement de Front Uni dirigé par Dewe GOWDA est formé.

21 avril 1997 M.I.K. GUJARAL devient Premier ministre.

28 novembre 1997 Démission du Gouvernement à la suite du retrait du soutien du Parti du Congrès. Le Président prononce la dissolution du Lok Sabha.

1998 Victoire du BJP aux élections générales. A.B.VAJPAYEE redevient Premier ministre.

26 avril 1999 Dissolution du Lok Sabha. Victoire du BJP aux élections organisées en septembre.

2000 Le Gouvernement annonce que la population de l'Inde a dépassé le milliard d'habitants. Etablissement des Zones économiques spéciales (ZES), où les entreprises bénéficient de nombreux avantages et où les investissements directs étrangers dans une société peuvent atteindre 100 %.

Février 2002 Les émeutes anti-musulmanes au Gujarat font près de 2 000 morts.

Mai 2004 Victoire de la coalition conduite par le Parti du Congrès aux quatorzièmes élections générales. Manmohan SINGH devient Premier ministre.

2006 Visite en Inde du Président américain George W. BUSH et signature d'un accord de coopération nucléaire civile.

Juillet 2008 Le Gouvernement de Manmohan SINGH obtient la confiance du Parlement sur l'accord nucléaire signé avec les Etats-Unis. Les partis communistes quittent la coalition gouvernementale.

Avril - mai 2009 Quinzièmes élections générales. Victoire de la coalition conduite par le Parti du Congrès.

LE PARLEMENT DE L'INDE : UN MODÈLE ?

Alors que le Congrès du Parlement français venait d'adopter une révision constitutionnelle modifiant substantiellement le fonctionnement de nos institutions, la délégation du groupe d'amitié s'est intéressée lors de son déplacement au fonctionnement du Parlement indien, dont certaines caractéristiques sont particulièrement intéressantes.

Le Parlement de l'Inde (ou Sansad) est un parlement bicaméral créé après l'indépendance de l'Union indienne par la Constitution indienne, promulguée le 26 janvier 1950. Il comprend deux chambres : la Chambre des Etats (Rajya Sabha) et la Chambre du peuple (Lok Sabha).

I. LA COMPOSITION ET LE MODE D'ÉLECTION DES ASSEMBLÉES

1. Le Conseil des Etats (Rajya Sabha)

Le Conseil des Etats est composé :

- de membres élus, représentant les etats et territoires de l'Union, dont le nombre est au maximum de 238 (actuellement 233) ;

- de 12 membres nommés par le Chef de l'Etat en raison de leur expertise dans un domaine spécifique tel que la littérature, la science ou les services sociaux.

Les membres du Conseil des Etats sont élus au sein de circonscriptions uninominales ou plurinominales (de 1 à 31 sièges en fonction de la population) correspondant aux Etats fédérés et aux Territoires de l'Union.

La répartition des sièges au Conseil des Etats entre les différents Etats est actuellement la suivante :

- Andhra Pradesh 18

- Arunachal Pradesh 1

- Assam 7

- Bihar 16

- Chhattisgarh 5

- Goa 1

- Gujarat 11

- Haryana 5

- Himachal Pradesh 3

- Jammu et Cachemire 4

- Jharkand 6

- Karnataka 12

- Kerala 9

- Madhya Pradesh 11

- Maharashtra 19

- Manipur 1

- Maghalaya 1

- Mizoram 1

- Nagaland 1

- Orissa 10

- Pendjab 7

- Rajahstan 10

- Sikkim 1

- Tamil Nadu 18

- Tripura 1

- Uttaranchal 3

- Uttar Pradesh 31

- Bengale Occidental 16

En outre, trois membres du Conseil des Etats représentent le Territoire de Delhi et un le Territoire de Pondichery.

Le Conseil des Etats est présidé de droit par le Vice-Président de l'Inde, lui-même élu pour cinq ans par les membres des deux assemblées.

Les membres du Conseil des Etats sont élus au scrutin indirect par les membres des assemblées législatives des Etats. Le scrutin est proportionnel avec application du vote unique transférable, qui permet aux électeurs de choisir un parti, mais également un ordre des candidats au sein de ce parti.

La durée du mandat est de six ans, un tiers des membres étant renouvelés tous les deux ans. L'âge minimal pour être élu est fixé à 30 ans.

Nul ne peut exercer des fonctions ministérielles s'il n'est pas membre de l'une ou l'autre assemblée. Ainsi, le Conseil des Etats compte actuellement 24 membres du Gouvernement en son sein.

Le Conseil des Etats, contrairement à la Chambre du peuple, n'est pas soumis à dissolution. Il possède un pouvoir législatif égal à celui de la chambre du peuple, sauf en matière financière où cette dernière détient le dernier mot.

Le Conseil des Etats dispose de quelques pouvoirs spécifiques : en particulier, au nom de l'intérêt national, il peut, à la majorité des deux tiers de ses membres, adopter une résolution conférant le droit au Parlement fédéral de légiférer dans des matières pour lesquelles la Constitution confère aux Etats fédérés un pouvoir législatif exclusif. Le Parlement reçoit alors le droit, pendant un an, de légiférer dans les domaines spécifiés dans le texte de la résolution.

2. La Chambre du peuple (Lokh Sabha)

La Chambre du peuple (Lok Sabha) est composée :

- de membres élus dans les Etats au prorata de leur population (530 au maximum) ;

- de 20 membres représentant les Territoires de l'Union ;

- de 2 membres nommés par le Président de la République pour représenter la communauté anglo-indienne, s'il considère que celle-ci ne l'est pas équitablement à la Chambre.

La répartition des sièges à la Chambre du peuple entre les différents Etats est actuellement la suivante :

- Andhra Pradesh 42

- Arunachal Pradesh 2

- Assam 14

- Bihar 40

- Chhattisgarh 11

- Goa 2

- Gujarat 26

- Haryana 10

- Himachal Pradesh 4

- Jammu et Cachemire 6

- Jharkand 14

- Karnataka 28

- Kerala 20

- Madhya Pradesh 29

- Maharashtra 48

- Manipur 2

- Maghalaya 2

- Mizoram 1

- Nagaland 1

- Orissa 21

- Pendjab 13

- Rajahstan 25

- Sikkim 1

- Tamil Nadu 39

- Tripura 2

- Uttaranchal 5

- Uttar Pradesh 80

- Bengale Occidental 42

En outre, 13 membres de la Chambre du Peuple représentent les Territoires de l'Union (Andaman et Nicobar, Chandigarh, Daman et Diu, Dadra et Nagar Haveli, Delhi, Lakshadweep, Pondicherry).

La Chambre du Peuple est élue pour une période de cinq ans à l'issue de laquelle elle est automatiquement dissoute à moins que son mandat soit prolongé. La quatorzième législature de la Chambre du Peuple a débuté en mai 2004 et s'achèvera avec les prochaines élections générales qui devraient intervenir en avril 2009.

II. LA PROCÉDURE LÉGISLATIVE

Les projets de loi sont déposés en premier lieu auprès de l'une ou l'autre chambre, sauf pour les lois de finances, déposées en premier lieu à la Chambre du peuple. Pour devenir une loi, chaque projet doit être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Dans chaque assemblée, les projets sont soumis à trois lectures :

- la première lecture est formelle et correspond à l'acceptation du dépôt du texte ;

- la deuxième lecture du projet comporte deux étapes. La première étape consiste en une discussion générale, à l'issue de laquelle le projet peut être renvoyé à une commission de la chambre qui en discute ou à une commission mixte réunissant des membres des deux assemblées, ou diffusé pour recueillir des réactions, ou pris tout de suite en considération. La commission, lorsqu'elle est saisie, examine le texte article par article comme en assemblée plénière ; elle peut l'amender, recueillir les avis des organismes intéressés par le texte, ou d'experts. La seconde étape consiste en l'examen par l'assemblée du texte article par article.

- en troisième lecture, le débat est consacré à l'adoption du texte dans sa forme finale. Seuls les amendements formels ou de cohérence sont recevables. Pour les projets ordinaires, la majorité simple des votants suffit pour leur adoption. En revanche, la majorité requise pour les projets de loi constitutionnelle est la majorité des membres composant l'assemblée plus une majorité minimum des deux tiers des votants.

Après l'adoption par une chambre, le projet est envoyé dans l'autre chambre où il est examiné selon la même procédure que dans la première assemblée saisie (à l'exception de la première lecture).

Si un projet adopté par une chambre est rejeté par l'autre, ou si les deux assemblées ne tombent pas d'accord sur les amendements à apporter au texte, ou si un délai de plus de six mois s'est écoulé depuis la transmission du texte à l'autre assemblée sans qu'il ait été examiné par celle-ci, alors le Président de l'Union peut convoquer les deux assemblées réunies en réunion conjointe pour résoudre ce conflit. Dans ce cas, si la majorité des votants des deux chambres adopte le texte, celui-ci est considéré comme adopté par les deux assemblées.

Après adoption, le texte est transmis au Président de l'Inde pour approbation. Ce dernier peut la refuser et formuler des propositions de modifications du texte. Le Parlement, saisi du texte rejeté par le Président, délibère de nouveau. S'il adopter de nouveau son texte, le Président doit s'incliner.

Les projets de loi de finances, d'abord examinés par la Chambre du Peuple, sont ensuite transmis au Conseil des Etats qui doit les lui renvoyer dans les 14 jours de leur transmission, éventuellement accompagnés de recommandations d'amendement.

A l'issue de son nouvel examen par la Chambre du Peuple, le projet est considéré comme adopté par les deux chambres, dans la version arrêtée par la Chambre du Peuple qui peut ou non prendre en considération tout ou partie des propositions formulées par le Conseil des Etats.

III. LE FONCTIONNEMENT DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES

Les commissions parlementaires sont beaucoup plus nombreuses au Parlement Indien qu'au Parlement Français. L'une des particularités les plus intéressantes du fonctionnement du Parlement est qu'un grand nombre de ces commissions sont communes aux deux assemblées et composées, selon une répartition de deux tiers pour la Chambre du Peuple et d'un tiers pour le Conseil des Etats, de membres des deux assemblées.

Tel est en particulier le cas de 24 commissions thématiques dont les compétences recouvrent celles des différents départements ministériels : commerce, affaires intérieures, industrie, agriculture, technologies de l'information, défense, affaires étrangères...

Parmi ces 24 commissions, 8 sont présidées par des membres du Conseil des Etats et 16 par des membres de la Chambre du Peuple. Corrélativement, le Secrétariat des commissions présidées par un membre d'une assemblée est assuré par le personnel de cette assemblée.

Une autre spécificité du fonctionnement des commissions du Parlement Indien est qu'un nombre significatif d'entre elles sont présidées par des membres de l'opposition. La délégation du groupe d'amitié s'est ainsi entretenue avec les membres de deux commissions importantes (affaires étrangères et affaires intérieures) présidées par des membres du BJP (Bharatya Janata Party), parti situé dans l'opposition. La commission des comptes publics est également présidée par un membre de l'opposition.

Lorsque la délégation s'est étonnée que des commissions aux attributions stratégiques soient présidées par des membres de l'opposition, un parlementaire indien a répondu que ces commissions étaient présidées par des membres de l'opposition précisément parce qu'elles étaient stratégiques. Une telle attitude donne à juger de la maturité de la démocratie indienne.

IV. LES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION

Au cours de sa visite, la délégation a pu s'entretenir, comme elle l'avait déjà fait en 2004 lors de sa précédente visite, avec les membres de deux commissions interparlementaires : la commission des Affaires étrangères et la commission des Affaires intérieures.

1. La commission des Affaires étrangères

Avec la commission des Affaires étrangères, le dialogue a naturellement porté prioritairement sur les relations franco-indiennes. Les parlementaires indiens ont regretté l'insuffisance des investissements français en Inde. Alors qu'un grave attentat venait d'être commis à Delhi la veille de l'arrivée de la délégation, un parlementaire Indien a rappelé qu'un groupe de travail franco-indien sur le terrorisme avait été mis en place, pour regretter que cette structure ne se réunisse plus.

Plusieurs parlementaires ont souhaité que la France joue un rôle moteur dans la coopération avec l'Inde pour le développement de son programme nucléaire civil.

L'entretien a également permis d'évoquer les relations de l'Inde avec certains des pays voisins : Chine, Birmanie, Népal...

2. La commission des Affaires intérieures

Lors de son entretien avec la commission des Affaires intérieures, la délégation a dû répondre, comme elle l'avait déjà fait en 2004, à des questions posées par des parlementaires appartenant à la communauté Sikh sur la loi française du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics3 ( * ).

La discussion a également porté sur la politique de discrimination positive visant à assurer une meilleure représentation des femmes au sein des instances politiques. Depuis 1993, des amendements à la Constitution de l'Inde obligent tous les Etats fédérés à réserver aux femmes un tiers des sièges au sein des assemblées locales élues à l'échelle des districts et villages appelées panchayats en référence aux conseils réunissant dans l'Inde traditionnelle des sages des villages, des hameaux ou des castes.

En revanche, malgré plusieurs initiatives en ce sens, aucun texte n'impose encore de réserver un nombre minimal de sièges aux femmes au sein du Parlement. La chambre basse (Lokh Sabha) compte actuellement 44 femmes sur 539 membres, tandis que la chambre haute (Rajya Sabha) accueille 28 femmes pour 245 membres.

CALCUTTA : LA FRANCE DE RETOUR

S'étant déjà rendu à Calcutta en 2004 lors de son précédent déplacement en Inde, le groupe d'amitié aurait pu choisir de se rendre dans une autre métropole. S'il a cependant choisi de retourner à Calcutta, c'est à la fois parce que le Bengale Occidental, pourtant riche de potentialités économiques et très proche, culturellement de la France, est et parce que la France, qui avait fermé son consulat général dans cette ville il y a quelques années, a décidé la réouverture d'un consulat.

I. LA RÉOUVERTURE D'UN CONSULAT DE FRANCE À CALCUTTA

En 2004, le groupe interparlementaire s'était rendu à Calcutta et avait regretté fortement la fermeture du consulat de France intervenue en 1999.

Alors que les opportunités d'investissement dans des domaines où la France dispose de compétences incontestables - agroalimentaire notamment - sont nombreuses au Bengale Occidental, alors que Calcutta et le Bengale ont toujours entretenu une proximité culturelle avec notre pays, le retrait de la France de cette région apparaissait comme une erreur incontestable et avait suscité l'incompréhension des autorités de Calcutta et du Bengale Occidental, malgré la nomination d'un consul honoraire, M. Mahendra Kumar Jalan.

Seule une antenne de la Mission économique, animée par une seule personne, avait été maintenue dans la région, permettant à tout le moins de venir en aide aux entreprises françaises qui envisageaient de travailler dans cette région.

Ayant critiqué la fermeture du consulat, le groupe d'amitié - sans oser espérer que ses remarques aient joué un rôle décisif dans ce dossier - ne pouvait que se réjouir de la réouverture du consulat général décidée en 2008. La délégation du groupe s'est rendue à Calcutta quelques jours seulement après l'arrivée sur place du nouveau consul général, M. Jean-Louis RYSTO.

Celui-ci, qui a accompagné la délégation lors de tous ses entretiens, était alors en train de constituer son équipe et de rechercher les locaux susceptibles d'accueillir les services du consulat. La communauté française de Calcutta, que la délégation a rencontrée, se félicitait naturellement de pouvoir bénéficier de la présence du consulat.

Le groupe d'amitié espère désormais que la présence d'un consulat sur place incitera davantage d'entreprises à s'intéresser à cette partie de l'Inde et permettra de mettre davantage en valeur tous les liens culturels et historiques qui unissent le Bengale Occidental et la France.

II. LA MICROFINANCE ET LE SYSTÈME DES SELF HELP GROUPS

Lors de son séjour à Calcutta, la délégation du groupe d'amitié a souhaité recueillir des informations sur l'organisation du microcrédit en Inde.

Le microcrédit, popularisé à travers l'action conduite par M. Mohamed Yunus au Bangladesh, a montré son efficacité pour lutter contre la grande pauvreté et permettre la création d'activités économiques dans les pays émergents.

1. L'organisation du microcrédit en Inde

En Inde, le microcrédit est distribué pour l'essentiel par l'intermédiaire de structures appelées Self Help Groups . Les Self Help Groups sont fondés sur la constitution de groupes informels de base, dont le nombre d'adhérents ne peut excéder une vingtaine de personnes. Au-delà de ce nombre, l'association se voit obligée d'être déclarée aux autorités publiques et ne peut alors échapper à certaines contraintes légales.

L'activité du groupe, dans un premier temps, est une activité d'épargne et les fonds levés peuvent ainsi donner lieu à des prêts autogérés par les membres. Bon nombre de Self Help Groups ne dépassent pas ce stade.

Lorsque le Self Help Group a prouvé sa viabilité et sa capacité à gérer les prêts entre ses membres, le groupe peut être éligible auprès d'un établissement financier et bénéficier de prêts bancaires. Dans ce cas, il doit être enregistré par les autorités publiques.

Au cours de sa mission, la délégation du groupe d'amitié a souhaité recueillir davantage d'informations sur le fonctionnement de ces groupes et les conditions dans lesquelles ils accèdent au microcrédit.

La délégation s'est donc entretenue avec Mme Rekha GOSWANI, ministre de l'Etat du Bengale Occidental en charge des Self Help groups. Depuis 2006 en effet, un département ministériel est chargé de promouvoir le développement de ces structures au sein de l'Etat et de coordonner l'ensemble des actions conduites en direction de ces groupes informels. Ce département ministériel met en oeuvre de nombreuses formations à l'intention des membres des groupes en vue du développement de l'activité économique de leur choix, il recherche également des débouchés pour les produits fabriqués par les membres de ces groupes.

Au Bengale Occidental, un grand nombre de Self Help Groups se constituent sous l'égide du gouvernement de l'Etat, notamment à travers le Ministère du développement rural.

Une organisation présente sur l'ensemble du territoire indien, la NABARD (National Bank for Agriculture and rural Development), établissement public chargé du développement rural a été créée par le Gouvernement indien pour faciliter le crédit pour la promotion et le développement de l'agriculture et du monde rural.

Tous les Self Help Groups n'ont pas de liens directs avec les banques ou avec les administrations locales et dans certains cas, la médiation avec la ressource financière s'opère grâce à des organisations non gouvernementales.

D'après certaines études, le nombre de bénéficiaires de microcrédit augmente en moyenne de 80 % par an tandis que le volume de crédits progresse de 40 % chaque année 4 ( * ) . Il convient de noter que le microcrédit suscite aujourd'hui certaines critiques, dans la mesure où il est fréquemment détourné de son objet initial, la création d'activités économiques, pour se transformer en prêt à la consommation dont le remboursement impliquera la contraction de nouveaux prêts susceptibles de conduire au surendettement.

2. L'expérience d'une organisation non gouvernementale française

La délégation du groupe d'amitié a ainsi pu s'entretenir avec la responsable à Calcutta de l'association Entrepreneurs du Monde et rencontrer dans un quartier pauvre des groupes de femmes ayant accédé au microcrédit par son intermédiaire.

Entrepreneurs du Monde est une association française créée en 1998. Elle intervient dans les pays en voie de développement pour permettre aux familles les plus pauvres de développer une petite activité économique en leur ouvrant un accès au crédit et à l'épargne.

En Inde, Entrepreneurs du Monde est implantée à Calcutta et Haora. Après un démarrage difficile à compter de 2006, l'association a trouvé un partenaire indien pour développer ses activités.

Les bénéficiaires du programme, appelés « partenaires », sont des femmes désirant créer ou développer une activité économique soit pour elles-mêmes, soit pour leur époux ou leurs enfants.

Depuis le démarrage du programme, 5 000 micro-entrepreneurs ont ainsi pu être soutenus par l'association. Outre l'activité de prêt proprement dite, l'association dispense des formations basiques de gestion ou de tenue des comptes, mais également des formations en matière de santé...

Le montant du premier prêt est compris entre 1 000 et 5 000 roupies (15 à 75 euros) selon l'activité professionnelle et le plan d'activité du partenaire. L'objectif du prêt est toujours la création ou l'extension d'une activité économique.

L'activité de prêts de l'antenne de l'antenne de Calcutta d'Entrepreneurs du Monde est résumée dans le tableau suivant :

Nombre de familles touchées

Nombre de prêts en cours

Nombre de prêts octroyés

Moyenne des prêts

Encours de prêts

2006

234

226

238

44 €

6 996

2007

1 132

892

1 049

63 €

37 093

2008

4 608

3 993

5 210

75 €

152 480

Pour 2009, les responsables de l'association prévoient l'ouverture de quatre nouvelles agences et la mise en place d'une assurance-santé qui pourrait être proposée à 200 familles dans un premier temps.

Les Sénateurs membres du groupe d'amitié ont pu s'entretenir dans le quartier de Dharapara avec des groupes de femmes ayant bénéficié de prêts. Celles-ci ont ainsi pu présenter leurs activités, qu'il s'agisse de couture, de broderie, de vente de fruits, de fabrications de « dhols » (petits tambours utilisés dans les cérémonies religieuses.

Cette rencontre fut l'un des moments les plus intéressants et les plus émouvants de cette mission.

III. ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ, LE BENGALE OCCIDENTAL À LA CROISÉE DES CHEMINS

Au cours de sa visite à Calcutta, la délégation a été reçue très chaleureusement par l'ensemble des autorités de la ville et de l'Etat du Bengale Occidental, qu'il s'agisse du Gouverneur de l'Etat, du Ministre en chef, du Parlement local ou du maire de la ville.

En particulier, le dialogue avec le Gouverneur du Bengale Occidental revêtait une dimension particulière du fait qu'il s'agissait du petit-fils du Mahatma Gandhi, dont la ressemblance avec son aïeul est frappante. La délégation a été particulièrement marquée par le dialogue avec cette personnalité qui n'hésita pas à demander un temps de réflexion pour répondre à la question d'un sénateur, attitude rare chez un responsable de ce niveau...

Si ces entretiens ont permis d'évoquer le développement et les difficultés de la ville de Calcutta, qui doit encore résoudre d'importants défis, en ce qui concerne notamment les infrastructures de transport, l'alimentation en eau potable et l'évacuation des eaux usées, ils ont surtout porté sur la crise politique traversée par le Bengale Occidental.

La visite de la délégation est en effet intervenue dans un contexte particulièrement tendu, lié à la question de l'éventuelle implantation d'une usine du constructeur automobile Tata sur des terrains agricoles du Bengale Occidental.

En 2006, le gouvernement du Bengale Occidental a décidé d'accueillir à Singur, à 40 km de Calcutta, le site de production de la Nano, la voiture la moins chère du monde conçue par le groupe Tata.

La construction de l'usine impliquait la libération de quelque 400 hectares de terres particulièrement fertiles cultivées depuis des générations par des paysans pauvres de la région. Le gouvernement de l'Etat du Bengale a proposé à ces paysans de racheter leurs terres en leur garantissant un emploi dans la future usine. Si la majorité d'entre eux ont accepté, 3 000 environ ont refusé cet accord.

Le gouvernement a donc engagé des procédures d'expropriation sur le fondement d'une législation datant de l'époque de la colonisation britannique, ce qui n'a sans doute pas contribué à la bonne compréhension de cette décision.

Cette situation a provoqué un mouvement d'opposition très fort de la part des paysans de Singur, soutenus par certaines forces politiques de l'Etat. Progressivement, ce conflit a pris de l'ampleur au point qu'au début du mois de septembre 2008, les travaux de construction de l'usine ont été interrompus.

Naturellement, la situation à Singur a été évoquée lors de la plupart des entretiens qu'a eus la délégation avec les autorités du Bengale Occidental, qu'il s'agisse du gouverneur de l'Etat du Bengale Occidental, M. Gopalkrishna GANDHI, petit-fils du mahatma Gandhi, du Ministre en chef du Bengale Occidental, M. Buddhadeb BHATTACHARJEE, ou des membres de l'Assemblée législative du Bengale Occidental.

La situation de Singur illustre en effet une question beaucoup plus générale qui est celle du type de développement que doit mettre en oeuvre un pays comme l'Inde. Comme l'a expliqué le Ministre en chef du Gouvernement du Bengale Occidental à la délégation, le développement industriel est indispensable à un Etat comme celui du Bengale et implique de limiter la part de l'espace consacrée à l'agriculture. Il a mis en avant les nombreuses créations d'emploi que permettrait l'implantation du groupe Tata dans la région, bien plus importantes que le nombre des paysans conduits à renoncer à leurs terres.

De leur côté, les opposants à l'expropriation des terres mettaient en avant le sort d'agriculteurs délogés contre leur gré de leurs lopins de terres fertiles pour être conduits à travailler dans la future usine.

Le cas de Singur n'est pas isolé en Inde, et notamment au Bengale Occidental. A Nandigram également, des opérations d'expropriation ont conduit à de violents affrontements entre la police et la population. La mise en place depuis quelques années de zones économiques spéciales, destinées à favoriser l'implantation d'entreprises industrielles, a provoqué de nombreuses manifestations et résistances. Il est vraisemblable, compte tenu de l'importance que représente encore l'agriculture dans l'emploi total des Indiens, que ce type de tensions réapparaîtra en d'autres occasions. Comme l'écrivait en effet, dès 2007, le magazine indien Tehelka :

« Les événements au Bengale Occidental montrent qu'on ne peut pas assurer le développement économique de l'Inde au rouleau compresseur. Nous perdre dans des débats simplistes du type ``usines contre fermes'' et ``industrie contre agriculture'' ne servira à rien. Les projets économiques dans ce pays devront être plus intelligents que cela. Les habitants de Nandigram et de Singur posent une question fondamentale : le développement de l'Inde ne doit-il avoir qu'un seul visage ? N'aurons-nous pas l'imagination, le courage de comprendre que la richesse peut être de différentes natures ? » .

Quelques jours après son retour à Paris, le groupe d'amitié a appris que le groupe Tata avait renoncé à implanter son usine de fabrication de la Nano au Bengale Occidental pour l'installer à Sanand, dans l'Etat du Gujarat.

En avril-mai 2009, lors des élections générales à la Chambre du Peuple (Lokh Sabha), le Communist Party of India (Marxist), à la tête d'une coalition qui dirige l'Etat du Bengale Occidental depuis 1977, a subi une défaite historique. Alors qu'il détenait 26 des 42 sièges revenant au Bengale Occidental lors de la 14 ème législature, il n'en détient plus que 9 dans la nouvelle assemblée. Au contraire, le All India Trinamool Congress Party , qui s'est opposé avec force à l'expropriation des paysans, a remporté 19 sièges alors qu'il n'en détenait qu'un dans l'assemblée sortante.

Dans ces conditions, les élections locales prévues en 2011 pour renouveler l'Assemblée du Bengale Occidental et donc son Gouvernement, pourraient marquer la fin de la domination de la coalition dirigée par le Parti communiste, à la tête du Bengale depuis plus de trente ans. Rappelons que cette coalition s'est engagée en faveur de réformes économiques importantes, caractérisées notamment par une ouverture aux investissements étrangers et une volonté affirmée de développer le secteur de l'industrie et les infrastructures.

Les deux années à venir seront cruciales pour le Gouvernement de cet Etat, qui devra chercher la voie d'un développement industriel accepté par la population.

LISTE DES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION

Dimanche 14 septembre 2009

- Arrivée à New Delhi - Accueil par M. Jérôme BONNAFONT, Ambassadeur de France en Inde ;

Lundi 15 septembre 2009

- Réunion à la Résidence de l'Ambassadeur de France sous la Présidence de M. Jérôme BONNAFONT : présentation de la situation politique et sociale de l'Inde par des conseillers de l'Ambassade et des chercheurs du Centre de Sciences humaines dirigé par M. Basudeb CHAUDHURI ;

- Présentation par la Mission économique de l'Ambassade de France de la situation économique de l'Inde et des relations bilatérales ;

- Entretien avec des conseillers du commerce extérieur ;

- Entretien au Parlement Indien avec la commission interparlementaire des Affaires étrangères, présidée par M. Laxminarayan PANDEY ;

- Entretien au Parlement indien avec la commission interparlementaire des Affaires intérieures présidée par Mme Sushma SWARAJ ;

- Entretien avec M. Konakuppakatil Gopinathan BALAKRISHNAN, Président de la Cour suprême de l'Inde ;

- Vernissage à l'Alliance française de Delhi de l'exposition « Hommage à Picasso » du peintre Pakistanais Jamil NAQSH.

Mardi 16 septembre 2009

- Visite de l'Alliance française. Entretien avec le Président, la Directrice et des membres du Comité de l'Alliance ;

- Entretien avec le Groupe interparlementaire d'amitié Inde-France, présidé par M. Mohammad SALIM ;

- Visite de la Birla House où Mohandas Gandhi passa les derniers mois de sa vie et fut assassiné ;

- Réception conjointe avec Mme Anne-Marie IDRAC, Secrétaire d'Etat chargée du Commerce extérieur et Mme Rama Yade, Secrétaire d'Etat chargée des Droits de l'homme et de l'action humanitaire, à l'Ambassade de France.

Mercredi 17 septembre 2009

- Déjeuner avec des chercheurs indiens spécialistes du fédéralisme ;

- Départ pour Calcutta.

Jeudi 18 septembre 2009

- Visite de terrain dans un bidonville de Kolkata (Ballygunge) en compagnie de Mme Isabelle ROCHE, responsable locale de l'association « Entrepreneurs du Monde » qui travaille dans le domaine de la micro finance avec des femmes indiennes ;

- Entretien avec des membres de l'Assemblée législative du Bengale Occidental ;

- Entretien avec Mme Rekha GOSWANI, Ministre du Gouvernement du Bengale Occidental en charge des Self Help Groups ;

- Réception à l'invitation de M. Mahendra Kumar JALAN, ancien consul honoraire de France.

Vendredi 19 septembre 2009

- Entretien avec le maire de Calcutta, M. Bikash Ranjan BHATTACHARYYA ;

- Entretien avec le Gouverneur du Bengale Occidental, M. Gopalkrishna GANDHI ;

- Entretien avec M. Buddhadeb BHATTACHARJEE, Ministre en chef du Bengale Occidental ;

- Réception à l'invitation de M. Jean-Louis RYSTO, Consul général, avec la communauté française de Calcutta.

* 1 Inde : à la découverte de la plus grande démocratie du monde, rapport n°GA 57, janvier 2005.

* 2 « L'Inde aux deux visages : de Bollywood à la cyber-université », rapport n° 473 (2007-2008) fait au nom de la commission des Affaires culturelles du Sénat.

* 3 « Inde : à la découverte de la plus grande démocratie du monde », Les documents de travail du Sénat, Série Groupes interparlementaires d'amitié, n°GA57, janvier 2005.

* 4 « Microfinance, endettement et surendettement - Une étude de cas en Inde », Revue du tiers-monde n° 197, janvier-mars 2009.

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