Colloque SÉNAT-CFCE sur le Caucase (14 décembre 1999)



Le développement des relations économiques, source d'intégration régionale

Murtuz ALESKEROV,
Président du Parlement d'Azerbaïdjan

Le début de cette allocution sera diffusé ultérieurement.

(...) Les hydrocarbures bénéficient d'un fort développement chez nous. Ce sont plus de 30 milliards de dollars qui ont été investis dans les gisements ou les hydrocarbures et nous avons des objectifs d'extraction de pétrole qui portent sur plus d'un milliard de tonnes. Cela m'amène à dire que les investissements étrangers ne portent pas uniquement sur les hydrocarbures mais touchent les transports, le domaine du coton... Ces investissements, aujourd'hui, augmentent. Nous bénéficions des aides de la BERD, pour un effort de 35 millions de dollars pour le secteur énergétique. Cela vaut également pour d'autres institutions, qui investissent dans le gaz par exemple

En 1996, notre pays a signé avec l'Union européenne un accord de partenariat, ce qui a dynamisé nos relations pour l'import-export, les services, les coopérations... A ce jour, le projet Traceca nous occupe largement. Dans ce cadre, sous l'égide de l'Union européenne, l'Azerbaïdjan en septembre 1998 a programmé une conférence pour réorganiser la route de la soie. Ce projet est au coeur de la poursuite de la coopération régionale, faisant de la région le maillon entre l'Asie et l'Europe. Le transport international, avec ce couloir, jouera un rôle essentiel pour nous. En outre, avec le programme Tacis, nous étudions l'environnement des investissements dans notre région.

Le développement de relations économiques, à l'aube du XXIème siècle, doit être avantageux pour tous les pays de notre région, et favoriser l'intégration. Dans ce cadre, l'Azerbaïdjan est disposé à poursuivre sa politique en faveur de l'économie de marché, dans le respect de la démocratie.

Pour une véritable logique régionale

Zourab JVANIA,
Président du Parlement de Géorgie

Monsieur le Président du Sénat, Messieurs les Présidents des Parlements d'Azerbaïdjan et d'Arménie, Mesdames et Messieurs, la possibilité qui s'offre à nous, de nous retrouver ici à Paris, pour poursuivre un dialogue entamé il y a quelques temps, est capitale à nos yeux. Je m'associe donc aux remerciements d'ores et déjà adressés au Sénat et à son Président.

Il y a onze mois, j'avais rencontré le Président Poncelet et je me rappelle son enthousiasme devant un possible dialogue tripartite. Nous le réalisons aujourd'hui, au Sénat, pour étudier les perspectives qui s'offrent à nos pays et à nos peuples.

I. Une période de transition
1. La transition

En 1999, les trois Parlements caucasiens ont entretenu de riches relations. D'ailleurs, la réunion de Paris vient après celle placée sous l'égide du Conseil de l'Europe et après la rencontre de septembre à Tbilissi. Paris est donc notre troisième lieu de réunion. Lors des deux premières, nous avons longuement parlé du développement d'institutions démocratiques et de la défense des droits de l'homme. Avec cette troisième réunion, nous avons pour la première fois la possibilité d'évoquer les perspectives économiques qui sont particulièrement intéressantes. Je le dis d'autant plus volontiers que des personnes voulant investir dans nos pays sont présentes dans la salle.

Le Caucase traverse une période difficile. Nous devons en effet faire face à d'importantes transformations, transformations qui doivent nous permettre de mettre sur pied une société véritablement démocratique, cela alors que nos pays étaient placés sous l'autoritarisme soviétique. Ces transformations ne se font pas sans douleur. Le développement post-soviétique est un développement qui impacte lourdement nos trois pays. Malheureusement, nous avons connu des troubles sociaux, des conflits ethniques... Avec cette expérience, les dirigeants politiques des trois Etats doivent trouver des solutions à des problèmes complexes.

2. Une nouvelle ère

Depuis 1995, la nouvelle constitution de la Géorgie et les élections, une nouvelle ère s'est cependant ouverte pour notre pays. La Géorgie est un Etat indépendant, aux institutions démocratiques, voulant mener des réformes douloureuses mais nécessaires, cela dans tous les domaines, institutionnels ou économiques. Au cours de ces 4 années, le Président du Parlement réélu que je suis peut vous dire que nous avons enregistré des résultats probants : réforme judiciaire radicale, faisant émerger un système judiciaire indépendant et non corrompu, réforme des relations économiques avec des mesures de décentralisation, lois adoptées pour réglementer le fonctionnement de nouvelles institutions démocratiques....

En outre, nous avons défini nos priorités, à savoir mener des réformes économiques libérales. La Géorgie est une partie intégrante du système économique international et nous sommes convaincus que les tentatives faites pour isoler notre pays resteront vaines. C'est pourquoi notre Parlement a adopté de nombreuses lois qui garantissent l'égalité entre les investisseurs nationaux et les investisseurs étrangers. Nous avons supprimé les restrictions pesant sur l'exportation des capitaux. De plus, notre pays est devenu le premier Etat au monde à proclamer le droit pour les étrangers d'acheter des terres en Géorgie. Ce geste aura été un geste fort montrant clairement que les investisseurs étrangers sont traités tout comme les investisseurs nationaux.

Depuis 1995, 700 lois ont été adoptées, dont un Code civil proche des Codes européens, un Code des Impôts, des règlements sur la vie économique... Toutes ces mesures nous ont longtemps permis de tenir un rythme de croissance assez impressionnant. Mais, à la suite de la crise financière qui a frappé la Russie en 1998, notre situation a été déstabilisée. Il nous faut donc prendre de nouvelles mesures pour assainir les relations économiques et surmonter l'héritage du post-soviétisme - je pense notamment à la corruption. Mais là encore, la Géorgie considère que la lutte contre la corruption est prioritaire.

II. Une vraie logique régionale

Si notre économie est attrayante pour les investisseurs étrangers, dans différents secteurs, cela s'explique non seulement par les processus en cours en Géorgie, mais aussi par les perspectives créées pour les trois pays du Caucase méridional. Notre région est en effet une des régions les plus dynamiques de la planète ; nous créons d'ailleurs un nouveau modèle de développement entre Etats. Nous sommes devant un système totalement nouveau de coopération régionale. Au début, Traceca visait à construire un réseau de transport pour les matières premières. Mais rapidement, cette conception d'une nouvelle route de la soie a dépassé le pétrole et les ressources énergétiques. Traceca, couloir euro-asiatique, nous permettra d'obtenir le bien-être de nos peules. Traceca est une stratégie de développement pour les Etats d'Asie centrale et du Caucase. C'est pourquoi nous ne devons pas oublier les perspectives régionales. On peut longuement parler de nos succès passés mais nous savons fort bien que toutes ces perspectives ne se concrétiseront pas si nous ne parvenons pas à surmonter les difficultés qui se posent sur la route d'un développement durable pour tous les pays de la région.

A l'heure actuelle, notre région connaît à sa périphérie des conflits mais la paix règne aujourd'hui dans le Caucase. C'est simplement une trêve. Saurons-nous en faire une paix stable ? Aurons-nous la patience nécessaire pour utiliser les ressources de notre région pour parvenir au bien de tous ?

La réunion de ce jour nous permettra d'avancer sur la voie de ce développement. En tout état de cause, pour la Géorgie, il est clair aujourd'hui que les contradictions entre nos pays existent mais que nous devons rechercher les voies de la coopération. Je ne peux d'ailleurs devant vous qu'exprimer mon sentiment d'admiration, tout comme sans doute mes deux collègues, devant la bonne perception chez vous de cette coopération. Il y a deux ans, avec le Président, nous parlions d'harmonisation bilatérale de nos législations dans certains domaines, comme dans la sphère fiscale ou pour le transport par exemple. Nous avions compris qu'il fallait délimiter les problèmes pour les résoudre. A ce jour, nous en sommes restés dans un cadre général mais je suis convaincu que ces efforts se poursuivront. A trois, ensemble, nous obtiendrons donc de plus en plus de résultats concrets.

Monsieur Poncelet a parlé du rôle de l'Europe dans notre région. Nous comprenons que le Caucase est la pierre angulaire du système européen de sécurité. Pour nos trois Etats, le processus d'intégration européenne est donc une priorité de la politique extérieure et tout simplement pour l'avenir. Nous sommes convaincus que nos trois pays, par leurs histoires, leurs valeurs et leurs traditions, sont une partie intégrante de l'espace européen. Nous avons certes des problèmes à résoudre, mais, avec votre aide, nos Etats deviendront effectivement cette partie intégrante d'une Europe. Partout, nous retrouverons alors la démocratie européenne. Nous avons lancé cette coopération dans notre région car nous savons que l'intégration européenne est la ligne politique que nous devons suivre. Isolément, nos Etats auront du mal à devenir des participants à part entière du processus d'intégration. Nous devons donc surmonter nos contradictions. C'est avec un plaisir sans réserve que je réponds à votre appel. Nous mettrons tout en oeuvre pour que la coopération dans le Caucase devienne irréversible.

Merci encore une fois pour votre invitation. Pour l'avenir, il faut s'en tenir à un principe simple : le Caucase ne sera la sphère d'influence de personne. Cette région est disposée à coopérer avec tous les Etats (Etats-Unis, Europe, Russie...) mais la Géorgie, et je pense que l'Azerbaïdjan et l'Arménie ont la même position, ne doit pas se trouver sous la domination de quiconque. Voilà un principe d'égalité entre tous à respecter pour aller de l'avant !