Colloque "Rencontres Russie 2006" (9 novembre 2006)



La coopération décentralisée :
un enjeu prioritaire entre la France et la Russie

Sergueï MNDOYANTS,
Vice-Président de l'Association Dialogue franco-russe

L'Association Dialogue franco-russe a été créée il y a deux ans, à l'occasion de la visite du Premier ministre Fratkov à Paris. Elle réunit de grandes entreprises russes et françaises, telles que Gaz de France et Gazprom, Aeroflot et Air France, Vinci et Bouygues, etc. Notre objectif consiste à développer les relations économiques de la France et de la Russie, à l'échelon régional, notamment.

La question du développement des relations interrégionales entre la France et la Russie sonne aujourd'hui avec une acuité particulière. Or, tous ceux qui s'intéressent à la Russie savent que celle-ci tente de répondre, depuis toujours, à deux questions essentielles - « Kto vinovat ? » (qui est coupable ?) et « Chto delat' ? » (que faire ?) - lesquelles peuvent tout à fait s'appliquer, d'ailleurs, au contexte de développement des relations bilatérales entre nos deux pays.

Pour l'heure, le développement de l'économie russe favorise, à n'en pas douter, le développement des relations bilatérales entre la France et la Russie. Sans pouvoir parler de « miracle économique russe », nous pouvons en effet affirmer, sans déformer la réalité, que la Russie est entrée dans une phase de développement stable, sur le long terme.

Les réserves en or de notre pays représentent à ce jour plus de 23 milliards de dollars. La Russie peut en outre se prévaloir d'une croissance économique de 6,4 %, au cours de l'exercice qui vient de s'écouler et reste à peu près stable. Le pouvoir d'achat de la population du pays dans son ensemble a augmenté de 12 % et dans certaines régions, cette augmentation avoisine même les 30, voire les 40 %, et ce alors même que l'inflation reste stable, à hauteur de 8,4 %.

Au cours des deux années qui viennent de s'écouler, les investissements étrangers en Russie ont crû de 30 à 40 % par an ; d'autant que cette croissance s'accompagne d'un phénomène éminemment positif pour l'économie de notre pays, correspondant au retour des capitaux russes en Russie. On pourra en effet toujours s'évertuer à convaincre les étrangers d'investir en Russie, nos efforts risquent de rester sans effets si les Russes n'investissent pas eux-mêmes dans l'économie russe.

La France occupe aujourd'hui la 8 ème place parmi les investisseurs étrangers présents en Russie, derrière Chypre, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. Or, un tel classement résulte, à n'en pas douter, du retour des capitaux russes sur notre sol, lequel phénomène - parce qu'il va en s'accélérant - atteste de l'existence d'une certaine stabilité économique et politique dans notre pays. En 2006, comme l'a récemment fait observer notre Premier Ministre M. Fratkov, le retour des capitaux en Russie a même été supérieur au départ des capitaux de Russie.

Cette croissance économique résulte de la conjonction d'une certaine stabilité politique, de la conjoncture internationale favorable, concernant notamment les prix de l'énergie, et des efforts consentis par notre gouvernement pour alléger la fiscalité.

Grâce aux efforts de nos gouvernements respectifs, et plus particulièrement de la Commission France-Russie, présidée par MM. Breton et Narychkine, grâce au dynamisme de la mission économique de l'Ambassade de France, dirigée par M. Collin et de la mission économique de l'Ambassade de Russie, dirigée par M. Prostakov, nous avons enregistré une montée en puissance des projets d'investissements entre nos deux pays.

Ainsi, toutes les grandes entreprises, qui font d'ailleurs partie de notre association de Dialogue franco-russe, commencent à mettre en oeuvre leur potentiel de développement en Russie. C'est ainsi que ces projets d'investissements qui, pour la plupart, sont déjà mentionnés dans des accords intergouvernementaux, doivent à présent être concrétisés.

Pour accélérer encore cette coopération économique entre nos deux pays, nous devons utiliser le potentiel régional de la société civile, ainsi que le potentiel des PME qui peuvent trouver, sur notre sol, des perspectives d'investissements excellentes.

Dans le contexte actuel, de nombreuses régions et entreprises russes sont prêtes à investir dans les économies européennes, et dans l'économie française, en particulier. A cet égard, sans doute convient-il de souligner que la Russie ne se limite ni à Moscou ni à Saint-Pétersbourg, mais qu'elle est composée de plus de 80 régions, lesquelles abritent un nombre important de villes de plus d'un million d'habitants. Ce pays présente donc des possibilités de développement variées, dans le domaine industriel notamment, ainsi que pour tout ce qui touche à la réforme des infrastructures : création de parcs techniques, approvisionnement en eau et en gaz, aéroports, réseaux thermiques, etc.

A l'avenir, des entreprises françaises de distribution telles qu'Auchan, qui sont d'ores et déjà présentes à Moscou et Saint-Pétersbourg, auront tout intérêt à se développer dans les régions russes, au développement particulièrement prometteur. De même, les régions russes offrent aux banques et aux sociétés d'assurance des perspectives de développement particulièrement intéressantes.

Ces contacts interrégionaux ne peuvent toutefois pas se limiter à la seule sphère économique et il convient sans nul doute de favoriser l'instauration d'un développement des relations entre acteurs russes et français, dans les domaines scientifique, culturel et éducatif. Pour ce faire, nous devons donc créer des mécanismes efficaces, favorisant la coopération entre ces différents acteurs. A cet égard je vous rappelle que notre association a entamé, avec l'aide du Ministère des Affaires étrangères, un programme visant à développer les relations interrégionales entre la France et la Russie. Le 15 février prochain, au Sénat, un séminaire sous le haut patronage du Président Christian Poncelet devrait ainsi développer ce thème. Une visite est ensuite prévue dans les régions françaises, afin de renforcer les liens entre les différents acteurs. Nous souhaitons également créer un club regroupant des maires français et des gouverneurs russes, afin qu'ils puissent échanger au quotidien sur leurs pratiques et oeuvrer conjointement à la mise en oeuvre de politiques de coopération.