À l’invitation du groupe d’amitié de l’Assemblée nationale, le groupe d’amitié France-Canada a auditionné M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l'attractivité, au sujet de l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG, ou CETA en anglais).

Étaient présents pour le Sénat : Mme Claudine Lepage (Socialiste, Écologiste et Républicain – Français établis hors de France), présidente du groupe d’amitié, et M. Christian Klinger (Les Républicains – Haut-Rhin).

Relations France-Canada

Le ministre Franck Riester s’est réjoui de l’excellente relation existant entre le Président de la République français Emmanuel Macron et le Premier ministre canadien Justin Trudeau. Les rapports sont bons entre ces deux pays, qui partagent des visions communes tant à l’échelle multilatérale que bilatérale.

Actuellement, le ministre se concentre sur la préparation de la Rencontre alternée des premiers ministres français et québécois (RAPM), qui se tiendra en septembre 2021 et qui sera abordée à travers le prisme de la société civile.

Concentrée sur le volet économique, elle abordera le secteur de l’innovation, avec la préparation d’une année de l’innovation France/ Québec, le secteur de l’énergie ainsi que de l’aéronautique. M. Guillaume Faury, Président directeur général d’Airbus, sera à la tête de la délégation d’entreprises, représentant ainsi la société civile dans ces rencontres.

Le ministre a rappelé qu’il était en contact régulier avec ses homologues, Mme Mary Ng, ministre de la petite entreprise, de la promotion des exportations et du commerce international, M. Pierre Fitzgibbon, ministre de l’économie et de l’innovation du Québec, ainsi que Mme Nadine Girault, ministre des relations internationales et de la francophonie du Québec et ministre de l’immigration, de la francisation et de l’intégration, avec lesquels il travaille sur de nombreux dossiers.  

À titre d’exemple, le ministre souhaite mettre en place un évènement similaire à celui organisé par Mme Marie Ng pour les investisseurs français, à l’attention des investisseurs canadiens en France. En effet, le ministre a rappelé que de nombreuses entreprises canadiennes sont présentes en France, comme Bombardier, Boralex, Mitel ou encore Astra.

À propos des vaccins, le ministre tente de rassurer ses homologues canadiens au sujet du mécanisme européen de contrôle des vaccins, qui ne doit pas être compris comme une interdiction d’exportation. Les entreprises doivent respecter les contrats d’approvisionnement. Le ministre a affirmé qu’il n’existe pas de blocage à l’exportation des vaccins. Il a souhaité rappeler que la France est la zone européenne qui a exporté le plus de vaccins dans le monde.

Échanges économique et commerciaux

La relation entre la France et le Canada s’est avérée solide sur le plan des échanges. Malgré leur recul conjoncturel dû à la crise sanitaire, les échanges franco-canadiens sont restés très dynamiques dans le secteur agroalimentaire et le secteur agricole. Les exportations françaises ont connu une augmentation de 24 % entre 2016 et 2019. En 2020, les échanges ont augmenté de 1 % pour l’agroalimentaire et de 25 % pour les produits pharmaceutiques.  L’accord du CETA a permis d’amortir la crise.

En termes d’investissement, 800 entreprises françaises sont installées au Canada, dont 350 au Québec ; elles emploient 120 000 personnes. La France, deuxième pays d’accueil pour les investisseurs canadiens, compte 200 entreprises canadiennes implantées le territoire. On observe aussi une accélération des partenariats industriels entre les entreprises françaises et canadiennes, comme Alstom et Bombardier ou encore CAMSO et Michelin.

L’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG, ou CETA en anglais)

Le projet de loi autorisant la ratification de cet accord a été adopté à l’Assemblée nationale, mais pas encore au Sénat.  Le ministre a rappelé que des évaluations restaient en cours afin de mesurer son impact sur les filières sensibles et de vérifier son respect par les deux parties.  Selon le ministre, le CETA a déjà eu un impact positif sur le plan économique et environnemental. Le bilan est très positif pour la France. On enregistre une hausse des exportations avec un excédent d’exportation des biens de 650 millions d’euros en 2019. L’impact sur les produits agricoles sensibles a été faible et un comité interministériel permet un suivi de cette filière. L’exportation des vins a augmenté de 18 % entre 2016 et 2020 et représente 70 % des exportations françaises sur cette même période.

Au sujet des normes sanitaires, des contrôles plus réguliers et transparents ont été demandés à la Commission européenne par Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, dans un courrier co-signé par le ministre Franck Riester. Ce dernier a rappelé que le CETA était mis en œuvre selon un plan d’action qui vise à s’assurer que les engagements sont bien tenus par chacune des parties et en cohérence avec le cadre européen, qui promeut un commerce plus équitable et durable.

Sur le sujet du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, la France doit convaincre ses partenaires extra-européens de sa pertinence, non comme un outil de protectionnisme, mais comme un levier pour l’amélioration de la capacité des secteurs d’activité à produire de manière décarbonnée, comme les secteurs de l’acier et du ciment, et dans le respect de l’accord de Paris sur le climat. Cet accord étant mixte, il doit être ratifié par les parlements nationaux européens. Quinze États membres l’ont déjà ratifié.

Échange avec les parlementaires

La députée Marie Lebec (LaREM – Yvelines) a interrogé le ministre sur les conséquences du Brexit sur l’accord du CETA. Soulignant que les difficultés, lors des débats sur l'adoption de l’accord à l’Assemblée, portaient sur la question de l’élevage, elle a questionné le ministre sur la mise en place d’actions concrètes sur le terrain afin de rassurer et promouvoir le CETA auprès de la filière bovine, qui représente un acteur majeur dans le cadre de la ratification définitive.

Le ministre a affirmé qu’il était trop tôt pour observer un quelconque impact du Brexit, et a précisé que la RAPM sera l’occasion d’aborder le sujet et promouvoir cet accord. Le Gouvernement informe les entreprises exportatrices et fournit des informations sur l’évolution du marché et les opportunités au Canada, via notamment une plateforme en ligne « mes infos marchés ». Du côté de la Commission européenne, la plateforme « Accesstomarket », permet aux entreprises européennes de signifier des dysfonctionnements pour l’accès au marché canadien. Le ministre envisage un déplacement dans une entreprise canadienne en France et l’organisation d’un webinaire pour encourager les investissements sur notre territoire.

La députée Monica Michel (LaREM – Bouches-du-Rhône) s’est inquiétée de la flambée des taux de fret sur tous les grands échanges et de son impact sur les échanges entre la France et le Canada. De plus, elle s’est interrogée sur la possibilité que le CETA devienne un modèle pour résoudre ce type de problématique.

Le ministre a précisé que le problème de la flambée de taux de fret ne concernait pas que le Canada. Il est lié à la désorganisation du commerce international, causée notamment par l’accident ayant eu lieu dans le Canal de Suez et les contraintes sanitaires liées à la Covid-19. Selon le ministre, ce phénomène, observable notamment dans les ports, a eu un effet domino et exponentiel créant un délai plus important et une accélération des reports dans les chaines d’approvisionnement. La reprise économique est hétérogène. Un regain des échanges entre la zone américaine et asiatique a été constaté ; la priorité est donc donnée, par les clients des armateurs, à ces flux. Cela crée un déséquilibre à l’échelle mondiale et un renchérissement du taux de fret. Reste à savoir si cette évolution demeurera  structurelle, avec des impacts sur le port de Fosse-Marseille et la Compagnie maritime d’affrètement (CMACGM).

En réponse au député Stéphane Claireaux (LaREM – Saint-Pierre-et-Miquelon), le ministre a confirmé une perturbation du trafic aérien très importante entre la France et le Canada. Cependant, les perspectives s’éclaircissent grâce à la mise en place de certificats sanitaires à partir du mois de juin. Le ministre a affirmé la volonté de reprendre le plus vite possible les échanges qui seront, par ailleurs, valorisés lors de la RAPM. D’ici-là, il espère un allègement des contraintes de la part du Canada, malgré un calendrier de vaccination dépendant des importations de vaccins.

Le député Jean-Luc Lagleize (Modem – Haute-Garonne) s’est interrogé sur un lien existant entre la mise en place de droits de douane par l'administration Trump sur l’importation de vin et l’augmentation des exportations de vins français vers le Canada. Il s’est inquiété de l'émergence d’une écologie punitive, et plus précisément de l’hostilité au fret maritime et au transport aérien, et de l’effet de ce type de boycott sur les échanges internationaux.

Le ministre a assuré les parlementaires que les tensions commerciales avec les États-Unis n’étaient pas à l’origine de la dynamique des exportations françaises vers le Canada. Il a rappelé qu’un moratoire de quatre mois a permis de suspendre les tarifs douaniers imposés par l'administration Trump sur l’aéronautique et les spiritueux, et que la France travaille à sortir de ce contentieux par le haut. Le ministre a ajouté que les bons résultats en matière d’exportation des vins français vers le Canada découlent principalement de la mise en œuvre du CETA, qui a permis une baisse des tarifs douaniers et un allègement des barrières non tarifaires. L‘exportation de vins et spiritueux est un bénéfice concret de ce que peut apporter l’accord de libre-échange.

La création d’une e-vitrine dédiée aux vins et spiritueux, à l’agroalimentaire et aux cosmétiques est en cours afin de mettre en valeur ces produits sur des plateformes digitales. La mise à disposition de postes de volontariat international en entreprise (VIE) dédiés au secteur de l’agroalimentaire avec le Canada est aussi en projet. De plus, une séries d’outils d’aide à l’exportation, tels que les dispositifs d’assurance-crédit, sont renforcés dans le cadre du plan de relance export pour rassurer les exportateurs en matière de paiement à l’issue de leur contrat.

Concernant le transport maritime, le ministre souhaite mettre à l’honneur la force de ce secteur d’activité pour la logistique, l’emploi et l’économie. En juillet dernier, il a notamment effectué un déplacement au port de Dunkerque, qui exporte des produits céréaliers grâce au fret maritime. Il s’est également déplacé au port du Havre, en présence de son maire, M. Edouard Philippe, et de Marseille, où il a rencontré les membres du CMA-CGM. En parallèle, le ministre s’est rendu en visite dans des entreprises françaises établies à l’étranger. Au port de Lagos (Nigéria), il a rencontré les acteurs du CMA-CGM, qui ont su démontrer leur capacité à s’inscrire dans développement durable à travers le développement de porte-conteneurs à grande contenance fonctionnant à l’énergie gazière, et non plus au fuel. Le ministre en a profité pour rappeler que dans le plan d’action CETA, une partie est dédiée au verdissement du transport maritime.

Le député Jean-Luc Lagleize (Modem – Haute-Garonne) a souligné que l’accord du CETA semble favorable aux exportations françaises, mais neutre vis-à-vis des importations depuis le Canada ; il s’est inquiété de la recherche d’un équilibre. Le ministre a assuré que les bénéfices de l’accord du CETA doivent être réciproques. Ils sont plutôt bénéficiaires à la France et à l’Union européenne. Il a rappelé qu’il fallait y être vigilant car il est nécessaire que l’intérêt soit partagé des deux côtés.
 
Enfin, en réponse à la députée Monica Michel (LaREM – Bouches-du-Rhône) sur la transparence des résultats de l’évaluation sur le CETA, le ministre a conclu son propos sur l’importance de la mise en place d’un travail pédagogique et sur la réflexion pour un commerce plus équitable et durable en luttant contre la concurrence déloyale, avec la mise en place de politiques commerciales moins naïves, dans un souci de réciprocité et de défense de la planète.

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