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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet d'autoriser la ratification de l'Accord de partenariat et de coopération, signé le 21 juin 1996 à Florence, entre les Communautés et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part.

Cet accord, fondé notamment sur les articles 113 et 235 du Traité de Rome et 101 du traité Euratom, comporte également des dispositions de compétence nationale et doit, à ce titre, être ratifié par les Etats membres de l'Union européenne. Il est conclu pour une durée initiale de dix ans, renouvelable annuellement par tacite reconduction. A la date de son entrée en vigueur, il remplacera " l'Accord sur le commerce et la coopération commerciale et économique " signé entre la Communauté économique européenne, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'URSS le 18 décembre 1989.

L'article 101 de l'Accord précise que la date d'entrée en vigueur sera le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle toutes les parties contractantes auront notifié au Secrétaire général du Conseil de l'Union européenne l'accomplissement de leurs procédures d'approbation. Toutefois, les dispositions relevant de la compétence communautaire entreront en vigueur par anticipation, dans le cadre de l'accord intérimaire, signé le 14 novembre 1996.

1. - Historique de l'Accord

Après la reconnaissance des Etats issus de l'Union soviétique à la fin de l'année 1991, la Commission a pu engager des contacts exploratoires avec les gouvernements des nouvelles républiques indépendantes, afin de renégocier l'Accord de commerce de 1989. L'Union européenne a adopté, le 5 octobre 1992, des directives de négociations relatives aux accords devant être conclus avec les Républiques de la Communauté des Etats indépendants (CEI).

Ces accords de partenariat et de coopération constituent une " nouvelle génération " d'instruments juridiques au service des relations extérieures de la Communauté ; dépassant le champ de compétences des simples " accords de commerce et de coopération ", ils ne prévoient toutefois pas, comme le font les accords d'association, la possibilité d'une adhésion future à l'Union. A ce jour, des accords de ce type ont été signés avec la quasi-totalité des Etats de la CEI ; la France a d'ores et déjà ratifié les accords signés avec la Russie, l'Ukraine, la Moldavie, le Kazakhstan et le Kirghizstan. L'Accord avec l'Ouzbékistan a été signé, en marge du Conseil européen de Florence, le 21 juin 1996.

2. - Contenu de l'Accord

Le texte de l'Accord est très proche des autres accords de partenariat et de coopération signés avec les Etats de la CEI et, plus particulièrement de ceux conclus avec les Etats du Caucase.

Son article premier en expose les objectifs :

- soutenir l'indépendance et la souveraineté de la République d'Ouzbékistan ;

- soutenir les efforts accomplis par l'Ouzbékistan pour consolider la démocratie, développer son économie et mener à terme son processus de transition vers une économie de marché ;

- fournir un cadre approprié au dialogue politique entre les parties, afin de permettre le développement de relations politiques étroites entre elles ;

- promouvoir les échanges et les investissements, ainsi que les relations économiques harmonieuses entre les parties, afin de favoriser leur développement économique durable ;

- jeter les bases d'une coopération dans les domaines législatif, économique, social, financier, scientifique civil et de la coopération culturelle ;

- aider à l'édification d'une société civile fondée sur le principe de l'Etat de droit.

Préambule et principes généraux

Le préambule souligne " l'importance capitale de l'Etat de droit et du respect des droits de l'Homme, notamment ceux des personnes appartenant à des minorités "; il marque la volonté de l'Ouzbékistan de coopérer étroitement avec les institutions européennes, la volonté des parties de promouvoir la paix, la sécurité, de renforcer les libertés politiques et économiques qui " constituent la base même du partenariat ". Il met également l'accent sur " le soutien de l'indépendance, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale " de la république d'Ouzbékistan, qui " contribue à sauvegarder la paix et la stabilité en Europe ".

Surtout, un lien est établi ( titre Ier , article 2 ) entre le respect des principes démocratiques, des droits de l'Homme et des principes de l'économie de marché qui " constituent les éléments essentiels du partenariat " et la pleine mise en oeuvre du traité. Dans l'hypothèse d'une violation desdits éléments, la Communauté pourra, en vertu des dispositions de l' art. 95 et de la déclaration commune relative à cet article, prendre les mesures appropriées en " cas d'urgence spéciale ", pouvant aller jusqu'à la suspension de l'Accord. L'accent est également mis ( art. 3 ) sur la nécessité de maintenir et développer la coopération régionale entre Etats issus de l'ex-URSS ainsi que des relations de bon voisinage.

Dialogue politique (titre II)

Les objectifs du dialogue politique sont les suivants :

- renforcer les liens de l'Ouzbékistan avec l'Union et avec la communauté des nations démocratiques ;

- accroître la convergence des positions sur les problèmes internationaux, favorisant ainsi la sécurité et la stabilité dans la région ;

- coopérer dans les domaines concernant le respect des principes de la démocratie et le respect des droits de l'Homme, notamment ceux des personnes appartenant à des minorités.

Les modalités d'exercice de ce dialogue politique sont prévues dans les dispositions institutionnelles, générales et finales ( Titre XI , article 78 et suivants ) :

- au niveau ministériel, le dialogue se déroulera dans le cadre d'un conseil de coopération, assisté d'un comité de coopération au niveau des hauts fonctionnaires ;

- une commission parlementaire de coopération se réunira également, associant membres du Parlement ouzbek et membres du Parlement européen. L' article 4 précise en outre que le dialogue politique peut se dérouler sur une base régionale.

Echanges de marchandises (titre III)

Il s'agit d'un accord non préférentiel, sans clause évolutive vers la création d'une zone de libre-échange. Les parties s'octroient mutuellement le statut de la nation la plus favorisée ; pendant une période transitoire expirant au 31 décembre 1998, l'Ouzbékistan peut accorder un traitement plus avantageux aux autres Etats de la CEI. L'Accord prévoit la liberté de transit et interdit toute restriction quantitative aux échanges (à l'exception des produits CECA - Communauté européenne du charbon et de l'acier).

Une clause de sauvegarde analogue à celle du GATT permet aux parties de se consulter et de prendre des mesures appropriées lorsque les importations augmentent dans des conditions et des quantités telles qu'elles sont de nature à porter préjudice aux producteurs nationaux. Des mesures anti-dumping peuvent également être prises.

Un accord spécifique sera négocié sur le commerce des matières nucléaires ; un accord spécifique a été paraphé avec l'Ouzbékistan pour le commerce des produits textiles, le 4 décembre 1995 et appliqué provisoirement depuis le 1er janvier 1996.

Commerce et investissements (titre IV)

Emploi (chapitre I) : l'objectif de l'Accord est d'éviter toute discrimination d'une des parties à l'égard des ressortissants de l'autre partie légalement employés sur son territoire.

Etablissement et activités des sociétés (chapitre II) : l'Ouzbékistan accorde le traitement national ou le statut de la nation la plus favorisée (selon le régime le plus favorable) ; la Communauté accorde le traitement de la nation la plus favorisée pour l'établissement de sociétés ouzbeks et le traitement national pour leurs activités.

Services (chapitre III) : l'Accord encourage la libéralisation progressive des prestations de services transfrontalières ; des dispositions particulières régissent le libre accès des transports maritimes internationaux ( article 31 ).

Paiements courants et capitaux (chapitre V) : le transfert de paiements et de capitaux est libre, notamment s'il est lié à des opérations commerciales ou à des investissements directs.

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale (chapitre VI) : l'Ouzbékistan doit s'efforcer d'améliorer la protection des droits de propriété intellectuelle, industrielle et commerciale et d'atteindre, cinq ans après l'entrée en vigueur de l'Accord, un niveau de protection similaire à celui de la Communauté.

Domaines de coopération (titres V à X)

- législative (titre V) : les parties conviennent d'oeuvrer au rapprochement de leur législation, condition importante du renforcement de leurs liens économiques ; l'Union fournira une assistance technique à cette fin, notamment dans les secteurs suivants : douanes, services bancaires, comptabilité et fiscalité, protection des travailleurs, propriété intellectuelle, services financiers, marchés publics, la vie des personnes, protection des animaux et végétaux, normes, transports et matières nucléaires.

- économique (titre VI) : la coopération vise à favoriser la réforme économique, la reconstruction et le développement durable en Ouzbékistan ; elle concerne de nombreux secteurs : échanges de biens et services, promotion des investissements, coopération industrielle, marchés publics, matières premières, science et techniques, éducation et formation, agriculture, énergie, environnement, transports, services postaux et télécommunications, services financiers, développement régional, secteur social, tourisme, petites et moyennes entreprises, information, protection des consommateurs, douanes (un protocole d'assistance mutuelle est joint à l'Accord), statistique et sciences économiques, politique monétaire, restructuration et privatisation des entreprises.

- démocratie et droits de l'Homme (titre VII) : la coopération concerne toute question relative à l'établissement et au renforcement des institutions démocratiques.

- prévention des activités illégales et contrôle de l'immigration clandestine (titre VIII) : la coopération couvre le domaine économique, y compris la corruption et les transactions illégales portant sur des marchandises (déchets industriels, armes, contrefaçon). Elle porte également sur le blanchiment d'argent, le trafic de drogue et l'immigration clandestine.

- culturelle (titre IX) : les parties s'engagent à promouvoir la coopération culturelle : protection et conservation du patrimoine, échanges entre institutions et artistes.

- financière en matière d'assistance technique (titre X) : l'Ouzbékistan bénéficie d'une assistance technique de la Communauté sous forme de dons, à travers le programme TACIS (Technical Assistance to the Commonwealth of Independent States).

Dispositions institutionnelles, générales et finales (titre XI)

L'Accord comprend des dispositions finales traditionnelles : clause de dénonciation, de protection des intérêts essentiels de sécurité, clause territoriale, de non-discrimination et d'arbitrage.

Par une déclaration unilatérale annexée à l'Accord, le Gouvernement français a exclu de son champ d'application les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte.

Telles sont les principales observations qu'appelle l'Accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part, qui est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Commmunautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République d'Ouzbékistan, d'autre part, fait à Florence le 21 juin 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 2 septembre 1998

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,

Signé : HUBERT VÉDRINE