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PROJET DE LOI SUR LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PÉNALE ET LE JUGEMENT DES MINEURS

ETUDE D'IMPACT

11 avril 2011

Le présent document constitue l'étude d'impact du projet de loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs, prévu par la loi organique du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Dans un souci de lisibilité, il s'organise en deux parties, traitant respectivement des règles envisagées dans le projet de loi, d'une part, en ce qui concerne la participation des citoyens au fonctionnement de la justice et, d'autre part, en ce qui concerne le jugement des mineurs. Il est procédé dans chacune de ces deux parties à l'examen des différentes questions recensées à l'article 8 de la loi organique précitée.

L'analyse d'impact exposée dans le présent document s'inscrit dans l'optique d'une généralisation de la mise en oeuvre de l'ensemble de la réforme, y compris de celles de ses dispositions qu'il est envisagé d'introduire en un premier temps à titre expérimental. Les éléments correspondants à ces dispositions sont avancés pour la bonne information du lecteur, tout en sachant qu'elles ne répondent pas à proprement parler à une exigence organique. L'expérimentation envisagée permettra d'affiner les analyses d'impact correspondantes.

PARTIE 1 :
DISPOSITIONS RELATIVES A LA PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE PENALE

Liste des sigles

B1

Bulletin n°1 du casier judiciaire

CA

Cour d'appel

CEDH

Cour européenne des droits de l'homme

CESDH

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

CHAP

Chambre d'application des peines

CPP

Code de procédure pénale

CSS

Code de la sécurité sociale

ETP

Equivalent temps plein

GAV

Garde à vue

JIRS

Juridiction inter-régionale spécialisée

TAP

tribunal de l'application des peines

TASS

tribunal des affaires de sécurité sociale

TCI

tribunal du contentieux de l'incapacité

TGI

tribunal de grande instance

TPBR

tribunal paritaire des baux ruraux

1. ETAT D'APPLICATION DES DISPOSITIFS EN VIGUEUR

1.1. FORMES EXISTANTES DE PARTICIPATION DES CITOYENS AU FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE

Il existe déjà de nombreuses formes de participation des citoyens au fonctionnement de la justice.

La participation des citoyens à des juridictions civiles relève essentiellement du principe de parité professionnelle. Il s'agit d'impliquer les représentants des employeurs et des salariés dans le règlement de litiges professionnels. Si ces juridictions ne présentent pas de lien avec l'objet du projet de loi, leurs existence et composition sont rappelées dans la présente étude dans la mesure où elles démontrent que l'implication des citoyens dans le fonctionnement de la justice est déjà une réalité répandue.

En revanche, il apparaît éclairant de décrire plus précisément la composition et le fonctionnement des juridictions pénales qui incluent aujourd'hui des citoyens dans leurs formations de jugement.

1.1.1. Participation des citoyens aux juridictions pénales

1.1.1.1. Le jury d'assises

A. Rappel historique sur l'institution et la fonction de jurés d'assises

Pratiquée depuis l'antiquité, la participation des citoyens à la justice a toujours fait l'objet de débats importants dans l'histoire de la justice pénale. Depuis son introduction dans notre système juridique, tant le périmètre de l'intervention du jury que les modalités de sélection des jurés ont fait l'objet d'évolutions qui ont conduit au système actuel.

Le jury tel que nous le connaissons aujourd'hui a été introduit en France sous la Révolution.

La procédure criminelle qui résultait de l'ordonnance de 1670 était en effet très critiquée, en raison de son caractère arbitraire, du secret de l'instruction, du système des preuves légales et du manque de garanties accordées aux droits de l'accusé.

La constitution de 1791 consacre le recours au jury pour juger des infractions en matière criminelle. Ce principe fut ensuite mis en application par la loi du 16 et 29 septembre 1791 qui créa à la fois un jury d'accusation chargé de l'instruction, et un jury de jugement, composante populaire du tribunal criminel départemental, chargé de statuer sur la culpabilité de l'accusé.

Le tribunal criminel départemental est l'ancêtre de la Cour d'assises, créée en 1811. Elle puise dans son héritage de nombreux traits caractéristiques : nomination des magistrats, recrutement des jurés parmi les électeurs aisés d'au moins 30 ans, et une procédure de jugement oral.

Le jury d'accusation fut supprimé par le code d'instruction criminelle de 1808. Le jury de jugement fut maintenu. La composante citoyenne des nouvelles cours d'assises était formée de douze jurés, tirés au sort sur une liste établie par le préfet et composée des noms de citoyens choisis en raison de leur fortune, de leur instruction et de leur profession. Il s'agit d'un jury plus censitaire que populaire. Les membres du jury délibéraient et statuaient sur la culpabilité de l'accusé, selon le principe de la majorité.

En 1832, la loi investit légalement les jurés du pouvoir d'abaisser les sanctions, grâce aux circonstances atténuantes.

Au début du XXème siècle, une modification est intervenue aux fins de supprimer le principe de la séparation du fait et du droit. Par la suite, avec la loi du 5 mars 1932, les jurés sont associés aux magistrats de la cour pour délibérer et voter sur la peine. Ainsi, ils obtiennent réellement la maîtrise des suites de leur décision sur la culpabilité de l'accusé.

B. Le jury criminel depuis le code de procédure pénale

Le jury a été maintenu dans le code de procédure pénale de 1958. Quelques modifications ont été apportées : le nombre de jurés de jugement a été porté à neuf et une « minorité de faveur » a été instituée au profit de l'accusé pour toute décision qui lui serait défavorable. Il en résulte qu'aucune décision ne peut être prise contre un accusé sans l'assentiment de la majorité des membres du jury.

Depuis 1958, le jury d'assises a fait l'objet de deux réformes :

• la loi du 28 juillet 1978 a substitué le tirage au sort pur et simple au système de sélection partielle opéré jusque là par les autorités locales : ce n'est donc que depuis cette loi qu'il s'agit d'un jury réellement « populaire », désigné par tirage au sort et non par sélection. Si auparavant la loi prévoyait que les magistrats étaient théoriquement responsables du processus de sélection, c'étaient en pratique les élus locaux qui s'en chargeaient.

• la loi du 15 juin 2000 a instauré l'appel des décisions des cours d'assises. La loi prévoit non pas une juridiction d'appel mais un nouveau procès devant une autre cour d'assises, composée de douze jurés au lieu de neuf.

Rappelons que, à la différence des Cours d'assises jugeant les infractions de droit commun, la Cour d'assises compétente à l'égard de la criminalité terroriste siège toujours sans jury. Par dérogation aux règles habituelles, la Cour d'assises est alors « composée d'un président et, lorsqu'elle statue en premier ressort, de six assesseurs, ou lorsqu'elle statue en appel, de huit assesseurs » (article 698-6 du code de procédure pénale). Ces assesseurs, tous magistrats de carrière, sont désignés par le premier président de la cour d'appel

Cette extension, par une loi du 9 septembre 1986, de la compétence de la cour d'assises spécialement composée (qui existait depuis 1982 en matière de jugement de crimes militaires en temps de paix) a en effet été rendue nécessaire suite au procès en 1986 de membres d'Action Directe. Des menaces ayant été proférées par les accusés, certains jurés ont refusé de siéger et le procès a du être renvoyé. C'est la raison qui a conduit le législateur à faire juger les crimes de terrorisme par des magistrats professionnels.

Saisi de cette question à l'occasion de l'examen de la conformité à la Constitution de cette loi, le Conseil constitutionnel a souligné l'intérêt constitutionnel que présentait, pour une bonne administration de la justice, l'absence de jury populaire (Cons. const., décis. no 86-213 DC, 3 sept. 1986, Rec. Cons. const. p. 122, consid. n° 24).

Sa compétence a d'ailleurs été élargie en 1994 au jugement des crimes de trafic de stupéfiant.

Un projet de tribunal criminel, porté par Jacques Toubon en 1996, prévoyait l'instauration d'un tribunal d'assises départemental composé de trois magistrats professionnels et de cinq jurés tirés au sort.

L'appel, formé par le condamné ou le parquet aurait été formé devant la cour d'assises dont le ressort aurait été identique à la cour d'appel. La composition de cette cour n'aurait pas été modifiée (3 magistrats professionnels et 9 jurés tirés au sort). Les décisions de culpabilité y auraient été prises à la majorité qualifiée de 8 voix au moins (sur douze votants).

Ce projet n'a pas été mené à terme.

1.1.1.2. Le tribunal pour enfants

La loi du 22 juillet 1912, qui a instauré le principe de spécialisation des juridictions pour mineurs, n'avait pas prévu d'échevinage. Cette particularité a été introduite par la loi du 27 juillet 1942 qui adjoignait deux assesseurs issus de la société civile aux trois magistrats du tribunal pour enfants pour le jugement des crimes commis par les mineurs.

L'ordonnance du 2 février 1945 a retenu cet échevinage en instaurant désormais un tribunal pour enfants compétent en première instance pour juger les délits commis par des mineurs et composé d'un juge des enfants assisté de deux assesseurs issus de la société civile.

Suivant les articles L251-3 et L251-4 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal pour enfants est composé d'un juge des enfants, président, et de deux assesseurs choisis parmi des personnes âgées de plus de trente ans, de nationalité française et qui se sont signalées par l'intérêt qu'elles portent aux questions de l'enfance et par leurs compétences.

Les personnes intéressées doivent faire acte de candidature auprès du tribunal pour enfants de leur domicile. Les assesseurs, nommés par arrêté du ministre de la Justice pour 4 ans, sont choisis sur une liste de candidats présentée par le premier président de la cour d'appel.

L'article R251-6 prévoit que l'effectif des assesseurs des tribunaux pour enfants est fixé, dans chaque juridiction, à raison de deux assesseurs titulaires et quatre assesseurs suppléants par juge des enfants. Toutefois, cet effectif est fixé à deux assesseurs titulaires et à deux assesseurs suppléants par juge des enfants, dans les juridictions pour enfants comprenant au moins cinq magistrats.

Les candidats retenus pour être assesseurs titulaires ou suppléants prêtent alors serment devant le tribunal de grande instance de bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de garder religieusement le secret des délibérations.

Chaque assesseur a un pouvoir de décision égal à celui du juge des enfants puisque les décisions rendues au tribunal pour enfants sont prises à la majorité des voix.

Les assesseurs sont bénévoles, mais les journées d'audience sont indemnisées. L'article R251-13 prévoit qu'il est attribué aux assesseurs titulaires et suppléants, les jours où ils assurent le service de l'audience, une indemnité calculée sur le traitement budgétaire moyen, net de tout prélèvement, des juges du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le tribunal pour enfants a son siège. Les assesseurs titulaires et suppléants perçoivent en outre, s'il y a lieu, les frais et indemnités prévus par les articles R. 141 et R. 142 du code de procédure pénale, c'est-à-dire les indemnités de transport et de séjour en cas de besoin.

1.1.1.3. La chambre de l'application des peines de la cour d'appel

La représentation de la société civile existe déjà en matière d'application des peines en appel uniquement : il s'agit de la formation de la chambre de l'application des peines (3 magistrats de la cour) élargie à deux représentants de la société civile, l'un responsable d'une association d'aide aux victimes et l'autre d'une association de réinsertion des condamnés (art. 712-13 CPP).

Elle est compétente pour statuer en appel sur les décisions du tribunal de l'application des peines concernant le relèvement de période de sûreté (toujours compétence TAP), la libération conditionnelle et la suspension de peine (compétence TAP lorsque la peine est supérieure à dix ans ou reliquat restant à subir supérieur à trois ans).

Les deux assesseurs non professionnels et leurs deux suppléants sont désignés par le premier président de la cour d'appel, après avis de l'assemblée générale des magistrats du siège pour une durée de trois ans (article D 49-9 CPP). Ces personnes prêtent serment.

Cette formation, dans les cours de Bourges, Dijon, Nancy et Versailles, a sa compétence élargie à plusieurs ressorts de cours d'appel. (Art D 49-10 CPP).

Difficultés pratiques évoquées quant à la chambre d'application des peines élargie :

La pratique de la chambre d'application des peines (CHAP) élargie suscite deux types de réserves récurrentes de la part des juridictions :

- la disponibilité des assesseurs : en effet il y a seulement un titulaire et un suppléant pour chaque représentant, de sorte que la fixation des audiences peut s'avérer délicate ;

- la question de l'impartialité de l'association lorsque, par exemple, l'association de réinsertion représentée à l'audience est précisément celle avec laquelle est envisagé le projet de sortie. Or dans de nombreux ressorts les associations qui sont prêtes à participer à la CHAP élargie sont celles qui sont actives sur le terrain.

1.1.1.4. Le tribunal correctionnel de Nouvelle-Calédonie

Après l'adoption de la loi du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie, l'organisation judiciaire locale a été adaptée en conséquence par la loi n°89-378 du 13 juin 1989 portant diverses dispositions relatives à l'organisation judiciaire en Nouvelle-Calédonie.

Les principales innovations portaient sur la création de sections détachées du tribunal de première instance et l'introduction d'assesseurs citoyens dans les formations collégiales du tribunal et des sections détachées.

Choisies parmi les citoyens français âgés de plus de 23 ans et présentant des garanties de compétence et d'impartialité, les assesseurs citoyens sont nommés par arrêté ministériel, à partir d'une liste composée, pour le tribunal et pour chacune des sections détachées, de deux assesseurs titulaires et de trois assesseurs suppléants pour chacun d'entre eux. Leur présence est limitée à la seule matière correctionnelle.

Ils sont choisis sur proposition du premier président de la cour d'appel, après avis du procureur général et de l'assemblée générale de la cour, sur une liste préparée par le premier président. Les personnes intéressées doivent se porter candidates auprès du maire de leur commune. Les assesseurs désignés prêtent serment devant la cour d'appel au début de leur premier mandat et ils sont installés publiquement dans leur juridiction d'exercice.

Le recrutement s'appuie en premier lieu sur un volontariat. De plus, les critères légaux de sélection ne visent pas à garantir une égale représentation des composantes de la population locale. Ces critères sont au demeurant limités : impartialité et compétence.

La présence d'assesseurs citoyens dans les juridictions correctionnelles collégiales a un impact budgétaire non négligeable. Pour l'année 2010, il a été versé plus de 56 000 euros au titre des vacations dues aux assesseurs de Nouvelle-Calédonie, dont 48 500 euros pour la seule juridiction de Nouméa, qui tient en moyenne 4 audiences collégiales par semaine.

Les magistrats professionnels appelés à participer aux délibérés avec l'assistance des assesseurs constatent la rigueur et l'investissement réel de la plupart des citoyens assesseurs, mais ils soulignent toutefois que l'absence de formation juridique les contraint à se rallier aux professionnels lorsqu'il s'agit de porter une appréciation de droit, non sans explications qui prolongent le délibéré.

Globalement, leur contribution concerne plus une appréciation sur la culpabilité pourtant rarement contestée en Nouvelle-Calédonie, que sur le choix de la peine, lequel relève de mécanismes juridiques complexes dès lors que la personne poursuivie présente des antécédents judiciaires.

1.1.1.5. Le juge de proximité

A. Compétence des juges de proximité statuant comme président d'une juridiction pénale

La réforme de la justice de proximité a été mise en place par la loi du 9 septembre 2002, complétée par les lois du 26 février 2003, du 26 janvier 2005 et du 5 mars 2007. Celle-ci poursuivait un double objectif : décharger les magistrats de carrière des litiges peu complexes et accroître la participation des citoyens, personnes d'expérience et compétentes issues de la société civile, à l'oeuvre de justice.

678 juges de proximité sont nommés dont 26 sont actuellement en disponibilité. Ce sont tous des professionnels du droit, retraités (38%), en activité (47%) ou à la recherche d'un emploi (15%). Leur moyenne d'âge est de 58 ans et la proportion de femmes est sensiblement plus importante (52%) que celle des hommes (48%).

La juridiction de proximité est compétente pour juger les contraventions des quatre premières classes à l'exception des contraventions de diffamation et d'injure non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire (décret n° 2005-284 du 25 mars 2005), le tribunal de police ayant compétence pour juger toutes les contraventions de la 5 ème classe.

Les affaires pénales terminées s'élèvent en 2009 à plus de 328 000 affaires.

B. Compétence des juges de proximité statuant comme assesseur du tribunal correctionnel :

La loi n° 2005-47 du 26 janvier 2005 prévoit la participation des juges de proximité aux audiences collégiales correctionnelles.

Cette activité correspond à près de 40% des vacations versées aux juges de proximité. Ce qui confirme la reconnaissance des juges de proximité comme des partenaires à part entière.

1.1.2. Participation des citoyens à des juridictions non pénales

1.1.2.1. Le tribunal de commerce

Le tribunal de commerce tranche, de manière générale, les litiges entre commerçants ou entre commerçants et sociétés commerciales, et ceux qui portent sur les actes de commerce.

Le tribunal de commerce est composé de juges non professionnels, des commerçants bénévoles, élus pour 2 ou 4 ans par d'autres commerçants.

Le tribunal de commerce est composé d'un président, un vice-président et un nombre variable de présidents de chambre et de juges consulaires.

La formation de jugement doit comporter au moins trois juges élus (dont éventuellement le président).

1.1.2.2. Le conseil de prud'hommes

Le conseil de prud'hommes est compétent pour régler des litiges entre salariés et employeurs. Lorsqu'il est saisi d'une affaire, le conseil de prud'hommes tente obligatoirement de concilier les adversaires. En cas d'échec de la conciliation, il rend un jugement.

Ce tribunal est composé de juges non professionnels élus, les "conseillers prud'homaux", représentant, en nombre égal et pour moitié, les employeurs et les salariés. Les conseillers employeurs et salariés se prononcent sur une affaire à égalité des voix. Cependant, en cas de partage de voix, le conseil de prud'hommes se réunit à nouveau sous la présidence d'un magistrat du tribunal d'instance, juge départiteur : cette nouvelle audience permet de départager les conseillers.

Chaque conseil de prud'hommes est divisé en 5 sections spécialisées dans les principaux secteurs du monde du travail (encadrement, industrie, commerce et services commerciaux, agriculture, activités diverses).

Chacune de ces sections comprend au moins un bureau de conciliation et un bureau de jugement. Le bureau de conciliation comprend 2 conseillers, 1 représentant des salariés et 1 représentant des employeurs. Le bureau de jugement comprend théoriquement 2 représentants des salariés, 2 représentants des employeurs et 1 magistrat professionnel qui préside l'audience, lorsqu'il y a départage.

1.1.2.3. Le tribunal paritaire des baux ruraux

L'article L. 491-1 du code rural prévoit qu'il est créé au siège de chaque tribunal d'instance un tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) qui est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux. Il est présidé par le juge d'instance et comprend, en outre, en nombre égal, des bailleurs non preneurs et des preneurs non bailleurs.

Le garde des sceaux détermine par arrêté les tribunaux qui comportent deux sections (article R492-1 du code rural). Chaque section est composée de 4 assesseurs au moins, dont deux représentants des bailleurs et deux représentants des preneurs (R492-1 du code rural). Un arrêté du 2 octobre 2009 détermine la liste des tribunaux dans lesquels siègent plus de quatre assesseurs titulaires par section (6 ou 8) (R.492-1 du code rural).

Les assesseurs sont élus. Les bailleurs et les preneurs doivent, pour pouvoir être inscrits sur les listes dressées en vue de pourvoir à l'élection des membres assesseurs, réunir certaines conditions ; de même, certaines conditions sont requises pour être éligibles.

Sont éligibles les électeurs de nationalité française, âgés de vingt-six ans au moins possédant depuis cinq ans la qualité de bailleur ou de preneur de baux à ferme ou à métayage et ayant fait une déclaration de candidature (L.492-2 du code rural).

Le représentant de la personne morale est éligible si la personne morale qu'il représente possède depuis cinq ans la qualité de bailleur ou de preneur, s'il est lui-même âgé de plus de vingt-six ans et s'il a fait une déclaration de candidature (L.492-2 du code rural).

Les assesseurs sont élus pour un mandat de 6 ans (L.492-4 du code rural), suivant un scrutin uninominal majoritaire à un tour dans le ressort de chaque tribunal (L.492-3 du code rural).

Sont déclarés élus titulaires les bailleurs et les preneurs ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages. Sont ensuite déclarés suppléants les bailleurs et les preneurs dans l'ordre des voix obtenues lors de l'élection (L.492-3 du code rural).

1.1.2.4. Contentieux de la sécurité sociale

A. Le tribunal des affaires de sécurité sociale

Les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) ont été institués par la loi n°85-10 du 3 janvier 1985 en remplacement des commissions de première instance.

Les TASS sont composés d'un magistrat du siège, qui préside, et de deux assesseurs, dont l'un représente les travailleurs salariés et l'autre, les employeurs et les travailleurs indépendants. Les assesseurs appartiennent aux professions agricoles lorsque le litige intéresse un ressortissant de ces professions, et aux professions non agricoles dans le cas contraire (article L.142-4 du code de la sécurité sociale). Ils sont désignés pour une durée de trois ans.

Il y a 2450 assesseurs pour le régime général et 1200 pour le régime agricole soit 3650 au total.

B. Le tribunal du contentieux de l'incapacité

Selon l'article L.143-1 du CSS, les tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) comprennent trois membres. Ils se composent d'un président, d'un assesseur représentant les travailleurs salariés et d'un assesseur représentant les employeurs ou travailleurs indépendants. Ils peuvent comporter plusieurs formations de jugement (R .143-3-2).

Le président du tribunal et les présidents de formations de jugement sont des magistrats honoraires ou, majoritairement, des personnes qualifiées, désignés par arrêté du garde des sceaux ministre de la justice et des libertés pour trois ans, sur proposition des premiers présidents.

Il y a 2100 assesseurs pour le régime général et 550 pour le régime agricole soit 2650 au total.

1.1.3. Procédure d'établissement des listes et tirage au sort des jurés d'assises

La composition du jury d'une Cour d'assises est issue d'un processus de tirage au sort en trois grandes étapes. Les jurés doivent remplir certaines conditions. Ils sont indemnisés.

1.1.3.1. L'établissement de la liste annuelle

Dans le ressort de chaque cour d'assises, il est établi une liste annuelle du jury criminel.

A. Etablissement de la liste préparatoire : l'intervention du préfet et des maires

La liste préparatoire comprend un juré pour 1300 habitants, sans toutefois que le nombre des jurés puisse être inférieur à 200 (pour la cour d'assises de Paris, 1800 jurés). Ce nombre peut être plus élevé si le nombre de sessions tenues chaque année par la cour d'assises le justifie.

• Elaboration d'un arrêté de répartition par le préfet : chaque année au mois d'avril, le préfet prend un arrêté de répartition proportionnelle au tableau officiel de la population, qu'il adresse aux différentes communes du département.

• Elaboration de la liste préparatoire par chaque maire : après avoir reçu l'arrêté de répartition, le maire de chaque commune procède à l'établissement de la liste préparatoire. Cette liste est dressée à la suite d'un tirage au sort public, sur les listes électorales, d'un nombre triple de celui prévu par le préfet. A Paris, le tirage au sort est effectué, dans chaque arrondissement, par l'officier d'état civil désigné par le maire.

Ainsi, environ 165 000 personnes sont tirées au sort chaque année par les maires. Ceux-ci avisent les personnes tirées au sort en les informant de leurs droits (notamment la possibilité de demander à être dispensé avant le 1 er septembre) et obligations. Ils leur demandent en outre de lui indiquer leur profession.

Ils doivent informer le greffier en chef de la cour d'assises des inaptitudes légales (art. 255, 256 et 257), qui frapperaient les personnes tirées au sort. Ils peuvent, en outre, présenter des observations sur le cas des personnes qui, pour des motifs graves, ne paraissent pas en mesure d'exercer les fonctions de juré.

B. Transmission de la liste préparatoire au greffe de la cour d'assises

Le greffe de la cour d'appel ou du tribunal de grande instance siège de la cour d'assises doit recevoir la liste préparatoire avant le 15 juillet afin d'en assurer le traitement administratif. Il procède notamment à la vérification du casier judiciaire et de l'inscription au répertoire civil.

C. Etablissement de la liste annuelle par la commission départementale

Au cours du mois de septembre, la commission départementale se réunit pour établir la liste annuelle. Elle est composée de conseillers généraux, du bâtonnier, du procureur de la République ou du procureur général et de trois magistrats du siège désignés chaque année par l'assemblées générale de la juridiction.

Avant le tirage au sort, la commission examine tous les cas d'incompatibilités et d'incapacités des requêtes des intéressés, et décide des exclusions. Elle procède à 2 tirages au sort successifs :

- pour la liste annuelle des titulaires

- pour la liste spéciale des jurés suppléants

Le greffe dresse le procès-verbal de la séance comprenant les deux listes de jurés et adresse les 2 listes aux maires de chaque commune. Le président de la CA ou du TGI peut retirer les noms de ces personnes des listes correspondantes.

1.1.3.2. Etablissement de la liste de session

A. Tirage au sort de la liste

• 30 jours au moins avant l'ouverture des assises , le premier président de la CA ou le président du TGI, siège de la cour d'assises, tire au sort la liste de session en audience publique. Cette liste est composée des noms de :

• 40 jurés titulaires sur la liste annuelle ;

• 12 jurés suppléants sur la liste spéciale.

Si, parmi les noms tirés au sort, figurent ceux d'une ou de plusieurs personnes décédées ou ne remplissant pas les conditions légales pour être jurés, ou ayant exercé les fonctions de juré dans le département depuis moins de cinq ans, ou ceux qui, dans l'année, ont satisfait aux réquisitions prescrites par l'article 267, le président les remplace en tirant au sort d'autres personnes et leur nom est retiré de la liste correspondante.

15 jours au moins avant l'ouverture de la session, le greffier de la cour d'assises doit  convoquer, par courrier, chacun des jurés titulaires et suppléants.

Cette convocation précise la date et l'heure d'ouverture de la session, sa durée prévisible et le lieu où elle se tiendra. Elle rappelle l'obligation, pour tout citoyen requis, de répondre à cette convocation sous peine d'être condamné à l'amende prévue par l'article 288 du code de procédure pénale. Elle invite le juré convoqué à renvoyer, par retour du courrier, au greffe de la cour d'assises le récépissé joint à la convocation, après l'avoir dûment signé.

Le greffier établit, à partir du procès-verbal de tirage au sort, la liste de session des jurés sur laquelle figurent uniquement leur nom, prénoms, lieu de naissance et profession

Le greffier de la cour d'assises adresse la liste à l'huissier en vue de la signification à chaque accusé, avec l'indication de la date d'ouverture des débats

B. Révision de la liste dès l'ouverture de la session

Aux lieu, jour et heure fixés pour l'ouverture de la session, la cour prend séance, pour procéder à la révision de liste de session.

Le greffier informe les jurés des modalités d'indemnisation et répond à toutes les questions des jurés sur ce point. Il rédige l'arrêt de révision qui fixe la liste définitive des jurés de la session. Si l'arrêt modifie la liste de session, il doit être rédigé et signé le jour même pour permettre la communication de la liste corrigée à l'accusé au moins une heure avant son procès. Enfin il notifie, avant l'ouverture des débats, tout arrêt modifiant la composition de la liste de session à l'accusé. Celui-ci ou son avocat peut demander qu'un délai, qui ne pourra excéder une heure, soit observé avant l'ouverture des débats. Il s'agit ici de tout arrêt qui aurait des conséquences sur l'exercice du droit de récusation par l'accusé.

Dans la continuité de l'audience, une action d'information est menée auprès des jurés et une visite du centre pénitentiaire effectuée.

1.1.3.3. Tirage au sort du jury avant chaque procès criminel

Pour chaque procès, le président tire au sort les 9 jurés titulaires en 1 er ressort et les 12 en appel. Sont tirés au sort également un ou plusieurs jurés supplémentaires, qui assistent aux débats et qui pourront remplacer les jurés de jugement en cas d'empêchement.

Le greffier doit faire l'appel des jurés non excusés. Une carte portant leur nom est déposée dans une urne. Le président tire au sort un juré dont il lit le nom à voix haute, celui-ci se dirige devant la cour puis le ministère public ou l'avocat de l'accusé exerce leur droit de récusation.

Le tirage au sort s'arrête dès que le nombre suffisant de jurés ont été désignés.

1.1.3.4. Conditions requises pour être juré

A. Conditions d'aptitude

Peuvent seuls remplir les fonctions de juré, conformément à l'article 255 du CPP :

- les citoyens de l'un ou de l'autre sexe,

- âgés de plus de vingt-trois ans,

- sachant lire et écrire en français, jouissant des droits politiques, civils et de famille,

- et ne se trouvant dans aucun cas d'incapacité ou d'incompatibilité énumérés par les deux articles suivants.

B. Incapacités

L'Article 256 du CPP prévoit un certain nombre d'incapacités, telles qu'une condamnation pour crime ou une condamnation pour délit à une peine égale ou supérieure à six mois d'emprisonnement, les personnes en état d'accusation ou encore les majeurs en tutelle ou curatelle.

C. Incompatibilités :

Les fonctions de juré sont incompatibles avec celles qui sont énumérées à l'article 257 du CPP, à savoir :

1° Membre du Gouvernement, du Parlement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique, social et environnemental ;

2° Membre du Conseil d'Etat ou de la Cour des comptes, magistrat de l'ordre judiciaire, membre des tribunaux administratifs, magistrat des tribunaux de commerce, assesseur des tribunaux paritaires de baux ruraux et conseiller prud'homme ;

3° Secrétaire général du Gouvernement ou d'un ministère, directeur de ministère, membre du corps préfectoral ;

4° Fonctionnaire des services de police ou de l'administration pénitentiaire et militaire de la gendarmerie, en activité de service.

La cour ordonne, en outre, que soient provisoirement retirés de la liste, éventuellement modifiée, les noms des conjoints, parents et alliés jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement de l'accusé ou de son avocat, ainsi que les noms de ceux qui, dans l'affaire, sont témoins, interprètes, dénonciateurs, experts, plaignants ou parties civiles ou ont accompli un acte de police judiciaire ou d'instruction.

D. Dispenses

Sont dispensées des fonctions de juré :

- les personnes âgées de plus de soixante-dix ans ;

- les personnes n'ayant pas leur résidence principale dans le département siège de la cour d'assises lorsqu'elles en font la demande ;

- le cas échéant les personnes qui invoquent un motif grave reconnu valable par la commission.

E. Exclusions

Les jurés suppléants et ceux qui ont rempli les fonctions de juré dans le département depuis moins de cinq ans sont exclus ou rayés de la liste annuelle des jurés et de la liste spéciale.

Une objection morale d'ordre laïque ou religieux ne constitue pas un motif grave susceptible de justifier l'exclusion de la liste des jurés.

La commission précitée peut également exclure les personnes qui, pour un motif grave, ne paraissent pas en mesure d'exercer les fonctions de juré.

L'inobservation des dispositions des articles 258 et 258-1 du CPP n'entache d'aucune nullité la formation du jury.

1.1.3.5. Indemnités versées aux jurés

Les jurés perçoivent une indemnité, qui entre dans la catégorie des frais de justice, payée par le Trésor public. Les articles R 139 et suivants du code de procédure pénale distinguent trois catégories de dépenses :

- les indemnités de session

- les frais de voyage

- les indemnités journalières de séjour

Les indemnités de séjour sont dues pour chaque journée de présence du juré, au vu de la certification par le greffier de la cour d'assises, à la demande du juré intéressé.

Les frais de voyage sont payés sur présentation par le juré d'une ordonnance rendue par le président du tribunal d'instance de sa résidence motivée par l'impossibilité de subvenir aux frais de déplacement.

Un acompte est versé au juré par le régisseur d'avances qui en fait mention en marge de la notification délivrée au juré.

Le régisseur peut solliciter un complément d'avances pour faire face aux dépenses exceptionnelles liées aux sessions d'assises.

Les reliquats de compléments d'avance sont reversés au comptable assignataire dans le délai d'un mois à compter de la date de paiement de ces dépenses.

1.1.4. Fonctionnement actuel des tribunaux correctionnels

1.1.4.1. Compétence matérielle

L'article 381 du code de procédure pénale dispose que « le tribunal correctionnel connaît des délits. Sont des délits les infractions que la loi punit d'une peine d'emprisonnement ou d'une peine d'amende supérieure ou égale à 3 750 euros » .

Il juge également les exceptions préalables dont la résolution est nécessaire pour statuer sur l'action publique et contrôle la régularité de la procédure

Il statue sur l'action civile, distincte de l'action publique, en ce qu'elle tend à l'indemnisation de la victime

La pratique de la correctionnalisation judiciaire peut le conduire à connaître d'infractions qui, juridiquement, constituent des crimes

1.1.4.2. Compétence territoriale

Il y a au moins un tribunal correctionnel par département. Territorialement, le tribunal correctionnel voit sa compétence établie soit par le lieu de commission de l'infraction, soit par celui de résidence ou d'arrestation du prévenu, soit encore par celui de sa détention.

Ces règles connaissent des exceptions dans certaines matières (abandon de famille, infractions financières, infractions à la législation sur les chèques, terrorisme, corruption)

1.1.4.3. Mode de saisine

Conformément aux dispositions de l'article 388, « le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation, soit par la convocation par procès-verbal, soit par la comparution immédiate, soit enfin par le renvoi ordonné par la juridiction d'instruction » .

Le tribunal correctionnel peut également être saisi par la victime ayant personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction (articles 2, 388 et 531 du Code de procédure pénale.)

1.1.4.4. Composition et tenue des audiences

En principe, en application des dispositions de l'article 398 du code de procédure pénale , « le tribunal correctionnel est composé d'un président et de deux juges » .

Toutefois, pour le jugement des délits énumérés à l'article 398-1, il est composé d'un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs conférés au président. Sont exclues les affaires jugées en comparution immédiate, celles dans lesquelles le prévenu se trouve placé en détention provisoire et celles connexes à une infraction relevant de la formation collégiale.

La loi édicte les règles applicables en cas de saisine d'une formation normalement incompétente et prévoit la possibilité facultative de renvoyer vers la formation collégiale le jugement d'une affaire complexe relevant normalement du juge unique.

Toutefois, comme le prévoit l'article 398-2, le tribunal correctionnel siégeant à juge unique peut, si ce renvoi lui paraît justifié en raison de la complexité des faits ou, au regard notamment des dispositions du dernier alinéa, en raison de l'importance de la peine susceptible d'être prononcée, décider, d'office ou à la demande des parties ou du ministère public, de renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel siégeant en formation collégiale. Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours.

Il convient de souligner que le tribunal correctionnel siégeant à juge unique ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure à cinq ans.

De même, le tribunal statue obligatoirement en formation collégiale lorsque le prévenu est en état de détention provisoire lors de sa comparution à l'audience ou lorsqu'il est poursuivi selon la procédure de comparution immédiate. Il statue également dans les conditions prévues par le premier alinéa de l'article 398 pour le jugement des délits prévus au présent article lorsque ces délits sont connexes à d'autres délits non prévus par cet article.

Il existe une procédure spécifique, dite de « comparution immédiate », régie aux articles 395 et suivants du code de procédure pénale

Conformément à la possibilité offerte par l'article 395 du code de procédure pénale, « le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans, le procureur de la République, lorsqu'il lui apparaît que les charges réunies sont suffisantes et que l'affaire est en l'état d'être jugée, peut, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.

En cas de délit flagrant, si le maximum de l'emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à six mois, le procureur de la République, s'il estime que les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate, peut traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal.

Le prévenu est retenu jusqu'à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même ; il est conduit sous escorte devant le tribunal » .

Le tribunal statue alors nécessairement selon la formation collégiale.

Il convient de noter que la procédure de comparution immédiate n'est pas applicable aux mineurs, ni en matière de délits de presse, de délits politiques ou d'infractions dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale (article 397-6).

L'article 396 poursuit en précisant que « si la réunion du tribunal est impossible le jour même et si les éléments de l'espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention, statuant en chambre du conseil avec l'assistance d'un greffier.

(...) Il peut placer le prévenu en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant le tribunal.

(...) Si le juge estime que la détention provisoire n'est pas nécessaire, il peut soumettre le prévenu, jusqu'à sa comparution devant le tribunal, à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique. Le procureur de la République notifie alors à l'intéressé la date et l'heure de l'audience selon les modalités prévues au premier alinéa de l'article 394. Si le prévenu placé sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique se soustrait aux obligations qui lui sont imposées, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 141-2 sont applicables » .

Il convient de préciser, en application de l'article 397, que le prévenu ne peut être jugé le jour même qu'avec son accord. Cet accord ne peut être recueilli qu'en présence de son avocat ou, si celui-ci n'est pas présent, d'un avocat désigné d'office sur sa demande par le bâtonnier.

« Si le prévenu ne consent pas à être jugé séance tenante ou si l'affaire ne paraît pas en état d'être jugée, le tribunal, après avoir recueilli les observations des parties et de leur avocat, renvoie à une prochaine audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à deux semaines, sauf renonciation expresse du prévenu, ni supérieur à six semaines.

Lorsque la peine encourue est supérieure à sept ans d'emprisonnement, le prévenu, informé de l'étendue de ses droits, peut demander que l'affaire soit renvoyée à une audience qui devra avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois, sans être supérieur à quatre mois.

Dans les cas prévus par le présent article, le prévenu ou son avocat peut demander au tribunal d'ordonner tout acte d'information qu'il estime nécessaire à la manifestation de la vérité relatif aux faits reprochés ou à la personnalité de l'intéressé. Le tribunal qui refuse de faire droit à cette demande doit rendre un jugement motivé » (article 397-1).

L'article 397-2 permet que « à la demande des parties ou d'office, le tribunal peut commettre par jugement l'un de ses membres ou l'un des juges d'instruction de la juridiction désigné dans les conditions de l'article 83, alinéa premier, pour procéder à un supplément d'information ; les dispositions de l'article 463 sont applicables.

Le tribunal peut, dans les mêmes conditions, s'il estime que la complexité de l'affaire nécessite des investigations supplémentaires approfondies, renvoyer le dossier au procureur de la République.

Le tribunal statue au préalable sur le maintien du prévenu en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant un juge d'instruction. Cette comparution doit avoir lieu le jour même, à défaut de quoi le prévenu est remis en liberté d'office. Toutefois, si les faits relèvent de la compétence d'un pôle de l'instruction et qu'il n'existe pas de pôle au sein du tribunal de grande instance, cette comparution doit intervenir devant le juge d'instruction du pôle territorialement compétent dans un délai de trois jours ouvrables, à défaut de quoi le prévenu est remis en liberté d'office » .

Conformément à l'article 397-3, le prévenu peut également être placé sous contrôle judiciaire.

Dans le cadre de cette procédure, la juridiction peut assortir une peine d'emprisonnement ferme d'un mandat de dépôt, quel que soit le quantum prononcé (article 397-4).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL ET CONVENTIONNEL PERMETTANT LE RECOURS À DES CITOYENS ASSESSEURS

1.2.1 Cadre constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur la conformité avec la Constitution de la présence de citoyens assesseurs au sein des juridictions pénales, et notamment sur la présence d'un jury pour former la cour d'assises.

Cependant, quatre décisions rendues par cette juridiction ont un lien direct avec le projet de loi relatif à la participation des citoyens à la justice pénale :

- -la décision n°75-56 DC du 23 juillet 1975 relative à la loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale, spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du code de procédure pénale ;

- la décision n°86-213 DC du 03 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat ;

- la décision n°2004-510 DC du 20 janvier 2005 relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance ;

- la décision n°2010-10 QPC du 02 juillet 2010 consorts C. et autres [tribunaux maritimes commerciaux].

A. La question de l'exigence d'un nombre minoritaire de non-professionnels dans les compositions correctionnelles repose sur la jurisprudence du Conseil Constitutionnel du 20 janvier 2005 relative à la juridiction de proximité .

En effet, le Conseil a indiqué dans ses considérants 16 et 17 :

« 16. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution : " Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi " ; que, si ces dispositions s'opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels, elles n'interdisent pas, par elles-mêmes, que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges ;


« 17. Considérant, toutefois, que doivent être apportées en pareil cas des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions judiciaires, ainsi qu'aux exigences de capacité, qui découlent de l'article 6 de la Déclaration de 1789 ; que, s'agissant des formations correctionnelles de droit commun, la proportion des juges non professionnels doit rester minoritaire »

Le Conseil Constitutionnel rappelle donc que si l'article 66 de la Constitution ne s'oppose pas à ce qu'une juridiction pénale au sein de laquelle siègent des juges non professionnels puisse prononcer des mesures privatives de liberté, la proportion de juges non professionnels doit être minoritaire , et des garanties appropriées doivent être apportées "permettant de satisfaire au principe d'indépendance" (...) "ainsi qu'aux exigences de capacité qui découlent de l'article 6 de la DDHC de 1789 ".

Le Conseil Constitutionnel validait en l'espèce la présence de juges de proximité au sein du tribunal correctionnel en prenant en considération que seul un juge de proximité pouvait siéger dans le tribunal correctionnel composé majoritairement de juges professionnels, et que "les juges de proximité sont soumis aux mêmes droits et obligations que les magistrats de carrière, sous réserve des dérogations et aménagements justifiés par le caractère temporaire de leurs fonctions et leur exercice à temps partiel " et "que les dispositions organiques fixant le statut des juges de proximité apportaient l es garanties d'indépendance et de capacité requises par la Constitution 1 ( * ) " .

Il apparaît donc qu' un tribunal correctionnel composé en majorité de non professionnels serait inconstitutionnel au regard de l'article 66 de la Constitution puisque la présence majoritaire de magistrats de carrière ne serait pas assurée.

Il convient de noter que ce raisonnement se limite aux juridictions de droit commun, telles que visées par la décision du Conseil Constitutionnel de 2005, mais ne concerne pas la juridiction d'assises au sein de laquelle la présence majoritaire de jurés est justifiée - outre le fait que l'ancienneté de cette juridiction pourrait conduire à y voir un principe fondamental reconnu par les lois de la République - par la spécificité des modalités de leur tirage au sort (notamment le système de récusation applicable pour chaque affaire) et, surtout, des modalités de déroulement des audiences (principes d'oralité et de continuité des débats en particulier).

Il aurait pu être envisagé d'attribuer une voix prépondérante au président de la juridiction correctionnelle, à savoir un magistrat professionnel, pour départager une formation composée soit de deux magistrats professionnels et de deux citoyens assesseurs, soit de trois magistrats professionnels et de trois citoyens assesseurs, ce qui aurait conduit à considérer que les magistrats étaient majoritaires en voix, même s'ils n'étaient pas majoritaires en nombre, ce qui aurait permis de respecter la décision du Conseil constitutionnel de 2005.

Toutefois, outre qu'il ne semble pas possible de considérer que l'institution d'une voix prépondérante, qui ne consiste pas à donner une voix de plus à une personne, mais simplement à lui permettre de trancher en cas de partage, assurerait une majorité aux magistrats, cette solution ne serait vraisemblablement pas conforme au principe de la présomption d'innocence proclamé par l'article 9 de la déclaration de 1789, et à la règle qui en découle - et que rappelle l'article 304 du code de procédure pénale - selon lequel le doute doit profiter à l'accusé. Or, si un partage de voix est nécessaire par l'usage de la voix prépondérante, cela signifie qu'il subsiste un doute sur la déclaration de culpabilité du prévenu par la juridiction de jugement.

B. Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel considère de manière constante, et notamment dans sa décision n°86-213 DC du 03 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat (exigences reprises dans sa décision n° 2004-492 du 2 mars 2004), que le législateur peut établir une liste limitative de crimes et délits appelant des règles de procédure pénale spéciales dès lors que cette liste :

• est claire et précise afin de respecter le principe de légalité ;

Les infractions que le législateur retient doivent être rédigées en termes suffisamment clairs et précis pour respecter les principes de légalité et de nécessité des délits et des peines.

• est cohérente et justifiée afin de respecter le principe de proportionnalité ;

La définition des infractions relevant du jugement d'une formation composée de citoyens assesseurs devra être motivée, notamment par la gravité des actes à sanctionner.

Le Conseil Constitutionnel s'attache régulièrement à rappeler le rôle de l'autorité judiciaire dans l'appréciation de l'existence d'éléments, notamment de gravité, qui imposerait des mesures dérogatoires au droit commun, par exemple une rigueur nécessaire au sens de l'article 9 de la Déclaration de 1789.

Toutes les mesures dérogatoires au droit commun doivent en effet être justifiées et bénéficier entre elles d'une certaine cohérence par rapport à la légitimité de l'objectif poursuivi par la loi.

• intéresse un ou plusieurs stades de la procédure pénale : phase d'enquête, de la poursuite, de l'instruction et/ou du jugement ;

Si une liste d'infractions peut faire l'objet de règles de procédure pénale distinctes, et notamment quant aux règles de jugement, le principe d'égalité des citoyens devant la justice se doit pour autant d'être respecté.

C'est ce qu'a indiqué le Conseil Constitutionnel dans ses considérants 5, 6 et 12 de sa décision n° 86-213 DC du 03 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'Etat :

« 5. Considérant que l'application des règles particulières posées par la loi tant en ce qui concerne la poursuite, l'instruction et le jugement qu'en ce qui a trait aux peines applicables est subordonnée à deux conditions : d'une part, que les faits considérés soient constitutifs de certaines infractions définies par le code pénal ou par des lois spéciales ; d'autre part, que ces infractions soient en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ;

« 6. Considérant que la première condition fixée par la loi, qui renvoie à des infractions qui sont elles-mêmes définies par le code pénal ou par des lois spéciales en termes suffisamment clairs et précis, satisfait aux exigences du principe constitutionnel de la légalité des délits et des peines ; que, de même, la seconde condition est énoncée en des termes d'une précision suffisante pour qu'il n'y ait pas méconnaissance de ce principe ; qu'ainsi le premier moyen formulé par les auteurs de la saisine ne saurait être retenu ;

« 12. Considérant qu'il est loisible au législateur, compétent pour fixer les règles de la procédure pénale en vertu de l'article 34 de la Constitution, de prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, pourvu que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense ;

Il apparaîtrait ainsi, a contrario de ce raisonnement, contraire à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel que l'on puisse écarter la présence des citoyens assesseurs de la composition de la comparution immédiate saisie de l'une des infractions de la liste spéciale d'infractions.

En effet, à partir du moment où la loi dispose qu'une infraction doit être jugée, par une formation comprenant des citoyens assesseurs, le choix du mode de poursuite du parquet ne peut en aucun cas modifier les règles spéciales de jugement déterminées par la loi.

C. A contrario, le Conseil Constitutionnel interdit au regard du respect du principe d'égalité devant la loi, que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes.

Ce principe est notamment affirmé dans la décision n°75-56 DC du 23 juillet 1975 relative à la loi modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale, spécialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du code de procédure pénale.

En effet, le Conseil a indiqué dans ses considérants 2 à 7 :

« 2. Considérant que les dispositions nouvelles de l'article 398-1 du code de procédure pénale laissent au président du tribunal de grande instance la faculté, en toutes matières relevant de la compétence du tribunal correctionnel à l'exception des délits de presse, de décider de manière discrétionnaire et sans recours si ce tribunal sera composé de trois magistrats, conformément à la règle posée par l'article 398 du code de procédure pénale, ou d'un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs conférés au président ;

« 3. Considérant que des affaires de même nature pourraient ainsi être jugées ou par un tribunal collégial ou par un juge unique, selon la décision du président de la juridiction ;


« 4. Considérant qu'en conférant un tel pouvoir l'article 6 de la loi déférée au Conseil constitutionnel, en ce qu'il modifie l'article 398-1 du code de procédure pénale, met en cause, alors surtout qu'il s'agit d'une loi pénale, le principe d'égalité devant la justice qui est inclus dans le principe d'égalité devant la loi proclamé dans la Déclaration des Droits de l'homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ;


«5. Considérant, en effet, que le respect de ce principe fait obstacle à ce que des citoyens se trouvant dans des conditions semblables et poursuivis pour les mêmes infractions soient jugés par des juridictions composées selon des règles différentes ;


«6. Considérant, enfin, que l'article 34 de la Constitution qui réserve à la loi le soin de fixer les règles concernant la procédure pénale, s'oppose à ce que le législateur, s'agissant d'une matière aussi fondamentale que celle des droits et libertés des citoyens, confie à une autre autorité l'exercice, dans les conditions ci-dessus rappelées, des attributions définies par les dispositions en cause de l'article 6 de la loi déférée au Conseil constitutionnel ;


«7. Considérant que ces dispositions doivent donc être regardées comme non conformes à la Constitution ;

Au vu de cette argumentation, il est apparu indispensable de doter la cour d'assises simplifiée, c'est-à-dire composée de trois magistrats et de deux citoyens assesseurs, d'une compétence d'attribution. Cette juridiction sera donc compétente pour le jugement d'un certain nombre de crimes limitativement définis.

1.2.2 Cadre conventionnel

La Cour Européenne des Droits de l'Homme ne s'est pas directement prononcée sur la conventionalité de l'existence de magistrats non professionnels siégeant aux côtés de magistrats professionnels au sein des juridictions pénales. Pour autant, la CEDH a tout de même eu l'occasion de préciser sa position sur le fonctionnement des jurys populaires.

L'objectif poursuivi par la Cour est clairement de ne pas " remettre en cause l'institution du jury populaire ".

Ainsi, dans l'arrêt Taxquet contre Belgique du 16 novembre 2010, la Cour indique en effet :

"Devant les cours d'assises avec participation d'un jury populaire, il faut s'accommoder des particularités de la procédure où, le plus souvent, les jurés ne sont pas tenus de - ou ne peuvent pas - motiver leur conviction (paragraphes 85 à 89 ci-dessus)", faisant ainsi sans doute référence implicitement aux particularités procédurales des jurys populaires, et notamment au secret du délibéré et à l'intime conviction ».

La Cour observait au préalable que "la non-motivation des verdicts rendus par les jurys traditionnels semble être la règle générale. Elle s'applique dans tous les pays, à l'exception de l'Espagne et de la Suisse ».

Ainsi, les cadres constitutionnel et conventionnel n'empêchent pas la participation des citoyens à la justice pénale, sous réserve du respect de certaines garanties.

Parmi celles-ci figure la question de la motivation des décisions pénales, et notamment des décisions criminelles, notamment lorsque les juridictions criminelles comprennent des magistrats non-professionnels.

1.2.3 La motivation des arrêts criminels

A. Du point de vue constitutionnel , il existe un principe général en vertu duquel les décisions de justice infligeant une peine doivent être motivées.

Dans un premier temps, le Conseil Constitutionnel ne s'est prononcé sur ce principe qu'à travers les décisions émanant d'autorités administratives. Ainsi par exemple dans sa décision n° 2001-451 DC du 27 novembre 2001 considère-t-il que « sauf pour les décisions prononçant une sanction ayant le caractère d'une punition, les règles et principes de valeur constitutionnelle n'imposent pas par eux-mêmes aux décisions exécutoires émanant d'une autorité administrative ou d'un organisme de sécurité sociale d'être motivées » . De même dans sa décision du 1 er juillet 2004 dite « paquet Télécom », le Conseil Constitutionnel a jugé que : « les règles et principes de valeur constitutionnelle n'imposent pas par eux-mêmes aux autorités administratives de motiver leurs décisions dès lors qu'elles ne prononcent pas une sanction ayant le caractère d'une punition ».

Puis, dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 (cons. 42 et 110), le Conseil constitutionnel vérifie que « la mise en oeuvre de la disposition contestée est placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire à qui il revient d'assortir sa décision d'une motivation spéciale au regard de la gravité de l'infraction » ; mais il s'agissait en l'espèce du prononcé de l'interdiction du territoire français dans le cas de la commission de certaines infractions, qui aurait eu sans cette motivation un caractère automatique.

Enfin, dans sa décision QPC n° 2011-113/115 du 1 er avril 2011, le Conseil Constitutionnel, saisi précisément d'une QPC sur la question de la non motivation des décisions des cours d'assises, a estimé que la motivation des décisions en matière répressive constitue une garantie légale de l'exigence constitutionnelle faite au législateur d'empêcher tout pouvoir arbitraire des juridictions. Il a toutefois considéré qu'en l'espèce il n'y avait pas violation de la Constitution.

Le Conseil Constitutionnel a tout d'abord rejeté le premier grief des requérants invoquant la violation des principes d'égalité devant la loi et la violation des droits de la défense en considérant que le législateur pouvait, en application de l'article 34 de la Constitution, prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent à condition qu'elles ne procèdent pas de discriminations injustifiées.

A ce titre, le Conseil estime d'une part que les personnes accusées de crime devant une cour d'assises sont bien dans une situation différente de celles poursuivies devant d'autres juridictions répressives, ce qui justifie qu'elles soient soumises à des règles différentes de procédure, et d'autre part que les droits de la défense de l'accusé sont assurés tout au long de la procédure suivie devant la cour d'assises, et qu'en conséquence aucune atteinte n'est portée aux droits de la défense garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Sur le grief principal, à savoir que l'absence de motivation des arrêts d'assises serait contraire à la Constitution au regard des articles 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi qu'aux principes du droit à une procédure juste et équitable, d'égalité devant la loi et devant la justice, le Conseil Constitutionnel estime que la Constitution ne confère pas à l'obligation de motivation un caractère général et absolu, l'absence de motivation en la forme ne trouvant de justification qu'à la condition que soient instituées par la loi des garanties propres à exclure l'arbitraire et à assurer le respect des droits de la défense.

Le raisonnement du Conseil Constitutionnel procède d'un examen d'ensemble de la procédure devant la cour d'assises afin d'apprécier le caractère suffisant ou non des garanties contre l'arbitraire.

Ces garanties sont, selon les considérants 12 à 16 de la dite décision :

-les principes d'oralité et de continuité qui régissent les débats devant la cour d'assises, et qui assurent que les magistrats et les jurés ne forgent leur conviction que sur les seuls éléments de preuve et les arguments contradictoirement débattus ;

-le fait que la cour d'assises est saisie par un acte juridictionnel motivé, lu par le greffe et qui détermine la saisine de la cour et les questions principales sur lesquelles les jurés statueront. Est également prise en compte la possibilité pour l'accusé de demander que la liste des questions posées soit complétée afin que la cour d'assises se prononce spécialement sur un élément de fait discuté pendant les débats ;

-la précision des modalités de la délibération de la cour d'assises sur l'action publique fixées par le chapitre VII du titre Ier du livre II du CPP, à savoir le mode de scrutin, l'ordre des questions et le processus par lequel il est statué sur la culpabilité et le cas échéant sur la peine ;

-le contrôle exercé par la Cour de Cassation sur la clarté, la précision et l'individualisation des questions posées à la cour d'assises ;

- les dispositions de l'article 359 du code de procédure pénale selon lesquelles toute décision de la cour d'assises défavorable à l'accusé, doit être adoptée par au moins la majorité absolue des jurés. Ainsi le Conseil a pris en compte le fait que la délibération de la cour d'assises est organisée pour que la décision rendue soit l'expression directe de l'intime conviction de la cour d'assises et en particulier des jurés

Le Conseil constitutionnel a donc, en vertu de ce raisonnement, déclaré conformes à la Constitution les articles 349, 350, 353 et 357 du CPP.

B. Du point de vue conventionnel , la grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Taxquet contre Belgique du 16 novembre 2010, a jugé que la cour d'assises belge ne respectait pas les dispositions de l'article 6§1 de la convention relatives au procès équitable.

Elle explique que l'absence de motivation n'est pas en soi une violation de l'article 6 §1 de la convention : « La Convention ne requiert pas que les jurés donnent les raisons de leur décision et ... l'article 6 ne s'oppose pas à ce qu'un accusé soit jugé par un jury populaire même dans le cas où son verdict n'est pas motivé".

Mais si elle n'exige pas formellement une motivation, et s'adapte ainsi à la présence de jurés populaires dans la composition de la juridiction, institution qu'elle ne condamne pas, elle demande néanmoins que par le biais de garanties procédurales, l'accusé soit mis en mesure de comprendre sa condamnation.

En ce sens, la Cour admet qu'une trame des questions posées suffisamment  précises puisse tenir lieu de motivation : ainsi dans l'arrêt Papon contre France, les 768 questions posées à la cour avaient été jugées suffisantes pour permettre à l'accusé de comprendre sa condamnation, alors que s'agissant de l'arrêt Taxquet contre Belgique, les 32 questions ont été jugées insuffisantes, et la Belgique a été condamnée.

Autrement dit, la Cour se contente d'une motivation implicite.

Dans l'arrêt Taxquet contre Belgique, la Cour indique en effet que : "Dans les procédures qui se déroulent devant des magistrats professionnels, la compréhension par un accusé de sa condamnation est assurée au premier chef par la motivation des décisions de justice.
Dans ces affaires, les juridictions internes doivent exposer avec une clarté suffisante les motifs sur lesquels elles se fondent (voir Hadjianastassiou c. Grèce, no 12945/87, 16 décembre 1992, § 33, série A no 252). La motivation a également pour finalité de démontrer aux parties qu'elles ont été entendues et, ainsi, de contribuer à une meilleure acceptation de la décision. En outre, elle oblige le juge à fonder son raisonnement sur des arguments objectifs et préserve les droits de la défense. Toutefois, l'étendue du devoir de motivation peut varier selon la nature de la décision et doit s'analyser à la lumière des circonstances de l'espèce (Ruiz Torija c. Espagne, précité, § 29). Si les tribunaux ne sont pas tenus d'apporter une réponse détaillée à chaque argument soulevé (Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, § 61, série A no 288), il doit ressortir de la décision que les questions essentielles de la cause ont été traitées (Boldea c. Roumanie, no 19997/02, § 30, CEDH 2007-II).".

Il peut être par ailleurs rappelé que, dans le système français, l'accusé jouit de nombreuses garanties dans la phase qui précède l'audience et lors de l'audience elle-même. L'instruction préalable dans le cadre de laquelle le mis en examen peut intervenir (demande d'actes, appels) aboutit à une ordonnance de mise en accusation, document très détaillé qui comporte la synthèse des éléments à charge et à décharge. Lors d'information et lors de l'audience l'accusé est assisté par un avocat. Il jouit de la faculté de récusation des jurés. Il peut intervenir lors des débats et en cas de condamnation, il peut interjeter appel de la condamnation.

Au vu de ces éléments, on ne peut affirmer que l'accusé ignore les raisons qui ont conduit à la condamnation, même si celles-ci ne sont pas formalisées de la même manière que devant une juridiction correctionnelle 2 ( * ) .

La procédure applicable à notre cour d'assises ne contrevient donc ni au droit à un procès équitable ni aux droits de la défense, et ce n'est donc pas la CEDH qui impose à la France de motiver les décisions criminelles.

Cependant, cette exigence de motivation des décisions criminelles devient prégnante dès lors que le présent projet de loi prévoit que la cour d'assises pourra désormais siéger en premier ressort dans une composition restreinte comprenant 3 magistrats professionnels et 2 citoyens assesseurs.

Cette juridiction criminelle, composée en majorité de magistrats professionnels, sera donc soumise aux impératifs rappelés par la cour européenne des droits de l'homme s'agissant de l'exigence de motivation des décisions rendues par des magistrats professionnels.

Cependant, il serait incohérent que selon l'orientation donnée aux dossiers criminels dans la décision de renvoi, certains jugements criminels, parce qu'ils sont rendus par une majorité de magistrats professionnels, soient motivés, alors que d'autres, parce que le jury populaire sera majoritaire, ne seront pas motivés.

Au vu de ce raisonnement, il a été décidé de généraliser le principe de motivation à toutes les décisions criminelles.

Le système retenu par le présent projet de loi a maintenu la liste de questions prévue à l'article 364 du code de procédure pénale. En effet, ces questions permettent de conduire la réflexion et le raisonnement du jury et de la Cour, étape par étape.

Cependant, à cette feuille de questions, dont les réponses font successivement l'objet d'un vote à bulletin secret (article 357 CPP) sera annexée une feuille de motivation.

En effet, les réponses aux questions ne dispensent pas de motiver la décision finale de culpabilité au vu des faits de l'espèce.

L'hypothèse consistant à compléter la liste des questions afin de les rattacher aux faits de l'espèce, et de se dispenser ainsi d'une motivation écrite, a été écartée car cela aurait conduit, si les questions étaient orientées, à biaiser la réponse, qui ne peut dès lors être qu'affirmative ou négative, et interdit toute nuance.

Il faut noter à cet égard que la Cour de cassation a, jusqu'à présent, cassé des arrêts de cours d'assises qui comportaient des éléments supplémentaires aux réponses aux questions prévues par la loi, notamment des énonciations qui relataient les circonstances des faits et qui évoquaient des éléments de personnalité.

La Cour de cassation a estimé que ces ajouts procédaient d'un excès de pouvoir car « les arrêts de condamnation prononcés par les cours d'assises ne peuvent comporter d'autres énonciations relatives à la culpabilité que celles qui, tenant lieu de motivation, sont constituées par l'ensemble des réponses données par les magistrats et les jurés aux questions posées conformément à l'arrêt de renvoi ».

Dans l'un de ces arrêts, la Cour de cassation avait ajouté « qu'à supposer qu'un tel procédé fût valable, la motivation doit alors se référer de façon précise et circonstanciée au contenu de chaque déposition entendue par la cour d'assises, et préciser sa force probante et que l'arrêt attaqué se trouve ainsi insuffisamment motivé » (Crim. 15 déc.1999).

Le nouvel article 364-1 CPP créé par le présent projet de loi, prévoit donc qu'en cas de condamnation, la motivation, rédigée par le président ou l'un des magistrats assesseurs par lui désigné, énonce les principales raisons qui, pour chacun des faits reprochés à l'accusé, ont convaincu la cour d'assises, telles qu'elles ont été exposées au cours des délibérations menées par le cour et le jury, préalablement aux votes sur les questions.

Ainsi, le caractère secret du vote est préservé afin d'éviter que certains jurés soient influencés dans leurs réponses aux questions.

Le serment des jurés est également modifié afin de prendre en compte l'exigence de motivation des décisions criminelles.

Ainsi, les mots : « La loi ne demande pas compte aux juges [des moyens par lesquels ils se sont convaincus] », sont remplacés par les mots : « Sous réserve de l'exigence de motivation de la décision, la loi ne demande pas compte à chacun des juges et juré composant la cour d'assises [des moyens par lesquels ils se sont convaincus] ».

1.3. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

1.3.1. Les pays où existe une participation citoyenne à la justice pénale

La participation de la société civile à la justice pénale existe dans l'ensemble des pays étudiés sauf aux Pays-Bas et en Turquie où les décisions pénales sont toutes exclusivement rendues par des magistrats professionnels.

S'agissant du jugement des infractions les plus graves, correspondant à celles relevant de nos juridictions criminelles, la participation de jurés aux décisions pénales est largement et répandue. S'agissant des autres infractions, de faible ou de moyenne gravité, comparables en droit français aux contraventions et aux délits, il existe également une participation de la société civile mais dans un nombre plus restreint de pays (Allemagne, Autriche, Danemark, Estonie, Finlande, Norvège, Royaume-Uni, Slovénie et Suède).

Enfin, au stade de l'application des peines, les décisions d'aménagements de peine ne sont pas soumises à des jurés populaires. Si deux pays (Belgique et Italie) admettent une forme d'échevinage en matière d'application des peines, cet assessorat du juge reste toutefois professionnalisé puisque ces échevins restent des experts spécialistes du milieu carcéral (travailleurs sociaux, psychiatres). Les décisions simples sont prises en principe par un juge professionnel unique. Les échevins interviennent dans la prise de décision lorsque la peine d'emprisonnement est importante ou en cas de recours contre une décision du juge unique en Italie.

1.3.2. La nature des infractions jugées par les échevins

Dans deux pays (Autriche et Finlande), la participation citoyenne à la justice concerne exclusivement les infractions de moyenne gravité les plus sérieuses, correspondant à des infractions passibles de plus de 5 ans d'emprisonnement.

Dans les autres pays où l'échevinage est admis, la participation citoyenne n'est pas limitée aux infractions graves mais s'étend plus généralement aux infractions de faible et moyenne gravité (Allemagne, Danemark, Estonie, Norvège, Royaume-Uni, Slovénie et Suède).

Au Royaume-Uni, les « magistrates », juges non professionnels, traitent plus de 90% des affaires pénales. Les infractions relevant de leur compétence sont principalement les summary offences (équivalents à nos contraventions et délits punissables de 6 mois d'emprisonnement, 12 mois en cas de récidive ou d'une amende) mais aussi certaines infractions plus graves, les offences triable either way, telles que le vol, le recel et la tromperie. Dans ce dernier cas, le prévenu décide s'il veut un jury ou non.

En Allemagne, en Norvège, en Slovénie et en Suède, l'éventail des infractions relevant de la compétence d'une justice citoyenne est assez étendu. En Allemagne, les chambres pénales des « Landgerichte » connaissent des affaires dans lesquelles la peine encourue est supérieure à 4 ans ainsi que celles où un internement en psychiatrie à titre de peine principale ou accessoire, ou une détention sûreté est susceptible d'être prononcé Au Danemark, les citoyens sont amenés à rendre la justice lorsque l'affaire est susceptible d'avoir un impact particulièrement important sur la personne poursuivie ou présente un intérêt public particulier.

En Espagne, où il n'existe pas de distinction entre crime et délit, l'échevinage n'existe qu'au sein du « tribunal de Jurado ». Sa compétence est définie par le code criminel à travers une liste d'infractions déterminées (homicides, menaces, non assistance à personne en danger, violation de domicile, incendies de forêt, détournement de scellés, corruption, trafic d'influence, détournement de deniers publics, concussion, prise illégale d'intérêt, aide à l'évasion et délits connexes à ces infractions).

1.3.3. La composition des juridictions au sein desquelles siègent les juges non professionnels

Au Royaume-Uni et en Slovénie, des juges non professionnels peuvent rendre la justice, en l'absence de tout juge professionnel, en collégialité ou à juge unique. Ainsi en Slovénie les infractions passibles d'amende ou de peine de prison inférieure à trois ans sont jugées par un juge unique, non professionnel. Au Royaume-Uni, les « magistrates courts », ne comptent aucun juge professionnel mais dans tous les cas, ces juridictions non professionnelles sont assistés d'un « Clerk of Justices » (en général des « sollicitors ») qui apportent l'éclairage juridique indispensable sur des points de droit complexes et indique le cadre légal de la sanction envisagée.

En Finlande, les juges non professionnels peuvent siéger dans les Cours de district, composées d'un juge professionnel et de trois échevins. En Autriche, une parité existe entre les juges professionnels et les échevins, le « Schöffengericht » étant composé de deux juges professionnels et de deux échevins.

Dans certains pays, la composition varie selon la gravité des infractions et entre la première instance et l'appel. En Suède, les infractions peu graves sont jugées par un juge professionnel, assisté de trois échevins, tandis que les infractions plus sévèrement réprimées sont jugées par un juge professionnel assisté de cinq échevins et en appel par trois juges professionnels et deux échevins. En Allemagne, l' «Amtsgericht », compétent pour juger les infractions passibles d'un emprisonnement n'excédant pas quatre ans, est composé d'un juge professionnel et de deux échevins, tandis que le « Landgericht », compétent pour juger les infractions plus graves, est composé de trois juges professionnels et de deux échevins. En Slovénie, c'est une formation composée de deux juges professionnels et de trois échevins qui connaît les infractions les plus graves, tandis qu'une formation plus restreinte, comprenant un juge professionnel et deux échevins, juge les autres infractions.

Le Danemark et la Norvège présentent certaines similarités, ces deux pays connaissant l'institution de l'échevinage également en cas d'appel. Au Danemark, les infractions punies d'une peine d'emprisonnement inférieure à quatre années sont jugées par un juge professionnel et deux échevins, tandis qu'en cas d'appel, la formation de la Cour amenée à juger ce type d'infraction, réunit trois juges professionnels et trois échevins. En Norvège, le système de l'échevinage est très apprécié, en ce qu'il permet une collaboration étroite entre juges et citoyens, qu'il s'avère peu coûteux, et permet de rendre des décisions de culpabilité motivées. C'est la raison pour laquelle le système du jury serait susceptible de disparaître à l'avenir au profit d'une compétence générale des formations comportant des échevins.

1.3.4. Statut des juges non professionnels

• Les conditions de désignation (incompatibilités, exigence de représentativité, procédures de recrutement)

La plupart des pays ont prévu dans leur législation des incompatibilités avec les fonctions de juge non professionnel. Sont prévues certaines conditions relatives à l'âge du candidat, sa nationalité, l'absence de condamnations antérieures ou à la pleine capacité juridique. Sont généralement exclus du recrutement les personnes exerçant des professions juridiques ou politiques (Allemagne, Autriche, Danemark, Estonie, Norvège et Royaume-Uni).

L'Allemagne, la Norvège et le Royaume-Uni portent une attention toute particulière à la représentativité sociale et géographique des candidats. En Allemagne, les citoyens allemands sont choisis sur une liste dressée par leur commune, qui doit être représentative de la population : tous les âges, tous les sexes, toutes les couches sociales doivent être représentées. En Norvège, la parité Homme/Femme est assurée, les échevins doivent nécessairement résider dans le pays depuis plus de trois ans. Au Royaume-Uni, la parité Homme/Femme est assurée, les candidats doivent vivre et travailler depuis un an au moins près de la juridiction où ils souhaitent être nommés.

Les procédés de recrutement des juges non professionnels sont très variables selon les pays. Les candidats peuvent être recrutés sur la base du volontariat (Royaume-Uni, Estonie, Slovénie, Italie) puis nommés par une commission ou une autorité judicaire. Ils peuvent aussi être élus ou tirés au sort sur une liste (Autriche, Finlande, Danemark, Norvège), ou encore recrutés sur concours (Belgique). Chaque pays adopte l'un de ces systèmes, à l'exception de l'Allemagne qui a retenu un système mixte.

Le Royaume-Uni connaît un système de recrutement qui repose sur la base du volontariat. Tout citoyen âgé entre 27 et 65 ans, sans connaissance juridique préalable, peut se porter candidat à un poste de magistrate, à condition d'être muni de trois références de personnes susceptibles de s'engager sur ses qualités. Ils sont nommés par le Ministère de la justice pour six ans au nom de la Reine.

En Italie, les candidats volontaires aux fonctions d'assesseur au tribunal de surveillance des peines, sont choisis et nommés par le Conseil supérieur de la magistrature, sur proposition du président du tribunal de surveillance des peines.

Au Danemark et en Norvège, les échevins sont élus par une commission désignée par le conseil municipal, sur la base d'une liste d'électeurs. Dans la pratique, la commission a tendance à recruter de préférence les personnes qui sont membres de partis politiques.

En Belgique, les échevins composant le tribunal de l'application des peines sont nommés sur concours. Les candidats au concours, âgés entre 30 et 65 ans, et de nationalité belge, doivent disposer de 5 années d'expérience professionnelle liée au milieu carcéral, et être titulaires d'un Master.

Un système de désignation mixte a été mis en place en Allemagne reposant initialement sur une liste « représentative de la population » dressée par une commune. Cette liste contient également des candidatures spontanées, ainsi que les noms de personnes recommandées ou désignées à la suite de campagnes de recrutement. Cette liste est ensuite transmise au tribunal d'instance réunissant une commission composée du juge d'instance, d'un représentant de l'administration et de sept personnes domiciliées dans le ressort du tribunal. Les échevins sont ensuite élus à la majorité des deux tiers.

• durée des fonctions

La durée des fonctions varie selon les pays. Les échevins sont en général désignés pour une période allant de deux à six ans.

Certains pays encadrent assez strictement l'activité juridictionnelle des échevins, en édictant des dispositions relatives au temps de travail. Au Royaume-Uni les citoyens doivent siéger pendant un minimum de 26 demi-journées de service par an. En Allemagne, au contraire, ils ne peuvent siéger plus de 12 jours au cours d'une même année.

• formation

Certains pays exigent des candidats certaines compétences juridiques ou sociologiques particulières en relation avec les futures fonctions d'assesseur. C'est le cas de la Belgique et de l'Italie, qui recrutent au sein des tribunaux d'application des peines des personnes expérimentées et spécialistes du milieu carcéral (travail de réinsertion, psychologie, psychiatrie, criminologie).

D'autres pays dispensent une formation juridique initiale, ainsi qu'une formation continue aux juges non professionnels. C'est le cas notamment du Royaume-Uni, de la Belgique (dans le cadre de l'évaluation de l'échevin) et de la Finlande.

• rémunération

La plupart des pays ne rémunèrent pas les juges non professionnels, la participation à l'exercice de la justice, étant le plus souvent considérée à la fois comme un devoir civique et une fonction honorifique. C'est le principe notamment en Allemagne et au Royaume-Uni où le principe de la participation des citoyens à la justice est d'ailleurs profondément ancré dans la culture judiciaire de ces pays. Certains pays toutefois prévoient une rémunération (Danemark, Estonie, Finlande, Norvège et Italie).

2. OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE PROJET DE LOI

2.1. NÉCESSITÉ DE L'ACTION

Actuellement, la participation de citoyens à la justice pénale, lorsqu'elle concerne les juridictions de droit commun compétentes pour le jugement des infractions commises par des personnes majeures, n'est pas pleinement satisfaisante.

En effet, les citoyens ne participent au jugement des délits, y compris les délits les plus graves. Il en résulte une faible participation des citoyens au fonctionnement du service public de la justice.

En conséquence, les citoyens peuvent estimer que les décisions de justice ne prennent pas suffisamment en compte les évolutions de la société. En comparaison avec d'autres pays, on peut aussi estimer que cette moindre participation n'est pas de nature à améliorer la compréhension de l'institution judiciaire par les Français et à nourrir leur esprit civique, dans la mesure où juger est un acte d'intégration, de citoyenneté, et d'implication dans de difficiles décisions d'intérêt public.

Par ailleurs, la participation des citoyens à la justice pénale est très insuffisante s'agissant des décisions en matière de libérations conditionnelles, spécialement lorsqu'elles concernent des criminels condamnés à de lourdes peines par les jurés populaires d'une cour d'assises. Dans ce cas en effet, ce n'est que devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel que les juges professionnels sont assistés de représentants de la société civile.

De façon inverse, le jugement des crimes par les cours d'assises, parce qu'il exige la participation systématique de neuf jurés en premier ressort et douze jurés en appel, présente une particulière lourdeur qui aboutit à un retard de plus en plus important dans la tenue des procès. Le délai d'audiencement, qui survient après une période d'instruction déjà longue, est, en moyenne, de près de dix mois. Et cette moyenne cache des situations plus dégradées. L'Etat vient ainsi d'être condamné pour une durée d'audiencement de 3 ans devant la cour d'assises de Paris. Ces délais de jugement importants allongent considérablement les détentions provisoires et portent atteinte au droit à être jugé dans un délai raisonnable En conséquence, dans un certain nombre de cas, les juges d'instruction préfèrent soumettre au tribunal correctionnel des affaires qui devraient normalement être soumises à la cour d'assises. Cette correctionnalisation de certains crimes, notamment les crimes de viols jugés comme agressions ou atteintes sexuelles et les crimes de vol à main armée jugés comme vol avec violences, aboutit à un affaiblissement de la réponse pénale et une certaine inégalité de traitement.

2.2. OBJECTIFS

Le projet de loi entend renforcer la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale. La cohésion sociale et le respect du pacte républicain ne pourront qu'en être renforcés.

Le projet de loi entend réaliser cet objectif autour de trois axes : la participation des citoyens au jugement des délits, l'adaptation du fonctionnement des cours d'assises et la participation des citoyens aux décisions de libération conditionnelle pour toutes les peines d'emprisonnement égales ou supérieures à cinq ans.

2.2.1. Premier axe : la participation des citoyens au jugement des délits qui portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population

Le projet prévoit la participation de citoyens assesseurs s'ajoutant à la formation de jugement du tribunal correctionnel pour le jugement des délits qui portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population. De la même manière, la chambre correctionnelle de la cour d'appel serait composée de juges professionnels et de citoyens.

Les délits dont cette nouvelle formation de jugement aura à connaître sont ceux qui portent une atteinte particulièrement grave à la cohésion sociale du pays, notamment les violences, les vols avec violence, les violences conjugales habituelles et les agressions sexuelles. Cette liste ne comprend pas des délits graves mais des délits dont l'examen revêt un caractère complexe, comme les délits liés au trafic de stupéfiants ou en matière économique et financière.

2.2.2. Deuxième axe : l'adaptation du fonctionnement de la juridiction criminelle

Le projet vise à réduire les délais d'audiencement en permettant un jugement des crimes en première instance par une formation simplifiée comprenant trois magistrats professionnels et deux citoyens assesseurs. La réduction des délais devait, en conséquence, mettre fin à la correctionnalisation de certains crimes.

Par ailleurs le projet introduit une motivation obligatoire des arrêts de cours d'assises, afin de tirer les conséquences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Enfin une disposition assouplit la règle selon laquelle les cours d'assises siègent au chef lieu du département pour les cas où ce chef-lieu ne serait pas le siège d'un TGI, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

2.2.3. Troisième axe : la participation des citoyens aux décisions relatives à l'application des peines

A l'instar du jugement des délits, les citoyens prendront part aux décisions de libération conditionnelle des personnes condamnées à des peines d'emprisonnement égale ou supérieures à cinq ans.

3. OPTIONS

La participation de citoyens assesseurs au sein des juridictions pénales relève du domaine de la loi en vertu du quatrième alinéa de l'article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi fixe les règles concernant la procédure pénale.

Différentes options ont pu être envisagées s'agissant du nombre de citoyens participant au jugement des crimes, des délits, relatifs à l'application des peines, mais aussi s'agissant des infractions retenues pour la participation des citoyens à la justice pénale et aux modalités de la désignation de ces citoyens.

Une première hypothèse, qui ne sera pas exposée ici consistait à calquer le modèle de la cour d'assises au jugement des délits. La lourdeur du fonctionnement, par sessions, le nombre important de jurés, comparé à la masse d'affaires à juger a conduit à écarter cette option.

Une seconde hypothèse aurait consisté à reprendre les travaux parlementaires visant à remplacer la cour d'assises siégeant en première instance par un tribunal d'assises départemental.

En effet, en décembre 2009, Monsieur le Député Jean-Paul GARRAUD, ainsi que d'autres députés, ont déposé une proposition de résolution appelant à un débat public sur l'instauration d'un tribunal d'assises départemental.

Ainsi, sur la base du projet de loi dit Toubon de 1996, adapté à la pratique de la correctionnalisation judiciaire, il était proposé la création d'un tribunal d'assises départemental composé de trois magistrats et de deux échevins qui statueraient en première instance sur tous les faits qualifiés par la loi de crime. La cour d'assises, réservée à l'appel des jugements rendus par le tribunal d'assises, aurait été maintenue en l'état de sa composition actuelle, soit trois magistrats professionnels et douze jurés.

Cette proposition de résolution a été suivie par le dépôt, le 1 er avril 2010, d'une proposition de loi tendant à la création d'un tribunal d'assises départemental, selon les mêmes principes que ceux déclinés dans la résolution. Cette proposition a été renvoyée à la commission des lois de l'Assemblée Nationale.

Cette proposition de loi a inspiré le présent projet de loi s'agissant de la participation des citoyens au jugement des crimes, mais elle n'a pas été retenue selon des termes identiques dans la mesure où les Français restent très attachés à l'institution de la cour d'assises, comme l'ont montré les débats parlementaires de 1996, suite au projet de loi Toubon. Il est donc apparu qu'il ne pouvait être envisagé de supprimer le recours aux jurés populaires en première instance de façon systématique et dans toutes les procédures.

3.1. LE NOMBRE DE CITOYENS ASSESSEURS

• Option n°1 : En retenant une composition du tribunal correctionnel comprenant trois magistrats et deux citoyens assesseurs

La question de l'exigence d'un nombre minoritaire de non-professionnels dans les compositions des formations correctionnelles repose notamment sur la jurisprudence du Conseil Constitutionnel du 20 janvier 2005 relative à la juridiction de proximité.

Cette décision indique que, pour les formations correctionnelles de droit commun, le principe est de retenir une majorité de magistrats professionnels. Dans ce contexte, deux citoyens assesseurs viendraient compléter la formation collégiale du tribunal correctionnel.

• Option n°2 : En retenant une composition du tribunal correctionnel comprenant deux magistrats et deux citoyens assesseurs

• Option n°3 : En retenant une composition du tribunal correctionnel comprenant trois magistrats et trois citoyens assesseurs

• Option n°4 : En retenant une composition du tribunal correctionnel comprenant un nombre d'assesseurs supérieur à celui des magistrats professionnels

Ces trois dernières options ont été écartées suite aux motifs d'inconstitutionnalité déjà exposés (cf. point 1.2.1.), à savoir qu'une juridiction pénale doit, au sens de l'article 66 de la Constitution, être composée majoritairement de magistrats professionnels. Le mécanisme de la voix prépondérante n'est pas de nature à modifier cette exigence. Il serait en outre contraire à l'article 9 de la déclaration des Droits de l'Homme relatif à la présomption d'innocence, puisqu'il conduirait à permettre de retenir la culpabilité d'une personne dans une situation où il y a partage des voix, ce partage révélant l'existence d'un doute qui doit profiter au prévenu.

3.2. LES MODALITÉS DE DÉSIGNATION DES CITOYENS ASSESSEURS

Trois options ont été examinées.

• Option n°1 : citoyens assesseurs tirés au sort sur les listes électorales, comme les jurés d'assises

Ce mode de sélection est celui qui est prévu actuellement pour les jurés d'assises.

L'article 263 du CPP prévoit que la commission exclut les personnes qui ne remplissent pas les conditions d'aptitude légale, mais en pratique la commission n'est pas nécessairement avertie par les maires, qui n'en ont pas non plus connaissance, de ces informations. Dans ce cas, seule la récusation permet d'exclure les personnes qui ne peuvent exercer les fonctions de jurés (condamnation judiciaire, partialité, etc..)

Cette solution présente l'avantage d'ouvrir largement la participation des citoyens au jugement des délits les plus graves mais elle présente donc également des écueils importants.

Il ne paraît en effet pas envisageable de prévoir un droit de récusation, comme c'est le cas pour les assises, s'agissant des citoyens assesseurs siégeant dans l'ensemble des juridictions pénales où ils sont amenés à siéger en vertu du projet de loi. Ce droit de récusation impliquerait que, pour chaque affaire à juger, un nombre suffisamment important de personnes tirées au sort soit convoqué. Un tel mécanisme serait difficilement gérable pour un très grand nombre d'audiences correctionnelles. Il allongerait également de manière très importante le temps d'audience. Il serait également très lourd pour les citoyens concernés.

Ainsi, le projet de loi prévoit que les citoyens assesseurs ne pourront être récusés que pour l'une des causes de récusation applicables aux magistrats professionnels.

Dans ces conditions, compte tenu du nombre réduit de personnes qui complèteront la formation professionnelle de la juridiction, il existerait des aléas importants sur l'impartialité et la compétence objective de la juridiction si le système de tirage au sort tel qu'existant pour les jurés d'assises était appliqué pour la désignation des citoyens assesseurs.

Il semble du reste qu'il n'existe pas à l'étranger de systèmes juridiques dans lequel un jugement pénal fait intervenir deux personnes non magistrats dont la désignation dépend du seul hasard et non pas de choix effectués par l'autorité publique.

Enfin, la disponibilité d'une personne tirée au sort ne peut être garantie. Près d'une trentaine de jurés sont convoqués à chaque session d'assises, pour être sûr que malgré les absents, il y ait suffisamment de personnes présentes pour constituer le jury.

• Option n°2 : citoyens assesseurs désignés par l'autorité judiciaire

Cette solution permet d'assurer que seront choisies des personnes impartiales, suffisamment compétentes et effectivement disponibles pour participer au jugement.

Cette option se fonderait sur le modèle retenu au tribunal pour enfants qui est composé de deux assesseurs particulièrement investis dans les problématiques liées à l'enfance, désignés par arrêté du garde des sceaux.

C'est également le modèle qui a été retenu quant à la sélection des assesseurs au tribunal correctionnel siégeant dans sa formation collégiale en Nouvelle-Calédonie, qui sont eux aussi désignés par arrêté du garde des sceaux.

C'est également le modèle retenu pour les juges de proximité qui peuvent déjà compléter la formation correctionnelle.

Mais, dans ce cas, l'objectif de participation large des citoyens au fonctionnement de la justice pénale ne serait pas atteint.

Certes, il aurait été possible de s'inspirer du système de sélection des jurés d'assises tel qu'il existait avant la loi n°78-788 du 28 juillet 1978, époque à laquelle la sélection des jurés d'assises ne se faisait pas par tirage au sort à partir des listes électorales, mais à partir d'un choix fait par les élus locaux et les magistrats 3 ( * ) .

Cette option a également été écartée car il est évident que la constitutionnalité de ce dispositif est largement sujette à caution puisqu'une rupture du principe d'égalité serait très certainement soulignée par le Conseil constitutionnel si un tel dispositif était réinstauré dans la loi.

• Option n°3 retenue : désignation de citoyens assesseurs combinant tirage au sort et vérification des aptitudes

Cette option a été retenue car, tout en permettant une très large participation des citoyens, elle respecte les exigences constitutionnelles relatives à la nécessité de vérifier que la personne qui va composer une juridiction pénale ne soit pas inapte à participer de manière éclairée au jugement des affaires qui lui seront soumises, aptitude qui sera garantie à la fois par le mode de désignation de la personne (1), et par des adaptations procédurales concernant l'examen de ces affaires (2).

1) Mode de désignation destiné à garantir les aptitudes des citoyens assesseurs

-Les citoyens assesseurs sont désignés parmi les personnes ayant été inscrites par le maire sur la liste préparatoire de la liste annuelle du jury d'assises établie, après tirage au sort sur les listes électorales, dans les conditions prévues par les articles 261 et 261-1.

Au niveau national, le nombre total des personnes figurant sur les listes préparatoires aux listes annuelles est d'environ 165 000 (ce nombre étant en effet le triple du nombre de personnes figurant sur les listes annuelles, qui est d'environ 55 000).

Sur ce nombre, 55.000 personnes seront comme actuellement tirées au sort pour figurer sur la liste annuelle de jurés d'assises, en application de l'article 262. De même, en application des articles 264 et A.36-13, environ 16 000 personnes seront tirés au sort pour figurer sur la liste des jurés suppléants (qui habitent dans la ville ou siège la cour d'assises).

C'est dans le nombre de personnes restant, soit un « vivier » de 77 500 personnes, que seront sélectionnés les 9.000 citoyens assesseurs.

Pour pouvoir exercer les fonctions de citoyen assesseur, outre les conditions actuellement exigées pour être jurés, les citoyens assesseurs devront présenter des garanties d'impartialité et de moralité, et ils ne devront pas être inaptes à l'exercice de ces fonctions.

Les personnes inscrites sur la liste préparatoire en sont avisées par le maire qui les informe qu'elles sont susceptibles d'être désignées pour siéger au cours de l'année suivante, soit comme juré d'assises, soit comme citoyen assesseur au sein d'une des juridictions pénales énumérée par le projet de loi.

Le maire les informe également qu'elles peuvent solliciter une demande de dispense en application des dispositions de l'article 258 du code de procédure pénale, demande qui sera examinée par la commission prévue par l'article 262 du CPP.

Enfin, le maire leur adresse un questionnaire à remplir et à retourner au président de la dite commission, sous peine d'amende (contravention de 5 ème classe). Ce questionnaire, dont le contenu est fixé par décret en Conseil d'Etat, est destiné à vérifier que les personnes tirées au sort présentent des garanties d'impartialité et de moralité, et qu'elles ne soient pas inaptes à l'exercice des fonctions de citoyen assesseur.

-La commission prévue à l'article 262 CPP examine ensuite la situation des personnes figurant sur la liste préparatoire dans un ordre déterminé par le tirage au sort. Elle peut faire procéder à l'audition des personnes qui n'auraient pas répondu ou répondu de manière incomplète au questionnaire.

Elle exclut les personnes qui ne remplissent pas les conditions exigées par la loi pour être citoyens assesseurs, celles à qui une dispense a été accordée et celles qui sont inaptes à remplir les fonctions de citoyen assesseur.

La commission ne pourra inscrire une personne sur la liste annuelle des citoyens assesseurs sans avoir fait procéder à une enquête de moralité dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

-La liste annuelle des citoyens assesseurs est arrêtée lorsque le nombre de personnes inscrites atteint celui fixé par arrêté du ministre de la justice pour chaque tribunal de grande instance.

Elle est alors adressée au premier président de la cour d'appel et aux maires des communes du ressort du TGI. Le premier président s'assure que la liste a été établie conformément aux exigences légales et avise les personnes retenues de leur inscription.

-La répartition des citoyens assesseurs inscrits sur la liste annuelle au sein du service des audiences est effectuée chaque trimestre par le président du TGI s'agissant des citoyens assesseurs qui siègeront au sein de sa juridiction, et par le président de la cour d'appel s'agissant des citoyens assesseurs appelés à siéger au sein de sa cour d'appel et dans les cours d'assises de son ressort.

Les citoyens assesseurs doivent être avisés 15 jours au moins avant le début du trimestre de la date et de l'heure des audiences au cours desquelles ils seront appelés à siéger en tant que titulaires ou suppléants, et ce sauf urgence liée aux nécessités du service.

Chaque citoyen assesseur ne peut être appelé à siéger, y compris comme assesseur supplémentaire (en cas de longs débats) plus de huit jours d'audience dans l'année. Toutefois, lorsque l'examen d'une affaire se poursuit au-delà de cette limite, les citoyens assesseurs sont tenus de siéger jusqu'au terme de cette affaire.

Avant d'exercer leurs fonctions, ils prêtent serment devant le TGI de bien et fidèlement remplir leurs fonctions et de conserver le secret des délibérations.

2) Garanties procédurales liées à la participation des citoyens assesseurs :

Le recours aux citoyens assesseurs a été assorti de garanties procédurales permettant une participation éclairée des citoyens à l'oeuvre de justice.

Ainsi le déroulement des débats devant le tribunal correctionnel siégeant avec des citoyens assesseurs est précisé par une succession de mesures qui visent à ce que l'ensemble des éléments pertinents du dossier soient bien soumis aux membres non magistrats de la juridiction.

Il est ainsi inscrit dans la loi que le président veille à ce que les citoyens assesseurs prennent connaissance des documents versés au dossier contradictoirement débattus au cours de l'audience.

Il est prévu un rapport du président ou d'un magistrat assesseurs par lui désigné qui expose, en début d'audience et de façon concise, les faits reprochés au prévenu et les éléments à charge et à décharge figurant au dossier.

De même, lorsqu'il est fait état, au cours des débats, des déclarations de témoins à charge ou à décharge entendus au cours de l'enquête ou de l'instruction, et si ces témoins n'ont pas été convoqués ou n'ont pas comparu, le président donne lecture de leurs déclarations, intégralement ou par extraits. Le président donne également lecture des conclusions d'expertises.

Les citoyens assesseurs, au même titre que les magistrats assesseurs peuvent poser des questions aux parties, témoins et experts.

Après les débats, en vue de favoriser un jugement lui aussi éclairé, le projet de loi prévoit un ensemble de dispositions qui favorise le rappel des grands principes du droit pénal, par le président, aux citoyens assesseurs.

Enfin, avant de délibérer sur la culpabilité du prévenu, le président rappelle chacun des éléments constitutifs de l'infraction, et, le cas échant, les circonstances aggravantes, les règles relatives à la tentative, à la complicité, à la requalification des faits et à la peine encourue.

3.3. LES CRITÈRES DU RECOURS AUX CITOYENS ASSESSEURS POUR LE JUGEMENT DES DÉLITS

Quatre options ont été envisagées :

• Option n°1 : Faire appel aux citoyens assesseurs pour le jugement en appel :

Dans cette option, la participation des citoyens assesseurs serait limitée au jugement en appel des délits punis de 7 ans d'emprisonnement ou plus et de ceux dont la peine prononcée en première instance était égale ou supérieure à 5 ans.

Cette option permettrait de limiter les contraintes pesant sur les citoyens. Elle permettrait néanmoins de les associer à des décisions lourdes et contestées pour lesquelles la présence de citoyens assesseurs apparaît légitime.

Cette option correspond à 4.500 condamnations par an.

Cette option est apparue trop restrictive et ne permettant pas d'associer de manière satisfaisante les citoyens au fonctionnement de la justice pénale.

• Option n°2 : Faire appel aux citoyens assesseurs dès le stade de la première instance pour des peines encourues égales ou supérieures à 7 ans d'emprisonnement :

Cette option a été envisagée pour les délits suivants :

-violences volontaires ;

-délit commis avec la circonstance aggravante de violence ;

-agression ou atteinte sexuelle ;

-extorsion et vol ;

Cette option correspond à 21 945 condamnations par an.

Elle n'a pas été retenue car il est apparu que les infractions pour lesquelles les peines encourues étaient supérieures à sept ans ne couvraient pas l'ensemble des délits qui portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population.

• Option n°3 : Faire appel aux citoyens assesseurs dès le stade de la première instance pour des délits suivants et lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à 5 ans d'emprisonnement

Cette option a été envisagée pour les délits suivants :

-violences volontaires ;

-délit commis avec la circonstance aggravante de violence ;

-agression ou atteinte sexuelle ;

-extorsion et vol ;

Cette option correspond à 72 701 condamnations par an.

Elle n'a pas été retenue car il est apparu que les affaires soumises aux citoyens assesseurs auraient également couvert des délits de plus faible importance pour lesquels la participation des citoyens assesseurs ne s'impose pas. A fortiori nombre de ces affaires relèvent de la compétence de la formation juge unique.

• Option n°4 : Faire appel aux citoyens assesseurs en première instance et en appel pour un certain nombre de délits sensibles :

Cette option a été retenue pour les délits suivants :

* Les homicides involontaires commis par les chauffards de la route, notamment ceux commis par des personnes sous l'empire d'un état alcoolique ou de drogue,

* Les homicides involontaires résultant d'une agression commise par un chien en raison de l'imprudence de son propriétaire,

* Toutes les agressions et atteintes sexuelles,

* Toutes les violences aux personnes entraînant une ITT de plus de huit jours lorsqu'elles ont été commises avec deux ou trois circonstances aggravantes (violences commises au sein du couple, violences commises sur un enseignant ou dans des transports publics, violences commises contre les forces de l'ordre, les pompiers, happy-slapping)

* Les violences urbaines que constituent les destructions par incendie et notamment les incendies de véhicule,

* Les menaces de mort et les menaces sous conditions de nature raciste ou homophobe ou commises sur les personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'un service public, comme les policiers, les pompiers, les enseignants, les médecins ou les infirmiers, ainsi que sur leur famille,

* Les atteintes aux biens commises avec violence, telles que :

- Toutes les extorsions, qui visent notamment l'ensemble des faits dits de « racket » commis aux abords des établissements scolaires,

- Les vols précédés, accompagnés ou suivis de violences quelle que soit l'incapacité totale de travail consécutive aux faits subis.

Le tribunal correctionnel comportant des citoyens assesseurs sera également compétent pour le jugement des délits connexes, sauf ceux des JIRS (économique et financier, terrorisme, trafic de stupéfiants, environnement, etc..), qui, en raison de leur caractère spécifique ou parce qu'ils relèvent de la délinquance organisée, relèvent d'une formation de jugement spécialisée.

On peut estimer que ces délits se situent aux environs de 36.500 par an 4 ( * ) . La présente étude d'impact s'est fondée sur une moyenne de 34 000 affaires par an devant les tribunaux de grande instance auxquelles il convient d'ajouter les appels pour une moyenne observée de 20%, soit un total d'affaires de 40800.

S'agissant des délits connexes , il est prévu par le projet de loi que le tribunal correctionnel avec citoyens assesseurs est compétent pour les délits connexes (art. 398-2-2 du projet), comme le tribunal correctionnel l'est pour les contraventions, comme le tribunal correctionnel collégial l'est pour les délits relevant de la compétence du tribunal correctionnel statuant à juge unique, et comme la Cour d'assises l'est pour les délits et contraventions connexes.

Toutefois, il ne paraît pas possible que le tribunal correctionnel avec des citoyens assesseurs soit également compétent pour les délits connexes relevant des juridictions spécialisées (délits économiques et financiers relevant des pôles écofi, délinquance organisée, notamment trafic de stupéfiant relevant des JIRS, délits terroristes pôle relevant du pôle terrorisme, etc).

La solution qu'a retenu le Gouvernement consiste donc à prévoir que le tribunal correctionnel avec citoyens assesseurs sera compétent pour les délits connexes, sauf lorsque ces délits connexes relèvent de la compétence des juridictions spécialisées.

Dans ce dernier cas, le délit principal et le délit connexe seront jugés par le tribunal correctionnel « normal » c'est-à-dire siégeant dans sa formation collégiale, sans citoyens assesseurs.

La solution de la disjonction des poursuites, initialement envisagée, a été exclue car elle est très lourde et risque de conduire à une érosion de la peine pour des délits très graves, dont l'examen serait soumis à deux juridictions différentes (et qui pourront ensuite être confondus, le cas échéant à la suite d'un troisième jugement).

En pratique les délits connexes qui ne seront pas de la compétence du tribunal correctionnel avec citoyens assesseurs seront les délits suivants : travail illégal, entrave aux fonctions de l'inspecteur du travail, entrave à la représentation des salariés, autres délit en matière de travail et de sécurité sociale), infractions au code du commerce et au code monétaire et financier, trafic (import, export) de stupéfiants, commerce, transport de stupéfiants, offre et cession de stupéfiants, aide à l'usage par autrui de stupéfiants, autres délits en matière de stupéfiants, délit en matière d'environnement, actes de terrorisme.

Cette exclusion de certains délits connexes est sans grande influence sous l'angle statistique.

En effet, en 2009, seules 1.500 condamnations sur celles concernant des délits relevant de la compétence des citoyens assesseurs (soit un total de 36.500 condamnations) étaient associées à l'une des ces infractions.

Cela signifie donc que 1.500 affaires relevant de la compétence d'attribution du tribunal correctionnel siégeant avec des citoyens assesseurs seront en définitive jugés par le tribunal correctionnel sans citoyens assesseurs.

3.4. LES CRITÈRES DU RECOURS AUX CITOYENS ASSESSEURS EN ASSISES

• Option n°1 : Composition de la cour d'assises statuant en première instance dans une formation composée de trois magistrats et deux citoyens assesseurs avec l'accord du parquet et de l'ensemble de parties pour l'ensemble des crimes :

Cette option présentait de grands risques d'inconstitutionnalité puisqu'elle ne prévoyait pas de compétence d'attribution à la cour d'assises simplifiée. Le choix de la juridiction appartenait donc aux parties et aurait été contraire au sens de la décision du Conseil Constitutionnel de 1975 tel qu'exposé dans la partie de cette étude relative au cadre constitutionnel.

Elle n'a donc pas été retenue.

• Option n°2 retenue : Composition de la cour d'assises statuant en première instance dans une formation composée de trois magistrats et deux citoyens assesseurs pour l'ensemble des crimes punis de 15 et 20 ans de réclusion criminelle, sauf en cas de récidive, et sauf opposition de l'accusé ou du parquet :

Cette option a été retenue car elle concilie une compétence d'attribution claire à la cour d'assises simplifiée avec le maintien du principe de la compétence de la cour d'assises avec jurés en matière criminelle.

Ainsi, les crimes les plus graves ou ceux commis en récidive relèveront toujours de l'appréciation de la cour d'assises composée de neuf jurés et de trois magistrats professionnels. Le jury, composé de douze jurés, sera également seul compétent en appel.

Dans les autres cas, qui comprennent notamment les dossiers qui font aujourd'hui l'objet de correctionnalisations, l'accusé sera jugé par une composition simplifiée de la cour d'assises comprenant trois magistrats professionnels et deux citoyens assesseurs sauf dans les cas suivants :

- soit si la personne mise en examen a fait connaître son opposition à être jugée par la cour d'assises simplifiée ;

- soit si le procureur de la République avait requis le renvoi de la personne pour un crime commis en état de récidive légale ou puni d'une peine supérieure à 20 ans de réclusion criminelle ;

Lorsque sera saisie la cour d'assises comportant des citoyens assesseurs, les délais d'audiencement seront réduits de moitié. La détention provisoire sera donc moins longue. Par ailleurs, la pratique de la correctionnalisation pourra diminuer ce qui favorisera une égalité de traitement des justiciables sur l'ensemble du territoire national.

3.5. LA PARTICIPATION DES CITOYENS ASSESSEURS AUX DÉCISIONS EN MATIÈRE DE LIBÉRATION CONDITIONNELLE

Ce contentieux connaît déjà une forme d'échevinage avec la chambre d'application des peines élargie, composée de trois magistrats, d'un représentant d'une association d'aide aux victimes et d'un représentant d'une association d'aide de réinsertion, pour les décisions rendues par le tribunal d'application des peines.

• Option n°1 : Cette possibilité pourrait être étendue aux décisions rendues en première instance par le tribunal d'application des peines, qui pourrait en outre voir son champ de compétence modifié (actuellement, il ne statue que sur les peines supérieures à 10 ans)

Cette option a été écartée car il a été considéré que la participation des citoyens à la décision de libération conditionnelle n'aurait pas été assez élargie.

• Option n°2 : lorsqu'une personne a été condamnée à une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans, il est statué sur la libération conditionnelle par le tribunal d'application des peines (TAP) composé du président, de deux magistrats assesseurs et de deux citoyens assesseurs

Au vu des difficultés de recrutement des représentants d'association d'aide aux victimes et des représentants d'une association d'aide de réinsertion, cette solution n'a pas été retenue.

• Option n°3 retenue: lorsqu'une personne a été condamnée à une peine d'emprisonnement d'une durée égale ou supérieure à cinq ans, il est statué sur la libération conditionnelle par le tribunal d'application des peines (TAP) composé du président, de deux magistrats assesseurs et de deux citoyens assesseurs et sur le relèvement des périodes de sûreté par le TAP et la CHAP élargis.

Il en va de même de l'examen par le TAP des demandes de relèvement de période de sûreté, ainsi que, par cohérence, de l'examen par la Chambre de l'application des peines, de ces mêmes demandes en appel.

S'agissant de décisions ayant trait aux condamnations pénales les plus lourdes, il a été considéré que les citoyens assesseurs participent également à la prise de ces décisions.

4. IMPACT SUR LES CITOYENS ET LES PERSONNES MORALES

Les dispositions du projet de loi relatif à la participation des citoyens à la justice pénale entreront en vigueur le premier janvier 2014.

Néanmoins le projet prévoit la possibilité de procéder à une expérimentation entre le premier janvier 2012 et l'entrée en vigueur. C'est ainsi qu'il est envisagé d'organiser une expérimentation, dans un premier temps dans deux cours d'appel, avec une éventuelle extension dans d'autres cours, pendant ces deux années, afin de préparer au mieux la mise en oeuvre rapide et effective de la réforme.

4.1. IMPACT SUR LES CITOYENS

4.1.1. Les citoyens assesseurs

Il s'agit tout d'abord pour les citoyens d'exercer un véritable devoir civique qui consiste à participer à la justice qui est rendue en leur nom. En s'impliquant concrètement dans le jugement des délits qui portent atteinte quotidiennement à la sécurité et à la tranquillité de la population, ils auront l'occasion de découvrir le fonctionnement de notre système judiciaire et pourront appréhender les principes de la sanction pénale. Cette expérience est le point essentiel de l'objectif de rapprochement des Français avec une justice qu'ils connaissent mal pour la plupart. Ainsi, environ 9000 personnes supplémentaires environ seront associées chaque année à l'oeuvre de justice.

Les citoyens assesseurs seront accueillis au sein de la juridiction par le personnel de justice (magistrats, greffiers, fonctionnaires). Ils bénéficieront de sessions de présentation du fonctionnement de la justice pénale.

Après cette familiarisation avec la chaîne pénale, les citoyens assesseurs seront amenés à exercer leur responsabilité éminente qui est celle de juger. Ils auront ainsi la possibilité de prendre pleinement conscience du principe fondamental selon lequel la justice est rendue au nom du peuple français. C'est là un vecteur puissant de confortation de la cohésion sociale et du principe de Nation, fondement de notre ordre constitutionnel.

Afin d'exercer ce devoir civique, les citoyens devront interrompre leur activité professionnelle et donc, pour les salariés, ne seront pas rémunérés par leur employeur. Néanmoins ils bénéficieront d'une indemnisation journalière. Enfin une difficulté liée à l'interruption prolongée de versement de salaire a pu apparaître dans quelques cas rares de procès d'assises d'une durée particulièrement importante. En effet, le versement de cotisations sociales et notamment de retraite avait pu pénaliser quelques personnes, qui avaient été indemnisées par l'Etat. Dans la mesure où le projet instaure la participation des citoyens aux jugements correctionnels et aux affaires examinées par les cours d'assises simplifiées, les affaires qui y sont examinées sont, par nature, insusceptibles de donner lieu à des procès s'étendant sur une durée particulièrement importante.

4.1.2. Les justiciables

La situation des justiciables ne sera pas sensiblement modifiée par la réforme. Néanmoins, le fait qu'un tribunal comprenant des citoyens se prononce sur leur culpabilité devrait accroître la conscience qu'un jugement est rendu au nom de la collectivité nationale, et non simplement par une institution, aussi prestigieuse soit-elle. On peut espérer par là que sera encouragée la prise de conscience que la sanction est aussi une incitation à la réhabilitation.

4.1.3. Les victimes

Les parties civiles attendent de la justice non seulement réparation, mais également la reconnaissance par la société du préjudice que l'infraction leur a fait subir. En ce sens, la participation de citoyens assesseurs au jugement des auteurs d'infraction permet de consolider la réponse de l'institution judiciaire à cette dernière attente et constituer un soutien au processus de reconstruction.

4.2. IMPACT SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Les collectivités territoriales sont concernées à deux titres par le projet de loi.

Le choix des citoyens assesseurs sera effectué sur la base de la liste annuelle actuellement établie par les maires pour les jurés d'assises. L'impact de la réforme sur les communes sera donc neutre dans la mesure où les maires sont déjà chargés d'informer les 155 000 personnes tirées au sort. Il leur appartiendra désormais de joindre le questionnaire permettant la sélection de citoyens assesseurs au courrier d'information déjà adressé à leurs administrés.

La commission de révision prévue par l'article 262 CPP qui établit la liste annuelle des jurés d'assises, comprend cinq conseillers généraux. Elle établira à l'avenir la liste annuelle des citoyens assesseurs sur la même base de tirage au sort. L'augmentation de la charge de travail sera marginale dans la mesure où les dossiers de citoyens assesseurs examinés par la commission auront préalablement subi un triple filtre effectué par les greffes à partir du questionnaire envoyé aux intéressés, de la vérification de leur B1 et de la consultation des fichiers de police par les services de police et de gendarmerie. Il convient de rappeler à cet égard que les conseillers généraux ne sont pas défrayés pour cette activité relevant de l'exercice normal de leur mandat.

4.3. IMPACT SUR LES ENTREPRISES

Les entreprises seront concernées par les absences des salariés appelés à siéger comme citoyens assesseurs. Sans être inexistant, l'impact sera relativement faible eu égard au très faible nombre d'audiences annuelles assurés par les citoyens assesseurs (6 audiences par an).

Néanmoins l'impact sur les artisans, commerçants et professions libérales pourrait être plus important. Les chefs de juridiction pourront néanmoins tenir compte des contraintes spécifiques à ces activités dans la répartition des assesseurs dans les audiences de l'année, afin de minimiser cet impact.

4.4. IMPACT SUR L'INTELLIGIBILITÉ DE LA LOI

Le Gouvernement a veillé à ce que la réforme ne nuise pas à la qualité de la norme pénale. Il s'est attaché à faire en sorte que les nouveaux articles insérés dans le code de procédure pénale le soient de manière cohérente et lisible afin de ne pas complexifier l'ordonnancement de ce code.

Ainsi, l'article 1 er du projet de loi insère une nouvelle division relative à la participation des citoyens au jugement des affaires pénales après l'article 10 du code de procédure pénale. Elle regroupe toutes les dispositions générales communes aux citoyens assesseurs siégeant devant les différentes juridictions pénales (articles 10-1 à 10-14).

Les articles suivants insèrent les modalités de participation des citoyens assesseurs, selon la juridiction devant laquelle ils siègent, dans les parties appropriées du CPP.

Ainsi l'article 2 précise la compétence et les modalités de saisine du tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs, en insérant à cette fin un nouveau paragraphe après l'article 399 du code de procédure pénale comportant les articles 399-1 à 399-14.

L'article 3 précise la procédure applicable aux audiences devant le tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs, en insérant à cette fin un nouveau paragraphe après l'article 461 du code de procédure pénale comportant les articles 461-1 à 461-5. Ces adaptations procédurales, qui ont pour objet d'assurer que les citoyens assesseurs seront en mesure de participer de façon éclairée au jugement des affaires, se rapprochent des règles applicables devant la cour d'assises.

L'article 4 du projet de loi précise les règles concernant le déroulement des délibérés du tribunal correctionnel comprenant des citoyens assesseurs, en insérant à cette fin un nouveau paragraphe après l'article 486 du code de procédure pénale comportant les articles 486-1 à 486-4.

5. IMPACT SUR LES SERVICES DE L'ETAT

Les impacts présentés dans ce chapitre ne constituent que des estimations. Celles-ci seront affinées par les données qui seront retirées de l'expérimentation qui sera menée à compter du 1 er janvier 2012 dans le ressort de deux cours d'appel, avant la généralisation de la réforme à compter du 1 er janvier 2014.

Il importe en particulier de souligner que nombre des estimations avancées dans les développements qui suivent sont fondées sur l'hypothèse d'un doublement du nombre d'audience pour les affaires portées devant le tribunal correctionnel citoyen. L'introduction de citoyens assesseurs devrait nécessiter de mieux exposer les tenants et les aboutissants de l'affaire, qui laissera une part plus importante à l'oralité des débats et de rallonger le temps de délibéré. Là encore, les observations tirées de la future expérimentation seront le moyen de vérifier le bien-fondé de cette hypothèse de calcul..

5.1. IMPACT SUR LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS

L'essentiel de l'impact sur le fonctionnement des juridictions reposera sur la mise en place des audiences avec citoyens assesseurs.

5.1.1. Augmentation du nombre d'audiences

5.1.1.1. Mise en place des cours d'assises simplifiées

La mise en place d'une cour d'assises simplifiée doit permettre d'accélérer le jugement des affaires en assises. Elle devrait donc se traduire par une amélioration globale du délai d'audiencement qui devrait permettre de « recriminaliser » un certain nombre d'audiences.

En l'absence d'éléments certains, on peut cependant penser, d'une part, que la réduction des délais d'audiencement combinée à la nécessité d'une démarche positive limitera le nombre d'oppositions au jugement devant cette nouvelle juridiction formulées par les accusés, d'autre part, que le nombre de cas où le parquet s'y opposera devrait être extrêmement limité.

Ainsi, on peut estimer que 10% seulement des dossiers concernés seront toujours orientés sur la cour d'assises classique soit 139 affaires sur 1395.

Le temps d'audience des affaires passant devant la cour d'assises simplifiée devrait être réduit (une journée contre deux jours en moyenne pour un procès d'assises avec un jury complet).

Dans le même temps, la réforme a pour objet de permettre de juger devant cette cour d'assises simplifiée un certain nombre d'affaires de vol ou extorsion avec arme contre auteurs connus et d'affaires de viols qui son actuellement correctionnalisées. Il est difficile d'établir la proportion de dossiers qui seront ainsi décorrectionnalisés. On estime qu'entre 1000 et 1900 affaires supplémentaires pourraient ainsi être réorientées vers la cour d'assises simplifiée.

5.1.1.2. Introduction des citoyens assesseurs dans les juridictions correctionnelles et les juridictions d'application des peines

En revanche, l'introduction des citoyens assesseurs nécessitera d'augmenter le nombre d'audiences en raison de l'allongement probable de la durée des audiences.

A l'heure actuelle, les audiences collégiales dans lesquelles sont inscrites les affaires qui seront soumises aux formations comprenant des citoyens assesseurs examinent à peu près six affaires par audience. On estime que l'introduction des citoyens assesseurs, qui nécessitera de mieux exposer les tenants et les aboutissants de l'affaire, qui laissera une part plus importante à l'oralité des débats et entraînera un temps de délibéré plus important, nécessitera de n'audiencer que trois affaires par audience.

Pour juger les 36 500 affaires entrant dans le champ d'application, il faudra ainsi prévoir près de 12 200 audiences avec citoyens assesseurs, soit l'organisation de 6 800 audiences supplémentaires par rapport à la situation actuelle.

La même situation devrait se retrouver en appel. Près de 2 450audiences avec citoyens assesseurs devront être organisées, soit 1 225 audiences complémentaires par rapport à la situation actuelle.

Il sera également nécessaire de prévoir des audiences de comparution immédiate pour les personnes qui ne peuvent être présentées devant la formation correctionnelle comprenant des citoyens assesseurs faute d'audience prévue. On estime que 4 000 affaires devront ainsi passer devant une juridiction de comparution immédiate, nécessitant l'organisation de près de 500 audiences supplémentaires.

L'introduction des citoyens assesseurs dans les tribunaux d'application des peines devrait également entraîner l'organisation de près de 1 200 audiences supplémentaires.

5.1.2. Gestion de l'audiencement

Outre l'accroissement du nombre d'audiences, la création de deux nouveaux types de juridictions (tribunal correctionnel avec citoyens assesseurs et cour d'assises simplifiée) rendra l'audiencement des affaires un peu plus complexe.

Cette charge de travail sera importante au moment de l'entrée en vigueur de la loi.

5.1.3. Gestion des plannings d'audience

La gestion des plannings d'audiences correctionnelles est assurée par les présidents des TGI.

Un calendrier prévisionnel devra être mis au point en début d'année au moment de la formation des citoyens assesseurs appelés à siéger.

5.1.4. Formation des citoyens assesseurs

La formation des citoyens assesseurs devra être organisée au sein de la juridiction. Cette formation devra s'appuyer sur des supportés élaborés à l'échelon national. Les besoins étant différents, elle devra être organisée de façon spécifique pour chaque type d'intervention des citoyens assesseurs (assises, correctionnelle, application des peines, mineurs).

Il est prévu l'organisation d'une « information sur le fonctionnement de la justice pénale» dont les modalités seront fixées par voie réglementaire.

5.1.5 Aspects mobiliers et immobiliers

5.1.5.1. Création de salles d'audience et aménagements immobiliers

L'augmentation prévisible du nombre d'audiences sur l'ensemble du territoire entraînera dans la plupart des juridictions la nécessité d'organiser une audience supplémentaire par semaine ou par quinzaine.

Dans la plupart des juridictions, cette charge nouvelle ne nécessitera pas de construire de salles d'audiences supplémentaires.

Dans certaines grosses juridictions, et dans certaines juridictions déjà saturées, il sera néanmoins nécessaire de revoir les locaux pour mettre en place des salles d'audience supplémentaires, pour aménager des salles d'audience et des locaux pour les personnes supplémentaires. Une trentaine de sites pourraient être ainsi concernés. Différents travaux peuvent être envisagés : extension de locaux pour créer de nouvelles salles d'audience (coût moyen de 2 M€), réaménagement de locaux existants pour créer de nouvelles salles d'audience (coût moyen de 0,8 M€).

Si l'on émet l'hypothèse schématique que 5 créations et 25 extensions s'avéreront nécessaires, une enveloppe de 30 M€ devrait permettre de faire face aux adaptations requises.

5.1.5.2. Création de nouveaux postes de travail pour les personnels supplémentaires nécessaires

La création de 263 nouveaux postes de travail entraînerait les dépenses d'investissement suivantes : achat de mobilier et aménagement des locaux (environ 7 600 €) et équipement informatique (2 800 €) pour un total de 2,7 M€.

Il convient d'ajouter les frais de fonctionnement annuels par poste de travail : dépenses d'activité (2 800 €) et dépenses de structure (1 088 €), pour un total d'environ 1 M€.

5.1.6. Aspects informatiques

L'entrée en vigueur de la loi entraînera la nécessité d'une adaptation des applications informatiques.

En effet, le logiciel de procédure correctionnelle devra être mis à niveau.

En ce qui concerne Cassiopée, les impacts des modifications à apporter sont modérés mais ne pourront être implémentées que dans la version de ce logiciel, dont la mise en production est prévue en avril 2012. Les coûts prévisibles s'établissent entre 10.000 et 15.000 euros HT.

Pour les autres applications pénales, s'il n'est pas possible à ce stade de l'étude d'impact d'apporter des réponses précises en termes de charges et délais de réalisation.

Toutefois, il est certain que des travaux informatiques touchant plusieurs applications (APPI pour l'application des peines, NCP -selon la date d'entrée en application de la réforme-, LEXWIN pour les cours d'assises, JURWIN pour la gestion des citoyens assesseurs, LOGICWIN pour les chambres correctionnelles d'appel et les chambres d'application des peines) sont à prévoir.

5.2. MODIFICATION DES RÈGLES APPLICABLES AUX COURS D'ASSISES

5.2.1. La nécessité de motiver

La nécessité de motiver la décision rendue impliquera d'annexer à la feuille des questions une feuille de motivation en reprenant pour chacune des questions posées les éléments du débat ayant emporté la conviction de la cour, dans une forme admise par tous. Cette nouvelle formalité allongera donc légèrement la durée du délibéré..

5.2.2. La réduction du nombre de jurés entrant dans la composition de jugement

Prévue pour siéger avec seulement 2 citoyens assesseurs, la cour d'assises simplifiée est susceptible de permettre une économie en termes d'indemnisation des jurés.

Comme indiqué précédemment, on estime que 1246 affaires actuellement jugées devant les cours d'assises devraient être jugées devant les cours d'assises simplifiées. Pour ces affaires qui auraient dû être jugées avec 9 jurés on aurait donc 7 jurés de moins.

Le gain en indemnités non-versées est évalué à 17 444 soit une économie de 2 M€.

Le gain en temps d'audience contribue à compenser la « recriminalisation » (cf. ci-dessous)

5.2.3. La réduction de la proportion de correctionnalisation

Comme indiqué précédemment, il n'existe pas de données précises sur le nombre d'affaires correctionnalisées qui devront être soumises aux cours d'assises simplifiées. On estime qu'entre 1000 et 1900 affaires actuellement correctionnalisées pourront être jugées devant les cours d'assises simplifiées.

L'impact attendu de cette « recriminalisation » pourrait être neutre sur la charge de travail car il sera compensé d'une part par l'allègement correspondant des contraintes exercées sur le fonctionnement des tribunaux correctionnels et d'autre part par l'allègement de la charge de travail liée au jugement des 1 246 affaires actuellement jugées devant les cours d'assises et qui pourraient être désormais portées devant les cours d'assises simplifiées.

La phase d'expérimentation permettra de mieux cerner l'impact de cette mesure.

5.3. IMPACT DE LA MISE EN PLACE DES CITOYENS ASSESSEURS DANS LES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS ET EN APPEL DE CES JUGEMENTS

5.3.1. Impact sur le nombre de magistrats et de greffiers

A. L'hypothèse du doublement du temps consacré à l'audience et au délibéré nécessiterait la création de 97 ETP de magistrats et 26 ETP de greffiers.

Méthode de calcul

- actuellement 40800 affaires (première instance et appel) sont traitées en 6800 audiences (6 affaires par audience) ;

- la réforme implique un doublement du temps consacré à chaque affaire, soit 6800 audiences supplémentaires ;

- ces 6800 audiences de six heures mobilisant 3 magistrats du siège et un magistrat du parquet, nécessitent 6800*6*4=163200 heures magistrats supplémentaires ;

- le temps de travail annuel d'un magistrat étant de 1680 heures par ans, le nombre de magistrats supplémentaires nécessaires est donc de 163200/1680=97 ETP magistrats.

Même raisonnement pour un greffier dont le temps annuel de travail est de 1572 heures.

La mise en place d'audiences-relais (audiences de comparution immédiate pour les personnes qui ne peuvent être présentées devant la formation correctionnelle comprenant des citoyens assesseurs faute d'audience prévue) nécessiterait la création de 23 ETP de magistrats et de 2,6 ETP de greffiers.

Méthode de calcul

- environ 11% des affaires de première instance nécessiteront un examen en audience relais soit 4080 par an ;

- le temps nécessaire au traitement est de 150 minutes pour un magistrat du siège, 120 minutes pour un magistrat du parquet et 60 minutes pour un greffier ; seront donc nécessaires (150*3*4080/60)+(120*1*4080/60)=38760 heures magistrats supplémentaire et 60*1*4080/60=4080 heures greffiers supplémentaires ;

- le temps de travail annuel étant de 1680 pour un magistrat et 1572 pour un greffier, 38760/1680=23,1 ETP magistrats et 4080/1572=2,6 ETP greffiers supplémentaires seront nécessaires.

5.3.2. Coût d'indemnisation des citoyens assesseurs

On estime qu'il y aura lieu au versement de 54 400 vacations de citoyens assesseurs pour faire face aux quelques 1 440 audiences impliquées par la réforme.

Le coût induit serait de 7,9 M€.

Méthode de calcul

- Les 40800 affaires concernées seront examinés en 4080/3= 13600 audiences. Pour chaque audience siègeront 2 citoyens assesseurs et 2 suppléants, soit un total de 13600*2*2=54400 indemnités journalières.

- L'indemnité est composée d'une indemnité de repas de 30,5 € et d'une vacation qui peut comprendre une compensation perte de salaire (150 €) ou pas (78 €)

- En posant que la moitié de indemnités devront compenser une perte de salaire, le montant global d'indemnisation est de ((78*0,5)+(150*0,5)+30,5)*54400=7,9 M€

5.4. PARTICIPATION DES CITOYENS ASSESSEURS AUX DÉCISIONS EN MATIÈRE DE LIBÉRATION CONDITIONNELLE ET RÉVISION DES PÉRIODES DE SURETÉ

5.4.1. Impact sur le nombre de magistrats et de greffiers

Le doublement du temps consacré à l'audience et au délibéré nécessiterait la création de 16 ETP de magistrats et 4 ETP de greffiers.

5.4.2. Coût d'indemnisation des citoyens assesseurs

Il y aura donc lieu au versement de 4 300 vacations de citoyens assesseurs pour faire face aux quelques 1 270 audiences impliquées par la réforme.

Le coût induit sera de 0,45 M€.

5.5. RECRUTEMENT DES CITOYENS ASSESSEURS

5.5.1. Impact sur les services de police et de gendarmerie

La nécessité pour les forces de police et de gendarmerie de consulter les fichiers de police lors de l'examen des dossiers des citoyens assesseurs entraînera une charge de travail pour les forces de l'ordre.

Néanmoins, les vérifications intervenant après les premières sélections effectuées par le greffe sur la base du questionnaire et des consultations du casier judiciaire et de la base Cassiopée, on peut estimer que celles-ci, sans être négligeables, auront un impact relatif sur les services de police et de gendarmerie.

5.5.2. Impact sur les magistrats et les greffiers

La procédure de sélection des citoyens assesseurs mais aussi la gestion des audiencements entraînera une charge de travail complémentaire pour les magistrats et les greffiers.

Cette charge est estimée à :

- 18,9 ETP de magistrats

- 76 ETP de greffiers

5.5.3. La gestion de sanctions contre les citoyens assesseurs non-comparants

Il n'est pas en l'état possible d'évaluer le nombre de personnes qui tirées au sort pour composer la liste annuelle et quel pourcentage d'entre elles se refuseront à participer à l'oeuvre de justice. En cas de refus ou d'abstention de répondre la juridiction devra examiner l'opportunité de prononcer une sanction qui devra par la suite être exécutée.

5.6. IMPACT SUR L'AIDE JURIDICTIONNELLE

La réforme n'a pas d'impact sur le volume d'aide juridictionnelle dans la mesure où les mis en cause comparaissant devant les nouvelles formations de jugement en bénéficiaient déjà le cas échéant. Il n'est pas envisagé de prévoir une unité de valeur spécifique pour les affaires passant devant les nouvelles formations de jugement.

5.7. COÛT GLOBAL DE LA RÉFORME

Dans la mesure où l'expérimentation conduite en 2012 et 2013 s'organisera de préférence dans les ressorts dont les moyens se prêtent sans nécessité de dépenses immédiates, la mesure de l'impact budgétaire de la réforme se concentre ici sur les coûts induits dans le régime de croisière de mise en oeuvre des règles nouvelles.

Coût global de mise en oeuvre à partir de 2014

Investissement

Immobiliers

30 M€

Création postes de travail

2,7M€

Total

32,7M€

Fonctionnement

ETP

Indemnités citoyens assesseurs

7,4 M€

Magistrats

154,9

Entretien

1 M€

Greffiers

108,6

Total

8,4 M€

6. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

6.1. CONSULTATIONS OBLIGATOIRES

Néant (cf. point 6.4. pour l'applicabilité outre-mer).

6.2. CONSTITUTIONNALITÉ DE L'EXPÉRIMENTATION DES CITOYENS ASSESSEURS EN CORRECTIONNELLE

6.2.1. Règles générales

La notion d'expérimentation a été introduite dans la Constitution par le biais de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 à travers deux types distincts d'expérimentation : l'expérimentation pour les collectivités territoriales (article 72 alinéa 4) et l'expérimentation à l'initiative de l'Etat (article 37-1), qui seule nous intéresse ici.

L'article 37-1 de la Constitution dispose : «  La loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limitée, des dispositions à caractère expérimental ».

Cet article n'apporte aucune limite au domaine de l'expérimentation, qui est celui relevant de la loi ou du règlement. L'expérimentation peut donc s'appliquer, en vertu de l'article 34 de la Constitution, à la création de nouveaux ordres de juridiction et à la procédure pénale, qui relèvent de la loi.

Même si le droit d'expérimentation à l'initiative de l'Etat est soumis à un dispositif moins contraignant que celui des collectivités, la doctrine estime qu'il doit concilier l'intérêt de l'expérimentation avec le respect du principe d'égalité, dans le respect des libertés publiques et des droits constitutionnellement garantis.

La jurisprudence du Conseil Constitutionnel veille à ce que cette possibilité de déroger au principe d'égalité devant la loi soit limitée dans le temps, comme l'exige l'article 37-1.

Ainsi, dans sa décision n°2009-584 DC du 16 juillet 2009 relative à la réforme de l'hôpital (seule décision qui a statué sur cet article depuis sa création), le Conseil Constitutionnel précise : « qu'ayant décidé lui-même de déroger au principe d'égalité devant la loi, il [le législateur] ne pouvait, sans méconnaître l'article 37-1 de la Constitution, renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer la durée de cette dérogation » et a ainsi censuré les dispositions d'une loi permettant une expérimentation en matière d'IVG dont la durée devait être fixée par décret.

Par ailleurs, le renforcement du droit d'expérimentation par la loi constitutionnelle de 2003 repose sur un cadre expérimental en filiation directe avec la jurisprudence antérieure du Conseil Constitutionnel, elle-même inspirée par celle du Conseil d'Etat. La doctrine considère que cette jurisprudence permet d'éclairer cette disposition.

En particulier, dans sa décision n°93-322 DC du 28 juillet 1993 relative aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel, le Conseil constitutionnel précisait que :

- le législateur doit définir la nature des expérimentations ;

- le cadre de la possibilité d'expérience doit faire mention de la durée et du champ spatial de l'expérimentation ;

- le cadre dans lequel s'opèrent les expérimentations doit prévoir une évaluation.

Malgré le rappel de cette jurisprudence, il ne semble pas que l'article 37-1 impose que la loi expérimentale fixe le champ spatial de l'expérimentation, ni n'exige une évaluation (qui va de soi, même si la loi ne l'indique pas).

6.2.2. Application en matière de procédure pénale et à la réforme des citoyens assesseurs en correctionnel

Depuis la réforme constitutionnelle, une seule expérimentation en matière de procédure pénale a été prévue par le législateur.

Il s'agit de celle sur le dispositif électronique anti-rapprochement entre l'auteur de violences au sein du couple et de sa victime, prévu par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes.

L'article 6 de la loi prévoit que ces dispositions sont applicables à titre expérimental, pendant une durée de trois ans à compter de la publication de la loi, dans des ressorts déterminés par le ministère de la justice, selon des modalités précisées par arrêté. Cette loi n'a pas été déférée au Conseil.

Il convient de souligner que ce dispositif impose l'accord des personnes en cause (auteur et victime).

Cette loi expérimentale est actuellement la seule en matière pénale. Elle n'est à ce titre pas codifiée et son entrée en vigueur n'est pas prévue par le texte de loi.

Si le Conseil Constitutionnel autorise ce type de loi, il autorise a fortiori les lois dont l'entrée en vigueur est différée en raison d'une expérimentation, mais qui pour autant sont codifiées et d'application immédiate à leur date d'entrée en vigueur sur l'ensemble du territoire national.

On peut remarquer à ce titre qu'il existe deux précédents, intervenus avant la réforme constitutionnelle, d'expérimentations prévues par la loi en matière de procédure pénale. Ils concernaient des dispositions dont l'entrée en vigueur avait été différée.

Ainsi, la loi du 4 janvier 1993 portant réforme de la procédure pénale modifiait la procédure d'audience pour la rendre plus contradictoire (rôle arbitre du président), en reportant cette modification au 1 er janvier 1994, tout en permettant son application immédiate avec l'accord de toutes les parties.

La loi du 5 mars 2007 renforçant l'équilibre de la procédure pénale, et prévoyant l'enregistrement des GAV et des interrogatoires au cours de la GAV et de l'instruction en matière criminelle, dispositions devant entrer en vigueur 15 mois après la publication du texte, permettait au procureur ou au juge d'instruction de décider de cet enregistrement dès la publication de la réforme.

Compte tenu de ces précédents, il a paru donc à la fois constitutionnellement possible et juridiquement opportun :

-De permettre, dès l'adoption du texte, son application expérimentale dans des juridictions de cours d'appel désignées par arrêté, et ce pendant une période de deux ans, avec évaluation de l'expérimentation six mois au moins avant son terme.

Il est ainsi prévu qu'à compter du 1 er janvier 2012 au moins deux cours d'appel seront concernées par l'expérimentation, et au plus dix cours d'appel jusqu'au 1er janvier 2014.

Cette évaluation fera l'objet d'un rapport adressé au Parlement, qui fera le bilan de l'expérimentation de la loi et des conséquences à en tirer sur son application à l'ensemble du territoire national.

A noter que l'expérimentation ne concerne que le dispositif relatif à la participation des citoyens assesseurs au sein des juridictions pénales. La partie du projet de loi relative au droit pénal des mineurs (à l'exception des dispositions instaurant deux citoyens assesseurs au tribunal correctionnel des mineurs) ainsi que les modifications procédurales relatives à la motivation des arrêts d'assises et au rapport du président sont applicables sur tout le territoire de la République à compter du 1 er janvier 2012.

Lors de cette expérimentation, la présence de citoyens assesseurs devant le tribunal correctionnel impliquant leur présence également en appel, il faudra expérimenter dans le ressort d'une cour tous les TGI de la cour, plus la cour, mais il ne serait pas possible de limiter l'expérimentation à un seul TGI ou simplement à certains TGI d'une même cour.

En effet, si ce dernier cas de figure avait été, il aurait alors fallu réserver l'expérimentation au seul examen des appels de ce ou de ces TGI, ou prévoir que si un ou plusieurs TGI sont désignés, toutes les audiences des cours d'appel concernées se feront avec des citoyens assesseurs, même celles portant sur des décisions rendues par des tribunaux correctionnels sans citoyens assesseurs, ce qui aurait été source d'incohérence.

6.3. TEXTES RÉGLEMENTAIRES PRÉVUS EN APPLICATION DU PROJET DE LOI RELATIF À LA PARTICIPATION DES CITOYENS À LA JUSTICE PÉNALE

Articles du PJL qui ne seront applicables qu'une fois les mesures réglementaires prises

Nature du texte réglementaire

Objet du texte réglementaire

Article 1er du PJL

Article 10-2 CPP

Arrêté du garde des Sceaux

Fixation du nombre de citoyens assesseurs par ressort de tribunal de grande instance

Article 1er du PJL

Article 10-4 CPP

Décret en Conseil d'Etat

Fixation du contenu du questionnaire adressé par le maire aux personnes inscrites sur la liste préparatoire de la liste annuelle du jury d'assises

Article 1er du PJL

Article 10-5 CPP

Décret en Conseil d'Etat

Fixation des modalités de l'enquête de moralité diligentée par la commission avant l'inscription d'une personne sur la liste annuelle des citoyens assesseurs

Article 1er du PJL

Article 10-13 CPP

Décret en Conseil d'Etat

• Fixation des modalités selon lesquelles les citoyens assesseurs doivent bénéficier, avant d'exercer leurs fonctions, d'une information sur le fonctionnement de la justice pénale

• Fixation des modalités et du calendrier des opérations nécessaires à l'établissement de la liste annuelle des citoyens assesseurs

• Fixation des modalités de l'indemnisation des citoyens assesseurs

Article 8 du PJL

Article 264-1CPP

Décret en Conseil d'Etat

Fixation des modalités et du calendrier des opérations nécessaires à l'établissement de la liste annuelle des jurés

Article 31 du PJL

Arrêté du garde des Sceaux

Fixation des cours d'appel où les dispositions du titre Ier de la loi (à l'exceptions des articles 6 et 7) et de la troisième phrase du deuxième alinéa de l'article 24-1 résultant de l'article 32 du titre II de la loi sont applicables à titre expérimental jusqu'au 1 er janvier 2014

6.4. DISPOSITIONS SPECIFIQUES A L'OUTRE-MER

• Droit existant

La procédure pénale s'applique sur l'ensemble du territoire de la république. Cependant, des dispositions particulières permettent d'adapter la procédure pénale aux spécificités locales des collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution, ainsi qu'à la Nouvelle-Calédonie.

S'agissant de ce cas, particulier, le système d'échevinage propre à la formation collégiale du tribunal correctionnel de Nouvelle-Calédonie a déjà été précédemment exposé (cf. point 1.1.1.4.).

S'agissant des autres collectivités d'outre-mer, l'article 804 du code de procédure pénale prévoit que ce code est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna sous réserve des adaptations prévues et des exceptions également listées par le dit article.

L'article 877 énumère les articles du code de procédure pénale qui ne sont pas applicables à Mayotte, le reste dudit code l'étant de plein droit, sous réserve des adaptations prévues. L'article 902-1 ne prévoit pas d'exception à l'application du code de procédure pénale à Saint-Pierre-et-Miquelon, sous réserve des adaptations prévues.

Les adaptations prévues consistent notamment à attribuer à un seul magistrat des fonctions plus larges qu'en métropole, du fait d'une population réduite, par exemple, ou d'adapter certaines règles procédurales aux contraintes d'un éloignement et d'une disparité géographiques.

• Impact du présent projet de loi

Dans la mesure où une expérimentation du dispositif introduisant la participation de citoyens assesseurs au sein des juridictions pénales est mise en place, et que pour des raisons d'organisation et de fonctionnement des juridictions, celle-ci n'aura pas lieu dans les cours d'appel ultra-marines, il n'a pas été considéré opportun d'envisager des adaptations à ce stade du processus législatif.

PARTIE 2 :
DISPOSITIONS RELATIVES AU JUGEMENT DES MINEURS

1. ETAT DU DROIT / DIAGNOSTIC

1.1. PRÉSENTATION DE LA JUSTICE PÉNALE DES MINEURS

Trois principes généraux définissent l'esprit de la législation applicable aux mineurs délinquants :

- la priorité donnée à l'éducatif, principe posé par l'article 2 de l'ordonnance de 1945 ;

- la spécialisation des intervenants ;

- des dispositions procédurales plus protectrices.

1.1.1. Age et responsabilité pénale

La loi française fixe la majorité pénale à 18 ans. En revanche, elle ne prévoit aucun seuil de minorité pénale, c'est-à-dire l'âge au-dessous duquel le mineur ne peut être poursuivi pénalement (article 122-8 du code pénal). Ainsi, il revient au magistrat d'apprécier au cas par cas le niveau de discernement du mineur. En l'absence de discernement suffisant, le mineur est considéré comme non responsable pénalement.

1.1.2. Des magistrats et des juridictions spécialisées

La justice pénale des mineurs repose sur des magistrats spécialisés ( parquet des mineurs, juge des enfants, juge d'instruction spécialisé, conseiller délégué à la protection de l'enfance)

Elle s'organise également autour de juridictions spécialisées (article 1 er de l'ordonnance du 2 février 1945) ( juge des enfants, tribunal pour enfants (délits, contraventions de 5ème classe, crimes commis par les moins de 16 ans), chambre spéciale des mineurs de la Cour d'appel, cour d'assises des mineurs ( crimes commis par des mineurs de plus de 16 ans)

1.1.3. Règles procédurales

La loi fixe les règles procédurales applicables aux mineurs en fonction de tranches d'âge.

Par exemple, en ce qui concerne la garde à vue :

La retenue des mineurs de 10 à 13 ans :

Les mineurs de moins de 13 ans ne peuvent être placés qu'en retenue (12 heures renouvelables une fois. L'accord préalable du parquet, du juge d'instruction ou du juge des enfants déjà saisi est nécessaire).

La garde à vue des mineurs de 13 à 18 ans :

Elle est de 24 heures renouvelables une fois. Pour les mineurs de 13 à 16 ans, la garde à vue n'est renouvelable que si la peine encourue est de 5 ans.

Un régime dérogatoire existe en matière de criminalité organisée. Il permet, sous certaines conditions, de porter la garde à vue à 96 heures pour un mineur de plus de 16 ans.

1.1.4. Orientation des procédures

Il existe différents modes d'orientation des poursuites :

- Les alternatives aux poursuites (articles 7-1 de l'ordonnance de 1945 et 41-1 du code de procédure pénale).

- La composition pénale : elle ne peut être prononcée qu'à l'encontre d'un mineur âgé de 13 ans au moins.

- La saisine du juge des enfants (pour les délits simples) ou du juge d'instruction (crimes, affaires complexes ou mixtes)

- La comparution directe devant la juridiction de jugement (juge de proximité, juge des enfants (COPJ afin de jugement), tribunal pour enfants (présentation immédiate))

Type de modes de poursuites

Objet en pratique

Requête sur courrier (art.5 et 8)

Cette procédure de moins en moins utilisée concerne des faits qui n'ont pas pu être traités dans le cadre du traitement en temps réel, soit des faits de faible importance, soit des faits peu graves commis par le mineur dans un autre ressort.

Requête sur défèrement (art.5 et 8)

Cette procédure est utilisée pour des faits d'une certaine gravité et lorsque des mesures de sûreté, voire des mesures éducatives provisoires (par exemple, un placement du mineur), s'avèrent immédiatement nécessaires. Actuellement, elle est souvent utilisée lorsque les conditions de la présentation immédiate ne sont pas réunies.

COPJ devant le JE afin de jugement en chambre du conseil (art.5 et 8-1)

Cette procédure est peu utilisée par les parquets (car le juge des enfants ne peut pas dans ce cas prononcer des peines mais des mesures et des sanctions éducatives). Elle répond à des faits de petite importance lorsque la saisine du juge des enfants s'avère nécessaire, soit parce que le mineur a déjà fait l'objet d'alternatives aux poursuites, soit parce que les faits ont engendré un dommage civil important.

COPJ devant le JE afin de mise en examen (art.5 et 8-1)

Cette procédure est devenue le mode majoritaire de poursuites (le nombre de COPJ mise en examen en 2008: 39 823 et 2009 estimé : 40 709). Le juge des enfants peut mettre en examen le mineur, prononcer des mesures d'investigations ou des mesures provisoires puis le renvoyer soit devant la chambre du conseil, soit devant le tribunal pour enfants. Il peut aussi le juger immédiatement en chambre du conseil.

Cette procédure est utilisée pour l'ensemble des faits de gravité moyenne lorsque le parquet n'envisage pas de requérir de mesures de sûreté.

Présentation immédiate (art. 14-2)

Cette procédure vise à apporter un jugement rapide sur des faits graves commis par des mineurs, a priori en état de réitération de délits, mais elle peut aussi être utilisée contre des mineurs primo-délinquants. Elle permet le prononcé d'une mesure de sûreté à l'issue du défèrement et la convocation du mineur à une audience du tribunal pour enfants dans un bref délai, éventuellement le jour-même.

Dans cette procédure, c'est le ministère public qui fixe la date d'audience dès l'acte de poursuite.

Comparution à bref délai (art.8-2)

Cette procédure permet au ministère public, quel qu'ait été le mode de poursuite initial (sauf PIM), de requérir que le juge des enfants ordonne le renvoi du mineur devant une juridiction de jugement dans un délai compris entre 1 et 3 mois. Le ministère public dispose d'un recours contre la décision du juge des enfants ou en cas d'absence de réponse de ce dernier.

Cette procédure permet un contrôle par le parquet de la durée des procédures d'instruction menées par le juge des enfants.

1.1.5. Les mesures provisoires :

Différentes mesures provisoires sont possibles :

- Les mesures éducatives préjudicielles mises en oeuvre par la PJJ;

- Les mesures de sûreté :

§ Le contrôle judiciaire qui ne peut être prononcé qu'à l'encontre d'un mineur de 13 ans au moins ; les conditions de placement sous contrôle judiciaire et de révocation de la mesure sont différentes pour les mineurs âgés de moins de 16 ans et de plus de 16 ans).

§ L'assignation à résidence avec surveillance électronique qui ne peut être prononcée qu'à l'encontre d'un mineur de 13 ans au moins.

§ La détention provisoire qui n'est possible que pour les mineurs de 13 ans au moins ; entre 13 et 16 ans, les mineurs ne peuvent être placés en détention provisoires que pour crime ou sur révocation d'une mesure de contrôle judiciaire avec placement en centre éducatif fermé ou d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique.

1.1.6. Les mesures éducatives, les sanctions éducatives et les peines :

L'âge du mineur détermine la mesure ou la sanction applicable.

Les mesures éducatives : sont les seules mesures qui pourront être prononcées à l'encontre des mineurs de moins de 10 ans.

Les sanctions éducatives : ne peuvent être prononcées que par le tribunal pour enfants (ou la cour d'assises). Le seuil d'âge est fixé à 10 ans.

Les sanctions pénales : ne peuvent être prononcées qu'à l'encontre de mineurs âgés de 13 ans au moins.

S'applique alors le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale du mineur prévu à l'article 20-2 de l'ordonnance de1945 selon lequel la juridiction ne pourra prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue. Il existe néanmoins certaines dérogations à ce principe fonction de l'âge du mineur (au moins 16 ans), de l'état de récidive et du type d'infraction commise.

Les dispositions du code pénal et du code de procédure pénale en matière de récidive sont applicables aux mineurs et des peines planchers spécifiques aux mineurs sont prévues par la loi.

1.1.7. Rappel historique des modifications du régime pénal applicable aux mineurs

L'évolution générale de la justice des mineurs s'articule autour de trois grands axes :

• un renforcement du rôle du procureur de la République ;

• une accélération du jugement des mineurs ;

• une diversification des réponses pénales.

Un rappel des modifications de l'ordonnance de 1945 figure en annexe 7.2.

1.1.8. Des évolutions fortes constatées par différents rapports et récents travaux

1.1.8.1. Mission Warsmann et rapport Tabarot (rapport remis en mai 2008 - « Exécution des décisions de justice pénale concernant les personnes mineures »)

Le rapport dresse le triple constat d'une délinquance de plus en plus dure, de mineurs passant à l'acte de plus en plus tôt et de délais d'audiencement, de jugement et d'exécution qui demeurent parfois trop longs. Il souligne la nécessité d'agir dans des brefs délais autant sur l'amélioration continue de la rapidité de la sanction que sur son amélioration qualitative, en particulier à l'égard des primo délinquants.

Le rapport préconise :

- Le maintien de l'objectif d'une réponse rapide et efficace à chaque acte de délinquance en confortant l'emploi des procédures rapides et des mesures alternatives aux poursuites, en renforçant la connaissance statistique de l'exécution des décisions de justice et en raccourcissant les délais d'inscription des décisions au casier judiciaire,

- L'amélioration de la prise en charge des mineurs délinquants dès la première intervention pénale ce qui implique de poursuivre les efforts de modernisation de la Protection judiciaire de la jeunesse et du secteur habilité en évaluant son action et en améliorant son offre de prise en charge (augmentation des capacités d'hébergement, rénovation de la formation des éducateurs).

1.1.8.2. Rapport de la Commission Varinard (rapport remis en déc. 2008, « Adapter la justice pénale des mineurs : entre modifications raisonnables et innovations fondamentales - 70 propositions »)

La commission présidée par le recteur André Varinard était chargée de proposer une réforme globale de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante.

Le rapport a formulé soixante-dix propositions pour réformer la justice pénale des mineurs. il souligne l'apparition depuis plusieurs décennies d'autres formes de délinquance plus particulièrement, ce que l'on nomme la délinquance d'exclusion, liée à la précarité et à l'inadaptation qui se traduirait souvent par des infractions graves, violentes et répétées et qui nourrirait le sentiment d'insécurité et, par voie de conséquence, la remise en cause par certains d'une approche purement éducative de ces transgressions. Le rapport rappelait que cette évolution ne devait pas conduire à l'abandon d'un droit pénal spécifique puisqu'elle traduirait, pour le plus grand nombre de ces mineurs, soit des problèmes psychologiques ou psychiatriques, soit une socialisation manquée n'ayant pas permis à ces jeunes d'acquérir une structure de personnalité permettant d'éviter le passage à l'acte.

Le rapport préconise de rendre plus lisible la justice pénale des mineurs en élaborant notamment un code dédié, en adaptant la terminologie et en fixant un âge de majorité pénale et de responsabilité pénale.

Par ailleurs, le rapport propose de mieux adapter la justice pénale à la délinquance des mineurs. Il affirme la nécessité d'une réponse pénale systématique, d'un renforcement de sa cohérence (fixation d'un terme aux alternatives aux poursuites et instauration d'un avertissement final, redéfinition des pouvoirs du juge des enfants statuant en chambre du conseil, création d'un tribunal des mineurs à juge unique, création d'un tribunal correctionnel pour mineurs, instauration d'une catégorie unique de suivi éducatif en milieu ouvert notamment), et de sa célérité (création d'un dossier unique de personnalité, principe de césure de la procédure, réforme de l'enquête officieuse, création de saisines directes de certaines formations de jugement notamment).

1.1.8.3. Rapport de M. Jean-Yves Ruetsch (rapport d'étape remis en fév. 2010 - « Prévenir la délinquance des jeunes : un enjeu pour demain »)

Ce rapport inscrit la prévention sociale et éducative de la délinquance juvénile comme une priorité politique partagée par toute la société. Le rapport observe que la délinquance juvénile aurait augmenté dans les années 90 et se serait stabilisée dans les années 2000, que des « jeunes de cité » seraient plus en marge et plus stigmatisés dans les quartiers sensibles, que les violences auraient fait irruption en milieu scolaire, que les formes de conduites à risque se seraient multipliées et que les souffrances psychiques chez les jeunes seraient particulièrement importantes.

Le rapport préconise :

- Le développement de toutes les formes de prévention sociale et éducative de la délinquance des jeunes, adaptées à chaque situation.

- L'organisation de la coopération entre les acteurs de la prévention.

- L'articulation des différentes politiques concourant à la prévention.

- La clarification et la professionnalisation de l'ensemble des métiers de la prévention intervenant auprès des mineurs et jeunes majeurs.

- L'adaptation des réponses apportées aux jeunes majeurs.

- Une réflexion sur le processus d'évaluation des politiques de prévention.

1.1.8.4. Assises de la délinquance (oct. 2010)

A l'initiative de Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Justice, dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par le Président de la République, les Assises de la prévention de la délinquance juvénile se sont déroulées, jeudi 14 octobre, à la Cour d'Appel de Paris au cours desquelles sont intervenus de nombreux acteurs institutionnels et associatifs, ministres, parlementaires, maires, magistrats, préfet de police de Paris, éducateurs, avocats, représentants d'associations et proviseurs pour témoigner de leurs expériences.

Au travers des constats et des pratiques de chacun, plusieurs axes de réflexion ont émergé :

- La famille doit être placée au coeur du dispositif,

- La citoyenneté doit être considérée comme un levier d'action : plusieurs intervenants ont souhaité un enseignement précoce des règles de vie en société, la transmission des valeurs devant se faire dès le primaire par le biais de l'éducation civique,

- La lutte contre l'absentéisme scolaire : les acteurs locaux ont fait des propositions permettant d'agir avant les situations de décrochage, parfois constatées dès le CM1,

- La cohérence dans l'action des intervenants : la prévention de la délinquance juvénile relève de la responsabilité collective dont l'efficacité de l'action suppose une véritable concertation de tous les acteurs, à tous les niveaux, local et national.

1.1.8.5. Rapport de M. Jean-Marie BOCKEL (rapport remis en nov. 2010, « La prévention de la Délinquance des jeunes »)

Ce rapport relève une augmentation des faits de délinquance commis par des mineurs qui se déclineraient dans trois champs principaux : dans les familles, à l'école et sur la voie publique.

Réaffirmant qu'un mineur qui commet un acte de délinquance n'est pas un adulte en miniature, mais un adulte en devenir, le rapport met en exergue trois grands chantiers structurants :

- ?Le soutien indispensable à la parentalité : des mesures sont proposées pour renforcer l'autorité parentale, favoriser l'intégration et responsabiliser les familles à l'égard de l'obligation scolaire ; le rôle du maire dans les dispositifs locaux de prévention de la délinquance est par ailleurs réaffirmé en proposant de développer les mesures de rappel à l'ordre et de généraliser les Conseils des droits et des devoirs des familles,

- ?La restauration de la citoyenneté par l'école et sur l'ensemble du territoire de la République : il est proposé en particulier la mise en place d'un repérage précoce des difficultés sociales et sanitaires des enfants afin de permettre leur prise en charge le plus en amont possible, des programmes de lutte contre l'absentéisme et le décrochage scolaire, la réintroduction du travail sanitaire et social à l'école, la lutte contre les violences scolaires,

- ?La mise en oeuvre d'une stratégie volontariste de reconquête de l'espace public : les principales propositions visent à concevoir et à mettre en oeuvre une politique spécifiquement ciblée sur les violences commises par les bandes de jeunes filles, dont la part dans la délinquance ne cesserait d'augmenter, à redonner une place centrale à la prévention spécialisée et aux éducateurs de rue et à développer des formations adaptées aux spécificités des mineurs dans les écoles de police ; il est également proposé la création d'un dispositif d'appel à des bénévoles pour mettre en oeuvre un parrainage civique de jeunes en situation de rupture.

1.1.8.6. Code de la justice pénale des mineurs

A la suite des différents travaux engagés et, notamment, des travaux de la Commision présidée par le recteur Varinard, le Gouvernement a engagé des travaux de rédaction d'un code de la justice pénale des mineurs. Cette réforme devait permettre de répondre aux critiques formulées à l'encontre de la lisibilité et de la cohérence de l'ordonnance du 2 février 1945 à la suite de ces réformes nombreuses et successives.

Ces travaux doivent impérativement se coordonner avec le projet du code de procédure pénale qui a été reporté.

1.1.9. DONNÉES STATISTIQUES

Le nombre total de mineurs mis en cause est passé de 98 284 en 1990 à 214 612 en 2009 soit une hausse de +118%.

Sur la même période et par type d'infractions, l'évolution est la suivante :

- pour les vols et les recels : +23%

- pour les escroqueries et les infractions économiques et financières : +72%

- pour les crimes et délits contre les personnes : +575%

- pour les infractions en matière de stupéfiants et les atteintes à la paix publique (y compris les destructions et dégradations) : +318%.

En 2008, le taux de réponse pénale était de 91,1%, soit une hausse de 14 points par rapport à 2001.

Les modes de poursuites se répartissent ainsi :

- le nombre de COPJ mise en examen était en 2008 de 39 823 et estimé en 2009 à 40 709 ;

- le nombre de requêtes pénales avec comparution à délai rapproché (art. 8-2) était en 2008 de 932 et estimé en 2009 à 1 270 ;

- le nombre de procédures de présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs (art. 14-2) était en 2008 de 1 265 et estimé en 2009 à 1 371.

En 2009, 34.011 mineurs ont été jugés par les tribunaux pour enfants alors que 5.064 jugements d'emprisonnement comportant au moins une partie ferme ont été rendus. En 2009 (dernière année disponible), 18 273 condamnations délictuelles (y compris délits douaniers) ont été prononcées par les TPE pour des faits commis par des mineurs (16 à 18 ans). Parmi ces 18 273 condamnations, 607 étaient en récidive (soit 3,3%).

En 2009, la part des 16-18 ans condamnés sur les 13-18 ans est de plus de 53%, et la part des 16-18 ans condamnés à une peine en partie ferme sur les 13-18 ans est de 72%.

Pour l'année 2009, le délai entre la saisine du juge des enfants et le jugement en chambre du conseil est en moyenne de 9,4 mois, et entre la saisine du tribunal pour enfants et le jugement du mineur de 4,8 mois.

En 3.225 mineurs ont été incarcérés (contre 3839 en 2002). Il convient d'y ajouter les 1.064 mineurs qui ont fait l'objet du dispositif CEF. Ainsi 4.289 mineurs ont été placés dans un cadre privatif de liberté, soit 2 pour 1000 au sein des classes d'âge 13-18.

Le secteur public ou associatif de la protection judiciaire de la jeunesse a pris en charge en 2009 près de 96.000 mineurs délinquants. La même année, le secteur public ou associatif de la PJJ a pris en charge 35.400 jeunes en réparation. 5.800 mineurs ont fait l'objet d'une décision de placement hors de leur famille ( hors CEF et CER ) et près de 2.200 mineurs ont été placés dans un établissement renforcé ou fermé ( CEF et CER ).

Au 31 décembre 2009, sur 672 mineurs incarcérés, 397 étaient en détention provisoire (59%) et 275 condamnés.

Tous les mineurs sont suivis en détention par des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, soit dans le quartier pour mineurs des maisons d'arrêt, soit dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (E.P.M.).

1.2. CADRE CONSTITUTIONNEL ET CONVENTIONNEL

1.2.1. Le cadre constitutionnel

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision DC n°2002-461 du 29 août 2002 Loi d'orientation et de programmation pour la justice, a dégagé un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) relatif à la justice pénale des mineurs.

Il a en effet constaté que, depuis la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale jusqu'à l'ordonnance de 45 sur l'enfance délinquante en passant par la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents, deux grandes règles étaient constamment affirmées par le législateur républicain :

1. la responsabilité pénale des mineurs doit être atténuée en fonction de leur âge ;

2. la réponse aux infractions que commettent les mineurs doit rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées.

Invité par les auteurs de sa saisine à consacrer le principe selon lequel, en matière de justice pénale des mineurs, les mesures coercitives devaient toujours être écartées au profit des mesures purement éducatives, le Conseil constitutionnel a, au contraire, constaté que les dispositions originelles de l'ordonnance de 45 n'écartaient pas la responsabilité pénale des mineurs et n'excluaient pas, en cas de nécessité, que fussent prononcées à leur égard des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de 13 ans, la détention.

Dès lors, le législateur, lorsqu'il fixe les règles relatives à la justice pénale des mineurs, doit respecter le PFRLR. Mais, il doit également, dans ce domaine comme dans d'autres, concilier des exigences constitutionnelles contradictoires : d'un côté, le PFLR et les principes constitutionnels dégagés en matière pénale (principe de responsabilité personnelle et de personnalité des peines, principe de nécessité des délits et des peines, principe de présomption d'innocence et de respect des droits de la défense ...), de l'autre, la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel a fait application de ce PFRLR à plusieurs reprises pour valider :

• les sanctions éducatives telles qu'énumérées par l'article 15-1, dès lors qu'elles prennent en compte, conformément au principe de proportionnalité des peines, les obligations familiales et scolaires des intéressés (DC n°2002-461 du 29 août 2002) ;

• les dispositions permettant d'écarter, pour les mineurs de plus de 16 ans, l'atténuation de responsabilité pénale compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ou parce que les faits constituent une atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne et qu'ils ont été commis en état de récidive légale (peu importe dans ce dernier cas que la décision ne soit pas spécialement motivée) (DC n°2007-553 du 3 mars 2007) ;

• les dispositions écartant, pour les mêmes mineurs, l'atténuation de responsabilité pénale lorsque certaines infractions ont été commis une nouvelle fois en état de récidive légale à moins que la juridiction des mineurs compétente n'en décide autrement (DC n°2007-554 du 9 août 2007) ;

• les peines minimales applicables aux mineurs, sous réserve de leur diminution de moitié (DC n°2007-554 du 9 août 2007) ;

• l'élargissement du contrôle judiciaire aux mineurs de 13 à 16 ans en matière correctionnelle, et donc la possibilité de les placer en détention provisoire en cas de révocation, (DC n° n°2002-461 du 29 août 2002) ;

• la procédure de jugement à délai rapproché, notamment en ce qu'elle répond à la situation particulière des mineurs en raison de l'évolution rapide de leur personnalité (DC n°2002-461 du 29 août 2002) ;

• la procédure de présentation immédiate, dès lors que les mineurs ne peuvent être traduits que devant une juridiction pour mineurs, seulement si des investigations sur la personnalité ont été accomplies à l'occasion de la procédure en cours ou d'une procédure antérieure de moins d'un an et que le quantum des peines permettant de recourir à cette procédure demeure supérieur à celui de la comparution immédiate (DC n°2007-553 du 3 mars 2007) ;

• la compétence du juge de proximité pour les contraventions des quatre premières classes commises par les mineurs, dès lors que les mineurs de 13 ans ne peuvent faire l'objet que d'une admonestation et que la publicité des débats est soumise aux restrictions prévues par l'article 14 de l'ordonnance (DC n°2002-461 du 29 août 2002).

Le Conseil constitutionnel a, en revanche, invalidé sur le fondement de ce principe :

• l'application aux mineurs de l'extension des peines minimales encourues pour certaines infractions hors la circonstance de récidive légale (DC n°2011-625 du 10 mars 2011) ;

• la convocation par officier de police judiciaire (COPJ) devant le tribunal pour enfants faute de distinguer selon l'âge du mineur, l'état de son casier judiciaire et la gravité des infractions poursuivies et en l'absence de garanties sur la présence d'informations récentes sur la personnalité du mineur (DC n°2011-625 du 10 mars 2011).

1.2.2. Le cadre conventionnel

L'Assemblée générale de l'ONU a adopté dans sa résolution 40/33 du 29 novembre 1985, des règles concernant l'administration de la justice pour mineurs, dites Règles de Beijing. Ces règles n'ont pas force obligatoire en droit international . Il y est notamment rappelé :

qu'un « mineur est un enfant ou un jeune qui, au regard du système juridique considéré, peut avoir à répondre d'un délit selon des modalités différentes de celles qui sont appliquées dans le cas d'un adulte » ;

que « Le droit du mineur à la protection de sa vie privée doit être respecté à tous les stades afin d'éviter qu'il ne lui soit causé du tort par une publicité inutile et par la qualification pénale » et qu'en « principe, aucune information pouvant conduire à l'identification d'un délinquant juvénile ne doit être publiée » ;

que « La procédure suivie doit tendre à protéger au mieux les intérêts du jeune délinquant et se déroulera dans un climat de compréhension, permettant ainsi à celui-ci d'y participer et de s'exprimer librement » ;

que « Dans tous les cas, sauf pour les petites infractions, avant que l'autorité compétente ne prenne une décision définitive préalable à la condamnation, les antécédents du mineur, les conditions dans lesquelles il vit et les circonstances dans lesquelles le délit a été commis font l'objet d'une enquête approfondie de façon à faciliter le jugement de l'affaire par l'autorité compétente ».

La Convention Internationale relative aux droits de l'enfant (CIDE), du 20 novembre 1989, comporte notamment un ensemble de droits et recommandations spécifiques à la matière pénale.

L'application de la CIDE n'est pas contrôlée et sanctionnée par une juridiction internationale. Son respect est donc subordonné à la reconnaissance par les juridictions françaises de l'effet direct de la convention.

Le Conseil d'Etat et la Cour de Cassation reconnaissent un effet direct aux dispositions de la CIDE qui paraissent suffisamment claires et précises pour être appliquées directement sans qu'il ne soit nécessaire de mettre en place une législation nationale spécifique.

A titre d'exemple, les stipulations de l'article 3-1 (prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions qui les concernent) ont un effet direct.

En revanche, les dispositions qui s'adressent aux Etats parties pour qu'ils mettent en place des règles conformes aux objectifs visés ne peuvent être invoquées par un particulier.

C'est pourquoi les stipulations des articles 37 et 40, qui recommandent aux Etats parties de mettre en place des règles de procédure pénale respectueuses des droits du mineur délinquant, n'ont pas d'effet direct et ne peuvent être invoquées directement par un particulier .

Le 17 novembre 2010, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté de nouvelles lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants. Ce texte vise à assister les 47 Etats membres du Conseil à adapter leurs systèmes judiciaires aux droits, intérêts et besoins spécifiques des enfants face aux différents obstacles rencontrés par eux au sein du système judiciaire.

Ces lignes directrices n'ont pas de valeur contraignante mais devraient inspirer les gouvernements lorsqu'ils légifèrent en matière civile, administrative ou pénale afin de garantir au mieux l'application des grands principes en matière des droits de l'enfant.

Par « enfant », il faut entendre toute personne de moins de 18 ans. Par « justice adaptée aux enfants » il faut entendre les systèmes judiciaires garantissant le respect et la mise en oeuvre effective de tous les droits de l'enfant au niveau le plus élevé possible, notamment les droits garantis par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans le cadre de ses politiques en matière de justice civile et pénale, et conformément à sa stratégie pour la mise en oeuvre effective de la charte des droits fondamentaux, la Commission de l'Union européenne a par une communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des Régions en date du 15 février 2011, qui intègre les lignes directrices du Comité des ministres du Conseil de l'Europe (point 4), indiqué comment contribuer à une meilleure adaptation des systèmes juridiques de l'UE aux enfants, notamment:

1. en adoptant, en 2011, une proposition de directive sur les droits des victimes, visant à accroître le niveau de protection des victimes vulnérables, en particulier des enfants;

2. en soumettant, en 2012, une proposition de directive concernant des garanties spécifiques pour les suspects ou les personnes poursuivies en situation de vulnérabilité, notamment les enfants;

3. en révisant, d'ici à 2013, la législation de l'Union facilitant la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de responsabilité parentale, afin de garantir, dans l'intérêt de l'enfant, la reconnaissance et l'exécution de ces décisions dans les meilleurs délais, notamment en instaurant, le cas échéant, des normes minimales communes;

4. en encourageant l'application des lignes directrices adoptées par le Conseil de l'Europe le 17 novembre 2010 sur une justice adaptée aux enfants et en tenant compte de celles-ci dans les instruments juridiques qui verront le jour dans le domaine de la justice civile et de la justice pénale;

5. en soutenant et en encourageant la conception d'actions de formation destinées aux juges et autres professionnels, au niveau européen, sur les moyens de favoriser une participation optimale des enfants au système judiciaire.

1.3. ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

Le seuil d'âge en dessous duquel un mineur ne pourra être tenu pour pénalement responsable de ses actes est relativement homogène, autour de l'âge de 14 ans. Dans la majorité des cas (à l'exception de la Suède et du Portugal ) il existe des juridictions spécifiques pour les mineurs. Face à la délinquance des mineurs, l'ensemble des pays étudiés dispose d'un assez large éventail de mesures éducatives.

Age de la responsabilité pénale : la plupart des pays fixent un âge en dessous duquel le mineur est totalement irresponsable pénalement. Il varie en fonction des pays. Il est fixé par la loi à : 10 ans pour la Suisse et l'Angleterre, 12 ans pour les Pays-Bas, 14 ans pour l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie, 15 ans pour la Suède, 16 ans pour le Portugal et 18 ans pour la Belgique.

Toutefois, dans certains pays, les seuils d'âge relatifs à l'irresponsabilité pénale du mineur, ne sont pas inflexibles. En Allemagne, un mineur ne pourra être déclaré pénalement responsable au-delà de l'âge de 14 ans et jusqu'à la majorité pénale, que s'il est établi qu'il était suffisamment mûr moralement et intellectuellement pour saisir l'illégalité de l'acte et agir en conséquence. En Italie, le mineur ne peut être déclaré responsable pénalement au-delà de l'âge de 14 ans que s'il est démontré qu'il avait un discernement suffisant. En Belgique, le mineur jusqu'à 18 ans bénéficie d'une présomption générale d'absence de discernement qui empêche toute condamnation pénale avant la majorité, mais cette présomption peut être renversée à partir de 16 ans s'il est prouvé que le mineur était discernant.

Majorité pénale : l'âge à partir duquel le délinquant ne comparait plus devant une juridiction spécialisée pour mineur et ne bénéficie plus à priori d'une atténuation de responsabilité, est fixé dans la quasi-totalité des pays étudiés à 18 ans, à l'exception du Portugal où cet âge est fixé à 21 ans.

Au-delà de cet âge, certains pays appliquent le droit des mineurs aux jeunes adultes de 18 à 21 ans. C'est le cas en Allemagne si « un examen global de la personnalité de l'auteur et la prise en compte de son entourage révèlent qu'en raison de son développement moral et psychique au moment des faits, il pouvait être considéré comme mineur », et en Espagne, si l'infraction n'est pas trop grave et qu'il n'y a eu aucune violence ou intimidation.

Le droit des mineurs aux Pays-Bas présente une certaine originalité. Le juge des enfants peut décider d'appliquer aux mineurs âgés de 16 à 18 ans les peines destinées aux majeurs en raison de la gravité des actes, de leur personnalité ou des circonstances dans lesquelles le délit a été commis. Inversement, pour les jeunes majeurs de 18 à 21 ans, le juge correctionnel peut décider d'appliquer le droit des mineurs en raison de la personnalité du jeune ou des circonstances de commission de l'infraction.

Spécialisation des juridictions :

Tous les pays étudiés -à l'exception de la Suède et du Portugal- prévoient cette spécialisation. Certaine juridictions spécialisées sont composées de magistrats non professionnels, en partie (échevinage), c'est le cas de l'Allemagne et de l'Italie, ou intégralement (Royaume-Uni); tandis que d'autres fonctionnent à juge unique (Belgique, Espagne et Pays-Bas).

-Absence de spécialisation

Au Portugal, ce sont les juridictions de droit commun qui jugent des infractions commises par les mineurs de plus de 16 ans. Les mineurs de moins de 12 à 16 ans, non responsables pénalement, peuvent faire l'objet de mesures d'assistance éducatives prononcées par le juge des enfants (dans les régions où il n'existe pas de tribunaux pour enfants, la compétence pour juger appartient aux tribunaux de droit commun), quant à ceux de moins de douze ans, ils répondent de leurs actes devant une commission administrative dite « de protection ». En Suède, il n'existe pas de tribunaux spéciaux pour mineurs. Les mineurs sont jugés par les mêmes juridictions que pour les majeurs. Il convient cependant de préciser qu'en première instance et en appel, les affaires concernant les mineurs sont jugées par un magistrat assisté de trois assesseurs non juristes, mais spécialisés dans les questions relatives à la jeunesse.

-Echevinage

En Allemagne, trois juridictions spécialisées sont compétentes : le Juge des mineurs « Jugendrichter », le tribunal échevinal pour mineurs « Jugendschöffengericht » et la Grande chambre des mineurs « Grosse Jugendkammer ». Le juge des mineurs est compétent pour tous les délits pour lesquels seront prononcées des mesures éducatives ou une peine d'emprisonnement inférieure à un an. Le tribunal échevinal est compétent pour les infractions de moyenne gravité (passibles d'une peine de prison inférieure à trois ans) et la Grande chambre des mineurs est compétente essentiellement pour certains crimes graves et en tant que juridiction d'appel des deux autres juridictions. Le tribunal échevinal et la grande chambre des mineurs ont une composition mixte au sein de la quelle siègent respectivement un juge professionnel (Président) et deux assesseurs pour le premier, et trois juges professionnels (dont le Président) et deux assesseurs pour la seconde. Les assesseurs disposent d'une expérience dans la matière des mineurs et en matière pédagogique. En Italie, le tribunal pour mineurs se compose de quatre membres, deux magistrats de carrière et deux citoyens, experts en la matière.

-Juges non professionnels

Au Royaume-Uni, ce sont en principe les « Youth Court » qui jugent les mineurs délinquants de 11 à 18 ans. Ces tribunaux sont constitués de juges non professionnels qui suivent une formation spéciale. Cependant les mineurs de plus de 14 ans peuvent être jugés par la « Crown Court » (juridiction pénale ordinaire, c'est-à-dire jury siégeant en Cour d'assises, mais avec une composition légèrement différente) si l'infraction commise est très grave.

-Juge unique

En Belgique, le tribunal de la jeunesse, compétent pour traiter les cas de délinquance juvénile, statue à juge unique (il en est de même en appel). Il est composé d'une ou de plusieurs chambres à juge unique. Le juge de la jeunesse est un juge professionnel spécialisé, sans formation particulière. Il est également compétent pour prendre des mesures à l'égard des parents lorsqu'ils ne remplissent pas leur devoir d'éducation.

En Espagne, le juge des mineurs, magistrat spécialisé, est compétent pour connaître de la responsabilité pénale des mineurs

Aux Pays-Bas, les affaires relatives aux mineurs (familiales, civiles et pénales) sont de la compétence d'un juge unique, le juge pour enfants (« Kinderrechter »).

Mesures éducatives et peines spécifiques appliquées aux mineurs responsables

Dans la majeure partie des pays étudiés, les mineurs non responsables pénalement peuvent faire l'objet de mesures d'assistance éducative ou de protection. Ils sont alors considérés comme des mineurs en danger. C'est le cas notamment de l'Allemagne, de la Belgique, du Portugal et de la Suède.

Concernant les mineurs pénalement responsables, les pays étudiés se partagent entre trois grands modèles. Le Royaume-Uni présente un système légaliste, mettant l'accent sur la responsabilisation du mineur. Des mesures éducatives ou alternatives aux peines ne sont envisagées généralement que pour les petites infractions ou au seul bénéfice des primo-délinquants. La Belgique, le Portugal et la Suède disposent d'un système centré sur le relèvement éducatif du mineur, qui ne fait apparaître la sanction qu'en tout dernier recours. Les autres pays sont dotés d'un système mixte, encourageant les mesures alternatives à la loi, tout en maintenant un effet dissuasif à la réponse judiciaire.

-Système légaliste

-Au Royaume-Uni, l'incarcération est possible, pour les infractions graves, dès l'âge de 10 ans. Les délinquants âgés de 10 à 17 ans peuvent faire l'objet d'une « detention and training » d'une durée allant de 4 à 24 mois. Un contrat de réinsertion peut être proposé au mineur primo délinquant qui a reconnu les faits. Parmi les autres peines figure la « supervision » (soutien apporté par un travailleur social), le couvre feu, le « referral order » et le « reparation order » (mesure de réparation). Le « referral order » (qui ne peut s'appliquer lorsque l'infraction est trop grave ou au contraire de faible gravité) est une voie réparatrice qui permet au mineur, âgé entre 10 et 18 ans, de conclure avec une commission pour jeune délinquants (composée de représentants de la police, du service de probation, des services sociaux), en présence de ses parents, un contrat de réinsertion d'une durée de 3 mois à un an, qui peut inclure des mesures de réparation du dommage causé. Quand le contrat est rempli avec succès, l'infraction n'est plus mentionnée sur le casier judiciaire. Le « reparation order » impose au mineur de réparer le dommage causé par l'infraction, directement au profit de la victime ou vis-à-vis de la communauté. Il peut inclure une mesure de médiation avec la victime.

-Système éducatif

-En Belgique, les mineurs jusqu'à 18 ans bénéficient d'une présomption générale d'absence de discernement. Seules des « mesures de garde, de préservation et d'éducation » (article 37 de la loi relative à la protection de la jeunesse) sont applicables, à l'exclusion de toute peine. En pratique, le juge peut notamment réprimander le mineur, le placer dans une famille d'accueil ou dans une institution spécialisée, lui imposer un travail d'intérêt général. Le juge de la jeunesse peut aussi décider de se dessaisir de l'affaire si le mineur a plus de 16 ans, qu'il a commis un fait grave et que les mesures éducatives sont inadéquates. Le jeune est alors renvoyé vers un tribunal pour adulte (et peut être placé dans un établissement pénitentiaire sous régime spécial).

- Au Portugal, la justice des mineurs met davantage l'accent sur l'éducation, la protection et l'assistance éducative plutôt que sur la sanction des mineurs délinquants. Lorsque l'infraction commise est normalement punie par une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure à deux ans et que le délinquant est mineur, le juge peut choisir de lui appliquer une ou plusieurs des mesures prévues par le décret loi sur la protection des mineurs : admonestation, privation de certains droits, réparation à la victime, participation à des travaux collectifs, suivi de certaines obligations, accompagnement éducatif, internement en centres éducatifs. Le juge peut aussi prononcer une peine d'emprisonnement, cependant, il doit en réduire la durée s'il pense que cette atténuation peut favoriser la réinsertion du mineur. Toute mesure décidée par un tribunal à l'égard d'un délinquant mineur doit faire l'objet d'un réexamen après un délai d'un an et même après six mois si l'enfant a fait l'objet d'un placement en institution.

-En Suède, des peines d'emprisonnement ne peuvent être prononcées, sauf pour des motifs graves, avant l'âge de 18 ans. Les mesures éducatives et de protection sont privilégiées: amende, emprisonnement, sentence conditionnelle, liberté surveillée, internement, travail d'intérêt général, placement en centre fermé (qui est la mesure privilégiée pour les mineurs âgés entre 15 et 18 ans). Une « considération spéciale » doit être accordée au jeune jusqu'à 21 ans en raison de son âge et une peine « plus douce » doit être prononcée.

-Système mixte

-En Allemagne, les mesures éducatives et disciplinaires sont privilégiées : travail d'intérêt général, soumission à certaines règles de conduite, formation professionnelle, admonestation, réparation à la victime des dommages causés, détention dans une maison d'arrêt pour le week-end. Ce n'est que lorsque celles-ci sont insuffisantes, compte tenu de la gravité de l'acte et des dispositions dangereuses du mineur, qu'une peine de prison est imposée. Seuls les mineurs de plus de 16 ans peuvent être condamnés à une peine d'emprisonnement. Les peines de prison peuvent faire l'objet en pratique d'un aménagement : sursis avec mise à l'épreuve ou remise en liberté sous la surveillance d'un agent de probation, après un temps partiel d'exécution.

-En Espagne, les mesures imposées par le juge des mineurs sont davantage prononcées en fonction de la personnalité du mineur que du fait commis. Ce secteur du droit pénal a avant tout une finalité éducative, guidée par l'intérêt de l'enfant. Le juge peut imposer l'une des mesures suivantes : admonestation, réalisation de travaux socio-éducatifs, travaux d'intérêt général, placement, traitement thérapeutique. La loi du 12 janvier 2000 a également engagé la responsabilité pénale des mineurs vers un processus de déjudiciarisation : le ministère public peut abandonner les poursuites pénales si le mineur procède à la réparation du préjudice, et qu'il s'agit d'un premier délit. Le tribunal peut prononcer une mesure de liberté surveillée pour les mineurs de 14 à 16 ans en cas de faits de violences urbaines à la place de l'emprisonnement (qui peut aller jusqu'à 4 ans pour un mineur de 14 ans). Une loi du 5 juillet 2006 a toutefois augmenté la répression de certaines infractions de violences commises par les mineurs.

-En Italie, la réforme de 1998 a eu pour but principal de faire sortir le mineur du circuit pénal et judiciaire le plus rapidement possible en favorisant sa prise en charge par la collectivité. Est fréquemment prononcé par le juge le non lieu pour insignifiance du fait ou le « pardon judiciaire » (absence de condamnation) lorsque le mineur encourt une peine de prison n'excédant pas deux ans ou une peine d'amende n'excédant pas 1525 euros et qu'il n'a pas été auparavant condamné à une peine de prison. Le pardon judiciaire est utilisé dans 80% des cas, amis cette dispense de peine ne peut intervenir qu'une seule fois.

De façon générale, le juge des enfants a recours à des sanctions alternatives destinées à éviter l'incarcération du mineur dans l'hypothèse où la peine de prison encourue est inférieure à deux ans. Les délinquants mineurs ayant commis des infractions punissables d'une peine de détention de plus de 12 ans d'emprisonnement peuvent aussi bénéficier d'une « suspension du procès pénal avec mise à l'épreuve pendant une période de trois ans. Si à la fin de la mesure le résultat est jugé positif, l'infraction est considérée comme éteinte et le mineur sort du circuit pénal. Toutefois, le droit italien applique aux mineurs les mêmes sanctions que celles que l'on applique aux majeurs, mais sous une forme atténuée (par ex la peine de perpétuité est transformée en peine de détention de 24 ans).

-Aux Pays-Bas, le programme Halt permet aux primo-délinquants auteurs d'infractions mineures (actes de vandalisme et certaines infractions contre le patrimoine) ainsi qu'aux jeunes majeurs qui ont commis des délits mineurs en bande, de réparer leur faute avant le début de la procédure pénale (loi du 1 er septembre 1995). L'officier de police judiciaire pourra, avec l'accord préalable du procureur de la Reine, proposer au mineur de participer à un projet. Il s'agit le plus souvent d'accomplir des petits travaux en relation avec le dommage causé ou de rembourser les dégâts causés. Si le mineur a participé de façon satisfaisante au projet, l'action publique est alors éteinte.

De façon plus générale, l'article 77 du code pénal néerlandais, dispose que le TIG (d'une durée maximale de 240 heures), un projet éducatif ou une activité de réparation des dommages causés, peuvent être réalisés par le mineur comme condition de non engagement des poursuites ou bien comme peine de substitution à la détention ou l'amende.

Cependant des mesures répressives existent. Des mesures de sûreté peuvent être prononcées (2 ans maximum). Une surveillance par bracelet électronique a également été mise en place chez les mineurs qui sont tenus d'aller à l'école ou au travail ou qui ne peuvent sortir la nuit. La peine la plus grave est la détention dans un centre pour mineur qui ne peut excéder 12 mois pour les 12 à 16 ans et 24 mois pour les 16 à 18 ans.

Le rapport de M. BOCKEL sur la Prévention de la délinquance des jeunes remis en novembre 2010 préconise d'instaurer un « benchmarking » appuyé sur les expériences conduites en Europe. A ce titre, il souligne qu'en fonction de l'histoire, de l'organisation politique et administrative, de la culture et des formes de délinquance, plusieurs pays d'Europe ont développé ces dernières années des politiques volontaristes, mettant l'accent sur telle forme de prévention ou sur telle priorité. Les Pays-Bas affectent 10 % du budget de tout projet de prévention à son évaluation. Mais le plus souvent, les politiques développées reposent sur des réponses « mixtes », même dans des pays marqués culturellement par un modèle de prévention. Il serait ainsi aujourd'hui abusif de cantonner la France à la prévention sociale et la Grande-Bretagne à la prévention situationnelle. Ainsi, la Grande-Bretagne a développé, par exemple, un dispositif poussé et novateur par la mise en place d'une « équipe de suivi des jeunes délinquants » (« Youth Offending Team », YOT). Ces équipes territorialisées sont composées de policiers, de travailleurs sociaux, d'enseignants ou encore de professionnels de la santé, et construisent un projet individualisé avec le jeune.

2. OBJECTIFS

Malgré les évolutions importantes que la justice pénale des mineurs a connues au cours de la dernière décennie, le jugement des mineurs délinquants reste insatisfaisant sur certains points.

Ainsi, en 2009, le délai moyen de réponse pénale était de 18,8 mois pour les 30 064 condamnations prononcées par les tribunaux pour enfants 5 ( * ) . Ce délai mesure la durée écoulée entre la date des faits et la condamnation par le tribunal pour enfants. Il reste trop important s'agissant de mineurs pour lesquels la rapidité du prononcé de la sanction favorise grandement sa compréhension. Ce délai est également difficilement compris par la victime qui attend la reconnaissance et la réparation de son préjudice.

De plus, les réponses pénales souffrent parfois d'une insuffisance de cohérence. Les affaires ne sont pas nécessairement jugées dans un ordre chronologique des saisines, compte tenu de la diversité des voies procédurales mises en oeuvre et de leurs délais. Par ailleurs, certains mineurs sont jugés sans que des investigations approfondies sur leur personnalité n'aient été ordonnées.

Enfin, les derniers rapports sur la justice pénale des mineurs soulignent la nécessité de replacer la famille au coeur du dispositif.

2.1. OBJECTIF 1 : RÉDUIRE LES DÉLAIS DE JUGEMENT

Ainsi, les dispositions du présent texte tendent à réduire les délais de jugement tout en préservant le principe de la connaissance de la personnalité du mineur par la juridiction de jugement.

A cet effet, est introduit le dossier unique de personnalité.

En outre, le texte propose de clarifier la condition de connaissance de la personnalité des mineurs nécessaire pour pouvoir recourir à la procédure de présentation immédiate. En effet, alors que les débats parlementaires lors de l'adoption du texte en 2002 soulignent sans ambiguïté que cette procédure peut concerner des mineurs n'ayant pas fait l'objet d'une poursuite pénale dans l'année précédant les faits, le texte est interprété par certains praticiens comme ne permettant pas le recours à celle procédure dans cette hypothèse. Aussi, est-il expressément précisé que la rédaction d'un rapport de personnalité du mineur par le service éducatif auprès du tribunal sur réquisitions du parquet est suffisant pour recourir à la procédure.

Par ailleurs, le texte propose d'insérer dans l'ordonnance un article 8-3 aux fins de permettre la convocation par officier de police judiciaire des mineurs devant le tribunal pour enfants. Cette mesure répond à l'objectif de réduction des délais de jugement des mineurs dès lors qu'elle permet la saisine directe de la juridiction de jugement. Cet objectif sera d'autant mieux rempli que le délai de convocation est limité à deux mois.

Enfin, afin de simplifier les nombreux modes de poursuites prévues par l'ordonnance du 2 février 1945, la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement en chambre du conseil est supprimée. Cette procédure est en effet très peu utilisée : la convocation par officier de police judiciaire aux fins de mise en examen permettant au juge des enfants de mettre le mineur en examen et prononcer les mesures provisoires qu'il estime utiles mais également de le juger immédiatement en chambre du conseil si les faits et la personnalité du mineur le justifient.

2.2. OBJECTIF 2 : ADAPTER LA RÉPONSE PÉNALE À L'ÉVOLUTION DE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

Le projet de loi prévoit pour les faits de violence un abaissement à 5 ans contre 7 ans aujourd'hui du seuil de la peine encourue permettant un placement du mineur de moins de 13 à 16 ans sous contrôle judiciaire. Ces mineurs pourront être placés dans ce cadre en centre éducatif fermé.

L'extension par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance de la possibilité d'un placement sous contrôle judiciaire en matière correctionnelle a été appliquée par de nombreuses juridictions, notamment dans le cadre des présentations immédiates, l'obligation la plus fréquemment prononcée étant l'éloignement du mineur ou l'obligation de placement, notamment en CEF 6 ( * ) .

Si la délinquance des mineurs de 13 à 16 ans reste, prise dans sa globalité, relativement stable sur la période récente, on constate cependant une augmentation des condamnations de cette tranche d'âge pour des faits de violences volontaires délictuelles. Ainsi, alors que 3.733 condamnations de ce chef ont été prononcées à l'encontre de mineurs de 13 à 16 ans en 2006, ce nombre était de 4.228 en 2009, soit une augmentation d'environ 13% sur trois années 7 ( * ) .

Certains ressorts sont marqués par une hausse plus significative encore des faits de violence commis dans le contexte d'affrontements de « bandes » impliquant des mineurs de cette tranche d'âge, aux conséquences parfois fatales. Si le phénomène n'est pas nouveau, la violence qu'il génère s'est fortement aggravée ces dernières années et implique des mineurs de plus en plus jeunes, et notamment de moins de 16 ans.

L'extension du contrôle judiciaire à cette catégorie de faits s'avère donc nécessaire pour apporter une réponse adaptée à l'évolution de la délinquance des mineurs et permettre le cas échéant le prononcé d'un éloignement en CEF pour prévenir efficacement le risque de réitération et amorcer une action d'éducation en milieu plus contraint. Ces établissements donnent de bons résultats puisque nous savons, après plusieurs années de fonctionnement, que plus des deux tiers de mineurs qui en sortent ne récidivent pas dans l'année qui suit. La prise en charge très renforcée (les mineurs ne peuvent sortir sans accompagnement), pluridisciplinaire (personnels de la PJJ, de l'éducation nationale, de la santé) semble tout à fait adaptée à l'éducation de primo-délinquants manquant gravement de repères ; il convient en effet à leur égard de ne pas attendre la réitération de faits graves pour enclencher une rupture nette et salutaire dans leur comportement.

Le projet de loi ouvre par ailleurs la possibilité pour le juge des enfants exerçant les fonctions de juge de l'application des peines de placer le mineur en centre éducatif fermé quand le non-respect des obligations prévues en matière de mise à l'épreuve peut entraîner la révocation du sursis et la mise à exécution de la peine d'emprisonnement.

Le juge des enfants peut ainsi recourir à une mesure efficace dans la prévention de la délinquance et la réinsertion du mineur condamné.

Le projet de loi prévoit également la possibilité de cumuler les peines d'amende, de travail d'intérêt général et d'emprisonnement avec sursis avec les sanctions éducatives afin de mieux concilier la nécessité d'une réponse judiciaire à l'acte commis et le souci d'une démarche éducative adaptée à la personnalité du mineur.

Enfin, pour les mineurs les plus délinquants et qui s'approchent de leur majorité civile, il importe que la réponse pénale corresponde à la réalité de leur ancrage dans la délinquance. Les peines-planchers instituées en 2007 pour les mineurs récidivistes relevaient également de cet objectif et ont d'ailleurs accru la sévérité des condamnations prononcées contre ces mineurs.

Néanmoins, il semble nécessaire que la progressivité de la réponse pénale se manifeste également par un changement de la formation de jugement chargée de juger ces faits commis en récidive.

Ainsi, le présent texte propose que les mineurs récidivistes âgés d'au moins 16 ans soient jugés par un tribunal correctionnel, dans lequel siégera un juge des enfants.

Cette juridiction statuera en respectant des règles procédurales spécifiques adaptées aux mineurs. Elle pourra notamment prononcer des mesures et sanctions éducatives si elle estime que le prononcé d'une peine n'est pas nécessaire.

Pour autant, la traduction de ces mineurs devant un tribunal correctionnel permet, en tant que telle, de signifier l'aggravation de la situation pénale de ces mineurs et le renforcement de la réponse pénale à leur encontre.

Parmi les 18 273 condamnations prononcées en 2009 contre des mineurs âgés d'au moins 16 ans, 680 étaient prononcées pour des faits commis en récidive. Par ailleurs 287 mineurs ont été condamnés pour une infraction commise en récidive et prévue par le projet jurés populaires (avec l'imperfection sur les vols aggravés par 2 ou 3 CA, qui sont tous compris), soit environ 1% des 30957 mineurs de cet âge condamnés et 42% des (680) mineurs récidivistes

2.3. OBJECTIF 3 : IMPLIQUER PLEINEMENT LES PARENTS DU MINEUR DANS LE PROCESSUS JUDICIAIRE

Enfin, le souci d'apporter la réponse la plus adaptée à la délinquance des mineurs s'accompagne nécessairement de l'ambition d'impliquer pleinement les parents du mineur dans le processus judiciaire.

A cet effet, le présent texte introduit divers mécanismes de responsabilisation des parents.

D'une part, les jugements prononcés contre le mineur seront qualifiés de contradictoire à signifier si les parents ont été régulièrement cités et qu'ils ne se présentent pas à l'audience.

D'autre part, au-delà de l'amende civile déjà prévue dans l'ordonnance du 2 février 1945 pour les parents non comparants à l'audience, le texte prévoit de permettre à la juridiction de prononcer un ordre de comparaître afin de les faire conduire à l'audience par les forces de l'ordre. Cette procédure créée sur le modèle de la comparution forcée des témoins répond pleinement à l'objectif poursuivi puisque les parents du mineur délinquant n'auront plus d'échappatoire et devront assumer la situation devant la juridiction.

3. OPTIONS

Comme indiqué précédemment, le Gouvernement a engagé des travaux de rédaction d'un code de la justice pénale des mineurs. Ces travaux doivent impérativement se coordonner avec le projet de réforme du code de procédure pénale qui a été reporté.

Il a donc été décidé de recourir à ce stade à une modification de l'ordonnance du 2 février 1945 afin de répondre aux objectifs précédemment évoqués dans les meilleurs délais et sans attendre la finalisation des codes précités.

3.1. L'ÂGE DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE

L'absence de détermination précise et objective d'un âge de la responsabilité pénale des mineurs ne pose aucune difficulté au regard des exigences conventionnelles pesant sur la France.

On peut d'ailleurs rappeler que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), dans ses arrêts T. c. Royaume uni et V. c. Royaume Uni, du 16 décembre 1999, n'a pas fixé d'âge minimum de responsabilité pénale, ni n'a obligé les Etats membres à fixer cet âge. Elle a, au contraire, relevé qu'il n'existait pas de normes communes sur ce point en Europe et a rappelé que les conventions internationales, et notamment les règles de Beijing et la CIDE ne fixent pas non plus cet âge minimum, encourageant simplement les Etats à ne pas le fixer trop bas.

Elle s'est donc bornée, dans ces arrêts, à définir implicitement la responsabilité pénale comme la possibilité de se voir infliger une peine, en retenant qu'en France un mineur est pénalement responsable à 13 ans. En effet, en deçà de cet âge, un mineur ne peut être soumis qu'à des mesures éducatives ou des sanctions éducatives qui ne peuvent être assimilés à des peines.

Dès lors, en considération des avantages du système français qui laisse au juge le soin de déterminer au cas par cas, et contradictoirement si la question est discutée, le discernement du mineur et en l'absence de contraintes juridiques supra-légales, il n'est nullement nécessaire ni opportun de déterminer arbitrairement l'âge de la responsabilité pénale des mineurs à l'occasion de ce projet de loi.

3.2. RENVOI DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL POUR MINEURS

La création d'un tribunal correctionnel pour mineurs résulte d'une préconisation de la commission de réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 présidée par le recteur Varinard. Elle consiste en l'application du principe de progressivité de la justice pénale des mineurs en matière processuelle : à la progressivité des sanctions doit correspondre une même progression dans les formations de jugement compétente pour connaître des mineurs jusqu'à afficher une plus grande sévérité avec la comparution du mineur devant un tribunal correctionnel, dont la charge symbolique et la solennité apparaissent nécessairement plus fortes.

S'agissant de la composition de la juridiction, deux options pouvaient être envisagées : la compétence du tribunal correctionnel de droit commun ou l'adaptation de ce tribunal correctionnel à la spécificité du jugement des mineurs.

Cette deuxième option est en réalité la seule raisonnablement envisageable au regard du principe constitutionnel de spécialisation des juridictions des mineurs. Aussi, sur le modèle de ce qui est prévu pour le jugement des crimes commis par les mineurs, la composition de la juridiction de droit commun a été adaptée afin de prévoir la présence d'au moins un juge des enfants. Le renvoi de certains mineurs devant cette juridiction présente l'avantage de permettre dans ces cas de juger également les coauteurs et complices majeurs.

S'agissant du champ de compétence de la juridiction, il convenait de limiter la compétence de cette juridiction aux délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement commis par les mineurs de plus de seize ans en état de récidive légale.

En effet, les mineurs de plus de seize ans occupent déjà une place particulière dans notre ordre juridique puisque, pour ces mineurs, l'excuse de minorité peut être écartée à titre exceptionnel, compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur, et qu'elle ne peut être appliquée à ces mêmes mineurs que par décision spécialement motivée lorsqu'ils ont commis un délit de violences volontaires, agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences en grande récidive. Il paraissait donc assez justifié que ces mineurs, qui peuvent se voir infliger des peines suivant le régime applicable aux majeurs, comparaissent également devant une juridiction propre aux majeurs.

3.3. SIMPLIFICATION DES MODES DE POURSUITE

Cohabitent au sein de l'ordonnance du 2 février 1945 de nombreux modes de saisine du juge des enfants. A été ajoutée depuis 2002 un mode de saisine directe du tribunal pour enfants par la procédure de présentation immédiate (voir tableau supra 1.1.4).

Il n'a pas semblé pertinent de remettre en cause le maintien des procédures permettant une information préparatoire par le juge des enfants avant renvoi devant la juridiction de jugement. En effet, cette procédure de mise en examen du mineur et de prononcé de mesures provisoires permet une évaluation du mineur avant son renvoi devant la juridiction de jugement. Sont donc maintenues la saisine du juge des enfants par requête et par convocation par officier de police judiciaire afin de mise en examen.

Pour les mineurs les plus délinquants ou les faits les plus graves, est bien sûr maintenue la procédure de présentation immédiate. Il a semblé pertinent d'introduire la convocation par officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants pour répondre à ce même objectif de célérité de la réponse pénale même dans les cas où un défèrement et une mesure de sûreté préjudicielle ne s'imposent pas.

En revanche, le présent texte supprime la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement en chambre du conseil. En effet, la possibilité que la convocation par officier de police judiciaire devant le juge des enfants puisse être en vue d'une mise en examen ou d'un jugement est source de confusion. La convocation devant le juge des enfants sera donc toujours en vue d'une mise en examen. Le juge des enfants disposera donc des prérogatives lui permettant de mener une information préparatoire et notamment d'ordonner les investigations permettant de nourrir le dossier unique de personnalité. Bien évidemment, en application de l'article 8 de l'ordonnance, le juge des enfants pourra procéder à un jugement immédiat en chambre du conseil du mineur convoqué devant lui, s'il estime que les faits et la personnalité du mineur le justifient.

Enfin, il n'a pas semblé pertinent de supprimer la procédure prévue par l'article 8-2 de l'ordonnance, dite de comparution à bref délai, car, même si son usage est modéré, elle permet au ministère public d'exercer un contrôle sur les délais retenus par le juge des enfants dans le cadre des informations préparatoires et s'inscrit donc dans la cadre général des dispositions généralisant le co-audiencement des procédures en matière pénale entre les magistrats du siège et le ministère public.

3.4. RENFORCEMENT DE LA RESPONSABILISATION DES PARENTS DE MINEURS DÉLINQUANTS

Le présent texte propose deux mécanismes de responsabilisation des parents (voir point 2.3). Ces dispositions ont été préférées à des modalités entraînant des sanctions financières contre les parents défaillants.

En effet, il a semblé plus pertinent que les mécanismes de responsabilisation des parents concernent directement leur implication procédurale. D'une part, leur carence aura désormais des conséquences sur les voies de recours qui leur sont ouvertes. D'autre part, elle ouvrira au juge la possibilité de les faire amener devant la juridiction.

Ces dispositions ont été choisies car elles ne visent pas au prononcé de sanctions contre les parents défaillants mais au rétablissement de leur rôle dans la procédure pénale.

4. IMPACTS DE LA RÉFORME

4.1. IMPACT SUR LE CITOYEN ET LE JUSTICIABLE

L'impact attendu sur le citoyen et le justiciable est la diminution du sentiment d'impunité des mineurs auteurs d'infractions pénales.

En effet, la facilitation du recours à des modes de poursuites rapides va entraîner une diminution des délais de jugement des mineurs et donc un prononcé plus précoce d'une condamnation par une juridiction.

Cet effet sera évidemment profitable aux victimes des infractions visées, qui pourront voir leur préjudice civil plus rapidement fixé.

L'impact sera également perceptible pour les mineurs qui, notamment dans le cadre du travail éducatif mené auprès d'eux par les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et qui interviendra plus fréquemment en exécution de peine et moins en phase pré-sentencielle, ne pourront plus se dédouaner des faits puisque la condamnation aura déjà été prononcée.

De même, l'augmentation des possibilités de réponse pénale, en offrant aux magistrats un panel plus large, doit permettre d'affiner l'adaptation de la sanction et la rendre plus effective pour le mineur.

4.2. IMPACT SUR LE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS

4.2.1. Renvois des plus de 16 ans récidivistes devant le tribunal correctionnel des mineurs

En 2009, 635 mineurs récidivistes, de 16-17 ans, ont été condamnés toutes infractions pour des infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement ; 287 mineurs récidivistes ont été condamnés pour avoir commis une infraction principale entrant dans la liste de compétence des tribunaux correctionnels avec citoyens assesseurs (soit 42%).

On peut donc anticiper, après la généralisation des citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels :

- le renvoi des 348 mineurs récidivistes devant le tribunal correctionnel pour mineurs composé d'un juge des enfants, et de deux assesseurs magistrats.

- le renvoi des 287 mineurs récidivistes devant le tribunal correctionnel pour mineurs composé de trois magistrats professionnels et de deux citoyens assesseurs

Avant cette généralisation, l'ensemble de ces affaires seront jugées par le tribunal correctionnel pour mineurs composé du président et de deux assesseurs magistrats, dont au moins un juge des enfants.

Le faible nombre d'affaires concernées ne devrait là aussi qu'avoir un impact négligeable pour les juridictions.

4.2.2. Evaluation de la participation des jurés

Sur la base d'une durée d'audience de 6 heures permettant l'examen de 3 dossiers, le nombre d'audiences nécessaires pour traiter les 287 dossiers est estimé à 96.

Chaque audience nécessitera la présence de deux jurés et d'un suppléant, ce qui nécessite la convocation de cinq personnes par audience (pour garantir les présences et prévenir les incompatibilités éventuelles) soit 96*5 jurés = 480 indemnités à verser soit 70000 €.

Méthode de calcul

- L'indemnité est composée d'une indemnité de repas de 30,5 € et d'une vacation qui peut comprendre une compensation perte de salaire (150 €) ou pas (78 €)

- En posant que la moitié de indemnités devront compenser une perte de salaire, le montant global d'indemnisation est de ((78*0,5)+(150*0,5)+30,5)*480=69360€

4.3. IMPACT SUR D'AUTRES SERVICES DE L'ETAT

Pour l'impact pour les CEF voir infra.

4.4. IMPACT SUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Il n'y aura pas d'impact sur les collectivités territoriales autre que celui énoncé dans le volet de l'étude d'impact relatif à l'introduction de citoyens assesseurs dans les tribunaux correctionnels.

4.5. IMPACT SUR LA STABILITÉ ET LA CLARTÉ DU DROIT APPLICABLE

Si cette réforme constitue une nouvelle modification de l'ordonnance du 2 février 1945, elle présente de nombreuses dispositions qui vont contribuer à clarifier et harmoniser les pratiques en matière de justice pénale des mineurs.

Ainsi, la procédure de présentation immédiate est clarifiée de manière conforme aux débats parlementaires sur la question des antécédents de personnalité dont doit disposer la juridiction. Des divergences de jurisprudence existaient quant à la recevabilité de la saisine du tribunal lorsque les éléments de personnalité du mineur avaient été recueillis dans la procédure même. Le présent texte résout donc ces divergences.

De même, la question de la modification des mesures provisoires dans le délai d'audiencement dans le cadre de cette procédure n'était pas prévue par la loi. Elle fait alors l'objet de précisions sur la procédure applicable.

De même, il est expressément rappelé que lors de la conversion de la peine d'emprisonnement ferme en peine de travail d'intérêt général est pris en compte l'âge du mineur au moment de la condamnation.

4.6. IMPACT SPÉCIFIQUE A CHAQUE MESURE DU PROJET DE LOI

4.6.1. Etude d'impact du dossier unique de personnalité

Le dossier unique de personnalité est actuellement en cours d'expérimentation à droit constant pour affiner le plus complètement et le plus précisément possible son impact prévisible notamment sur le fonctionnement des juridictions et la qualité de la prise en charge des mineurs.

4.6.1.1. Les impacts pour le citoyen, le justiciable (pour le mineur, pour ses parents)

Le dossier unique de personnalité permet à l'ensemble des intervenants d'accéder à un même niveau d'information. La cohérence des décisions comme le caractère contradictoire de la procédure sont ainsi renforcés ainsi que la continuité de la prise en charge éducative du mineur.

Les magistrats, avocats et éducateurs sont en possession d'un certain nombre d'informations que les mineurs et leur famille n'ont pas à répéter à chaque stade de la procédure.

Ainsi, la connaissance de la personnalité du mineur est assurée de manière égale entre tous les acteurs du procès pénal.

4.6.1.2. Impacts sur les libertés publiques, les droits fondamentaux

Le dossier unique de personnalité rassemble des éléments de personnalité divers sur le mineur et notamment des rapports éducatifs et des expertises, y compris provenant du dossier d'assistance éducative et de dossiers qui peuvent être clôturés au moment de l'utilisation du dossier unique. Ce sont des pièces qui ont été versées dans le cadre de procédure judiciaires pénales ou civiles.

Ces documents sont susceptibles de comporter des données dites « sensibles » au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

L'accès au dossier unique de personnalité sera encadré et sécurisé.

Les décrets d'application seront pris en Conseil d'Etat après avis de la C.N.I.L.

4.6.1.3. Les impacts organisationnels pour les services judiciaires et relatifs au fonctionnement de la justice, des juridictions (délais, moyens, immobiliers...)

La mise en place du dossier unique de personnalité entraînera un accroissement de l'activité des greffes qui en assureront la gestion. Les dossiers doivent en effet être constitués et alimentés par les copies des pièces de personnalité provenant de toutes les procédures relatives aux mineurs. Ils devront être classés et mis à la disposition des parties qui souhaiteront les consulter. Ils seront archivés selon les modalités prévues par la loi.

Il représente un gain de temps pour le magistrat et les autres acteurs de la procédure pénale qui accèdent immédiatement aux éléments de personnalité relatifs au mineur.

Le dossier unique de personnalité ne sera pas ouvert pour tous les mineurs poursuivis mais pour ceux pour lesquels une mesure d'investigation sur la personnalité est ordonnée ou une mesure de liberté surveillée provisoire, un placement sous contrôle judiciaire, une assignation à résidence avec surveillance électronique ou un placement en détention provisoire.

En 2009, sur 77.731 mineurs poursuivis, 28.095 mesures présentencielles ont été prononcées (enquête sociale, mesure d'investigation et d'orientation éducative, placement, liberté surveillée, contrôle judiciaire et détention provisoire). En prenant en compte le fait que plusieurs mesures peuvent concerner un même mineur, l'on peut estimer à environ 15.000 le nombre de dossiers uniques de personnalité qui seront ouverts chaque année.

Il n'existe pas à ce stade d'éléments sur le temps moyen qui pourrait être nécessaire pour cette gestion. Le tribunal pour enfants du tribunal de grande instance de Beauvais n'a pas encore finalisé l'organisation de l'expérimentation du document unique de personnalité qu'il mène actuellement.

L'étude est donc effectuée sur un temps de 15 minutes (moyenne de traitement des procès-verbaux au bureau d'ordre pénal soit 5 minutes pour les auteurs contre X ou 25 minutes pour les auteurs connus) 8 ( * ) .

A raison de 15000 dossiers, cela représente 3750 heures de charge de travail supplémentaire, l'impact peut être considéré comme négligeable.

La numérisation du dossier unique de personnalité et la transmission des rapports éducatifs de la protection judiciaire de la jeunesse par voie électronique devraient atténuer l'impact de la création du dossier sur le travail des greffiers.

Les dossiers seraient gérés plus facilement. Leur consultation serait par ailleurs plus aisée.

4.6.1.5. Impact juridique de la réforme envisagée, sous l'angle de la stabilité, de la clarté du droit applicable

Cet outil est introduit par une disposition législative dans l'ordonnance du 2 février 1945 dans un article 5-2 nouveau qui en définit les objectifs généraux, le contenu global, les personnes qui peuvent y accéder et les grandes lignes des modalités pratiques.

La définition plus précise du régime du DUP relèvera d'un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNIL.

Il sera particulièrement utile pour la mise en oeuvre des procédures de jugement rapide telle que la présentation immédiate.

4.6.2. Etude d'impact de l'extension des conditions de placement des mineurs en centre éducatif fermé

L'article 10-2 de l'Ordonnance du 2 février 1945 prévoit actuellement deux seuils de peine encourue permettant de prononcer un contrôle judiciaire pour les mineurs de 13 à 16 ans :

- le seuil de 7 ans pour les mineurs primo délinquants

- le seuil de 5 ans pour les mineurs ayant fait l'objet de mesures antérieurement.

Le projet de loi prévoit à l'article 11 de ne retenir qu'un seul seuil fixé à 5 ans pour les faits de violence pour les deux catégories de mineurs.

Les juridictions pourront recourir plus largement au centre éducatif fermé à l'égard des mineurs dont la personnalité et les circonstances des faits de violence reprochés le justifient.

Par ailleurs, le recours au CEF est également facilité pour le juge des enfants dans ses fonctions de juge de l'application des peines pour le suivi des peines d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve. L'ajout de l'article 33 au troisième alinéa de l'article 20-10 de l'Ordonnance du 2 février 1945 permet au juge des enfants d'imposer comme obligation nouvelle de la mise à l'épreuve un placement en centre éducatif fermé même si le tribunal pour enfants ne l'a pas initialement envisagé lorsque le non-respect des obligations fixées peut entraîner la révocation du sursis et la mise à exécution de l'emprisonnement .

4.6.2.1. Présentation du dispositif des centres éducatifs fermés (CEF)

Créés par la loi n° 2002-1138 du 09 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la Justice, les CEF accueillent en alternative à l'incarcération des mineurs délinquants multirécidivistes, au sein d'un dispositif éducatif diversifié et contenant.

• Selon l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les CEF accueillent des mineurs «placés en application d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un placement à l'extérieur ou à la suite d'une libération conditionnelle. Au sein de ces centres, les mineurs font l'objet des mesures de surveillance et de contrôle permettant d'assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l'emprisonnement du mineur».

• L'organisation et les modalités de prise en charge de ces établissements sont précisées dans la circulaire DPJJ/DACG du 13 novembre 2008 visant à améliorer la prise en charge des mineurs placés en CEF incluant le cahier des charges des CEF.

LES CONDITIONS DE PRISE EN CHARGE

Elles sont déterminées dans le cahier des charges susmentionné, lequel, applicable aux établissements des deux secteurs (public et associatif habilité), permet d'assurer la cohérence et l'homogénéité des prises en charge.

Un projet éducatif construit, intensif et structuré favorise la prise en charge évolutive des mineurs. Les repères principaux sont la phase d'accueil, la mise en place d'un programme intensif (basé sur la scolarité et/ou les apprentissages), et l'élaboration d'un projet de sortie proposant une perspective concrète d'insertion sociale et professionnelle.

La règle de prise en charge en CEF est celle d'une pluridisciplinarité renforcée : en plus des membres usuels de toute équipe en placement judiciaire (à savoir: directeur et/ou responsable d'unité éducative, éducateurs, psychologue, cuisinier, agent technique), les CEF peuvent compter également, à plein temps ou sur des temps de vacation, des éducateurs et professeurs techniques, un psychiatre, un infirmier.

• Enfin, chaque CEF bénéficie de la mise à disposition, par l'Education Nationale, d'un enseignant spécialisé 9 ( * ) . En effet, un mineur sur deux parmi les mineurs accueillis en CEF est en rupture scolaire depuis plus de 6 mois. L'objectif pour les mineurs de moins de 16 ans est de réintégrer un parcours scolaire classique et, pour les plus âgés, de s'engager dans une formation professionnelle et/ou une poursuite d'études en lycée général ou technologique.

• Dans un objectif de réinsertion professionnelle du mineur, les CEF proposent une prise en charge spécifique tournée vers des corps de métier (soins du cheval, mécanique auto, batellerie) ou des activités (théâtre, cuisine, etc...).

LE DISPOSITIF :

• Il comprend 45 structures (dont deux ouvertures en 2011), soit une capacité de 500 places. En 2013 chaque CEF pourra accueillir jusqu'à 12 mineurs, soit 540 places au total.

• Dotés de 27 agents en moyenne (détail ci-dessus), les CEF accueillent jusqu'à 12 mineurs délinquants multirécidivistes âgés de 13 à 16 ans ou de 16 à 18 ans, pour une durée de 6 mois renouvelable.

Un dispositif offrant une diversité de prise en charge:

• 11 CEF sont mixtes ;

• 1 CEF est exclusivement habilité pour la prise en charge des jeunes filles;

33 CEF accueillent uniquement des garçons.

13 CEF sont renforcés en moyen de santé mentale à ce jour: il s'agit, à partir d'une dotation supplémentaire en équivalent temps plein de personnels de santé mentale (psychiatres, psychologues, infirmiers, éducateurs spécialisés) de renforcer la prise en charge de l'apport des approches médico-psychologiques ou psychiatriques.

Un dispositif ouvert sur le partenariat :

On peut constater la très bonne implantation des centres éducatifs fermés, qui ont su, malgré les appréhensions de départ, faire connaître leur projet et y associer différents acteurs du tissu local. Plusieurs centres éducatifs fermés ont signé un protocole avec la mairie d'implantation de la structure. De la même façon, les établissements font appel aux structures associatives de proximité. Enfin, les relations avec le voisinage immédiat des centres éducatifs fermés s'illustrent notamment par l'organisation de portes ouvertes annuelles notamment, afin de permettre à chacun de mieux se connaître et dépasser les éventuels a priori réciproques.

  • Il existe par ailleurs localement des protocoles passés, avec l'ensemble des services judiciaires (juridiction et service de police et/ ou de gendarmerie) pour la gestion des incidents.

ELÉMENTS DE BILAN CONCERNANT LE DISPOSITIF (PÉRIODE 2003 - 2010) :

• 3800 mineurs ont été placés en centres éducatifs fermés depuis 2003.

• Au-delà de 4 mois de placement en CEF, le taux de réitération des mineurs diminue. Ainsi, un mineur qui reste moins de 4 mois en CEF a plus de 60% de risque de réitérer que celui qui reste entre 4 et 7 mois; un mineur qui reste plus de 7 mois a moins de 40% de risque de réitérer que celui qui est resté entre 4 et 7 mois.

Le caractère contenant des CEF a pleinement atteint l'objectif d'alternative à l'incarcération. Ainsi, les CEF ont contribué à la baisse du nombre de mineurs détenus enregistrée sur la période 2002/2010. En particulier, la part des prévenus dans le nombre total de mineurs détenus, est passée de 76,4% à 58,2% sur cette même période.

En 2009, 842 mineurs ont fait l'objet d'une décision de placement en CEF. La tranche des 16-18 ans représente 60% des jeunes accueillis.

QUELQUES ELÉMENTS DE DROIT COMPARÉ :

De nombreux pays occidentaux mettent en oeuvre un dispositif de placement judiciaire équivalent à celui des CEF français :

Dispositif suisse : les établissements fermés suisses accueillent de 6 à 45 mineurs, par petits groupes de 6 à 8. Chaque année environ 120 mineurs de 15 à 18 ans, ayant commis pour la plupart des vols violents, des agressions y sont placés. A l'image du dispositif français, les mineurs sont soumis à une prise en charge évolutive et renforcée, notamment en termes de santé mentale.

Dispositif espagnol : Il existe un centre fermé par région. Par exemple, le centre fermé de Madrid accueille jusqu'à 15 mineurs de 14 à 18 ans, multirécidivistes et ayant commis des actes graves. La prise en charge est centrée autour de divers médias éducatifs (apprentissages professionnels, pratique du sport, etc).

Dispositif belge : également proche du système français, le centre fédéral fermé de Saint-Hubert accueille des mineurs passibles, s'ils étaient majeurs, d'une peine d'au moins 5 ans d'emprisonnement et pour lesquels pèse une forte présomption de culpabilité ; le maintien de l'ordre public est aussi une condition de placement. Il comprend 4 sections de vie, qui reçoivent chacune entre 11 et 13 mineurs. Une prise en charge en sous-groupe de (5 à 7 jeunes) permet une intervention plus individualisée des équipes psycho- sociales et pédagogiques.

4.6.2.2. Impact sur les finances publiques de l'extension des possibilités de placement en CEF

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse dispose actuellement de 45 CEF (dont deux ouvertures en 2011) soit une capacité de 500 places. En 2010, environ 1 000 nouveaux mineurs ont été pris en charge, pour une durée de principe de placement de 6 mois. A l'issue du programme initial de mise en place du dispositif, chaque structure pourra accueillir 12 mineurs, soit un total de 540 places.

L'extension du contrôle judiciaire par l'unification du seuil de peine encourue à cinq ans pour les faits de violence et le placement en CEF par le juge des enfants exerçant les fonctions de juge de l'application concerneraient potentiellement, sur la base des condamnations passées, environ un millier de mineurs supplémentaires. Ces mineurs font aujourd'hui l'objet d'une mesure de placement dans un des dispositifs existant hors CEF (environ 6300) ou d'une mesure en milieu ouvert par éventuel défaut de place disponible. Malheureusement, nous ne pouvons disposer de statistiques sur ces mesures prises par défaut.

Compte tenu de ces éléments, le flux potentiel annuel de mineurs supplémentaires à accueillir dans ces nouveaux CEF générerait un besoin de 240 places, soit 20 établissements.

Soit, avec les 540 places, une capacité de 780 places à terme et de potentiellement 1580 mineurs par an.

La répartition de 20 CEF entre le SP et le SAH ne peut être que théorique, car les CEF appartiennent à la catégorie des établissements sociaux et médico-sociaux (4° du I de l'article L312-1), leur création passe dorénavant, en application du CASF par une procédure d'appel à projet (L313-1-1 du CASF).

Il n'est donc pas possible de préjuger de la répartition des centres à ouvrir entre le secteur public et le secteur associatif habilité. Toutefois, dans le cadre de l'étude d'impact, l'hypothèse ci-dessus est proposée.

Coût de transformation d'une UEHC en CEF public :

Pour la partie immobilière : un coût d'investissement 0,5 M€ à 1 M€ selon l'ampleur des travaux d'aménagement ;

En matière d'emploi, la transformation d'une UEHC type de 12 places en CEF nécessite 4 ETPT supplémentaires de personnel éducatif, et 0,5 ETP de personnel de direction.

En matière de titre 3 fonctionnement : un surcoût de 20 000 € par an.

L'hypothèse retenue consiste à créer 20 nouveaux CEF par transformation d'UEHC, soit :

- un montant d'investissement de 15 M€ ;

- un surcoût de masse salariale de 3 M€ (hors cotisations pensions)

- un surcoût de fonctionnement annuel de 0,4 M€.

4.6.3. Etude d'impact relative au cumul des sanctions éducatives et de certaines peines

Il s'agit d'une disposition de coordination qui offre une plus grande souplesse et diversité dans la réponse pénale à disposition des juridictions des mineurs et permet ainsi de mieux adapter la décision à la personnalité du mineur et à la gravité de l'infraction.

Il n'y a pas d'impact budgétaire.

4.6.4. Etude d'impact de l'introduction des jugements contradictoires à signifier à l'égard des civilement responsables

L'insertion d'un article 12-2 nouveau dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante introduit le jugement des représentants légaux du mineur poursuivis comme civilement responsables par jugement contradictoire à signifier, conformément aux dispositions prévues à l'article 410 du code de procédure pénale, lorsque, étant non comparants et non excusés, ils ont été régulièrement cités à personne.

Le rapport Varinard de décembre 2008 avait préconisé une telle évolution du droit.

Cette disposition modifie la qualification actuelle des jugements rendus à l'encontre des civilement responsables lorsqu'ils sont absents à l'audience et que le tribunal a la démonstration qu'ils ont effectivement été touchés à personne. Ces jugements ne seraient plus qualifiés « de décisions rendues par défaut » mais de « décisions contradictoires à signifier ».

La voie de l'opposition n'est plus ouverte aux parents dont les droits sont cependant sauvegardés puisqu'ils ont bien eu connaissance de la convocation mais ne s'y sont pas rendus sans excuse légitime et qu'ils peuvent toujours contester la décision en en interjetant appel.

Aussi, dans ces situations, il n'y aura pas de nouveau procès devant la même juridiction pour juger la totalité du dossier. Cette disposition facilite le fonctionnement des juridictions qui n'organisent pas de nouvelles audiences (citations, tenue de l'audience, frappe des jugements, signification). Les recours devront être entrepris devant la cour d'appel dans les délais d'appel.

Les qualifications applicables en la matière sont simplifiées et les décisions rendues sécurisées.

L'impact sur les finances publiques est neutre.

5. CONSULTATIONS ET MODALITÉS D'APPLICATION

5.1. CONSULTATION OBLIGATOIRES ET CONCERTATION

Pour ce qui a trait à la création du dossier unique de personnalité, l'avis préalable de la C.N.I.L. n'est pas obligatoire en cas de proposition ou de projet de loi.

5.2. MODALITÉS D'APPLICATION DANS LE TEMPS

Il n'est pas nécessaire de prévoir une entrée en vigueur différée des dispositions réformant l'ordonnance de 1945, à l'exception des dispositions prévoyant de compléter le tribunal correctionnel par des citoyens assesseurs, celles-ci étant indiscutablement liées à la réforme des juridictions pour majeurs et suivant donc le même calendrier, y compris s'agissant de la phase d'expérimentation.

5.3. MODALITÉS D'APPLICATION GEOGRAPHIQUE

Les dispositions relatives au jugement des mineurs sont applicables sur l'ensemble du territoire de la République.

5.4. DÉCRETS D'APPLICATION PRÉVUS

- Pour la mise en oeuvre du dossier unique de personnalité, pris en Conseil d'Etat après avis de la C.N.I.L.

6. ANNEXES

6.1. LA RÉPONSE PÉNALE AUX INFRACTIONS COMMISES PAR LES MAJEURS ET LES MINEURS

La réponse pénale rassemble les affaires poursuivies ou pour lesquelles une procédure alternative ou de composition pénale a réussi. Elle s'est décomposée en 2009 de la manière suivante :

Le taux de réponse pénale (rapport de la réponse pénale au total des affaires poursuivables) a été de 87,7% en 2009.

Les poursuites hors tribunal de police se sont réparties en 2009 de la manière suivante :

En (orange) le nombre d'affaires

Source : cadres du parquet

6.1.1. Les majeurs

La réponse pénale rassemble les affaires poursuivies ou pour lesquelles une procédure alternative ou de composition pénale a réussi. Elle s'est décomposée en 2009 de la manière suivante :

Le taux de réponse pénale majeurs (rapport de la réponse pénale majeurs au total des affaires poursuivables majeurs) a été de 87,2% en 2009.

Les poursuites hors tribunal de police se sont réparties en 2009 de la manière suivante :

En (orange) le nombre d'affaires

Source : cadres du parquet

6.1.2. Les mineurs

La réponse pénale rassemble les affaires poursuivies ou pour lesquelles une procédure alternative ou de composition pénale a réussi. Elle s'est décomposée en 2009 de la manière suivante :

Le taux de réponse pénale (rapport de la réponse pénale mineurs au total des affaires poursuivables mineurs) a été de 92,9% en 2009.

Les poursuites se sont réparties en 2009 de la manière suivante :

En (orange) le nombre d'affaires

Source : cadres du parquet

6.2. RÉCAPITULATIF DES MODIFICATIONS APPORTÉES AU RÉGIME DE LA JUSTICE DES MINEURS

Lois

Principales modifications

Loi du 25 août 1948

précisions sur les personnes autorisées à assister aux débats du tribunal pour enfants ;

précisions sur le jugement des contraventions commises par des mineurs par le tribunal de police ;

Loi du 24 mai 1951

création de la cour d'assises des mineurs ;

introduction de la notion de « procédure officieuse » ;

modification des modalités de la détention provisoire afin que le mineur détenu provisoirement soit « autant que possible, soumis à l'isolement de nuit » ;

création d'un délégué permanent à la protection de l'enfance rémunéré ;

abrogation des lois du 22 juillet 1912 et du 5 août 1850 sur les colonies pénitentiaires ;

Ordonnance du 24 septembre 1958

- précisions relatives aux frais des délégués à la liberté surveillée ;

Ordonnance du 22 décembre 1958

précisions sur la présence des assesseurs au tribunal pour enfants et à la chambre spéciale des mineurs ;

alignement des modalités de recours contre les jugements du tribunal pour enfants sur celles du tribunal correctionnel ;

Ordonnance du 23 décembre 1958

- abrogation des articles 34, 35 et 36 de l'ordonnance du 2 février 1945 devenus contraires aux nouvelles dispositions du code de procédure pénale ;

Ordonnance du 23 décembre 1958

- mise en concordance de l'ordonnance de 45 avec certaines dispositions du CPP notamment pour les actes urgents de poursuite et d'information, la cour d'assises des mineurs et la liberté surveillée ;

- instauration de la compétence du juge des enfants et du tribunal pour enfants pour juger les contraventions de cinquième classe ;

Loi du 1 er juillet 1965

- précision selon laquelle pour les infractions commises par voie de presse, les directeurs des publications ou éditeurs seront pour le seul fait de la publication sanctionnées comme auteurs principaux ;

Loi du 12 juillet 1967

- précision selon laquelle, en cas de délit, le procureur de la République saisira soit le juge d'instruction, soit par requête le juge des enfants et, à Paris, le Président du tribunal pour enfants ;

Loi du 17 juillet 1970

coordination avec la réforme du code de procédure pénale remplaçant la détention préventive par la détention provisoire ;

limitation à dix jours de la détention provisoire des mineurs de 16 ans en matière correctionnelle, aux fins de recherche d'un placement ;

Loi du 3 janvier 1972

- modifications des conditions de jugement des mineurs pour les contraventions de la première à la quatrième classe devant le tribunal de police ;

Loi du 5 juillet 1974

mise en concordance entraînant le remplacement des termes « majeurs de 18 ans » et « mineurs de 18 ans » en ceux de « majeurs » et « mineurs » ;

mise en concordance entraînant la fixation de l'âge maximal de la mesure de liberté surveillée à 18 ans ;

Loi du 11 juillet 1975

- instauration de la mise sous protection judiciaire, mesure pouvant être prononcée à partir de 16 ans et pour une durée de 5 ans maximum, et coordination avec l'abaissement de l'âge de la majorité dans la mesure de liberté surveillée ;

Loi du 30 décembre 1985

- instauration d'un rapport écrit établi par le service de l'éducation surveillée contenant tous renseignements utiles sur la situation du mineur ainsi qu'une proposition éducative, obligatoire préalablement à toute réquisition ou toute décision de placement en détention provisoire d'un mineur ;

Loi du 30 décembre 1987

suppression de la détention provisoire des mineurs de 16 ans en matière correctionnelle ;

suppression de la détention provisoire pour les moins de 13 ans en matière criminelle ;

Loi du 6 juillet 1989

- limitation à un mois de la détention provisoire des mineurs de 16 à 18 ans pour les délits punis de moins de 7 ans ;

Loi du 16 décembre 1992

- instauration du principe d'une exigence d'une motivation spéciale lorsque le tribunal pour enfants prononce une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis ;

Loi du 4 janvier 1993

interdiction de la garde à vue pour les mineurs de 13 ans ;

assistance obligatoire du mineur poursuivi par un avocat et information obligatoire des parents ;

création de la mesure ou de l'activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité ;

Loi du 24 août 1993

- régime spécifique de garde à vue pour les mineurs de 13 à 16 ans et pour les mineurs de 16 à 18 ans ;

Loi du 1 er février 1994

- création de la retenue des mineurs de 10 à 13 ans, décidée par un magistrat pour une durée de dix heures, renouvelable une fois pour les faits les plus graves ;

Loi du 8 février 1995

- modification de la procédure de convocation en justice des mineurs afin de développer la pratique dite du « rendez-vous judiciaire » ;

Loi du 1 er juillet 1996

création de la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement ;

création de deux nouveaux modes de comparution à délai rapproché du mineur devant la juridiction de jugement ;

extension des possibilités d'ajournement devant le tribunal pour enfants ;

Loi du 17 décembre 1997

application de la procédure du placement sous surveillance électronique aux mineurs ;

Loi du 17 juin 1998

- application de la mesure de suivi socio-judiciaire aux mineurs auteurs d'infractions sexuelles ;

Loi du 15 juin 2000

droit à l'entretien avec un avocat dès le début de la retenue ou de la garde à vue ;

obligation d'un enregistrement audiovisuel des interrogatoires des mineurs placés en garde à vue ;

Loi du 30 décembre 2000

- modification de coordination

Loi du 9 septembre 2002

création des sanctions éducatives, nouvelles sanctions pouvant être prononcées à l'encontre des mineurs de 10 à 18 ans par le tribunal pour enfants ;

élargissement des conditions de la retenue, dont la durée passe de 10 à 12 heures renouvelables ;

création de la procédure nouvelle de jugement à délai rapproché ;

création d'un contrôle judiciaire spécifique pour les mineurs, également applicable dans certains cas aux 13- 16 ans en matière délictuelle ;

transfert au juge des enfants des attributions du juge de l'application des peines pour les mineurs en matière de sursis avec mise à l'épreuve ;

création des centres éducatifs fermés ;

Loi du 9 mars 2004

- transfert au juge des enfants de toutes les attributions du juge de l'application des peines pour les mineurs jusqu'à 21 ans ;

Loi du 26 janvier 2005

modification visant à confier au juge de proximité les attributions du tribunal de police pour le jugement de toutes les contraventions de police des quatre premières classes commises par des mineurs ;

Loi du 5 mars 2007 (prévention de la délinquance)

diversification des obligations du contrôle judiciaire pouvant être imposées à un mineur ;

extension de la procédure de composition pénale aux mineurs de treize à dix huit ans ;

modification de l'appellation de la procédure de « jugement à délai rapproché » qui devient la procédure de « présentation immédiate devant la juridiction des mineurs » et extension de ses conditions d'applicabilité ;

création de nouvelles sanctions éducatives ;

limitation du nombre d'admonestations ou de remises à parents pour les mineurs déjà condamnés ;

suppression du caractère exceptionnel de l'exclusion du bénéfice de la diminution de peine ;

possibilité de placer dans les CEF les mineurs faisant l'objet d'un placement extérieur ;

Loi du 5 mars 2007 (équilibre de la procédure pénale)

- coordination avec le nouveau régime d'enregistrement audiovisuel mis en place pour les gardés à vue majeurs ;

Loi du 10 août 2007 (lutte contre la récidive)

la diminution de moitié de la peine encourue pour les mineurs s'applique également aux peines minimales prévues en cas de récidive et les mesures ou sanctions éducatives prononcées contre un mineur ne peuvent constituer le premier terme d'une récidive ;

Loi N°2010-201 du 02 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupe et la protection des personnes chargées d'une mission de service public

précision selon laquelle les sanctions éducatives sont exécutées dans un délai ne pouvant excéder trois mois à compter du jugement

Loi n°2010-242 du 10 mars 2010 tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale

- consultation obligatoire des services de la DPJJ avant toute décision de placement d'un mineur en assignation à résidence sous surveillance électronique ;

précision selon laquelle la violation des obligations de l'ARSE peut être sanctionnée par le placement en détention provisoire.

LOI n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure

- ajout d'une sanction éducative d'interdiction pour le mineur d'aller et venir sur la voie publique entre vingt-trois heures et six heures sans être accompagné de l'un de ses parents ou du titulaire de l'autorité parentale, pour une durée de trois mois maximum, renouvelable une fois.


* 1 Se pose dès lors la question de la formation des jurés

* 2 Le tribunal correctionnel retient sans ambigüité la solution de la motivation écrite. Encore faut-il préciser qu'il ne s'agit en l'absence d'appel du condamné que d'une motivation type, très lapidaire et qui n'éclaire guère ce dernier sur les éléments précis retenus à charge.

* 3 Cette sélection comprenait plusieurs étapes : une liste préparatoire à la liste annuelle des jurés , qui comprenait un nombre de noms double de celui fixé pour le contingent de la circonscription (le nombre des jurés pour la liste annuelle étant réparti par ressort de tribunal d'instance proportionnellement au tableau officiel de la population, la répartition étant faite par arrêté du préfet au mois d'avril de chaque année), était dressée au siège de chaque tribunal d'instance par une commission.

Cette commission était présidée par un juge du tribunal d'instance, des conseillers généraux de la circonscription et du maire (ou de son adjoint) de la commune siège du tribunal d'instance (ancien article 261).

La liste annuelle était dressée au siège de chaque cour d'assises à partir de la liste préparatoire, par une commission présidée, au siège de la Cour d'appel par le Premier Président ou son délégué, et dans les TGI sièges de la cour d'assises par le président de ce tribunal ou son délégué.

Cette commission comprenait un juge de chaque tribunal d'instance du ressort de la cour d'assises, les membres de la commission départementale du conseil général et le maire (ou son adjoint) de la commune siège de la cour d'assises (ancien article 262).

Quinze jours au moins avant l'ouverture des assises, le Premier Président de la Cour d'appel ou le président du TGI siège de la cour d'assises, tirait au sort, en audience publique, sur la liste annuelle, les noms des 27 jurés qui formaient la liste de session (et 6 jurés suppléants sur la liste spéciale).

* 4 La LOPSSI II a prévu que les cambriolages seraient jugés de manière collégiale, ce qui augmente le nombre d'affaires pouvant potentiellement être soumis aux tribunaux siégeant avec jurés populaires. De même, la loi du 9 juillet 2010 sur les violences faites aux femmes a créé une nouvelle circonstance aggravante nouvelle pour les violences au sein du couple « habituelles » (il y a actuellement 17 500 condamnations par an pour violences au sein du couple).

* 5 (source CJN/ANACONDA)

* 6 Source : Rapport de politique pénale 2009 de la direction des affaires criminelles et des grâces.

* 7 Source : Casier judiciaire national.

* 8 Méthodologie outilgref

* 9 Note DGESCO/DPJJ du 22 février 2005 visant à organiser la scolarité des mineurs en centre éducatif fermé.

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