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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Ministère des affaires étrangères

et européennes

NOR :

MAEJ1133925L

PROJET DE LOI

Autorisant la ratification du traité d'extradition entre la République française

et la République argentine

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ETUDE D'IMPACT

I. Situation de référence et objectifs du traité

La France et l'Argentine sont d'ores et déjà toutes deux parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies, en l'occurrence la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée à New York le 10 décembre 1984, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes adoptée à Vienne le 19 décembre 1988, la convention contre la criminalité transnationale organisée adoptée à New York le 15 novembre 2000 et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003. La France et l'Argentine ont par ailleurs toutes deux adhéré au pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 et à ses deux protocoles facultatifs.

Au niveau bilatéral, en 1991 et 1998, ont été conclues une convention de coopération judiciaire et une convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine 1 ( * ) .

Le traité d'extradition entre la République française et la République argentine vise à compléter ce tissu conventionnel et, comme l'énonce son préambule, à promouvoir une coopération plus efficace entre les deux Etats dans la lutte contre la délinquance, en particulier le terrorisme et la criminalité transnationale organisée.

En matière d'extradition, les échanges entre les deux pays sont relativement importants et s'effectuent sur une base de réciprocité, dans le cadre de la courtoisie internationale. Depuis 1993, la France a ainsi adressé vingt demandes d'extradition à l'Argentine. Il est à noter que quelques-uns de ces dossiers présentent une certaine sensibilité, plusieurs procédures tendant en effet à établir les responsabilités encourues dans les disparitions de citoyens français survenues sous les années de dictature militaire. De son côté, l'Argentine a présenté huit demandes à la France.

La représentation diplomatique française à Buenos Aires a relevé à plusieurs reprises que le traitement des demandes d'extradition françaises en direction de l'Argentine rencontrait des difficultés d'exécution.

Le constat a ainsi été fait que l'instruction des demandes formulées par la France se heurtait depuis quelques temps à une interprétation plus restrictive par les juges argentins de leur législation, ces derniers exigeant en effet, sous peine d'irrecevabilité, que la demande d'extradition soit transmise par un magistrat du siège et non du parquet, comme c'est le cas en France. En outre, il est apparu que de multiples échanges s'avéraient trop souvent nécessaires pour s'accorder, dans le détail, sur les pièces requises pour l'examen des demandes, et ce, en particulier, en présence de demandes formulées à la suite de condamnations françaises prononcées par contumace ou par défaut, le droit argentin ne connaissant pas ce type de décisions. Enfin, il a pu être constaté qu'en l'absence de texte conventionnel, l'extradition des nationaux argentins, juridiquement possible, se révélait néanmoins difficile à obtenir en pratique, les intéressés se voyant offrir des possibilités complémentaires de recours leur permettant de différer sensiblement leur remise aux autorités judiciaires françaises.

Le traité d'extradition entre la République française et la République argentine vise à dépasser ces difficultés. La forme solennelle du texte a été acceptée par la Partie française afin de s'inscrire dans la pratique argentine consistant à privilégier, en matière d'extradition, la conclusion d'accords engageant les Etats, garants d'une certaine permanence, plutôt que les Gouvernements, par essence temporaires.

Ce texte, qui comprend 26 articles, représente en conséquence le troisième accord d'extradition que la France a accepté de conclure sous la forme d'un traité, après celui signé avec les Etats-Unis d'Amérique le 23 avril 1996 2 ( * ) et celui signé avec la République populaire de Chine le 20 mars 2007 3 ( * ) .

II. Conséquences estimées de la mise en oeuvre du traité

a. Conséquences sociales

Le traité d'extradition entre la République française et la République argentine devrait naturellement faciliter l'arrestation et la remise des délinquants en fuite sur le territoire de l'une ou l'autre Partie. Il permettra en particulier de parachever l'oeuvre de justice visant à établir les responsabilités encourues dans les disparitions de ressortissants français survenues entre 1976 et 1983. Plus généralement, cet instrument devrait fluidifier le règlement des affaires transnationales et ce, dans des délais plus satisfaisants pour l'ensemble des justiciables concernés.

b. Conséquences juridiques

Le texte du présent traité correspond à un projet initialement communiqué par la Partie argentine. Ses stipulations rejoignent cependant, pour une très large part, celles de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957. Ce faisant, il ne s'éloigne guère des standards habituellement retenus par la France. De fait, seul le point relatif à l'extradition consentie développé au paragraphe (ii) présente une relative originalité.

En tout état de cause, le présent traité n'implique aucune adaptation des dispositions législatives ou règlementaires nationales. L'ordonnancement juridique national n'est en effet pas affecté par la ratification du présent traité. En outre, cet instrument est conforme aux obligations internationales résultant d'accords ou de traités auxquels la France est d'ores et déjà partie.

Le texte institue d'abord un ensemble de garanties prenant en compte nos contraintes juridiques nationales et internationales. Il contient ensuite des stipulations visant à fluidifier les échanges entre les deux pays dans le domaine de l'extradition. Enfin, il règle l'articulation entre le présent traité et les droits et obligations découlant pour la France des autres accords internationaux auxquels elle est d'ores et déjà partie.

(i) Garanties prenant en comptant en compte nos contraintes juridiques nationales et internationales

Classiquement, l'extradition doit être refusée lorsque la Partie requise considère que l'infraction qui fonde la demande de remise est une infraction politique ou une infraction connexe à une telle infraction (article 3.1). La remise n'est pas davantage accordée lorsque la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande a été présentée à l'effet de poursuivre une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité, d'origine ethnique, d'opinions politiques, de sexe ou que la situation de cette personne risque d'être aggravée pour l'une de ces raisons (article 3.2). Elle est également refusée lorsque l'action publique ou la peine se trouve prescrite conformément à la législation de la Partie requise (article 5).

En outre, la remise de la personne réclamée est refusée si l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée est punie de la peine capitale par la législation de la Partie requérante, sauf pour cette dernière à donner des assurances, jugées suffisantes par la Partie requise, que la peine capitale ne sera pas prononcée (article 4). Il est à noter que l'Argentine a aboli la peine de mort pour les crimes de droit commun dès 1984. En 2008, peu de temps après avoir supprimé les dispositions internes qui l'avaient maintenue pour certains crimes militaires et crimes contre l'Etat, elle a ratifié le deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort. Le présent traité proscrit par ailleurs, postérieurement à la remise d'une personne, toute modification de la qualification légale de l'infraction susceptible de faire encourir à celle-ci la peine de mort (article 16).

Le texte prévoit également que l'extradition peut être refusée si la personne réclamée a la nationalité de la Partie requise (article 7). Cette disposition permettra à la France de conforter sa pratique traditionnelle consistant à refuser d'extrader ses propres ressortissants et à les soumettre à des poursuites sur le sol français afin de ne jamais favoriser l'impunité.

Le texte prévoit encore que la Partie requise doit refuser l'extradition en présence d'un jugement rendu « in absentia » dans la Partie requérante, lorsque celle-ci ne fournit pas les garanties suffisantes que la personne aura la possibilité d'être jugée à nouveau en sa présence (article 3.3). De même, la remise doit être refusée en présence d'une infraction purement militaire, telle que la rébellion ou l'insubordination par exemple (article 3.5).

Le présent traité énonce aussi que l'extradition ne peut avoir lieu lorsque la personne réclamée a été condamnée ou doit être jugée dans la Partie requérante par un tribunal d'exception ou spécial (article 3.6), c'est-à-dire par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense. En application du principe « non bis in idem », il prévoit également que lorsque la personne réclamée a d'ores et déjà fait l'objet, dans la Partie requise, d'un jugement définitif ou obtenu le bénéfice d'une mesure d'amnistie ou de grâce pour l'infraction ou les infractions en raison desquelles l'extradition est demandée, la remise doit être refusée (article 3.7).

A titre complémentaire, le texte énumère plusieurs motifs pouvant également, si la Partie requise le décide, fonder un refus d'extradition (article 4). La remise peut ainsi être refusée lorsque des poursuites pénales sont en cours ou ont été clôturées de façon non définitive dans la Partie requise à l'encontre de la personne réclamée pour l'infraction fondant la demande d'extradition ou si l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée est considérée, selon la législation de la Partie requise, comme ayant été commise en totalité ou en partie sur son territoire. Elle peut aussi être refusée lorsque l'infraction à raison de laquelle l'extradition est sollicitée, a été commise sur le territoire d'un Etat tiers et que la Partie requise ne connaît pas de critère de compétence extraterritoriale semblable à celui mis en avant par la Partie requérante, ou lorsque la personne réclamée a été définitivement jugée dans un Etat tiers pour la ou les infractions à l'origine de la demande de remise.

Enfin, à titre humanitaire, l'extradition peut ne pas être accordée si la Partie requise estime que la remise de la personne réclamée serait susceptible d'avoir pour elle des conséquences d'une gravité exceptionnelle en raison de son âge ou de son état de santé.

Le présent traité reprend par ailleurs le principe désormais classique de l'impossibilité d'arguer des spécificités nationales en matière d'impôts ou de taxes pour fonder un refus d'extradition (article 6).

(ii) Stipulations visant à fluidifier les échanges entre les deux pays

A l'effet d'assurer à l'avenir la pleine recevabilité des demandes d'extradition présentées par la Partie française, le présent traité prévoit que celles-ci sont présentées par les autorités compétentes de la Partie requérante, c'est-à-dire dans le cas de la France, les magistrats du ministère public.

Par ailleurs, l'application combinée des articles 3.3 et 9 devrait naturellement permettre de limiter les échanges visant à compléter les requêtes présentées par les autorités françaises en présence de jugements rendus en l'absence des personnes réclamées, le premier prévoyant que les garanties suffisantes soient alors données à la Partie requise que ces personnes auront la possibilité d'être jugées à nouveau en leur présence, le second énumérant les informations et éléments qui doivent figurer dans les dossiers.

Enfin, l'article 7 ne saurait faire obstacle à la remise aux autorités judiciaires françaises de ressortissants argentins, l'Argentine acceptant en effet de remettre ses nationaux. L'entrée en vigueur du présent traité devrait surtout permettre de limiter, en pareil cas, l'usage abusif, à des fins purement dilatoires, des voies de recours offertes par le droit argentin.

L'article 12 envisage l'hypothèse où la personne réclamée consent à être remise aux autorités judiciaires de la Partie requérante. Proposée par la Partie argentine, cette disposition a d'abord été rejetée par les négociateurs français qui ne souhaitaient pas étendre le mécanisme de l'extradition simplifiée en dehors de l'espace constitué par l'Union européenne et la Suisse.

Les échanges réalisés avec les autorités de Buenos Aires et la prise de connaissance du contenu de la loi argentine de coopération internationale en matière pénale ont permis de dissiper les réticences initiales de la France. Il est en effet apparu que l'Argentine ne pratiquait pas encore de mécanisme de coopération aussi intégré dans le domaine de l'extradition, la Partie argentine souhaitant uniquement inscrire dans le texte du traité le principe selon lequel, lorsque la personne réclamée consent à son extradition, une accélération de certaines étapes de la phase judiciaire du processus peut être envisagée, sans préjudice de la nécessaire présentation initiale d'une demande formelle d'extradition et de l'intervention subséquente d'une phase administrative qui ne saurait être remise en cause.

La Partie argentine ayant particulièrement insisté pour maintenir l'énonciation de ce principe, par ailleurs repris dans notre droit interne, les négociateurs français ont finalement accepté d'introduire pour la première fois une disposition spécifique en ce sens.

De fait, l'article 12 n'est que la traduction, en écho, des dispositions des articles 698-8 et suivants du Code de procédure pénale, qui offrent à la personne réclamée, lors de sa comparution devant l'autorité judiciaire (en l'occurrence, le procureur général), la faculté de consentir à son extradition, consentement entraînant une accélération du traitement judiciaire de l'affaire (comparution devant la chambre de l'instruction dans les 5 jours ouvrables au lieu de 10 jours en cas de non consentement). Au surplus, la personne réclamée se voit également offrir la possibilité de renoncer à exercer tout recours contre le décret autorisant son extradition, renonciation conduisant à une remise avant la fin du délai d'un mois, contre 6 mois en général en cas de contestation portée devant le Conseil d'Etat.

(iii) Articulation entre le présent traité et les droits et obligations découlant pour la France des autres accords internationaux auxquels elle est d'ores et déjà partie

Le texte organise la nécessaire articulation entre le présent traité et les droits et obligations découlant pour la France des autres accords internationaux auxquels elle est d'ores et déjà partie.

En ce sens, l'article 23 énonce que le présent traité ne porte pas atteinte aux droits et obligations des Parties établis dans d'autres traités ou accords internationaux auxquels elles sont parties, formule recouvrant en particulier les stipulations du pacte international relatif aux droits civils et politiques applicable entre la France et l'Argentine depuis 1986 et celles de ses deux protocoles facultatifs.

L'article 23 vient ainsi renforcer et compléter les garanties énoncées au paragraphe (i).

c. Conséquences administratives

De manière classique, le présent traité institue la voie diplomatique comme mode de communication entre les Parties (article 8). En cas d'urgence, le texte permet aux autorités compétentes de la Partie requérante d'utiliser plutôt le canal d'Interpol ou tout autre moyen laissant une trace écrite, pour demander l'arrestation provisoire d'une personne se trouvant sur le territoire de la Partie requise (article 18).

Ce protocole de communication consacrant la pratique française en la matière, ce sont donc les services compétents à ce jour qui seront chargés du traitement des demandes formulées en application du présent traité, à savoir, pour le ministère des affaires étrangères et européennes, la sous-direction des conventions et de l'entraide judiciaire de la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, et, pour le ministère de la justice et des libertés, le bureau de l'entraide pénale internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces.

Par voie de conséquence, l'entrée en vigueur du présent traité ne devrait générer aucune charge administrative nouvelle pour la Partie française.

III. Historique des négociations

Soutenue avec constance par la représentation diplomatique française en Argentine et alors que la France, après concertation interministérielle, s'apprêtait à transmettre un projet d'accord aux autorités argentines à l'effet de lancer le processus de discussion, la négociation du présent traité a été finalement initiée, au mois de juillet 2010, à la faveur de la communication d'un projet de texte par la Partie argentine.

Au terme de deux sessions de négociations menées à Paris au mois de décembre 2010 et à Buenos Aires au mois de mai 2011, sessions entrecoupées par la rencontre à Paris, au mois de février 2011, du ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères européennes, Mme Michèle Alliot-Marie et de son homologue, M. Hector Timerman, les Parties sont parvenues à un texte de consensus dont les derniers aspects ont été finalisés au début du mois de juillet 2011.

IV. Etat des signatures et ratifications

Le traité d'extradition entre la République française et la République argentine a été signé à Paris, le 26 juillet 2011, par le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes, M. Alain Juppé, et le ministre argentin des relations extérieures, du commerce international et du culte, M. Hector Timerman.

L'entrée en vigueur du présent traité suppose l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises dans chacun des deux Etats, à savoir pour la France la mise en oeuvre de la procédure parlementaire d'autorisation de ratification prévue par l'article 53 de la Constitution. Cette entrée en vigueur sera effective trente jours après la réception de la dernière notification par laquelle un Etat informe l'autre de l'accomplissement de ses formalités.

A ce jour, la République argentine n'a pas fait connaître à la Partie française l'accomplissement des procédures exigées par son ordre juridique interne.


* 1 Conventions respectivement signées à Paris les 2 juillet 1991 et 14 octobre 1998 et entrées en vigueur les 1 er novembre 1992 et 1 er février 2007 : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000529059&dateTexte = et http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000466469&dateTexte =

* 2 Traité entré en vigueur le 1 er février 2002.

* 3 Traité non encore entré en vigueur.

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