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PROJET DE LOI

autorisant la ratification du traité d'amitié et de coopération entre la République française

et la République islamique d'Afghanistan

NOR : MAEX1225480L/Bleue-1

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ÉTUDE D'IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs du traité.

Entretenant une relation ancienne et confiante avec l'Afghanistan, la France s'est engagée militairement fin 2001 dans le double objectif de lutter contre le terrorisme et de soutenir la construction d'institutions afghanes solides et légitimes. Elle a pris toute sa part à l'effort international de reconstruction, tant par sa participation aux opérations de l'OTAN que par son aide civile. Même si des progrès indéniables ont été accomplis depuis dix ans, l'Afghanistan peine aujourd'hui encore à se relever de plusieurs décennies de conflit. Alors que la Coalition entame son désengagement militaire du pays, un appui durable de la communauté internationale est nécessaire pour que ne soient pas remis en cause les acquis obtenus dans les domaines politique, économique et social.

La conclusion de partenariats entre l'Afghanistan et d'autres Etats comme la France, mais aussi par exemple l'Inde (signé en octobre 2011) ou les Etats-Unis (actuellement en préparation) contribue à la normalisation des relations de ce pays avec la communauté internationale et, partant, à sa stabilisation.

Premier traité signé depuis l'établissement des relations diplomatiques entre nos deux pays il y a 90 ans, mais aussi premier traité signé par l'Afghanistan avec un Etat en dehors de sa région, le traité d'amitié et de coopération franco-afghan signé le 27 janvier 2012 répond à l'objectif de bâtir une relation de long terme sur la base de nos dix années d'engagement militaire en tenant compte, par ailleurs, de notre contribution concomitante aux actions des organisations multilatérales qui resteront présentes en Afghanistan après la fin du processus de transition en 2014 (ONU, UE, OTAN).

Le traité marque l'évolution du soutien français à l'Afghanistan d'une dominante militaire à une dominante civile. Il englobe les différents projets de notre coopération bilatérale actuelle et future, et les réorganise autour d'axes clairs dans un souci de lisibilité, de cohérence et de visibilité.

Il prévoit notamment une action spécifique au-delà de 2014 pour le développement économique des régions où la France a consenti d'importants efforts depuis 2009, le district de Surobi et la province de Kapisa, si les populations locales le souhaitent.

L'objectif du traité est aussi de garantir des engagements de l'Afghanistan envers la France :

- la lutte par tous les moyens dont il dispose contre les menaces émanant de son territoire à l'encontre de la France ou des intérêts français ;

- la coopération entre services anti-terroristes et anti-drogue ;

- l'octroi des facilités nécessaires aux personnels et institutions qui concourent à la relation bilatérale (exemptions fiscales et douanières pour l'Agence française de développement et nos ONG, emphytéoses de 99 ans pour l'Institut français et la Délégation archéologique) ;

- la promotion de la langue française dans l'enseignement secondaire et supérieur afghan.

II. - Conséquences estimées de la mise en oeuvre du traité.

Conséquences juridiques

1° Le traité modernise le cadre juridique de l'ensemble de la relation franco-afghane en regroupant en un seul instrument les différents volets de notre coopération. Son entrée en vigueur (le premier jour du deuxième mois suivant la date du dernier instrument de ratification) aura pour effet d'abroger l'accord de coopération culturelle et technique et ses annexes entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Royaume d'Afghanistan du 21 août 1966 1 ( * ) , qui constituait jusqu'à présent le principal cadre juridique de la coopération entre les deux pays.

2° Les dispositions du traité sont pleinement compatibles avec, d'une part, les engagements de la France dans le cadre des Nations unies (Charte des Nations unies à laquelle il fait référence dans le préambule du traité) et d'autre part ses engagements dans le cadre de l'Union européenne 2 ( * ) et de l'OTAN 3 ( * ) .

3° L'article 3 prévoit que les services spécialisés des Parties coopèrent, sur la base de la réciprocité et dans le respect des législations respectives des deux Etats, notamment s'agissant des règles de protection des données personnelles, en vue, en particulier, de prévenir et entraver les menaces terroristes.

Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties sont, pour la France, assurés conformément à :

- l'article 24 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ;

- l'article 68 de la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 dite « Informatique et Libertés » ;

- la directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil de l'Union européenne du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale ;

- et la convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.

L'Afghanistan ne peut se voir transférer des données à caractère personnel que si elle assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement dont ces données font l'objet, comme le prévoit l'article 68 de la loi n° 78-17 précitée. Par ailleurs, la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) estime que l'Afghanistan ne dispose pas d'une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel 4 ( * ) . A ce jour l'Afghanistan n'a de plus pas fait l'objet d'une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne 5 ( * ) .

Dans l'attente, et sous réserve de l'application de l'article 69 de la loi « Informatique et Libertés » qui permet sous certaines conditions 6 ( * ) le transfert de données à caractère personnel par exception à l'interdiction prévue à l'article 68 précité, l'accord permettra de développer l'échange d'informations autres que les données à caractère personnel de la France vers l'Afghanistan.

En revanche, la France pourra recevoir des données à caractère personnel en provenance de cet Etat. Celles-ci apporteront un retour important en sécurité intérieure pour la France en matière, notamment, de lutte contre le terrorisme et le trafic de stupéfiants.

4° L'article 12 du traité prévoit que « les experts civils et militaires français présents en Afghanistan pour la mise en oeuvre du traité, ainsi que les personnes à leur charge, bénéficient d'immunités identiques à celles accordées aux experts par l'article VI de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies du 13 février 1946 » 7 ( * ) , à savoir :

- immunité d'arrestation personnelle ou de détention et de saisie de leurs bagages personnels ;

- immunité de toute juridiction en ce qui concerne les actes accomplis par eux au cours de leurs missions (y compris leurs paroles et écrits). Cette immunité continuera à leur être accordée même après que ces personnes auront cessé de remplir des missions pour la mise en oeuvre du traité ;

- inviolabilité de tous papiers et documents ;

- les mêmes immunités en ce qui concerne leurs bagages personnels que celles qui sont accordées aux agents diplomatiques.

En conséquence, les actes commis par les experts civils et militaires français et les personnes à leur charge relèveront de la compétence des juridictions afghanes, à l'exception des actes accomplis par les experts dans le cadre de leurs fonctions, pour lesquels ils relèveront de la compétence exclusive des juridictions françaises.

Toutefois, les experts français et les personnes à leur charge bénéficieront, en tout état de cause, sur le territoire afghan, de l'inviolabilité de leur personne puisqu'ils ne pourront être ni arrêtés ni détenus par les autorités afghanes, même pour un acte accompli en dehors du cadre de leurs fonctions. Cette inviolabilité implique également que, si un expert ou une personne à charge devait être condamné par les juridictions afghanes, pour un acte relevant de leur compétence, à une peine d'emprisonnement, à la peine de mort ou à toute autre peine assimilée à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, une telle peine ne pourrait être exécutée. En cela, l'accord assure aux experts français et aux personnes à leur charge le respect des droits fondamentaux qui leur sont constitutionnellement et conventionnellement garantis.

Il convient de noter que ce statut très protecteur s'inspire directement de celui de l'accord de coopération culturelle et technique du 21 août 1966, qui sera abrogé par le présent Traité. L'article 4 de l'annexe 5 à cet accord stipule en effet que « Le gouvernement royal afghan accorde aux experts français définis à l'article 3 ci-dessus, ainsi qu'aux membres de leurs familles, le statut et les privilèges dont bénéficient les fonctionnaires et experts des Nations Unies en Afghanistan ». L'article 12 du Traité en reprend les garanties juridictionnelles et en étend le bénéfice aux experts militaires. En revanche, il ne s'applique pas aux « militaires français engagés dans des opérations de combat », exclus du champ d'application du Traité par son article 3, alinéa 4, et dont le statut est défini, selon les cas, soit par l'accord militaire technique entre la Force Internationale d'Assistance à la Sécurité (FIAS) et l'administration intérimaire de l'Afghanistan, signé le 4 janvier 2002, soit par l'accord du 23 mai 2005 relatif aux conditions de déploiement et de stationnement temporaire des forces françaises participant aux opérations de lutte contre le terrorisme international sur le territoire afghan (opération "enduring freedom").

5° Les dispositions du traité n'affecteront pas les engagements de la France à l'égard des Etats tiers et des organisations internationales dont elle est membre (article 13, alinéa 1).

6° Les modalités de mise en oeuvre des coopérations prévues par le traité pourront faire l'objet d'accords ou d'arrangements complémentaires (article 13, alinéa 2).

Conséquences administratives

Le traité prévoit la création de trois commissions mixtes autonomes se réunissant une fois par an alternativement en France et en Afghanistan : une commission mixte de coopération pour le suivi des programmes de coopération, une commission mixte politico-militaire et une commission mixte de sécurité intérieure.

Afin de garder de la souplesse dans leur organisation, notamment en raison de la répartition des compétences entre administrations afghanes et françaises, la composition de ces commissions n'est volontairement pas précisée dans le traité.

Elles rassembleront, côté français, des représentants des ministères des Affaires étrangères, de la Défense, de l'Intérieur, de l'Economie, et de la Culture. Des représentants d'autres administrations concernées, comme l'Agence française de développement (AFD), pourront également y participer.

Conséquences en matière de défense et de sécurité

Le traité ne prévoit aucune clause d'assistance ou d'engagement automatiques en matière de défense.

La mise en oeuvre de la coopération en matière de sécurité et de défense sera adaptée à l'évolution de la situation sécuritaire en Afghanistan. Cette coopération, complémentaire de celle menée dans des cadres multilatéraux, prendra notamment la forme d'actions de formation et de conseil conduites par la partie française, qui apportera également son soutien à la création d'une gendarmerie nationale afghane.

Les autorités des deux pays s'engagent à coopérer sans réserve dans la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et les trafics de stupéfiants.

Conséquences économiques et sociales

Les autorités afghanes devront prendre les mesures nécessaires pour faciliter les investissements français et les activités de nos entreprises. Elles devront s'engager à considérer les offres de ces dernières en fonction de leurs mérites.

Cela devrait permettre d'ouvrir à nos entreprises de plus larges possibilités de bénéficier du potentiel économique de l'Afghanistan, en particulier dans les secteurs des hydrocarbures et des minerais.

La conséquence devrait en être un accroissement du volume des échanges commerciaux entre la France et l'Afghanistan, qui restent aujourd'hui très limités (inférieurs à 50 millions d'euros par an).

Sur le plan social, la coopération française devrait, en matière de santé, contribuer à réduire le taux de mortalité maternelle et infantile en Afghanistan, à y augmenter la capacité d'accès aux soins médicaux de qualité, notamment pour les femmes et les enfants, et à y améliorer le niveau de formation des médecins et personnels médicaux.

Dans le domaine de l'éducation, l'objectif du traité d'améliorer la qualité de l'enseignement et de la gestion des établissements afghans devrait accroître les chances d'insertion professionnelle des diplômés afghans.

L'expertise apportée par la France à l'Afghanistan en matière agricole dans le cadre du traité devrait aider à augmenter le niveau de vie dans les zones rurales et promouvoir un développement durable.

Le traité contribuera à la structuration de la société civile afghane en appuyant le fonctionnement de ses institutions, et en portant une attention particulière à la protection des droits des femmes, notamment pour faciliter leur accès à la justice.

Conséquences financières

La mise en oeuvre du traité se traduira par une augmentation significative du montant de l'aide bilatérale française en faveur de l'Afghanistan eu égard à la nature et l'ampleur des actions de coopération envisagées. Cette hausse de l'aide bilatérale civile sera engagée dans le cadre du programme de coopération 2012-2016.

Outre les conditions de sécurité énoncées ci-dessus, la mise en oeuvre du traité devra tenir compte de la capacité d'absorption de la partie afghane, mais également des autorisations de crédits annuelles votés par le Parlement français et des décisions des organes de gouvernance des établissements concernés, notamment l'AFD.

Par ailleurs, un effort de coordination de l'aide bilatérale française avec les bailleurs multilatéraux sera recherché afin d'optimiser l'impact de l'aide française.

III. - Historique des négociations.

Ce traité a été proposé par le Président de la République à son homologue afghan, qui a volontiers souscrit à cette idée, lors de son déplacement à Kaboul le 12 juillet 2011.

Un projet de traité a été présenté par le ministre d'Etat, ministre des affaires étrangères et européennes à son homologue afghan lors de sa visite à Paris le 26 octobre dernier.

Les réactions de la partie afghane ont été très positives. Ses propositions d'amendements n'ont pas soulevé de difficultés majeures. Une formule adaptée a été rapidement trouvée pour la rédaction de l'article 12 relatif aux immunités. Les négociations ont permis d'aboutir à un accord sur l'ensemble du texte le 3 janvier 2012.

Le traité a ainsi pu être signé à l'occasion de la visite officielle à Paris du président Karzaï le 27 janvier 2012.

Le programme de coopération quinquennal, qui complète le traité, a été paraphé le même jour par les ambassadeurs de France et d'Afghanistan.

IV. - Etat des signatures et ratifications.

La partie afghane a engagé l'accomplissement des formalités prévues par sa législation nationale pour l'entrée en vigueur du traité. Celui-ci sera soumis prochainement à l'examen du Parlement afghan.

V. - Déclarations ou réserves.

Sans objet.


* 1 Publié au Journal officiel de la République française du 8 janvier 1967 par le décret n° 66-1075 du 20 décembre 1966.

* 2 Décret n° 2009-1466 du 1er décembre 2009 portant publication du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne, signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, et de certains actes connexes, publié au Journal officiel de la République Française du 2 décembre 2009.

* 3 Décret n° 49-1271 du 4 septembre 1949 portant publication du traité de l'Atlantique Nord, signé à Washington le 4 avril 1949.

* 4 Voir le site Internet de la CNIL : http://www.cnil.fr/pied-de-page/liens/les-autorites-de-controle-dans-le-monde/

* 5 Le Conseil de l'Union européenne et le Parlement européen ont donné le pouvoir à la Commission de décider sur la base de l'article 25(6) de la directive 95/46/CE qu'un pays tiers offre un niveau de protection adéquat en raison de sa législation interne ou des engagements pris au niveau international.

* 6 L'article 69 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 dispose notamment que «  le responsable d'un traitement peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat ne répondant pas aux conditions prévues à l'article 68 si la personne à laquelle se rapportent les données a consenti expressément à leur transfert ou si le transfert est nécessaire à l'une des conditions suivantes : 1° A la sauvegarde de la vie de cette personne ; 2° A la sauvegarde de l'intérêt public ; 3° Au respect d'obligations permettant d'assurer la constatation, l'exercice ou la défense d'un droit en justice ; (...). Il peut également être fait exception à l'interdiction prévue à l'article 68, par décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ou, s'il s'agit d'un traitement mentionné au I ou au II de l'article 26, par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la commission, lorsque le traitement garantit un niveau de protection suffisant de la vie privée ainsi que des libertés et droits fondamentaux des personnes, notamment en raison des clauses contractuelles ou règles internes dont il fait l'objet. (...) ».

* 7 http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/Traites/Accords_Traites.php

Pour obtenir le texte de l'accord, cliquer sur « recherche dans la base/accords et traités » puis porter le numéro « 19460040 » (numéro de l'accord) dans le champ de recherche « recherche tout texte ».

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