EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le corps électoral pour l'élection des représentants aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie est, depuis 1999, plus restreint que le corps électoral général. Cette exception à l'universalité du suffrage posé par l'article 3 de la Constitution constitue le corollaire de la reconnaissance, par l'accord de Nouméa, d'une citoyenneté propre à la Nouvelle-Calédonie, en complément de la citoyenneté française. Cette mesure avait constitué un élément déterminant du consensus qui avait été alors trouvé entre les signataires.

Le Gouvernement constate que ce consensus demeure entre les formations politiques calédoniennes sur le principe d'un corps électoral spécial, alors que le processus politique prévu par l'accord est arrivé à son terme après la tenue des trois référendums locaux d'autodétermination de 2018, 2020 et 2021.

La pérennisation de cette citoyenneté et la détermination des critères qui permettent de la reconnaitre sont au coeur des discussions engagées en vue de conclure un nouvel accord politique pour doter la Nouvelle-Calédonie d'un nouveau statut, dans le cadre de la République.

Le mandat des membres du congrès et des assemblées de provinces élus en 2019 arrivera à son terme en mai prochain. Chargé d'assurer la continuité des institutions locales, le Gouvernement se doit d'engager le processus de renouvellement de ces assemblées en 2024 et ne peut proposer de reporter le scrutin que dans une mesure limitée, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Sans préjuger des évolutions du corps électoral qui pourraient résulter d'un nouvel accord entre les partenaires politiques et à la lumière de l'avis rendu par le Conseil d'État, le 7 décembre dernier, le Gouvernement estime que le gel du corps électoral pour ces élections, par référence à la situation existante au 8 novembre 1998, ne répond plus aux exigences démocratiques résultant de nos principes constitutionnels et des engagements internationaux de la France.

En effet, le nombre d'électeurs inscrits sur les listes électorales générales en Nouvelle-Calédonie exclus du droit de suffrage aux élections des membres des assemblées de province et du congrès, s'est creusé dans des proportions importantes: il est passé de 8 338 électeurs en 1999, soit 7,5% du corps électoral général, à 18 208 en 2009, 40 957 en 2019 et 42 596 en 2023. Il atteint donc désormais un électeur sur cinq.

Il est devenu aujourd'hui difficile de justifier que des électeurs installés de façon permanente en Nouvelle-Calédonie après l'approbation de l'accord en novembre 1998 - donc depuis 25 ans pour certains - ne puissent toujours pas participer à l'élection des membres du congrès, alors même que cette assemblée adopte les lois du pays et les réglementations locales qui régissent leur quotidien, dans le champ de compétence très étendu de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces, et déterminent les choix politiques fondamentaux du territoire. Il parait tout aussi singulier qu'un citoyen français né en Nouvelle-Calédonie, et qui y réside toujours aujourd'hui, ne puisse participer à ces élections locales alors même qu'il peut voter à toutes les autres élections et, généralement, a aussi pu participer aux trois consultations d'autodétermination de 2018, 2020 et 2021. Or, ce sont presque 12 000 électeurs qui se trouvent aujourd'hui dans cette situation.

Tout en restant fidèle au préambule de l'accord de Nouméa qui prévoyait que « le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée », le Gouvernement propose de corriger les distorsions qui résultent de l'écoulement du temps et des évolutions démographiques depuis plus de deux décennies.

Le projet qui est présenté propose de se fonder sur une condition de base inchangée - l'inscription sur la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie, qui permet notamment de s'assurer que l'électeur y réside au jour du scrutin - et une condition permettant d'établir l'attachement au territoire, caractérisée par à une domiciliation continue depuis au moins dix ans ou le fait d'en être natif.

Le Conseil constitutionnel ayant conféré une valeur constitutionnelle aux orientations de l'accord de Nouméa, cette évolution ne peut procéder que d'un projet de loi constitutionnelle.

Si un accord entre les signataires de l'accord de Nouméa vient à être conclu avant le 1er juillet 2024, ce qui reste en tout état de cause l'objectif poursuivi, le Gouvernement en tirera les conséquences en proposant à la représentation nationale, dans les meilleurs délais, un nouveau texte traduisant les termes du consensus qui s'est établi. Les critères d'inscription sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales seront alors revus conformément aux orientations du nouvel accord.

Une disposition d'entrée en vigueur à cette date, conditionnée par l'absence de conclusion d'un accord global, a été aménagée en conséquence. Si un tel accord est conclu, il appartiendra au Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre, d'en établir le constat.

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