EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Utilisé originellement comme gaz de pressurisation d'aérosol alimentaire, notamment d'usage courant pour les siphons culinaires à chantilly, ou bien en milieu hospitalier pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques, le protoxyde d'azote (N2O), communément dénommé « gaz hilarant » fait l'objet d'usages détournés en raison de son effet euphorisant. Devenu le 3 ème produit psychoactif le plus consommé chez les jeunes 1 ( * ) , l'inhalation de protoxyde d'azote se banalise et devient dans certains territoires pour beaucoup de jeunes, avec des effets « récréatifs » tels que le fou rire, une première expérience de consommation addictive, avec d'importantes conséquences sanitaires.

Le rapport de l'observatoire français 2 ( * ) des drogues et des toxicomanies publié en décembre 2018 observe, une évolution de l'usage et de la consommation du protoxyde d'azote, avec son irruption dans l'espace public. « Réservé » jusqu'alors aux milieux festifs alternatifs (free parties, teknivals), depuis 2017, signe de la banalisation de la consommation de ce produit, de nombreuses petites cartouches grises contenant le gaz sont retrouvées, de façon continuelle et massive, dans l'espace public. La région des Hauts de France est particulièrement touchée par ce phénomène.

Nouvelle drogue à la mode, le protoxyde d'azote, gaz hilarant, fait fureur chez les jeunes et très jeunes, même mineurs, avec une véritable dépendance à l'effet euphorisant. Accessible librement pour un usage domestique, il est vendu dans les commerces de proximité, épiceries, supermarchés, certains bars qui mettent en avant ces cartouches comme des produits d'appel, ou sur internet, sans aucune restriction, et à un coût relativement modique.

Paradoxalement, en l'état actuel du droit, nous sommes face à un phénomène d'ampleur de consommation de drogue et d'addiction facilité par une commercialisation ordinaire du produit, sans pouvoir ni agir ni protéger les mineurs de ces comportements à risque et prévenir les problèmes sanitaires.

Pour apporter des réponses concrètes à cette réalité de terrain qui alerte de plus en plus les acteurs locaux, élus, agents de prévention, professionnels de la santé..., les auteurs de la présente proposition de loi proposent des évolutions législatives afin de mieux protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote. Ce texte s'attachera spécifiquement à réglementer la vente de cartouche de protoxyde d'azote à usage domestique, car pour sa finalité médicale, qu'il ne conviendrait pas de remettre en cause, le détournement de ce produit est soumis à la réglementation des produits stupéfiants. En revanche, pour son usage d'aérosol culinaire, la réglementation est celle des produits de consommation courante et domestique, sans restriction de vente ni visuel de prévention.

Ainsi, à l'image de ce qui existe en matière de stupéfiants et d'alcool, la proposition de loi qui vous est présentée prévoit l'interdiction à l'incitation ou la provocation à la consommation de N2O, entendue comme l'inhalation ou l'absorption, ce qui autorise donc l'achat de N2O contenu dans un siphon de chantilly qui, si on en fait l'usage approprié, ne saurait être ni inhalé, ni absorbé. Cette interdiction ne faisant pas obstacle à la prescription de N2O à des fins médicales ;

Afin d'agir également en amont de la cession du produit, le texte prévoit le principe de l'interdiction de la vente ou de l'offre aux mineurs (toujours dans les seuls commerces et lieux publics), mais une exception serait prévue en cas de prescription médicale.

Ce texte dispose donc deux incriminations, celle de l'incitation à la consommation et celle de la vente aux mineurs.

Ensuite, afin d'adopter un volet prévention, une mention illustrée d'un pictogramme indiquant l'interdiction de vente aux mineurs de moins de 18 ans devra être apposée sur chaque contenant incluant ce produit, qui ne peut être vendu sans celui-ci.

Enfin, pour pallier le manque d'information des usagers, notamment les plus jeunes d'entre eux, concernant la dangerosité du produit et agir au niveau de la prévention, un chapitre est inséré dans le code de la santé publique afin qu'une information sur les risques de l'usage détourné du N2O soit dispensée dans les établissements scolaires et à l'armée, sur le modèle de ce qui existe déjà pour le tabac (art. L. 3511-2 du CSP).

Sujet de préoccupation majeure, il convient de faire évoluer le droit actuel pour protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote.


* 1 Etude de la Mutuelle SMEREP

* 2 TREND est un dispositif national de collecte d'informations, mis en place à partir de 1999, visant à :

- Détecter les phénomènes émergents,

- Décrire et comprendre les évolutions des pratiques,

- Assurer  une  veille sur  les  substances  dangereuses et sur les nouvelles drogues,

- Mener des investigations spécifiques.

TREND s'appuie sur un réseau de 8 coordinations locales implantées à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris, Rennes et Toulouse et dotées d'une stratégie commune de collecte et d'analyse de l'information. Ces méthodes d'observation éprouvées, actuellement centrées sur les espaces urbains, festifs et Internet, peuvent être, à la demande des politiques publiques locales, étendues à d'autres territoires (ex : espace rural) ou à des thématiques spécifiques (ex : usages et marché du crack, déplacements transfrontaliers des usagers...).

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