EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La vie des communes et des intercommunalités est fortement caractérisée par leur mission d'aménagement, une des plus fortement identifiées par les citoyens avec l'institution communale. Cette mission s'exerce par des moyens d'action variés, notamment la conduite d'opérations d'aménagement, mais, en son centre, se place la fixation puis l'application du droit de l'urbanisme régissant le territoire communal. C'est l'adoption du plan local d'urbanisme puis l'attribution des autorisations de construction qui donne aux communes et à leurs groupements une maîtrise effective, dans le respect du cadre législatif, sur l'évolution de leur cadre de vie et sur leurs capacités de développement.

De très nombreuses indications recueillies dans les départements font cependant apparaître une sérieuse vulnérabilité dans ce tableau. Dans des contextes très divers, des constructions sont réalisées sans permis de construire, ou en violation des prescriptions que prévoit cet acte. Les irrégularités constatées sont de gravité variable, mais présentent le double défaut de créer une dégradation du paysage urbain et de démontrer ostensiblement aux citoyens le non-respect de la règle applicable à tous.

De très longue date, le dispositif légal de sanctions face à ces atteintes au droit a été limité aux sanctions pénales décidées au terme d'une procédure judiciaire complète. Ce choix traditionnel s'explique par le lien entre la construction, le logement et les droits associés à la propriété et au domicile, qui justifient la compétence de l'autorité judiciaire. Ce mode de traitement, parfaitement justifié lorsqu'il s'agit d'atteintes d'une particulière gravité et qu'elles peuvent donner lieu à des décisions de démolition partielle ou totale affectant le patrimoine, se heurte à l'accumulation massive de charges qu'affronte la justice pénale et se révèle peu adapté au traitement d'irrégularités d'intensité moindre. Ces atteintes au droit et au cadre de vie restent ainsi souvent dans une situation d'impunité qui pèse sur la crédibilité de l'ensemble du droit de l'urbanisme et sur la motivation de tous ceux qui ont pour mission de le faire respecter, à commencer par les élus communaux.

La présente proposition de loi a donc pour but de mettre à la disposition des autorités compétentes en matière d'urbanisme, dans le cas général les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale délégataires de cette compétence mais aussi l'État pour certaines constructions spécifiques, un mécanisme de sanction administrative destiné à faire peser sur les auteurs de constructions irrégulières une pénalité financière d'application rapide, simple en procédure et raisonnablement dissuasive.

Ce mécanisme s'inspire de plusieurs dispositifs de sanctions du même type instaurés au cours des dernières années en matière d'environnement et de logement, également en combinaison avec une intervention de la justice pénale, mais réservant une capacité de sanction plus immédiate aux autorités administratives investies de responsabilités de police et de contrôle : installations classées, atteintes à l'environnement, publicité extérieure (code de l'environnement), immeubles en péril (code de la construction et de l'habitation), habitat insalubre (code de la santé publique). Ces moyens de sanction ont produit des effets de responsabilisation en évitant de surcharger l'autorité judiciaire. La récente loi ELAN a étendu ce procédé aux cas de locations indignes.

Les cas où la remise en conformité impose une démolition partielle ou totale de constructions ne peuvent être résolus que par une décision judiciaire. La présente proposition de loi réserve donc à l'autorité administrative compétente - le maire dans le cas le plus fréquent, mais aussi le président d' établissement public de coopération intercommunale (EPCI) si ce dernier a acquis le pouvoir de délivrer les permis et, dans des cas spécifiques, le représentant de l'État - le droit de fixer une pénalité financière à l'encontre du responsable de l'irrégularité, dans le respect d'une procédure contradictoire et sous le contrôle du juge administratif. L'articulation des deux procédures doit prévoir, comme c'est le cas dans les législations citées précédemment, que la remise complète des lieux en conformité avec le droit oblige l'autorité administrative à réexaminer le montant de la pénalité financière qu'elle a prononcée.

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L'article 1 er de la proposition insère la nouvelle législation dans le code de l'urbanisme, à la suite des dispositions pénales réprimant les constructions irrégulières, dont une partie des bases sont reprises dans le nouveau dispositif.

L'article 2 introduit dans un nouveau chapitre du code les articles organisant le système de sanctions administratives applicables aux constructions irrégulières.

Le nouvel article L. 481-1 prévoit, sur la base du procès-verbal constatant une construction ou un ouvrage non conforme aux règles d'urbanisme applicables, l'émission par l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (maire, président d'EPCI ou préfet selon le cas) d'une mise en demeure de remettre le site en conformité. La personne responsable des travaux se voit fixer un délai pour y répondre et est appelée à présenter ses observations.

Intentionnellement, la nouvelle procédure de sanction administrative se fonde sur le premier procès-verbal d'infraction établi par l'autorité administrative en vertu de l'article L. 480-1 actuel et communiqué au procureur de la République pour l'engagement d'une action pénale. Ainsi, est écarté le risque d'une action de l'autorité administrative pouvant dévier du champ de l'action pénale qui doit rester prioritaire.

Le nouvel article L. 481-2 prévoit que, à défaut de mise en conformité spontanée ou de régularisation par un permis nouveau ou modificatif si cette possibilité existe légalement, l'autorité responsable passe à une injonction précisant les travaux ou opérations à réaliser par le constructeur fautif pour rétablir la conformité des lieux à la règle d'urbanisme. L'injonction peut être assortie d'une astreinte pénalisant tout retard à procéder aux actions définies dans l'injonction.

Pour sécuriser l'intervention des maires ou présidents d'intercommunalités disposant d'un soutien administratif limité, deux mesures sont introduites dans le processus. D'une part, le déclenchement de la procédure de sanction est facultatif. Obliger la collectivité à l'engager dans tous les cas, quelle qu'en soit la gravité, lui imposerait une contrainte excessive et l'exposerait à un risque contentieux en cas d'abstention. D'autre part, lui est ouvert le droit de consulter, avant de prendre sa décision, une instance consultative pouvant l'éclairer et la sécuriser. Il est proposé, pour ne pas créer d'organisme nouveau, de définir une formation restreinte groupant les personnes qualifiées à cette fin au sein de la commission départementale de la nature, des sites et des paysages (décrite aux articles R. 341-16 et R. 341-17 du code de l'environnement).

Le nouvel article L. 481-3 conclut la procédure, en cas de non mise en conformité ou de mise en conformité partielle, par une décision de sanction de l'autorité compétente consistant en une pénalité financière d'un montant plafonné en fonction de la surface de l'ouvrage fautif et gradué selon la gravité de l'irrégularité. Il prévoit que, au cas d'une mise en conformité complète intervenant ultérieurement - spontanément ou sur décision de l'autorité judiciaire, l'autorité administrative révise le niveau de la sanction administrative.

Le nouvel article L. 481-4 précise que l'injonction puis la décision de sanction sont précédées de la procédure contradictoire qui s'impose avant toute mesure prise en considération de la personne.

Le nouvel article L. 481-5 prévoit l'affectation du produit des pénalités financières à la collectivité compétente, donc la commune dans le cas le plus fréquent. Ce choix, conforme à celui retenu dans la loi ELAN pour les pénalités de l'habitat indigne, se justifie par la charge d'enquête et d'instruction qu'implique cette mission nouvelle de sanction.

Le nouvel article L. 481-6 précise que la décision portant sanction financière, qui se fonde sur une appréciation de gravité du manquement, donne lieu en cas de recours à un contentieux de pleine juridiction, qui habilite la juridiction à se prononcer elle-même sur cette appréciation.

Le nouvel article L. 481-7 complète la coordination de la procédure de sanction administrative avec la poursuite judiciaire que peut engager le ministère public, d'une part, en imposant la transmission au procureur de chaque acte de procédure, d'autre part, en assurant que ces actes ont pour effet de retarder l'éventuelle prescription de l'action pénale.

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