EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Ces derniers mois, plusieurs études et enquêtes ont démontré que les maires perdent espoir. Ces mêmes enquêtes ont démontré que près de la moitié d'entre eux ne souhaitaient pas se représenter aux élections municipales de 2020, une donnée alarmante et qui vient en écho des démissions enregistrées en cours de mandat depuis 2014.

Bruno Cautrès 1 ( * ) explique que ce désespoir a plusieurs causes :

- La manière dont ils vivent et perçoivent la charge de leur fonction (la première raison donnée pour ne pas se représenter en 2020 est l'aspiration à revenir vers leur vie personnelle et familiale, suivie du sentiment d'avoir accompli un devoir civique puis de sentiment que leurs administrés sont exigeants, qu'ils manquent de moyens et de personnel) ;

- Le sentiment d'être en partie dépossédés de leur fonction politique du fait des regroupements de communes et de l'intercommunalité.

- La perception globalement très négative qu'ils ont des dernières réformes territoriales (loi NOTRe) et de celles en cours, créant un sentiment d'asymétrie entre les collectivités locales à qui l'on demande de plus en plus tout en leur donnant de moins en moins de moyens et l'État qui, selon eux, serait engagé dans un profond mouvement de recentralisation.

Le malaise des maires et plus largement des élus locaux nous dit quelque chose du malaise général de notre démocratie. C'est pourquoi, la question du statut des élus doit être clairement posée sur la table.

Aussi il est important de mettre en lumière une injustice qui existe dans notre pays concernant les élus locaux touchant une pension d'invalidité ou une allocation adulte handicapés.

Ces prestations sont soumises à conditions de ressources. L'indemnité de fonction d'élu entre en compte dans le calcul de ces ressources et peut être cumulée à ces prestations dans la limite du dernier salaire annuel moyen perçu avant leur attribution. Au-delà de ce plafond, ces prestations sont écrêtées, voire supprimées.

Ainsi, un élu en situation d'invalidité ou de handicap bénéficiant de ces prestations ne pourra jamais toucher plus que le montant de son dernier salaire annuel moyen alors même qu'un élu en capacité de conserver une activité professionnelle complète pourra sans aucune limite cumuler revenus et indemnités de fonction.

Cela crée une inégalité de fait entre élus et n'incite pas les personnes en situation d'invalidité ou de handicap à s'engager dans la vie politique.

Tout commence avec l'article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui a posé le principe de l'affiliation au régime général de la sécurité sociale des élus locaux pour l'ensemble des risques (donc, y compris, l'invalidité) 2 ( * ) .

Corollaire de cette affiliation, les élus locaux ont vu leurs indemnités assujetties aux cotisations sociales. C'est ainsi que, aujourd'hui, l'article L. 382-31 du code de la sécurité sociale prévoit cet assujettissement :

- à compter d'une certaine fraction du plafond de la sécurité sociale, pour les indemnités de fonction de tout élu local (le décret a retenu une fraction de 50 % si bien que, aujourd'hui, les indemnités de fonction au titre de ce premier ensemble sont soumises à cotisations quand elles dépassent, pour arrondir, 1 700 € par mois) ;

- dès le premier euro, les indemnités de fonction des membres des exécutifs locaux qui ont cessé toute activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat et ne relèvent plus, à titre obligatoire, d'un régime de sécurité sociale.

Cette intégration des indemnités des élus locaux dans les ressources soumises à cotisations revenait à les assimiler, au regard du droit de la sécurité sociale, à des salaires et donc à une forme de rémunération.

Dès lors, ces indemnités donnent à présent lieu à acquisition de droits pour toutes les prestations assises sur des cotisations (c'est bien entendu cet aspect qui est mis en avant par les défenseurs de la réforme de 2013, dont fait partie le gouvernement actuel ) mais, revers de la médaille, ces indemnités, étant désormais assimilées à des rémunération, entrent en ligne de compte pour l'octroi des prestations soumises à conditions de ressources, parmi lesquelles la pension d'invalidité, en vertu de l'article L. 341-12 du code de la sécurité sociale 3 ( * ) .

En l'état actuel des choses il n'y a pas formellement d'interdiction de cumuler une pension d'invalidité et une indemnité de fonction, mais un plafonnement du cumul des ressources susceptibles d'être procurées par l'addition de l'une et de l'autre. II existe même, implicitement mais clairement, une autorisation de cumul lors des six premiers mois de la reprise d'une activité (donc, du mandat, en l'occurrence) puisque ce n'est, éventuellement, qu'à l'expiration de deux semestres que la pension sera suspendue ou supprimée 4 ( * ) .

Cela étant, en pratique, l'addition des deux conduit souvent l'intéressé à dépasser le plafond, si bien qu'il se trouve de fait contraint de renoncer à l'une ou à l'autre (logiquement, à la plus faible des deux).

Pour résoudre ce problème il conviendrait donc de prévoir que l'éventuelle perception d'une indemnité de fonction n'entre pas en compte dans le calcul du plafond de rémunération donnant lieu à suspension ou suppression de la pension d'invalidité.

Tel est le sens de cette proposition de loi.


* 1 Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l'analyse des comportements et des attitudes politiques.

* 2 « Art. L. 382-31.-Les élus des collectivités territoriales mentionnées à l'article 72 de la Constitution dans lesquelles s'applique le régime général de sécurité sociale, ainsi que les délégués de ces collectivités territoriales membres d'un établissement public de coopération intercommunale, sont affiliés au régime général de sécurité sociale pour l'ensemble des risques. Leurs indemnités de fonctions sont assujetties aux cotisations de sécurité sociale lorsque leur montant total est supérieur à une fraction, fixée par décret, de la valeur du plafond défini à l'article L. 241-3.

« Toutefois, pour les élus mentionnés aux articles L. 2123-9, L. 3123-7, L. 4135-7, L. 4422-22, L. 5214-8, L. 5215-16 et L. 5216-4 du code général des collectivités territoriales qui ont cessé toute activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat et ne relèvent plus, à titre obligatoire, d'un régime de sécurité sociale, les indemnités de fonction dont le montant est inférieur à cette fraction sont assujetties aux cotisations de sécurité sociale. « ;

* 3 « Le service de la pension peut être suspendu en tout ou partie en cas de reprise du travail, en raison de la rémunération de l'intéressé, au-delà d'un seuil et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. «

* 4 Article R. 341-17 du code de la sécurité sociale.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page