Modalités de circulation et d'établissement entre la France, l'Espagne et Andorre

N° 281

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mars 2002

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l' entrée , à la circulation , au séjour et à l' établissement de leurs ressortissants ,

PRÉSENTÉ

au nom de M. LIONEL JOSPIN,

Premier ministre,

par M. HUBERT VÉDRINE,

Ministre des affaires étrangères.

( Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Traités et conventions.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Principauté d'Andorre, devenue un État souverain en 1993, a souhaité tirer les conséquences de ce changement de statut international en définissant les règles en matière de circulation, de séjour et d'établissement des personnes étrangères sur son territoire. Compte tenu de son enclavement entre la France et l'Espagne, il importait également de fixer les règles concernant la situation de ressortissants andorrans en Espagne et en France. Conformément aux dispositions du « traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre » du 1 er juin 1993, les trois Etats ont signé à Bruxelles le 4 décembre 2000 la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs ressortissants. Cet instrument vise à établir en la matière une plus grande sécurité juridique, facilite la circulation et l'installation des ressortissants espagnols et français en Andorre et des ressortissants andorrans en Espagne et en France. Il apporte ainsi des améliorations substantielles aux conditions de séjour et d'emploi de nos ressortissants.

Cette convention, fruit de longues et difficiles négociations, marque également une étape qui devrait être suivie par d'autres, puisque l'application de dispositions plus favorables en la matière, qui pourraient être convenues entre la Principauté et l'Union européenne, est d'ores et déjà envisagée.

*

* *

Après un préambule, qui se réfère au traité de 1993 et à la libre circulation au sein de l'espace Schengen, le texte expose en seize articles les nouvelles modalités de circulation et d'établissement entre les trois Etats.

L'article 1 er définit le champ d'application territorial, ainsi que certains des termes utilisés dans la convention.

Les articles 2 et 3 précisent les modalités et les conditions de séjour des nationaux des trois Etats sur le territoire de l'une ou l'autre Partie selon que ce séjour est inférieur ou égal ou supérieur à quatre-vingt-dix jours. Dans le premier cas, les personnes doivent disposer d'un document national d'identité, passeport ou document de voyage en cours de validité, et dans le second, d'un titre de séjour.

L'article 4 établit une égalité de traitement en matière d'établissement : d'une part en France et en Espagne entre les ressortissants andorrans et les ressortissants des autres Etats membres de l'Union européenne ; d'autre part en Andorre entre les ressortissants français et espagnols et les ressortissants de tout autre Etat.

Les articles 5 et 6 traitent des élèves et étudiants et des personnes inactives dont l'établissement sur le territoire d'une Partie, dans les conditions prévues par la législation ou la réglementation de cette Partie, est subordonné à la justification de ressources suffisantes et à l'existence d'une couverture sociale contre certains risques. A cet égard, il convient de signaler que sont ainsi reprises des notions contenues dans les directives communautaires relatives au droit de séjour de certaines catégories de personnes.

L'article 7 règle les conditions d'exercice des activités professionnelles salariées, sur la base du principe de l'égalité de traitement prévu à l'article 4. S'agissant des activités professionnelles non salariées, les ressortissants français et espagnols sont autorisés à les exercer dans les mêmes conditions que les Andorrans, ce qui leur permet d'investir dans les entreprises andorranes, s'ils peuvent justifier d'une résidence effective et ininterrompue en Andorre d'une durée de dix ans (au lieu de vingt ans actuellement), ce qui constitue une grande amélioration.

Les conditions d'exercice des professions libérales sont en revanche renvoyées à la législation ou la réglementation de l'Etat d'accueil.

Il convient de relever, qu'à ce stade, les Andorrans résidant en France y jouissent déjà de tous les droits dits économiques, dès leur établissement, sans condition de stage, alors que les espagnols et les français ne bénéficient pas de la réciprocité. En conséquence, cet article représente donc une avancée réelle par rapport à la situation actuelle, qui devrait se poursuivre lorsque la volonté de rapprochement de l'Andorre avec l'Union européenne se concrétisera par la négociation de dispositions plus favorables en la matière, qui s'appliqueront aux ressortissants français et espagnols.

L'article 8 pose le principe de la préférence accordée aux Andorrans pour l'accès au secteur public, la notion de « secteur public » étant entendue au sens large dans chacun des pays, et englobant, dans le cas particulier d'Andorre, les entités parapubliques.

Il précise que les ressortissants français et espagnols exerçant déjà une activité au sein du secteur public andorran pourront se présenter, dès le premier concours de recrutement, dans les mêmes conditions que les Andorrans. Cette précision assimile de fait les Français et les Espagnols actuellement employés dans le secteur public aux Andorrans pour ce qui est des conditions de recrutement par voie de concours, et leur accorde ainsi des conditions plus favorables qu'aux autres étrangers.

L'article 9 traite du regroupement familial, ce droit étant reconnu aux conjoints et aux personnes à charge dès l'installation dans l'Etat d'accueil.

L'article 10 précise que lorsque des dispositions plus favorables existent déjà concernant l'accès à la fonction publique et aux professions réglementées, celles-ci prévalent.

Les articles 11 et 12 traitent des motifs d'expulsion des ressortissants des trois Etats signataires, ainsi que du droit souverain de chaque Etat à légiférer pour des raisons d'ordre, de sécurité et de santé publics.

L'article 13 renvoie aux législations nationales, dans l'hypothèse de questions non abordées par la convention.

L'article 14 prévoit la mise en place d'une commission mixte tripartite de suivi. Dans ce cadre, seront examinées les éventuelles difficultés d'application de la convention, ainsi que les conséquences susceptibles d'en découler sur la situation personnelle des ressortissants des trois Etats.

Les articles 15 et 16 précisent que la convention est conclue pour une durée illimitée et fixent les conditions d'entrée en vigueur et de conservation de l'accord. Il convient également de souligner qu'en cas de dénonciation par la France ou par l'Espagne, la convention reste en vigueur entre les deux autres Parties.

*

* *

Telles sont les principales observations qu'appelle la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs ressortissants qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumise au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs ressortissants, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention entre la République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation, au séjour et à l'établissement de leurs ressortissants, signée à Bruxelles le 4 décembre 2000, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 27 mars 2002

Signé : LIONEL JOSPIN

Par le Premier ministre :

Le ministre des affaires étrangères,

Signé : HUBERT VÉDRINE

C O N V E N T I O N
entre la République française, le Royaume d'Espagne
et la Principauté d'Andorre relative à l'entrée, à la circulation,
au séjour et à l'établissement de leurs ressortissants

La République française, le Royaume d'Espagne et la Principauté d'Andorre,
Prenant en compte la situation géographique particulière de la Principauté d'Andorre et les liens historiques entre les trois Etats ;
Considérant la volonté de maintenir la qualité des relations existantes, héritées de l'histoire, favorables à leurs ressortissants respectifs, en conformité avec le Traité de bon voisinage, d'amitié et de coopération entre les trois Etats des 1 er et 3 juin 1993 ;
Prenant également en compte les accords relatifs à la suppression des contrôles des personnes aux frontières communes en vigueur entre la République française, le Royaume d'Espagne et d'autres Etats ;
Considérant, sans préjudice de l'importance des autres domaines, qu'il convient de manière prioritaire de faciliter aussi bien la circulation et l'établissement des ressortissants andorrans sur les territoires français et espagnol que des ressortissants français et espagnols sur le territoire andorran,
sont convenus des dispositions suivantes :

Article 1 er

Aux fins de la présente Convention, l'expression « Parties contractantes » s'entend, d'une part, de la Principauté d'Andorre, d'autre part, de la République française ou du Royaume d'Espagne.
Pour la Partie française, la présente Convention s'applique aux départements de la République française.
Aux fins de la présente Convention, on entend par personnes établies sur le territoire de l'une des Parties contractantes les personnes titulaires d'un « titre de séjour ». L'expression « titre de séjour » signifie tout type de document délivré par les autorités compétentes de chacune des Parties contractantes qui donne droit, sur le territoire de celle-ci, à résider et à exercer une activité professionnelle, salariée ou non salariée, ou à y résider sans exercer d'activité professionnelle. Elle ne s'applique ni à la carte de travailleur frontalier, ni à l'autorisation provisoire de séjour.

Article 2

Pour l'entrée et le séjour d'une durée qui n'excède pas quatre-vingt-dix jours, les ressortissants d'une Partie contractante ont accès, sans visa, au territoire de l'autre Partie sur simple présentation d'un document national d'identité, passeport ou autre document de voyage en cours de validité, et peuvent y circuler librement conformément à la législation de l'Etat d'accueil.

Article 3

Pour un séjour de plus de quatre-vingt-dix jours sur le territoire d'une Partie contractante, les ressortissants de l'autre Partie doivent être en possession d'un titre de séjour dont la validité est fixée conformément à la législation de l'Etat d'accueil.

Article 4

Sans préjudice des dispositions de l'article 7, alinéas 3 et 4, et de l'article 9, les conditions d'établissement appliquées aux ressortissants andorrans sur le territoire de l'autre Partie sont au moins aussi favorables que celles que la France et l'Espagne appliquent aux ressortissants des Etats membres de l'Union européenne.
Les ressortissants français et espagnols peuvent s'établir en Andorre conformément à la législation andorrane. Les conditions d'établissement appliquées aux ressortissants français et espagnols sont toujours au moins aussi favorables que celles que l'Andorre applique aux ressortissants de tout autre Etat.
Au moment de leur renouvellement, les titres de séjour délivrés ont une durée au moins égale à celle des titres qu'ils remplacent.
Les dispositions qui précèdent s'appliquent dans les conditions prévues aux articles 5, 6, 7, 8 et 9 de la présente Convention.

Article 5

Les élèves et les étudiants ressortissants d'une Partie contractante ont accès aux établissements de formation et d'enseignement de l'autre Partie dans les mêmes conditions que les ressortissants de cette dernière, à condition qu'ils justifient d'une couverture pour les risques maladie, maternité et accident, et de ressources suffisantes, conformément à la législation ou à la réglementation de l'Etat d'accueil.

Article 6

Les ressortissants d'une Partie contractante qui souhaitent s'établir sur le territoire de l'autre Partie sans y exercer d'activités lucratives doivent remplir les conditions fixées par la législation ou la réglementation de l'Etat d'accueil, en particulier en ce qui concerne leurs ressources. Ils doivent, en outre, justifier d'une couverture des risques maladie, maternité et accident.

Article 7

Les ressortissants d'une Partie contractante établis sur le territoire de l'autre Partie, conformément à l'article 4 de la présente Convention, peuvent y exercer toute activité professionnelle salariée dans les mêmes conditions que les ressortissants de cette dernière.
Les ressortissants français et espagnols qui peuvent justifier, en conformité avec la législation andorrane, d'une résidence effective et ininterrompue en Andorre d'une durée minimum de dix ans, peuvent, dans les mêmes conditions que les ressortissants andorrans, exercer toute activité professionnelle non salariée, à l'exclusion des professions libérales, participer au capital des sociétés commerciales andorranes et exercer des fonctions d'administration ou de représentation de ces dernières.
Les ressortissants d'une Partie contractante peuvent exercer une profession libérale sur le territoire de l'autre Partie dans les conditions fixées par la législation ou la réglementation de l'Etat d'accueil.
Nonobstant les dispositions des deux alinéas précédents, l'exercice en Andorre d'une activité non salariée par les ressortissants français et espagnols, ainsi que l'exercice d'une profession libérale par les ressortissants d'une Partie contractante sur le territoire de l'autre Partie, seront régis par les dispositions plus favorables qui pourraient être convenues à cet égard entre la Principauté d'Andorre et la Communauté européenne.
Chaque Partie contractante assure, entre ses ressortissants et ceux de l'autre Partie qui exercent légalement une activité professionnelle sur son territoire, l'égalité de traitement en matière de conditions de travail, en conformité avec la législation de l'Etat d'accueil.
Les ressortissants français et espagnols qui peuvent justifier d'une résidence effective et ininterrompue et de l'exercice d'une activité professionnelle, salariée ou non salariée, en Andorre, d'une durée minimum de cinq ans, en conformité avec la législation andorrane, reçoivent de plein droit, au moment du renouvellement de leur titre de séjour, un titre de la durée la plus longue prévue par la législation andorrane, sans préjudice des motifs d'ordre public, de sécurité ou de santé publiques.

Article 8

L'accès aux emplois du secteur public dont les attributions ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté ou comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique de l'Etat ou des autres collectivités publiques est réservé aux nationaux.
La Principauté d'Andorre peut réserver l'accès aux emplois du secteur public à ses ressortissants lors d'un premier concours. Ce concours est également ouvert aux ressortissants français et espagnols exerçant une activité au sein du secteur public andorran. Dans le cas où ces emplois ne seraient pas pourvus à l'issue du premier concours, tous les ressortissants français et espagnols pourront se présenter à un deuxième concours dans les mêmes conditions que les ressortissants andorrans.
Chaque Partie contractante assure entre ses ressortissants et ceux de l'autre Partie légalement établis qui exercent une activité au sein du secteur public, l'égalité de traitement en matière d'accès aux emplois, de conditions de travail, et, en particulier, en ce qui concerne le renouvellement de leur contrat de travail.

Article 9

Ont le droit de s'installer avec le titulaire du droit de séjour établi dans l'Etat d'accueil :
a) Son conjoint et leurs descendants âgés de moins de 21 ans ou à charge ;
b) Les ascendants du titulaire du droit de séjour et de son conjoint qui sont à sa charge.
Ces dispositions s'appliquent sous réserve que le titulaire du droit de séjour visé aux articles 5 et 6 ainsi que les membres de sa famille qui viennent le rejoindre disposent de ressources suffisantes et d'une couverture sociale.
Le b) du présent article ne concerne pas les élèves et étudiants.
Les titres de séjour délivrés aux membres de la famille sont de la même nature et ont la même durée que ceux du titulaire qu'ils viennent rejoindre.
Ces dispositions ne s'appliquent pas aux travailleurs temporaires et aux travailleurs frontaliers.

Article 10

Les dispositions de la présente Convention s'appliquent aux ressortissants de chaque Partie contractante, sans préjudice des dispositions plus favorables en vigueur à la date de la signature de la présente Convention concernant l'accès à la fonction publique et aux professions réglementées.

Article 11

Les ressortissants d'une Partie contractante qui résident légalement sur le territoire de l'autre Partie ne peuvent en être expulsés que pour des motifs d'ordre public, de sécurité ou de santé publiques, conformément à la législation de l'Etat d'accueil.

Article 12

Les dispositions de la présente Convention ne portent pas atteinte au droit de chaque Partie contractante de prendre les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public, à la protection de la sécurité et de la santé publiques.

Article 13

Les points non traités par la présente Convention sont régis par la législation respective de chaque Partie contractante.

Article 14

Les questions que pourrait soulever l'application de la présente Convention seront examinées au sein d'une commission mixte tripartite. La commission mixte se réunira en tant que de besoin, à la demande de l'une des Parties contractantes, formulée par la voie diplomatique.

Article 15

La présente Convention est conclue pour une durée illimitée et peut être dénoncée par une Partie contractante, par voie diplomatique, avec un préavis de six mois. La dénonciation par la République française ou le Royaume d'Espagne n'affecte pas le maintien en vigueur de la présente Convention entre les deux autres Parties.
La présente Convention entrera en vigueur après l'accomplissement des procédures internes requises pour chaque Partie contractante. Chaque Partie contractante notifiera aux deux autres Parties l'accomplissement desdites procédures en ce qui la concerne. Les notifications seront déposées dans les archives de la Principauté d'Andorre.
La présente Convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification.

Article 16

La présente Convention, rédigée en un exemplaire unique, en langue française, en langue castillane et en langue catalane, les trois textes faisant également foi, sera déposée dans les archives de la Principauté d'Andorre qui remettra une copie certifiée conforme aux deux autres Parties.
En foi de quoi, les plénipotentiaires soussignés ont apposé leur signature au bas de la présente Convention.
Fait à Bruxelles, le 4 décembre 2000.

Pour la République française :
Hubert  Védrine,
Ministre des affaires étrangères

Pour le Royaume d'Espagne :
Josef  Pique,
Ministre des relations extérieures

Pour la Principauté d'Andorre :
Albert  Pintat,
Ministre des relations extérieures

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