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N° 314

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 avril 1997

PROJET DE LOI ORGANIQUE

portant recrutement exceptionnel de magistrats de l ' ordre judiciaire,

PRÉSENTÉ

au nom de M. ALAIN JUPPÉ,

Premier ministre,

par M. JACQUES TOUBON,

garde des Sceaux, ministre de la justice.

(Renvoyé à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Magistrature.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS

L'institution d'un double degré de juridiction en matière criminelle, qui constitue un progrès incontestable de notre système juridique, a des incidences importantes sur la charge de travail des juridictions judiciaires, et notamment sur celle des magistrats. Selon l'étude d'impact qui a été menée, la mise en oeuvre de cette réforme nécessite le recrutement de magistrats supplémentaires d'ici à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi de procédure pénale.

Les modes de recrutement habituels - concours d'accès à l'École nationale de la magistrature et recrutement direct sur titres - ne permettent pas de répondre à ce besoin urgent : le recrutement par l'ENM dure environ trois ans et sept mois (un an pour les opérations de concours et deux ans et sept mois de formation) ; le recrutement sur titres - qui fournit chaque année environ vingt nouveaux magistrats -ne pourra assurer un surplus de recrutement que d'une vingtaine de personnes.

Seul le recours à un concours exceptionnel, comme cela s'est déjà produit en 1981, 1983 et 1991, permet d'apporter rapidement le renfort indispensable au corps judiciaire.

Le présent projet de loi organique a pour objet d'autoriser en 1997 et 1998 un recrutement maximal de cent magistrats du second grade par concours exceptionnel. Ce texte s'inspire directement des dispositions de la loi organique n° 80-844 du 29 octobre 1980 qui a servi de fondement aux précédents concours exceptionnels, mais comporte également des différences par rapport à ce dispositif pour tenir compte des réformes du statut de la magistrature intervenues en 1992 et 1994 et de l'expérience acquise lors des précédents concours.

Le caractère exclusivement pratique des épreuves a été supprimé pour permettre l'introduction d'au moins une épreuve à caractère théorique à l'écrit et à l'oral. Par ailleurs, le nombre total des épreuves écrites et orales - au nombre de trois dans les précédents concours - sera porté à cinq par le décret d'application, ce qui permettra également de renforcer le caractère juridique de ce concours. De plus, la formation d'une durée de sept mois aura un caractère probatoire afin que le jury puisse s'assurer que les candidats ayant réussi le concours sont effectivement apte à l'exercice des fonctions judiciaires.

PROJET DE LOI ORGANIQUE

Le Premier ministre,

Sur le rapport du garde des Sceaux, ministre de la justice,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi organique portant recrutement exceptionnel de magistrats de l'ordre judiciaire, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le garde des Sceaux, ministre de la justice, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article 1er

À titre exceptionnel, au cours des années 1997 et 1998, un recrutement par concours de magistrats du second grade de la hiérarchie judiciaire est autorisé dans la limite de cent postes au total. Les candidats doivent être titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation d'une durée au moins égale à quatre années d'études après le baccalauréat, que ce diplôme soit national ou reconnu par l'État, d'un diplôme délivré dans un État membre de la Communauté européenne et considéré comme équivalent par le ministre de la justice après avis d'une commission, d'un diplôme délivré par un institut d'études politiques, ou avoir obtenu le certificat attestant la qualité d'ancien élève d'une école normale supérieure, être âgés de 40 ans au moins au 1er janvier de l'année d'ouverture du concours, remplir les conditions prévues aux 2°, 3°, 4° et 5° de l'article 16 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et justifier à cette date de dix ans d'activité professionnelle.

Article 2

Les candidats admis par le jury reçoivent une formation à l'École nationale de la magistrature. Ils sont rémunérés pendant cette période, qui a un caractère probatoire et comprend des stages accomplis dans les conditions prévues à l'article 19 et au premier alinéa de l'article 20 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 précitée. Préalablement à toute activité, ils prêtent serment devant la Cour d'appel en ces termes : "Je jure de conserver le secret des actes du Parquet, des juridictions d'instruction et de jugement dont j'aurai eu connaissance au cours de ma formation". Ils ne peuvent, en aucun cas, être relevés de ce serment.

À l'issue de cette période de formation, au vu du rapport établi par le directeur de l'École nationale de la magistrature, le jury, après un entretien avec chacun des intéressés, se prononce définitivement sur son aptitude à exercer les fonctions judiciaires. Les personnes déclarées aptes sont nommées à des emplois du second grade dans les formes prévues à l'article 28 de ladite ordonnance. Les dispositions de l'article 27-1 de cette même ordonnance ne sont pas applicables.

Les années d'activité professionnelle accomplies par les intéressés avant leur recrutement sont prises en compte partiellement pour leur classement indiciaire dans le second grade.

Article 3

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application de la présente loi.

Fait à Paris, le 16 avril 1997

Signé : ALAIN JUPPÉ

Par le Premier ministre :

Le garde des Sceaux,

ministre de la justice

Signé : JACQUES TOUBON

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