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N° 566

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mai 2012

PROPOSITION DE LOI

tendant à abroger la majoration des droits à construire ,

PRÉSENTÉE

Par M. Philippe KALTENBACH,

Sénateur

(Envoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, a pour objet de majorer de 30 % les droits à construire qui résultent de l'application des règles des plans d'occupation des sols (POS) et des plans locaux d'urbanisme (PLU) afférentes au gabarit, à la hauteur, à l'emprise au sol et au coefficient d'occupation des sols.

Les collectivités qui ne souhaiteraient pas voir ce dispositif entrer en vigueur sur leur territoire sont contraintes dans le temps. En effet, cette majoration s'appliquera de fait sur l'ensemble du territoire de la collectivité si, au 20 décembre 2012, celle-ci n'a pas pris de délibération contraire, au titre de l'article L. 123-1-11-1 du code de l'urbanisme. Il en est de même si la collectivité n'a pas mise en oeuvre le dispositif de mise à disposition de la note d'information et de participation du public prévu par la loi. Pour élaborer cette note, la collectivité doit préalablement prendre une délibération qui fixe les modalités de mise à disposition du public de la note d'information et de participation du public, ce qui est de nature à renforcer cette contrainte temporelle.

Il apparait aussi que cette loi présente une redondance importante avec le droit existant. En effet, la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite loi MOLLE, a déjà introduit en 2009 un dispositif permettant une majoration des droits à construire par les communes. Deux autres dispositifs existent en outre aussi et permettent d'appliquer au logement social et aux constructions à haute performance énergétique une majoration des règles de densité. La création d'un quatrième dispositif, relativement similaire aux trois précédents et qui n'a pas vocation à les remplacer, présente donc une utilité toute relative et va à l'encontre de la démarche de simplification du droit qui doit guider le législateur.

La portée et l'efficacité d'une telle loi reste en outre très incertaine. Avec l'adoption de la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012, la majoration des droits à construire reste de la décision des communes. Toutefois, le changement induit par l'adoption de cette loi implique qu'au lieu de disposer du droit de choisir si elles souhaitent procéder à une majoration de la constructibilité, les collectivités ne disposent désormais plus que de la liberté de refuser d'appliquer cette majoration. Cette démarche singulière en matière d'urbanisme peut paraitre pernicieuse et contraire à l'esprit d'une libre administration des collectivités territoriales. Elle pourrait même être interprétée comme un désaveu vis-à-vis d'élus locaux qui feraient preuve de frilosité en matière de construction ou qui auraient élaboré des plans locaux d'urbanisme inadaptés. Pourtant, nous savons que l'écrasante majorité des élus locaux, tout particulièrement dans les zones denses, ont déjà très largement pris conscience des difficultés croissantes rencontrées par nos concitoyens pour se loger. Ne donnons donc pas à penser que les élus ne remplissent pas la mission qui leur a été confiée. On observe enfin que les communes et les intercommunalités ont, jusqu'au vote de la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012, déjà eu relativement peu recours aux dispositifs leur permettant de majorer les droits à construire.

Plusieurs zones se trouvent en outre exclues du dispositif de la loi ce qui réduit encore sa portée. Il s'agit des zones A, B et C des plans d'exposition au bruit mais aussi des secteurs sauvegardés (lois montagne et littoral, zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager) ainsi que des servitudes d'utilité publique prévues à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme. Le nouveau dispositif ne peut non plus déroger aux chapitres V et VI du titre IV du livre I er .

La loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire est aussi susceptible de générer d'importants risques contentieux notamment par la procédure de consultation du public qu'elle implique. Une note d'information doit en effet être mise à la disposition du public décrivant les conséquences de la mise en place du nouveau dispositif. L'insuffisante précision de cette note pourrait faire courir un risque contentieux à la commune. La délibération prise par celle-ci et les modifications du plan local d'urbanisme qui en découleraient seraient en effet susceptibles d'être attaquées sur le fondement d'une information insuffisante du public (Article 7 de la charte de l'environnement). Les communes de taille très modestes pourraient même se trouver dans l'incapacité d'organiser une telle information du public.

Enfin, cette loi met en danger les planifications urbaines préexistantes issues des plans locaux d'urbanisme et des schémas de cohérence territoriale et ce, d'autant plus qu'elle permet aux communes membres d'une intercommunalité compétente en matière d'urbanisme de se désolidariser de l'intercommunalité en prenant une décision autonome sur l'application, ou non, de la majoration.

Au regard de ces éléments, on constate donc que la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire présente une redondance importante avec le droit existant. La portée et l'efficacité d'un tel dispositif semblent très improbables et sa mise en place n'est pas sans faire courir de nouveaux risques contentieux aux collectivités. Cette loi ne répond ni aux attentes, ni aux besoins des élus locaux qui jugent son mode d'application « recentralisateur » et parfaitement aveugle aux spécificités de chaque territoire. Elle représente enfin une contrainte dans le temps puisque sa non-application implique l'organisation préalable d'une information du public. Aussi, il est proposé au Sénat d'abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le code de l'urbanisme est ainsi modifié :

1° Aux deuxième et troisième phrases du sixième alinéa de l'article L. 123-1-11, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 20 % » ;

2° L'article L. 123-1-11-1 est abrogé ;

3° Le second alinéa de l'article L. 128-3 est supprimé.

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