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N° 103

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1996.

PROPOSITION DE LOI

relative à la création d'un établissement public de l'État

à caractère industriel et commercial « Haras nationaux »,

PRÉSENTÉE

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Établissements publics. - C heval - Élevage - Haras - Hippisme.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Les « Haras nationaux », après avoir été « royaux » puis « impériaux », représentent l'une des plus anciennes administrations françaises. Créés par Colbert en 1665, sous le règne du roi Louis XIV, supprimés lors de la Révolution française, ils furent rétablis en 1806 par Napoléon.

Le cheval, anciennement élément vital pour l'agriculture, l'armée et les transports, aurait pu apparaître voué à la disparition. Le développement des sports et des loisirs (courses, pari mutuel, équitation sportive, tourisme...) lui ont donné de nouvelles perspectives. Il constitue désormais un véritable secteur économique contribuant en outre aux activités sociales et culturelles.

Notre pays se place au tout premier plan européen, et même mondial, dans le domaine de l'élevage et de l'utilisation des équidés. La France se caractérise par la qualité et la diversité de son élevage qui, avec un effectif de chevaux et de poneys de l'ordre de 500 000 têtes (dont 340 000 recensés dans les exploitations agricoles), une trentaine de races reconnues et, chaque année, près de 100 000 juments saillies par 5 000 étalons, concerne 45 000 éleveurs. Aujourd'hui, la pratique de l'équitation sportive et de loisir intéresse 600 000 cavaliers dont près de 350 000 licenciés et 4 300 établissements. Plus de 16 000 courses organisées sur 265 hippodromes répartis sur l'ensemble du territoire engendrent un chiffre d'affaires de 35 milliards de francs au pari mutuel, grâce à 8 millions de parieurs, et ainsi abondent le budget de l'État pour plus de 6 milliards de francs et financent l'essentiel des crédits publics du secteur du cheval.

Le Service des haras, des courses et de l'équitation fait partie intégrante de l'administration du ministère de l'Agriculture. Il est chargé des questions hippiques de nature technique, économique et scientifique ; sa compétence s'étend à l'ensemble de la filière cheval : production, commercialisation et utilisations.

Ses attributions comprennent :

- Au titre de la conservation et de l'amélioration du capital génétique, la réglementation de l'élevage, les livres généalogiques, l'identification des équidés, l'agrément et le contrôle de l'utilisation des reproducteurs, la valorisation de la production et l'aide à la commercialisation.

- Au titre de la tutelle sur les courses et les paris, la réglementation des paris, le contrôle de gestion des sociétés de courses, l'agrément des commissaires et des juges. Le service est chargé de l'inspection des courses et du pari mutuel ; il arrête le budget du fonds commun de l'élevage et des courses.

- Au titre du développement de l'équitation, le contrôle et l'orientation de l'activité des centres équestres et la délivrance des cartes professionnelles.

- En liaison avec les directions et organismes concernés, l'élaboration et la mise en oeuvre des programmes de recherche, d'enseignement et de formation professionnelle de la filière cheval.

- Des missions de génie hippique : conseil et conception en matière d'équipements, expérimentation et promotions des techniques.

- En liaison avec les directions concernées, la gestion du personnel et des moyens affectés au service, le traitement des affaires réglementaires, juridiques et contentieuses concernant le cheval.

- La tutelle sur le Domaine de Pompadour dit « Institut du cheval », établissement public administratif qui développe des activités de recherche expérimentale et de formation dans les secteurs hippiques et assure la tenue du fichier central zootechnique des équidés.

Le Service des haras, des courses et de l'équitation comprend :

- une structure centrale, implantée à Paris (37 personnes), assurant les missions du service au niveau national et une cellule délocalisée au Lion d'Angers (6 personnes) responsable des missions de génie hippique ;

- 23 haras nationaux (897 personnes) répartis sur l'ensemble du territoire. Ils assurent notamment le service de la monte publique (1 500 étalons assurant annuellement la saillie de 43 000 juments).

Le Service des haras, des courses et de l'équitation prépare et suit l'exécution du budget du Fonds national des haras et des activités hippiques, compte d'affectation spéciale (C.S.T. 902-19) ouvert dans les écritures du Trésor à compter du 1 er janvier 1984 (art. 60 de la loi de finances pour 1984). L'ensemble des crédits gérés par le service est donc regroupé dans ce compte, à l'exception des dépenses en personnel, pris en charge par le ministère de l'Agriculture.

Le patrimoine géré est important. Il est constitué en matière génétique de 1 500 étalons et en matière immobilière de 20 hectares de surface bâtie au sol et 1 200 hectares de terrains pour les différents domaines dont les situations sont diverses : domaine de l'État, propriétés appartenant en propre à l'Institut du cheval ou à des collectivités territoriales.

Dans leur principe, les haras nationaux ont une utilité incontestable. Ils restent la base d'un secteur dans lequel la France conserve un grand prestige, et, du fait de leur répartition géographique, jouent un rôle certain en terme d'aménagement du territoire.

En revanche, le statut actuel du service des Haras est inadapté aux contraintes économiques. Dans leurs activités commerciales, les haras nationaux restent gérés comme une administration et éprouvent de fortes difficultés pour résister à la concurrence des haras privés. En outre, les règles budgétaires limitent les possibilités d'intervention directe de cette administration qui doit alors agir par le biais de structures intermédiaires, notamment des associations, situation que la Cour des comptes a déplorée à plusieurs reprises.

Au regard de ce constat, la meilleure solution est celle de la transformation du Service des haras, des courses et de l'équitation en établissement public à caractère industriel et commercial.

Le Conseil constitutionnel, par sa jurisprudence (18 juillet 1961, Institut des hautes études d'outre-mer) en vertu des dispositions de l'article 34 de la Constitution qui réserve au législateur « la création des catégories d'établissements publics », détermine trois éléments qui la définissent :

- l'un relatif au « caractère » de l'activité : administratif ou commercial ;

- l'autre relatif à la « spécialité » de l'établissement ;

- le troisième relatif à l'autorité de tutelle : dont l'activité s'exerce territorialement sous la même tutelle administrative.

En effet, c'est par son objet que le service doit apparaître assimilable aux entreprises privées, ce qui implique que cet objet soit économique et qu'il représente les mêmes caractères que celui d'une entreprise privée.

Ainsi, le nouvel établissement assurerait le maintien et le développement des prestations de service aujourd'hui assurées par le Service des haras, qu'il s'agisse notamment de la monte publique, et plus généralement de l'ensemble des activités mises à la disposition des éleveurs par le service public ; les risques de concurrence directe avec le secteur privé étant évités du fait de la représentation des professionnels au sein du conseil d'administration. De même, pourraient être explorées les fortes potentialités qui existent de développement à l'étranger de certains savoir-faire français non couverts par les opérateurs privés, tel le système de gestion de l'élevage et des données zootechniques, procédé sans équivalent dans le monde, et dont le développement pourrait être maîtrisé et contrôlé.

Le second élément de la définition est la spécialité. Les établissements publics se caractérisent par leur spécialisation contrairement à l'universalité de l'État. Le rôle fédérateur de l'établissement sera conforté en préservant l'unité de conception et de mise en oeuvre de la politique de l'État dans le domaine des activités hippiques. Cette unité et cette coordination entre, d'une part, les missions de réglementation et de tutelle et, d'autre part, celle de gestion d'un service productif et d'intervention financière en faveur de la filière seront assurées en confiant la direction de l'établissement au responsable des questions relatives aux équidés au ministère de l'Agriculture. L'éclatement en deux entités autonomes, établissement public et tutelle des courses au ministère de l'Agriculture, conduirait à marginaliser les haras et par voie de conséquence aboutirait à l'effet inverse de l'objectif de la présente proposition.

Le contrôle est le troisième élément de la définition. Les établissements publics sont des services détachés des collectivités publiques, mais ils ne sont pas pour autant indépendants, ils demeurent soumis au contrôle de l'État. Ainsi, l'agent comptable est justiciable de l'Inspection générale des finances et de la Cour des comptes. Si la tutelle sur les actes s'exerce selon les règles fixées dans les statuts de l'établissement, il existe cependant des règles communes. Ainsi, les délibérations du conseil d'administration ne sont en principe exécutoires que sous réserve de l'approbation de l'autorité de tutelle, le budget est donc soumis à approbation préalable. Il ne s'agit en aucun cas d'une « privatisation ».

Dans le contexte organisationnel du Service des haras, des courses et de l'équitation, deux aspects sont à prendre en compte dans la perspective de cette transformation, qu'exprime dans le texte les termes « dotés de la personnalité civile et de l'autonomie financière » (art. premier) :

- la première pourrait se résumer par le terme de « participation ». En effet, l'établissement public est une formule juridique qui permet d'associer l'ensemble des acteurs économiques de la filière ;

- le second grand motif est la souplesse de gestion. En effet, ce type de structure permet d'assurer une gestion plus souple que celles des services compris dans l'État. Cette formule permet d'échapper à des contraintes du droit administratif classique.

Enfin, les aides en nature et en subventions provenant essentiellement d'une ressource issue du secteur cheval, puisqu'il s'agit d'un prélèvement opéré sur les paris enregistrés sur les courses de chevaux, seront valorisées si leur répartition fait l'objet d'un débat et d'une programmation au conseil d'administration d'un tel établissement.

La modification du statut juridique des Services des haras est une condition nécessaire pour amorcer une véritable réforme de ces structures, et donc assurer leur maintien. Mais cette condition n'est pas suffisante ; pour réussir, la réforme doit impérativement initier une évolution des mentalités et un plus grand dynamisme. Dans cette optique, il serait alors souhaitable que la transformation juridique s'accompagne d'un cahier des charges définissant et quantifiant une approche stratégique de la volonté des pouvoirs publics.

Une telle évolution aura des conséquences économiques et sociales très largement bénéfiques pour les collectivités locales proches des haras nationaux. L'objectif étant d'ouvrir cette administration vers l'extérieur, il est probable que la première réaction sera de s'adresser aux interlocuteurs locaux afin de tenter de développer des actions en commun.

Enfin, le statut d'établissement public permettra aux Haras nationaux de conserver la disponibilité de leurs produits propres, issus de la facturation des services qu'ils rendent aux éleveurs et autres usagers de la filière. En principe, ces services doivent être commercialisés à leur prix de revient, pour éviter toute distorsion de concurrence vis-à-vis du secteur privé. Néanmoins, le conseil d'administration pourrait moduler le niveau des recettes propres lorsqu'elles correspondent à des prestations relevant d'une mission d'intérêt général. Étant incités à développer de nouveaux produits, les haras pourront progressivement acquérir les moyens au moins partiels de leur autonomie et seront moins dépendants de la répartition des fonds publics.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons d'adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article premier.

Il est créé un établissement public de l'État à caractère industriel et commercial dénommé : « Haras nationaux », placé sous la tutelle du ministre chargé de l'Agriculture, doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière.

Art. 2.

Cet établissement public a pour objet de conduire, coordonner et encourager les actions techniques, économiques et culturelles visant au développement et à la promotion, sur le territoire national et au plan international, de l'élevage des équidés et des activités hippiques.

À cette fin, l'établissement public assume les missions suivantes :

- Il fait toutes propositions relatives à la réglementation dans ce secteur, en ce qui concerne l'élevage et les activités hippiques ; il met en oeuvre la réglementation et veille à son application ;

- Il conduit la politique d'orientation de la production et assure la conservation et l'amélioration des races ;

- Il assure l'identification des équidés ; il tient les livres généalogiques ou contrôle les organismes agréés pour les tenir ;

- Il contrôle l'utilisation des équidés et favorise leur commercialisation ;

- Il contribue au développement de l'équitation et à toute forme d'utilisation du cheval ;

- Il concourt, comme acteur ou comme partenaire, à des actions d'innovation, d'information et de formation ; il participe aux travaux de recherche et à la diffusion du progrès technique ;

- Il incite et récompense par des primes et subventions ;

- Il acquiert et gère des reproducteurs, en particulier des étalons, dans le souci d'assurer une régulation économique et génétique prenant en compte les intérêts du long terme ; il gère à cet effet les dépôts d'étalons, jumenteries et stations de monte nationaux ;

- Il utilise et valorise les dépôts d'étalons nationaux comme moyen de faire connaître le patrimoine et le savoir-faire français en matière hippique, aussi bien vis-à-vis du grand public que des professionnels français et étranger ;

- Il entreprend, le cas échéant en collaboration avec les associations, les organisations professionnelles et les collectivités territoriales, toutes actions pour la promotion de l'activité hippique dans sa valeur économique en terme de production, de devises et d'emplois et dans sa valeur culturelle ;

- Il fournit toutes prestations intellectuelles ou matérielles dans ses domaines de compétence ;

- Il participe, à la demande du ministre chargé de l'Agriculture, à l'élaboration et à la mise en oeuvre des règles communautaires et des accords internationaux et à la représentation de la France dans les organisations internationales compétentes.

Art. 3.

Les « Haras nationaux » sont administrés par un conseil d'administration comprenant des représentants de l'État, des représentants de l'élevage et de l'utilisation des équidés dans les filières des courses, de l'équitation et du cheval de trait, des représentants du personnel de l'établissement et des représentants des collectivités locales.

Art. 4.

Le responsable, au ministère chargé de l'Agriculture, des questions relatives aux équidés et aux courses exerce la direction de l'établissement.

Art. 5.

Les ressources des « Haras nationaux » comprennent notamment une part du prélèvement sur les sommes engagées au pari mutuel et des recettes propres correspondant aux services rendus. Elles peuvent comporter également le produit de taxes parafiscales et les droits de délivrance de cartes professionnelles.

La loi de finances détermine le montant des sommes affectées à l'E.P.I.C. « Haras nationaux » pour assurer l'exercice de ses missions.

Art. 6.

Le personnel de l'établissement public créé par la présente loi est régi par un statut défini par décret.

Le corps des agents des haras, régi par le décret n° 76-115 du 9 novembre 1976, est placé en voie d'extinction.

Les agents contractuels titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée, en activité au service des haras, des courses et de l'équitation et au « Domaine de Pompadour », à la date de publication de la présente loi, sont employés par l'établissement dans les conditions prévues par la réglementation qui leur est applicable.

Les fonctionnaires du corps des agents des haras et les agents contractuels mentionnés à l'alinéa qui précède peuvent opter pour le statut prévu au premier alinéa du présent article, dans les conditions fixées par ce statut. Dans le cas où ceux-ci n'opteraient pas pour ce nouveau statut, ils conserveraient leur précédent statut.

Art. 7.

Les personnels de l'établissement public participent à l'exercice des missions de service public précédemment confiées au Service des haras et au Domaine de Pompadour et déléguées par la présente loi aux « Haras nationaux ».

Certains agents de l'établissement public peuvent être chargés d'exercer des missions prévues aux articles 10-1 et 10-2 de la loi n° 66-1005 du 28 décembre 1966 sur l'élevage, applicable aux équidés. Pour l'exercice de ces missions, ces agents sont commissionnés par arrêté du ministre chargé de l'Agriculture et les dispositions du décret n° 73-866 du 4 septembre 1973 leur sont applicables.

Les agents de l'établissement public :

- sont tenus au secret et à la discrétion professionnelle dans les mêmes conditions que celles qui sont définies à l'article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- ne peuvent par eux-mêmes ou par personnes interposées avoir, dans les organismes en relation avec les « Haras nationaux », aucun intérêt de nature à compromettre leur indépendance.

Art. 8.

Les droits et obligations de l'État attachés au Service des haras, des courses et de l'équitation ainsi que ceux de l'établissement public à caractère administratif dénommé « Domaine de Pompadour » sont transférés de plein droit aux « Haras nationaux ».

L'établissement reçoit l'administration et la jouissance de l'ensemble des biens immobiliers, ainsi que la propriété des biens mobiliers, du domaine public et du domaine privé de l'État attachés au Service des haras, des courses et de l'équitation ou affectés au Domaine de Pompadour.

L'ensemble des transferts prévus ci-dessus sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu à aucune indemnité ou perception de droits et taxes.

Art. 9.

Sont abrogés, dans la loi n° 46-2154 du 7 octobre 1946, les dispositions de l'article 156 concernant le « Domaine de Pompadour ».

Art. 10.

Un décret en Conseil d'État déterminera les mesures d'application des présentes dispositions.

Art. 11.

La perte de recettes pour l'État est compensée, à due concurrence, par un relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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