N°546

SENAT

PREMIÈRE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 8 juillet 1998.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

relative au Conseil économique et social,

PRESENTEE

Par MM. Georges GRUILLOT, Michel ALLONCLE, Robert CALMEJANE, Jean-Pierre CAMOIN, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Désiré DEBAVELAERE, Jean-Paul DELEVOYE, Michel DOUBLET, François GERBAUD, Daniel GOULET, Emmanuel HAMEL, Roger HUSSON, Jean-François LE GRAND, Maurice LOMBARD, Philippe MARINI et Louis SOUVET,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Conseil économique et social. - Constitution.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Notre pays, c'est un constat d'évidence, est rétif au changement. Plusieurs causes expliquent cette résistance. Elles sont tout à la fois psychologiques et institutionnelles.

La peur de l'avenir, nourrie par les inquiétudes présentes sur la disparition du modèle social français menacé par la mondialisation, le maintien d'un taux de chômage élevé, la précarité qui affecte plusieurs millions de nos concitoyens sont des facteurs déterminants de cette crispation psychologique.

Cette appréhension, diffuse mais de plus en plus répandue dans l'ensemble du corps social, des plus démunis jusqu'aux catégories les plus privilégiées, est alimentée par l'articulation institutionnelle française qui néglige trop souvent le dialogue et préfère le commandement ou le refus systématique à la négociation.

C'est vrai des organisations syndicales et patronales traditionnelles qui s'arc-boutent sur la défense des droits acquis, privilégiant le présent à l'anticipation de l'avenir. C'est vrai encore du pouvoir politique, pétri de certitudes, qui décide en solitaire de mesures qui pourtant engagent la communauté nationale.

C'est l'exception française dans sa dimension la plus énigmatique, pour reprendre l'expression choisie par François Furet, qui, dans son dernier article, écrivait : « La France, pays autiste, obsédé par sa particularité, ses statuts, son service public, son régime de protection sociale, est devenue une énigme pour le monde de cette fin de siècle à force d'en ignorer les lois. » François Furet s'interrogeait sur les capacités de la France à « briser le miroir et à enrayer le déclin ». On peut regretter que la brutalité de son décès ne lui ait pas laissé le temps de répondre à cette question essentielle et grave.

L'objet de cette proposition de loi tend modestement à suggérer, parmi d'autres voies et d'autres moyens, une tentative de réponse. En effet, quelle institution, mieux que le Conseil économique et social, qui « favorise la collaboration des différentes catégories professionnelles entre elles et assure leur participation à la politique économique et sociale du Gouvernement», pourrait, s'il était mieux sollicité et mieux associé à l'élaboration des réformes, servir de « caisse de résonance et d'amortissement aux crises sociales» ?

De toutes les institutions créées par la Constitution du 4 octobre 1958, le Conseil économique et social apparaît comme la plus discrète. On peut envisager quelques raisons de cet effacement relatif : l'absence d'automaticité de sa consultation par le Gouvernement ; la réticence des gouvernants à transférer, même pour un temps donné, le champ de la réflexion sur les réformes qu'ils décident de mettre en oeuvre ; la dimension temporelle qui n'a pas la même durée pour les gouvernements, qui souhaitent -systématiquement- agir dans l'urgence, voire la précipitation, et pour une chambre d'observation et de délibération ; la composition du Conseil qui ne lui assure pas la légitimité nécessaire...

Ce diagnostic incomplet justifie pleinement la nécessité de réformer en profondeur le Conseil économique et social afin qu'il serve, utilement, à prévenir les risques de crises sociales, grâce à un travail de réflexion dépassionné et partenarial assurant l'expression et la confrontation, dans une enceinte sereine, de tous les points de vue.

Notre pays a besoin de changements, mais il n'acceptera de le faire qu'à une condition : être mieux associé et mieux écouté par les pouvoirs publics, au sens exécutif et législatif du terme. Il est nécessaire, pour ce faire, de réformer la Constitution et de modifier les termes de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social.

Cette proposition de loi constitutionnelle a donc pour objet de compléter les articles 69 et 70 de la Constitution afin que le Conseil économique et social soit saisi de manière systématique par le Gouvernement mais aussi par le Parlement sur les problèmes de caractère économique et social.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1 er

Après le premier alinéa de l'article 69 de la Constitution, il est inséré un alinéa rédigé comme suit :

«Le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat peuvent saisir le Conseil économique et social sur les projets de loi et les propositions de loi à caractère économique et social déposés sur le Bureau de l'une des deux assemblées.

Article 2

L'article 70 de la Constitution est rédigé comme suit :

«Art. 70. - Le Conseil économique et social peut être également consulté par le Gouvernement, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, sur tout problème de caractère économique et social. Tout plan, tout projet de loi de programme à caractère économique ou social, tout projet de loi de financement de la sécurité sociale lui est soumis pour avis par le Gouvernement. »

Article 3

L'article 48 de la Constitution est complété par un alinéa rédigé comme suit :

«Lorsque le Conseil économique et social est saisi par le Président de l'Assemblée nationale ou par le Président du Sénat, les projets ou propositions de loi qui lui sont soumis pour avis ne peuvent faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour durant le mois qui suit la date de la saisine. »

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