N°397

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juin 1999.

PROPOSITION DE LOI

portant diverses dispositions relatives au droit de la famille,

PRÉSENTÉE

par M. Bernard MURAT, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Hubert HAENEL, Dominique LECLERC, Philippe MARINI, Georges MOULY, Henri de RICHEMONT, Nicolas ABOUT, Pierre ANDRÉ, Philippe ARNAUD, José BALARELLO, Daniel BERNARDET, Roger BESSE, Jean BIZET, Paul BLANC, James BORDAS, Gérard BRAUN, Dominique BRAYE, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Xavier DARCOS, Désiré DEBAVELAERE, Jacques DELONG, Charles DESCOURS, Xavier DUGOIN, Jean-Léonce DUPONT, Daniel ECKENSPIELLER, Hilaire FLANDRE, Bernard FOURNIER, Philippe FRANÇOIS, Jean-Claude GAUDIN, Patrice GÉLARD, Alain GÉRARD, Charles GINÉSY, Francis GIRAUD, Daniel GOULET, Francis GRIGNON, Georges GRUILLOT, Roger HUSSON, André JOURDAIN, Lucien LANIER, Robert LAUFOAULU, Edmond LAURET, René-Georges LAURIN, Henri LE BRETON, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, Guy LEMAIRE, Marcel LESBROS, Jean-Louis LORRAIN, Roland du LUART, Pierre MARTIN, Paul MASSON, Serge MATHIEU, Jean-Luc MIRAUX, Paul NATALI, Mme Nelly OLIN, MM. Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Jacques PEYRAT, Bernard PLASAIT, Jean-Pierre RAFFARIN, Victor REUX, Charles REVET, Louis-Ferdinand de ROCGA SERRA, Jean-Pierre SCHOSTECK, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, René TRÉGOUËT, François TRUC Y et Serge VINÇON,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Famille. -Code civil.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La cellule familiale constitue la base de notre société et évolue avec elle. C'est pourquoi le droit de la famille a connu depuis une trentaine d'années des bouleversements importants qui ne l'ont pas pour autant vidé de toutes ses imperfections.

La proposition de loi que nous vous soumettons a pour objectif de réformer quelques pans du droit de la famille entendu au sens large. Trois idées animent l'esprit de cette proposition : l'égalité, la liberté et la sécurité. Et ces trois idées s'articulent autour de deux axes : d'une part, la mise en conformité de notre législation avec la Convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, la prise en compte des aspects économiques et patrimoniaux de la cellule familiale.

Afin de mettre notre législation en conformité avec la Convention européenne clés droits de l'homme, il nous faut promouvoir

- l'égalité des sexes au regard de la transmission du nom et de l'âge nubile ;

- l'égalité des filiations tant dans leur établissement que dans les droits qui en découlent au travers de l'action en retranchement ;

-le droit au mariage contre l'opposition familiale.

Pour assurer une véritable prise en compte des intérêts économiques et patrimoniaux de la cellule familiale, nous devons :

- assurer une plus grande liberté aux époux pour modifier leur régime matrimonial et pour disposer entre vifs ;

- prévoir une plus grande protection de leurs intérêts pécuniaires en leur permettant, d'une part, de rescinder la convention relative au divorce sur requête conjointe qui leur serait spoliatrice, d'autre part, de limiter la révocabilité des donations qu'ils se seraient consentis et, enfin, de créer un droit de maintenance au profit du conjoint survivant

I. - Transmission du nom

Par tradition historique, sociologique et religieuse, le nom familial et conjugal est celui du mari. Tout en préservant cette coutume marquant la filiation des individus au sein de la cellule familiale, il est proposé de l'aménager afin de mettre fin à l'inégalité entre .l'homme et la femme en matière de transmission du nom. En effet, le nom de celle-ci n'est transmis le plus souvent à l'enfant que dans le cas particulier où l'enfant n'a pas de filiation paternelle établie.

L'article 43 de la loi du 23 décembre 1985 a tenté de pallier cette inégalité en prévoyant la possibilité, «pour toute personne majeure, d'qouter à son nom, à titre d'usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien », c'est-à-dire le plus souvent le nom de la mère juxtaposé à celui du père . Cet article a été largement critiqué comme n'opérant qu'une demi-mesure. En effet, ce n'est qu'à titre d'usage que l'enfant pourra porter le nom de sa mère ajouté au nom du père. Cette mesure n'a aucune force juridique puisque ce nom d'usage ne sera jamais transmis aux petits-enfants.

Il apparaît nécessaire que le législateur revienne sur cet article, et cela pour plusieurs raisons. D'une part, il est temps d'établir une égalité entre l'homme et la femme dans la transmission du nom patronymique. Avant de vouloir établir une égalité homme-femme en politique, il faudrait avant tout l'établir dans un domaine qui touche beaucoup plus de citoyens au quotidien, à savoir tout simplement la famille. D'autre part, cette réforme semble d' autant plus nécessaire que notre droit apparaît en totale contradiction avec les traités internationaux dans lesquels la France s'est engagée. En effet, cette impossibilité pour la femme de transmettre son nom à ses enfants est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'ailleurs, notons que la Suisse a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme en raison de sa législation discriminatoire sur le nom patronymique (GEDH, 22 février 1994, Burghatz).

Ainsi, la France, qui se targue d'être le berceau des droits de l'homme, se doit de modifier sa législation afin de ne pas subir à nouveau une condamnation européenne.

Cette proposition de loi permet aux époux de choisir le nom conjugal et familial qu'ils transmettront à leurs enfants. Ils peuvent opter pour le nom du mari, le nom de la femme ou pour les deux juxtaposés l'un à l'autre dans l'ordre souhaité. Cette dernière possibilité est toutefois limitée à un nom double afin d'éviter que n'apparaissent au fil des générations des noms à rallonge.

Cette réforme présente l'avantage de combiner l'égalité des sexes avec une coutume française ancestrale de transmission du nom de l'homme à l'enfant.

II. - Mariage

Deux aspects spécifiques à la formation du mariage sont en contradiction avec la Convention européenne des droits de l'homme : l'âge nubile et le droit d'opposition à mariage.

1° Age nubile

L'article 144 du code civil prévoit que toute femme âgée de quinze ans révolus peut se marier alors que l'homme doit attendre ses dix-huit ans pour accéder à ce droit. Les moeurs justifiaient, en 1804, une telle disposition, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Rappelons que, depuis 1974, l'âge de la majorité est fixé à dix-huit ans sans distinction de sexe. Il est donc temps d'appliquer cette disposition au mariage afin, d'une part, d'établir l'égalité des sexes devant le mariage et, d'autre part, de faire correspondre l'âge nubile à l'âge de la majorité.

Il est à noter, toutefois, qu'il sera toujours possible de déroger à cette limitation pour des motifs graves sur dispense du procureur de la République, conformément à l'article 145 du code civil qui est maintenu.

2° Droit d'opposition à mariage

L'opposition à mariage est un acte juridique qui oblige l'officier d'état civil à surseoir au mariage. L'acte d'opposition a un effet immédiatement péremptoire en ce qu'il suffit à interdire la célébration jusqu'à caducité ou mainlevée.

Cette technique présente une certaine efficacité lorsqu'elle est exercée par le ministère public aux fins de prévention des mariages fictifs. En revanche, elle rencontre de vives critiques lorsqu'elle est exercée par la famille. Elle apparaît alors, selon MM. les Prs Hauser et Huet-Weiller, comme « vestige du contrôle familial », En effet, l'opposition à mariage est presque toujours utilisée par la famille pour des motifs de pure convenance personnelle sans pour autant que sa responsabilité puisse être engagé.

Admettre que la famille puisse empêcher, ne serait-ce que provisoirement, un mariage, constitue en soi une atteinte au droit au mariage. Or, un tel droit est garanti par la Convention européenne des droits de l'homme. Le droit d'opposition à mariage formé par la famille est donc susceptible de mener la France à une nouvelle condamnation par la Cour européenne. En revanche, le droit d'opposition à mariage formé par le ministère public rentre dans le domaine des latitudes offertes par la convention aux Etats dans l'application de celle-ci.

C'est pourquoi nous vous proposons de restreindre ce droit d'opposition en supprimant tout droit d'opposition à mariage formé directement par la famille. Seul le ministère public serait compétent pour former l'opposition.

III. - Etablissement de la filiation naturelle maternelle par le titre

La loi du 3 janvier 1972 a établi l'égalité entre les filiations légitime et naturelle. Des inégalités demeurent cependant. Tel est le cas en matière d'établissement de la filiation par titre. L'indication du nom des parents dans l'acte de naissance suffit à établir la filiation légitime parle titre alors que l'indication du nom de la mère dans ce même acte est insuffisante pour établir la filiation naturelle maternelle par le titre. En effet, il doit être corroboré par la possession d'état.

Aussi, cette condition ne se justifiant pas au regard de l'adage « mater semper certa est» et de la possibilité pour toute femme d'accoucher sous X, nous vous proposons que l'acte de naissance indiquant le nom de la mère suffise à l'établissement de la filiation naturelle maternelle par le titre.

IV. - Changement de régime matrimonial

En vertu de la règle de l'immutabilité du régime matrimonial, les époux ne peuvent pas, en principe, modifier le régime matrimonial qu'ils ont adopté en se mariant Toutefois, cette mesure connaît des aménagements. En effet, en vertu des articles 1397 et suivants du code civil, les époux peuvent modifier leur régime matrimonial en demandant au juge d'homologuer la convention qu'ils ont conclu entre eux.

Cependant, cette technique présente des inconvénients puisqu'elle nécessite systématiquement l'intervention du juge. C'est pourquoi, M. le Pr Bernard Vareille avait proposé d'y substituer une convention notariée lorsque tous les héritiers réservataires vivants y avaient consenti, à l'occasion d'un pacte de famille. Dès lors que les enfants communs aux deux époux, les enfants légitimes ou naturels de chaque époux, ainsi que les personnes qui avaient été parties à la convention initiale, donnent leur consentement à la convention modificative, le changement de régime matrimonial devrait pouvoir se faire simplement devant notaire. L'homologation judiciaire n'aura lieu d'être qu'à défaut de consentement unanime.

Cette modification législative présenterait trois avantages :

- laisser dans la sphère de l'intimité conjugale et familiale l'aménagement de cette vie privée;

- aligner notre législation sur cette possibilité déjà offerte aux époux qui entrent dans le champ d'application de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 relative aux régimes matrimoniaux ;

- soulager les juges de l'ordre judiciaire d'un contentieux, ce qui n'est pas négligeable compte tenu de l'engorgement des tribunaux français.

V-Divorce

En matière de divorce, deux dispositions particulières ont un impact en matière économique et patrimoniale qu'il est nécessaire d'assouplir. Il s'agit de la convention des époux dans le divorce sur requête conjointe et de la pression fiscale pesant sur le versement en capital de la prestation compensatoire.

1° Convention dans le divorce sur requête conjointe

Dans le cas d'un divorce sur requête conjointe, les époux doivent régler toutes les conséquences de leur divorce dans une convention qui sera soumise à une homologation du juge. Une fois homologuée, en vertu de l'article 279 du code civil, cette convention ne peut plus faire l'objet de contestation de la part des époux. Toutefois, un des ex-époux peut se rendre compte par la suite que cette convention est spoliatrice de ses intérêts. Il ne pourra pourtant pas en demander la modification.

Il est à noter que le droit successoral prévoit, à l'article 887 du code civil, la possibilité de rescinder pour cause de lésion de plus du quart un partage qui serait spoliateur à l'égard d'un des héritiers.

Aussi, nous vous proposons - d'étendre cette possibilité de rescision pour cause de lésion de plus du quart à ce type de convention.

2° Versement en capital de la prestation compensatoire

La loi du 11 juillet 1975 a substitué à l'ancienne pension alimentaire la prestation compensatoire. Son versement devait prendre en principe la forme d'un capital afin, selon la volonté du législateur de l'époque, de mettre fin aux conflits post-divorce rencontrés dans le cadre du versement des pensions alimentaires. La prestation compensatoire ne devait être qu'exceptionnellement versée sous forme de rente.

Toutefois, en en pratique, les juges admettent quasi systématiquement le versement de la prestation compensatoire sous forme de rente. En effet, le versement par rente présente un avantage fiscal : il est déductible de l'impôt sur le revenu. En revanche, le versement en capital est taxé comme une libéralité entre époux. Il convient donc de mettre un terme à cette pratique jurisprudentielle contraire aux voeux du législateur de 1975 en favorisant le versement de la prestation compensatoire sous forme de capital. Pour ce faire, nous vous proposons de la rendre plus attractive au plan fiscal.

VI. - Donations entre époux

Deux types de dispositions doivent être envisagés ici : d'une part, la révocabilité des donations entre époux et la nullité des donations déguisées ou faites à personnes interposées ; d'autre part, l'action en retranchement.

1° Révocabilité des donations entre époux et nullité des donations déguisées ou faites à personnes interposées.

Les donations entre époux sont soumises à deux règles impératives du code civil : l'article 1096 qui édicte leur révocabilité et les articles 1099, alinéa 7, et 1100 qui déclarent nulles les donations déguisées et celles où il y a interposition de personnes. Ces règles constituent selon M. le Pr Catala, « un statut exorbitant du droit commun ».

La faculté discrétionnaire de révocation qui est ouverte à l'époux donateur; en vertu de l'article 1096, présente des inconvénients : elle fait peser sur la propriété du donataire une épée de Damoclès qui l'empêche de disposer librement des biens donnés et envenime les procédures de divorce et de séparation. Pour autant, supprimer totalement la faculté de révocation des donations entre époux n'est pas souhaitable car radicalement contraire aux habitudes françaises. Elle crée cependant une certaine instabilité dans les relations juridiques dans le cas où les biens donnés auraient été vendus à des tiers. C'est pourquoi nous vous proposons de prévoir, d'une part, la possibilité pour l'époux donateur de renoncer lors de la donation à la faculté de révoquer celle-ci et, d'autre part, de ne permettre la révocation qu'en valeur afin de rendre plus aisée la disposition des biens légués.

Les articles1099, alinéa 2, et 1100 du code civil visent les donations déguisées et les interpositions de personnes dans une donation entre époux. Ils frappent de nullité de telles donations. En pratique, cette nullité entraîne de lourdes conséquences. D'une part, elle crée un abondant contentieux de qualification sur la distinction des donations déguisées, des donations indirectes et des dons manuels. D'autre part, il est impossible de gratifier l'enfant de son conjoint qui est une personne interposée au sens de l'article 1100. Cette nullité constitue donc une atteinte à la liberté individuelle de disposer de ces biens. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer ces deux articles.

2° Action en retranchement

L'article 1527 du code civil tend à étendre l'action en retranchement. Le développement des failles recomposées multiplie le nombre des enfants du premier lit et aggrave leur conflit avec le second conjoint. Les enfants sont protégés par l'action en retranchement de l'article 1527, alinéa 7, du code civil contre des libéralités ou donations attentatoires à leur part réservataire que leur auteur aurait pu consentir au second conjoint. Cette action, qui peut s'avérer parfois très utile, n'est pas accordée aux enfants naturels. En effet, une jurisprudence constante ne reconnaît cette action qu'aux enfants légitimes. Cela constitue une discrimination dont la disparition est souhaitable.

Cette proposition de loi vise à modifier la rédaction de l'actuel article 1527 du code civil en l'étendant à tout enfant qui n'est pas commun, qu'il soit légitime ou naturel.

VII - Droit à maintenance du conjoint survivant

L'idée qui ressort systématiquement des débats de politique juridique sur les droits successoraux du conjoint est la suivante : le décès d'un époux ne doit pas exposer le conjoint survivant à une chute de son niveau de vie. Cette idée a toujours été la préoccupation centrale du législateur, comme par exemple dans le projet de loi n°1941 du Gouvernement Balladur déposé le 8 février 1995, mais qui n'a jamais abouti. Elle y était, entre autres, concrétisée par un droit à maintenance. C'est cette idée, développée par la doctrine et notamment par M. le Pr Grimaldi, que nous reprenons ici.

Le droit à maintenance du conjoint survivant trouve un appui juridique dans le droit du mariage. En vertu de l'article 214 du code civil, les époux doivent contribuer aux chapes du mariage au prorata de leur revenu. Cette disposition conduit à établir entre les époux une certaine communauté de vie et à obliger le plus nanti à hisser son conjoint à son niveau de bien-être. Cette obligation survit en quelque sorte à la dissolution du mariage par divorce puisque la prestation compensatoire vise à compenser les disparités de niveau de vie qui surviennent entre les époux au moment de cette dissolution. Cette obligation devrait également survivre à la dissolution du mariage par décès. Ce n'est pourtant pas le cas aujourd'hui.

C'est pourquoi nous proposons de créer un droit à maintenance du conjoint survivant dans ses conditions d'existence antérieures au décès de son conjoint. Ce droit est destiné à pallier la faiblesse des droits successoraux du conjoint survivant. Il prend la forme d'une contribution en nature ou / et en argent dans la succession du conjoint prédécédé.

Cette contribution n'est cependant due qu'en fonction des forces de la succession et des capacités du conjoint survivant. Cela signifie que la maintenance a un caractère subsidiaire : elle ne sera due que dans la mesure où les conditions de vie du conjoint survivant sont menacées par le décès de son conjoint et dans les limites de la succession. Le droit à maintenance n'aura donc pas lieu d'être si, au regard de 1'ensemble des ressources du conjoint survivant, celui-ci bénéficie d'un train de vie suffisant et si la succession n'est pas suffisamment consistante pour lui octroyer un tel droit. De plus, c'est au conjoint survivant de réclamer ce droit.

Comme le souligne très justement M. le Pr Grimaldi, « le droit à maintenance présente l'avantage d'offrir au conjoint survivant des droits taillés sur mesure, alors qu'une vocation héréditaire abstraitement définie par une quotité de la succession lui donne parfois trop et parfois pas assez». En effet, augmenter les droits en usufruit ou en propriété du conjoint survivant d'une manière générale n'est pas une solution adéquate. Le conjoint survivant n'est pas un héritier comme un autre. Il doit être tenu compte du régime matrimonial adopté par les époux. Celui-ci, réglant les intérêts pécuniaires des époux à la dissolution du mariage, peut largement pallier les insuffisances successorales. Dès lors, pour prendre l'exacte mesure de la situation du conjoint survivant, il faut tenir compte des droits qu'il tient de son régime. De plus, le conjoint survivant est bénéficiaire d'avantages parasuccessoraux : assurance décès, pension ou rente de réversion, assurance sur la vie. Il se trouve ainsi titulaire de droits auxquels les autres héritiers ne peuvent prétendre. Enfin, l'éventualité d'un remariage du conjoint survivant conduirait à porter atteinte à la vocation héréditaire des enfants et à l'idée de conservation des biens dans la famille d'origine.

Le droit à maintenance, en ce qu'il tient compte des ressources du conjoint survivant, issues notamment de son régime matrimonial, des différents avantages parasuccessoraux et d'un éventuel remariage, est le seul susceptible d'assurer au conjoint survivant un droit successoral adéquat.

En conséquence, il vous est proposé d'adopter, Messieurs, la proposition de loi suivante.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Après le premier alinéa de l'article 63 du code civil, il est inséré quatre alinéas ainsi rédigés :

« Avant la célébration du mariage, les futurs époux doivent indiquer à l'officier d'état civil le nom conjugal et familial qu'ils auront choisi. Ils ont la possibilité d'opter

« - soit pour le nom patronymique du rapport ;

« - soit pour le nom patronymique de la femme ;

«-soit pour l'adjonction de ces deux noms dans l'ordre souhaité. Cette dernière possibilité sera toutefois limitée à un nom double, à charge pour les futurs époux de déterminer en cas de nom patronymique double des deux ou de l'un des deux futurs époux celui qui sera retenu.»

Article 2

L'article 357 4 du code civil est rédigé comme suit :

«Art. 357. .- L'adoption confère à l'enfant le nom de l'adoptant et, en cas d'adoption par deux époux, le nom conjugal et familial choisi par eux et indiqué à l'officier d'état civil avant la célébration du mariage.

«Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l'enfant »

Article 3

Après le premier alinéa de l'article 363 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le nom de l'adoptant et / ou celui de l'adopté est double, le nom de l'adopté sera limité à un nom double et indiquera un des deux noms, ou le nom, de l'adoptant et un des deux noms, ou le nom, de l'adopté.»

Article 4

L'article 264 du code civil est rédigé comme suit :

« Art 264 . - A la suite du divorce, chacun des époux reprend le nom patronymique qu'ils ont chacun reçu à leur naissance.

«  Toutefois, chacun des époux pourra conserver le nom conjugal et familial choisi par eux et indiqué à l'officier d'état civil avant la célébration du mariage, soit d'un accord commun entre eux, soit avec l'autorisation du juge, s'il justifie d'un intérêt légitime ».

Article 5

L'article 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l'égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs est abrogé.

Article 6

L'article 334-1 du code civil est rédigé comme suit :

«Art 334-1. - L'enfant naturel acquiert le nom de celui de ses deux parents à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu.

« Si la filiation est établie simultanément, les parents choisiront comme nom de l'enfant :

«  - soit le nom patronymique de la mère ;

«  - soit le nom patronymique du père :

«  - soit le nom des deux parents ajouté l'un à l'autre dans l'ordre qui leur conviendra et dans la limite d'un nom double fixé sous les mêmes conditions que celles visées à l'article 63 in fine du code civil.

«  En cas de désaccord sur le nom de l'enfant naturel lors d'une reconnaissance simultanée, le juge aux affaires familiales tranchera en considération des intérêts en présence ».

Article 7

L'article 334-2 du code civil est rédigé comme suit :

«Art. 334-2. - Lors même que sa filiation n'aurait été établie qu'en second lieu à l'égard du père, l'enfant naturel pourra prendre le nom de celui-ci par substitution ou par adjonction et dans l'ordre souhaité, si pendant sa minorité, ses deux parents en font la déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance.

«  Si l'enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est nécessaire. ».

Article 8

L'article 334-4 du code civil est rédigé comme suit :

«Art. 334 4. - La substitution ou l'adjonction de nom s'étend de plein droit aux enfants mineurs de l'intéressé. Elle ne s'étend aux enfants majeurs qu'avec leur consentement. »

Article 9

L'article 334-5 du code civil est rédigé comme suit :

« Art. 334-5. - En l'absence de filiation paternelle établie et en cas de mariage de la mère avec une tierce personne, l'enfant pourra, par une déclaration conjointe des deux époux et sous les conditions prévues à l'article 334-2 ci-dessus, porter le nom conjugal et familial choisi par les époux et indiqué à l'officier de l'état civil avant la célébration du mariage, si toutefois le nom conjugal et familial n'est pas le même que celui déjà porté par l'enfant.

«L'enfant pourra toutefois demander à reprendre le nom qu'il portait antérieurement par une demande qu'il soumettra au juge aux affaires familiales dans les deux années suivant sa majorité. »

Article 10

L'article 300 du code civil est rédigé comme suit :

« An. 300 . - Les époux séparés conservent le nom conjugal et familial qu'ils avaient choisi et indiqué à l'officier d'état civil avant la célébration de leur mariage. Ils peuvent toutefois reprendre le nom qu'ils ont reçu à leur naissance. »

Article 11

L'article 144 du code civil est ainsi rédigé :

« Art 144 . - La femme et l'homme avant dix-huit ans révolus ne peuvent contracter mariage. »

Article 12

Les articles 177 à 175 et 179 du code civil sont abrogés.

Article 13

L'article 175-1 du code civil est rédigé comme suit :

« Art. 175-1 . - Le ministère public peut former opposition à mariage pour tous les cas de nullité de mariage. »

Article 14

L'article 337 du code civil est rédigé comme suit :

« Art. 337 . - L'acte de naissance portant l'indication de la mère vaut reconnaissance. »

Article 15

L'article 1397 du code civil est rédigé comme suit :

« Art. 1397 . - Après deux années d'application du régime matrimonial, conventionnel ou légal, les époux peuvent convenir d'un commun accord de le modifier, ou même d'en changer entièrement, par un acte notarié.

« La convention de changement doit indiquer, à peine de nullité, la liquidation et le partage entre les époux du régime matrimonial modifié.

«Toutes les personnes qui avaient été parties dans le contrat modifié, ainsi que les enfants communs aux deux époux, et les enfants légitimes et naturels de chacun des deux époux doivent être appelés à apporter leur consentement à la convention modificative. A défaut de consentement unanime, la convention doit être soumise à l'homologation du tribunal du domicile des époux qui vérifiera sa conformité à l'intérêt de la famille. »

Article 16

L'article 1397-1 du code civil est rédigé comme suit :

« Art 1397-1 . - En cas de consentement unanime, le changement de régime matrimonial prend effet entre les parties à la date de la convention modificative, et à l'égard des tiers, trois mois après que mention en aura été portée en marge de l'acte de mariage. Toutefois, en l'absence même de cette mention, le changement n'en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial.

«Si l'un des époux est commerçant, la convention modificative doit être publiée dans les conditions et sous les sanctions prévues par les règlements relatifs au registre du commerce et des sociétés.

« Il sera fait mention de la convention modificative sur la minute du contrat de mariage modifié.

« En cas de fraude aux droits des créanciers ou des parties appelées à consentir, les recours de droit commun leur sont ouverts. Il peut aussi y avoir lieu à rescision, lorsqu'une des parties appelées à consentir établit, à son préjudice, une lésion de plus du .quart. La simple omission d'un bien dans la convention modificative portant liquidation et partage entre les époux du régime matrimonial modifié, ne donne pas ouverture à l'action en rescision mais seulement à un supplément à la convention modificative, soumis aux mêmes conditions de publicité et de consentement prévues au présent article.

« Le consentement donné à la convention modificative emporte renoncement à l'action ouverte par l'article 1527.

«En cas d'omission de l'une des parties visées à l'article 1397, la convention modificative est nulle. »

Article 17

L'article 1397-2 du code civil est rédigé comme suit :

« Art. 1397-2 . - En cas d'absence de consentement unanime, la convention modificative homologuée a effet entre les parties à dater du jugement et, à l'égard des tiers, trois mois après que la mention en aura été portée en marge de l'un et de l'autre exemplaire de l'acte de mariage. Toutefois, en l'absence même de cette mention, le changement n'en est pas moins opposable aux tiers si, dans les actes passés avec eux, les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial.

«La demande et la décision d'homologation doivent être publiées dans les conditions et sous les sanctions prévues au code de procédure civile ; en outre, si l'un des époux est commerçant, la décision est publiée dans les conditions et sous les sanctions prévues par les règlements relatifs au registre du commerce.

«Il sera fait mention du jugement d'homologation sur la minute du contrat de mariage modifié.

« Les créanciers, s'il a été fait fraude à leurs droits, pourront former tierce opposition contre le jugement d'homologation dans les conditions du code de procédure civile. Il peut aussi y avoir lieu à rescision lorsqu'une des parties visées à l'article 1397 établit, à son préjudice, une lésion de plus du quart. La simple omission d'un bien dans la convention modificative portant liquidation et partage entre les époux du régime matrimonial modifié ne donne pas ouverture à l'action en rescision mais seulement à un supplément à la convention modificative homologuée, soumis aux mêmes conditions de consentement que celles prévues à l'article 1397 et de publicité de l'article 1397-1 et du présent article, selon que le consentement au supplément est ou non unanime. »

Article 18

Les articles 1397-1 à 1397-6 du même code deviennent respectivement les articles 1397-3 à 1397-8 du code civil.

Article 19

Au sein du premier alinéa du nouvel article 1397-3, les mots : « Les dispositions de l'article précédent » sont remplacés par les mots : « Les dispositions des articles 1397 à 1397-2 ».

A la fin du nouvel article 1397-4, les nombres : « 1397-3 et 1397-4» sont remplacés par les nombre «1397-5 et 1397-6».

A la fin du premier alinéa du nouvel article 1397-6, le nombre : « 1397-3 » est remplacé par les nombre : « 1397-5 ».

A la fin du premier alinéa du nouvel article 1397-8, le nombre : « 1397-5 » est remplacé par les nombre : «1397-7 ».

Article 20

Après le deuxième alinéa de l'article 279 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La convention homologuée peut faire l'objet d'une action en rescision pour cause de lésion de plus du quart par l'un des époux dans un délai d'un an à compter de la décision d'homologation devenue définitive. »

Article 21

L'article 757 A du code général des impôts est complété, in fine , par la phrase suivante :

« Dans ce dernier cas, l'abattement prévu à l'article 779 est doublé.»

Article 22

Après le premier alinéa de l'article 1096 du code civil, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« L'époux donateur a toutefois la faculté de renoncer à la révocabilité de la donation.

« La révocation ne peut s'exercer qu'en valeur conformément aux dispositions de l'article 1099-1 du code civil. »

Article 23

Le deuxième alinéa de l'article 1099 et l'article 1100 du code civil sont abrogés.

Article 24

Dans le second alinéa de l'article 1527 du code civil, les mots : « dans le cas où il y aurait des enfants d'un précédent mariage » sont remplacés par les mots : « dans le cas où il y aurait des enfants non communs, qu'ils soient légitimes ou naturels ».

Article 25

Après l'article 767 du code civil, il est inséré trois articles ainsi rédigés :

« Art. 767-1 . - Le conjoint survivant non divorcé et contre lequel il n'existe pas de séparation de corps passé en force de chose jugée a dans la succession du conjoint prédécédé, un droit à maintenance dans ses conditions d'existence et notamment dans son cadre de vie.

«Ce droit prend la forme d'une contribution en nature sous la forme d'un bail ou en argent ou encore dans l'une et l'autre de ces deux formes.

«La contribution est prélevée sur l'hérédité avant le paiement des legs particuliers et après extinction des dettes dont le défunt était tenu. Elle est supportée par les héritiers et légataires au prorata de leur quote-part.

« Dans la détermination de la contribution, il est tenu compte du patrimoine personnel du conjoint survivant et des droits et biens qui lui adviennent du fait du décès.

«Le délai pour demander la contribution est d'un an à compter du décès ou de la connaissance que le conjoint a eu de l'acte qui le privait de ses droits.

« Art. 767-2 . - Le cadre de vie du conjoint est constitué par l'immeuble qui, au jour du décès, était effectivement occupé par lui à titre d'habitation principale, ainsi que par les meubles meublants. Lorsque l'habitation dépend de la succession du prédécédé et que le conjoint ne peut en jouir à titre de propriétaire, de copropriétaire ou d'usufruitier, elle est concédée à bail par le juge sur sa demande. La demande peut être rejetée si elle excède manifestement les besoins et les facultés du conjoint.

« Le juge fixe les conditions et la durée du bail ; il peut le proroger à son expiration ou le résilier en cours d'exécution si les circonstances le justifient, notamment en cas de remariage ou de concubinage notoire. Le bail prend fin de plein droit par le décès du conjoint.

«La concession du bail peut avoir lieu encore que l'époux prédécédé ait disposé de l'immeuble servant au logement, soit par testament, soit par acte entre vifs dont l'effet aurait été reporté sans que le conjoint y ait concouru.

« Lorsque l'habitation était assurée au moyen d'un bail à loyer, le droit au bail, réputé appartenir aux deux époux selon l'article 1752, est attribué, outre les meubles meublants, au conjoint survivant dès lors que celui-ci en fait la demande,

« Dans tous les cas, la succession peut être tenue de contribuer au loyer et aux charges de l'habitation, dans une proportion que le juge détermine et qu'il peut réviser.

« Art 767-3 . -- La contribution de la succession aux conditions d'existence du conjoint s'entend également d'une rente ou d'un capital ou encore de l'une et l'autre de ces deux formes, que le juge peut lui allouer. Cette rente et/ou ce capital peuvent se cumuler avec les formes de contribution énumérées ci-dessus.

« La rente et/ou le capital sont fixés par le juge en fonction des forces de la succession et des capacités du conjoint survivant. La rente est indexée comme une pension alimentaire. Elle peut être diminuée ou supprimée si les ressources du conjoint augmentent, notamment suite à un remariage ou à un concubinage notoire, mais ne peut être accrue dans le cas contraire. »

Article 26

Les pertes subies par l'Etat découlant de l'application de la présente proposition de loi sont compensées, à due concurrence, par une augmentation des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 403 du même code.

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