N° 84

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 16 novembre 2000

PROPOSITION DE

RÉSOLUTION

présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation des marchés dans le secteur du sucre (n° E-1585),

PRÉSENTÉE

par M. Jean BIZET,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).

Union européenne.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le texte européen E 1585 tendant à réformer l'organisation commune de marché (OCM) dans le secteur du sucre soulève une difficulté de principe.

Un acte législatif de la Communauté dans ce domaine est certes nécessaire, puisque le régime en vigueur dans le secteur du sucre arrive à expiration le ler juillet 2001. Mais le Conseil européen de Berlin (24-25 mars 1999) qui a arrêté les perspectives financières de l'Union pour la période 2000-2006 n'a pas prévu de réforme dans le secteur du sucre et a défini en conséquence les perspectives de dépense pour la PAC ; il s'est ainsi implicitement prononcé pour un maintien des grandes lignes de l'OCM jusqu'à la fin de la période couverte par l'accord de Berlin.

Or, le texte E 1585 prévoit de reconduire pour deux ans seulement le régime actuel, en laissant ouverte la possibilité d'une réforme profonde en 2003. Cela revient à entrer dans une logique où le volet agricole de l'accord de Berlin pourrait être profondément remis en cause à mi-parcours des perspectives financières. On est donc bien devant un problème de principe, car en approuvant l'accord de Berlin, les Etats membres ont souscrit à un équilibre global. Porter atteinte au volet agricole de cet accord reviendrait à déséquilibrer l'ensemble, et cela tout particulièrement au détriment de la France.

• Il convient d'ajouter que la situation de l'OCM « Sucre » ne rend pas nécessaire une réforme profonde avant l'échéance des perspectives financières.

Cette OCM est caractérisée, tout d'abord, par un contrôle de la production assuré par un système de quotas, dans la limite desquels les producteurs bénéficient de prix garantis. Un premier quota - appelé « sucre A » - est destiné au marché intérieur ; un second quota - appelé « sucre B » - définit la quantité de sucre exportable en bénéficiant de restitutions ; enfin, la production dépassant ces quotas, - appelé « sucre C » - doit être exportée sans restitution ;

Une deuxième caractéristique originale de l'OCM « sucre » réside dans les rapports avec les pays ACP. Ceux-ci bénéficient d'un régime préférentiel leur permettant d'exporter vers la Communauté à des prix garantis ; ces importations peuvent, le cas échéant, être réexportées grâce à des restitutions financées par le budget communautaire.

Enfin, une troisième caractéristique de cette OCM est qu'elle pèse peu sur le budget communautaire, puisque son financement est, pour l'essentiel, assuré par des cotisations versées par les producteurs de sucre.

Le fonctionnement de l'OCM « sucre » apparaît globalement satisfaisant et constitue un facteur de stabilité, alors que les cours mondiaux du sucre sont très volatils. Le système des quotas a permis, jusqu'à présent, de réaliser les ajustements nécessaires en fonction de l'évolution de la demande ; de ce fait, bien que l'OCM « sucre » permette des achats d'intervention, aucun achat de ce type n'a été nécessaire depuis 1986. Enfin, l'accès préférentiel au marché communautaire accordé aux pays ACP constitue un avantage important pour ces pays.

• Pour justifier sa volonté d'engager une profonde réforme, à partir de 2003, la Commission européenne souligne notamment le manque de concurrence sur le marché communautaire du sucre, et l'important écart de prix entre ce marché et le marché mondial, avec pour conséquence un coût élevé pour le consommateur.

On doit noter toutefois que le prix du sucre sur le marché mondial a une signification très relative, compte tenu du volume limité des quantités échangées par rapport aux quantités produites. Ainsi, le « prix mondial » a baissé de moitié en deux ans, alors que la production excédentaire n'était pas d'un volume considérable ; inversement, il est probable que le prix mondial va sensiblement augmenter cette année, car la consommation de sucre tend à croître plus rapidement que dans le passé. On doit donc relativiser le coût pour le consommateur de l'organisation actuelle du marché : une libéralisation très poussée aurait probablement pour effet de faire disparaître une partie de la production européenne, et donc de faire remonter le prix mondial. En tout état de cause, si devait intervenir une réforme fondée sur une baisse des prix compensée par des aides directes, le coût pour le budget communautaire serait élevé : la Commission estime elle-même qu'une baisse des prix de 25 %, compensée seulement à 50 % par des aides directes, entraînerait une dépense de 1,2 milliard d'euros pour le budget communautaire.

• Par ailleurs, les mesures transitoires proposées par la Commission européenne pour accompagner le maintien du régime actuel pour deux années ne paraissent pas justifiées.

La Commission propose tout d'abord de réduire de manière permanente les quotas sucriers de 115 000 tonnes par an, afin de pouvoir respecter les plafonds d'exportations subventionnées prévus dans les accords de Marrakech. Or, la nécessité d'une réduction permanente ne paraît pas établie, les quotas pouvant être adaptés chaque année en fonction de l'évolution de la demande. Si la demande intérieure augmente suffisamment, la réduction proposée ne sera pas nécessaire pour respecter le plafond des exportations subventionnées ; à la limite, avec une réduction permanente, la Communauté pourrait être contrainte de restreindre ses exportations sans que les accords de Marrakech l'exigent.

Par ailleurs, la Commission propose de supprimer le système d'aide au stockage du sucre en mettant en avant un souci d'économie budgétaire. Or, s'il est vrai que le budget communautaire finance initialement ce système, il convient de préciser que cette aide est intégralement compensée, pour le budget communautaire, par une cotisation versée par les fabricants de sucre. Ainsi, la suppression de l'aide au stockage diminuerait certes les dépenses agricoles - pour un montant de l'ordre de 300 millions de francs - mais elle ferait perdre au budget communautaire une recette exactement du même montant ; l'économie serait donc seulement apparente.

Pour ces raisons, votre délégation pour l'Union européenne a conclu au dépôt de la proposition de résolution qui suit :

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Invite le Gouvernement :

- à s'opposer à l'adoption du texte européen E 1585 ;

- à proposer le maintien des principales règles de fonctionnement de l'organisation commune de marché dans le secteur du sucre pour toute la durée de validité des perspectives financières définies par le Conseil européen lors de sa réunion des 24 et 25 mars à Berlin.

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