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N° 310

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 janvier 2012

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d' enquête sur l' organisation et sur les dysfonctionnements du service des urgences médicales ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean Louis MASSON,

Sénateur

(Envoyée à la commission des affaires sociales et, pour avis, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans certains départements, l'organisation du service des urgences médicales est à l'origine d'importants dysfonctionnements. C'est tout particulièrement le cas en Moselle où une simple comparaison statistique avec le département voisin de la Meurthe-et-Moselle, met en évidence un décalage considérable alors qu'en apparence le type d'organisation est pourtant le même.

Dans ces deux départements, les urgences médicales pour la permanence des soins entre 20 heures le soir et 8 heures le matin y sont gérées conjointement par le 15 au titre des urgences vitales et par Médigarde 57 (respectivement 54) pour les autres urgences. Or, en Moselle, Médigarde tergiverse pour retarder et éviter le plus possible l'envoi d'un médecin sur place. Plus précisément, les médecins régulateurs de Médigarde 57 se bornent souvent à des conseils téléphoniques sans voir le malade ou le font attendre jusqu'au lendemain pour qu'il s'adresse au médecin de famille... curieuse façon de traiter les urgences.

L'agence régionale de santé (ARS) a mis sur son site internet, la version provisoire du schéma régional d'organisation des soins (SROS) et les statistiques parlent d'elles-mêmes. En effet, en Meurthe-et-Moselle (731 000 habitants) 19 830 actes libéraux de nuit ont été réalisés en 2010 au titre de Médigarde ou assimilés. La Moselle a une population de 1 045 000 habitants et la même proportion devrait y conduire à 28 348 actes. Hélas selon les mêmes statistiques officielles, il n'y en a que 13 405 (annexe au projet régional de santé, page 71). L'écart est plus que du simple au double, ce qui est énorme...c'est à croire qu'il y aurait une pathologie spécifique en Moselle.

Suite au décès anormal de nombreux patients mosellans, des plaintes ont été déposées et des procédures pénales ont été ouvertes. Ainsi, dans le canton de Pange, malgré de nombreux appels désespérés des parents, Médigarde ne s'est pas déplacé et finalement, l'adolescente concernée est décédée au petit matin. Curieusement, lors de l'enquête pénale, la disquette des enregistrements de Médigarde a disparu, mais les factures d'abonnement téléphonique de la famille font clairement apparaître les appels passés à Médigarde, sans qu'aucun médecin n'ait été envoyé sur place.

De même, dans l'arrondissement de Thionville, une famille a appelé Médigarde à trois reprises ; le correspondant s'est contenté d'envoyer une ordonnance de tranquillisant (du Lexomil) par télécopie. La personne est décédée quelques heures plus tard d'un AVC. Ces deux exemples illustrent parfaitement la situation et malheureusement, il y en a des dizaines d'autres.

Par le passé, des distorsions tout aussi inquiétantes avaient été constatées dans le domaine de la chirurgie cardiaque entre Nancy et Metz. À Metz, le taux de décès dans le service concerné du centre hospitalier régional (CHR) a dépassé la normale dans des proportions effrayantes pendant plus de trois ans. L'Agence régionale d'hospitalisation (ARH) et le ministre de la Santé ont été alertés par des parlementaires mais tout le monde fermait les yeux et les protections corporatistes jouaient à plein.

On faisait semblant d'ignorer à la fois les pratiques médicales invraisemblables et les dessous de table. Même un rapport d'une inspection de l'IGAS en 2007 avait été classé. Finalement courant 2011, le décès d'un proche d'une personnalité a fait exploser le scandale. En quelques semaines, le service de chirurgie cardiaque a été fermé et son responsable suspendu. De nouveaux médecins envoyés de Nancy ont ensuite été chargés de reconstruire un service à partir de zéro.

Pour les urgences médicales en Moselle, on ne peut pas attendre que, comme pour le service de chirurgie cardiaque du CHR de Metz, les décès s'ajoutent aux décès pendant des années, puis que les décideurs se réveillent soudainement..., mais hélas bien trop tard. Des constats semblables, avec peut-être une moindre acuité, existent dans d'autres départements car ils ne sont pas spécifiques à la Moselle.

Il est donc nécessaire de lever la chape de silence qui pèse sur le sujet en créant une commission d'enquête parlementaire chargée de dresser un bilan général des urgences médicales dans les divers départements et en particulier en Moselle.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application de l'article 51-2 de la Constitution, de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et des article 6 bis et 11 du Règlement du Sénat, il est créé une commission d'enquête, composée de douze sénateurs, chargée de dresser un bilan de l'organisation du service des urgences médicales et de recenser les éventuels dysfonctionnements constatés dans certains départements, notamment en Moselle.

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