Nouvelles techniques génomiques (PPRE) - Texte déposé - Sénat

N° 452

SÉNAT


SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2024

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE


au nom de la commission des affaires européennes,
en application de l’article 73 quater du Règlement,


sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625 - COM(2023) 411 final,


présentée

Par M. Jean-Michel ARNAUD, Mme Karine DANIEL et M. Daniel GREMILLET,

Sénateurs et Sénatrice


(Envoyée à la commission des affaires économiques.)




Proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625 – COM(2023) 411 final

Le Sénat,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier ses articles 43, 114 et 168, paragraphe 4, point b,

Vu la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil,

Vu le règlement (CE)  1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés,

Vu le règlement (CE)  1830/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant la traçabilité et l’étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des produits destinés à l’alimentation humaine ou animale produits à partir d’organismes génétiquement modifiés, et modifiant la directive 2001/18/CE,

Vu le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) nº 834/2007 du Conseil,

Vu la décision (UE) 2019/1904 du Conseil du 8 novembre 2019 invitant la Commission à soumettre une étude, à la lumière de l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-528/16 concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union, et une proposition, le cas échéant pour tenir compte des résultats de l’étude,

Vu le document de travail des services de la Commission du 29 avril 2021, « Étude concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l’Union et à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire C-528/16 », SWD(2021) 92 final,



Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115, COM(2022) 305 final,



Vu la proposition de règlement du Parlement et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625, COM(2023) 411 final,



Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la production et la commercialisation des matériels de reproduction des végétaux dans l’Union, modifiant les règlements (UE) 2016/2031, 2017/625 et 2018/848 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 66/401/CEE, 66/402/CEE, 68/193/CEE, 2002/53/CE, 2002/54/CE, 2002/55/CE, 2002/56/CE, 2002/57/CE, 2008/72/CE et 2008/90/CE du Conseil (règlement sur les matériels de reproduction des végétaux), COM(2023) 414 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – « Le pacte vert pour l’Europe », COM (2019) 640 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – « Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement », COM (2020) 381 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – « Stratégie de l’UE en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 : Ramener la nature dans nos vies », COM (2020) 380 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – « Bâtir une Europe résiliente – la nouvelle stratégie de l’Union européenne pour l’adaptation au changement climatique », COM (2021) 82 final,



Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions – « Préserver la sécurité alimentaire et renforcer les systèmes alimentaires », COM (2022) 133 final,



Vu l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 juillet 2018, « Confédération paysanne e.a. contre Premier ministre et ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt »,



Vu la résolution du Parlement européen du 14 juin 2023 – Garantir la sécurité alimentaire et la résilience à long terme de l’agriculture dans l’Union, 2022/2183(INI),



Vu l’avis du Comité économique et social européen du 26 avril 2023,



Vu l’avis du Comité européen des régions du 5 février 2024, NAT-VII/038,



Vu la loi  2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés,



Vu la loi  2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,



Vu le rapport d’information  507 (2016-2017) de M. Jean-Yves Le Déaut, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, intitulé « Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche », déposé le 14 avril 2017,



Vu le rapport d’information  671 (2020-2021) de M. Loïc Prud’homme, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, « Les nouvelles techniques de sélection végétale en 2021 : avantages, limites et acceptabilité », déposé le 3 juin 2021,



Vu l’avis du Comité consultatif commun d’éthique Inra-Cirad-Ifremer de mars 2018, « Avis sur les nouvelles techniques d’amélioration génétique des plantes »,



Vu l’avis de l’Académie d’agriculture de mars 2020, « Réécriture du génome, éthique et confiance »,



Vu l’avis de l’Académie des technologies de mars 2023, « Les nouvelles technologies génomiques appliquées aux plantes »,



Vu l’avis du Comité économique, social et environnemental de mai 2023, « Les attentes et les enjeux sociétaux liés aux nouvelles techniques génomiques »,



Vu l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail du 29 novembre 2023, relatif à l’analyse scientifique de l’annexe I de la proposition de règlement de la Commission européenne du 5 juillet 2023, relative aux nouvelles techniques génomiques – Examen des critères d’équivalence proposés pour définir les plantes NTG de catégorie 1, Saisine  2023-AUTO-0189,



Vu l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail du 22 janvier 2024, relatif aux méthodes d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux et des enjeux socio-économiques associés aux plantes obtenues au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques, Saisine  2021-SA-0019,



Sur le principe d’un règlement concernant les végétaux et aliments obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques :



Considérant la nécessité d’assurer l’avenir de l’agriculture européenne et de garantir la souveraineté alimentaire de l’Union ;



Considérant l’intérêt des outils d’amélioration des plantes pour accroître la résistance des variétés aux maladies ou aux organismes nuisibles, renforcer la résilience des cultures et par conséquent réduire les externalités négatives de l’agriculture en diminuant le recours aux intrants de synthèse ;



Considérant également la pertinence de la sélection et de l’innovation variétales pour renforcer la tolérance des plantes aux stress abiotiques, adapter les cultures au changement climatique et contribuer ainsi à la transition agroécologique des systèmes agricoles ;



Considérant le potentiel et l’intérêt des techniques d’édition du génome chez les végétaux par rapport aux autres outils d’amélioration des plantes actuellement utilisés, dans la mesure où, par rapport à la mutagenèse induite et aléatoire utilisée depuis plus d’un siècle, ces techniques permettent de cibler spécifiquement un ou plusieurs gènes identifiés pour leur intérêt agronomique et d’accélérer de manière significative les étapes de la sélection, en évitant plusieurs générations de rétrocroisement et en diminuant le nombre de modifications hors cible ;



Considérant au demeurant que les mutations provoquées par les ciseaux moléculaires pourraient se produire à l’avenir du fait du phénomène naturel de mutagenèse spontanée ;



Considérant enfin que, par rapport à la transgenèse, développée au cours des années 1980 et caractérisée par l’insertion aléatoire d’un nouveau gène provenant souvent d’une autre espèce, la cisgenèse opérée au moyen des techniques d’édition du génome repose sur l’insertion ciblée, dans le génome existant, de matériel génétique provenant uniquement de la même espèce ou d’une espèce sexuellement compatible ;



Considérant que l’amélioration des plantes grâce à l’édition du génome constitue l’un des leviers de la transition agroécologique des systèmes agricoles, à combiner avec d’autres innovations en agronomie et en robotique ;



Considérant par ailleurs que l’édition du génome nécessite de mieux identifier les bases génétiques des caractères d’intérêt agronomique visés et demeure donc étroitement dépendante des avancées de la connaissance scientifique ;



Considérant que l’accès à ces technologies constitue indéniablement un facteur de compétitivité, dans un contexte marqué par le dynamisme de la recherche mondiale sur les biotechnologies, et que par conséquent plusieurs États tiers ont déjà adopté des réglementations destinées à favoriser leur essor ;



Considérant ainsi qu’à l’avenir, l’Union européenne importera inévitablement, et possiblement à son insu, des végétaux obtenus à l’aide de nouvelles techniques génomiques, dans la mesure où ces derniers ne sont pas détectables et ne peuvent être différenciés des variétés conventionnelles ;



Considérant que le caractère abordable des coûts d’entrée et de fonctionnement de ces nouvelles techniques génomiques pourrait permettre à des entreprises de taille moyenne de s’y engager ;



Considérant ainsi que le maintien du cadre actuel serait susceptible d’entraîner une perte de compétitivité au détriment des agriculteurs français et européens et de perpétuer les distorsions de concurrence dont ils pâtissent, tant sur la production que sur les échanges commerciaux ;



Considérant la méfiance suscitée par l’apparition de ces nouvelles techniques, l’opinion publique étant durablement marquée par les débats très polarisés relatifs à l’introduction des organismes génétiquement modifiés par transgenèse ;



Considérant que l’acceptabilité sociale des plantes issues de nouvelles techniques génomiques dépend de la plus-value manifeste qu’elles représentent aux yeux du consommateur, dès lors qu’elles comportent des caractères recherchés, liés à la transition écologique ou à la qualité nutritionnelle ;



Considérant enfin les obligations qui incombent aux autorités publiques en application du principe de précaution ;



Accueille favorablement l’initiative de la Commission visant à clarifier le statut règlementaire des nouvelles techniques génomiques ;



Insiste sur la nécessité d’encadrer la circulation des variétés issues de nouvelles techniques génomiques sur le territoire européen, eu égard à la probabilité que des États tiers commercialisent de telles variétés dans les années à venir ;



Soutient la démarche de la Commission, visant à ce que les sélectionneurs et les agriculteurs puissent accéder plus facilement à certaines techniques d’édition génomique et aux variétés qui en sont issues, afin d’en tirer les bénéfices attendus ;



Appelle, eu égard au désengagement actuel de la recherche publique dans le domaine de la création variétale, à intensifier le soutien public accordé à la recherche sur les variétés végétales ;



Appelle en outre à renforcer le soutien public aux travaux concernant la maîtrise des végétaux issues de nouvelles techniques génomiques, mais également l’évaluation des risques et des effets sur la santé et l’environnement ;



Regrette, à cet égard, que les travaux d’expertise scientifique utiles n’aient pas été rendus disponibles assez tôt pour éclairer la décision politique ;



Invite les pouvoirs publics à œuvrer pour renforcer l’acceptabilité sociale des variétés issues de nouvelles techniques génomiques, en luttant contre la désinformation à ce sujet et en communiquant sur la valeur ajoutée que présentent de telles variétés pour le consommateur ;



Demande que, dans un contexte marqué par des sauts scientifiques et technologiques inédits et de fortes attentes sociétales, les modalités d’application du futur règlement soient révisées à intervalles réguliers, en fonction des avancées scientifiques, mais également des observations de terrain et des retours d’expérience formulés par les parties prenantes ;



Sur les critères d’équivalence entre les végétaux NTG et les végétaux conventionnels :



Considérant que si le choix des critères d’équivalence se fonde sur des considérations scientifiques, il revêt également une dimension politique et constitue un élément central de la proposition de règlement ;



Considérant la nécessité de pouvoir faire évoluer ces critères, afin qu’ils reflètent aussi précisément que possible l’avancée des connaissances scientifiques et techniques ;



Considérant que le seuil de 20 mutations génétiques proposé pour classer un végétal issu de nouvelles techniques génomiques (NTG) en catégorie 1, s’il ne présente pas de caractère strictement scientifique, révèle l’approche prudente retenue par la Commission, puisqu’il se situe en deçà de la limite basse du nombre de modifications observées en sélection conventionnelle, compris entre 30 et 100 ;



Considérant que toute disparité d’évaluation dans l’examen des demandes de statut de catégorie 1 déposées dans les États membres serait source d’insécurité juridique et nuirait par conséquent au développement des végétaux issus de nouvelles techniques génomiques ;



Appelle à la prise en compte des recommandations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatives à la clarification de certaines définitions énoncées dans la proposition de règlement, afin que les critères soient le plus univoques et précis possible ;



Préconise que les critères permettant de déterminer qu’un végétal NTG est équivalent à un végétal conventionnel prennent en compte la diversité de la taille des génomes ;



Souhaite que la cisgenèse non ciblée soit explicitement exclue des techniques acceptables dans les plantes de la catégorie 1 ;



Demande l’insertion d’une clause de revoyure, permettant de vérifier la pertinence des critères d’équivalence à l’aune de l’expérience accumulée au cours des cinq premières années suivant l’entrée en vigueur du règlement ;



Souhaite que l’actualisation des critères d’équivalence par la Commission européenne soit conditionnée à la publication d’une justification scientifique ;



Propose que l’Autorité européenne de sécurité des aliments soit chargée d’élaborer, en lien avec les agences scientifiques missionnées dans le cadre réglementaire, des lignes directrices précises sur la teneur des rapports de vérification, afin d’éviter les disparités d’évaluation d’un pays à l’autre ou entre le niveau national et le niveau européen ;



Sur le statut des végétaux NTG de catégorie 1 :



Considérant qu’aucun risque spécifique lié aux végétaux de catégorie 1 n’a jusqu’à présent été identifié, et que si l’avis de l’Anses constate l’absence de prise en compte des risques potentiels dans les critères d’équivalence, il ne signale pas que les risques associés aux végétaux NTG de catégorie 1 seraient supérieurs à ceux associés aux plantes issues de méthodes de sélection conventionnelles ;



Considérant que les variétés NTG de catégorie 1 demeureront soumis à la législation sectorielle applicable aux semences et autres matériels de reproduction des végétaux, et que, par conséquent, les risques liés à ces végétaux seront instruits dans le cadre de l’évaluation de la valeur agronomique, technologique et environnementale ;



Est favorable à ce que les végétaux obtenus à l’aide de nouvelles techniques génomiques qui auraient pu apparaître naturellement ou être produits par sélection conventionnelle soient traités comme des végétaux conventionnels et puissent par conséquent déroger à la législation de l’Union européenne sur les organismes génétiquement modifiés ;



Estime notamment que, dans la mesure où les végétaux NTG de catégorie 1 présentent des risques sont comparables à ceux associés aux végétaux conventionnels, il n’est pas nécessaire de recourir, préalablement à leur dissémination, à une évaluation et à une autorisation ;



Souhaite cependant que, dans les fermes expérimentales, les végétaux de catégorie 1 soient soumis de manière transitoire à un dispositif de biovigilance a posteriori, afin de pouvoir mesurer l’impact de la dissémination de ces variétés sur les systèmes agricoles ;



Sur les végétaux NTG de catégorie 2 :



Considérant que les différences entre la transgenèse et les techniques d’édition du génome justifient la mise en place d’une approche différenciée entre les organismes génétiquement modifiés issus de la première et les végétaux obtenus à l’aide des secondes ;



Considérant le manque de données sur les risques associés, à moyen et long terme, aux plantes issues de mutagenèse dirigée ;



Considérant néanmoins que le maintien d’une évaluation des risques conforme à celle existant pour les organismes génétiquement modifiés conduirait de facto à empêcher le déploiement des nouvelles techniques génomiques ;



Considérant que la clause de non-participation (« opt out ») valable pour la culture des organismes génétiquement modifiés a conduit à renationaliser des choix politiques relevant jusqu’alors de l’Union européenne, portant une atteinte indéniable au fonctionnement du marché intérieur et générant des distorsions de concurrence intra-européennes ;



Est favorable au maintien du principe d’une autorisation préalable à toute dissémination des végétaux ne remplissant pas les critères de la catégorie 1, parce qu’ils mobilisent des techniques plus complexes ou présentent des modifications plus nombreuses ;



Soutient la mise en place d’une évaluation des risques modulée au cas par cas, en fonction de critères objectifs ;



Appelle à l’instauration d’un suivi systématique post-autorisation des NTG de catégorie 2, avec la mise en place obligatoire d’un plan de surveillance des risques environnementaux, prenant en compte les impacts cumulés liés à la culture de différentes variétés de NTG ainsi que l’impact de la mise sur le marché de ces plantes sur les pratiques culturales ;



Estime que le maintien d’une clause de non-participation pour les végétaux de catégorie 2 conduirait à une situation similaire à celle qui prévaut pour les organismes génétiquement modifiés, à savoir que l’Union européenne n’en produit pas, mais en importe de manière significative ;



Souhaite en conséquence que les États membres ne puissent restreindre unilatéralement la mise sur le marché ou la dissémination volontaire des végétaux de catégorie 2 sur leur territoire, afin de garantir un égal accès à l’innovation et une homogénéité de traitement au sein de l’Union ;



Sur les NTG et l’agriculture biologique :



Considérant que le règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique interdit l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés et de produits issus de ces organismes, et que par conséquent, les végétaux de catégorie 2 demeurent de facto proscrits dans la production biologique ;



Considérant que la présente proposition de règlement prévoit de traiter les végétaux de catégorie 1 comme des variétés conventionnelles, dérogeant entièrement à la législation sur les organismes génétiquement modifiés, et qu’il importe donc de clarifier le statut de ces végétaux par rapport à la production biologique ;



Considérant qu’une telle clarification relèverait davantage du règlement sur la production biologique, le label bio étant défini par un cahier des charges susceptible d’évoluer ;



Considérant la nécessité de définir des modalités permettant à la filière biologique de s’abstenir d’utiliser des végétaux de catégorie 1, si tel est son cahier des charges, d’une manière qui n’empêche pas les filières conventionnelles d’en faire usage ;



Considérant enfin qu’il se pourrait que le recours aux techniques d’édition du génome constitue un outil pertinent pour les agriculteurs désireux d’opérer une conversion vers l’agriculture biologique, en permettant notamment une diminution de l’usage des produits phytosanitaires ;



Prend acte des craintes exprimées par les représentants des filières biologiques s’agissant de la perception des consommateurs à l’égard des produits biologiques et de leur souhait de voir figurer dans le règlement l’interdiction des plantes issues de nouvelles techniques génomiques dans la production biologique ;



Relève que grâce à l’étiquetage obligatoire des semences, la filière biologique sera en mesure d’assurer une traçabilité stricte tout au long de la chaîne de production, en s’appuyant sur une ségrégation entre les productions biologiques et les productions conventionnelles, et donc de ne pas utiliser de végétaux de catégorie 1 ;



Estime que, dès lors que les végétaux de catégorie 1 sont traités comme des variétés conventionnelles, il n’y a pas lieu de prévoir de mesures de coexistence spécifique avec la production biologique ;



Estime par conséquent que la présence fortuite de végétaux de catégorie 1 dans la production biologique ne doit pas constituer une violation du règlement sur l’agriculture biologique ;



Demande à la Commission européenne de produire, cinq ans après l’entrée en vigueur du futur règlement, un rapport sur l’évolution de la perception des nouvelles techniques génomiques par les consommateurs et les producteurs, accompagné le cas échéant d’une proposition législative destinée à lever l’interdiction d’utiliser certaines nouvelles techniques génomiques dans le secteur de la production biologique ;



Sur la traçabilité et l’étiquetage des végétaux NTG :



Considérant l’impératif de respecter le droit à l’information des consommateurs et de garantir leur liberté de choix au moyen d’une traçabilité permettant à ceux qui le souhaitent de s’abstenir de produits obtenus à partir de plantes éditées ;



Considérant que dans le cas des plantes obtenues au moyen de nouvelles techniques génomiques, et contrairement aux organismes génétiquement modifiés, la détection des mutations non communiquées par le producteur est particulièrement difficile sur le plan technique et que, selon les dernières études scientifiques, il est impossible d’identifier l’origine d’une mutation et donc de déterminer si elle est naturelle, issue de mutagenèse aléatoire ou de mutagenèse ciblée ;



Considérant qu’en raison de l’incapacité des opérateurs à détecter les plantes dont le génome a été édité, l’instauration d’un étiquetage obligatoire jusqu’au consommateur final pour les produits issus de végétaux de catégorie 1 supposerait le respect d’une stricte ségrégation tout au long de la chaîne de production ;



Considérant la charge de travail accrue, la logistique supplémentaire et in fine les surcoûts difficilement absorbables qu’engendrerait une telle mesure pour l’amont de la filière, mais également pour les opérateurs aval, et partant, le risque que ces surcoûts se répercutent auprès des consommateurs par le biais d’une hausse des prix, pour une utilité discutable voire douteuse ;



Considérant enfin que l’étiquetage obligatoire des produits issus de végétaux NTG ne s’appliquerait pas aux denrées importées, et que par conséquent, une telle mesure pourrait générer des distorsions de concurrence au détriment des producteurs européens, les consommateurs se tournant vers des produits importés à moindre coût dont ils ignoreraient le procédé d’obtention ;



Est favorable à un étiquetage obligatoire des semences, garantissant une transparence au début de la chaîne d’approvisionnement, préservant la liberté de choix de l’agriculteur tout en permettant aux chaînes d’approvisionnement qui le souhaitent de rester exemptes de plantes éditées ;



Souhaite que la Commission européenne publie, dans un délai de 5 ans à compter de l’entrée en vigueur du futur règlement, une évaluation relative aux incidences positives et négatives d’un étiquetage plus aval ;



Estime que les informations relatives au matériel de reproduction des végétaux doivent être facilement accessibles dans le catalogue officiel de l’UE et dans les listes nationales de variétés ;



Appelle à la mise en ligne du registre public des végétaux de catégorie 1, contenant les données spécifiques à chaque plante ainsi que ses caractéristiques ;



Demande que soit explicitement autorisé un étiquetage volontaire destiné à mettre en exergue le caractère « non-NTG » des produits commercialisés par certaines filières ;



Soutient pleinement le maintien d’un étiquetage obligatoire pour les végétaux de catégorie 2 et accueille favorablement la possibilité de compléter cet étiquetage par des informations sur le trait conféré par la modification génétique ;



Estime nécessaire, dans un souci de transparence, que tout pétitionnaire désireux de recourir à un étiquetage complémentaire soit tenu de mentionner l’intégralité des traits conférés par la modification ciblée de la plante ;



Réclame l’adoption de mesures miroirs en termes de traçabilité et d’étiquetage, afin de conserver un niveau d’exigence comparable entre les plantes NTG importées et les plantes NTG cultivées dans l’Union européenne ;



Sur la propriété intellectuelle de ces plantes :



Considérant l’impératif de préserver la compétitivité et l’excellence de la filière semencière française, la France étant non seulement le premier pays producteur de semences de l’Union européenne mais également le premier exportateur mondial, dégageant sur ce segment un excédent commercial de l’ordre d’un milliard d’euros par an ;



Considérant que l’émergence du génie génétique a provoqué une irruption du brevet d’invention dans le monde des semences, permettant la brevetabilité des techniques de recombinaisons génétiques ainsi que celle des traits génétiques, et que cette évolution a été l’un des moteurs de la concentration de l’industrie des semences au cours des vingt dernières années ;



Considérant que l’Union européenne a jusqu’à présent été préservée de ce mouvement de concentration, grâce au cumul d’un moratoire de fait sur la culture des organismes génétiquement modifiés et d’une législation interdisant la brevetabilité des variétés végétales ;



Considérant que la multiplicité des entreprises semencières a ainsi contribué à la dynamique de la sélection végétale et au maintien d’un vaste patrimoine génétique en Europe ;



Considérant que le certificat d’obtention végétale, qui protège en Europe les variétés de plantes issues de procédés conventionnels, permet d’assurer une juste rémunération de l’innovation variétale et de préserver la diversité génétique en garantissant un libre accès aux ressources génétiques des plantes cultivées (« exception du sélectionneur ») et en autorisant l’agriculteur à reproduire ses semences (« privilège du fermier ») ;



Considérant, d’une part, que les brevets relatifs aux techniques d’édition génomiques sont actuellement détenus par une poignée d’entreprises semencières et, d’autre part, que la multiplication des caractères brevetés au sein d’une même variété imposerait aux sélectionneurs et aux agriculteurs souhaitant y recourir le paiement de redevances financières élevées auprès des détenteurs de brevets ;



Considérant que le cumul de l’impossibilité de détecter les éléments brevetés par des analyses et de l’absence d’obligation déclarative quant à la présence de ces éléments dans les variétés pourrait conduire un obtenteur à utiliser de tels éléments à son insu, le plaçant ainsi dans une situation de contrefaçon involontaire ;



Considérant que l’application du droit des brevets ouvrirait ainsi un véritable champ de mines dans les certificats d’obtention végétale, mettrait fin à l’exercice effectif de l’exemption du sélectionneur comme du privilège du fermier et favoriserait donc in fine la disparition de la biodiversité cultivée ;



Considérant par ailleurs que le caractère brevetable des techniques d’édition génomique, ainsi que des séquences qui en sont issues, pourrait à l’avenir créer des barrières à l’entrée pour les petites et moyennes entreprises semencières, restreindre l’accès des sélectionneurs aux technologies et aux ressources génétiques, et partant renforcer le pouvoir de marché des grandes entreprises semencières tout en générant une grande insécurité juridique ;



Considérant que la proposition de règlement fait ainsi peser une menace vitale sur la filière semencière française qui, à rebours de la tendance à la concentration au niveau mondial, compte plus d’une soixantaine d’entreprises de sélection, dont une majorité de petites et moyennes entreprises ;



Considérant que, si la Commission s’est engagée à remettre, avant la fin de l’année 2026, un rapport sur l’impact de sa proposition sur le droit des brevets afin d’ouvrir la voie à une éventuelle proposition législative, un tel texte nécessiterait plusieurs années de travail avant d’être adopté ;



Considérant enfin que toute modification du droit des brevets ne s’appliquerait qu’aux brevets accordés postérieurement à l’adoption d’une telle proposition, et que tout brevet accordé antérieurement resterait valable pendant une durée de vingt ans, quelle que soit cette modification ;



Estime que les règles de propriété intellectuelle constituent un point essentiel de la législation sur les nouvelles techniques génomiques et devraient par conséquent être examinées concomitamment à cette dernière ;



Souhaite que les plantes issues de nouvelles techniques génomiques soient soumises au régime de protection communautaire des obtentions végétales, afin de préserver la liberté d’exploitation, l’exemption de l’obtenteur et le droit à la reproduction autonome pour ces variétés ;



Demande en conséquence l’interdiction de la brevetabilité des végétaux issus de nouvelles techniques génomiques, de leurs semences dérivées et de leur matériel génétique et ce, dès l’entrée en vigueur du présent règlement afin d’éviter que, dans l’intervalle, des demandes de brevet ne puissent être présentées ou des brevets délivrés ;



Appelle la Commission européenne, à plus long terme, à réviser les règles européennes relatives à la propriété intellectuelle, afin de remettre le certificat d’obtention végétale au cœur du système de propriété intellectuelle des plantes, c’est-à-dire de généraliser l’exemption du sélectionneur et le privilège du fermier au niveau de l’Union, de limiter les brevets d’invention aux technologies et d’interdire la protection par brevet des caractères génétiques, que ces derniers soient considérés comme natifs ou non ;



Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

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