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N° 233

SÉNAT

DEUXIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1981-1982

Rattachée pour ordre au procès-verbal de la séance du 5 février 1982.

Enregistrée à la Présidence du Sénat le 1 er mars 1982.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d'une commission d'enquête chargée d'examiner le problème des aides publiques à la presse écrite .

PRÉSENTÉE

Par M. Guy SCHMAUS, Mmes Marie-Claude BEAUDEAU, Danielle BIDARD, MM. Serge BOUCHENY, Raymond DUMONT, Jacques EBERHARD, Gérard EHLERS, Pierre GAMBOA, Jean GARCIA, Bernard-Michel HUGO (Yvelines), Paul JARGOT, Charles LEDERMAN, Fernand LEFORT, Mme Hélène LUC, M. James MARSON, Mme Monique MIDY, MM. Louis MINETTI, Jean OOGHE, Mme Rolande PERLICAN, MM. Marcel ROSETTE, Camille VALLIN, Hector VIRON et Marcel GARGAR,

Sénateurs.

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(Renvoyée à la commission des Affaires culturelles, et pour avis, en application de l'article 11 du Règlement, à la commission des Lois constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale.)

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Presse. - Edition, imprimerie et presse - Journaux et périodiques - Liberté de la presse - Commission d'enquête et de contrôle.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La presse écrite connaît une crise grave.

Les causes de cette crise tiennent directement à la domination des puissances d'argent sur la presse.

La réforme démocratique prévue par la Résistance a été complètement trahie. L'ordonnance du 26 août 1944 qui tendait à protéger l'indépendance des organes de presse à l'égard de l'argent et du pouvoir, et qui interdisait la pratique des prête-noms, le cumul des directions de quotidiens et imposait la clarté sur l'origine des capitaux a été systématiquement bafouée.

Or, pour que la liberté de la presse puisse s'exercer, il faut qu'elle soit protégée contre le pouvoir de l'argent qui accapare la propriété des imprimeries, des usines de papier et des messageries.

Mais dans le système capitaliste cette protection n'existe pas et la presse, assimilée à une marchandise, est soumise aux lois qui conduisent inexorablement à la concentration des entreprises qui la confectionnent et la diffusent.

C'est ainsi que depuis la Libération de très nombreux titres ont disparu. Le tirage de la presse d'information générale a baissé régulièrement par rapport à la population.

La presse est confrontée à toute une série de problèmes.

La hausse considérable du prix du papier en France a entraîné des difficultés importantes pour les journaux.

L'adaptation aux techniques modernes d'impression a exigé d'emprunter aux banques à des taux d'intérêt élevés.

L'inégalité dans la distribution de la publicité aggrave les difficultés des journaux d'opinion en les privant de ressources et pousse à la concentration de la presse au détriment du pluralisme.

La publicité est ainsi devenue un moyen de censure. Et premier annonceur publicitaire avec le secteur public, l'État a donné l'exemple de la discrimination.

Quant aux aides à la presse dans leur économie actuelle elles ne sont pas des soutiens du pluralisme. Au cours des dernières années, le pouvoir a utilisé ces aides pour favoriser la concentration au profit des groupes financiers. La presse démocratique et syndicale a tout particulièrement souffert d'une telle politique au niveau des tarifs postaux comme de l'aide à l'investissement devenue un système permanent d'aide aux investissements de la presse capitaliste au détriment de la presse d'opinion.

La concentration de la presse dont le renforcement a été favorisé par l'apparition d'autres médias comme l'audiovisuel , atteint aujourd'hui un niveau sans précédent englobant sous la coupe de quelques groupes capitalistes, la plupart des quotidiens parisiens et presque toutes les publications périodiques.

Cette concentration qui a bafoué les intérêts des travailleurs de la presse, des journalistes qui ont vu leur travail censuré, et ceux des lecteurs, vendus avec les titres, a révélé particulièrement ses méfaits en province, où les journaux ont disparu les uns après les autres pour faire place à des quotidiens géants créant ainsi une situation qui ne tient plus compte de la diversité des opinions.

Cette situation va à rencontre de la démocratie.

* *

Le droit à l'information et le pluralisme sont les deux principes qui fondent la démarche du Parti communiste français et de son groupe parlementaire dans le domaine de la communication.

Une information pluraliste, c'est-à-dire la libre expression de tous les courants de pensée, est une exigence capitale et une garantie du développement de la démocratie. Elle implique une presse écrite diversifiée.

Une presse est libre quand elle ne dépend ni de la puissance gouvernementale, ni des puissances d'argent.

C'est pourquoi la liberté de la presse doit être garantie et cette garantie doit s'étendre à tous les moyens nécessaires pour assurer son indépendance.

Il faut donc que cesse l'assimilation de la presse à une marchandise, créer les conditions d'un libre accès à une infrastructure matérielle, aux techniques modernes qui répondent aux besoins d'impression et de développement de la presse.

Il est urgent d'engager une réflexion approfondie sur une réforme d'ensemble et les solutions à mettre en place pour la presse d'opinion. L'aide publique qui est une aide aux lecteurs, pour favoriser l'accès des citoyens à l'écrit et permettre leur participation à la démocratie, est indispensable. Il faut en fixer les critères en fonction de la surface du journal consacré à l'information pour établir une différenciation entre la presse d'opinion et la presse commerciale.

La réforme des aides devrait se traduire pour les journaux d'opinion par une révision du régime fiscal des investissements de presse qui favorise actuellement les entreprises commerciales, une détaxation du prix du papier, une adaptation du coût des abonnements à l'Agence France-Presse, une révision des tarifs postaux, une répartition équitable de la publicité d'État, et des garanties démocratiques à la distribution de la presse.

Pour préparer cette importante réforme, nous proposons de créer une commission parlementaire d'enquête qui puisse examiner le problème d'ensemble que pose la situation de la presse écrite.

En effet, plusieurs commissions du Sénat sont concernées par ces problèmes et notamment les commissions des Affaires culturelles, des Finances et des Lois.

La Commission que nous vous proposons de constituer devra faire le point sur les causes des difficultés de la presse écrite, étudiera et proposera les réformes des aides publiques indispensables pour assurer l'existence et le développement de la presse d'opinion. Elle procédera à cet effet, à la consultation la plus large.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique.

Conformément à l'article 11 du Règlement, il est créé une commission parlementaire d'enquête de vingt et un membres chargée d'examiner le problème des aides publiques à la presse.

Elle présentera dans son rapport les propositions de réforme de ces aides indispensables pour assurer le droit à l'information et le pluralisme de la presse d'opinion.

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