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N°84

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1996.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT

sur les propositions de règlement du Conseil sur l'introduction de l ' Euro (art. 109-1 [4] CE) et sur certaines dispositions y afférentes (art. 235 CE) (n° E 720),

Par Mmes Hélène LUC, Marie-Claude BEAUDEAU, M. Paul LORIDANT, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Michelle DEMESSINE, MM. Jean-Luc BÉCART, Claude BILLARD, Mme Nicole BORVO, M. Guy FISCHER, Mme Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS, MM. Félix LEYZOUR, Louis MINETTI, Robert PAGÈS, Jack RALITE et Ivan RENAR,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement)

Union européenne. - Monnaie unique.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La présente résolution concerne deux propositions de règlement émanant du Conseil européen relatives à l'introduction de l'Euro et aux dispositions y afférentes (E 720).

La décision de créer l'Euro plutôt que l'Ecu, contrairement aux attendus mêmes du traité de Maastricht, s'est conclue lors d'une capitulation au sommet de Madrid, en décembre 1995, où les dirigeants allemands ont fait prévaloir que l'Euro devrait être au moins au niveau du mark et que le taux du change face au dollar et au yen devra être aussi élevé que celui de leur propre monnaie nationale.

Aussi, l'objectif premier de la monnaie unique devra servir à attirer les capitaux mondiaux vers l'Europe et en particulier vers l'Allemagne afin de financer la politique expansionniste et la croissance financière de cette dernière, à l'Est et en Asie particulièrement, et cela dans une rivalité de plus en plus exacerbée avec les États-Unis et le Japon. L'Euro et les dispositions de mise en application proposées par la Commission serviront donc d'outil aux capitaux allemands pour mener la guerre économique mondiale.

C'est pourquoi les dirigeants allemands et les marchés financiers ont estimé que la dénomination Ecu était trop ambiguë puisque celui-ci est un panier de monnaies nationales européennes dans lequel le mark n'entre que pour 33 %, laissant ainsi une part à des monnaies nationales plus faibles, dont le franc.

C'est ce caractère partiel de la monnaie commune qui a fait que l'Ecu s'est déprécié par rapport au mark. D'où l'exigence allemande pour une autre dénomination de cette monnaie et pour lui confier une autre mission que celle d'une coopération dans le respect des souverainetés.

L'Euro ainsi défini servirait la fuite en avant dans la croissance financière à partir d'une zone mark dont le pacte de stabilité est un élément indispensable et implique déflation sociale et salariale.

La Banque centrale européenne (BCE) serait chargée de préserver le haut taux de change de l'Euro à l'extérieur en luttant contre tout risque de hausses de prix à l'intérieur de l'Union, et ce au mépris des représentations nationales, élément pourtant indispensable à la démocratie.

Face à ce rôle unique de la BCE, en effet, les États et les Parlements nationaux n'auraient alors qu'à se conformer à la discipline, autoritaire, imposée par une telle nécessité de guerre économique et à la faire respecter par leur peuple respectif.

Ces orientations sont à mettre en parallèle avec la montée des critiques en France contre cette conception ultralibérale de la construction européenne qui génère chômage et exclusion.

Elles nécessitent la consultation du peuple français, comme l'indiquait M. Jacques Chirac, alors candidat à la présidence, le 6 novembre 1994 sur TF1 : « La France a les mêmes droits que les autres pays et, comme elle s'est prononcée, elle a fait ratifier le traité de Maastricht non pas par son Parlement, mais par référendum, cela veut dire qu'il faudra, avant de passer à la troisième phase, qu'un référendum en France autorise le Gouvernement à le faire. »

Pour ces raisons, nous vous proposons d'adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution :

Considérant que l'acceptation des propositions d'actes communautaires COM (96) 496 et COM (96) 499 aggraverait le « déficit démocratique » en Europe et accentuerait l'austérité économique au détriment des acquis sociaux et des services publics,

Considérant que l'orientation profonde de ces deux propositions tourne le dos à tout objectif de redémarrage de la croissance par, notamment, la relance de la consommation permettant d'engager réellement la lutte contre le chômage,

Considérant que le peuple français devrait être consulté par référendum sur le passage à la monnaie unique,

Demande au Gouvernement de se prononcer contre ces deux propositions figurant dans la proposition d'acte communautaire (E 720).

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