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N° 221

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 février 1997.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d'enquête

sur les effets des aides publiques dans le secteur du cycle,

PRÉSENTÉE

Par M. Claude BILLARD, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, Michelle DEMESSINE, M. Guy FISCHER, Mme Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS, MM. Félix LEYZOUR, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Robert PAGÈS, Jack RALITE et Ivan RENAR,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan et pour avis à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1 du Règlement.)

Industrie.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Le secteur du cycle dans notre pays connaît actuellement une situation difficile.

Ce marché représente 30 000 emplois dont 10 000 dans l'industrie. Avec un chiffre d'affaires global de 3 milliards de francs, la facture est lourde : dépôts de bilan en cascade, redressements judiciaires, restructurations. Les principaux fabricants sont concernés : MBK, Motobécane a fini par passer entièrement sous le contrôle de Yamaha, Look a rejoint Rossignol, la partie française de Cycleurope a été rachetée par le groupe suédois Monark Stiga.

Le marché du cycle, dopé ces dernières années par le lancement du vélo tout-terrain, a quelque peu bénéficié de ce nouvel usage mais beaucoup moins que l'importation qui a pris une part croissante du marché national jusqu'an 1994. En effet, la plupart des équipementiers français n'ont pas négocié à temps le virage du vélo tout-terrain. Or, sept ventes de cycle sur dix sont des vélos de ce type. La part des importations a ainsi progressé de 58 % à 70 % sur le marché intérieur (le deuxième en Europe après l'Allemagne), qui est passée de 2,421 milliards de vélos en 1989 à 2, 862 milliards en 1994.

Ces quelques données montrent la faiblesse de notre industrie du cycle par rapport à ses concurrents étrangers.

Certes, les pouvoirs publics ont tenté de contenir cette poussée en prenant un certain nombre de mesures réglementaires, mais dans le même temps, ils laissaient faire les restructurations au profit de groupes étrangers en les accompagnants d'une politique d'aides publiques.

Ces mesures réglementaires ont été de peu d'effet sur la tendance à l'effondrement que connaît la production nationale. Elles étaient toutes de même nature et concernaient la concurrence extérieure, que ce soit :

- en 1991, l'instauration d'un contingentement des importations venant de Chine (contingentement par la suite supprimé en 1993 lors de la réalisation du marché unique) ;

- en 1992, le rétablissement vis-à-vis de la Chine du droit de douane de 15,8 % qui avait été suspendu dans le cadre du système dit de « préférences généralisées » ;

- en 1993, l'instauration d'un droit anti-dumping de 30,6 % frappant les bicyclettes venant de Chine ;

- en 1995 l'instauration d'un droit anti-dumping de 22 à 41 % selon les fournisseurs et les pays, frappant l'importation des bicyclettes en provenance de Malaisie, Indonésie ou Thaïlande. Ce protectionnisme a été de peu d'effet sur un marché qui a rapidement recommencé à se contracter, ce dont souffrent grandement les fabricants français.

C'est dans ce contexte de protection apparent de ce secteur industriel que se poursuit une véritable mainmise de groupes étrangers sur les entreprises françaises du cycle. Ceux-ci bénéficient par ailleurs de différentes aides publiques, sans qu'il soit exigé de contrepartie et d'engagements en matière d'emplois.

Tel est en particulier le cas avec l'exemple récent de l'absorption par le groupe suédois Monark Stiga de l'unité de Romilly-sur-Seine (Aube) du fabricant Cycleurope. Cet exemple, par les très graves menaces qui pèsent sur l'emploi et le maintien même du site de production, est révélateur de la mise en cause de l'existence d'une production française de cycles.

Cycleurope a été racheté au mois de juillet 1996, dans des conditions qui font d'ailleurs apparaître que les procédures légales n'ont pas été respectées. Ceci a motivé des observations de l'inspection du travail à la direction relevant notamment « une entrave caractérisée » et une absence de consultation du comité d'entreprise. La cession d'une entreprise française à un groupe étranger s'est donc faite dans la plus totale opacité et au mépris de nos lois.

À la suite de cette opération, la direction du groupe a pris prétexte de la concurrence internationale pour mettre en oeuvre un plan de restructuration qui se traduirait par la suppression de 166 emplois sur 620, une réduction de la durée hebdomadaire du travail avec perte de salaire, une remise en cause des avantages acquis du personnel.

Ces mesures s'appuyant sur d'importantes aides publiques (à hauteur de 115 millions de francs pour la seule année 1997), sous forme d'exonérations de charges sociales, de financements divers de formations ou de préretraites.

À travers le cas de cette entreprise apparaissent des pratiques qui ont cours dans l'ensemble de ce secteur d'activité. Une commission d'enquête permettrait d'établir les conditions dans lesquelles sont attribuées les aides publiques et de mesurer leur effet sur l'emploi.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique.

En application de l'article 11 du règlement et de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est créé une commission d'enquête de vingt et un membres sur les aides et fonds publics dont les entreprises de fabrication de cycles ont bénéficié et l'impact de ces aides sur les emplois de ce secteur.

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