Service des Commissions

Le rapport Teulade : un grave problème de méthode

Réunie le mercredi 9 février 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau (RI - Indre-et-Loire), la commission des Affaires sociales du Sénat a entendu M. René Teulade, sur l’avis du Conseil économique et social " L’avenir des systèmes de retraite ".

Au cours de la même séance, elle a entendu également M. Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan qui était déjà venu à deux reprises devant la commission, au printemps dernier, pour présenter son rapport au Premier ministre " L’avenir de nos retraites ".

M. René Teulade a tenu à souligner que le Conseil économique et social n’avait pas souhaité publier un nouveau rapport ou une nouvelle étude sur les retraites, mais avait émis, en toute indépendance, un avis pour éclairer les pouvoirs publics.

Il s’est élevé contre les commentaires selon lesquels cet avis se serait fondé sur une prévision de croissance de 3,5 % par an pendant 40 ans. Il a affirmé que, face à la réalité " mouvante et vivante " de la question des retraites, le Conseil économique et social s’était au contraire placé résolument dans un horizon de court terme, de l’ordre de 3 ou 4 ans.

M. Alain Vasselle (RPR - Oise), rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l’assurance vieillesse, s’est interrogé sur la pertinence d’une vision à si court terme lorsqu’on veut aborder " l’avenir des systèmes de retraite ".

Il a, en outre, constaté que le rapport Teulade se référait aux travaux de la mission Charpin, mais également à une étude du Conseil économique et social en date de juin 1999 (Perspectives socio-démographiques à l’horizon 2020-2040) et s’appuyait sur cette dernière pour souligner " le rôle clé de la croissance " dans la réponse aux problèmes financiers des systèmes de retraite.

Il a souligné que, sur ce point, les travaux du Conseil économique et social étaient en totale contradiction avec ceux du Plan : ainsi, avec des hypothèses identiques, et en retenant une indexation des pensions sur les prix, le poids des retraites dans le PIB baisserait, selon le Conseil économique et social, de 12,7 % en 1995 à 10,3 % en 2040, tandis que, dans le rapport Charpin, il atteindrait 15,8 %.

S’interrogeant sur la raison de cet écart massif minorant de moitié, soit plusieurs centaines de milliards de francs, la charge future des régimes de retraite, M. Alain Vasselle a relevé une erreur de méthode majeure.

Les projections retenues par le Conseil économique et social " oublient ", en effet, que la pension moyenne augmente à long terme au même rythme que les salaires. Car les pensions servies dépendent des salaires perçus par les assurés pendant leur carrière. Chaque génération d’actifs bénéficiant de salaires plus élevés que les générations précédentes, la pension moyenne augmente donc en termes réels d’une année sur l’autre, du simple fait du renouvellement des générations de retraités, et ceci quel que soit le mode d’indexation des pensions retenu.

Interrogé sur ce point, M. Jean-Michel Charpin a confirmé cette analyse. Il a précisé que, compte tenu des conséquences lourdes que pouvait entraîner une telle confusion, il avait souhaité consacrer à l’évolution de la pension moyenne une annexe spécifique de son rapport au Premier ministre. Il a constaté que cet effort de pédagogie n’avait pas porté ses fruits.

S’agissant de la question de l’horizon retenu pour traiter de l’avenir des retraites, il a considéré que certaines mesures, comme l’augmentation des cotisations, pouvaient être prises au jour le jour, au vu de la dégradation de l’équilibre financier des régimes, alors que d’autres, tels les mécanismes de capitalisation ou de réserve, devaient être programmées à l’avance.

Mais il a souligné les dangers pour l’équité entre les générations que comporterait un défaut d’anticipation face au déséquilibre, connu depuis plus de 10 ans, qu’entraînera le départ à la retraite des générations nombreuses de l’après-guerre.