LA PRÉFÉRENCE COMMUNAUTAIRE

Le rapport de la délégation pour l'Union européenne du Sénat - qui résulte des réflexions d'un groupe de travail pluraliste - apporte des éléments de réponse aux questions que suscite la notion de « préférence communautaire ».

Il montre d'abord les limites d'une conception défensive de la préférence communautaire. Celle-ci n'a pas de fondement dans les traités européens. Sa mise en œuvre dans certains cas a résulté d'un choix politique, non de l'application des traités, qui font figurer au contraire la réduction des barrières douanières parmi les objectifs de la Communauté. Surtout, la Communauté a désormais « consolidé » ses droits de douane à l'OMC. Si elle voulait relever ses droits de douane sur certains produits, elle devrait offrir et négocier avec ses partenaires des compensations commerciales d'importance identique à la « déconsolidation » ainsi opérée, par exemple sous la forme d'une baisse du droit de douane sur un autre produit. Comme les négociations de l'OMC ont notamment pour objectif de faire diminuer les droits de douane consolidés, la notion de préférence communautaire entendue comme une protection tarifaire est appelée à devenir résiduelle et à se concentrer sur certaines productions sensibles.

Mieux vaut donc passer d'une approche défensive à une approche offensive. Les règles de l'OMC ne s'opposent pas à des restrictions commerciales (dans la mesure où celles-ci n'entraînent pas une discrimination à l'égard de certains pays), lorsqu'elles ont pour but la protection de la santé, de l'environnement, de la propriété intellectuelle, ou la conservation de ressources naturelles épuisables. L'Union peut donc chercher à « exporter » certains aspects de son modèle, en agissant par l'incitation, comme elle l'a fait en réformant son système des préférences généralisées en juin dernier : pour bénéficier du nouveau régime, les pays en développement devront avoir ratifié et effectivement mis en œuvre certaines conventions relatives aux droits de l'homme et à ceux des travailleurs, à la bonne gouvernance, à la protection de l'environnement.Si la Communauté doit promouvoir ses valeurs, elle doit aussi s'assurer d'une concurrence internationale juste et loyale. En particulier, elle doit mieux défendre ses intérêts en matière de propriété intellectuelle et de respect des indications géographiques protégées (IGP) et des marques, et s'assurer d'une réciprocité effective dans l'ouverture des marchés. Enfin, elle doit encourager l' « excellence européenne » par des politiques communes plus actives en matière de recherche et d'industrie.

En conclusion, il apparaît que la « préférence communautaire », notion à valeur politique, ne doit plus être conçue comme un instrument défensif, qui se heurterait à nos engagements internationaux, mais comme un effort d'exportation des valeurs de l'Union, et comme une action en faveur du respect des règles permettant une concurrence non faussée.

Contact presse : Ali Si Mohamed   a.si-mohamed@senat.fr  01 42 34 25 11